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mercredi, 10 mars 2021

Julien Rochedy: «Je reproche au conservatisme traditionnel son manque de courage»

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"Nous allons devoir redécouvrir la communauté"...
 
Entretien avec Julien Rochedy
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Julien Rochedy à une revue culturelle suisse, dédiée au débat d'idées, Le Regard Libre, pour y évoquer son combat métapolitique.

Publiciste et essayiste, Julien Rochedy est une figure montante de la mouvance conservatrice et identitaire. Il vient de publier un essai intitulé Nietzsche l'actuel.

Julien Rochedy: «Je reproche au conservatisme traditionnel son manque de courage»

Le Regard Libre: En 2014, vous avez quitté le Front national pour vous lancer exclusivement dans le combat métapolitique. Pourquoi ce choix?

Julien Rochedy: J’étais entré en politique assez jeune et je ne voulais pas devenir exclusivement politicien. La politique est un monde dont il est difficile de sortir une fois à l’intérieur: on y entre avec des idéaux et de la passion, et on les perd en général au bout de quelques années. On ne peut cependant plus quitter ce monde parce qu’on y gagne de l’argent. Aujourd’hui, je pense même que la majorité des hommes politiques n’aiment pas particulièrement ce qu’ils font, mais y sont obligés, aspirés par leur milieu. Je pense que le monde de demain ne sera pas nécessairement structuré par la politique. Celle-ci n’est qu’une caisse enregistreuse des grands mouvements culturels et sociaux qui se jouent en Europe et en Occident. C’est désormais la société qui prévaut. Par conséquent, pour avoir un pouvoir sur ce qui va arriver demain, il s’agit d’acquérir ce qu’on appelle «l’influence». Influence sur la jeunesse, sur les intellectuels, sur les classes dirigeantes. Influence qu’on acquiert davantage par le truchement du combat des idées que par la pure «politique politicienne».

Vous avez été un membre influent du Front national, mais vous ne vous reconnaissez plus dans la ligne politique souverainiste adoptée par Marine Le Pen. Il existe néanmoins au sein du parti une ligne plutôt libéral-conservatrice, dans le sillage de Marion Maréchal. Vous reconnaissez-vous dans cette droite-là?

Oui, c’est une des raisons pour lesquelles j’ai quitté le Front national. Marine Le Pen s’est choisi un positionnement strictement souveraino-populiste, tandis que – s’il fallait absolument me mettre une étiquette, nécessairement réductrice – je suis effectivement plus proche des libéraux-conservateurs.

Qu’est-ce qu’une droite libérale-conservatrice?

Disons qu’en ce qui concerne la France, c’est une droite qui prend conscience avant tout des problèmes identitaires – les plus graves que nous ayons à affronter. C’est une droite qui se concentre sur nos racines civilisationnelles, tout en considérant la réduction nécessaire des impôts et des charges sociales qui pèsent terriblement sur les acteurs économiques français – notamment sur nos petites entreprises, nos travailleurs et nos artisans. Je me sens proche de ces idées-là. Je pense que c’est ce que nous pouvons faire de mieux en ce moment. Avant de promettre que la société française se portera bien mieux quand on aura changé le monde et l’Europe, il faut régler les problèmes franco-français, liés à notre Etat omnipotent et à notre culture très gauchiste. Evidemment, nous pouvons dans le même temps tenter d’insuffler quelque chose de neuf en Europe, mais nous ne pouvons pas nous défausser de tous nos problèmes sur l’Union européenne – ce que les souverainiste ont tendance à faire en permanence. Une façon de faire assez fausse en plus d’être démagogique.

Vous parlez beaucoup d’identité. Est-ce cela qui complète l’étiquette de libéral-conservateur, que vous jugez simplificatrice?

Oui. Le cadre intellectuel du libéral-conservatisme tel que je m’y retrouve est un cadre plutôt national, qui nécessite un contexte civilisationnel homogène. La libre entreprise fonctionne dans la mesure où les gens sont capables de s’autoréguler moralement, sans être dépendants des lois et des règlements émanant d’un Etat, car ils tirent ces règles d’eux-mêmes et de l’organisation communautaire. Un des modèles de ce libéral-conservatisme est l’Amérique, du moins dans certaines de ses parties, où les gens sont libres mais où «l’église est au milieu du village» – c’est-à-dire qu’il y existe une régulation communautaire effective. Sans cette dernière, le libéralisme perd tous ses freins moraux et entre dans un processus négatif. On parle alors de «libéralisme libertaire» ou de «libéralisme progressiste». Par conséquent, parce que le libéralisme doit être construit sur une base cohérente pour fonctionner, le libéral-conservatisme se doit nécessairement d’intégrer une certaine dose d’«identitarisme».

A propos de conservatisme, vous critiquez souvent la droite conservatrice traditionnelle – la droite du Figaro par exemple – qui draine une part non négligeable de l’opinion publique. Pourquoi cette critique? Après tout, les thèmes identitaires y sont très présents depuis plusieurs années déjà.

Je reproche au conservatisme traditionnel sa pusillanimité, son manque de courage. C’est une droite qui n’ose pas tirer toutes les conséquences de ses réflexions. Elle est souvent en retard sur ses raisonnements et tient tellement à être bien vue par les élites progressistes qu’elle a finalement peur de son nom. Dès lors qu’elle avance une idée légèrement radicale, elle fait aussitôt marche arrière, pour ne pas être traitée d’extrémiste. Or, cette crainte précisément donne tout pouvoir à la gauche, qui se régale de jeter des anathèmes sur la droite, la rendant inefficiente. Ce que je reproche le plus au conservatisme, c’est de ne pas oser affronter la gauche en face, n’assumant pas ce qu’il est: une droite qui peut tirer des enseignements de la contre-révolution, de l’antimodernisme, de la tradition anglaise «burkienne». Par peur, cette droite-là n’ose pas aller sur le champ de bataille idéologique avec toutes les munitions qu’elle possède.

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Sur le plan idéologique précisément, vous dites combattre le nihilisme – reprenant évidemment le vocabulaire de Nietzsche sur lequel vous avez écrit un livre: Nietzsche l’actuel. Qu’entendez-vous par là?

On parle souvent de «racisme systémique» pour décrire la société occidentale; je parle quant à moi de «nihilisme systémique». Ce nihilisme s’incarne dans la volonté de l’Occident, consciente ou inconsciente, de s’auto-supprimer. Le nihilisme, c’est le désir du néant, du néant en soi-même – du suicide en quelque sorte. L’Occident et l’Europe occidentale semblent souvent tout faire pour se supprimer eux-mêmes, pour supprimer ce qu’ils sont dans leur chair, dans leur matérialité.

Quelle est la place de Nietzsche dans cette analyse?

L’Occident s’est jeté au XIXe siècle dans une toute nouvelle aventure: celle de la «mort de Dieu» – comme l’a appelée Nietzsche. Dans ce contexte, Nietzsche est l’un des premiers à avoir analysé l’avènement du nihilisme occidental. C’est le philosophe qui a réfléchi aux conséquences d’une civilisation qui se passe de Dieu à tous les niveaux, alors que toutes les civilisations dans le monde et dans l’histoire ont toujours cru en une divinité ou en une religion – importantes pour fédérer les individus et tenir en bride le nihilisme qu’ils peuvent avoir en eux. Nietzsche a analysé ce que cela pouvait produire sur nos consciences, en psychologie. Il a vu que le nihilisme menaçait et qu’il pouvait conduire à la ruine totale de la civilisation européenne, à son autodestruction. Nietzsche disait lui-même qu’il faudrait le lire un siècle après sa mort ; nous y sommes. C’est en cela qu’il est intéressant: nous vivons exactement ce qu’il avait prédit et ce contre quoi il nous avait mis en garde. Mais s’il avait prévu ces choses-là dans sa philosophie, on peut aussi y trouver des éléments qui nous permettent de nous sauver.

Justement, au-delà du constat passif, de l’analyse et de la critique de la société, quels sont les combats qu’il faut mener «activement» selon vous? Qu’y a-t-il à construire?

C’est une large question. C’est un travail que je mène en réfléchissant à ce qui pourrait être un nouvel idéal pour la société européenne, un nouveau souffle. On constate bien aujourd’hui que l’Occident ne sait plus que faire, sinon se supprimer. La crise profonde qu’il traverse résulte de cette absence de but et d’idéal. C’est aussi pour cela que la civilisation occidentale a trouvé des succédanés à la religion pour essayer de continuer de rêver et ainsi ne pas sombrer dans le nihilisme. Ce furent par exemple les idéaux totalitaires du XXe siècle, qu’ils fussent communistes ou nationaux-socialistes. Ces idéaux permettaient de croire en quelque chose. Mais depuis que la société «libérale-progressiste» a gagné et que le communisme est mort, les gens n’ont plus rien pour se projeter dans le futur. On le constate avec des phénomènes comme l’écologie, ou plutôt «l’écologie progressiste», qui conduit les gens à ne plus vouloir faire d’enfants – symptôme typique du nihilisme. C’est l’idéologie punk: no future, parce que nous pensons être détestables et avoir rendu le monde détestable. Dans ce contexte suicidaire, c’est à nous, intellectuels, de chercher ce qui pourrait nous donner un nouvel idéal, nous redonner l’envie de vivre, de faire des enfants, afin de poursuivre le destin de notre civilisation.

