mercredi, 20 septembre 2023
Le libéralisme liberticide
Le libéralisme liberticide
par Fabrizio Pezzani
Source : https://www.ariannaeditrice.it/articoli/il-liberismo-liberticida
La pensée unique libérale ou néolibérale d'aujourd'hui prétend trouver ses premières racines et sa légitimité dans les écrits d'Adam Smith, en particulier dans son ouvrage La richesse des nations écrit en 1767 et portant sur la signification du libre arbitre régulé par la main invisible du marché. Mais la véritable pensée de Smith est totalement asymétrique par rapport à cette interprétation. Le libéralisme, dans ce sens, devient une fin, et non un moyen comme Smith le pensait, et contribue à la formation d'un modèle d'analyse économique consacré exclusivement à une technicité exagérée et à une finance hégémonique qui a coupé ses liens avec les racines morales et sociales de cette science.
Pour comprendre la véritable pensée de Smith, il est nécessaire de le replacer dans l'histoire de son temps et de considérer ses œuvres dans leur intégralité, en commençant par la Théorie des sentiments moraux écrite en 1759 avant la Richesse des nations dont la lecture est fondamentale pour comprendre sa pensée. Le 18ème siècle, au cours duquel Adam Smith a vécu, est un siècle révolutionnaire d'un point de vue culturel, préparé par le siècle précédent au cours duquel le procès de Galilée et la révolution de Newton ont déterminé l'indépendance de la science face à l'unité de vie et de pensée qui avait été déterminée par la religion. Le 18ème siècle est le siècle des Lumières - le temps des lumières - où la pensée spéculative va affirmer la liberté de l'homme dans sa réalisation, le rôle de la raison et le principe d'une rationalité qui n'est pas absolue mais soumise à un ordre moral supérieur. Kant écrira la Critique de la raison pure et ouvrira la voie à l'idéalisme allemand et au matérialisme historique.
Les révolutions américaine et française clôtureront le siècle avec la déclaration des droits universels de l'homme - liberté, égalité et fraternité - en tant que fins absolues éloignées de l'intérêt personnel exclusif et égoïste. Smith, spécialiste écossais des Lumières, partage avec David Hume le rôle du "principe de sympathie" en tant que régulateur des relations humaines et de la capacité à s'identifier à l'autre. Le libre arbitre est affirmé, mais les choix individuels, tout en poursuivant l'intérêt personnel, doivent être soumis à l'intérêt collectif. En fait, écrit-il, le boulanger vend du pain en fonction de son intérêt personnel mais doit s'identifier aux besoins de ceux qui l'achètent, une forme de "concurrence collaborative" pourrait-on dire aujourd'hui. Pour lui comme pour ses contemporains, il était clair que les limites morales étaient insurmontables et que l'équilibre social devait être atteint en brisant l'égoïsme et l'altruisme qui définissent la conscience morale; des questions qu'il avait abordées dès le début de sa carrière en tant que chercheur dans le cadre de la philosophie morale qu'il enseignait.
Progressivement, au cours du siècle suivant - le 19ème siècle - la culture rationnelle et les sciences exactes ont pris le dessus et, selon les mots de Pascal, "l'esprit de géométrie" l'a emporté sur "l'esprit de finesse" et les raisons du cœur ont été de moins en moins écoutées par la raison. Ainsi le principe de sympathie collective sera remplacé par le principe d'utilité personnelle.
La vérité ne devient alors que ce qui se voit, se touche et se mesure et les sciences positives qui interprètent la vérité deviennent elles-mêmes des vérités incontestables et de savoirs instrumentaux prennent le statut de savoirs moraux et finalistes. Le "mirage de la rationalité" s'affirme, une illusion de la science plus dangereuse que l'ignorance.
Même l'économie subit cette mutation génétique et, de science sociale et morale, elle acquiert la nature de science positive et exacte et dicte les règles de la vie: on ne gagne pas pour vivre mais on vit pour gagner et on échange les fins contre les moyens comme l'avait indiqué Aristote avec le terme "chrématistique"; une richesse qui affame disait-on en rappelant le mythe du roi Midas. Lorsque la fin devient la maximisation de l'intérêt individuel, le libéralisme pris comme fin, exactement à l'opposé de Smith, affirme la loi du plus fort et aussi la normalisation des comportements illicites qui contribuent à définir une société perpétuellement conflictuelle et individualiste. Les dommages collatéraux de la réalisation de la fin sont l'inégalité, le chômage, la pauvreté et la dégradation morale. Dans les sociétés humaines, cependant, il devient difficile de comprendre les limites - les points de non-retour - au-delà desquels les dommages collatéraux deviennent primordiaux et, tôt ou tard, les calamités fatales de la guerre et de la classe s'affirment.
Nous sommes aujourd'hui confrontés à un libéralisme qui, poussé à son terme, tue la liberté - un oxymore - et devient "liberticide". Nous sommes encore confrontés à un absolutisme culturel qui semblait avoir été vaincu par les expériences douloureuses du siècle dernier, mais qui nous apparaît aujourd'hui sous un jour trompeur.
