samedi, 10 janvier 2009
Affiche: Ja / Nee!
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La Shanghai Cooperation Organization ed il nuovo "Grande Gioco"
La Shanghai Cooperation Organization ed il nuovo «Grande Gioco» |
http://www.eurasia-rivista.org |
di Andrei Areshev* |
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Regard éclairé d'un Américain sur l'Iran
REGARD ECLAIRE D’UN AMERICAIN SUR L’IRAN
trouvé sur: http://unitepopulaire.org
« L'important, c'est le pétrole. Nous autres, Américains, sommes beaucoup plus dépendants d'un pétrole bon marché que les Français. Or l'Iran pourrait très bien prendre le contrôle du golfe Persique en fermant le détroit d'Ormuz, et détruire en quelques minutes (grâce à ses batteries de missiles) les installations pétrolières saoudiennes. Il priverait donc très facilement le marché mondial de 17 milliards de barils. Il ne le fera pas, mais cette menace constitue une force de dissuasion qui empêche les Etats-Unis d'envahir ou d'attaquer le pays. De plus, 90% des habitants du Golfe sont chiites, et pour l'heure sont sensibles à l'influence de l'Iran.
Soyons lucides : les Arabes, qu'il s'agisse des Palestiniens, des Egyptiens ou des Jordaniens, ont mené contre Israël un combat complètement inefficace. Seul le Hezbollah chiite, soutenu par l'Iran, a pu faire reculer les Israéliens. Les Arabes sont donc forcés de se tourner vers l'Iran, qui devient ainsi un empire par procuration, et qui excelle dans ce rôle. Le peuple iranien est intelligent, et sa civilisation est millénaire. Il est sans aucun doute beaucoup plus ouvert à la modernité que les Arabes. C'est un pays stratégiquement très patient qui calcule ses coups à long terme face à un ennemi américain incapable de planifier son action plus d'une semaine à l'avance. La situation pourrait se résumer ainsi : l'Iran est le pays le plus stable, le plus influent et le plus puissant du Moyen- Orient, et les Etats-Unis devront, ou bien le combattre pendant les trente années à venir, ou bien parvenir à un accord de coexistence. (...)
C'est un empire hybride, fondé à la fois sur un armement ultramoderne et sur une stratégie de guérilla et de guerre asymétrique. (...) L'Iran est parvenu à convaincre les Arabes qu'il est le seul à combattre le colonialisme. Le secret de l'Iran, c'est d'accorder à ses alliés, Hezbollah compris, du pouvoir et du respect. Ses agents ont formé Hassan Nasrallah à ne pas recevoir d'ordres, mais à compter sur ses propres forces et à s'affirmer comme leader autonome. Et Nasrallah ne reviendra pas là-dessus. (...) Ce système de délégation de pouvoir ne se fonde ni sur l'argent ni sur la contrainte, mais sur une foi partagée. Tel est le message iranien : seul l'Iran est capable de mettre fin à la domination occidentale au Proche-Orient. L'Iran représente donc, ne serait-ce que par défaut, le seul espoir crédible. (...)
Les Américains font preuve d’un aveuglement délibéré, au même titre que celui qui a conduit à la crise des subprimes. Il relève d'un optimisme sans aucun fondement, qui a également présidé à l'invasion de l'Irak, que même le New-York Times soutenait. Cet aveuglement est également le fruit d'une ignorance de toute la civilisation iranienne, qu'on réduit à la seule personne d'Ahmadinejad. A la sortie de mon livre aux Etats-Unis, on m'a pris pour un fou ! Mais je persiste à penser qu'il faut admettre de considérer l'Iran comme un interlocuteur valable, sous peine de devoir lui livrer une guerre de trente ans, ce que les Etats-Unis ne peuvent certainement pas se permettre. Il faudrait mobiliser un million d'hommes et dépenser jusqu'au dernier dollar. Et au nom de quoi, cette guerre ? De la démocratie ? Du sionisme ? Ce serait pure folie. Le golfe Persique s'embraserait, le prix du pétrole atteindrait les 400 dollars le baril, et l'économie américaine serait sous un nouveau choc. (...)
Malgré ses points faibles, l’Iran est un pays capable de mobiliser un million d'hommes : soldats de l'armée régulière (d'une remarquable efficacité), gardiens de la révolution, sans compter les milices chiites à l'extérieur qui lui permettent d'intervenir par procuration. Et beaucoup d'Iraniens, même les étudiants hostiles au régime, approuvent la politique étrangère de leur gouvernement. (...)