484_1739421.gifAu cœur de l’Occident décadent, vous parlez souvent de « l’individu postmoderne » en le comparant au dernier homme décrit dans Ainsi parlait Zarathoustra. Qu’est-ce que cet «individu postmoderne»?

L’individu postmoderne est un individu réduit à son seul individualisme. Il est d’une naïveté à faire peur et croit que nous sommes sortis de l’Histoire, que l’Histoire n’est plus tragique. Il se concentre exclusivement sur sa petite santé et n’est plus mû par une vraie philosophie jouisseuse, mais se contente d’une médiocre jouissance du bien-être. Cet individu correspond au «bouddhisme européen» décrit par Nietzsche: non pas le grand bouddhisme beau et intelligent des civilisations asiatiques, mais un bouddhisme au sens d’une pensée médiocre qui se concentre sur les petites souffrances, les petites vertus et les petites douleurs. On ne fait plus rien de grand, on ne se projette plus, on ne parle plus que d’amour du prochain. L’individu post-moderne est finalement un chrétien devenu fou, pour reprendre la formule de Chesterton. C’est un tout petit individu qui ne rêve plus à grand-chose, ou, comme le disait Jacques Brel en répondant à la question «qu’est-ce qu’un imbécile?», c’est celui qui pense qu’il faut se contenter de vivre. Ce faisant, l’individu devient complètement fou.

Pensez-vous qu’il s’agisse du type d’individu majoritaire en Europe?

En Occident, en tous cas, c’est le type d’individu que l’on a fabriqué. Mais nous sommes en train de vivre la fin de cet individu post-moderne – en même temps que son apogée – parce que les temps redeviennent tragiques. Nous allons devoir redécouvrir la communauté et on peut espérer, dans notre malheur, retrouver un certain bon sens, un nouveau souffle pour l’Europe.

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On constate que vous basez une grande partie de votre analyse sur la pensée de Nietzsche. Cependant, vous êtes en profond désaccord avec la tradition française du «nietzschéisme de gauche» – dont Michel Onfray est une des figures actuelles. Que lui reprochez-vous?

Michel Onfray, effectivement, était un nietzschéen de gauche, mais il est en train de changer, comme on peut le remarquer. Lui-même a déclaré à des amis il y a un ou deux ans qu’il commençait seulement à comprendre Nietzsche. C’est-à-dire qu’il était parti sur une base nietzschéenne relativement fausse, qu’il remet en question désormais. On le voit à son parcours : il se sépare de plus en plus de ses idées de gauche et progressistes qu’il pouvait avoir il y a encore dix ou vingt ans. Je reproche aux nietzschéens dits «de gauche» d’utiliser Nietzsche pour détruire les bases de la société classique occidentale – notamment le christianisme. Ces gens-là utilisent en fait la critique nietzschéenne pour se libérer d’un certain nombre de carcans qu’ils trouvent oppressifs, mais dont ils oublient que si Nietzsche les a critiqués, c’était précisément pour nous mettre dans des carcans encore plus durs, encore plus exigeants, et tout à fait antiprogressistes. C’est donc ne prendre de Nietzsche que ce qui les arrangent, sans aller au fond des choses.

Mais n’est-ce pas le même piège qui se présente à vous qui souhaitez pratiquer une sorte de «nietzschéisme de droite»? Ne doit-on pas d’abord considérer Nietzsche comme un poète plutôt que d’en faire une «utilisation» militante?

Nombreux sont ceux qui, pour ne pas tirer toutes les conséquences de sa pensée, réduisent Nietzsche à un poète, à quelqu’un qui n’est pas systématique, qui se contredit. Ces gens restent pour moi très à l’écart de ce que dit Nietzsche réellement, et je ne peux pas être d’accord avec eux. Je tiens Nietzsche pour un philosophe complet. Certes, il ne s’est pas attardé à la production d’un système tout à fait cohérent, mais il a produit une œuvre dans laquelle on trouve une vision du monde relativement globale sur tous les sujets. La philosophie nietzschéenne est aussi très utile pour comprendre le monde que nous avons à affronter. Comme je l’ai avancé précédemment, Nietzsche a vu toutes les conséquences de la nouvelle ère sans Dieu de la civilisation occidentale, dont nous arrivons au terme aujourd’hui. Cela ne veut pas dire que je sois nietzschéen à cent pour cent. Je ne dis pas que Nietzsche aurait été à mes côtés dans tous mes combats politiques d’aujourd’hui – j’essaie du reste de dépasser sa pensée sur un certain nombre de choses. Je dis simplement qu’il y a dans sa philosophie des éléments par lesquels il est absolument nécessaire de passer si l’on veut tenter de comprendre totalement le monde actuel.

Julien Rochedy, propos recueillis par Antoine Bernhard (Le Regard Libre, 4 février 2021)

jeudi, 17 septembre 2020

Julien Rochedy : « Lire Nietzsche est très intéressant au moment où l’Europe est en danger de mort »

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Julien Rochedy : « Lire Nietzsche est très intéressant au moment où l’Europe est en danger de mort » [Interview]

Ex: https://www.breizh-info.com

Julien Rochedy se présente comme « un retraité de la politique, jeune essayiste, combattant pour le futur et l’identité de l’Europe ». Il vient de publier un livre intitulé Nietzsche l’actuel, consacré au philosophe allemand comme son nom l’indique, avec dans la foulée Nietzsche et l’Europe.

Un livre qui permettra à ceux qui ont du mal à pénétrer l’univers de Nietzsche d’enfin le faire, car particulièrement accessible. Nous le recommandons vivement (il a été publié en auto édition, et peut se commander ici).

Nous nous sommes entretenus avec Julien Rochedy de son ouvrage.

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Breizh-info.com : Question qui fâche : n’êtes-vous pas un peu jeune encore pour prétendre avoir compris et analysé l’œuvre de Nietzsche dans son ensemble ?

Julien Rochedy : J’ai commencé à lire Nietzsche quand j’avais quatorze ans. Cela fait donc plus de dix-huit ans ans que je le lis, et mieux, qu’il m’accompagne. De surcroît, je n’ai pas d’approche « universitaire » de son œuvre, ce qui rend la lecture de mon livre d’autant plus accessible.

Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous attire, vous fascine, chez le philosophe allemand ?

Julien Rochedy : Il a été mon maître pendant des années et je lui dois l’essentiel de ma vision du monde. J’aime la force de son écriture, l’amoralisme de ses idées, l’actualité brûlante de ses questions. Il est à la fois un roboratif dans le cadre d’un développement personnel exigeant, et une lumière pour éclairer les phénomènes qui nous entourent.

Breizh-info.com : Vous écrivez que nous vivons aujourd’hui l’apogée, ou plutôt l’acmé, de ce que Nietzsche avait vu et prévu en Europe, c’est-à-dire ?

Julien Rochedy : Nietzsche pose la question du nihilisme après l’évènement colossal de ce qu’il appelle « la mort de Dieu », c’est-à-dire la quasi-suppression de la religion dans les déterminants majeurs de notre civilisation. Les conséquences de cette « mort », à entendre d’un point de vue symbolique, peuvent être funestes pour les coupables de ce crime, à savoir les Européens. Nous vivons aujourd’hui l’acmé de ce nihilisme, dont l’un des symptômes est cette volonté radicale d’en finir avec notre civilisation, c’est-à-dire avec nous-mêmes.

Breizh-info.com : Au même titre que le marxisme semble aujourd’hui – eu égard à l’évolution de nos sociétés – en partie dépassé, la philosophie de Nietzsche ne l’est-elle pas également, lui qui a pensé en un autre temps, profondément différent ?

Julien Rochedy : Je crois au contraire que Nietzsche est plus actuel que jamais. Lui même disait qu’il ne serait vraiment compris que dans un siècle, autrement dit à notre époque. Nietzsche a vu la plupart des phénomènes qui allaient conduire à la situation que nous sommes en train de vivre. Maintenant arrive le moment de vérité : c’est au bord du précipice que nous pourrons nous sauver.

Breizh-info.com : En quoi votre ouvrage, Nietzsche et l’Europe, prolonge-t-il votre introduction à sa philosophie ? En quoi est-ce profondément d’actualité ?