L'économie doit se réconcilier avec sa nature de science morale et sociale, "un nouveau paradigme est nécessaire car ce qui est en jeu est plus que la crédibilité de la profession ou des décideurs politiques qui utilisent ses idées, mais la stabilité et la prospérité de nos économies" (Stiglitz, Il Sole24Ore, 2010) et de nos sociétés.
20:58 Publié dans Définitions, Economie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : définition, libéralisme, adam smith, économie, théorie politique, politologie, sciences politiques | |
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La nouvelle carte de l'Afrique
La nouvelle carte de l'Afrique
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/la-nuova-mappa-dellafrica/
L'Alliance du Sahel est née. Une entente militaire et politique entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
Peu en ont parlé. Mais c'est un fait... révolutionnaire.
La géographie de l'Afrique change. Rapidement. Et les cartes encore utilisées aujourd'hui, qui reproduisent en fait celles de la période coloniale, risquent de finir bientôt remisées au grenier.
L'équilibre de l'Afrique du Nord-Ouest, et de l'Afrique centrale, semble en effet figé. Arrêté au moment du colonialisme, notamment français, qui avait profondément mise en friche ces terres. Sans jamais vraiment lâcher prise.
En fait, la domination coloniale directe avait simplement été remplacée par un contrôle non moins étroit des ressources économiques, de la monnaie et des réserves d'or des pays issus du seul processus apparent de décolonisation. Elle a même maintenu une présence militaire directe. Cette présence a été renforcée par la volonté affichée de coopérer à la lutte contre le djihadisme islamique.
Le gouvernement est resté, nominalement, entre les mains de dirigeants locaux - parler d'élites serait absurde - hétéro-dirigés depuis Paris. Et, presque toujours, auto-référents et profondément corrompus. Incapables, à de rares exceptions près, de donner un sens national à des pays qui s'étaient constitués uniquement sur la base des frontières des anciens gouvernorats coloniaux. Sans aucun respect pour les différences ethniques, culturelles et religieuses des peuples.
Ces pays africains nous ont habitués, pendant des décennies, à de fortes tensions tribales. Et à une instabilité politique chronique, seulement partiellement masquée par des régimes personnalistes. Et, souvent, familiaux, comme celui, vieux de quarante ans, des Bongo au Gabon.
Tout cela, cependant, n'a jamais porté atteinte aux intérêts coloniaux. Et surtout sur ceux de la France, qui a continué à se nourrir sur le dos de ses anciennes (si l'on peut dire) colonies. À tel point qu'il n'est pas exagéré de dire qu'une grande partie de la richesse française provient de son empire africain.
Aujourd'hui, cependant, la situation est complètement différente. Cette nouvelle alliance sahélienne fragilise la CEDEAO, qui a toujours été un outil docile entre les mains de l'Élysée. Et elle ouvre des horizons totalement nouveaux.
Mais il n'y a pas que le conflit, pour l'instant latent, entre les alliés (subalternes) de la France et les rebelles. Toute l'Afrique semble être devenue une poudrière. Et les tentatives de l'Elysée pour détendre les relations tendues avec l'Algérie n'ont guère abouti. Cette dernière ayant publiquement déclaré son soutien au Niger et à la nouvelle Alliance.
Au contraire, cela a eu un effet boomerang. L'aliénation des relations avec le Maroc. Comme en témoigne le double camouflet infligé par Rabat à Macron. Le Maroc a d'abord refusé l'aide française lors du récent et tragique tremblement de terre. Il a ensuite refusé publiquement la visite officielle du président français et sa rencontre avec le roi Mohammed VI.
Et puis le coup d'État au Gabon. Et celui, plus tard démenti mais manifestement tenté, au Congo. Où se jouent d'étranges jeux internationaux.
Car s'il est vrai que Moscou soutient la révolte des États du Sahel - avec également une présence de plus en plus évidente des SMP russes, dont la célèbre Wagner - même Washington ne semble pas mécontent de certains changements en Afrique centrale. A commencer, précisément, par le Gabon.
Une attitude qui révèle comment les Etats-Unis ont l'objectif mal dissimulé de remplacer Paris dans le contrôle d'une certaine région africaine.
L'Afrique est le nouveau théâtre privilégié du Grand Jeu. Un jeu entre puissances qui ne respecte aucun schéma préétabli. Pas d'alliances ou d'alignements formels. Un jeu dont il est très difficile, aujourd'hui, d'identifier clairement les lignes et les frontières.
Une certitude. La carte de l'Afrique évolue rapidement. Et la France est sur le point d'être expulsée du continent qu'elle considérait, hier encore, comme sa propriété.
20:05 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, afrique, affaires africaines, géopolitique, politique internationale | |
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Le méchant Poutine organise les Brics avant les Jeux olympiques de Macron
Le méchant Poutine organise les Brics avant les Jeux olympiques de Macron
Ala de Granha
Source: https://electomagazine.it/il-cattivissimo-putin-organizza-i-giochi-dei-brics-prima-delle-olimpiadi-di-macron/
Stoltenberg, considéré comme un génie, passe à la télévision italienne et, au cours d'une interview embarrassante pour le journalisme italien, assure que la Russie est de plus en plus isolée. Qui sait ce que lui et l'interviewer faisaient au moment où les Brics (dont la Russie fait partie intégrante) s'ouvraient à d'autres pays, premiers d'une longue série de nouveaux membres. Ainsi, même si Stoltenberg et l'interviewer ne le savent pas, la majeure partie de la population mondiale est du côté de Poutine. Pas mal pour quelqu'un d'isolé.