A Washington sévit un lobby politico-médiatique qui agite toujours le même discours. On ne fait que brandir la menace de la bombe iranienne, d'un nouvel Holocauste, avec Ahmadinejad comme épouvantail. (...) Je ne crois pas plus à la bombe iranienne que je n'ai cru aux armes de destruction massive de Saddam Hussein ! C'est toujours la même propagande. La guerre d'Irak a au moins eu le mérite de faire comprendre qu'il est impossible, ne serait-ce qu'économiquement, de créer un empire néocolonial. Elle a entraîné une diminution du pouvoir réel et du prestige des Etats-Unis dans le monde. A cet égard, la crise financière peut influer dans le bon sens la politique étrangère de mon pays. Car si les Etats-Unis vivent dans l'illusion de disposer d'un argent et d'un pouvoir illimités, cela conduit toujours à la catastrophe. »
Robert Baer, ex-agent de la CIA, auteur de "Iran : l’Irrésistible Ascension", interviewé par Le Nouvel Observateur, 18 décembre 2008
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La guerra del gas
La guerra del gas http://www.rinascitabalcanica.info
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Si è tenuta oggi a Bruxelles la riunione tra il direttore esecutivo Gazprom Alexei Miller e i dirigenti della Commissione europea, per illustrare lo stato attuale della crisi di fornitura e di transito del gas attraverso il territorio ucraino. La Russia riattiverà le forniture se l'Ucraina acconsentirà l'ispezione degli osservatori europei, e garantirà successivamente il transito. |
Dopo soli pochi giorni di tagli alle forniture di gas, molti Stati Europei cominciano ad essere vittima del caos e del panico, oltre che del freddo, nonostante le rassicurazioni impassibili dei rispettivi Governi. Continua dunque ad imperversare quella che può essere definita "la guerra del gas", scatenata da Russia e Ucraina senza nessun preavviso o misura cautela per preservare tutte le controparti coinvolte, ripetendo testardamente lo stesso errore del 2006. Tra l’altro, le schermaglie dei due litiganti hanno dato vita ad una diffusa disinformazione, tra accuse reciproche e intimidazioni, sintomo evidente della reciproca responsabilità dei due operatori energetici. La regione europea orientale, e la stessa Germania, sono rimaste senza gas, e chi ne ha la possibilità ricorre alle riserve strategiche. I Balcani non hanno alcun approvvigionamento di gas, che non può essere compensato con il ricorso agli stoccaggi, ma solo alla riconversione energetica con altri combustibili più costosi. Anche l’Italia non riceve da due giorni il gas russo, registrando secondo quanto riportato dall’ENI una sostanziale interruzione del gas proveniente dal gasdotto TAG, vedendosi così costretta ad aumentare il ricorso agli stoccaggi per compensare il calo delle importazioni. Il Ministro dello Sviluppo Economico, Claudio Scajola ha stimato un’autonomia non superiore alle tre settimane, in considerazione del fatto che l’apparato infrastrutturale italiano non ha avuto negli ultimi anni delle migliorie sensibili che possano compensare l’ammanco delle forniture provenienti della Russia. Si cerca dunque di massimizzare gli approvvigionamenti dagli altri Paesi fornitori (Algeria, Libia, Norvegia, Olanda, Gran Bretagna), ma anche dalla Slovenia, a cui sono stati già richiesti circa 200 mila m3 di gas al giorno.