Julien Rochedy : J’ai ajouté à mon introduction à la philosophie nietzschéenne « Nietzsche l’actuel » le mémoire que j’avais écrit durant mes années universitaires : « Nietzsche et l’Europe ». Il est très intéressant de lire celui qui se considérait comme un bon Européen, car au moment où l’Europe est en danger de mort, il est peut-être celui qui la connaissait le mieux, qui décrivit parfaitement les terribles menaces planant au dessus de sa tête, et qui révéla surtout les idées pour qu’elle se métamorphose.

Propos recueillis par YV

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine – V

jeudi, 02 juillet 2020

DEVENEZ DES SURHOMMES

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DEVENEZ DES SURHOMMES

Le Soleil se lève #8

( @Julien Rochedy @Thomas Ferrier)

 
 
 
Bienvenue pour le huitième podcast du Soleil se lève, l'émission mensuelle de l'ECP avec comme invités spéciaux @Julien Rochedy et @Thomas Ferrier .
 
Autres intervenants : Lucien Lachance, Djuky (@Jacky l'espoir) et Philosophischer Stahl.
 
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THÈME DU MOIS : NIETZSCHE L'ACTUEL - NIETZSCHE ET L'EUROPE, Julien Rochedy, 2020 https://www.rochedy.com/livres/nietzs... 
LA PROMO DU MOIS : Noir Sur Noir (jeu de société) https://cutt.ly/siteweb_NoirSurNoir 
LIENS UTILES Rejoindre l'ECP (pour intégrer une équipe déjà montée) : paris.equipe@gmail.com
 
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La chaine de @Julien Rochedy : https://www.youtube.com/channel/UCipy...
La chaine de @Thomas Ferrier : https://www.youtube.com/channel/UCEP3...
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La chaine de Philosophischer Stahl : https://www.youtube.com/channel/UCM9h...
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SOMMAIRE 00:00:00
Introduction et présentation des invités 00:02:49
L'invité du jour (Julien Rochedy, Nietzsche l'actuel) 00:58:58
Le JT de vv 01:20:28
L'info du mois : Communautarisme Tchétchène 01:39:50
La promo du mois : Noir Sur Noir (jeu de société) 01:47:25
Présentation des initiatives des invités ------------------------------------------------------------------------------------------------
REMERCIEMENTS
Un grand merci à experts audiovisuels : Juigi di Pesto, Crusty, MacMucus, Prince NoBongo et Hektor ! Un grand merci aussi à tous ceux, connus ou non, qui nous ont partagés. Merci à tous ceux qui nous soutiennent sur Tipeee (notamment Salt Piotr) et sans qui ce travail ne serait plus possible. Enfin, merci à vous tous pour votre soutien et votre confiance ! ------------------------------------------------------------------------------------------------

vendredi, 15 février 2019

Julien Rochedy: "Klare Kante zeigen!"

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Julien Rochedy: "Klare Kante zeigen!"

Ex: http://www.katehon.com 

 
Unzählige NGOs und Aktivisten betätigen sich als illegale „Fluchthelfer“. Der französische Autor und Politikanalyst Julien Rochedy sieht darin eine der großen Gefahren für den europäischen Kontinent.

Herr Rochedy, die US-amerikanische NGO „Advocats Abroad“ wurde von der kanadischen Bloggerin Lauren Southern überführt, illegale Migranten in Grie­chenland zu wahrheitswidrigen An­gaben angestiftet zu haben, um sie vor einer Abschiebung zu bewahren. Über­rascht Sie das?

Rochedy: Mich überrascht das nicht. Mich überrascht hingegen die oftmals theatralische „Überraschung“ vieler, die so tun, als sei das alles gar nicht klar ­gewesen. Eine ganze Armada an so­genannten Nichtregierungsorganisatio­nen (NGOs) ist im Feld der „Schleuserei“ von Migranten nach Europa auf verschie­denen Ebenen tätig.

Was meinen Sie damit?

Rochedy: In ganz Europa sind unzäh­lige sogenannte „zivilgesellschaftliche“ Initiativen dabei, die Grenzen nach ­Europa durchlässig zu lassen. Dazu zäh­len auch die sogenannten „Seerettungs“-NGOs, die auf dem Mittelmeer eine Art Shuttle-Service für illegale Bootsmigranten betreiben. Die Grenzen zwischen „Flüchtlingshelfern“ und „Flucht­helfern“ verlaufen hierbei fließend.

Ist das nicht illegal?

Rochedy: Die Frage nach Legalität und Illegalität erscheint heute nicht mehr wichtig. War denn die Entscheidung der deutschen Bundeskanzlerin Angela Merkel rechtens, 2015 die Grenzen für den Massenansturm von Migranten zu öffnen? Soweit ich informiert bin, streiten sich darüber die Rechtsexperten in Deutschland. Und wenn es tatsächlich „illegal“ war, was hat Merkel dann zu befürchten? Die Frage bringt uns also kaum weiter. Aber das deutsche Beispiel führt in die richtige Richtung.

Wie meinen Sie das?

Rochedy: Wenn die Regierungschefin der wichtigsten europäischen Industrie­nation sich über solche Fragen einfach hinwegsetzen kann, warum sollten ­diese dann für irgendwelche NGO-Aktivisten plötzlich eine Rolle spielen? Wenn eine ganze Reihe europäischer Staatschefs dem UN-Migrationspakt in Marrakesch zustimmt, der Migration quasi zu ei­nem „Menschenrecht“ erklärt, nicht mehr von illegaler und legaler Migra­tion spricht, sondern nur von regulärer und irregulärer Migration, warum soll­ten dann all jene NGOs und Pro-Asyl-Gruppen hinter dem zurückbleiben? Ich meine: Die große Richtung wird von den Regierungen Deutschlands, aber auch Frankreichs vorgegeben, die NGO-Aktivisten fühlen sich – leider völ­lig zu Recht – als eine Art „ausführendes Organ“ der großen Politik. Die etablier­ten Medien befeuern das sogar noch mehr. Fluchthelfer, die vorsätzlich das Recht brechen und Illegale in das Herz Europas schleusen, werden zu „selbst­losen Helden“ hochgeschrieben. Hier ist eine Kampagne im Gang, an der Re­gierungen, Massenmedien und NGOs beteiligt sind. Im Prinzip ist schon die Bezeichnung „Nichtregierungsorganisa­tionen“ irreführend. Denn diese Organi­sationen betätigen sich ja quasi als ir­reguläre Regierungsorganisationen.

Im Zusammenhang mit den Begriffen Zivilgesellschaft und NGO taucht immer wieder der Name des amerikanisch-ungarischen Börsenspekulanten George Soros auf…

Rochedy: Kein Wunder, er scheint ja auch ein großes Interesse daran zu ­haben, mehr mit seinen „philanthro­pischen“ Projekten in Verbindung ge­bracht zu werden als mit seinen Investment-Aktivitäten. Soros betreibt ein ganzes Netzwerk an sogenannten „Open Society“-Organisationen und -Initiati­ven, die – wie der Name bereits verrät – das Modell der „Offenen Gesellschaft“ propagieren. Das klingt für viele Men­schen auch erst einmal sympathisch, weil sie sich darunter recht wenig vor­stellen können. Es ist aber ein Gesellschaftssystem, das keine kollektiven Identitäten duldet, weder religiöse noch kulturelle. Auch kleinste Zusammenschlüsse wie beispielsweise die traditio­nelle Familie geraten da ins Visier. Es ist also nicht verwunderlich, daß Soros-Stiftungen und -NGOs in allen Berei­chen tätig sind, in denen traditionelle, kollektive Identitäten aufgeweicht oder bekämpft werden. Soros fördert Schwulen- und Lesbenvereine und linksliberale Oppositionsgruppen in vielen Ländern – das ist alles kein Geheiminis. An den sogenannten „Farbrevolutionen“ in Osteuropa waren stets Gruppen und Organisationen beteiligt, die von Soros finanziert wurden. Ein bekanntes Bei­spiel hierfür ist die serbische Organisa­tion „Otpor!“ („Widerstand“), die Ende der 1990er Jahren in Serbien gegründet worden war. Sie wurde zu einem wich­tigen Teil der Oppositionsbewegung ge­gen Slobodan Miloševic in Serbien, der im Jahr 2000 gestürzt wurde. Multi­millionär Soros gehörte zu den bedeu­tendsten Sponsoren von „Otpor!“. Sogenannte „Oppositionstrainer“ aus Serbien schulten später auch Aktivisten in den früheren Sowjetrepubliken und in Nordafrika, wo 2011 der „Arabische Frühling“ begann. Man kann also zu­sammenfassen: Überall dort, wo es dar­um ging oder geht, Gesellschaften zu destabilisieren, sie quasi „aufzuknacken“, war und ist George Soros aktiv. Das gleiche gilt natürlich auch beim Thema „Einwanderung“: Im Herbst 2015 – also während des Massen­ansturms von Migranten auf Europa – forderte Soros die EU auf, innerhalb der nächsten Jahre mindestens eine Million „Flüchtlinge“ pro Jahr aufzunehmen, sie zu versorgen und ihnen die Wahl ihres Wohnortes zuzugestehen. Die Denk­fabrik mit dem eher harmlosen Namen „European Stability Initiative“ (ESI), die maßgeblich den als „Merkel-Plan“ bekannt gewordenen Flüchtlingsdeal mit der Türkei entwarf, wird von Soros’ „Open Society Foundations“ finanziell gefördert.

