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dimanche, 28 juin 2020

Hommage à Marc Fumaroli (1932-2020)

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Hommage à Marc Fumaroli (1932-2020)

par Institut Iliade (via Facebook)

000537911.jpgNé à Marseille le 10 juin 1932, Marc Fumaroli a passé son enfance et son adolescence à Fès. Sa mère fut sa première institutrice. Études secondaires et baccalauréat de lettres au lycée de Fès Ville-Nouvelle. Études supérieures au lycée Thiers à Marseille, à l’université d’Aix-en-Provence et à la Sorbonne. Agrégation de lettres classiques en 1958. Service militaire à l’École militaire interarmes de Coëtquidan et dans le VIe Régiment d’artillerie à Colbert, dans le Constantinois, entre septembre 1958 et janvier 1961. Pensionnaire de la Fondation Thiers de septembre 1963 à août 1966. Élu assistant à la Faculté de lettres de Lille à la rentrée 1965. Docteur ès lettres à Paris IV-Sorbonne en juin 1976. Le même mois il est élu maître de conférences à Paris IV-Sorbonne à la succession du professeur Raymond Picard. Directeur de la revue XVIIe siècle (1976-1986) et membre du conseil de rédaction de la revue Commentaire (1978-2010), dirigée par Raymond Aron jusqu’à sa mort en 1983 et depuis par Jean-Claude Casanova.

En 1986, Marc Fumaroli est élu professeur au Collège de France, sur présentation du poète Yves Bonnefoy et de l’historien Jean Delumeau, dans une chaire intitulée « Rhétorique et société en Europe (XVIe-XVIIe siècles) ». Il a participé en 1977 à la fondation de la Société internationale pour l’histoire de la rhétorique, et il l’a présidée en 1984-1985, organisant cette dernière année son 3e Congrès international à Tours. Directeur du Centre d’étude de la langue et de la littérature françaises des XVIIe et XVIIIe siècles (Paris-IV-C.N.R.S.) de 1984 à 1994. De 1993 à 1999, il a été président de l’Association pour la sauvegarde des enseignements littéraires (S.E.L.), fondée par Mme Jacqueline de Romilly. Il succède en octobre 2006 à M. le chancelier Gabriel de Broglie à la présidence de la Commission interministérielle de terminologie. Il a fondé et dirige l’Institut européen pour l'Histoire de la République des Lettres, hôte de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm.

chateaubriand-poesie-et-terreur-12356-264-432.jpgIl a été visiting professor à All Souls College, Oxford, en 1983, et visiting fellow à l’Institute for Advanced Study de Princeton en 1984. Il a enseigné ou donné des conférences dans de nombreuses universités des États-Unis (notamment New York University, Columbia, Johns Hopkins, Harvard, Princeton, Houston, Los Angeles). Invité par le professeur Allan Bloom, il a prononcé une série de conférences dans le cadre du Committee for Social Thought de Chicago dont il est devenu membre, avec le statut de professeur at large de l'Université, où il a enseigné deux mois par an jusqu’en 2006. Il a été aussi invité à prononcer des conférences dans le cadre du Center for Advanced Study in the Visual Arts de la National Gallery de Washington, notamment dans le cadre de sa Fifteenth Anniversary Lecture Series. Il y est revenu en mars-avril 2000 pour prononcer les six Mellon Lectures de cette année-là. Il a prononcé la Cassal Lecture à l’université de Londres et la Zaharoff Lecture à l'université d’Oxford en 1991. Il donne chaque année en mai une série de conférences à l’Istituto di Studi Filosofici fondé et dirigé par M. Gerardo Marotta, et participe fréquemment aux congrès de la Fondation Cini à Venise. Il a été invité dans la plupart des universités italiennes. Il a été nommé docteur honoris causa de l'université de Naples (Federigo Secondo) en 1994, de l'université de Bologne en 1999, de l'université de Gênes en 2004, de l'université Complutense de Madrid en 2005 et son enseignement au Collège de France a été donné par deux fois dans des institutions italiennes : université de Rome en 1995-1996, École normale supérieure de Pise en 1999-2000. Il considère, depuis sa jeunesse, l’Italie comme sa seconde patrie, et il est fier d’y compter d’innombrables amis, au premier rang desquels le professeur Tullio Gregory, directeur honoraire de l’Istituto di storia della filosofia de l’université de Rome-La Sapienza. Il est membre de nombreuses sociétés savantes françaises et étrangères. Membre correspondant de la British Academy, membre de l'American Academy of Sciences, Letters and Arts, membre de l'American Philosophical Society de Philadelphie, membre de l'Accademia dei Lincei depuis 1997, il est président de la Société d’histoire littéraire de la France, succédant à René Pomeau. Il fait partie du conseil de rédaction de la Revue d'histoire littéraire de la France, et il collabore fréquemment à la Revue. Il donne régulièrement des articles à des quotidiens et des hebdomadaires français et étrangers. Il a reçu en 1982 le prix Monseigneur Marcel de l’Académie française et, en 1992, son prix de la Critique. Il a reçu le prix Balzan en septembre 2001, le prix du Mémorial et le prix Combourg en 2004.

