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lundi, 02 juillet 2012

Conférence Piero san Giorgio et Michel Drac à Bordeaux

Conférence

Piero san Giorgio et Michel Drac

à Bordeaux

00:05 Publié dans Actualité, Evénement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : urbanisme, ville, entretiens, actualité | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 24 novembre 2010

Où va la ville? Entretien avec P. Le Vigan

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Où va la ville ?

Entretien avec Pierre Le Vigan

Jean-Marie Soustrade : De l’après-guerre aux années 60, la France a été dans l’obligation de développer son parc de logements pour répondre aux besoins de la reconstruction, au Baby Boom et aux flux migratoires (retour des pieds-noirs et immigration du Maghreb notamment). Quelle politique du logement a été mise en œuvre ?  Et plus largement quelle politique d’urbanisme ?

Pierre Le Vigan : La France a été très lente à mettre en place une politique du logement d’autant plus nécessaire après 1945 qu’aux destructions de la Guerre 39-45 s’ajoutaient les effets du retard pris dans l’entre deux guerres, malgré les lois Loucheur, les constructions de pavillons et de quelques cités-jardins. L’essor réel de la construction après guerre date du Plan Courant de 1953, du nom de Pierre Courant, ministre de la Construction. La construction s’est accélérée à partir des Z.U.P. (zones à urbaniser en priorité). Comme dans beaucoup de domaines c’est la IVe République qui a initié les choses mais c’est la Ve qui en a récolté les fruits. Du moins à l’époque du général de Gaulle. À cette époque, en effet, on a vu les bénéfices de la politique de construction de masse de logements mais on n’en a pas vu les conséquences à long terme. Les bénéfices, c’est loger plus de familles – suite au Baby Boom commencé en 1942 – et dans plus de confort. Les conséquences à long terme c’est un urbanisme sans âme, sans enracinement, des quartiers sans repères, souvent éloignés des moyens de transports, isolés des vieux centre-villes, et c’est la création de quartiers anonymes et dévalorisés.

Comment en est on arrivé là ? C’est la politique de Paul Delouvrier grand commis à l’urbanisme nommé par de Gaulle qu’il faut incriminer. Les zones à urbaniser (Z.U.P.) étaient choisies en « sautant » par-dessus les banlieues existantes. Donc en lointaine périphérie. On a préféré faire du neuf dans des endroits vierges plutôt que d’améliorer les territoires de vieilles banlieues. Il est vrai que celles-ci étaient communistes pour une bonne part et que le régime gaulliste voulait les contourner. En outre l’idéologie urbaine « fonctionnaliste » plus ou moins proche de Le Corbusier se prêtait plus à des constructions dans de l’espace vide plutôt qu’à des « retricotages » fins de la ville dans des territoires déjà urbanisés. On a été au plus simple à court terme, au plus facile, au plus technocratique, et au plus mauvais à long terme.

J.-M.S. : On s’accorde généralement sur les erreurs dans la politique du logement qui ont  été commises dans les années 50-60 à 70, de la reconstruction à la fin des « Trente Glorieuses » pour résumer. Mais on reste souvent dans le flou concernant ces erreurs, comme avec la formule « trop de béton », qui ne veut pas dire grand-chose. Quelles ont été les vraies erreurs ? Ont-elles concerné d’abord le domaine architectural, ou urbanistique, ou les deux ?

P.L.V. : Parmi les graves erreurs, il y a le manque de transports : peu de gares, pas de tramway, pas assez de bus dans les nouveaux quartiers. Il y a l’isolement par rapport aux centre-villes, il y a des constructions de cités à cheval sur plusieurs villes, qui favorisent l’irresponsabilité des élus. Il y a l’interventionnisme d’État hors de toute concertation avec les élus locaux. Force est de constater que De Gaulle ne connaissait et ne comprenait rien aux questions de la ville et qu’il n’était inspiré qu’en politique extérieure. Ce qui plaide entre parenthèses contre le pouvoir personnel et contre une présidence omnipotente.

L’architecture des grands ensembles est contestable par sa monotonie, par l’équivalence du devant et du derrière des immeubles, par sa dimension souvent excessive. Je ne crois pas souhaitable de construire des immeubles au-delà de sept ou huit étages qui ne permettent guère de loger plus de gens à moins de réduire les règles de prospects donc de rapprocher les immeubles d’une manière excessive. Les immeubles de plus de huit ou dix étages  obligent en outre à avoir plusieurs ascenseurs, et rendent plus complexes les règles de sécurité (incendie et autre).

Toutefois, dire cela, c’est déjà être plus dans la volumétrie et le rapport entre les volumes que dans l’architecture stricto sensu. Nous sommes donc dans l’urbanisme. Des voies trop larges sont aussi à incriminer, des espaces non appropriés, trop d’espaces verts qui ressemblent à des terrains vagues. Pas assez de densité, c’est à mon avis, le reproche principal à faire. Les banlieues lointaines, les villes nouvelles sont cinq à dix fois moins denses voire encore moins (en nombre de logements à l’hectare) que les centre-villes haussmanniens. Exemple : Paris compte 20 000 habitants/km2, Sarcelles 7000 habitants/km2, Villiers-le-Bel 3700 habitants/km2, Bièvre en Essonne 500 habitants/km2. La faible densité rend difficile le maillage social, donne aux bandes de jeunes une forte visibilité, rend trop coûteuse la création de transports collectifs, favorise donc la voiture comme mode de déplacement, avec ses nuisances y compris en terme de paysage urbain (immenses parkings au pied des H.L.M.). Les erreurs sont donc avant tout urbanistiques.

J.-M.S. : Les politiques en ont-ils tenus compte des erreurs (voire des horreurs !) des années 60-70 lors des politiques ultérieures d’urbanisation ?

P.L.V. : À partir de 1975, la réponse est oui. Bien entendu, tout n’est pas parfait à partir de cette époque mais il se trouve que le très net ralentissement de la construction à partir de 1975, absurde à certains égards alors que le gouvernement encourageait l’immigration familiale qui amenait donc des familles nombreuses en France, ce ralentissement a mené à faire des opérations plus petites, mieux concertées, surtout à partir de la décentralisation de 82 – 83, et mieux intégrées dans l’existant. En outre, un véritable corps professionnel des urbanistes a fini par exister et la culture des architectes a changé elle aussi avec la fin partielle de la domination des idéaux modernistes et fonctionnalistes. Ce qui ne veut pas dire que tout ce que l’on appelle post-moderne forme un ensemble cohérent (ce n’est pas le cas) ou convaincant (Ricardo Bofill est parfois assommant de mauvais goût). Un exemple de ré-urbanisation assez réussi est le centre-ville de Saint-Denis, dans le 93, avec des rues étroites, le tramway, le métro, à une erreur près, avoir installé un grand supermarché dans le centre au lieu d’une multitude de boutiques.

J.-M.S. : Quelles ont été les politiques de rénovation et de réhabilitation urbaine  menées en France à partir de la fin des années 70 et sur la base du constat d’une crise des grands ensembles ? Quel bilan peut-on en tirer notamment sur le plan du « vivre-ensemble » ? Que pensez vous de la politique de la ville ?

P.L.V. : Le début des politiques de la ville, en fait la politique des quartiers « à problèmes » est Habitat et Vie sociale (H.V.S.). C’est en 1977 et c’est un peu une idée de la « Deuxième Gauche », la gauche « social-démocrate » anti-étatiste de Rocard et autres. Il se trouve que c’est aussi à ce même moment que la politique de l’aide à la pierre est remplacée par l’aide à la personne (par Raymond Barre en 1977). À ce moment, les loyers des logements sociaux deviennent trop chers pour les classes moyennes, qui sont poussés à quitter les H.L.M., ce qui nuit bien sûr à la mixité sociale. L’aide à la personne (les A.P.L.) rend solvables des gens qui ont de faibles revenus, ou ont des revenus de transferts sociaux, ou travaillent au noir. Cela amène à changer la composition des H.L.M. : des familles monoparentales de plus en plus nombreuses, des familles issues de l’immigration aussi de plus en plus nombreuses. En trente ans elles sont devenues majoritaires dans beaucoup de quartiers de banlieues ou en tout cas de quartiers H.L.M. Les réhabilitations qui ont été menés l’ont généralement été sérieusement. Le gain en confort est souvent réel même si esthétiquement l’aspect hybride des interventions n’est pas toujours très heureux. Mais les habitants vivent dans les immeubles avant de les regarder.

Le problème est l’ampleur des dégradations et atteintes aux biens et personnes commises par une petite minorité d’habitants, qui instaure un climat de peur et de complaisance vis-à-vis des trafics, vols, dégradations dont les autres habitants, eux-mêmes en bonne part issus de l’immigration sont les premières victimes. Après H.V.S., en 1981, le gouvernement Mauroy a mis en place la politique de D.S.Q. (Développement social des quartiers). Il s’agit alors avant tout de faire un travail éducatif et de prévention de la délinquance. Les études d’évaluation se sont succédées et les nouvelles mesures de politique de la ville aussi, en fonction des gouvernements. Elles se ressemblent toutes étant définies par les mêmes hauts fonctionnaires souvent assez autistes et munis d’une culture de type « fonction publique », respectable mais parfois bien naïve, culture associée à une formation sociologique de base amenant bien souvent à la « culture de l’excuse ». À cela s’ajoute le souci de ne pas « faire de vagues ».

D’une manière générale la situation ne s’est pas améliorée sauf dans certaines villes de province car l’échelle plus petite de l’urbain et l’implication de certains élus locaux a permis des réussites. Ailleurs, dans les grandes métropoles, le « mal vivre ensemble » gagne. Chômage, dévalorisation du travail, relations conflictuelles entre jeunes et police jouent, mauvaises relations entre jeunes et parents, entre jeunes et adultes jouent aussi. Les contrôles au faciès sont une réalité mais dans le même temps l’agressivité de certaines bandes de jeunes vis-à-vis de tout ce qui est public, des pompiers aux médecins, et en somme vis-à-vis de tout ce qui extérieur au quartier est réelle.  Cette logique du ghetto est dramatique et n’a été cassée par aucune loi même bien intentionnée comme la Loi d’orientation sur la ville (L.O.V.) de 1991.

J.-M.S. : Comment s’est passée la reconstruction dans les autres pays européens ? Comment ont-ils fait face à l’urbanisation massive de l’après-guerre ?