Das alles mit der Motivation, etwas „Gutes“ zu tun?

Rochedy: (lacht) Das ist, was die mei­sten Anhänger und Sympathisanten von Soros und den von ihm geförder­ten NGOs und Aktivistengruppen ger­ne glauben. Und das ist nicht verwun­derlich: Wer ist denn nicht gerne auf der Seite der „Guten“ und kämpft ge­gen das „Böse“? Doch was meistens unter den Teppich gekehrt wird, ist, daß die Kehrseite der „offenen Gesellschaft“ mit ihren „offenen Grenzen“ auch der „offene, barrierefreie Markt“ ist. Und genau hier klingelt die Kasse von angeblichen Philanthropen wie Soros. Denn „Philanthropie“ ist für ihn eben ein Investment. Wenn ein Staat destabilisiert ist und brodelt, fallen eben auch protektionistische Han­delsgesetze, die von Soros und seinen Anhängern stets plakativ als „nationalistisch“ bezeichnet werden.

Das ungarische Parlament hat im Juni letzten Jahres ein sogenanntes „STOP-Soros-Paket“ verabschiedet, zu dem auch Gesetze gehören, die „Fluchthelfer“-NGOs die Arbeit erheblich erschweren sollen. Ist das der einzige Weg?

Rochedy: Ungarn nimmt insgesamt hier eine Vorreiterrolle in Europa ein. NGO-Mitarbeiter und -Aktivisten ma­chen sich demnach strafbar, wenn sie „Beihilfe zur illegalen Migration“ leisten. Die im Gesetz enthaltene Änderung des Strafgesetzbuchs sieht Arrest­strafen sowie im Wiederholungsfall Freiheitsstrafen von bis zu einem Jahr vor. Darüber hinaus gilt in Ungarn be­reits seit 2017 ein Gesetz, das allen NGOs, die jährlich mehr als 23.000 Euro Förderung aus dem Ausland erhalten, vorschreibt, sich in Publikationen und Internet-Auftritten als „vom Ausland unterstützte Organisation“ zu bezeichnen.

Die europäische Mainstream-Presse läuft gegen diese Gesetze Sturm…

Rochedy: …was deren Richtigkeit und Notwendigkeit zeigt. Ich meine das völlig ernst. NGOs wie „Advocats ­Abroad“, die angeblichen „Seenot­retter“-Schiffe oder auch die Soros-finanzierte Einwanderungslobby ge­hen ja nicht nur einem Spleen oder Hobby nach. Es geht hier nicht um ir­gendeine Spinnerei, sondern darum, das Gesicht Europas unumkehrbar zu verändern. Da muß man fragen: Wer hat diese Leute dazu autorisiert? Wer hat sie gewählt? Wenn ein Staat wie Ungarn hier klare Kante zeigt, ist das nur zu begrüßen. Wir brauchen eine solche Gesetz­gebung eigentlich auf europäischer Ebene. Im Prinzip wäre das eine der ganz wenigen sinnvollen EU-Gesetzes­initiativen, die ich mir vorstellen könnte.

Würde das von Washington einfach so hingenommen werden? Immerhin finanzieren oftmals US-Stiftungen oder einzelne US-Geldgeber in Europa tätige NGOs…

Rochedy: Ich glaube nicht, daß man sich ernsthaft an den Reaktionen aus den USA orientieren sollte. Aber wenn man schon gerne über den Atlantik schaut, um sich von dort Inspiration zu holen, dann lohnt sich ein Blick in die US-amerikanische NGO-Gesetzgebung. Denn auch in den USA gibt es ein ­Gesetz über ausländische Agenten – den Foreign Agents Registration Act (FARA). Das amerikanische Gesetz wurde 1938 verabschiedet, um gegen Propagandisten aus Deutschland vor­gehen zu können. 1966 angenommene Änderungen zielten in erster Linie auf politische Lobbyisten ab, die im Auftrag fremder Länder tätig sind. Hätten wir ein solches Gesetz in der EU, hätten wir wahrscheinlich weit weniger Probleme – auch in bezug auf die sogenannten Fluchthilfe-NGOs.

Herr Rochedy, vielen Dank für das Gespräch.

mardi, 29 mars 2016

Julien Rochedy: l'Etat contre le peuple

Carrefour de l'Horloge

Julien Rochedy

L'Etat contre le Peuple

mercredi, 30 décembre 2015

A quoi peut servir la politique dans le monde nouveau ?

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Réflexion sur le temps présent, c’est à dire du temps qui presse...

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julien Rochedy, cueilli sur son site Rochedy.fr et consacré à la question de la politique dans une période qui ressemble fort à la fin d'un monde...

A quoi peut servir la politique dans le monde nouveau?

Réflexion sur le temps présent, c’est à dire du temps qui presse

par Julien Rochedy

Dans la période que nous vivons, je tiens que la politique, entendu au sens d’une force qui réglementerait nos vies individuelles, n’a non seulement plus de pertinence, mais surtout plus d’objet.

D’abord, d’un point de vue historique, les formes politiques que nous connaissions sont au stade de l’agonie. Il est possible de se battre pour maintenir en état les choses, mais ce faisant, nous ne faisons que gagner du temps ; nous ne pouvons inverser le processus.

L’Etat pourrait contraindre les hommes à « vivre-ensemble », les enfermer de force dans la circonscription nationale,  mettre le paquet dans l’Education pour former des Français pensant, sentant, s’exprimant tel un Gaulliste des années 60 ou un hussard noir des années 1900, que tout cela serait vain, nécessairement emporté par les flots des évolutions historiques, du monde en marche, du temps qui coule et qui bouleverse.

Pour s’en convaincre, il faudrait un livre entier d’arguments, et celui-ci arrivera, mais en attendant, il suffit aussi de regarder autour de soi, et, peut-être, de connaître un peu l’Histoire. Dans celle-ci, il n’y a point de schéma idéal et figé comme tel. Tout se transforme en permanence, selon des logiques connues. La vérité d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui. Il faut agir et penser selon les forces en présence et les potentiels possibles ; il faut, en un mot, se contextualiser, seul droit, finalement, à la pertinence.

J’aime l’exemple des Empereurs romains du bas-Empire. Contrairement aux idées reçues, ils ne furent point des décadents. Au contraire, la valeur d’un Marc-Aurèle, d’un Julien, d’un Septime Sévère, Claude II, Probus, Aurélien, Valentinien, Théodose, Dioclétien ou d’un Constantin, est d’un rare mérite. Ce sont des hommes d’Etat et des soldats hors pairs, peut-être supérieurs à des Auguste ou des Césars. Pourtant, ils combattaient et régentaient dans le vent. Par leur puissance et leur énergie, ils parvinrent à ralentir la mort d’un corps politique qui pourtant l’était déjà, l’Empire.

De Gaulle, le dernier des grands Français, avait tout compris. Dans les Chênes qu’on abat, dialogues avec Malraux, il reconnaît qu’il aura écrit la dernière page de l’Histoire de France, et il sait que ce qui n’est qu’une morphologie politique parmi tant d’autres, la France, était vouée à se transformer considérablement, comme l’Empire Romain du Ve siècle commença lui-même  à se transformer pour voir apparaître de nouvelles formes politiques, et, en quelque sorte, une nouvelle Histoire.

Désormais, à quoi sert donc la politique, si elle n’est plus qu’un théâtre d’ombres jouant au  pouvoir et rêvant à des restaurations impossibles ? Plus grand-chose, assurément. Toutefois, la politique a encore un rôle à jouer.

Si elle ne cherche qu’à retarder, qu’à restaurer, alors elle échouera, et le temps qu’elle fera perdre aux hommes sera catastrophique.  Mais elle peut envisager un autre objet : permettre l’accouchement du monde en germes en protégeant dans le chérubin ce qu’il y a de plus utile. Pour y parvenir, sa dignité sera de se retirer au maximum.