Et voilà que le Kremlin a aussi décidé de se jouer des représentants pontifiants et ennuyeux de l'atlantisme le plus obtus. Ainsi, en accord avec l'Afrique du Sud, il a dévoilé le premier billet de la nouvelle monnaie des Brics. Une provocation et rien d'autre. Car la monnaie n'existe pas et, au mieux, il faudra plusieurs années pour qu'elle voie le jour. Mais en Afrique et en Russie, on s'amuse à faire peur aux atlantistes. Même avec des fake news. Cela garantit quelques fous rires.
En revanche, c'est Macron qui a ri de la nouvelle provocation du Kremlin: organiser les jeux des Brics l'année prochaine, avant l'ouverture des Jeux olympiques à Paris. Histoire de rendre la pareille aux incessantes manigances de Macron contre la Russie. Mais aussi pour montrer à quel point l'isolement de Moscou est faux. Après tout, le CIO a interdit aux Russes de participer aux Jeux olympiques et à divers autres événements sportifs. Et amener des dizaines de pays à rivaliser avec la Russie serait un camouflet non seulement pour le président français, mais aussi pour tous ceux qui veulent la mort civile des athlètes russes, de la littérature russe, du peuple russe.
Les "bons" ont également été snobés lors de la réunion cruciale à l'ONU où Tajani et Biden étaient présents, mais où tous les autres dirigeants des pays disposant d'un droit de veto manquaient à l'appel. Pas de Xi Jinping, pas de Poutine, pas de Macron et pas de Sunak. Même Modi n'était pas là, pour compléter le tableau du désintérêt pour l'ONU. Tajani et RimbanBiden, en revanche, étaient là. Mais peut-être n'étaient-ils pas assez nombreux...
19:55 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : jeux des brics, jeux olympiques, poutine, russie, europe, affaires européennes, politique internationale | |
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Jean Baudrillard et Guillaume Faye face au simulacre américain
Jean Baudrillard et Guillaume Faye face au simulacre américain
Nicolas Bonnal
Baudrillard a écrit fréquemment des pages hostiles à l’hegemon américain mais il a aussi écrit des pages fascinées qui m’évoquent Koyaanisqatsi ou l’excellent Mobile de Michel Butor. Pour lui l’Amérique c’est le désert, le cinéma, le mirage et le simulacre ; c’est surtout ce qui ne peut être rompu par la décadence. La déchéance US devient sous la plume du maître un signe de vitalité supérieure qui, loin de fasciner le seul Baudrillard, fascine les peuples européens et leurs élites.
Il éclaire cette position paradoxale (l’Amérique c’est pour moi l’image de la Bête, ce consensus apocalyptique et ténébreux qui mène des masses d’euro-cons et même ricains à leur perdition sur terre) dans une réponse à Guillaume Faye qu’il cite dans son exceptionnel texte Amérique qui célèbre le simulacre.
Voici un bref extrait du texte de Guillaume – que Baudrillard apprécie stylistiquement :
« La Californie n’a rien inventé : elle a tout pris à l’Europe, et lui a resservi défiguré, privé de sens, repeint aux dorures de Disneyland. Parodies du savoir, de la ville et de l’urbanité, de l’œnologie, de la technique, de la religion, de l’érotisme, de la drogue… »
Et il commente méchamment :
« Tout là-dedans est vrai (si on veut), puisque le texte lui-même est à l'image du stéréotype hystérique dont il gratifie la Californie. Ce discours doit cacher d'ailleurs une fascination certaine pour son objet. »
En fait le rejet de l’Amérique devient une manière d’encenser l’Amérique (cf. le Grand Satan…) ; et de renverser l’agresseur :
« Mais si on peut dire exactement l'inverse de ce qu'il dit dans les mêmes termes, c'est justement que G. Faye n'a pas su opérer lui-même ce retournement. Il n'a pas saisi comment à l'extrême de cette insignifiance, de cette « folie douce» de l'insignifiance, de cet enfer mou et climatisé qu'il décrit, les choses se renversent. Il n'a pas saisi le défi de cette « transcendance marginale » où justement tout un univers se trouve affronté à sa marge, à sa simulation « hystérique » et pourquoi pas ? »
Et de poser les vraies questions à l’envers :
"Pourquoi pas une parodie de la ville avec Los Angeles? Une parodie de la technique à Silicon Valley ? Une parodie de la sociabilité, de l'érotisme et de la drogue, voire une parodie de la mer (trop bleue !) et du soleil (trop blanc !). Sans parler des et de la culture. Bien sûr, tout cela est une parodie! Si toutes ces valeurs ne supportent pas d'être parodiées, c'est qu'elles n'ont plus d'importance. Oui, la Californie (et l'Amérique avec elle) est le miroir de notre décadence, mais elle n’est pas décadente du tout, elle est d'une vitalité-hyperréelle, elle toute l'énergie du simulacre". « C'est le jeu mondial de l'inauthentique » bien sûr: c'est ça qui fait son originalité et sa puissance. Cette montée en puissance du simulacre, vous l’éprouvez ici sans effort. »
On est ici dans la guerre du faux d’Umberto Eco et le faux ricain a triomphé partout ; Baudelaire le redoutait déjà.