P.L.V. : Je ne suis pas spécialiste de ces questions à l’échelle européenne, questions au demeurant passionnantes. En Allemagne, il y a eut beaucoup de reconstructions qui respectaient l’usage des parcelles avant les destructions (peu à Berlin par contre) et peu ou prou la volumétrie des immeubles détruits, très nombreux outre-Rhin (des millions de sans abris). L’influence de Le Corbusier est venue plus tard. En Grande-Bretagne la reconstruction a été plus rapide qu’en France. Dans tous les cas l’arrivée en ville de populations rurales puis immigrés a été l’occasion de production de logements de masse comparables (grandes cités-dortoirs) mais le phénomène a été plus marqué en France parce que l’urbanisation était plus tardive que dans beaucoup d’autres pays européens.

J.-M.S. : Qu’est ce qui fait qu’un quartier devient un quartier de relégation ? En quoi et comment se fait ce processus de relégation ?

P.L.V. : Un quartier de relégation est un quartier qui donne une mauvaise image sur les C.V. mais c’est aussi et surtout un quartier où on rencontre surtout des gens « paumés », sans repères, sans projet. Dans un quartier de relégation, il n’y a pas une dynamique sociale positive, ascendante. C’est un quartier-ghetto, ghetto de pauvres mais aussi ghettos d’immigrés. Il manque une culture commune à laquelle s’agréger. Parfois, cette culture, c’est l’islam. Mais ce n’est pas ce qui aide le plus à l’intégration. Souvent l’adoption de l’islam correspond à une réaction identitaire. « Puisque vous me rejetez, moi aussi je rejette votre Occident consumériste. » On peut le comprendre, mais ce n’est pas très constructif et c’est d’ailleurs très artificiel, d’où la nécessité de  ne pas trop se braquer sur ces questions.

J.-M.S. : Le port de la burqa se développe dans ces quartiers. Ajoute-t-il à la relégation ?

P.L.V. : Ce n’est pas un phénomène majeur. Il faut dire simplement : « La République n’admet que l’on dissimule son visage dans l’espace public » (qu’il s’agisse de burqa, casque de motard, bonnet, déguisement, etc.) ». Point. La polygamie est plus complexe – sans doute beaucoup plus massive aussi que le port de la burqa – et pose des problèmes plus graves. En outre, elle coûte cher aux caisses sociales alors que la burqa ne coûte rien ! La burqa est un peu un chiffon rouge si je puis dire. On n’est pas obligé face à cela de se sentir une mentalité de taureau.

J.-M.S. : Les services publics au sens large et autres acteurs indispensables (médecins par exemple) sont-ils suffisamment présent dans ces quartiers ?

P.L.V. : Ils ne sont pas assez nombreux, regardez par exemple le taux de médecins, mais les conditions de séjour dans certaines banlieues ne sont pas très attractives. Quand un médecin doit calmer un toxico qui s’agite, ou cherche à voler, dans sa salle d’attente et en plus faire son boulot, on peut comprendre qu’il finisse par avoir envie d’autre chose comme conditions de travail. Tant que la sécurité n’est pas rétablie, ces sous-effectifs de professions libérales sont inévitables. Les professions libérales, à quelques remarquables exceptions près, vont là où il y a de l’argent. Quant aux policiers, ils sont beaucoup moins nombreux en banlieue qu’à Paris. Il faut plus de policiers mais aussi et surtout plus de police de proximité et moins d’interventions « à la cow-boy ». Les opérations coups de poing sont faites pour être médiatisées mais ne résolvent pas grand-chose. Sarkozy a trop développé ce genre de choses : la primauté de la communication sur l’action réelle. Il semble qu’on aille vers un peu plus de travail de fond des services de police depuis quelque temps. Il est vrai que le banditisme violent venu des banlieues prend des proportions de plus en plus inquiétantes. Il faut instaurer une insécurité quotidienne pour les dealers et les brûleurs de voitures. Actuellement, c’est plutôt l’insécurité quotidienne pour les honnêtes gens qui, rappelons-le, sont la grande majorité des habitants des banlieues.

J.-M.S. : Les diverses zonages opérées par la politique de la ville et manifestés par les sigles comme Z.U.S., Z.E.P., Z.R.U., Z.F.U. … ont-elles contribué, selon vous, à stigmatiser ces quartiers ?

P.L.V. : Zones urbaines sensibles, zones d’éducation prioritaire, zones de redynamisation urbaine, zone franches urbaines : tous ces sigles visent à désigner des politiques publiques prioritaires et sur des territoires qui ne se recoupent pas tous. C’est une machinerie complexe et parfois utile. Il n’est pas sûr que les choses ne seraient pas pires sans un certain nombre de ces mesures à propos desquelles il est trop facile de ricaner. Ceci dit, elles ne sont pas à la hauteur des problèmes. Déléguer la gestion des quartiers aux « associations », cela a ses limites. La vraie question est que beaucoup de quartiers ne sont plus des quartiers de travailleurs et que, quand il y a des travailleurs ils n‘ont qu’une idée en tête : en partir le plus vite possible pour échapper à un climat malsain pour eux, pour leur femme, leurs enfants. Les travailleurs d’origine immigrés sont les premiers à dire, bien souvent, « pas question pour moi de m’installer dans le “ 9-3 ”» (la Seine – Saint-Denis). Et ils ajoutent souvent, n’ayant pas l’habitude de la langue de bois : « Il y a trop de racaille ».

Je crois que ces quartiers se sont « stigmatisés » tout seul, du fait d’une partie de leur jeunesse et de la faiblesse du civisme en général en France y compris bien entendu chez les Français d’origine.

Pour ce qui est des zonages, ils ont cherché à résoudre des problèmes caractéristiques des quartiers sensibles en mettant plus de moyens. Cela peut être nécessaire. Les Z.E.P. donnent plus de moyens, c’est plutôt un atout d’être en Z.E.P. de ce point de vue mais ensuite si la norme sociale de la jeunesse de tel quartier en Z.E.P. est de ne rien faire à l’école, au collège, au lycée et au contraire de vivre de petites magouilles (ou grandes magouilles), qui empoisonnent la vie du quartier, alors cela ne suffit pas. Il y a alors un terrorisme de la majorité : croire à l’école et au savoir, c’est ringard, c’est « bouffon ». Ce ne sont pas, en tout cas, les intitulés des politiques publiques qui ont créé les problèmes.

J.-M.S. : Quelles sont les grandes orientations données par l’actuel ministère de la ville pour les quartiers sensibles ? Comment la politique de la ville entend-elle lutter, présentement et à l’avenir contre la délinquance ?

P.L.V. : Le logement est rattaché au vaste ministère de l’Écologie de Jean-Louis Borloo. Fadela Amara est secrétaire d’État à la ville. Cette dernière a des idées, mélange de volontarisme, de connaissance du terrain et de réalisme (elle ne se fait pas trop d’illusions). Elle est assez bien inspirée mais marginalisée. Le gouvernement a cherché en la nommant un effet d’affichage avant l’efficacité. En fait, pour comprendre, au-delà des mots et des discours quasi-interchangeables d’un ministre à l’autre, la vraie politique du gouvernement pour les banlieues, il faut regarder le projet du Grand Paris de Christian Blanc, sans même parler des extrapolations de Jacques Attali sur Paris prolongé jusqu’au Havre, Attali jouant comme Alain Minc le rôle de ballon d’essai de Sarkozy. Or c’est un projet du même ordre que celui de De Gaulle et Delouvrier dans les années 60 que ce projet gouvernemental du Grand Paris. À savoir un très mauvais projet. Non qu’il n’y ait pas matière à créer une instance fédérative entre Paris et surtout les trois départements de la Proche Couronne. Cela, c’était le projet de Philippe Dalier, un sénateur U.M.P., c’était aussi l’idée de beaucoup d’autres comme, depuis longtemps, Georges Sarre, alors maire du XIe arrondissement de Paris. Mais le Grand Paris de Blanc se résume au super-métro, le « Grand Huit » de 130 km, qui ne répond aucunement aux besoins des habitants. Là encore, on saute par dessus la banlieue existante pour aller créer des problèmes ailleurs en développant plus encore l’urbanisation en très grande banlieue, donc une urbanisation en tâche d’huile. Une nouvelle catastrophe urbaine se prépare.

J.-M.S. : Est-ce que démolir des tours pour faire des banlieues pavillonnaires améliore automatiquement la vie collective et fait reculer la délinquance ?

P.L.V. : Il est sidérant de voir que l’on va détruire des tours porte de Clignancourt (tours qui ne sont pas horribles ni en mauvais état du reste, même si je n’ai aucun goût pour les tours) au moment où on parle d’en construire Porte de la Chapelle soit à deux pas, et à un endroit où il y en a déjà dont on peut faire le bilan : elles fonctionnent très mal sauf quand elles sont hyper-sécurisées (donc très coûteuses) et destinés à des classes moyennes ou supérieures, celles qui n’ont… pas la moindre envie d’habiter Porte de la Chapelle. On marche sur la tête. Une nouvelle fois – et c’est le mal contemporain – ce qui compte pour les politiques, c’est l’image. Alors que l’efficace, l’utile pour les habitants, souvent, ce n’est pas le spectaculaire. C’est du terre à terre dont on a besoin. Et dans tous les sens du terme. Démolir des tours, dans certains cas, pourquoi pas ? Mais ce n’est pas la panacée. Trop souvent on ajoute du traumatisme à du traumatisme, la destruction est vécue comme une dévalorisation rétroactive. Bien souvent, il vaut mieux densifier, construire autour des immeubles, ou modifier leur accès, leur entrée, leur façade, etc.

Quand aux tours, de quoi parle-t-on ? Dix étages ? Quinze étages ? Quand ce sont des tours résidentielles, cela ne pose pas de problèmes particuliers, chacun respecte les espaces communs. Quoique… Les incivilités existent aussi chez les bourgeois. Pour les logements sociaux, les tours, c’est tout à fait inadapté mais il y a en fait peu de tours de logements sociaux en banlieues, en tout cas assez peu de tours de logements de plus de dix étages. Quand il y en a, comme à Bagnolet, il vaut sans doute mieux faire de l’urbanisme reconstructeur, restructurant plutôt que destructeur, améliorer les transports, les créer à différentes échelles, pour petits et grands déplacements, amener des emplois, décloisonner plutôt que détruire. Dire que l’on détruit des tours pour faire des quartiers pavillonnaires n’est par ailleurs  pas très exact. En général, on détruit des tours pour reconstruire des petits immeubles, ce qui peut être réussi, et est tout différent des pavillons.

J.-M.S. : Quelles solutions d’urbanisme et d’architecture pourraient être mises en œuvre pour améliorer la situation des quartiers en difficultés ?