Nel frattempo, si è tenuta oggi a Bruxelles la riunione tra il direttore esecutivo Gazprom Alexei Miller e i dirigenti della Commissione europea, per illustrare lo stato attuale della crisi di fornitura e di transito del gas attraverso il territorio ucraino. Miller ha incontrato il Commissario europeo per l'Energia Andris Piebalgs, il Presidente della Commissione Europea José Manuel Barroso e il Presidente del Parlamento europeo Hans-Gert Pottering. Allo stesso tempo, nella nottata tra la giornata di mercoledì e giovedì, si è avuto un faccia-a-faccia tra i dirigenti Gazprom e Naftogaz Ukraine a Mosca, quali Alexei Miller e Oleg Dubina, per giungere ad un compromesso per porre fine alla crisi. Mosca rimane ferma sulla tesi secondo cui Gazprom ha sospeso le forniture di gas verso l'Ucraina dopo che non era stato raggiunto nessun compromesso sull’accordo commerciale per il 2009 e la liquidazione degli arretrati: una minaccia inutile se non attuata. Pur assicurando che il taglio interessava solo le esportazioni di gas destinate al consumo interno dell’Ucraina, Gazprom si è detta costretta a sospendere tutte le forniture sul territorio ucraino, in quanto la società energetica ucraina Naftogas ha deviato più di 86 milioni di metri cubi di gas russo destinato al mercato europeo, mentre la società RosUkrEnergo non ha ricevuto 25 milioni di metri cubi dalla UGS Ucraina. Il gigante russo ha poi intimato la società ucraina di restituire, mediante le proprie riserve, il gas che non è stato ricevuto dai consumatori europei. Al contrario, il Vice Presidente della Naftogaz Vladimir Trikolich accusa apertamente Gazprom, e afferma che "la Russia non ha neanche cercanto di riaprire il deposito del transito del gas attraverso l'Ucraina", e che "Gazprom ha completamente bloccato le forniture di gas per l'Ucraina e lo stesso transito di gas verso l'Europa". Secondo Kiev, la propaganda russa è deliberatamente volta a screditare la Naftogas e lo stesso Stato ucraino, a cui vengono imputando tutte le responsabilità per la cessazione della fornitura di gas ai Paesi Europei.
Ora la Russia chiede che sia garantito il transito del gas e l’autorizzazione del controllo da parte di osservatori internazionali come condizione per la ripresa delle forniture di gas alle frontiere. Il Presidente russo Dmitri Medvedev ha infatti ribadito che, prima di riaprire le condutture, è necessario autorizzare il monitoraggio da parte di rappresentanti Gazprom, Naftogaz, le autorità ministeriali dei due Paesi e gli osservatori della UE. La controparte ucraina, da parte sua, si dice pronta a fornire il transito di gas russo verso l'Europa, come affermato da Oleg Dubina nel corso di una conferenza stampa con i giornalisti al termine dei colloqui a Mosca con Miller. "La situazione attuale e le incomprensioni derivano da questioni economiche, non da problemi politici. Essi devono essere risolte in conformità degli interessi economici delle parti", afferma Dubina, aggiungendo che l'Ucraina è pronta a garantire il transito di gas verso l’Europa, e che la parte russa deve comunque garantire la fornitura di una certa quantità di gas necessaria al funzionamento del compressore e delle stazioni di transito. Allo stesso modo si dice favorevole ad ammettere l’ingresso sul territorio degli osservatori dell'Unione Europea per il monitoraggio di gas. "I nostri uomini sono pronti ad entrare sul territorio ucraino. Stiamo aspettando l'esito della riunione tra i capi di Gazprom e Naftogaz", ha riferito Pottering dopo l'incontro con il Vice Primo Ministro d'Ucraina Grigory Nemyreem.
In un modo o nell’altro, sembra che la situazione stia lentamente tornando alla normalità, dopo che Mosca e Bruxelles hanno dettato delle precise condizione per lo sblocco della crisi energetica. Molto probabilmente l’emergenza rientrerà da qui a pochi giorni, viste le forti pressioni giunte dai vertici delle Istituzioni Europee e dei singoli Stati membri. L'esito della grande crisi sarà comunque negativo, in quanto i prezzi saranno aumentati e i Paesi fornitori si sentiranno, a maggior ragione, in balia della lotta perpetua di Mosca per il controllo della regione, sia dal punto di vista energetico che politico. Il rapporto fornitore-consumatore è stato in qualche modo incrinato, non essendovi nei fatti una strategia di cooperazione reale, al punto che basta una lite commerciale per decretare il taglio secco e totale dell’energia, senza la minima considerazione per i possibili danni economici e reali che si provocano. Il tutto si riduce ad un gioco-forza per ottenere il dominio delle proprie zone di influenza. La "guerra del gas" dichiara sconfitta innanzitutto l’Europa, impotente e impreparata nonostante le grandi strategie di diversificazione, ma anche l’Ucraina, che non è riuscita ancora una volta nel suo "colpo di Stato" contro la Russia. Ogni strategia è stata dispiegata per portare a compimento il progetto dell’Opec del gas, e ribadire il fatto che l’Europa, l’Ucraina ed ogni altro Stato che dipende da tali fonti di energia, non possono fare a meno della Russia.