l-etat-culturel-une-religion-moderne-21449-264-432.jpgL’Académie française l’a élu le 2 mars 1995, dans son 6e fauteuil où il succédait à Eugène Ionesco, où il a été reçu le 25 janvier 1996 par Jean-Denis Bredin. Il a été élu, en 1998, à l'Académie des inscriptions et belles-lettres au fauteuil laissé par Georges Duby.

Mort le 24 juin 2020 à Paris.

Œuvres

1980 L’Âge de l’éloquence. Rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique (Droz)

1985 Présentation et commentaire de La Fontaine, Fables, Lettres françaises (Imprimerie nationale)

1989 L’inspiration du poète de Poussin. Essai sur l’allégorie du Parnasse - Catalogue de l’exposition. (Musée du Louvre)

1990 Héros et orateurs, Rhétorique et dramaturgie cornéliennes (Droz)

1990 « La période 1600-1630 », dans Précis de littérature française du XVIIe siècle - sous la direction de Jean Mesnard (PUF)

1991 L’État culturel, essai sur une religion moderne

1994 Trois institutions littéraires (Gallimard)

1994 La Diplomatie de l’esprit, de Montaigne à La Fontaine (Hermann)

1994 L’École du silence (Flammarion)

1996 Le Loisir lettré à l’âge classique (Droz)

1997 Le Poète et le Roi. Jean de La Fontaine en son siècle

1998 L’Art de la conversation - sous la direction de Marc Fumaroli, Anthologie de Jacqueline Hellegouarc’h (Garnier)

1999 Chateaubriand et les Arts, « Ut Pictura Poesis - : Chateaubriand et les Arts », recueil d’études, publié avec le soutien de la Fondation Singer-Polignac

1999 Histoire de la rhétorique dans l’Europe moderne - dirigé et préfacé par Marc Fumaroli (PUF)

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2000 La Querelle des Anciens et des Modernes - précédé d’un essai "Les Abeilles et les Araignées" (Gallimard)

2000 L’Esprit de la société, Cercle et « salons » parisiens au XVIIIe siècle - sous la direction de Marc Fumaroli, Anthologie de Jacqueline Hellegouarc’h (Garnier)

2001 Quand l’Europe parlait français - Traduction américaine parue en 2011

2001 La Diplomatie de l’esprit (Gallimard)

2001 L’Art de persuader - de Pascal, précédé par L'Art de conférer, de Montaigne (préface de Marc Fumaroli) (Rivages)

2001 Poussin, Sainte Françoise Romaine

2002 Richelieu : l’Art et le pouvoir - sous la direction de Hilliard Todd Goldfarb (Musée des Beaux-Arts de Montréal)

9782221157039-475x500-1.jpg2004 Chateaubriand. Poésie et Terreur - Traduction italienne paru en 2006