P.L.V. : Urbanisme, architecture, oui, mais on ne peut évacuer la question de la crise de civilisation : le manque de motivation pour le travail, et pour la création. La France qui était une nation d’artistes est devenue une nation de téléphages et de consommateurs d’Internet, et pour ce qu’Internet a de moins intéressant. La France et l’Occident en général, et toute la planète, tend à entrer dans cette post-civilisation qui rétrécit les horizons et atrophie les sensibilités. Seule une minorité échappe à cela. Une minorité privilégiée par la culture, l’éducation et le niveau économique. Heureusement en un sens que cette minorité existe mais pourra-t–elle résister à la montée de la barbarie ? Les quartiers en difficulté, habités par des gens eux-mêmes souvent déshérités, moins du reste au plan strictement financier qu’au plan culturel, souffrent au premier chef de cette crise de civilisation. Les quartiers de grands ensembles, ceux ciblés par la politique de la ville – terme ambitieux : il vaudrait mieux dire plus modestement « l’infirmerie des banlieues » – nécessitent à mon sens de la modestie, continuer de travailler avec les associations même s’il ne faut pas en attendre des miracles, et de l’ambition surtout dans un domaine : les transports.

Il faut absolument que les gens bougent de ces quartiers, n’en soient pas prisonniers, puissent aller voir ailleurs donc, il faut des transports, y compris le soir et même la nuit. Il faut aussi des entreprises locales, tout un tissu de P.M.E. Il faut aussi renforcer les effectifs permanents de police mais aussi d’éducateurs. Il faut refuser la victimisation des délinquants. Ils ne sont pas victimes; ils pourrissent la vie des travailleurs. Bien des Maghrébins qui « s’en sortent », bien des « Noirs », – et non pas des « Blacks » -, Africains ou Antillais qui eux aussi s’en sortent le montrent : les jeunes, avec de l’énergie, peuvent trouver une formation, un travail, une voie, un avenir, une espérance, une place dans la société. La République française est généreuse, l’éducation gratuite, les soins gratuits, ce n’est pas rien, il faut le dire et le rappeler. Et, en contrepartie, il faut être sévère avec ceux qui pourrissent la vie de ces quartiers, et qui ne sont pas les porteurs de voiles « islamiques ». Ce sont les canailles qui vivent de trafics de drogue, de vols, d’escroqueries, qui harcèlent les filles, etc.

J.-M.S. : Pourquoi arrive-t-on si peu à faire de la mixité sociale dans les quartiers sensibles ? Comment expliquer qu’en dépit de la politique de la ville, les habitants fuient ces quartiers ?

P.L.V. : On arrive plus facilement à mettre quelques pauvres dans des quartiers riches que quelques riches dans des quartiers pauvres. La mixité sociale a reculé. Il y avait des bourgeois dans beaucoup de quartiers de banlieue nord il y a cent ans. Combien en reste-t-il ? Et puis, le caractère multi-ethnique des banlieues fait fuir beaucoup de classes moyennes et a fortiori supérieures. Tout le monde est pour l’immigration  mais chacun préfère habiter un quartier où il n’y a « pas trop » d’immigrés. Il y a beaucoup d’hypocrisie là dedans.

Les deux questions de l’immigration et de l’occupation du logement social sont par ailleurs de plus en plus liées puisque les immigrés ont en moyenne de faibles revenus et compte tenu du nombre assez élevé d’enfants qu’ils ont, sont prioritaires pour les H.L.M. Il n’y avait que les élus communistes jusque dans les années 80 à habiter dans des H.L.M. et encore pas tous !

J.-M.S. : Le problème d’anomie (au sens de désagrégation des règles de vie en collectivité et du lien social) des quartiers sensibles, s’il existe,  est-il résoluble uniquement par des politiques étatiques ? Où est-ce un problème qui va bien au-delà ?

P.L.V. : L’anomie ou encore la perte de la décence commune dont parlait George Orwell est une réalité. Elle concerne particulièrement les jeunes de ces quartiers. C’est la conséquence du déracinement du à l’immigration de masse. C’est la conséquence d’une perte d’identité ou d’une impossibilité de construction identitaire dans la tolérance, le respect des autres, qu’ils soient issus d’autres communautés immigrées ou qu’ils soient Français de souche. La société multiraciale est devenue multiraciste. Les injures sont très souvent raciales. Mais en outre, l’américanisation des mœurs – et pour faire court la fascination par le fric, par exemple les joueurs de foot, trop souvent arrogants  et pleins aux as – joue un rôle très déstructurant.

L’intégration par les valeurs de l’effort, du travail, de la République qui ne reconnaît aucune communauté, ne marche plus. Il n’y a pourtant pas d‘autre voie que l’assimilation et le retour à ces valeurs qui n’ont, faut-il le rappeler, jamais impliqué de renier ses ancêtres et ses traditions. Mais est-ce que cela peut marcher avec une immigration de masse ? En tout cela, si cela ne marche pas, rien d’autre ne marchera car il n’y a pas de communautés en France, de cadres communautaires réellement capables de prendre le relais et on ne peut les créer artificiellement dans les populations d’Afrique noire ou celles originaires du Maghreb. C’est d’ailleurs précisément parce que, dans leurs pays d’origine, le lien social était en crise que ces gens là sont venus en France, alors comment peut on imaginer que, une fois venus en France, leurs attaches d’origine fonctionnent de manière communautaire, ce qu’elles ne faisaient pas dans leur pays ? C’est pourquoi l’intégration communautaire, je n’y crois pas.

Pour revenir à la question centrale qui est celle des jeunes des quartiers, ce qui doit être géré est, ajouté au problème de l’identité, un problème « hormonal ». C’est ce qu’a bien vu Luc Bronner dans La loi du Ghetto. Les jeunes garçons ont pris le pouvoir. Le culte de l’enfant-roi de nos sociétés n’a rien arrangé. Quand un parent donne une fessée à son enfant les services sociaux le réprimandent. Les immigrés ne comprennent pas cela. Ils ont l’impression qu’on leur casse leur boulot d’éducateur et de parent. Ils n’ont pas complètement tort là-dessus.

Mais surtout il y a l’absence fréquente du père ou la dévalorisation de la figure du père. C’est souvent un chômeur. Nombre d’immigrés ont été licenciés de leur travail à quarante-cinq ans, cela n’aide pas à donner une image forte. Quant aux familles monoparentales, le garçon seul face à sa mère est roi dans certaines cultures. Il y a une asymétrie de la délinquance entre garçons et filles. Difficile donc de dissocier les questions de la banlieue des questions culturelles liées à l’immigration. Ce qui ne veut pas dire que, sans problème de l’immigration, il n’y aurait plus de problème de la banlieue.

J.-M.S. : Quel est l’état du lien social dans les quartiers sensibles ?

P.L.V. : On constate un mauvais état du lien social. Je n’ai pas suffisamment d’expérience de terrain pour en dire plus bien qu’ayant longtemps vécu en banlieue y compris dans des quartiers dits « sensibles ». Restaurer la valeur travail, restaurer l’accès concret au travail, mais aussi développer l’idée que le travail n’est pas la lutte de tous contre tous, que c’est aussi la solidarité entre les hommes. Et aussi développer un autre imaginaire que la consommation, voilà ce qu’il faudrait sans doute faire. Programme vaste et complexe.

J.-M.S. : Quelles sont les caractéristiques des habitants des quartiers en difficultés, comment y vit-on ? Famille monoparentales, fort taux de chômage, jeunes déscolarisés, modes de vies différents en raison des origines immigrés des habitants, d’autres facteurs… ?

P.L.V. : Là-dessus il y a des études sociologiques. On trouve effectivement les caractéristiques que vous évoquez.  Mais je ne suis pas spécialiste de ces questions, aussi je vous renvoie aux sociologues de profession.

J.-M.S. : Quel rapport ont les habitants des quartiers sensibles avec leurs lieux de vie ?

P.L.V. : Vous voulez dire : aiment-ils leurs lieux de vie ? Je ne sais pas. Je crois qu’ils ne les détestent pas dans bien des cas, mais qu’ils regrettent les problèmes de transport, la délinquance excessive, l’irrespect des lieux, de l’hygiène, les gens qui urinent dans les ascenseurs, etc. Les gens aimeraient aimer leurs quartiers. Ils n’y arrivent pas bien souvent. Ceci dit, il me parait difficile de généraliser. Choisy-le-Roi n’est pas Bagnolet, qui n’est pas Bondy, qui n’est pas la banlieue de Saint-Étienne, ni de Perpignan, etc.

J.-M.S. : Quelles furent les grandes évolutions sociologiques dans les quartiers sensibles ces trente dernières années ? Y a-t-il eu une ethnicisation de ces quartiers, un appauvrissement ? Une fuite des classes moyennes vers le périurbain ou le centre-ville pour les classes moyennes supérieures ?

P.L.V. : Depuis trente ans et même plus il y a clairement une « ghettoïsation » des quartiers, une pauvreté endémique, un désœuvrement, une défrancisation qui touche notamment les mœurs, un développement des trafics de drogue, bref toute une série de ruptures culturelles, dans des domaines très divers,  qui favorisent les amalgames et qui font que pour beaucoup la seule chose de sûr à propos de la banlieue c’est qu’ils ne veulent pas y habiter.

Il y a bien sûr un départ de tous ceux qui peuvent partir notamment les Français de souche des classes moyennes mais aussi les immigrés qui accèdent à la classe moyenne. Quand aux classes supérieures elles n’ont jamais habité les quartiers sensibles et n’ont donc pas l’occasion de les fuir…

J.-M.S. : Le rôle des « créateurs de lien social » (animateurs sociaux, gardiens d’immeubles…) dans ces quartiers a-t-il évolué ? Ont-ils plus de difficultés à remplir ce rôle ? Si oui pourquoi ?

P.L.V. : Je crois qu’il faut leur demander leur avis. C’est un sujet que je connais mal.

On a renforcé le rôle des gardiens et souvent leur nombre et on a eu raison. C’est devenu un métier très complexe que d’être gardien dans les grands ensembles, entre la pression des jeunes du quartier et celle du bailleur, de la police, etc.

J.-M.S. : Comment expliquer le fort taux de délinquance dans ces quartiers sensibles ? D’où vient l’origine du malaise et des conduites déviantes ?

P.L.V. : C’est une question de civilisation. Ce qui joue, c’est la séduction de l’argent facile (les sportifs dont on parle à la télé, les traders…), le goût des objets technologiques sophistiqués, et coûteux, la fin du respect de la culture, de toutes les cultures y compris celles d’origine mais aussi de toutes les institutions pourtant au service des gens  (maintenant on brûle les écoles, les M.J.C., les bibliothèques, les gymnases…). On vole dans les magasins de fringues, de chaussures de marque… On ne vole pas les livres de la Pléiade. Mais aussi il y a, comme je l’ai déjà dit, la crise hormonale de ces jeunes garçons qui n’ont pas de défouloir, qui ne font plus leur service militaire, qui ne peuvent plus canaliser leur énergie. C’est le problème principal. Ce n’est pas l’immigré de quarante ans qui brûle des voitures, me semble-t-il. Ce n’est pas celui qui bosse sur les chantiers dans le bâtiment et qui part tôt le matin. C’est le gamin de 14 – 18 ans qui en plus de détruire son quartier et d’y brûler les voitures des honnêtes gens qui sont ses voisins, pourrit la vie de son école. Cette jeunesse des émeutiers explique la peur des bavures qu’a la police. Il y a une dimension nihiliste là dedans, comment le nier ?