Les Européens, et parmi eux les Français, crèvent de déresponsabilisation. Quand leur corps politique était encore vivant et vivace, ils jetaient leurs yeux au Ciel et voyait l’Etat, qui les embrassait dans une puissance commune ; il les protégeait, et les projetait. Aujourd’hui, quand leur corps politique n’est plus qu’une fiction, et qu’ils n’ont plus par conséquent qu’une fiction d’Etat, ils persistent à jeter leur yeux au Ciel mais ne voient plus rien. Le Salut par la politique n’est plus ; mais, misérables qu’ils sont, il attendent, à cause d’une trop longue habitude, les genoux à terre et les mains suppliantes. D’où les angoisses actuelles, la turbidité, la nervosité qu’aucune force ne semble pouvoir épancher.

C’est que la politique s’occupe encore trop d’eux. Elle n’a plus la force du père, mais elle a gardé celle de la mère. Elle n’est plus qu’une assistante sociale qui doit « s’occuper de leurs problèmes », « écouter leurs préoccupations », « leur trouver du travail », « bien les soigner », et au final, bien les dorloter. Les hommes et les femmes de notre personnel politique ont pris le pli de cet état de fait ; celui qui gagnera l’élection sera celui qui rassurera le plus, comme s’il s’agissait d’un concours de la meilleure maman.

Le véritable intérêt de la politique serait de réparer cette situation, et non pas d’y souscrire. Il faudrait que la politique reflue d’elle-même, qu’elle arrête de s’occuper des hommes.  Que la politique cesse de se préoccuper de l’éducation des enfants, qu’elle arrête de maintenir des foules entières dans l’assistanat,  qu’elle ne se mêle plus de morale (démocratisme, droits-de-l-hommisme, vivre-ensemble etc.), qu’elle oblige même les individus à s’intéresser eux-mêmes à leur sécurité, et en quelques décennies seulement, les hommes, les citoyens, accoucheraient du monde nouveau, avec ses nouvelles formes d’organisation, ses nouvelles élites, ses sanctuaires, sa nouvelle morale et ses nouveaux desseins.

Laissez une province tranquille. Ne lui faites plus la morale. Ne l’assistez plus. Obligez là à se prendre en main. En somme, mettez Paris sous cloche de verre. Revenez quelques années plus tard : vous trouverez là des hommes qui s’en seront sortis, qui auront renouvelé leurs élites,  qui se seront organisés de telles façons qu’ils auront d’eux-mêmes chassés les perturbateurs ou les inutiles, qui auront trouvé comment avoir un intérêt économique dans la mondialisation et auront revivifié leur culture populaire et traditionnelle, etc. Ou alors, cette province sera morte, vidée de ses meilleurs habitants, et dans ce cas, c’est qu’elle vivait sous perfusion et qu’elle devait, historiquement, crever. Et à ce compte là tout est bien.

Revenez ensuite encore quelques décennies plus tard, et observez un nouvel Etat régénéré qui  se fera fort de concentrer ces provinces et leurs nouvelles organisations dans une volonté commune. De là, il pourra s'appuyer sur des forces renouvelées et donc briller. Puis, quelques siècles plus tard, il dégénérera, et ainsi de suite. l'Histoire est fabuleuse. 

De toutes façons, c’est exactement ce qu’il se passe actuellement. La politique n’a plus de volonté, car elle n’a plus de force ; elle n’est que velléitaire. Sa nature de père est morte avec De Gaulle, sa nature de mère n’en a plus pour très longtemps. Le seul souci, c’est qu’en ne le voyant pas, cette transition risque de se faire dans l’anarchie la plus complète, tandis qu’un homme politique avisé pourrait accompagner cette transition en sauvant au maximum ce qui pourrait l’être.

Les hommes ont besoin de liberté et de responsabilité. Par là, ils arrêteraient de courir après de chimères, et, se prenant en mains, ils s’organiseraient comme ils doivent s’organiser naturellement, car telle est leur nature. Il ne faut pas brider la nature et ce qu’elle porte en elle, il faut, au contraire, lui permettre d’accoucher en douceur.  Voici ce que serait encore, en ce début de millénaire, l’honneur de la politique.  

Julien Rochedy (Rochedy.fr, 22 décembre 2015)

jeudi, 03 décembre 2015

Julien Rochedy au Forum de la dissidence

Julien Rochedy est intervenu au Forum de la dissidence samedi 21 novembre dans le cadre de la table ronde «Grand Remplacement et réveil des identités» avec Renaud Camus et Damien Rieu

Il nous livre ici son point de vue sur la dissidence.

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mardi, 01 décembre 2015

La volonté de sanctuaires...

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La volonté de sanctuaires...

par Julien Rochedy

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un texte de Julien Rochedy, cueilli sur son site Rochedy.fr et consacré à la nécessaire création de sanctuaires culturels, géographiques et humains pour les populations de souche européenne...

La volonté de sanctuaires

Il faut toujours demander à un écrivain de formuler les choses. Tandis que je me perdais dans mes clarifications à propos du thème des communautés qui, accolé à son générique, le communautarisme, faisait que ceux-là même à qui il devait le plus parler se trouvaient bien gênés de l'entendre et de le reprendre, Renaud Camus est venu tout dénuer d'un seul trait. « Les sanctuaires » m'a-t-il dit. « Les sanctuaires », plutôt que « les communautés ». Tout est désormais plus clair.

Des hypothèses

Le problème, dans lequel nous sommes empêtrés, est que nous conditionnons la survie de l'Europe et de la France, dans leur âme, leur essence et dans les peuples qui les composent, à la prise de pouvoir étatique. Parce que, finalement, nous restons très 20eme siècle, voire 19eme, 18eme et 17eme siècle, nous continuons à rester bloqués sur l'idée que la solution à tous nos problèmes ne peut venir que de Papa-Maman l’État. Au prétexte que celui-ci est au service de forces qui nous nient, pour parler comme Venner, on suppose qu'il suffirait de le reprendre, en envoyant des « patriotes » au pouvoir (que ce soit par la démocratie ou la violence, pour les plus chauds d’entre-nous), pour que l'avenir des nos peuples soit assuré. Belle idée, qui fut véritablement effective au siècle passé, quand les peuples européens étaient homogènes et prêts à basculer dans des totalitarismes qui, effectivement, démontraient que la puissance étatique pouvait, à elle seule, changer les mentalités et mettre en mouvement toutes les dynamiques nationales.

Je tiens que cette idée est passée de date, et comme un malheur ne vient jamais seul, le fait que la plupart des gens de bonnes volontés, c'est à dire non-remplacistes, pour parler encore comme Camus, ou simplement encore vivants (et non suicidaires, pour parler comme je l'entends), s'accrochent encore à cette dernière, induit que, finalement, nous perdons un temps fou à courir après des chimères quand il y aurait bien d'autres choses à faire pour sauver ce qui peut encore l'être.

Regardons les choses en face : la prise de pouvoir, un jour, est une hypothèse. Elle est même assez saugrenue. Qu'un parti cohérent, puissant, intelligent, puisse faire 50,01% des voix dans une France remplie de personnes âgées (qui, par nature, fuient en nombre le changement) et de personnes d'origine immigrés (qui, encore par nature, n'ont pas nécessairement les entrailles patriotes) est déjà difficile. Mais soit. Croyons-y. Et après ? Une fois au pouvoir, ce parti, cohérent, puissant, intelligent, que pourrait-il réellement faire ? Engagerait-il, avec le soutien miraculeux des populations, une grande politique de remigration de 15 millions de personnes ? Ou bien, encore par miracle, parviendrait-il à assimiler ces 15 millions de personnes, au point d'en faire de parfaits Français ? Reconnaissons ensemble que tout cela semble compliqué. Mais, encore, soit. Admettons. Il est certain qu'un parti, disons « ami », pourrait déjà faire du bien là ou les autres ne peuvent faire que du mal, et, en effet, je ne crois pas qu'il soit absolument nécessaire d'arrêter touts combats politiciens en vue de prendre l'Etat. Mais reconnaissons ensemble que les chances pour que cela survienne sont, pour être gentil, faibles. Que cela puisse arriver, c'est une hypothèse. Et je ne veux pas conditionner la survie de l'Europe et de la France à, finalement, ce qui n'est qu'une hypothèse. Pour faire simple, il y a trop à perdre pour tout miser sur ce pari.

Besoin de sanctuaires

Quand le monde s'écroule autour de soi et qu'on a compris qu'on ne le sauvera pas, il reste à protéger ce qui est essentiel. Cet essentiel pourra, demain, après demain, bâtir à nouveau de grandes choses, un nouveau monde. Peu m'importe que ma génération et celle de mes enfants perdent l'Etat Français, son administration et son drapeau, si mes petits enfants sont encore des européens, qu'ils vivent en sécurité, savent lire et écrire, qu'ils héritent encore, en quelque sorte, et qu'ils pourront à leur tour transmettre afin que, sans doute, leurs enfants puissent récupérer les terres que nous auront perdu. En attendant que l'hypothèse de la prise de pouvoir disparaisse ou se réalise, il est urgent d'avoir la volonté de sanctuaires.