2006 Exercices de lecture de Rabelais à Paul Valéry (Gallimard)

2009 Paris-New-York et retour : voyage à travers les arts et les images - Traductions italienne et espagnole à paraître en 2011 (Flammarion)

2010 Amelot de la Houssaye, L’Homme de cour (Gallimard)

2012 Le livre des métaphores (Robert Laffont)

2013 Le Sablier renversé - Des Modernes aux Anciens (Gallimard)

2014 La Grandeur et la Grâce (Robert Laffont)

2015 La République des Lettres - Collection Bibliothèque des Histoires (Gallimard)

2015 Mundus muliebris. Elisabeth Vigée Le Brun, peintre de l’Ancien Régime Féminin (Éditions de Fallois)

2016 Le comte de Caylus et Edme Bouchardon. Deux réformateurs du goût sous Louis XV (Somogy)

2019 Partis pris - Littérature, esthétique, politique (Robert Laffont)

2019 Le Poète et l'Empereur & autres textes sur Chateaubriand (Les Belles lettres)

2019 Lire les arts dans l'Europe d'Ancien Régime (Gallimard)
Discours et travaux académiques

Académie française.

Black Lives Matter : comment les globalistes manipulent la question raciale

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Dossier : Black Lives Matter

Black Lives Matter : comment les globalistes manipulent la question raciale

Par Pierre-Antoine Plaquevent

Pierre-Antoine Plaquevent est auteur et analyste politique. Ses travaux portent plus particulièrement sur les domaines du soft power et de l’infoguerre ainsi que sur ceux de la philosophie politique, de la géopolitique et de l’étude comparée des religions et des idéologies. Il est l’auteur de Soros et la société ouverte, métapolitique du globalisme (éd. Culture & Racines, 2020).

Strategika publie l’étude la plus complète à ce jour sur le sujet, réalisée par le spécialiste francophone des réseaux Soros. Cette étude traite des objectifs et de l’idéologie du mouvement et de ceux de ses soutiens financiers. L’auteur retrace l’ensemble des financements de Black Lives Matter par les plus grandes fondations de la finance cosmopolite et expose son agenda politique. Il détaille aussi les articulations entre BLM, les réseaux de l’extrême gauche radicale (qui lui donne sa capacité d’organisation et sa structuration politique) et l’oligarchie financière globaliste. Il replace cette mouvance dans la perspective plus large de l’analyse des coups d’États qui emploient la société civile pour faire tomber les régimes politiques qui résistent à l’agenda globaliste. Il s’agit ici de la lutte à mort pour l’hégémonie sur l’Occident entre deux orientations de société antagonistes : globalisme et occidentalisme. Une lutte dont l’issue s’avèrera déterminante pour le futur géopolitique de toute l’humanité.

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Les origines de « Black lives matter »

Extrait : (…) C’est réellement durant les manifestations et les émeutes de Ferguson en 2014 et 2015 que le mouvement va prendre forme. Courant 2015, Back Lives Matter deviendra alors officiellement un mouvement de défense des droits civiques des américains d’ascendance africaine. Il existait à cette époque 23 sections locales du mouvement Black Lives Matter aux États-Unis, au Canada et au Ghana. Le mouvement a depuis essaimé en une multitude de groupes et de sous-groupes de « base » reliés à l’organisation mère. Un type de structuration habituelle pour ce genre d’organisations décentralisées dans leur fonctionnement mais tenues en leur épicentre par leur idéologie.

Les objectifs et l’idéologie de Black Lives Matter

Extrait : (…) Il s’agit pour ce type de structure d’encadrer strictement l’action et la parole publique en leur sein dans le sens de l’agenda des financiers de ces organisations communautaires. Organisations qui n’auraient jamais atteint l’importance médiatique et politique qui est la leur sans ces promoteurs. (…) Il ne s’agit pas ici de pousser à une amélioration objective des conditions de vie des populations afro-descendantes mais bien d’utiliser la force cinétique sociale des frustrations accumulées au sein d’une partie de ces populations afin de les utiliser comme une arme à destination contre le gouvernement Trump et plus largement contre les classes moyennes américaines qui ont porté Donald Trump au pouvoir.