J.-M.S. : Comment les pouvoirs publics répondent-ils aux problèmes des banlieues dans le cadre de la politique de la ville ? Les dispositifs en place soulagent-ils les habitants de ces quartiers en difficulté sociale ? Peut-on faire mieux ?

P.L.V. : On connaît les actions de la politique de la ville avec le soutien aux associations. Cela joue sans doute dans le bon sens mais à la marge. L’isolement des quartiers arrange tout le monde : ils « mettent le bordel » chez eux et pas ailleurs. On ne met pas le paquet en éducation, prévention, répression, encadrement. La République ne croit plus en elle. Respecter les gens, c’est s’occuper d’eux, les cadrer et les encadrer si possible, mais la vérité est peut-être que la République préfère abandonner les banlieues. J’espère me tromper.

J.-M.S. : D’une manière plus générale, est-ce que ce sont les habitants qui font le lieu de vie ou le lieu de vie qui fait les habitants, ou est-ce un peu des deux ?

P.L.V. : C’est une excellente question. La misère a trouvé son décor. Mais c’est moins une misère matérielle - les gens ne meurent pas de faim ni de manque de vêtements – qu’une misère morale. La délinquance des  jeunes  ajoute à cette misère morale.

Je crois que l’urbanisme pourrait changer beaucoup de choses mais pas tout car il faut que change aussi l’imaginaire de nos sociétés hypermarchandes.

Ceci dit, il y a des pistes et il faut bien commencer par quelque chose : des petites rues interdisant la vitesse, des immeubles suffisamment petits pour permettre des relations de proximité. À terme, il faudrait peut-être aussi envisager la création d’une garde civique – sorte de nouvelle « garde nationale » – en liaison avec la police nationale. Il faut refaire un urbanisme de proximité, d’immeubles de taille moyenne, quatre à six étages, avec des rues adaptées c’est-à-dire de taille modeste (exemple : le quartier de « l’Orme-Seul » de l’architecte Catherine Furet à la Courneuve) et des axes plus grands mais jamais disproportionnés avec des bus, des tramways, des métros, aériens de préférence (c’est tout de même plus gai que de passer des heures sous terre). En résumé, il faut arriver à une densité beaucoup plus forte que dans les banlieues actuelles tout en évitant les tours. C’est parfaitement possible : regardez le Xe, ou le XIe arrondissement de Paris ! Il y a une forte densité et pas de tours.

Il faut penser l’urbanisme pour le lien social et aussi – ne soyons pas naïfs – pour la sécurité (on le fait déjà mais dans la perspective d’interventions ponctuelles plus que dans le registre d’une sécurité quotidienne). Cela coûtera cher mais pas plus que des milliers de voitures brûlées chaque année. Et si on ne sauve pas la banlieue du plongeon, on plongera tous.

Propos recueillis par Jean-Marie Soustrade.


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mercredi, 17 novembre 2010

Faut-il sauver la ville des architectes?

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Faut-il sauver la ville des architectes ?

par Pierre LE VIGAN

Les architectes sont-ils coupables ? Bonne question. Encore faudrait-il savoir de quoi ? D’avoir tué la ville ? De ne pas avoir construit des villes à la campagne ? D’avoir trop pensé à leurs bâtiments et pas assez aux lieux alentours ? L’opprobre jetée sur les architectes est une vieille antienne. Et il est vrai que les architectes sont emblématiques de certains maux. La « starisation », la médiatisation, les architectes les plus connus y participent. Pour autant, qui fait la ville ? Qui produit de l’urbain, ou, bien souvent, de l’anti-urbain ? Les architectes un peu, mais plus encore les élus, et les hauts fonctionnaires, et les promoteurs immobiliers. Les architectes ne seraient rien – et surtout ne pourraient rien – sans les maîtres d’ouvrage, ceux qui sont à l’origine de la commande de tel bâtiment, immeuble, bureaux, école, campus, etc.

Architecte de formation, Franco La Cecla tonne contre l’architecture médiatique qui oublie que la ville est un bien public. Les architectes croient contrôler quelque chose mais « leurs œuvres sont immanquablement englouties dans l’indifférence du shopping ». L’architecture de l’hypercapitalisme, du « capitalisme de casino » produit des marques mais non pas des lieux, des vitrines plus que des habitats.

La pratique de la ville a été longtemps à  l’échelle de l’homme. Dans la marche en ville, le corps devient manuscrit. La ville était un long apprentissage. Or, le gigantisme urbain tue la marche au profit des transports individuels ou collectifs. Les trajets disparaissent au profit des déplacements dans un immense réseau sans lisibilité globale.

Face à la perte des repères en ville, les solutions radicales sont parfois aussi inappropriées que l’ont été les constructions des années 50 à 70. « Faut-il raser les grands ensembles ? » s’interrogeait Le Monde il y a déjà presque une génération, le 23 janvier 1982. Si la question de démolir et de reconstruire autrement ne peut être taboue, encore faut-il ne pas repeindre le cadre de la misère ni simplement la déplacer. La ville demande de la durée. Les grands ensembles ont généralement été construits en déplaçant des populations issues de quartiers insalubres où les logements étaient souvent très exigus. C’était une mauvaise réponse à un vrai besoin. Mais un traumatisme nouveau ne répare pas un ancien traumatisme, il l’aggrave. Quels que soient les défauts de conception des grands ensembles, la destruction est encore une hybris. Franco La Cecla s’insurge : « La démolition est bien devenue le plus grand business urbain de ces vingt dernières années et, selon moi, il est fort probable qu’elle déferle sur l’Europe avant même qu’on ait fini de s’interroger sur le sort des banlieues. » Dans la construction comme dans la destruction, la banlieue se fait ainsi sans et contre ses habitants. « Il s’agit, au fond, d’une élaboration consciente de la laideur, d’une injure faite aux savoirs et aux pratiques millénaires de l’architecture et de l’habitat. » Face à cela, c’est à l’inventivité sociale des habitants eux-mêmes qu’il faut recourir, afin de trouver des alternatives aux lieux monofonctionnels, si prisés des politiques et des planificateurs, car ils simplifient la gestion, mais si contraires aux besoins multiformes des hommes.

C’est pour laisser place aux initiatives des habitants que Franco La Cecla propose donc « moins d’architecture », une décroissance de l’architecture, seul moyen de faire naître une autre architecture, qui ne soit plus une architecture d’accompagnement de la marchandisation du monde, mais soit au service de la ville comme bien public appartenant à tous ses habitants. Une architecture de la sobriété heureuse ?

Pierre Le Vigan

• Franco La Cecla, Contre l’architecture, Arléa, 175 p., 15 €.


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mardi, 19 octobre 2010

Réfléchir & Agir: Repenser le territoire, ralentir la ville!

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mercredi, 10 février 2010

Du temple au bureau

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1988

585-WARSCHAU%20Rondo.jpgDu temple au bureau

 

Monument d'une époque qui a fait de l'argent une divinité universelle, les grands sièges bancaires illustrent luxueusement et sans aucune dissimulation, le langage du pouvoir de ce siècle. Son vocabulaire, son sens de la monumentalité et sa relation avec ce public indifférencié et massif, que, par-dessus tout, il faut fasciner.

 

Gloria Otero

 

Bien qu'aujourd'hui les frontières n'aient jamais été aussi diffuses entre l'argent, le pouvoir et la divinité, les édifices qui leur ont été consacrés se sont confondus depuis des temps immémoriaux. Avant même l'invention de la monnaie, temples et palais se répartissaient les fonctions de la banque, accueillant sous le même toit et avec une solennité identique, les intérêts suprêmes, matériels et spirituels, de la communauté. Un mélange de mystère, de luxe et d'ostentation étudiée, s'inscrivait dans ses antécédents –temples sumériens et babyloniens, basiliques romaines, palais de la Renaissance…–, quand, au XIXième siècle, les premières banques modernes firent leur apparition, elles se destinèrent spécifiquement à garder l'argent et à attirer des clients.

 

En Espagne, les sièges les plus importants –Bilbao, Nacional, Hispano, Central, España– ont été construits entre 1880 et 1920. Dans des délais de deux ou trois ans au maximum, à l'exception des bâtiments de la banque «España», qui, à cause de son extraordinaire complexité, ont exigé sept ans de travail. leur typologie, qu'il fallait absolument inventer, jaillit avec une uniformité remarquable de la stylistique champêtre et embrouillée du siècle.

 

Lors de cette première étape, réellement dorée, de leur évolution, les édifices bancaires se tournèrent unanimement vers deux modèles historiques: le temple grec et le palais de la Renaissance. On utilisa, massivement, le premier aux Etats-Unis et le second, en Europe. Sur base de cette référence initiale, l'architecte jouait passionnément à la combinaison des styles, en dominant des distorsions d'ordres et les délires de l'imagination, avec une rigueur et un art exemplaire.

 

Madrid, capitale financière espagnole depuis le début du siècle, conserve divers exemples de cette période. Tous ceux-ci présentent une dichotomie entre l'extérieur et l'intérieur qui caractérisera cette architecture jusqu'à nos jours. De la rue, la banque déploie tout un arsenal symbolico-décoratif, destiné à transmettre un message d'inviolabilité et de puissance, métaphore des trésors que la banque renferme. Ce sacro-saint argent que le XIXième siécle adorait avec une ferveur presque mystique. Des cariatides grecques, des bossages typiques de la Renaissance, des colonnes de tous les ordres, des grilles de toutes les tailles et une faune variée avec un préférence marquée pour les lions, les éléphants, les chevaux et jusqu'aux quadriges, envahissent les façades. Mais la grandiloquence du langage extérieur se tempère à l'intérieur, où la solennité bancaire acquiert une mesure plus exacte. C'est là que se crée un modèle propre dont la pièce la plus importante est la salle des guichets; grande salle rectangulaire, au toit dépouillé, constitué d'une verrière fournissant une lumière naturelle, elle est entourée de comptoirs de service pour le public et d'une galerie qui fait communiquer le premier étage avec le mouvement de la salle. Un hall précède toutes les autres pièces, il est plus ou moins grand, circulaire et doté d'un toit, également en verre et complète cette scénographie qui réduit son vocabulaire comme pour éviter de vaines distractions à l'heure de la vérité. Celle qui opère aux guichets de cette salle avec de lointaines réminiscences classiques madrilènes.