Fulvia Novellino
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La ville, sa figure moderne
Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES - VOULOIR (Bruxelles) - Juillet 1994
Fabrice MISTRAL:
La ville, sa figure moderne
“La forme de la ville a, depuis la révolution industrielle, toujours changé plus vite que le coeur des mortels (...)”, écrit Annie Fourcaut, remarquable historienne de l’urbanisme contemporain. C’est en banlieue, territoire de constitution récente, moins marqué par les héritages que ne le sont les vieux centres urbains, que la modernité urbaine s’incarne le plus fortement (1). Bouleversement des images de la ville comme de son fonctionnement, nouveaux réseaux de communication, télescopage entre la rapidité potentielle des déplacements et l’engorgement effectif, ...: la ville témoigne au plus haut point des contradictions sociales à l’oeuvre. Deux aspects principaux, particulièrement marqués en banlieue, peuvent être repérés:
- la fin de tout holisme urbain,
- la nouvelle nature des communications physiques.
a) Contrairement à la ville traditionnelle, la ville moderne n’est plus perceptible comme un tout. Georges Teyssot écrit qu’elle “outrepasse définitivement le monde de l’expérience sensible” (2). De là nait une profusion des “images” de la ville produites par les architectes et les bureaux d’études: précisement parce que cette image fait problème, et ne relève plus de l’évidence. Jacques Guillerme écrit: “La puissance de la figuration tient essentiellement à la dénotation qui lui est associable”. En d’autres termes, imaginer, c’est dévoiler. Heidegger l’exprime à sa façon: “L’ouverture d’un monde donne aux choses leur mouvement et leur repos, leur éloignement et leur proximité, leur ampleur et leur étroitesse” (3). Pour cette ouverture, des repères sont nécessaires: sans cartes, le territoire n’existe plus. A l’inverse, avec la prolifération des représentations, le territoire disparait aussi. On peut faire l’hypothèse suivante: “La catastrophe urbaine aurait résidé en l’impossibilité de maîtriser la représentation de la ville” (4). Conséquence de cette multiplication des points de vue sur la ville: la fin du “holisme” urbain, c’est-à-dire d’un sentiment commun d’appartenance. Vient alors le temps des remises en scène. L’objectif (voir “Banlieues 89”, le secteur politique de la ville du ministère de la culture, etc) est de génerer un “nouvel art d’habiter”, et la possibilité d’appropriations collectives des lieux. Le problème est qu’une trop fréquente méconnaissance des pratiques urbaines de la part des urbanistes, plus encore de leurs maîtres d’ouvrage, rend fragiles ces remises en scène. Difficulté des tentatives “baroques” (5) de réenchantement de la ville: elles sont fondées généralement sur une naturalisation de l’histoire plus que sur sa réinvention. A cette aune, la différence entre l’urbanisme des libéraux - qui rejette le zonage au nom du refus des règles - et l’urbanisme des sociaux-démocrates - interventionnistes au nom d’un équilibre à rétablir - est, sinon “illusoire”, comme l’écrit Guiheux, du moins secondaire. Dans les deux cas, l’urbanisme (moderne) est système d’objets. Dans les deux cas, ceux-ci ne font pas corps avec la ville.
Le baroquisme consolide en outre la césure entre l’intérieur et l’extérieur dans la ville, entre l’habitat et la rue. Dans la ville traditionnelle, le dedans n’est qu’un “pli du dehors” (Henri Gaudin). Pour autant, ce pli rend les intérieurs habitables. Car il y a opacité de l’étoffe. Dans la ville moderne, le mythe de la transparence tend à supprimer les intérieurs en tant que lieux habités. Et la tentative baroque de conjurer la banalité par la naturalisation de l’histoire renforce l’incommunication.
b) La seconde caractéristique de la modernité urbaine concerne la nature des communications matérielles et d’abord la nouvelle conception de leurs intersections. Les voies de communication se multiplient qui correspondent à une direction, mais ne se rencontrent pas avec d’autres voies: un échangeur n’est pas un point, mais un noeud. C’est “une intersection sans carrefour” note Michel Serres. L’échangeur “reçoit et redistribue, il trie sans mélanger” (6). La route moderne - celle des autoroutes et des “voies rapides” - est par nature unidimensionnelle, elle ne correspond qu’à un trajet et un seul: de l’embranchement ouest de l’autoroute X à la sortie sud de telle ville. Le trajet est ainsi en quelque sorte irréversible. En cas d’erreur d’aiguillage, “même si nous retournons sur le point, nous serons néanmoins sur une autre voie” (Georges Teyssot). Ces trajectoires pré-déterminées, faites pour éviter de nous “perdre”, aboutissent à une formidable dépossession de la liberté humaine d’interpréter un territoire - comme un musicien interprète une partition.