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Le monde dans lequel nous entrons sera – et est déjà – un monde en grappes. Le peuple, tel que nous l'avons connu, c'est à dire homogène et chevillé à un État qui lui est propre, est déjà une fiction. On peut le pleurer, mais personnellement je ne fais pas parti de ceux qui pleurent. Je sais que la condition principale de la survie est l'adaptation. Il va donc falloir entraîner les peuples européens à s'adapter aux conditions nouvelles du monde dans lequel ils sont projetés.

J'écris tout un essai sur ces conditions nouvelles, donc vous ne m'en voudrez pas si je reste lapidaire dans un texte qui ne peut être que succinct. Toutefois, l'idée-force est que nous sachions nous adapter à ce monde en grappes pour en constituer, nous aussi, un noyau, un pépin, un fruit qui en portera d'autres (car il faut avoir foi en nous). Savoir organiser ceux qui ne veulent pas mourir, les organiser économiquement, culturellement (nécessité d'écoles), esthétiquement, pour leur sécurité aussi, car la réalité nous montrera vite que l'Etat ne pourra pas nous protéger longtemps : voilà quels sont, ou plutôt quels devraient être, les objectifs des derniers Bons européens. Nos sociétés peuvent changer, s'écrouler, pourrir, mais elles ne doivent surtout pas nous changer.

Dans ce besoin essentiel de recevoir et de transmettre, il va falloir avoir la volonté de sanctuaires, lieux, immatériels ou, peut-être bientôt, géographiques, dans lesquels nous pourrons protéger ce qui mérite de l'être au milieu d'un flot de barbaries. Entreprises, écoles, associations, villages, familles, ou que sais-je encore, tout ce qui n'appartient pas à l'Etat et qui surtout ne doit plus lui appartenir, du moins tant qu'encore un parti politique miraculeux n'arrive au pouvoir.

N'oublions jamais que lorsque l'Empire Romain s'est effondré, ses plus beaux éléments (la culture, le droit, etc.) ont pu être sauvés et être transmis car certains romains, qui avaient compris ce qui se tramait, s'étaient réfugiés dans des sanctuaires. Ils purent ainsi transmettre pour les générations futures. De même, je pense souvent à ces Russes qui avaient compris avant les autres que le soviétisme allait s'écrouler, et qui s'étaient réfugiés près d'un lac en Ingrie pour penser ensemble la Russie future. C'est en partie grâce à leur travail que la Russie pût se relever, bien des années plus tard.

En clair et encore une fois : acceptons le monde tel qu'il est, mais sachons tirer notre épingle du jeu. Depuis quand un défi pareil devrait faire peur à des Européens, eux qui ont tout bravé et presque tout créé ?

Personnellement, ça ne me fait pas peur. J'ai même hâte.  

Julien Rochedy (Rochedy.fr, 25 novembre 2015)

mardi, 27 octobre 2015

Réponses de Julien Rochedy au questionnaire de la Nietzsche académie

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Réponses de Julien Rochedy au questionnaire de la Nietzsche académie
 
Ex: http://nietzscheacademie.over-blog.com 

Julien Rochedy est l'auteur d’un essai d’inspiration nietzschéenne Le Marteau sous-titré Déclaration de guerre à notre décadence, auteur d’un mémoire universitaire sur Nietzsche et l’Europe et ancien directeur national du FNJ.

Nietzsche Académie - Quelle importance a Nietzsche pour vous ?

Julien Rochedy - Une importance fondamentale puisque je pense véritablement, sans pathos, qu'il a changé ma vie. Sa lecture, précoce, a fait office d'un baptême, d'une sorte de renaissance. Je l'ai lu si tôt (entre 14 et 17 ans) qu'on ne peut pas dire qu'il s'agissait de lecture à proprement parler, avec le recul et la distance que cela suppose. Je l'ai littéralement ingurgité, je l'ai fait mien, sans aucune interface entre ses livres et le jeune « moi » qui était en pleine formation. Dès lors, quoique je lise, quoique j'entende, quoique je voie ou quoique j'ai envie de faire, je ne peux l'appréhender qu'avec le regard nietzschéen qui me fut greffé si jeune.

N.A. - Etre nietzschéen qu'est-ce que cela veut dire ?

julien_rochedy_carre_sipa.jpgJ.R. - Je tiens Nietzsche pour une paire de lunettes. Il est, pour moi, avant tout une façon de regarder le monde. Une grille de lecture. Un filtre d'exactitude et, surtout, de sincérité. C'est s’entraîner à percevoir ce qui se mue et s'agite autour de soi en se débarrassant des grilles de lectures morales (le bien et le mal) ou idéalistes (au sens de la primauté de l'Idée). C'est donc regarder les choses et les hommes par delà bien et mal, par le prisme des valeurs aristocratiques ou des esclaves (le sain et le malade, le bon et le mauvais), en s'attardant plutôt sur la psychologie, et en fin de compte, la physiologie (l'importance du corps comme heuristique de l'esprit) pour comprendre les idées d'un homme, au lieu de se mentir sur la capacité « raisonnante » et abstraite des humains. Et c'est aussi sentir profondément ce qui appartient au nihilisme, au déclin, au mensonge vénéneux, à la maladie et à la mort, plutôt qu'à la vie, à la grande vie et l'immense « oui » qui va avec.

Je vous parlai de sincérité à propos de ce que nous oblige Nietzsche. Avec lui, après lui, on ne peut plus se mentir à soi-même. S'il m'arrive par exemple d'avoir une idée pour m'économiser, même si mon cerveau se met à fonctionner, comme de mise chez tous les hommes, pour me trouver une justification, morale ou raisonnable (toute « idée » est une justification de soi), je sais qu'en réalité cette idée ne fait que découler de ma faiblesse. Tout le reste est prétexte.

N.A. - Quel livre de Nietzsche recommanderiez-vous ?

J.R. - Je ne recommanderai pas un livre en particulier, même si « Par delà bien et Mal » et, bien sûr, « Zarathoustra », surnagent. Je recommanderai plutôt une succession de livres pour celui qui voudrait se lancer dans Nietzsche. D'abord Généalogie de la morale, qui suscite directement un immense doute sur ce que l'on croyait établi sur la nature du bien et du mal. Puis Par delà bien et mal, pour approfondir. Ensuite Zarathoustra, l'apothéose poétique de sa philosophie. Après, l'ordre compte moins. Je conseillerai toutefois particulièrement les œuvres de Nietzsche de l'après Zarathoustra, c'est à dire à partir de 1883, car j'ai toujours pensé qu'il y avait un Nietzsche, à la fois en tant qu'auteur (le style) et philosophe (la puissance), avant son Zarathoustra et après son Zarathoustra. L'auteur du Gai Savoir est encore un peu académique. Celui de Crépuscule des Idoles est pur génie.

N.A. - Le nietzschéisme est-il de droite ou de gauche ?

J.R. - Tout dépend bien sûr de ce que l'on entend par droite et gauche. Ces concepts peuvent signifier tellement de choses différentes selon les personnes qu'il est difficile d'enfermer Nietzsche dans des espaces si vagues. Toutefois, en me permettant de les prendre d'un point de vue philosophique, si toutefois ce point de vue peut exister, je dirais bien entendu que Nietzsche est de droite. L'importance qu'il donne à l'inégalité, aux valeurs aristocratiques, au goût raffiné, à la sélection et à la force, ainsi que son mépris souverain pour la populace, les valeurs égalitaires, la féminisation, la démocratie, le matérialisme grossier, etc, font que Nietzsche ne peut évidemment pas être reconnu comme un auteur de gauche.

N.A. - Quels auteurs sont à vos yeux nietzschéens ?

J.R. - Je pourrai vous faire une liste non exhaustive, de Drieu à Jünger en passant par London, mais ça n'aurait pas vraiment de sens, dans la mesure où ces auteurs peuvent être nietzschéens pour différentes raisons, et que des auteurs, nés avant Nietzsche, pourraient être considérés comme nietzschéens. Les grecs par exemple, Héraclite, Alcibiade, Périclès, sont des nietzschéens avant l'heure. Encore une fois, Nietzsche est une façon de voir le monde, et cette façon fut partagée mille fois dans l'Histoire, la plupart du temps par les hommes les plus grands, les plus intelligents et les plus honnêtes avec eux mêmes.

N.A. - Pourriez-vous donner une définition du surhomme ?