 

Pompe décimononique

A Madrid, la calle de Alcalá réunit un échantillonnage typique de banques du début du siècle. Commençons par le numéro un du pays: la «Banco de España»; elle est dotée d'une salle d'opérations polygonale, d'une magnificence si sobre et mélancolique qu'on y retrouve l'atmosphère de l'Escurial. Puis voilà la «Central», la plus américaine de toutes les banques de par sa vocation gréco-latine; elle est décorée de cariatides à l'entrée et de colonnes gigantesques, rappelant la mer et les oliviers du paysage classique. Seulement ici, on n'a pas la Méditerranée à côté mais «el Ministerio del Ejercito» (Ministère de l'Armée). Tout près de là, on peut voir la «Santander» dotée d'une pointe de coquetterie dans sa modestie, si on la compare avec les banques environnantes. Et un air presque aimable de villa italienne de loisirs, avec sa voûte de couleur rose, surbaissée sur la salle centrale. La banque «Español de Crédito» tirant parti de sa position de coin, face à la «Bilbao», déploie toute une cohorte d'éléphants, face aux grilles imposantes de sa voisine; c'est peut-être le bâtiment le plus spectaculaire de tous, avec ses échos modernistes et ses quadriges monumentaux scrutant le ciel madrilène.

 

Quelques années après, toute cette débauche historique, symbolique et décorative, disparaît. Le rationalisme balaie toute excroissance narrative de l'architecture et inaugure une ére inédite pour les grands édifices représentatifs. Une ère austère, obsédée par la relation sans artifices entre forme, structure et fonction. La banque «de Viscaya», construite en 1930, l'année de la fondation du Gatepac, témoigne du tournant vers le nouveau style. En plein cœur de la city décimononique, elle impose une façade plane qui ne joue qu'avec la géométrie et avec le chromatisme des matériaux nobles, la même présentation se répétant exactement à l'intérieur.

 

Tout possède un imperceptible air déco. Sa somptuosité raffinée est chargée de séculariser définitivement l'édifice bancaire. De là à le transformer en un bureau luxueux, il n'y a que deux pas à franchir, tous deux clairement américains. Le premier pas est élémentaire, la configuration de l'édifice de bureaux en tant que tel. Une typologie inédite qui finira par imposer sa simplicité et son pragmatisme à toute l'architecture. Le second est plus conceptuel, le relatif abandon du secrétisme et l'emphase aristocratique des premiers sièges bancaires, en faveur d'une plus grande transparence et d'une vocation de service public.

 

Le futur de Sullivan

A la moitié de ce siècle, la dictature architectonique du bureau était évidente. Louis Sullivan, le pionnier des gratte-ciel qui, en 1900, rêva d'un style constructif si grand qu'il n'admettait aucune exception, mourut, ignoré, dans un hôtel de troisième classe de Chicago mais il avait obtenu gain de cause. Le triomphe de la structure d'acier, le niveau libre et le mur de soutènement, ont largement réalisé son idéal. Bin qu'une fois achevé, cela laisse beaucoup à désirer. Les étages empilés comme le fromage pour les sandwichs, en blocs cubiques d'une monotonie incontestable, servent effectivement ???. Des appartements de luxe, des commerces, des hotels , tout s'emboîte divinement dans le réticule bureaucratique. Pourquoi pas ne serait-ce pas possible pour l'édifice bancaire?

 

Une date et un exemple américains constituent des exemples clés. Le 12 juin 1954, on inaugure, à New York, le bâtiment de Manufactures Trust Company. Un cube de verre et d'aluminium totalement transparent, qui montre ce qui se passe à l'intérieur avec un naturel parfait.

 

Se rapprocher de l'usager.

La porte du trésor, pesant 30 tonnes, s'ouvre directement sur la Cinquième Avenue, dont elle est à peine séparée par une vitre. Une nouvelle image, démocratique et ouverte, qui annule murs et grilles et dépose son argent au vu de tous, s'impose dans l'architecture bancaire. En Espagne, la banque «Popular», sur la Gran Vía madrilène, sera la première à l'imiter. A Barcelone, le bâtiment de la «Banca Catalana», sur la Diagonal, date également de la fin des années cinquante, il donne une version particulière de ce rapprochement avec l'usager, avec une conception extérieure qui se différencie à peine d'un bloc d'appartements de haut standing de l'époque.

 

La profusion de fontaines et de plantes; le remplacement des guichets par des tables individuelles pour donner plus d'attention au client, situées au centre du patio, transformant la scénographgie traditionnelle, du cercle majestatif  autour de l'insignifiant sujet, sont des détails déterminants de cette volonté plus démocratique et conviviale de la banque envers son public. Tout cela ne signifie pas, pas du tout, qu'elle renonce à la représentativité et à l'ostentation. Elle modifie simplement sa mise en scène. Et si, depuis les années soixante, une banque, n'importe laquelle, peut occuper sans problème un bâtiment originalement construit pour contenir des bureaux, comme cela arrive souvent, depuis les années soixante-dix, l'architecture d'avant-garde devient son étoile. Une étoile assez perplexe devant le panorama assez maussade qui l'entoure. Dans ces années d'éclosion post-moderne, le rationalisme moderne éclate et écrase le lieu commun de son édifice emblème, la tour de bureaux. La nécessité, utopique, se répand, de rompre sa monotonie en maintenant sa philosophie.

 

Madrid continue à accaparer la collection la plus complète d'expériences au cours de cette décennie. De la calle Alcalá, le cœur financier se transporte a la Castellana. Dans ce nouveau cadre, les nouveaux sièges seront construits de manière isolée. Non seulement physiquement, mais également conceptuellement, car à de très rares exceptions près, personne ne veut plus établir, comme auparavant, une relation urbaine avec son environnement. Tout au contraire. Chaque bâtiment se construit de manière solitaire et agressive sur son terrain, avec une vocation exclusivement compétitive, qui a conduit certains spécialistes à affirmer que si Alcalá est un concert, la Castellana est un pélerinage. Ce qui arrive est que bien que chaque édifice ait une apparence qui lui est propre, stimulant le voisin, il n s'agit pourtant d'un ait très qualifié.  Signé par les noms les plus illustres de l'architecture espagnole actuelle, bien que ces spécialistes ne se soient pas spécialement distingués avec ces banques: un Gutierrez Soto, Rafael Moneo, José Antonio Corrales et Ramón Vázquez Molezún, Javier Carvajal, Saenz de Oiza…

 

Sur ce parcours un peu histérique à cause du protagonisme visuel, qui n'est ni esthétique ni spatial et qui va caractériser les dernières vingt années de ce type d'édifices, trois exemples signalent, dans les années soixante-dix, des options prémonitoires., la banque de l'«Unión» et le «Fenix» (1971) conçus par un classique imperturbable de l'architecture rationaliste, Gutierrez Soto, qui, à cette occasion, se quitte la théatralité –cas unique dans sa longue trajectoire–, et réalise une tour de marbre et d'aluminium noir et or, comme un autel gigantesque,  pour la statue de la firme. C'est le pari pour la côté spectaculaire lisse et plein, bien que de qualité.

 

La «Bankunión», de Corrales y Molezún, équipe ancienne dans une avant-garde paisible et solvable depuis des années, avec sa ? de voûte en plein cintre, ses conductions thermiques à l'air et sa couleur cuivrée, a suscité la polémique en son temps (1975). On se séparait de la morphologie habituelle et on en imposait une autre, plus artificieuse et exhibitionniste, avec une touche technologique, inédite alors dans des édifices bancaires. C'est l'opposé du côté spectaculaire partant des particularités du projet.

 

Rafael Moneo, le triomphateur le plus discret et le plus international de l'architecture espagnole récente, réalisa, avec Ramón Bescós, le bâtiment le moins spectaculaire et le plus admiré de tous ceux qui rivalisent pour la gloire dans le défilé bancaire de la Castellana. La très célèbre «Bankinter», dissimulée derrière le petit palais de Mudela, est un exercice modèle, vu la situation et les circonstances. Rien de plus insolite dans l'architecture du moment en général (1976) et de l'architecture bancaire en particulier.

 

Contrastant fortement avec la tour voisine de Gutierrez Soto, l'immeuble de Móneo apparaît comme un second terme neutre pour le petit palais, mais avec une entité majestueuse qui lui est propre, depuis l'accès par la calle latéral de la Castellana. L'usage de matériaux traditionnels, comme la brique, sans aucun aura luxueux; les jeux géométriques et d'échelle surprenants; la rigueur et le soin, qui n'ont rien de standard, avec lequel on a veillé à tous les détails de cet édifice, même l'incorporation d'œuvres d'art, déterminent le caractère génial de cette banque. Et son originalité absolue comme édifice de lecture lente, non propagandiste et à la spatialité ambigue, dans la meilleure tradition postmoderne. Rien n'illustre mieux les théories de son auteur sur la crise des typologies dans l'architecture contemporaine et le protagonisme du projet à son endroit.

 

Ceci est son pari solitaire au bord de la Castellana. Un certain nombre d'années devra s'écouler avant que les grands édifices corporatifs commencent à admettre, très prudemment, certains de ses postulats. L'appauvrissement et la monotonie des tours de bureaux, définitivement identifiées avec l'architecture bancaire, devraient encore empirer plus pour que surgissent des exemples alternatifs. La standardisation des espaces intérieurs au point de devenir parfaitement interchangeables, organisés par des entreprises spécialisées dans leur installation, appauvries également par l'automatisation n'avait pas tellement d'importance. Ce qui importait, c'était l'épuisement expressif des tours à l'américaine, basées sur une concurrence purement objectuelle en fonction de leur échelle et de leur caractère spectaculaire.

 

Un cas exotique.

Les années quatre-vingt et la crise pétrolière  ont apporté les premières corrections internationales à ce modèle. La plus spectaculaire correspond précisément à une banque, celle de Hong Kong et de Shangaï, de Norman Foster. Edifice-symbole où l'on retrouve le génie capitaliste et colonial dans un monde sur le point de passer dans le camp opposé.

 

Foster, Saxon et admirateur soumis de l'architecture visionnaire de Buckminster Fuller et des merveilles de l'ingéniérie aérienne partielle, redéfinit les gratte-ciel à partir d'une position antithétique par rapport à Moneo; à partir de l'utilisation de la technologie la plus sophistiquée. Mais comme lui, il le fait en s'inspirant  plus des circonstances du projet que d'une typologie préalable. Sa banque réalise largement cet exploit, en répondant également au goût multinational de son client et à celui du public local de l'entité, composé pour 98% de Chinois.