La nouvelle nature des réseaux de transport amène à s’interroger sur les rapports entre la modernité urbaine et la communication. Chantal de Gournay rappelle que pour communiquer, il faut “savoir s’effacer (derrière une facade, un rôle” (7). En ce sens, la banalité, par opposition à la distinction, est précisément ce qui permet la communication: c’est dans la mesure où nous sommes partiellement inauthentiques que la communication est possible. De ce fait, il n’y a pas coincidence entre les activités de conscience et les manières d’apparaître. La conséquence urbaine en est qu’un lieu de communication est un lieu “de tous le monde et de personne” - comme à Marseille la Canebière que Marcel Roncayolo définit comme un “no man’s land”. Par là, elle est qualifiée comme lieu inconsommable et inappropriable. Banal, mais à sa façon.
Le problème est que, dans la ville moderne, ou dans celle parfois qualifiée de post-moderne, l’espace public répond à la recherche d’un style. Or, cet espace public fonctionne comme tel précisement s’il “correspond à un degré zéro de la mise en scène”, écrit Chantal de Gournay qui ajoute: “L’espace public post-moderne, fait “sur mesure” sinon à la mesure de son “public”, est à la grande ville industrielle ce que le “narrowcasting” est à la télévision de masse” (8).
La place de l’espace public est ainsi un repère capital dans la génèse de la ville moderne. Tout d’abord, cet espace est caractérisée par la rue. Celle-ci devient au XIXème siècle espace d’auto-mise en scène de la socialité pour elle-même (comme l’illustrent bien les peintures de Monet). Elle l’est notamment au travers des grands magasins, qui consacrent à la fois le triomphe de la consommation et de l’individualisme. Se manifeste ainsi une rupture avec la Renaissance: la ville moderne ne se contente plus de se représenter. Elle se donne en spectacle.
La modernité urbaine dans ses premiers moments a représenté une transition dans laquelle coexistaient des aspects modernes et traditionnels qu’a bien vu Walter Benjamin. La rue n’est plus “pli sinueux”, mais ruban géométrique. “Ce n’est pas dans l’errance que l’homme se livre à la rue, écrit-il dans Le livre des passages (Le Cerf, 1989); il succombe au contraire à la fascination du ruban monotone qui se déroule devant lui.”
“Le labyrinthe, poursuit Benjamin, représente toutefois la synthèse de ces deux types de terreur; c’est une errance monotone” (9). En conséquence, c’est avec raison que C. de Gournay peut écrire: “L’espace public, loin d’être pour le flaneur un champ d’interaction humaine, est un lieu de perte où l’homme se dissout dans l’équivalence qui régit désormais l’univers de la marchandise” (10). Une des formes de cette perte est l’expérience fusionnelle qui se produit dans la ville moderne sous la forme de la fascination par la marchandise, - la “communion avec la marchandise” dont parle Walter Benjamin. Paradoxe apparent: ce qui triomphe à partir du 19ème siècle, c’est le simulacre d’une communion ou d’une fusion qui cache maladroitement la réalité de l’homme des foules (le flaneur de Baudelaire), ou de l’homme sans qualité (Musil). En effet, “la socialité, précise Isaac Joseph, en tant que celle-ci implique une concertation, est tout le contraire d’une expérience fusionnelle” (11). Cette socialité implique une communication et non la simple présence à son rôle social. Elle est tout autre que la danse devant le feu d’artifice des marchandises.
Aussi, au travers de la communication, peut-on approfondir l’opposition typologique entre la ville traditionnelle et la ville moderne. Dans la première, le réseau de communication physique relève du labyrinthe, où la réversibilité est toujours possible. Ce labyrinthe, ponctué de carrefours, est “régi, note G. Teyssot, par des schémas d’axialité, formé d’une hiérarchie d’espaces caractérisés” - les avenues, les places, les rues, les galeries, ... C’est un moyen d’apprivoiser l’espace. Il permet les repères, et surtout les arrêts. La ville traditionnelle est ainsi celle qui permet de revenir sur ses pas. Dans la mesure où elle se lit au travers des rues, elle permet de prendre ce qu’André Breton appelait “le vent de l’éventuel” - et est l’un des lieux du politique tout comme de la disponibilité sexuelle. La ville traditionnelle est celle dans laquelle la déambulation est possible, - et le projet non obligatoire.