« Mais y est-il jamais venu ? Sinon il saurait que la clef de l'Europe n'est pas dans son passé révolu, mais dans cette anticipation parodique et délirante qu'est le Nouveau Monde. Il ne voit pas que chaque détail de l’Amérique peut être abject ou insignifiant, c'est l'ensemble qui dépasse l’imagination – du coup chaque détail de sa description peut être juste, c’est l’ensemble qui dépasse les bornes de la sottise. Ce qui est neuf en Amérique, c'est le choc du premier niveau (primitif et sauvage) et du troisième type (le simulacre absolu). Pas de second degré. »
Pour Baudrillard le second degré est celui de la dérision et de la critique, celui de l’européen. Il est terminé.
19:39 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : philosophie, simulacre, jean baudrillard, guillaume faye, nicolas bonnal | |
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Lev Gumilëv: ethnos, superethnos et passionnalité. Un exemple tiré de la culture chinoise ancienne : Ming Tang
Lev Gumilëv: ethnos, superethnos et passionnalité. Un exemple tiré de la culture chinoise ancienne : Ming Tang
par Maria Morigi
Source: https://www.cese-m.eu/cesem/2023/09/lev-gumilev-ethnos-superethnos-e-passionarieta-un-esempio-dalla-cultura-cinese-antica-ming-tang/
J'ai lu avec grand intérêt l'essai de Luigi Zuccaro intitulé La geofilosofia con Lev Gumilëv (= La Géophilosophie avec Lev Gumilëv, Anteo ed., 2022). Le livre rend justice à un chercheur peu connu en Occident, Lev Gumilëv, anthropologue, ethnologue, géographe, sémioticien, iraniste et ouralo-altaïste (comme le définit Franco Cardini dans la préface) qui a été une figure fondamentale de l'eurasisme, un courant idéologique qui a développé une théorie de la Russie en tant que système historico-culturel et géopolitique, distinct à la fois de l'Europe et de l'Asie.
Le projet de "Grande Eurasie" qui en résulte joue un rôle prépondérant dans la vie culturelle de la Russie contemporaine et constitue aujourd'hui l'axe principal de la géopolitique moscovite en opposition à l'Occident.
Anti-léniniste, Gumilëv a été persécuté, emprisonné et soumis au travail forcé pendant la période stalinienne. Ce n'est qu'après 1956, à l'Institut d'études orientales de l'Académie des sciences de Leningrad et en travaillant comme bibliothécaire à l'Ermitage, qu'il a pu approfondir son analyse de l'origine des peuples par l'étude archéologique et anthropologique, en parvenant à une compréhension organique de l'économie, sans tomber dans la catégorie de la pensée économiste occidentale; une démarche, à y regarder de plus près, clairement anti-libérale et anti-occidentale, ce qui explique que le savant, décédé en 1991 peu après la dissolution de l'empire soviétique, se soit déclaré alarmé et extrêmement préoccupé précisément par la chute de l'URSS et opposé à toute alliance avec l'Occident.
L'intérêt pour les thèses de Gumilëv a été ravivé à l'ère post-soviétique : Alexandre Douguine le considère comme le lien entre l'eurasisme classique et le néo-eurasisme, et dans les républiques post-soviétiques d'Asie centrale, il a inspiré les projets eurasistes de rédemption nationale des présidents kazakh Noursoultan Nazarbaev (l'université d'État d'Astana porte le nom de Gumilëv) et kirghize Askar Akaïev.
La préface de Franco Cardini et la postface de Daniele Perra, tous deux spécialistes de la pensée philosophique et géopolitique russo-eurasienne, ont bien saisi et souligné les influences, les emprunts et les valeurs géopolitiques de la pensée de Gumilëv dans le cadre des savants, philosophes et scientifiques qui lui sont contemporains et qui l'ont précédé (le titre de l'essai contient un con, un "avec" Lev Gumilëv, ce qui est significatif). Pour moi, cette lecture constitue un défi théorique auquel j'ai du mal à faire face, car je ne connais que peu des nombreux auteurs cités et issus de l'espace russe; en même temps, elle représente la confirmation d'une évidence, à savoir que l'Histoire est déterminée par la Géographie et que la genèse, le développement et les migrations des groupes ethniques et sociaux sont déterminés par des facteurs tels que la morphologie du territoire, le climat, etc.
