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jeudi, 08 août 2024

Paris et sa banlieue dans l'œil de Blaise Cendrars et Robert Doisneau

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Les Pionniers du Monde Moderne:

Paris et sa banlieue dans l'œil de Blaise Cendrars et Robert Doisneau

Frédéric Andreu

Il s'y connaît un rayon, le Blaise, en terme de bourlingue ! Le rayon banlieusard arpenté à bicyclette « par les yeux et les jambes ». En cinquante ans, « entre deux promenades dans le monde », il explore tous les quartiers décrépis, les usines interlopes, mais aussi le « Bateau-Lavoir » de Montmartre qui servit de phalanstère à toute une génération d'artistes ; un jour, le père de Modigliani (son complice de toujours) pénètre, ivre, au milieu de cette grappe d'artistes, en molestant leurs œuvres ;  c'en est fini du phalanstère !..

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Cendrars, né Frédéric Sausser, n'était pas français, mais suisse ; il n'a pas la même curiosité, le même regard que le Parisien de souche qui n'irait pas spontanément visiter la "zone" recluse. Le 13ème arrondissement, au départ attribué à ce qui est aujourd'hui le 16ème, est relégué à un quartier de banlieue jugé interlope.

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Cendrars et Apollinaire sont deux numéros gagnants de la modernité en art, même si le premier est resté dans l'ombre du second. C'est pourtant bien Cendrars qui invente le vers secoué de mouvements et de vitesse qui scande sa célèbre "Prose du Transsibérien". Il n'est pas assuré que Cendrars ait réellement pris le train à Moscou. Lorsqu'il a répondu au journaliste Pierre Lazareff, au sujet de la réalité de ce voyage, il répond : « Qu'est-ce ça peut faire puisque je l'ai fait prendre à tous » ! En revanche, ces virées à bicyclette dans la banlieue parisienne sont garanties sans ogm, tant il décrit notamment Meudon et Versailles, avec force détails. Et Viroflay dont la traversée n'était guère aisée pour les "vélocypédistomanes". Le Paris de Cendrars est un pied-à-terre et un atelier ; la banlieue, un autre monde. "Ici, il n'y a pas d'illusion, il n'y a pas d'exotisme, pas de chiqué littéraire possible [...]. Ici, en un mot, c'est la misère".

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La messe est dite. C'est à Paris que Cendrars envoie ces "instantanés verbaux" à Sonia et Robert Delaunay. Ensemble, le poète suisse et Sonia, d'origine ukrainienne, inventent le "simultanéisme", où le chromatisme orphique répond à l'introspection du poète et au rythme du train. Non seulement Sonia inclut la tour Eiffel dans sa frise, mais celle-ci devient l'"étalon" de l'oeuvre commune. En effet, une fois dépliée, la fresque mesure deux mètres, multipliés par cent cinquante exemplaires, cela donne trois cents mètres, hauteur de la tour ! Cendrars admire la tour comme symbole de la Modernité, non sans évoquer les affres de l'industrie, bien au contraire.

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C'est en 1945, que Cendrars revisite, avec Robert Doisneau, cette banlieue d'avant-guerre, déjà transformées, et aujourd'hui remplacés par des quartiers tribaux. Mais alors que le photographe se dit « faux témoin » soulignant la « tendresse » des petites gens, le poète met en exergue la misère noire de la banlieue. Il décrit sans ambages le "bagne" de Renault à Billancourt, fustige cette "zone voiture-avion qui empoisonne les agglomérations surpeuplées, coincées entre Paris et la banlieue" en épinglant au passage le profil "avaricieux, rasé de prêt", du directeur de l'usine. Dans un style qui rappelle parfois celui de Céline, Cendrars se fait l'avocat des ouvriers, chiffonniers, et autres petites gens.

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Pour autant, il ne confond pas, comme un vulgaire propagandiste, le Bourgeois et l'Aristocrate. Louis XIV est même promu, dans le ton fantasque et burlesque qu'on lui connaît, "premier banlieusard de l'Histoire" ! "En bâtissant Versailles et en priant ses bons sujets de venir le regarder manger et de faire un tour dans les jardins avant de s'en aller, Louis XIV a donné aux Parisiens le goût de la campagne" !

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Cendrars n'est pas, comme Louis Aragon, un carriériste ; il ne goutte guère les mondanités célébrant l'"écrivain". « Ecrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres » s'écrit-il dans « L'homme foudroyé ». Sa poésie elle aussi est une braise et non un bijou littéraire. En fait, c'est un brouillon de l'âme. Ses voyages sont des bourlingues et du bricolage, à l'opposé du tourisme organisé. Sismographe solitaire, comme Jünger, Cendrars est un de ces précurseurs dont la signature n'est reconnue qu'un siècle après sa mort. On découvrira un jour que les Picasso, Breton et bien d'autres petits chefs de fil, qui occupent aujourd'hui le haut de l'affiche, ont été, à bien des égards, ses épigones.

