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mercredi, 09 août 2017

Numériser la langue de bois, remplacer le cerveau humain

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Discours assisté par ordinateur

Numériser la langue de bois, remplacer le cerveau humain
 
par François-Bernard Huyghe
 
Ex: http://www.huyghe.fr

Un discours peut-il être tellement vide de sens qu’une machine le produise à la place d’un homme sans différence apparente ? Ou ce qui revient au même peut-on employer des catégories si vastes qu’elles englobent tout et que les mots se combinent dans n’importe quel ordre ? La réponse est évidemment oui.

Dès le XIX° siècle, les anti-hégeliens avaient inventé le principe de la matrice verbale pour se moquer du maître d’Heidelberg. Vous tracez verticalement une colonne sujet, une colonne verbe et une colonne complément sur un tableau. Vous les remplissez d’expressions standardisées et de stéréotypes. Puis vous pouvez démontrer qu’ils se combinent n’importe comment dans le sens de la largeur. Vous pensez ainsi avoir prouvé que le discours de votre adveïrsaire n’est qu’un bruit de la bouche : la profondeur de ses concepts ne paraît telle qu’à ceux qui en ignorent la vacuité et l’interchangabilité.

En clair : faites suivre n’importe quel groupe sujet de n’importe quel groupe verbe et accolez lui n’importe quel complément : la phrase semblera avoir un sens grave et pompeux.

Bien entendu le principe peut s’appliquer à tout charabia, jargon, langue de bois ou de coton… Vous pouvez ainsi faire une matrice à produire du discours de bureaucrate,de politicien, de psy, de sociologue… En passant sans relâche dans les colonnes horizontales de droite à gauche (en changeant de niveau à chaque fois) vous êtes en mesure de produire un discours de plusieurs heures. Vous pouvez enrichir en créant une quatrième colonne (des compléments d’objet de la troisième..) et continuer autant que vous voulez.

Ainsi, il circule à l’Ena un tableau destiné à produire de la langue de bois (téléchargeable ci-dessous en PDF) qui éclairera parfaitement ce qui vient d'être décrit.
De cette façon, vous pouvez dire :

Je reste fondamentalement persuadé (col 1) que la conjoncture actuelle (col 2) conforte notre désir incontestable d’aller dans le sens (col 3) d’un projet porteur de véritables espoirs, notamment pour les plus démunis (col 4)

Aussi bien que :

Je reste fondamentalement persuadé (col 1) que la volonté farouche de tirer notre pays de la crise (col 2) interpelle le citoyen que je suis et nous oblige tous à aller de l’avant dans la voie (col 3) d’un plan correspondant véritablement aux exigences légitimes de chacun (col 4)

Et depuis la rédaction de cette "matrice", le marketing politique (voir Voir 1, 2,3, 4) a encouragé cette tendance.


Suivant le même principe, on trouve sur Internet des générateurs de langue de bois, des «pipotron», et producteurs numériques d’autres parlures ébouriffantes. Ils démontrent parfaitement qu'un bon algorithme peut produire des discours pas très différents de ceux que reproduisent les médias chaque jour.

En économie cela donne :

Untel/Unetelle joue dans la cour des grands ; il/elle caracole désormais en tête. Il faut dire qu'il/elle ne manque pas d'atouts. Il/Elle a su dynamiser son équipe de cadres et la mettre en ordre de bataille et la mode qu'il/elle a initiée sur le marché domestique est incontournable. Il/Elle dispose d'un vrai projet d'avenir au niveau de sa branche d'activité, ce qui est un signal fort en direction de la communauté des acteurs, et, cerise sur le gâteau, son activité devrait générer des marges conséquentes.

Untel/Unetelle devra revoir sa copie au niveau de sa stratégie car sa marge de manœuvre est désormais trop étroite. Son business plan paraît plutôt un héritage du passé, une véritable usine à gaz. Il/Elle souffre, en outre, d'un déficit de communication. A force de bousculer le calendrier, il/elle n'a pu franchir la barre symbolique des 10% de progression et, à défaut de lancer un vrai débat et de monter au créneau pour y envoyer un signal fort, on peut dire qu'il/elle va droit dans le mur.