 

L'édifice à été construit dans un temps record de cinq ans, à un prix également record, puisqu'il est le bâtiment le plus cher du monde. Ses innovations incontestables peuvent difficilement être généralisées mais, en tout cas, dévoilent rigoureusement tous les points faible du gratte-ciel: le grand recours à la lumière naturelle, la variété des espaces, grâce à la structure suspendue de l'édifice; l'amplitude presque comparable à celle d'une cathédrale des secteurs diaphanes; le protagonisme du publique et ses allées et venues  entre les étages par des escaliers mécaniques.

 

Tout cela laissera une trace exotique et isolée dans le panorama général de l'architecture bancaire des années quatre-vingt, qui a voulu être, avec de légères retouches formelles, le modèle bloc de bureaux sans plus. Ce qui est certain, c'est qu'en dépit de sa sclérose, elle continue à être l'instrument préféré de projection urbaine pour les grandes corporations privées. Une espèce de fétiche indispensable du pouvoir économique, qui uniquement dans les édifices les plus récents de la banque officielle, change de signe: la «Banco de España» à Jaén, de Moneo; celle de Gerone, de Pep Bonet; celle de Madrid, de Corrales et Molezún… Le reste est l'empire de l'édifice-objet, fortement adjectivé par l'un ou l'autre détail simplement pictural (la couleur, l'échelle, la conception de l'un ou l'autre élément extérieur…) et absolument obsédé par le fait d'imposer son image dans un rayon le plus grand possible.

 

La banque espagnole la plus célèbre de cette décennie, la banque «de Bilbao» de l'architecte Saénz de Oiza, est un bel exemple, très brillant, cela oui, de cette tendance. Et le quartier de Azca, avec sa collection de sièges bancaires et commerciaux constitue l'apothéose totale de cette architecture pour le coup d'œil, selon que l'on circule en voiture  vers n'importe quel destination professionnelle.  Moins mégalomane peut-être, mais également partagé entre un extérieur grandiloquent et asservissant et un intérieur indifférencié et sans vie. En résumé, la malédiction de l'édifice de bureaux, l'infiltration totale de sa monotonie universelle ou, simplement, le caractère ordinaire croissant des langages dominants, les langages de l'argent et du pouvoir établi, qui apparaissent chaque jour avec plus d'insolence et de nudité.  

 

mercredi, 11 novembre 2009

Was le Corbusier een fascist?

Was Le Corbusier een fascist?

LE CORBUSIEREx: Deltastichting - Nieuwsbrief nr. 29 - November 2009
Vanuit Zwitserland – en van daaruit vanuit Duitsland – krijgt nu ook de herinnering aan de modernistische architectuur, Le Corbusier, een vreemde bijsmaak. In de grote pers werd de afgelopen dagen namelijk beweerd dat Le Corbusier wel eens een fascist zou kunnen geweest zijn.
 
Het Zwitserse weekblad Die Weltwoche bracht begin oktober een artikel uit met de alleszeggende titel Le Corbusier bewonderde de Nazis en Hitler. De journalist wou hiermee vooral de ‘schande’ onderstrepen van het feit dat diezelfde Le Corbusier op de bankbriefjes van 10 euro zou komen.  Bedoeling is om het leven van de architect op een zodanige manier ‘bruin’ in te kleuren, dat zijn aanhangers, die vooral onder de links-liberale jetset moeten worden gezocht, de grootmeester van de moderne bouwkunst zouden laten vallen.

Aanleiding tot het artikel zijn verder een aantal antisemitische uitlatingen van de architect, alsook enkele brieven die hij na de Duitse overwinning in juni 1940 aan het nieuwe Franse staatshoofd Pétain heeft geschreven, en de omgang die hij met bepaalde collaborateurs zou hebben gehad, waardoor hij eigenlijk te dicht zou hebben aangeschurkt bij figuren als Arno Breker, Veit Harlan of Leni Riefenstahl. Le Corbusier, die de Franse nationaliteit had aangenomen, zag de nederlaag van zijn land en de Duitse overwinning als voorwaarde “voor een verbetering van de wereld”. Volgens de Zwitserse media moet hij hierdoor worden beschouwd als de “Grootbouwmeester van de totalitaire wereld”.

Steeds weer dat moraliserende vingertje dus, als het gaat over bepaalde politieke verstrikkingen van kunstenaars, terwijl communistische sympathieën nog nooit iemand de kop hebben gekost. Kan men zich voorstellen dat een Zwitsers toparchitect lid zou zijn van de linkse cultuurscene, lid van de KP, en die uiteindelijk zijn kennis en kunde ten dienste zou stellen van een totalitaire staat als de DDR, door dezelfde journalistieke haat ten gronde zou worden gericht? De architect bestaat, heet Sigrid Giedion, en werd nooit verontrust.

Het geval Le Corbusier

Eigenlijk wordt er in Die Weltwoche niet veel nieuws verteld. Het is meestal opgewarmde kost, ook nu weer. Het Zwitserse weekblad kan niet anders dan te wijzen op de extreme ijdelheid en het ‘ontwikkelde egoïsme’ van de architect. Ook de verhalen over zijn opportunisme kenden we al. Maar het was opportunisme niet uit karakterzwakte, maar wel vanuit een permanente zoektocht naar mogelijkheden om zijn werk te slijten. Alleen machthebbers konden hem voldoende ‘mogelijkheden’ aanbieden, en dus ging hij bij hen aankloppen. Bij allemaal trouwens, en dus niet alleen bij de nazi’s.
 
COVER WELTWOCHEZoals zovele kunstenaars ging Le Corbusier dus ook in de richting van de Sojet-Unie zoeken, aangetrokken als hij was door het grootse, zelfs megalomane van de economische 5-jaarplannen. De architect stond in die tijd in rechtse kringen bekend als “saloncommunist” en “fakkel van Moskou”. Raar toch dat het Zwitserse weekblad hier géén commentaar moet ventileren…

Na Stalin ging het richting Mussolini en natuurlijk Pétain, wat echter niet zo’n goede keuze was, als men aan het eerder bekrompen, kneuterig conservatisme van de Franse maarschalk denkt. Le Corbusier kwam juist met radicale plannen binnen om Parijs volledig nieuw te ordenen. Belangrijk is natuurlijk de vaststelling dat met de nederlaag van Frankrijk in 1940 de algemene stemming in Europa zo was dat iedereen dacht dat het Duitse Rijk een blijvende invloed zou uitoefenen. Le Corbusier dacht op dat vlak niet anders dan andere progressieve geesten als André Gide en Teilhard de Chardin. Iedereen leek zich bij de overtuiging aan te sluiten dat een nieuwe, Duits gerichte periode in Europa aangebroken leek. Een overtuiging dit ongeveer anderhalf jaar in geheel Europa – met uitzondering van Groot-Brittannië allicht – overeind bleef. Maar zijn de brieven en groetboodschappen aan collaborateurs voldoende om Le Corbusier als fascist te bestempelen? Of moet men hem gewoon als ‘voorstander van een nieuw gebouw voor Europa’ beschouwen? Een kunstenaar die verdwaald tussen de aantrekkingskracht van totalitaire regimes, gevangen werd door de esthetisering van de politiek, en de ‘mogelijkheden’ die hem dit bood.
 
Dit ‘nieuwe schandaal’, dat misschien ook dankzij weldenkend links naar België en Nederland komt overwaaien, is er in feite géén. Much ado about nothing, als het ware.
 
 
(Peter Logghe)

jeudi, 29 octobre 2009

Kulturbolschewismus oder ewige Ordnung

51ZoATJxv4L__SL500_AA240_.jpgKulturbolschewismus oder ewige Ordnung

  • Autor: Norbert Borrmann
  • ISBN: 978-3-902475-65-7
  • Verlag: ARES

Die Architektur ist seit der Jahrhundertwende um 1900 zum Schauplatz erbittert ausgetragener ideologischer Kämpfe geworden: Klassizismus gegen Gründerzeit, Bauhaus versus Heimatstil, Moderne gegen Postmoderne, Flachdach gegen Steildach usw. Der Streit um die architektonischen Formen wurde seit der Russischen Revolution 1917 auch ein eminent politischer. Die Erbitterung, mit der bis zum heutigen Tag um Aussagen und  Begriffe „Diktatoren-Klassizismus“, „Ornament ist ein Verbrechen“ oder „Verlust der Mitte“, diskutiert wird, belegen dies.

So unterschiedliche Exponenten wie Peter Behrens, Adolf Loos, Le Corbusier, Frank Lloyd Wright, Heinrich Tessenow, Albert Speer oder Paul Schulze-Naumburg stehen für verschiedene Lebensgefühle, aber auch für verschiedene politische Weltentwürfe des 20. Jahrhunderts. Ihre Auseinandersetzungen sind für die Architektur und damit für das Aussehen der uns umgebenden Landschaft bis heute von großer Bedeutung.


Der Autor
ist Verfasser u. a. folgender Werke: Der Autor Paul Schultze-Naumburg Maler – Publizist – Architekt (1989);  Vom „Untergang des Abendlandes“ zum Aufstieg des „Dritten Reiches“. Vier Vorträge (Kuratorium Schloß Ettersburg, 1999) sowie  Orte des Schreckens, Warum das Grauen überall nistet (2004).

www.ares-verlag.com

samedi, 10 janvier 2009

La ville, sa figure moderne

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Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES - VOULOIR (Bruxelles) - Juillet 1994

Fabrice MISTRAL:

La ville, sa figure moderne

 

“La forme de la ville a, depuis la révolution industrielle, toujours changé plus vite que le coeur des mortels (...)”, écrit Annie Fourcaut, remarquable historienne de l’urbanisme contemporain. C’est en banlieue, territoire de constitution récente, moins marqué par les héritages que ne le sont les vieux centres urbains, que la modernité urbaine s’incarne le plus fortement (1). Bouleversement des images de la ville comme de son fonctionnement, nouveaux réseaux de communication, télescopage entre la rapidité potentielle des déplacements et l’engorgement effectif, ...: la ville témoigne au plus haut point des contradictions sociales à l’oeuvre.   Deux aspects principaux, particulièrement marqués en banlieue, peuvent  être repérés:

- la fin de tout holisme urbain,

- la nouvelle nature des communications physiques.