Black Lives Matter et l’extrême gauche globaliste

(…) Les CV des cadres et fondateurs du groupe éclairent aussi le lien substantiel qui existe entre extrême-gauche radicale, mouvements communautaristes et financiers globalistes.

Cullors, Garza et Tometi ont toutes trois travaillé dans des mouvements affiliés au Freedom Road Socialist Organization (Organisation socialiste de la route vers la liberté), l’une des quatre plus grandes organisations de gauche radicale des États-Unis.

(…) Le FRSO appelle ouvertement ses adhérents et sympathisants à transformer les émeutes et rassemblements récents en révolution communiste américaine contemporaine :

« Freedom Road Socialist Organization est une organisation marxiste-léniniste. Nous sommes rouges et fiers de l’être. »

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« Il est temps maintenant de rejoindre une organisation révolutionnaire ! Rejoignez l’organisation Freedom Road Socialist Organization … Si vous avez été dans la rue ces dernières semaines, il y a de fortes chances que vous ayez réfléchi à la différence entre le type de changement que ce système a à offrir et le type de changement dont ce pays a besoin. Le capitalisme est un système qui a échoué et qui prospère grâce à l’exploitation, l’inégalité et l’oppression. L’administration réactionnaire et raciste de Trump a aggravé la pandémie. La crise économique que nous traversons est la pire depuis les années 1930. Le capitalisme monopolistique est un système qui se meurt et nous devons l’aider à en finir. Et c’est exactement ce à quoi travaille l’organisation socialiste Freedom Road. »

De la lutte des classes à la lutte des races : la stratégie contemporaine du communisme 2.0

(…) « L’organisation socialiste Freedom Road qui appelle maintenant ouvertement à une révolution contre le capitalisme à la suite de l’assassinat de Floyd George a un autre levier d’action : « The Advancement Project », une association qui se décrit comme « une organisation de défense des droits civils multiraciaux de nouvelle génération ». Son conseil d’administration comprend un ancien directeur de « la sensibilisation des communautés » du département américain de l’éducation sous Barack Obama et un ancien assistant du procureur général pour les droits civils de Bill Clinton. En 2013, l’Advancement Project du FRSO a reçu des millions de la part de grandes fondations américaines exonérées d’impôts, dont Ford (8,5 millions de dollars), Kellogg (3 millions de dollars), la fondation Hewlett (2,5 millions de dollars), la fondation Rockefeller (2,5 millions de dollars) et les fondations Soros (8,6 millions de dollars). »

(…) Revenons-nous ici sur La Black Alliance for Just Immigration (BAJI) fondée en 2006 dirigé par une autre co-fondatrice de BLM née au Nigeria, Opal Tometi. Cette dernière association a perçu un financement significatif de 100 000 dollars de la part de l’Open Society Foundations de George Soros comme le révèlent des documents internes de l’OSF.

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Des révolutionnaires professionnels salariés du globalisme financier

(…) L’appui de George Soros va s’avérer fondamental pour l’entreprise Black Lives Matter. Le Washington Times du 14 janvier 2015 rapportait ainsi : « Il y a un homme solitaire au centre financier du mouvement de protestation de Ferguson. (…) C’est le milliardaire libéral George Soros, qui a construit un empire commercial qui domine l’Europe de l’autre côté de l’océan tout en forgeant une machine politique alimentée par des fondations à but non lucratif qui a un impact sur la politique américaine, un peu comme ce qu’il a fait avec MoveOn.org. M. Soros a stimulé le mouvement de protestation Ferguson en finançant et en mobilisant des groupes à travers les États-Unis pendant des années, selon des entretiens avec des acteurs clés et des dossiers financiers examinés par le Washington Times. » 

(…) En tout, M. Soros a donné au moins 33 millions de dollars en un an pour soutenir des groupes déjà établis qui ont encouragé la base et les activistes de terrain à Ferguson.