En politique :

Par ailleurs, c'est en toute connaissance de cause que je peux affirmer aujourd'hui que la volonté farouche de sortir notre pays de la crise conforte mon désir incontestable d'aller dans le sens d'un processus allant vers plus d'égalité.Je tiens à vous dire ici ma détermination sans faille pour clamer haut et fort que le particularisme dû à notre histoire unique doit prendre en compte les préoccupations de la population de base dans l'élaboration d'un avenir s'orientant vers plus de progrès et plus de justice. Dès lors, sachez que je me battrai pour faire admettre que l'acuité des problèmes de la vie quotidienne doit nous amener au choix réellement impératif d'une restructuration dans laquelle chacun pourra enfin retrouver sa dignité. Et ce n'est certainement pas vous, mes chers compatriotes, qui me contredirez si je vous dis que la volonté farouche de sortir notre pays de la crise conforte mon désir incontestable d'aller dans le sens d'un processus allant vers plus d'égalité.

Dans le genre pseudo-philosophique

Si on ne saurait reprocher à Bergson son monogénisme moral, il systématise cependant la conception morale du primitivisme et il en particularise ainsi la démystification rationnelle dans sa conceptualisation.
C'est d'ailleurs pour cela qu'il conteste ainsi l'herméneutique de la société alors qu'il prétend la resituer ainsi dans sa dimension sociale et politique, et on ne saurait assimiler, comme le fait Spinoza, l'universalisme minimaliste à une géométrie existentielle, cependant, il conteste l'expression morale du primitivisme.
Par le même raisonnement, il donne une signification particulière à l'origine du primitivisme pour la resituer dans toute sa dimension sociale.



Nous-mêmes en 1991 avions composé (mais sans logiciel à l’époque) un guide permettant au lecteur de composer des discours un peu plus pointus, puisqu’il pouvait générer à sa guise un discours de Bernard-Henri Lévy, de Michel Rocard, de Bourdieu, de Valéry Giscard d’Estaing, et ainsi de suite… Depuis, nous avons découvert qu’il existait un générateurs de discours creux en langue de coton sur Internet.


Que déduire de tout ce qui précède ? Que tout cela est bidon, qu’ils (politiciens, experts, journalistes, essayistes) se valent tous et qu’ils parlent pour ne rien dire ? Ce n’est malheureusement pas si simple.

Cette langue de coton qui nous bouche les oreilles a, dans la réalité, un sens caché. Pour prendre l’exemple du jour quand Jacques Chirac déclare aux joueurs de football qui viennent d’échouer de peur au Mondial La France est forte quand elle est rassemblée dans sa diversité et quand elle a confiance en elle.» (le Monde du 12 Juillet 2006), la phrase semble creuse : qui serait contre l’unité, la diversité ou la confiance en soi ?

Mais elle fonctionne sur l’évocation quasi magique de l’unité dans la diversité, synthèse des contraires apparents par l’alchimie de l’universalisme républicain, et de la confiance en soi : il est bien connu que les problèmes de la France sont surtout psychologiques, de même que la croissance économique est affaire de « moral des ménages » et qu’avec un peu de volonté…. La phrase renvoie à tout un passé de l’imaginaire français, comme l’exaltation de l’équipe « black, blanc, beur » qui avait gagné la coupe en 1998. Bref une telle proposition est datée : elle aurait été absurde si elle avait été prononcée par le président Coty ou par Georges Pompidou. Ou plus exactement, à l’époque, elle aurait eu un contenu idéologique très paternaliste et très marqué à droite. Un Roland Barthes en aurait tiré une chronique qui aurait fait s’esclaffer les intellectuels.