J.R. - Avec une lecture simple, mais tout de même pas trop mal, je pourrais vous répondre : c'est le kalos kagathos des Grecs, l’homme idéal, celui qui a la vie la plus remplie et dont la santé débordante s'enrichit de toujours plus de passions et d’aventures, de pensées, de force et de beauté. Mais ce serait bien trop banal. Le surhomme est celui qui accepte le tragique, le destin, et qui l'accepte en riant. C'est le Dieu Thor qui va à la guerre en riant aux éclats dans sa barbe rousse. Le monde n'a manifestement pas de sens, la vie est précaire, je suis imparfait, rien ne vaut rien, mais je cours au charbon quand même. Le pied dansant. Et là, à ce moment là, tout trouve son sens : la vie n'a comme seule justification qu'elle même. C'est le pessimiste actif dont parle Heidegger dans ses écrits sur Nietzsche.

N.A. - Votre citation favorite de Nietzsche ?

J.R. - Je n'en ai pas une en particulier, mais laissez moi vous raconter une anecdote :

Un jour que j'étais dans un bar et que je réfléchissais, avant de l'écrire, à mon livre le Marteau (d'inspiration largement nietzschéenne comme vous l'avez rappelé), je vois un grand gaillard venir s'accouder à côté de moi. Et sur l'un de ses avants bras, je vois tatoué « Amor fati ». J'exulte. Je vois cela comme un signe. Je me mets à délirer en mon for intérieur. Je lui fais signe et lui dit, bêtement, un truc du genre « aux nietzschéens ! » en levant mon verre. Il me répond, interloqué : « quoi ? ». Je lui répète et m’aperçois qu'en réalité il ne connaît pas Nietzsche. Il s'était tatoué ça juste « parce que ça sonnait bien ».

Alors finalement, je vous répondrai « amor fati ». Ça résume tout.

Et en plus ça sonne bien.

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jeudi, 25 juin 2015

Lettre ouverte à ce salaud de Michel Onfray...

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Lettre ouverte à ce salaud de Michel Onfray...

par Julien Rochedy

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous une lettre ouverte de Julien Rochedy à Michel Onfray, qui fait suite aux positions à contre-courant prises par le philosophe depuis quelques années, et singulièrement au cours des derniers mois. Un courrier tonique et sans détours, qui devrait permettre d'ouvrir, espérons-le, un débat fécond...

Cher Michel,

D'abord, Michel, permets moi d'être franchement familier. C'est qu'on a quelques amis en commun, et c'est surtout que tu fais, somme toute, un peu parti de ma famille. Voilà des années et des années que tes livres traînent sur la table du salon de mon père. Je crois les avoir tous vu passer, au moins depuis La politique du rebelle. Je ne compte pas les fois où l'on parla de toi au repas ; moi t'enfonçant, mon père te défendant, toi dont le parcours ressemble au sien, comme il ressemble à tant d'hommes de ta génération (ce qui explique une partie de ton succès). Jeune provincial éduqué à l'ancienne chez les bonnes sœurs et jeté d'un coup, à l'âge d'homme, dans le post-modernisme et ses valeurs hédonistes : un grand classique, presque un poncif générationnel. Tu me pardonneras donc, j'espère, le tutoiement et les quelques grossièretés qui vont suivre.

Michel, je t'ai longtemps pris pour un con. Un vrai con, comme les autres. Un petit moderne qui se piquait de penser. Un gros gauchiste de plus de l’intelligentsia médiatique. Un béat de 68, un progressiste, un athée militant, un droit-de-l-hommiste content de lui, un libéral-sociétal qui faisait encore des caprices de gosses pour obtenir, toujours, plus de droits. Liberté. Fraternité. Amour. Tolérance. Gentils immigrés. Méchants capitalistes. Et prout-prout.

Puis tu as évolué. Ça m'a un peu surpris, mais, très vite, j'ai été plutôt surpris de ma propre surprise, car j'aurais du deviner. Un nietzschéen obligé de frayer avec le Paris mondain, ça ne peut donner qu'un réactionnaire. Un jour ou l'autre, ça devait arriver. J'aurais du y penser. Du coup, je t'ai même rendu hommage sur mon blog (http://www.rochedy.fr/2015/04/michel-onfray-encore-un-effort.html). Je louais tes changements soudains de points de vue. Non seulement tu t'en prenais à ce monde décadent (je me permets le mot car tu te le permets toi-même en ce moment), mais en plus tu te payais le luxe de découvrir la pensée de la Tradition : l'immanence de la terre (avec un T majuscule ou minuscule), les valeurs archaïques de l'honneur, de la parole, de la droiture, de la force, etc. Tu découvrais même la pensée des cycles contre celle du progrès ! Quel progrès ! Je ne pouvais qu'applaudir. Bravo Michel. Rien à dire. Pour moi, tu n'étais plus un con.

Le problème Michel, c'est que tu as beau être sorti de la catégorie des cons, tu es entré dans celle des salauds. Finalement, c'est peut-être pire.

Avant de te dire pourquoi, autorise moi juste une petite remarque, gratuite et méchante. Elle n'est pas un peu tardive ton évolution ? Coucou Michel ! J'écoutais dernièrement, pour le plaisir, une émission d'une heure qui t'était consacrée en 1997. L'horreur absolue. En face de Finkielkraut, qui était ton interlocuteur et qui avait déjà pris pas mal de temps d'avance intellectuel sur toi, tu défendais encore toutes les libertés possibles et inimaginables, tu parlais du devoir des européens à accueillir le plus d'immigrés possibles, tu parlais des bienfaits de 68, notamment de la destruction du principe d'autorité, en particulier à l'école, et tu continuais Michel, tu chantais les lendemains égalitaires, tu bavais de sentiments moraux, tu pleurnichais comme les autres. C'était en 97 et c'était à gerber ! Tu étais encore un jeune gauchiste ! Et tu le fus longtemps. Et maintenant ? Eh ben Michel ! Oh, comme c'est étrange, maintenant tu pestes contre la médiocrité des politiques, de l'éducation nationale et de la culture, maintenant tu annonces que notre civilisation européenne est morte et qu'elle risque de se faire submerger par des méchants islamistes. Coucou Michel ! Réveil matin ! 2015, tu découvres que tes anciennes idées ont produit le monde de merde que tu vomis désormais. Dring dring ! Trente ans de retard. Rendez-vous loupé avec l'Histoire. 

Pareil pour ta philosophie dans ton dernier livre Cosmos Michel ! Là c'est grave quand même. Toi qui a commencé à réfléchir avec Nietzsche, voilà que quarante ans après tu retournes à lui. Tu redécouvres la métaphysique nietzschéenne de l’immanence. Moi, je l'ai lu à 15 ans et j'y suis resté. Toi, tu as erré pendant quarante ans pour t’apercevoir qu'enfin, c'était lui qui avait raison. Coucou Michel ! Quand au reste de Cosmos (très bon), bah Michel, c'est juste la philosophie des penseurs de la nouvelle droite, avec seulement quelques chichis et quelques prodomos que tu as encore besoin d'ajouter. Franchement Michel, tu as perdu un temps fou.

Tu pourrais m'objecter, comme on dit, vaut mieux tard que jamais. C'est vrai. Mais bon, en fait, on pourrait presque croire que tu es surtout un bon filou. Tu es toujours à la mode en quelque sorte. C'est habile. Quand la pensée à la mode était la pensée libérale (au sens américain, en Français : gauchiste), tu en étais un magnifique représentant. Maintenant que ça a basculé, maintenant que la société est devenue pessimiste et que ce sont plutôt les Zemmour qui cartonnent en librairie, tu te découvres réactionnaire. Habile ! Tu as raison en fait : en matière mondaine, littéraire et politique, rien ne sert d'avoir raison avant tout le monde, il faut avoir raison à temps. Même si c'est un peu tard.

Mais cela dit, je me plante quand je dis que tu es devenu réactionnaire. Le mot est mal choisi pour toi, car un réactionnaire, par définition, ça veut réagir. D'ailleurs, le problème vient de là, et c'est ce qui fait que tu es un vrai salaud.