Dans la ville moderne et hyper-moderne, l’urbanisme des voies non réversibles est aussi celui des “rubans”: rubans des équipements culturels, des sièges de société, etc. A l’échelle des agglomérations est reprise l’idée de la ville linéaire de Le Corbusier. Ainsi le “grand espace” de la ville moderne, qui est l’espace de l’agglomération, est-il un espace d’homogénéisation. Il s’oppose à l’esthétique du divers (Victor Segalen) et du mélange. Il est ponctué, dans sa variante hyper-moderne, non de rues, même si on observe parfois une composition en terme d’axe (néo-hausmannisme), mais surtout de “pôles d’excellence”: (Massy-Rungis, Cergy-Pontoise, ...) ou de “zones de restructuration” (Seine-amont, la boucle de Genevilliers,...). Dans tous les cas de figures, ces pôles doivent “communiquer” entre eux plus qu’avec leur environnement respectif. Plus que destinataires ou émetteurs de communication, ils doivent être vecteurs de communication eux-mêmes.
Observateur attentif de ces signes, Marc Augé appelle sur-modernité “la surabondance évênementielle, la surabondance spatiale et l’individualisme des réferences” (12). La sur-modernité est selon lui caractérisée par les non-lieux. Explication: le lieu, “identitaire, relationnel et historique”, s’incrit dans un territoire, façonné par les pratiques des hommes. Alors que le non-lieu, couplé avec un espace neutre et “mathématique” (que dire de l’espace, sinon sa surface ?), est une simple portion d’espace. Le non-lieu n’habite pas l’espace; il est donc lui-même inhabitable. Conséquence: il ne permet pas la mutation de l’espace en territoire, ensemble de lieux humanisé et historicisé. La sur-modernité apparait ainsi une forme d’hyper-modernité, à quoi se réduit pour Kostas Axelos la “post-modernité”. Nous en sommes là. Il en est désormais de la modernité comme de l’Occident défini par Cioran: c’est “une pourriture qui sent bon”. A ce stade, l’a-venir ne peut être qu’un retournement. La clé en est la sortie du règne de la marchandise, donc de l’auto-symbolisation par l’économie. C’est dire que le travail vivant doit cesser d’être au service de l’accumulation et au contraire devenir l’objet premier de valorisation. A ces conditions, un dépassement tant de la ville traditionnelle que de la ville moderne pourrait donner lieu à une ville authentiquement post-moderne.
Fabrice MISTRAL
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(1): précisons d’emblée que nous partageons le point de vue de Kostas Axelos comme quoi le post-moderne n’est que de “l’hyper-moderne”: l’exacerbation du moderne, non sa négation.
(2): la métropole mise en représentation, in Urbanisme: la ville entre image et projet, Cahiers du C.C.I. n°5, Centre Georges Pompidou.
(3): L’origine de l’oeuvre d’art, in Chemins qui ne mènent nulle part, Gallimard, 1962.
(4): Alain Guiheux, Cahiers du C.C.I, op. cit.
(5): le thème de la ville baroque a été popularisé par Jean-Pierre Le Dantec. Voir Dédale le héros, Balland, 1991.
(6): Hermès 2. L’interférence, éditions de Minuit, 1976.
(7): in Cahiers du C.C.I., op. cit.
(8): id.
(9): Walter Benjamin écrit: “Le labyrinthe est la patrie de celui qui hésite. Le chemin de celui qui appréhende de parvenir au but dessinera facilement un labyrinthe. Ainsi fait la pulsion sexuelle dans les épisodes qui précèdent sa libération.” Il note encore, avec une justesse saisissante: “Le labyrinthe est le bon chemin pour celui qui arrive bien assez tôt au but. Ce but est le marché”.
(10): in Cahiers du C.C.I.
(11): I. Joseph, communication pour le colloque “Vie publique, vie privée”, Lyon, octobre 1980. La socialité est ici entendue au sens de sociabilité (selon la distinction que fait Bourdieu entre cette dernière et la sociétabilité).
(12): Non lieux, Introduction à l’anthropologie de la surmodernité, Seuil, 1992.
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