Aujourd’hui cette phrase fait partie d’un corpus de lieux communs sur les valeurs, la République, l’Autre, la diversité, qui se retrouvent dans tous les discours, tous les médias et dans tout l’éventail de la classe politique. En vertu du principe «on ne peut pas ne pas communiquer (y compris en se taisant)», nous verrons qu’il est impossible de ne rien dire même quand on parle creux.

Vous pouvez écouter ce texte en cliquant ici, puis en activant le bouton "lis moi".

Voir aussi sur novlangue et compagnie et sur la langue de bois, sur le "Parler vrai"...

lundi, 11 juillet 2016

Le pouvoir de la langue de bois

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Le pouvoir de la langue de bois

Imposer l'idéologie par le choix des mots
 
Ex: http://www.huyghe.fr

langue-de-bois.jpgL’expression langue de bois a plus d’un siècle. Au début, elle désigne un pathos pseudo-philosophique. L'expression est employée d'abord en polonais (le syntagme qui signifie à peu près « parole de bois » ou « langue d’arbre » vient du cette langue), puis elle passe en russe. Mais aujourd’hui, popularisée en France seulement dans les années 1978/1980, l'expression évoque surtout deux choses :

1) le parler-marxiste, et en particulier la phraséologie employée en URSS, la sovietlangue. C'est la langue de l'idéologie, voire de ce qu'Alain Besacon nommera "l'idéocratie"

2) puis par extension la façon de s’exprimer de nombre de politiciens ou des technocrates et spécialistes en tous genres.

Bref l’usage passe ainsi d’une langue purement idéologique au style officiel, à l’art de ne rien dire, au pathos, voire à la manie d’employer des mots prétentieux que l’on ne comprend pas toujours (et en ce sens nous sommes tous un peu des Monsieur Jourdain de la langue de bois).

Bien sûr, personne ne prétend proposer un concept scientifique de « langue de bois », mais en faire une sorte d’injure facile n’est pas une solution.

Combien d’entre nous passent leur temps à promettre de « ne pas pratiquer la langue de bois » (c’est à peu près aussi rassurant que quelqu’un qui vous jure qu’il va être sincère) ? D’autres annoncent qu’ils vont parler vrai, et ajoutent souvent « quitte à choquer ou à déranger », sous-entendant par là que leurs rivaux emploieraient un langage creux ou menteur. La langue de bois serait-elle simplement un verbiage coupé de la réalité ?

Il semblerait dans tous les cas qu’elle s’oppose à une langue « authentique » qui serait à la fois simple dans sa forme, variée dans son vocabulaire, précise dans son contenu, sincère dans son intention (débattre ou décrire et non manipuler). Espérons qu’il existe un tel animal. Certains de ces reproches faits à la langue de bois se réfèrent à sa pauvreté (elle n’exprime pas grand-chose, se répète, décrit mal la complexité du réel) , d’autres à son projet (mentir, imposer des mécanismes mentaux,, confisquer la parole ou, plus modestement épater le pékin).

Bien sûr, le second ne peut se réaliser sans la première. Mais cela nous donne néanmoins un indice : le problème de la langue de bois réside dans le rapport entre ce qu’elle interdit (de dire certaines choses, ou de les dire d’une certaine façon, ou de les penser, ou de les comprendre) et ce qu’elle fait (dire, penser, répéter, comprendre). Si l’on veut que la notion renvoie à autre chose qu’un parler ampoulé ou un bruit de bouche, il faut comprendre sa fonction par rapport à l’idée.

Comme le disait Paulhan « On peut appeler puce un éléphant, mais il vaut mieux prévenir ! ». Nous proposons de considérer comme langue de bois pure et dure ou langue de bois tout court, celle qui fut pratiquée dans les régimes communistes (et national-socialiste), celle qui inspira le modèle de la novlangue à Orwell, celle qui a pu être imposée soit par la discipline du parti soit par l’appareil idéologique, celle qui se proposait explicitement de refléter une idéologie conquérante, d’imposer une vision du monde, de propager des idées et des comportements.