Je te raconte juste une petite histoire avant de m'expliquer :

Dans ma petite vie, j'ai eu la chance d'avoir, comme tout le monde, des milliers de discussions. Des amis, des collègues de travail, des inconnus en soirée, la famille. Autour d'un verre, d'un café, ou juste dans la rue. Armé de mes idées et tandis qu'on s'aventurait à parler politique ou histoire, j'en ai convaincu plus d'un à propos du caractère profondément médiocre de notre post-modernité. Aujourd'hui, tu me diras, ce n'est pas bien difficile, mais pardonne moi quand même cet orgueil : je crois avoir fait plusieurs fois des noeux à la tête de bons petits gauchistes, ou simplement des indifférents, qui pensaient encore être nés à une époque formidable, joyeuse et pleine de vie. J'ai introduit le pessimisme dans leur petite tête gonflée de la vanité du présent. Mais souvent, alors que je voyais la bête enfin s'incliner et opiner du chef face à mes arguments, j'ai vu ce qu'il y a de pire au monde et ce à quoi je ne m'attendais pas : j'ai vu le fatalisme. Moi, tu comprends, quand je dis que nous vivons une époque de merde, c'est pour tout faire pour en changer. Au lieu de cela, j'ai vu des dizaines et des dizaines de personnes (et des jeunes notamment...), une fois d'accord avec mes sentences sur le temps présent, terminer la conversation par des réflexions du genre « puisque c'est comme ça je ne ferai pas d'enfants », « bah, on va mourir donc c'est pas grave », « tant pis quoi ». Horreur et damnation. Moi qui pensais toucher leurs cordes de la révolte, voilà qu'elles n'émettaient plus aucun son. Je crois que je préférais encore quand ils n'étaient que de simples béats un peu idiots. En fin de compte, je regrettais qu'ils voient clair.

 

julien rochedy, michel onfray, philosophie, réflexions personnelles,

 

Cette histoire terminée, je peux te dire pourquoi tu es en vérité un beau salaud. J'ai vu ta conférence à Nice, datée du 3 juin 2015. Je t'ai vu débiter, avec plaisir, les vérités sur la dégénérescence de notre civilisation. Puis tu as commis (par trois fois !) le pire des péchés contre la vie Michel, celui-là même contre lequel notre maître commun, Nietzsche, nous mettait en garde. Tu as dit, expliqué, justifié, qu'il ne fallait plus faire d'enfants. Tu as même fait applaudir toute la salle sur cette idée (et des femmes ! Je répète : des femmes !!). La civilisation européenne était morte, elle allait sans doute se faire remplacer, et il ne restait plus qu'à aller s'enfermer dans le jardin d'Epicure. Salaud. Triple salaud. Tu professes pendant quarante ans les idées qui ont conduit à cette déchéance, puis un matin tu te réveilles et continues à vendre des livres en disant que finalement tout ça sent la catastrophe, puis tu déclares que tout est foutu et qu'il ne faut même plus se battre ni faire d'enfants. Tombée de rideau. Boucle nihiliste. Salopard de première.

Michel, je te crois si intelligent que je ne te crois pas capable de ne pas voir le profond nihilisme dont tu fais état, et je te crois assez nietzschéen pour savoir que ce nihilisme est l'horreur absolue. Tu le sais Michel, la volonté du néant (consciente ou non) est à laisser aux autres, aux esclaves, aux êtres du ressentiment, ceux-là même que tu as souvent pourfendu dans tes livres. Alors pourquoi, Michel ?

On me dit que tu as voulu des enfants mais que tu ne pus en faire avec ta femme, malade et morte jeune. Je respecte profondément - je n'ai rien à dire. Mais Michel, toi le nietzschéen, je sais que tu sais qu'en vérité toutes nos pensées ne sont que des symptômes de notre propre vie, et, surtout, des tentatives de justifications de soi. Ça, je le sais, et tu le sais aussi (puisqu'à la suite de Nietzsche, tu l'as toi même écrit). Mais Michel, si tu le sais aussi bien, tu dois savoir que les grandes âmes parviennent également à réfléchir, de temps en temps, contre elles-mêmes (ci-contre disait Nietzsche). Penser contre soi. Ta vie n'est donc pas une excuse Michel. A dire qu'il ne faut plus faire d'enfants, tu ressembles à quelques uns de ces anachorètes des pires sectes chrétiennes d'antan, pleines de ressentiment et de haine contre la vie, tout ce que tu abhorres, tout ce contre quoi tu es censé t’ériger.

Voilà mon cher Michel. J'ai appris, compte tenu de tes évolutions, à être patient avec toi. Échappé du camp des cons, essaye de ne pas entrer dans celui des pires salauds, car entre un homme qui croit, même à de mauvaises choses, et un autre qui ne croit plus en rien, je pense que je préfère encore le premier. Et le pire, c'est que je suis sûr que toi aussi.

Bien à toi,

Julien Rochedy (Blog de Julien Rochedy, 22 juin 2015)

vendredi, 05 juin 2015

L'obligation de penser le monde qui vient et d'enterrer celui qui passe...

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L'obligation de penser le monde qui vient et d'enterrer celui qui passe...

par Julien Rochedy

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue stimulant de Julien Rochedy, cueilli sur son site, Rochedy.fr et consacré aux rôles des intellectuels et des politiques dans une période d'interrègne... Ancien responsable du Front national de la jeunesse, il a publié deux essais, Le marteau - Déclaration de guerre à la décadence moderne (Praelego, 2010) et L'Union européenne contre l'Europe (Perspectives libres, 2014).

Que l'on s'arrête un temps sur la politique française : on n'y trouvera que de la com. Les choses qui encore se font, se font, à la limite, à l'échelon local – à l'échelon, dirons-nous, communautaire. Pour le reste, c'est à dire au niveau national, il n'y a qu'une stricte application des élans de l'époque, laquelle obéit à une décomposition progressive de tous les acquis des siècles. Le Parti Socialiste au pouvoir, à la suite de l'UMP, détricote les fondamentaux de la France que nos grands-parents et parents ont connu : éducation, symboles, fonction publique, identité, autorité, culture, centralisation, etc. Cette politique effective de déconstruction semble être la seule possible au pouvoir, comme si elle obéissait à des impératifs qui appartiendraient à un déterminisme historique obligatoire d'intermède entre deux siècles. Quand à ceux qui briguent le pouvoir national, les Républicains et les Frontistes, leur rhétorique consiste à vouloir, justement, restaurer. Les uns et les autres veulent « restaurer l'autorité de l'Etat », « appliquer la laïcité telle qu'elle fut pensée en 1905 », « retrouver notre souveraineté nationale », « revenir à l'assimilation », quand il ne s'agit pas de « retrouver notre monnaie nationale » etc. Or, la politique des « re » est pure tautologie d'une nostalgie qui trouve, bien sûr, ses clients et ses électeurs en démocratie. Mais en fin de compte, il ne s'agit que de « com », car s'il peut être pratique de s'adresser à la foule des inquiets qui abondent toujours en périodes historiques  intermédiaires, et de s'adresser à eux à travers une redondance d'appels au passé, il n'en demeure pas moins qu'aucune politique pérenne ne peut se fonder exclusivement sur des « re ». Les exemples historiques – de Sylla, qui voulut refaire la Rome républicaine et aristocratique, à De Gaulle, qui voulut restaurer la France – montrent toujours que ces intentions ne peuvent être que passagères, et que les civilisations, comme les nations et comme les siècles, obéissent toujours à la maxime d'Héraclite : on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Or, l'Histoire est le fleuve par excellence.

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Résumons :

1 – Nous vivons une période historique intermédiaire qui bientôt va finir, raison pour laquelle la déconstruction des fondamentaux de la France (déconstruction qui, en vérité, a déjà commencé il y a 1 ou 2 siècles) s'accélère particulièrement en ce moment.

2 – Nous entrons progressivement dans un nouveau siècle, avec ses propres conditions, temporalités, impératifs et nécessités.

3 – Les hommes politiques au pouvoir ne font qu'accompagner, consciemment ou non, cette décomposition du temps passé. Quant à ceux qui n'y sont pas, ils ne font qu'appeler à sa restauration qui jamais ne viendra, ou, au mieux, que pour un temps très court, comme les derniers soubresauts d'un mourant.

4 – Les intellectuels actuels n'ont comme seul objet de pensée la destruction du monde qu'ils connaissaient. C'est pourquoi le monde de l'intelligence passe tout entier « à droite », parce qu'il s’aperçoit du carnage et du changement mais se contente, comme les politiques, de le pleurer.

5 – La nécessité pour les intellectuels et les politiques d'aujourd'hui est plutôt de penser le monde de demain pour y projeter des volontés. Finis les « re » : il faut vouloir dans les nouvelles conditions possibles qui se mettent en place petit à petit.

J'imagine que tout ceci est très dur à avaler, car cela fait fi de nos affects et de notre tendresse pour un monde qu'il y a peu nous touchions encore. Pourtant, si l'on veut échapper au règne de la com et/ou de l'impuissance politique, il nous faudra faire le deuil d'un certain nombre de choses pour penser les meilleurs solutions afin d'en préserver d'autres.

J'ajoute qu'il ne s'agit pas là d'un fatalisme pessimiste ; au contraire : plutôt que de perdre son temps dans des combats perdus, une envie impérieuse d'affronter le monde qui vient.

Julien Rochedy (Rochedy.fr, 1er juin 2015)