Dans l'interprétation de Gumilëv, les idées d'ethnos et d'ethnogenèse deviennent étrangères à l'anthropologie culturelle théorique, mais s'expriment dans la relation entre la biosphère et la géosphère, à l'instar de la biogénétique du physicien Kozyrev, qui a tenté de prouver le lien entre l'esprit, le corps et le cosmos et a émis l'hypothèse d'une énergie biosomatique. L'espace eurasien lui-même, correspondant aux frontières géopolitiques de la Russie tsariste, divisé en quatre ceintures pédologiques horizontales (toundra, taïga, steppe et désert) et deux ceintures climatiques verticales séparant l'Eurasie du climat de mousson asiatique, est une prémisse fonctionnelle de la théorie ethnogénétique.
Dans ses études sur les peuples nomades de la steppe, dont l'histoire est souvent centrée sur la figure d'un chef charismatique, Gumilëv propose le concept de l'action réciproque de l'homme et de l'environnement - c'est-à-dire la "passionnalité", en russe la passionarnost - soit la capacité de l'organisme humain à absorber l'énergie de l'environnement et à la libérer sous forme de force d'action; la passionnalité est aussi la capacité, propre à certains hommes seulement, de se donner pour une cause qui dépasse l'intérêt individuel et stimule d'autres hommes à surmonter une condition d'inertie, initiant ainsi le processus de l'ethnogenèse. La passion s'exercerait selon la succession de cinq phases : ascendante, acmatique, de rupture, d'inertie (ou homéostatique en équilibre avec le milieu) et mémorielle (manquant désormais de force pour dépasser les limites de l'organisation et de l'espace). Le déclin de la passion se manifesterait par des comportements de plus en plus individualistes.
Selon Zuccaro, "la phase passionnelle elle-même est un produit de l'action systémique de l'environnement qui produit un saut qualitatif avec les pratiques produites par les peuples qui l'habitent". L'étude de Gumilëv sur la passionnarité représente une sorte de phénoménologie naturalisée de l'esprit qui part de l'environnement en tant que structure et non de catégories économiques comme pour Marx" (p. 52). Théorie récurrente dans la pensée philosophique russe en ce qu'elle considère l'espace comme transcendantal par rapport à l'Histoire, selon Pavel A. Florensky: "Toute la culture peut être représentée comme l'activité de l'organisation de l'espace" (P. A. Florensky, Lo spazio e il tempo nell'arte, Adelphi 1995).
Ayant une formation d'archéologue et de spécialiste des ethnies et des religions (surtout en ce qui concerne la Chine), j'en viens aux chapitres qui m'ont le plus interpellée, à savoir le chapitre IV, "Mythe et imaginaire" et le chapitre V, "De la Chine archaïque au passionnisme du siècle chinois". Ces chapitres illustrent les éléments constitutifs du superethnos, du grand ensemble ethnique (européen, russe, eurasien, islamique, chinois) et phénomène complexe qui prend forme à partir de la religion et de la mythologie, mais qui ne correspond pas toujours (et pas entièrement) à la civilisation ou à l'espace civilisationnel.
Je donne l'exemple de la Chine archaïque, une société agricole et sédentaire où les inondations et les famines étaient les principales catastrophes récurrentes. La recherche de la Voie (Tao) est basée sur le Qi (énergie vitale qui imprègne tous les aspects de l'action humaine et de la nature), sur l'alternance continue des deux polarités Yin et Yang, et sur la croyance que les Shen (Esprits) traversent continuellement l'espace entre le ciel et la terre. L'art géomantique du Feng Shui ("vent et eau", c'est-à-dire l'énergie latente dans la terre) détermine et oriente également la construction de la nécropole ou du palais; et le "Ne pas agir" ou Wu Wei (bien illustré dans l'essai de Zuccaro, p. 94 et suivantes) avec le concept essentiel du "ne pas agir" ou du "ne pas faire", est un principe de base de la culture de l'homme), en même temps que le concept essentiel du "Vide parfait"; tous deux témoignent du fait que la sagesse chinoise s'articule harmonieusement avec la Nature, suit l'inclinaison venant du Ciel et contribue à "ordonner" le monde, le cosmos et les relations humaines à travers les rituels (voir le "Livre des Rites" - Lǐjì - de Confucius) et la divination.
Le modèle de référence est l'édifice sacré par excellence, le Ming Tang (Salle Lumineuse, Maison du Calendrier ou Pavillon de Lumière), salle d'apparat du palais impérial et lieu où l'empereur et ses fonctionnaires s'asseyaient pour les consultations divinatoires et pour établir le calendrier agricole, prérogative et fonction indispensable de l'empereur dont la tâche était de nourrir tout le peuple de l'empire.
Le Ming Tang se compose d'une plate-forme carrée, représentant la Terre, divisée en 9 pièces, sur laquelle est élevé un toit circulaire, à l'image du Ciel. Le centre du carré est occupé par le chiffre 5, centre du cosmos, centre de la terre et premier point cardinal.
Les côtés représentent les 4 piliers correspondant aux 4 saisons; sur les côtés extérieurs des 9 pièces se trouvent 12 fenêtres représentant les mois de l'année rituelle. Les 12 fenêtres multipliées par les 9 chambres donnent 108, un chiffre cyclique qui revient dans de nombreuses traditions sacrées liées au temps. La tâche du responsable de la Maison du Calendrier était de s'assurer que les pièces étaient distribuées correctement afin qu'elles soient en corrélation avec les points cardinaux.