On pourrait alors examiner si la notion est encore applicable aux formations idéologiques qui ont remplacé le marxisme (néo-libéralisme et altermondialisme). Puis enfin aborder les formes atténuées et modernisées de la langue de bois, plus spécialisées dans un domaine (sciences humaines, parler médiatique) et qui reflètent des idéologies plus molles ou plus partielles, bref ce que nous avons nommé ailleurs « langue de coton ».

Dans le premier sens, la langue de bois est un domaine d’études bien repéré. Y compris par ceux qui en étaient victimes et qui étaient devenus habiles à interpréter les intentions de leurs maîtres. Un bon lecteur de la Pravda comprenait immédiatement ce qui l’attendait quand un discours du secrétaire général déclarait que « les avancées de la pratique ont confirmé la justesse des positions du parti et leur conformité avec le mouvement historique et social. ».

Rappelons quelques caractéristiques de cette langue soviétique et de ses avatars :

- Groupes nominaux figés du type « forces démocratiques et populaires », « réalité naturelle et sociale », « la justesse de nos thèses », avec un goût prononcé pour les génitifs : « conditions objectives de production du discours », « stade actuel de développement des moyens de production »

- Abus du passif (ce qui permet de ne pas savoir exactement qui a fait quoi) : « De grands progrès ont été accomplis. «la vigilance des démocrates et des progressistes du monde entier a été éveillée… », « ce niveau de réalité devra céder la place à un nouveau degré de développement »

- Formules verbales vagues du type « prendre objectivement la forme de », « déterminer en dernière instance », « établir un rapport dialectique avec », « se révéler finalement », « se manifester à travers » qui permettent de donner l’apparence d’une explication scientifique au rapport établi entre deux choses ou deux idées. Corollairement, des expressions comme « dissimuler profondément », « cacher sous un voile », « se réduire en dernière analyse à » rappellent combien les adversaires capitalistes déploient de manœuvres et manipulent les mots et les apparences.

- Formules comparatives destinées à donner l’impression d’un mouvement incessant dans une seule direction : « de jour en jour », « de plus en plus », « la progression inlassable… » ; « le processus qui a commencé à se développer et ne cesse de s’enrichir d’étape en étape… »

- Délicats euphémismes comme « difficultés résiduelles », « ultimes résistances de forces passéistes attachées à leur vision du monde condamnée par l’histoire » pour désigner des famines ou des massacres de masses.

- Fausse dialectique – lois objectives contre conscience subjective, forme contre fond, abstrait contre concret, dynamique contre statique – permettant d’appliquer une grille binaire et manichéenne à n’importe quoi

- Etc…

Toutes ces formules agaçantes pour le lecteur ont pourtant à un usage bien précis.

D’abord, c’est une langue disciplinaire qui oblige le locuteur à fondre son expression et sa pensée dans un moule (avantage corollaire : le sceptique, l’opposant ou le non-initié, incapables d’employer ce langage se font vite repérer et ne peuvent s’exprimer de manière correcte).

Ensuite, c’est une langue qui nie la réalité au profit de formules incantatoires et de catégories manichéennes préconstituées. Les choses ne sont jamais que ce révèle le discours officiel et l’analyse orthodoxe.

Enfin, on peut comparer la langue de bois à une formule magique ou liturgique. Ainsi ce qu’Alain Besancon avait nommé la « logocratie » soviétique repose largement sur le pouvoir de nommer et de désigner des catégories imaginaires, au moins autant que sur la capacité d’imposer une perception idéologique cohérente à tous ceux qui la pratiquent. Ce pouvoir qui s’est imposé jusque dans la bouche de chacun chante sans fin sa propre gloire.

Fort bien ! Nous avons là un modèle qui est grosso modo celui d’Orwell en plus compliqué (ou plus exactement, en imaginant la novlangue, l’auteur de 1984 n’a fait qu’épurer et synthétiser le phénomène réel de la langue soviétique). Mais comme cette langue là est censée avoir disparu avec le « socialisme réel », la vraie question est plutôt celle de sa succession.