 

a) Contrairement à la ville traditionnelle, la ville moderne n’est plus perceptible comme un tout. Georges Teyssot écrit qu’elle “outrepasse définitivement le monde de l’expérience sensible” (2). De là nait une profusion des “images”  de la ville produites par les architectes et les bureaux d’études: précisement parce que cette image fait problème, et ne relève plus de l’évidence. Jacques Guillerme écrit: “La puissance de la figuration tient essentiellement à la dénotation qui lui est associable”. En d’autres termes, imaginer, c’est dévoiler. Heidegger l’exprime à sa façon: “L’ouverture d’un monde donne aux choses leur mouvement et leur repos, leur éloignement et leur proximité, leur ampleur et leur étroitesse” (3). Pour cette ouverture, des repères sont nécessaires: sans cartes, le territoire n’existe plus. A l’inverse, avec la prolifération des représentations, le territoire disparait aussi. On peut faire l’hypothèse suivante: “La catastrophe urbaine aurait résidé en l’impossibilité de maîtriser la représentation de la ville” (4). Conséquence de cette multiplication des points de vue sur la ville: la fin du “holisme” urbain, c’est-à-dire d’un sentiment commun d’appartenance. Vient alors le temps des remises en scène. L’objectif (voir “Banlieues 89”, le secteur politique de la ville du ministère de la culture, etc) est de génerer un “nouvel art d’habiter”, et la possibilité d’appropriations collectives des lieux. Le problème est qu’une trop fréquente méconnaissance des pratiques urbaines  de la part des urbanistes, plus encore de leurs maîtres d’ouvrage, rend fragiles ces remises en scène. Difficulté des tentatives “baroques” (5) de réenchantement de la ville: elles sont fondées généralement sur une naturalisation de l’histoire plus que sur sa réinvention. A cette aune, la différence entre l’urbanisme des libéraux - qui rejette le zonage au nom du refus des règles - et l’urbanisme des sociaux-démocrates - interventionnistes au nom d’un équilibre à rétablir - est, sinon “illusoire”, comme l’écrit Guiheux, du moins secondaire. Dans les deux cas, l’urbanisme (moderne) est système d’objets. Dans les deux cas, ceux-ci ne font pas corps avec la ville.

 

Le baroquisme consolide en outre la césure entre l’intérieur et l’extérieur dans la ville, entre l’habitat et la rue. Dans la ville traditionnelle, le dedans n’est qu’un “pli du dehors” (Henri Gaudin). Pour autant, ce pli rend les intérieurs habitables. Car il y a opacité de l’étoffe. Dans la ville moderne, le mythe de la transparence tend à supprimer les intérieurs en tant que lieux habités. Et la tentative baroque de conjurer la banalité par la naturalisation de l’histoire renforce l’incommunication.

 

b) La seconde caractéristique de la modernité urbaine concerne la nature des communications matérielles et d’abord la nouvelle conception de leurs intersections. Les voies de communication se multiplient qui correspondent à une direction, mais ne se rencontrent pas avec d’autres voies: un  échangeur n’est  pas un point, mais un noeud. C’est “une intersection sans carrefour” note Michel Serres. L’échangeur “reçoit et redistribue, il trie sans mélanger” (6). La route moderne - celle des autoroutes et des “voies rapides” - est par nature unidimensionnelle, elle ne correspond qu’à un trajet et un seul: de l’embranchement ouest de l’autoroute X à la sortie sud de telle ville. Le trajet est ainsi en quelque sorte irréversible. En cas d’erreur d’aiguillage, “même si nous retournons sur le point, nous serons néanmoins sur une autre voie” (Georges Teyssot). Ces trajectoires pré-déterminées, faites pour éviter de nous “perdre”, aboutissent à une formidable dépossession de la liberté humaine d’interpréter un territoire - comme un musicien interprète une partition.

 

La nouvelle nature des réseaux de transport amène à s’interroger sur les rapports entre la modernité urbaine et la communication. Chantal de Gournay rappelle que pour communiquer, il faut “savoir s’effacer (derrière une facade, un rôle” (7). En ce sens, la banalité, par opposition à la distinction, est précisément ce qui permet la communication: c’est dans la mesure où nous sommes partiellement inauthentiques que la communication est possible. De ce fait, il n’y a pas coincidence entre les activités de conscience et les manières d’apparaître. La conséquence urbaine en est qu’un lieu de communication est un lieu “de tous le monde et de personne” - comme à Marseille la Canebière que Marcel Roncayolo définit comme un “no man’s land”. Par là, elle est qualifiée comme lieu inconsommable et inappropriable. Banal, mais à sa façon.

 

Le problème est que, dans la ville moderne, ou dans celle parfois qualifiée de post-moderne, l’espace public répond à la recherche d’un style. Or, cet espace public  fonctionne comme tel précisement s’il “correspond à un degré zéro de la mise en scène”, écrit Chantal de Gournay qui ajoute: “L’espace public post-moderne, fait “sur mesure” sinon à la mesure de son “public”, est à la grande ville industrielle ce que le “narrowcasting” est à la télévision de masse” (8).

 

La place de l’espace public est ainsi un repère capital dans la génèse de la ville moderne. Tout d’abord, cet espace est caractérisée par la rue. Celle-ci devient au XIXème siècle espace d’auto-mise en scène de la socialité pour elle-même (comme l’illustrent bien les peintures de Monet). Elle l’est notamment au travers des grands magasins, qui consacrent à la fois le triomphe de la consommation et de l’individualisme. Se manifeste ainsi une rupture avec la Renaissance: la ville moderne ne se contente plus de se représenter. Elle se donne en spectacle.

 

La modernité urbaine dans ses premiers moments a représenté une transition dans laquelle coexistaient des aspects modernes et traditionnels qu’a bien vu Walter Benjamin. La rue n’est plus “pli sinueux”, mais ruban géométrique.  “Ce n’est pas dans l’errance que l’homme se livre à la rue, écrit-il dans Le livre des passages (Le Cerf, 1989); il succombe au contraire à la fascination du ruban monotone qui se déroule devant lui.”

 

“Le labyrinthe, poursuit Benjamin, représente toutefois la synthèse de ces deux types de terreur; c’est une errance monotone” (9). En conséquence, c’est avec raison que C. de Gournay peut écrire: “L’espace public, loin d’être pour le flaneur un champ d’interaction humaine, est un lieu de perte où l’homme se dissout dans l’équivalence qui régit désormais l’univers de la marchandise” (10). Une des formes de cette perte est  l’expérience fusionnelle qui se produit dans la ville moderne sous la forme de la fascination par la marchandise, -  la “communion avec la marchandise” dont  parle Walter Benjamin. Paradoxe apparent: ce qui triomphe à partir du 19ème siècle, c’est le simulacre d’une communion ou d’une fusion qui cache maladroitement la réalité de l’homme des foules (le flaneur de Baudelaire), ou de l’homme sans qualité (Musil). En effet, “la socialité, précise Isaac Joseph, en tant que celle-ci implique une concertation, est tout le contraire d’une expérience fusionnelle” (11). Cette socialité implique une communication et non la simple présence à son rôle social. Elle est tout autre que la danse devant le feu d’artifice des marchandises.

 

Aussi, au travers de la communication, peut-on approfondir l’opposition typologique entre la ville traditionnelle et la ville moderne. Dans la première, le réseau de communication physique relève du labyrinthe, où la réversibilité est toujours possible. Ce labyrinthe, ponctué de carrefours, est “régi, note G. Teyssot, par des schémas d’axialité, formé d’une hiérarchie d’espaces caractérisés”  - les avenues, les places, les rues, les galeries, ... C’est un moyen d’apprivoiser l’espace. Il permet les repères, et surtout les arrêts. La ville traditionnelle  est ainsi celle qui permet de revenir sur ses pas. Dans la mesure où elle se lit au travers des rues, elle permet de prendre ce qu’André Breton appelait “le vent de l’éventuel” - et est l’un des lieux du politique tout comme de la disponibilité sexuelle.  La ville traditionnelle est celle dans laquelle la déambulation est possible, - et le projet non obligatoire.

 

Dans la ville moderne et hyper-moderne, l’urbanisme des voies non réversibles est aussi celui des “rubans”: rubans des équipements culturels,  des sièges de société, etc. A l’échelle des agglomérations est reprise l’idée de la ville linéaire de Le Corbusier. Ainsi le “grand espace” de la ville moderne, qui est l’espace de l’agglomération, est-il un espace d’homogénéisation. Il s’oppose à l’esthétique du divers (Victor Segalen) et du mélange. Il est ponctué, dans sa variante hyper-moderne, non de rues, même si on observe parfois une composition en terme d’axe (néo-hausmannisme), mais surtout de “pôles d’excellence”: (Massy-Rungis, Cergy-Pontoise, ...) ou de “zones de restructuration” (Seine-amont, la boucle de Genevilliers,...).  Dans tous les cas de figures, ces pôles doivent “communiquer” entre eux plus qu’avec leur environnement respectif. Plus que destinataires ou émetteurs de communication, ils doivent être vecteurs de communication eux-mêmes. 

 

Observateur attentif de ces signes, Marc Augé appelle sur-modernité “la surabondance évênementielle, la surabondance spatiale et l’individualisme des réferences” (12). La sur-modernité est selon lui caractérisée par les  non-lieux. Explication: le lieu, “identitaire, relationnel et historique”, s’incrit dans un territoire, façonné par les pratiques des hommes. Alors que le non-lieu, couplé avec un espace neutre et “mathématique” (que dire de l’espace, sinon sa surface ?), est une simple portion d’espace. Le non-lieu n’habite pas l’espace; il est donc lui-même inhabitable. Conséquence: il ne permet pas la mutation de l’espace en territoire, ensemble de lieux  humanisé et historicisé. La sur-modernité apparait ainsi une forme d’hyper-modernité, à quoi se réduit pour Kostas Axelos la “post-modernité”. Nous en sommes là. Il en est désormais de la modernité comme de l’Occident défini par Cioran: c’est “une pourriture qui sent bon”. A ce stade, l’a-venir ne peut être qu’un retournement. La clé en est la sortie du règne de la marchandise, donc de l’auto-symbolisation par l’économie. C’est dire que le travail vivant doit cesser d’être au service de l’accumulation et au contraire devenir l’objet premier de valorisation. A ces conditions, un dépassement tant de la ville traditionnelle que de la ville moderne pourrait donner lieu à une ville authentiquement post-moderne.

 

Fabrice MISTRAL

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(1): précisons d’emblée que nous partageons le point de vue de Kostas Axelos comme quoi le post-moderne n’est que de “l’hyper-moderne”: l’exacerbation du moderne, non sa négation.

(2): la métropole mise en représentation, in Urbanisme: la ville entre image et projet, Cahiers du C.C.I. n°5, Centre Georges Pompidou.

(3): L’origine de l’oeuvre d’art, in Chemins qui ne mènent nulle part, Gallimard, 1962.

(4): Alain Guiheux, Cahiers du C.C.I, op. cit.