Le Ming Tang n'est pas seulement une représentation du cosmos et de la loi céleste, mais aussi une métaphore de l'empire qui, au troisième millénaire avant J.-C., était divisé en neuf provinces (Zhou) selon la mesure légendaire de la terre attribuée au roi chaman Fu Yu qui avait dompté les inondations (mentionné dans le Shǐjì ).
Les anciens Chinois ont ainsi déterminé les 24 phases de l'année solaire appelées chieh-ch'i et les phases de la lune. La disposition de la Maison du Calendrier est également associée à la tortue (Shu) qui représente l'élément eau, la saison hivernale, la couleur noire, le sous-sol, la polarité Yīn (ombre et côté féminin), le point cardinal Nord et les Ancêtres. Ce sont tous des éléments qui tournent cycliquement dans le temps et l'espace, mais qui doivent être respectés et exorcisés afin de donner la bonne inclinaison aux événements humains qui leur sont liés.
Pour conclure sur l'exemple chinois, je suis d'accord avec ce qu'écrit Zuccaro : "Au cours de son histoire millénaire, la Chine, plutôt que des transformations, a connu des changements au sein desquels la territorialité est néanmoins restée intacte. Le principe du Tao, entendu comme ordre et équilibre, et non comme structure, est un concept proche du concept grec de Dike. Le taoïsme... est la véritable religion civile de la Chine et l'est resté malgré les tentatives de déstructuration partielle des structures féodales et traditionnelles, même dans le contexte de la révolution maoïste. Mao a réalisé une révolution certes dans le cadre des Lumières et du marxisme..., mais dans le cadre d'une réforme économique et agricole liée aux critères de la tradition culturelle chinoise" (p. 98-99).
19:25 Publié dans Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, lev gumilëv, géophilosophie | |
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Moi, Phoebe, 18 ans, je vous révèle ma quête philosophique et religieuse
Moi, Phoebe, 18 ans, je vous révèle ma quête philosophique et religieuse
Discours à la réunion de FENIKS, Anvers, 10 septembre 2023.
Bonjour à tous. Je vous remercie de votre présence. Je m'appelle Phoebe, j'ai 18 ans et je vais vous raconter comment j'ai rejoint Feniks et ce que cela m'a apporté. Plus précisément, je vais vous parler de l'identité et de sa signification en termes de philosophie et de religion.
Je dois admettre d'emblée que l'identité est un concept vague et difficile pour moi depuis très longtemps. Du moins, je pensais savoir ce qu'elle signifiait et impliquait généralement. Mais plus j'y réfléchissais, plus il s'avérait que ce n'était pas très clair. Mon adolescence peut être définie par la recherche d'une identité, ce qui est quelque peu normal à l'adolescence, mais j'ose dire que ce n'est pas la seule cause de cette recherche. Lorsque je regarde notre société actuelle, je constate que même les adultes se cherchent encore et peinent à s'installer dans notre époque moderne. Cela se voit, entre autres, au nombre de personnes qui se perdent dans l'hédonisme, lequel est un mécanisme d'adaptation, et préfèrent retarder leurs responsabilités le plus longtemps possible. Cela se voit également à la quantité d'identités éphémères basées sur peu de choses, si ce n'est sur ce que l'on ressent ici et maintenant. À cela s'ajoutent les conséquences négatives de leur crise identitaire, à savoir le vide et la dépression. Tout cela est le résultat de l'absence d'ancrage dans cette société.
Mais il n'en a pas toujours été ainsi. À l'époque de nos grands-parents, ce type de crise n'existait pas. Mais pas dans le sens où elle était problématique, comme c'est le cas aujourd'hui. On se définissait par son origine, son sexe, son rôle et sa fonction dans la société, les rapports que l'on entretenait avec les autres. En bref, on exerçait généralement moins d'influence personnelle sur ces points. Aujourd'hui, cependant, nous voulons nous détacher le plus possible de notre appartenance à un groupe. Nous la considérons comme quelque chose de négatif qui nous emprisonne, qui limite notre liberté, et en nous en libérant, nous pouvons chercher notre identité nous-mêmes. Cette pensée n'est qu'une des conséquences des pensées des Lumières et du libéralisme, à laquelle s'ajoute également la rationalisation de la société. La question est toutefois de savoir si elle est si libératrice et si elle a des implications positives, compte tenu de l'état de notre société, qui est plongée dans une crise existentielle. Dans notre société, où le chaos est omniprésent, où toutes les anciennes structures sont remises en question, où même la réalité est remise en question, il n'est pas facile de rester fort sans enracinement. Ce qui rend les choses encore plus difficiles, c'est que même si l'on nous fait croire que nous avons la liberté de choisir, ce n'est pas tout à fait vrai si vous ne vous conformez pas aux attentes de la société. Par exemple, les gens, qu'ils soient de gauche ou de droite, n'hésiteront pas à vous traiter d'extrémiste si vous ne correspondez pas à leurs vues politiques. La polarisation, la pensée en noir et blanc et la pensée bricolée à l'aide de citations ne facilitent pas les choses. Pendant de nombreux siècles, l'identité traditionnelle a donné aux gens un point d'appui dans les périodes difficiles, contre lequel nos contemporains créent aujourd'hui leur propre individualité, afin de ne pas être complètement évacués dans la maelstrom de la société d'aujourd'hui.