« Promis, j’arrête la langue de bois » se vantait Jean-François Coppé, le titre de son livre. « Qu'on l'appelle "parler vrai", "authenticité » ou "langage simple", la tendance de la communication d'entreprise est l'anti-langue de bois. » selon Adverbe, un des meilleurs sites consacré aux blogs… Le « parler vrai » serait donc le remède à la langue de bois.

Ce serait donc cet idiome que le Trésor de la langue française définit comme suit : «Manière d'exprimer sous une forme codée, dans une phraséologie stéréotypée et dogmatique, à l'aide d'euphémismes, de lieux communs, de termes généraux et / ou abstraits, un message idéologique qui ne sera pas opposable à ses auteurs, mais qui cependant sera compris dans son vrai sens par un petit nombre d'initiés ; p. ext. tout langage qui s'alimente au dictionnaire des idées et des formes reçues ... »

Ou pour ceux qui préfèrent la définition plus courte du Petit Larousse : " manière rigide de s'exprimer en multipliant les stéréotypes et les formules figées, notamment en politique ".

Face à ses adeptes se dresseraient ceux du « parler vrai », une expression reprise d’un livre de Michel Rocard publié en 1979. Comment ne pas choisir la seconde option ? Qui ne voudrait être sincère, moderne, compréhensible, efficace ? Pas si simple ! Tout d’abord, les gens qui parlent vrai évoquent fâcheusement ces gens qui parlent du cœur comme on parle du nez.

Surtout, que signifie « parler vrai » ? L’expression, outre qu’elle pose certains problèmes grammaticaux en accolant un adjectif à un verbe, n’est pas tout à fait équivalente à « dire la vérité » (auriez-vous confiance dans quelqu’un qui vous jurerait qu’il ne va pas mentir aux électeurs ?). Elle suggère au moins trois idées :

- Parler franc donc dire ce que l’on pense et ce qui est.

- Parler clair donc employer des expressions que connaît bien l’interlocuteur, éventuellement les mots de tout le monde, et, dans tous les cas ne pas chercher à tromper l’auditeur avec du charabia et des termes ronflants.

- Parler net donc bien désigner les choses par leur nom, ne laisser subsister aucune ambiguïté, même et surtout s’il s’agit de dire des choses désagréables, d’annoncer de mauvaises nouvelles, ou de formuler des thèses qui ne sont pas conformes au ron-ron rassurant qu’emploient les autres. Voire à la ligne officielle du parti ou au conformisme médiatique. Dans le cas de Nicolas Sarkozy, certains lui reprochent même son parler brutal.

Mais quand nous nous approchons de ces mots tout simples et si véridiques des « vraiparleurs », il nous semble que le sens s’éloigne aussitôt. Pour ne donner qu’un exemple le « désir d’avenir », et la « République du respect » de Ségolène Royal, ou la « France d’après » de Nicolas Sarkozy ont-ils vraiment beaucoup plus de sens que « les soviets plus l’électricité » ou « une seule solution : la révolution » ? Certes, il s’agit de slogans, mais, même à ce stade, une différence saute aux yeux : il est très possible d’être contre les soviets ou contre la révolution (il y a même des écologistes qui sont contre l’électricité). Mais allez souhaiter un avenir qui ne soit pas désirable, une République qui ne respecte pas les droits les dignités ou les personnes ou encore une France qui soit exactement comme celle d’avant (avant quoi, au fait ?). Voir aussi sur le marketing politique.

Un test simple consiste à formuler la phrase de façon négative pour voir s’il est possible de dire l’inverse sans tomber dans le non sens, dans le ridicule ou dans l’odieux. Ainsi, un homme politique pourrait-il proclamer : « Mon parti ne reflète absolument pas la diversité du pays. On n’y pratique pas le débat d’idées, c’est une véritable caserne idéologique ». Ou encore « Nous allons décentraliser à moitié, mais lâchement et de façon douteuse. Étant illogiques, nous n’accorderons aucune confiance aux territoires, etc. » ?