Black Lives Matter, une nouvelle technologie politique globaliste

(…) À bien des égards les événements en cours aux États-Unis rappellent la technique des révolutions colorées. Le symbole même du mouvement Black Lives Matter, un poing fermé, est le même que celui que l’on retrouve dans les mouvements prétendument spontanés qui prirent le leadership de la contestation dans la plupart des révolutions colorées dans le monde. Rappelons que ce symbole fût d’abord celui d’Otpor. Otpor qui signifie « résistance » en serbe est le nom de l’organisation militante qui a joué un rôle déterminant dans la chute du régime de Slobodan Milosevic en 2000 et qui a servi de modèle pour des opérations de changement de régime par société civile interposée partout dans le monde.

Black Lives Matter en France

(…) Le collectif Adama Traoré tentera par exemple de se greffer aux manifestations des gilets jaunes afin de communautariser et de gauchiser les revendications des manifestants. La porte-parole du comité, Assa Traoré (la demi-sœur du défunt) déclarait à l’époque : « On va prendre le terrain, on va pas laisser la place à tous ces fachos, à tous ces racistes … Tous ces Gilets jaunes fascistes et fachos qui ont depuis quelques semaines, quelques jours, des propos racistes. » ( …) Assa Traoré fût salariée de l’Œuvre de protection des enfants juifs-Baron Edmond de Rothschild (Opej) jusqu’en décembre 2019. Elle a milité pendant un an alors qu’elle était officiellement en arrêt maladie.

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2020, année géopolitique charnière pour la révolution globaliste

L’année 2020 est une année géopolitique charnière, le globalisme politique ne peut se permettre une réélection de Donald Trump qui l’éloignerait encore plus de la possibilité de reprise de contrôle de la puissance géopolitique américaine. (…) Nous assistons à la lutte à mort pour l’hégémonie sur l’Occident entre deux orientations de société antagonistes. L’issue de cette lutte déterminera le futur géopolitique de toute l’humanité. Cela les globalistes le savent, ils ne peuvent pas se permettre de perdre.

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Le Traité du Sablier, Ernst Jünger

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Le Traité du Sablier, Ernst Jünger

 
 
Introduction du séminaire intitulé « Initiation, transmission, transformation.
Rites de passage et figures de passeurs de l’Antiquité à nos jours », avec Françoise Bonardel.
 
Pour accéder à l'intégralité de l'échange: https://www.baglis.tv/ame/initiations...
Le site de Françoise Bonardel : http://www.francoise-bonardel.com
 
 
Remerciements à Lorant Hecquet et sa librairie L'Or des Etoiles, de Vézelay, organisatrice du séminaire http://www.ordesetoiles.fr
 
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Libye : la victoire du sultan ?

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Libye : la victoire du sultan ?

Ex: https://institutdeslibertes.org
 

Bientôt 10 ans (2011) qu’a eu lieu l’intervention franco-anglaise en Libye, dont les conséquences néfastes se font encore sentir. Outre le chaos libyen, c’est l’ensemble de la zone sahélienne qui a été perturbée et qui est déstabilisée du fait de la propagation de la révolte touareg à cet espace. Un temps on a pensé que le général Haftar allait gagner la mise en prenant le pouvoir d’une Libye fracturée entre est et ouest, Cyrénaïque et Tripolitaine, dans laquelle se sont affrontés de multiples groupes djihadistes et notamment Al-Qaïda et l’État islamique. L’irruption de la Turquie est en train de changer la donne en fragilisant un espace méditerranéen qui est proche du nôtre et donc dans la zone directe de notre souveraineté. De façon fort classique, ce qui se passe en Libye nous rappelle les luttes méditerranéennes de l’époque moderne : empire ottoman, Angleterre, France, Égypte, un monde arabe fragilisé, mais central et Chypre, acteur clef dans cette partie.