Paradoxalement, ce qui nous a liés en tant qu'êtres humains pendant des siècles, à savoir la culture, la religion, les normes et les valeurs, est précisément ce qui nous a aidés à survivre. Cela a donné à l'homme un but qui le transcendait, contrairement à l'individualisme qui prévaut aujourd'hui dans notre société. Cet individualisme est basé sur le court-termisme qui caractérise notre société. Le vide qui lui est associé n'a fait qu'ouvrir la voie à la spirale négative du nihilisme. En effet, si la vie n'a pas de sens, ce que nous faisons n'a plus d'importance. Du moment que nous nous amusons ici et maintenant. Une conséquence logique de cette attitude est l'hédonisme omniprésent, qui se manifeste par le consumérisme et la gestion des symptômes. Des choses dont nous pensons qu'elles nous rendront heureux, mais qui ne sont en fait qu'un pansement sur la blessure de ce que nous avons perdu. Cependant, si vous soulevez cette question, vous êtes considéré comme dangereux.
L'état actuel de notre époque moderne est suffisamment déprimant pour moi. Les effets sont évidents, surtout dans ma génération. Des hommes qui ne font rien d'autre que de se réfugier dans un rôle de victime et ne prennent plus de responsabilités. Ils sont dépendants de toutes sortes de choses pernicieuses et vivent de fête en fête. Se laissant complètement aller physiquement, ou au contraire ne se souciant que de leur apparence physique, et s'en tenant à cette superficialité. Ne plus savoir traiter les femmes correctement. Mais d'un autre côté, cela s'applique également aux femmes de ma génération. Tout est devenu tellement superficiel que rien d'autre ne compte que les likes qu'elles obtiennent sur Instagram ou TikTok, et elles feraient n'importe quoi pour cela. Ou passent d'une soirée à l'autre parce qu'elles n'ont plus aucun sens de leur valeur personnelle. Elles préfèrent même vivre dans le mensonge que de perdre l'attention qu'elles veulent obtenir tout en laissant leur corps être utilisé de cette manière, car, pensent-elles, cela fait partie de leur émancipation. Dans les deux exemples, je parle bien d'hommes et de femmes parce que c'est ce qu'ils sont sur le papier, mais par leurs choix, ils préfèrent repousser l'âge adulte le plus longtemps possible. En bref, il s'agit d'une génération dont j'ai décidé depuis longtemps que je ne voulais pas faire partie. Ils sont obsédés par toutes sortes de plaisirs éphémères, pensent à l'extrême et ne se soucient plus de leur valeur personnelle. Aujourd'hui, leur personnalité est uniquement basée sur l'attention qu'ils veulent obtenir et sur ce qu'ils consomment. La prise de conscience qu'ils sont l'avenir, et que la situation ne fera qu'empirer à partir de maintenant, m'a fait éprouver de l'envie pour ce monde, et j'ai commencé à me sentir mal moi aussi. La beauté de leur vide est qu'ils ne réalisent souvent pas que ce qu'ils font est un mécanisme d'adaptation. Dans mon cas, cette prise de conscience a eu lieu, mais comme je n'avais pas d'identité enracinée et que je passais d'une individualité artificielle à une autre moi-même, j'ai été contraint de combler ce vide par de l'escapisme moderniste également.
En outre, j'ai vu assez souvent de près ce que l'absence d'une identité forte fait aux gens. Par exemple, un de mes bons amis en a été victime. Comme moi, il n'avait aucun espoir pour l'avenir et ne se sentait pas à sa place dans notre société moderne. Cela l'a conduit à la solitude et à la dépression. Lorsqu'il a cherché de l'aide à plusieurs reprises, les gens lui ont tendu la main pour soulager ses symptômes. Au lieu de l'aider et de s'attaquer à son problème, ils l'ont rendu dépendant du Xanax qu'on lui a ensuite prescrit. Cela lui a malheureusement été fatal. J'ai été très attristée par sa mort, mais aussi vraiment furieuse. C'était encore un jeune homme de 23 ans, qui avait tout l'avenir devant lui et de beaux rêves. Mais tout cela est détruit par notre société actuelle. Le fait qu'il ne soit pas le seul, mais que tant de jeunes soient aussi de telles victimes, ne fait qu'aggraver la situation.
Il semble que notre société occidentale soit frappée d'une malédiction, causée par le mensonge du néolibéralisme absolu. En conséquence, je me suis longtemps demandé si ce n'était pas là la fin logique de notre civilisation occidentale autrefois si forte. Alors que j'étais au plus profond de cette spirale nihiliste, j'ai rencontré Feniks au moment idéal. À l'époque, je m'étais depuis longtemps éloignée de la politique parce que la négativité de son état actuel me déplaisait. À cela s'ajoute le sentiment que peu de partis et d'organisations s'attaquent ou veulent s'attaquer à la racine du problème. On rejette souvent la faute sur l'un des symptômes et la nuance concrète est absente. Mais là encore, c'est précisément le problème de toutes ces organisations et de tous ces partis qui ne cherchent qu'à attirer à eux des personnes populistes. En cela, Feniks est complètement différent, puisque ce groupe se concentre sur la croissance substantielle des personnes. Le fait qu'ils soient différents m'a attiré vers eux. En outre, grâce aux nombreuses conférences et exposés de grand intérêt, la philosophie est devenue un sujet captivant pour moi.