Même si leurs locuteurs prétendent le contraire et veulent « parler vrai », il existe des langages qui présentes des caractéristiques communes avec la langue de bois doctrinaire (prévisibilité des termes, automaticité des enchaînements, bien-pensance, capacité à masquer ou atténuer la réalité, stéréotypes) mais qui ne sont pourtant pas de la langue doctrinale comme la soviétlangue.

Autrement dit, à la forme canonique de la langue de bois voire à la novlangue, il faudrait opposer un modèle plus léger, plus moderne, plus « soft » de langue sans réplique, un modèle né dans les vingt dernières années, la «langue de coton»

vendredi, 27 février 2009

Introduction à la novlinguistique

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Métapolitique - Introduction à la novlinguistique

par Georges Feltin-Tracol - http://www.europemaxima.com


Depuis sa création en 2002, la fondation Polémia animée par Jean-Yves Le Gallou mène un combat permanent contre la pensée conforme et la volonté mondialiste d’indifférenciation des peuples, des cultures, des États, des personnes et des traditions.

N’hésitant pas à braver les oukases du politiquement correct, Polémia conduit une véritable guérilla métapolitique dont bien des actions détonnent sur le champ de bataille des idées. Pour preuve, la parution dernière du Dictionnaire de novlangue accompagné de La Bataille du vocabulaire. Disponible à la fois en format informatique et en fascicule, l’essai dénonce le détournement des mots et l’abêtissement de nos compatriotes qui s’en suit.

Achevé en janvier 2009, ce Dictionnaire connut un premier succès cet été quand certaines définitions furent publiées sur le site Novopress. La réussite de la première journée d’étude sur la réinformation du 25 octobre 2008 a incité Polémia à le publier. Saluons cette nouvelle arme dans la guerre culturelle en cours !

Novlangue est un clin d’œil à l’expression d’Orwell dans son célèbre roman 1984 ; c’est aussi un appel au réveil des Français d’Europe contre l’insidieux conditionnement sémantique ambiant. Il faut comprendre que « le novlangue, essentiellement une “ langue parlée ”, pour ne pas dire un sabir incompréhensible pour tout non-initié, est en permanence évolutif et ne demande qu’à grandir au détriment de la belle langue française si riche en nuances au service de l’écrit et de l’oral ». Il se combine souvent à l’anglicisme, voire au franglais, afin de donner à son message un air de modernité et de sophistication.

Pourquoi est-il si important de s’intéresser à cette novlinguistique ? Comme le rappelle La Bataille du vocabulaire, « le taux d’exposition des citoyens aux médias est élevé et tend à augmenter ». Le Français moyen passe environ trois heures par jour devant la lucarne allumée. Et il faut maintenant comptabiliser le temps passé devant l’écran d’ordinateur non pas pour consulter l’excellent site de Polémia ou Europe Maxima (ou d’autres sites amis), mais plus sûrement pour aller sur des sites commerciaux quand il ne s’agit pas de sites porno !

Le sens des mots est primordial dans un combat culturel et identitaire, spécialement quand le discours officiel proclame la fin des idéologies. En fait, « nous vivons dans un monde idéologique, c’est-à-dire façonné par l’idéologie dominante qui définit seule la normalité. L’idéologie dominante est au service de la super-classe mondiale et de son projet, en particulier du projet qu’elle a pour les peuples européens. Le fait qu’elle ait progressivement presque éliminé toute expression contraire pourrait donner à penser que cette idéologie n’en est pas une et qu’elle traduit tout simplement “ la vérité ” ».

Décrypter la portée exacte des mots de la novlangue (la brochure emploie le masculin, nous le féminin, preuve de son caractère profondément indifférencié) contribue à contester cette vérité univoque et totalitaire.