Une Libye détruite et instable

Depuis la chute de Kadhafi en 2011, la Libye s’est fracturée et s’est installée dans une guerre d’enlisement conduite par les différentes tribus, soutenues plus ou moins ouvertement par les Occidentaux. Les accords de Skhirat (2015) signés sous l’égide de l’ONU n’ont pas permis la réconciliation ni empêché l’affrontement de deux camps, qui correspond à une fracture historique de la Libye : Tripoli d’un côté, Benghazi de l’autre. La Russie a officiellement soutenu le gouvernement de Benghazi à l’automne 2018 afin de disposer d’une tête de pont en Méditerranée. Pour Vladimir Poutine, c’était un coup plutôt réussi : soutien à Assad en Syrie et soutien à Haftar en Libye, donc opposition au gouvernement de Tripoli reconnu par l’ONU. Cela signait le retour de la Russie en Méditerranée. Mais si en Syrie la situation a tourné en faveur d’Assad, en Libye Haftar n’a jamais réussi à prendre le contrôle de l’ouest du pays. Ce n’est pas faute d’engagement de la part de la Russie, qui a envoyé des avions de chasse et des soldats de la société militaire privée Wagner. Au total, Moscou a envoyé près de 2 000 hommes en Libye (Wagner + des miliciens de Syrie).

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Certain de sa victoire, Haftar a dénoncé l’accord de Skhirat en avril 2019, lançant une vaste offensive contre Tripoli. Il a réussi à prendre une partie de la Tripolitaine et à contrôler les faubourgs de la ville, mais sans jamais pouvoir renverser le gouvernement ni asseoir sa domination. Le 21 décembre 2019, le parlement turc a ratifié un accord de soutien au gouvernement de Tripoli, s’opposant ainsi à Haftar et à ses alliés occidentaux, mais se plaçant du côté de l’ONU et de ses résolutions. Habile façon d’exercer sa puissance tout en restant derrière le bouclier du droit international. En dépit d’un soutien constant des Occidentaux et d’une aide militaire et financière, Haftar n’a jamais réussi à prendre Tripoli. L’offensive turque l’a chassé de terres qui n’étaient pas les siennes.

Le beau coup d’Ankara

L’intervention militaire d’Ankara qui a apporté son soutien au GNA (Gouvernement d’union nationale) a renversé la donne et a privé Haftar d’une victoire qui lui semblait acquise. Il y a un an, plus rien, sauf le temps, ne s’opposait à la prise de pouvoir du général Haftar qui contrôlant l’est de la Libye avançait vers Tripoli. Un temps qui lui fut fatal et qui a permis un renversement inattendu. Haftar est soutenu par l’Égypte, la France, l’Arabie Saoudite et la Russie. Moscou l’a reçu en visite officielle et a envoyé de nombreux soldats à ses côtés via une société militaire privée. Cette conjugaison des forces devait permettre la prise de Tripoli et le renversement de Fayez al-Sarraj, lié aux Frères musulmans.

Erdogan a pris sa revanche sur la Syrie où il a été doublé par les Russes. Il a soutenu al-Sarraj en lui fournissant des armes, des hommes (près de 7 000), des conseillers lui permettant de réaliser une contre-offensive audacieuse qui a fait perdre l’ensemble de ses conquêtes à Haftar. La défaite est telle que l’on voit mal comment il pourrait reprendre la main et comment il pourra justifier un nouveau soutien auprès de ses alliés. Désormais, c’est à Ankara que passe la résolution du conflit.

La réussite semble totale pour la Turquie. Elle double l’Égypte et s’érige en acteur principal en Afrique du Nord. Elle prend sa revanche sur sa déroute en Syrie en doublant les Russes. Elle s’installe sur la rive sud de la Méditerranée, repoussant les Français et les Anglais. Elle contrôle la zone maritime gazière autour de Chypre. En quelques mois, Ankara a engagé et gagné un bras de fer et s’est positionné comme un acteur majeur en Méditerranée. Jusqu’à présent, sa puissance était mineure et consistait à ouvrir ou fermer le robinet migratoire, exerçant de ce fait sa pression sur l’Europe. Désormais, elle a montré qu’elle était une vraie puissance militaire, capable de pensée et de stratégie, de projection de forces et de contrôle de la mer. Ce n’est plus une puissance mineure, tampon entre plusieurs mondes, mais une vraie et authentique puissance politique et militaire, qui a des ambitions et qui les exploite.