En commençant à en apprendre davantage sur la philosophie, j'ai vu un moyen de sortir du nihilisme étouffant qui m'habitait. Cela m'a donné un sens beaucoup plus clair de la réalité des causes de ce qui se passe dans le monde et m'a permis de mieux comprendre pourquoi l'état politique actuel est tel qu'il est. Après tout, la politique et la philosophie sont inextricablement liées. Mais il m'a aussi demandé de trouver une solution.
J'ai commencé par lire davantage Platon. Sa recherche de la vérité absolue contraste immédiatement avec le relativisme dominant de notre époque. Sa philosophie était la conséquence de presque plus d'un siècle entier de relativisme. La société grecque était de plus en plus en contact avec d'autres peuples, ce qui l'a amenée à remettre en question ses propres normes et valeurs. Cela ne nous semble-t-il pas familier ? Auparavant, il y avait également eu la première tentative de philosophie, avec les nombreux philosophes naturalistes qui proposaient à chaque fois des idées différentes, ce qui a amené les gens à se demander s'il existait une vérité générale. C'est de là que sont nés les sophistes, d'où le célèbre slogan des sophistes "l'homme est la mesure de toute chose". S'il n'y a plus de vérité absolue à rechercher et que tout n'est que relatif, nous sommes déjà proches de notre état actuel.
Non seulement Platon, mais aussi le stoïcisme, entre autres, ont eu une influence importante sur le processus d'élaboration de ma pensée. Une fois de plus, la pensée stoïcienne contraste fortement avec notre société émotionnelle. Les stoïciens partent du principe qu'il existe une image globale qui transcende leur volonté et à laquelle ils ne peuvent rien faire d'autre que de s'abandonner. Même si nous vivons cette vision globale comme quelque chose de négatif, toute résistance à cette vision est une conséquence de nos émotions irrationnelles et de notre mépris pour la vision globale. La résistance à la vue d'ensemble nous pousse à recourir à toutes sortes de choses qui sont mauvaises pour nous-mêmes. Comme l'a dit Marc Aurèle, "Vous avez le pouvoir sur votre esprit, pas sur les événements extérieurs. Prenez-en conscience et vous trouverez le pouvoir". Tout ce que fait un stoïcien doit être bon à long terme et correspondre à ce qui sert le Grand Tout. Pour ce faire, le stoïcien se débarrasse autant que possible de toutes sortes de désirs, ainsi que de toutes les choses matérielles qui peuvent s'envoler soudainement. Il se concentre sur la paix intérieure, qu'il obtient par l'autodiscipline et l'acceptation de son plus grand bien.
Le stoïcisme a été une nuance importante dans mon processus de pensée en ce qui concerne la religion. Pendant longtemps, je me suis considéré comme athée, puis agnostique, parce que je pensais que la religion organisée était quelque chose qui nous opprimait en tant qu'êtres humains. Encore une fois, je suivais en fait le raisonnement que l'on nous propose aujourd'hui. Mais en réalisant que la force et la libération résident précisément dans l'acceptation de la situation dans son ensemble et dans l'abstention de nos désirs humains, j'ai fait un pas de plus vers le christianisme.
La pensée stoïcienne est en effet étroitement liée à ce que la théologie chrétienne appelle la mortification des sens. À l'instar du stoïcien qui fait tout pour accepter la situation dans son ensemble et agir en conséquence, le chrétien fait de son mieux pour transcender ses désirs humains afin de se rapprocher de Dieu. Dès que nous acceptons la souffrance dans notre vie, nous pouvons mieux la gérer et notre résistance émotionnelle ne nous fait pas tomber dans de mauvaises habitudes. Le chrétien entraîne ses sens à ne pas agir selon ces impulsions. Plus il s'entraîne, moins il reçoit d'impulsions faibles, de sorte qu'il crée une volonté forte.
C'est précisément cette volonté forte qui est nécessaire pour obtenir une société meilleure. Une société qui respecte son passé, ses normes et ses valeurs, avec des gens qui ont une estime de soi et une identité enracinées et qui sont tournés vers l'avenir en se concentrant sur ce qui est bon pour nous à long terme. Ce n'est qu'à cette condition que nous pourrons reconstruire une société meilleure. Et nous ne pouvons pas obtenir cette discipline et cette forte volonté sans une stabilité dans notre culture. Ce n'est que lorsque nous sommes stables que nous pouvons nous engager dans un développement personnel positif, afin de devenir une meilleure personne pour le plus grand bien de tous. Et c'est exactement ce que Feniks a fait pour moi.
Je vous remercie de m'avoir écouté.
18:57 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : philosophie, feniks, platonisme, stoïcisme | |
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