Comment donc procéder ? Cinq catégories lexicales servent de repères :

« - les mots trompeurs, qui ont changé de sens et qui signifient souvent le contraire de ce qu’ils exprimaient auparavant ; » (l’un des plus anciens et des plus connus n’est autre que le fameux énervement qui signifie le contraire de ce qu’on croît aujourd’hui) ;

« - les mots subliminaux, qui sont utilisés pour produire certains effets de répulsion ou d’approbation chez le récepteur ;

— les mots marqueurs, qui expriment l’idéologie dominante et traduisent le fait que celui qui les emploie fait partie de la classe dominante ;

— les mots tabous, qui correspondent à des concepts que l’idéologie dominante s’efforce de supprimer ;

— les mots sidérants, qui visent à disqualifier les adversaires du Système ».

Voici un petit échantillon :

• « BLOND, BLONDE. Qualificatif subliminal dévalorisant aux yeux de la nouvelle classe dominante, qui préfère les Noirs et les métis ; curieusement les histoires anti-blondes ne gênent pas les féministes ni les antiracistes professionnels. »

Ajoutons que ces histoires « blondophobes » s’apparentent aux fameuses blagues belges qui pourraient être jugées pour le moins xénophobes et discriminatoires. À quand donc une législation pour réprimer ces manifestations de racisme ? Gageons que féministes extrémistes et antiracistes alimentaires y verraient une atteinte à la liberté d’expression et au droit à l’humour…

• « CITOYEN. Mot trompeur : ce substantif, devenu adjectif, caractérise ce qui se conforme à l’idéologie dominante (ex. : trier ses déchets est un “ comportement citoyen ”) (trad. : moutonnier, docile). »

On peut se demander si, de nos jours, Panurge n’aurait pas troqué son troupeau pour des citoyens

• « INGÉRENCE. Terme marqueur : connoté positivement désormais dès lors qu’elle prétend se faire au nom de “ l’humanitarisme ” ou du “ maintien de la paix ” (trad. : violation). »

On continuerait ainsi la lecture des quelques trois cents définitions tout aussi coruscantes les unes que les autres. Par cette brochure, Polémia éclaire le travestissement et la mutation de la sémantique par l’idéologie dominante dont les mots d’ordre (de désordre plutôt) sont ensuite repris et répercutés par les médias, les entreprises, l’école, le sport…

Saluons enfin la volonté de l’opuscule de s’inscrire dans notre époque et non au siècle dernier. À l’article « droite, gauche », on lit en effet avec plaisir : « Termes trompeurs ayant perdu toute pertinence à la fin du XXe siècle depuis que la gauche socialiste et communiste s’est ralliée à l’économie de marché et que la droite a adopté l’idéologie égalitaire et cosmopolite des socialistes. Ne désigne plus que des itinéraires personnels et des ancrages locaux différents (trad. : partis au pouvoir). » Ce clivage politicien et électoraliste est désormais désuet, d’autant que l’idéologie dominante, elle, « emprunte à la fois à la mémoire de gauche (égalitarisme, cosmopolitisme, ingénierie sociale) ; et à la doctrine libérale anglo-saxonne (discours sur la dérégulation [aïe ! bonjour l’anglicisme pour « déréglementation » !], la réduction de l’État, la mondialisation, l’ouverture des sociétés, la volonté de substituer la morale et le pouvoir des juges à la souveraineté politique). […] On notera que cette idéologie correspond parfaitement à la sociologie du monde médiatique qui est intellectuellement de gauche […] lié à l’univers marchand ».

Dorénavant et pour les prochaines décennies, la ligne de fracture s’organisera autour des notions d’identité et de mondialisme, d’altérité et d’uniformité. Pour le camp identitaire, c’est un impératif de maîtriser le vocabulaire, car son âme en dépend. Le Dictionnaire de novlangue est donc un auxiliaire précieux.

Georges Feltin-Tracol

Polémia, Dictionnaire de novlangue suivi de La Bataille du vocabulaire, 2009, 63 p., 10 €, à télécharger sur son site (www.polemia.com) ou à commander pour 15 € (port inclus) à Polémia, 60 ter, rue Jean-Jacques-Rousseau, F - 92 500 Rueil-Malmaison, France.