Le 4 juin dernier, le Premier ministre libyen Fayez al-Sarraj était reçu par le président Erdogan à Ankara, montrant ainsi aux yeux de tous les alliances et les connivences du jeu méditerranéen. Le contrôle de la Tripolitaine est désormais assuré, ce qui ne règle pas complètement la question libyenne et maintien la fracture territoriale et culturelle. Ankara réalise de plus un beau coup diplomatique puisque al-Sarrraj est le dirigeant officiel de la Libye, reconnu comme tel par l’ONU. La Turquie peut donc se prévaloir de faire respecter le droit international et de maintenir la légalité, contrairement à ceux qui soutiennent le général Haftar.

L’Europe dans l’embarras

L’Europe a provoqué une situation dont elle a perdu le contrôle. Lancée en 2011, pour les mêmes raisons que la guerre d’Irak de 2003, la Libye s’est révélée être un échec majeur. Kadhafi éliminé, c’est la route migratoire vers l’Europe qui s’est soudainement ouverte. Comme dans un Monopoly géopolitique, la Turquie contrôle désormais l’ensemble des routes migratoires : la route asiatique, qui passe par son pays, la route africaine, qui passe par la Libye. Il va devenir beaucoup plus aisé pour Ankara de faire pression sur l’Europe en utilisant le chantage migratoire et en menaçant d’ouvrir le robinet. Nous risquons de connaître une situation beaucoup plus tendue qu’en 2015, arrivant dans des pays désormais saturés. Qui du Sahel et de la bande touarègue ? Ankara va-t-elle intervenir également dans cet espace et déstabiliser une présence française déjà mal assurée ?

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L’autre enjeu est énergétique. La Libye est le premier producteur africain de pétrole, devant le Nigéria et l’Algérie. Jusqu’à présent, les gisements étaient partagés entre Total et ENI. L’immixtion turque risque de changer la donne. L’enjeu majeur concerne le gaz de Méditerranée, au large de l’Égypte et de Chypre, un gisement dont les premières prospectives ont montré qu’il pouvait être l’un des plus importants au monde. L’accord conclu entre Erdogan et al-Sarraj prévoit que la Libye soutienne les prétentions turques à une extension de sa ZEE dans l’espace méditerranée. Les Européens vont pouvoir s’en vouloir de n’avoir jamais réellement cherché à régler la question chypriote, dont le nord est illégalement occupé par la Turquie depuis 1974. La Turquie, qui était depuis 1922 aux marges de l’Europe, se retrouve désormais en son cœur. Un siècle après la disparition de l’Empire ottoman, celui-ci ressurgit, sous une forme modernisée, mais non moins volontariste. C’est toute la pensée mentale européenne qu’il va falloir revoir : la notion d’intervention humanitaire (toujours un échec), le refus de la puissance, la minoration de la force militaire. Pendant longtemps ont a cru que la guerre opposerait des États à des tribus et qu’elle serait asymétrique. Voilà que ressurgit la guerre classique, celle qui oppose des États à des États, qui conduit à des combats en ville et à des contrôles de territoire. La vraie guerre en quelque sorte, intense, destructrice, qui nécessite une articulation entre stratégie et tactique. L’attaque de la frégate Courbet le 10 juin par un bateau de la marine turque illustre cet état de fait. Le contrôle de la mer est une nécessité, tout comme la préparation à la gestion de ce type d’agression. Le bateau français tentait d’intercepter un navire livrant des armes à Tripoli, probablement financé par la Turquie.

Reste à voir si Ankara pourra tenir longtemps sa position. La situation libyenne est très loin d’être réglée. Les beaux succès d’aujourd’hui ne signifient pas la victoire finale d’Ankara. Pour l’Europe, et surtout pour la France, cet affrontement est une chance : confronté au réel de l’affrontement, la direction militaire et politique va être contrainte de se renouveler et d’adapter son positionnement.

Auteur: Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).