(5): le thème de la ville baroque a été popularisé par Jean-Pierre Le Dantec. Voir Dédale le héros, Balland, 1991.

(6): Hermès 2. L’interférence, éditions de Minuit, 1976.

(7): in Cahiers du C.C.I., op. cit.

(8): id.

(9): Walter Benjamin écrit: “Le labyrinthe est la patrie de celui qui hésite. Le chemin de celui qui appréhende de parvenir au but dessinera facilement un labyrinthe. Ainsi fait la pulsion sexuelle dans les épisodes qui précèdent sa libération.” Il note encore, avec une justesse saisissante: “Le labyrinthe est le bon chemin pour celui qui arrive bien assez tôt au but. Ce but est le marché”.

(10): in Cahiers du C.C.I.

(11): I. Joseph, communication pour le colloque “Vie publique, vie privée”, Lyon, octobre 1980. La socialité est ici entendue au sens de sociabilité (selon la distinction que fait Bourdieu entre cette dernière et la sociétabilité).  

(12): Non lieux, Introduction à l’anthropologie de la surmodernité, Seuil, 1992.

 

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mardi, 25 novembre 2008

Revolta contra a Arquitectura Moderna

Revolta contra a Arquitectura Moderna

 Ex: http://inconformista.info/

«A arquitectura pré-modernista foi concebida para aproveitar a luz solar para o aquecimento e iluminação dos edifícios (e as brisas, que também são produzidas pela acção solar no ar, para o arrefecimento). O desenvolvimento dessas técnicas tradicionais foi uma acumulação lenta e dolorosa de experiências ao longo de séculos. Foi a abundância anómala de petróleo e gás baratos na nossa época que permitiu aos construtores, e sobretudo aos arquitectos, preocupados com questões de estilo, afastarem-se das práticas tradicionais que tiravam partido da energia solar passiva. O século XX foi a era das curtain walls de vidro nos prédios de escritórios, das janelas que não abriam (ou que não existiam), das fachadas em titânio e de outras façanhas da moda destinadas a decorar os edifícios para proclamar o génio ousado e criativo de quem os concebia. Este comportamento narcisista só foi possível numa sociedade com uma energia barata, na qual pouco mais importava na arquitectura do que a moda e o estatuto associados a um lugar de vanguarda. Num museu concebido por Frank Gehry, pouco importava que entrasse ar ou luz, porque era para isso que serviam o ar condicionado e os focos de halogéneo. O que importava era que a cidade fosse abençoada com um objectivo da moda criado por um xamã célebre. Ora, nada está mais sujeito a desvalorizar-se por deixar de estar na moda do que uma coisa que só é valorizada por ser moderna.»

James Howard Kunstler
in "O Fim do Petróleo - O Grande Desafio do Século XXI", Bizâncio, 2006.

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mercredi, 06 août 2008

Banlieue rouge

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La "banlieue rouge" ou l'entrée en politique de "la zone"

“Porte d’Orléans, tous les cafés étaient fermés. Les grands espaces déserts des nuits de banlieue commencent là”, raconte Roger Vailland dans Bon pied, bon oeil (1950). A l’époque l’image d’un Paris vivant et populaire s’opposait à celle d’une banlieue souvent triste et grise, parfois, pourtant, traversée d’éclairs de fête: les goguettes et les guinguettes de La Belle équipe. C'est un regard parmi d’autres que celui de Vailland. Banlieue des marges, banlieue de la sécession par rapport au “régime bourgeois”, banlieue de la rélégation, mais aussi banlieue du repos et de la famille “qui pousse” au vert, banlieue des dimanches sur l’herbe, des baisers volés et des amants qui se donnent, banlieue bastion du prolétariat et fief des vendeurs de l’Humanité, ces images se sont superposées au fil du temps.

 

Particulièrement en région parisienne, un curieux composé se forme. D’un coté,  l’esprit “anar”, sentimental et grande gueule: celui des années Gabin. De l’autre, un esprit de solidarité, de camaraderie et de lutte sur fond d’identification à un parti politique de masse qui represente une forme de contre-société et d’espoir, le P.C.F. Et l’étonnant est que les deux “marchent “ ensemble: le mythe de l’anarchiste “de droite” Gabin est associé à celui du dirigeant communiste Thorez (“Maurice”).

 

La banlieue est, pour ses habitants à l’origine rurale, façon de s’acclimater à la ville. L’ouvrier et l’employé cultivent leurs jardins-ouvriers, revendiquent pour les transports, participent à la vie politique locale par des réseaux associatifs et amicaux, où, à partir de 1920 et surtout de 1930, le parti communiste tient une place grandissante. En un mot, le banlieusard est fier de “sa” banlieue. “Bobigny, notre Bobigny”, chante-t-on dans la future préfecture de la Seine Saint Denis. Mais le banlieusard veut aussi continuer à intervenir dans Paris. La banlieue est pour lui un lieu d’enracinement, elle ne doit pas être un ghetto. “Demain, moi je serai place de la république. Mon pater s’y est battu en février 1934 contre les factueux (...). Place de la République , j’y tiens, même si maintenant je crèche ici en banlieue”. De là l’image de la banlieue comme “écume battant les murs de la ville”, comme dit Le Corbusier. Image que les communistes s’emploient à renforcer: “Paris encerclé par le prolétariat révolutionnaire !”, écrit Paul Vaillant-Couturier dans l’Humanité du 13 mai 1924, à la suite de législatives favorables à l’extrème-gauche. Espoir de certains qui est bien sûr la crainte des autres. Renversement de la situation de la Commune : les Versaillais sont dans Paris et les Communards autour !

 

La banlieue est aussi le banc d’essai des modernités. Par exemple en architecture, avec une construction comme le groupe scolaire baptisé in extrémis Karl Marx (à la place de Jean Jaurès) à Villejuif. Construite par André Lurçat en 1933, c’est “la plus belle école de France” selon l’Humanité, tandis que le grand quotidien conservateur de l’époque, Le Matin, fulmine: “Ce groupe scolaire campagnard (sic) est plus luxueux que le plus moderne des lycées parisiens”.

 

Avant 1914, l’installation en banlieue est parfois une étape dans l’ascension sociale. On quitte les appartements petits de Paris, - mais dont les loyers sont souvent bloqués - pour se mettre “à l’aise” en banlieue. Cela se voit dans les écrits  de Jules Romains. Mais pour beaucoup, l’installation en banlieue, c’est la recherche d’un air meilleur, de plus de place, et le souci de se rapprocher des usines, c’est-à-dire de son lieu de travail. Ce qui est parfois totalement contradictoire...  comme à Aubervilliers réputé pour ses mauvaises odeurs.

 

Dans l’entre-deux-guerres, période de crise aigüe du logement, la banlieue, c’est surtout la construction de “pavillons”. Ces constructions pavillonnaires se font dans les difficultés financières, au sein de lotissements souvent dénués de tout assainissement, par carence et esprit de lucre des propriétaires privés. L’état des lotissements est souvent d’autant plus dramatique que si les maisons rurales étaient construites la plupart du temps par des gens de métier, l’auto-construction représente en banlieue une part importante des bâtisses. De nombreuses luttes sont alors menées, faisant pression sur les pouvoirs publics et les propriétaires pour la viabilisation et l’arrivée d’équipements. La banlieue est aussi le terrain de l’expérience des cités-jardins, habitat conçu pour l’ensemble des couches populaires et moyennes, à mi chemin entre la maison de village et l’immeuble collectif, mais où les espaces verts sont au cours de années trente grignotés dans la mesure où l’Etat ne tient pas ses propres engagements financiers. Ceci aboutira à limiter l’expérience des cités-jardins à environ une quinzaine (Suresnes, Vitry, Chatenay-Malabry, le Plessis-Robinson, Charenton, ...). En même temps sont construits, comme à Drancy de sinistre mémoire, les premiers grands ensembles et gratte-ciels. 

 

Banlieue verte des jardins (400 m2 en moyenne) et banlieue grise des usines, la banlieue est aussi rouge, dans la mesure où elle est  dominée par le Parti communiste, au vrai surtout dans la première couronne, beaucoup moins au delà, et non sans exceptions: Boulogne-Billancourt est socialiste jusque dans les années 60, jamais communiste, Aubervilliers est jusqu'à la guerre la ville de l'ancien socialiste pacifiste devenu homme de la droite modérée Pierre Laval. Mais le P.C est une force ascendante pendant une trentaine d'années. Dans le département de la Seine , le nombre de municipalités communistes passe de 11 à 26 entre 1929 et 1935. A la veille de la guerre, le maire communiste d’Ivry Marrane dispute au socialiste Sellier, le maire de Suresnes, l’hégémonie au sein de l’association des maires de la région parisienne. L’enjeu (déjà !) est de proposer des solutions globales à la question de l’engorgement de la région parisienne. Et si les personnalités locales comptent, soit qu'elles existent à partir du vote communiste - comme Clamanus à Bobigny, avant son ralliement à Doriot sous l'Occupation, soit en réaction contre le P.C, - comme Laval à Aubervilliers, elles sont fragiles. Doriot est ainsi battu à la législative de 1937 à Saint-Denis par le candidat communiste.

 

Cette banlieue des années Thorez et des années Gabin est tuée par le déménagement des usines en province, par la montée de l’individualisme, la fin des cinémas et l’arrivée de la télé “couleur”, la destruction des vieux coeurs de ville (voir ainsi l’assassinat de Choisy-le-roi) et le désenchantement de la politique. Dans un film superbe de Denys de La Patellière , Rue des Prairies (1959), on voit un chef de chantier, habitant cette rue alors villageoise du 20ème arrondissement, travailler à la construction de Sarcelles, c’est-à-dire à sa propre fin par la construction d’un cadre de vie dans lequel il n’aura plus sa place. Allons, allons ! pas de nostalgie. Comme l’écrit l’historienne Annie Fourcaut dans son beau prologue: “La forme de la ville a, depuis la révolution industrielle, toujours changé plus vite que le coeur des mortels, et la nostalgie, accompagnée de peur sociale, est le mode habituel d’appréhension des changements urbains”. On ne saurait mieux dire.

 

Pierre Le Vigan.

 

Revue Autrement: Banlieue rouge, 1920-1960. Années Thorez, années Gabin: archétype du populaire, banc d’essai des modernités, Sous la direction d’Annie Fourcaut, Le Seuil, 1992.

 

Voir aussi:

* Hérodote, Après les banlieues rouges, n°43, 1986.

* Les premiers banlieusards. Aux origines des banlieues de Paris, 1860 - 1940, sous la direction d'Alain Faure, 1991, éditions CREAPHIS (79 Rue du Faubourg Saint-Martin, 75 010 PARIS). 284 pages, 195 F.