Les textes de Blaise Cendrars sont accompagnés par les photographies de Robert Doisneau. Ils dépeignent la vie quotidienne dans la banlieue parisienne entre 1947 et 1949. L'ouvrage est réédité aux Éditions Denoël, Collection album et beau livre. www.denoel.fr  - 49,00 €.

 

mercredi, 07 novembre 2012

La banlieue contre la ville et le libéralisme ennemi de la ville

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La banlieue contre la ville et le libéralisme ennemi de la ville

par Noël RIVIÈRE

En 1894, la loi Siegfried permettait la construction plus aisée de logements à bon marché en facilitant les conditions de prêts aux organismes constructeurs. Mais ce n’est qu’en 1912 que la loi Bonnevay réglemente les conditions de construction des H.L.M. et rend possible la création d’offices de construction par l’État, les communes et les départements. Cette loi a cent ans. Cent ans de logement social.

C’est à l’occasion de ce centenaire qu’une exposition se tient du 8 février au 30 mai 2012 à Saint-Denis à l’initiative de Plaine-Commune Habitat; un regroupement intercommunal d’offices H.L.M. (1).

L’exposition est d’un grand intérêt historique. Mais elle comporte des angles morts. L’habitat social aussi nécessaire soit-il ne peut prendre n’importe quelles formes. Les grands ensembles résolvent des besoins quantitatifs (plus ou moins) mais pas des besoins humains. L’habitat social ne peut non plus résoudre les problèmes posés par une immigration de masse, excessive depuis les années 1970.

En outre, une bonne part des problèmes de logement viennent d’un accroissement des arrivées d’immigrés (au moins 200 000 par an), venant de régions du monde les plus diverses et donc soumis à un violent déracinement, source de traumatismes sociétaux aussi bien pour eux que pour le peuple d’accueil qu’est le peuple français dit « de souche » (c’est-à-dire celui dont la composition était restée largement homogène depuis des siècles comme l’ont montré les travaux de Jacques Dupâquier).

Il n’en reste pas moins que l’enjeu du logement est essentiel. Celui-ci est l’enveloppe de l’homme. C’est son étui. Le quartier est quant à lui l’environnement le plus proche de l’homme. Au moment où se fait jour la nécessité de relocaliser en d’autres termes de démondialiser l’économie, la relocalisation du logement et des populations du monde par rapport à leur habitat d’origine (qui n’est pas dissociable de leur culture d’origine) s’impose aussi. Il faut relocaliser l’habitat. Vaste ambition mais nécessaire ambition.

Ce n’est pas la récente proposition (janvier 2012) de Nicolas Sarkozy de « libérer » la construction de logements en augmentant les droits à construire de 30 % qui va dans le bon sens. Elle tourne le dos à toutes les tentatives de retrouver au contraire la bonne échelle des politiques de construction. Elle tourne le dos aux exigences de qualité et d’insertion du nouveau bati dans l’existant. Cette proposition est par contre bien cohérente par rapport à ce qu’on appelle parfois le néo-libéralisme et qui est bien plutôt un ultra-libéralisme, un retour au libéralisme pur et dur, libéré des entraves du compromis fordiste, et se fixant comme projet de défaire le programme du Conseil national de la Résistance (C.N.R.), comme l’avait affirmé un grand dirigeant du patronat.

C’est pour aider à comprendre ces enjeux de la ville qu’il faut lire La banlieue contre la ville de Pierre Le Vigan (2). On y voit la banlieue comme défiguration de la ville, à juste titre, et on comprend à lire Le Vigan le pourquoi de cette involution, mais c’est aussi le libéralisme qui apparaît comme l’ennemi de la ville tout comme il est l’ennemi des peuples.

Noël Rivière

Notes

1 : Du 8 février au 30 mai 2012, Salle de la Légion d’honneur au 6, rue de la Légion d’honneur, 93200 Saint-Denis, du mardi au dimanche de 10 h. à 18 h., Métro (Ligne 13) : station Saint-Denis Basilique.

2 : Pierre Le Vigan, La banlieue contre la ville. Comment la banlieue dévore la ville, 250 p., Éditions La Barque d’or, 18 € (+ 3,50 de frais de port soit un total de 21, 50 €). Pour le commander, cf.

lien : http://la-barque-d-or.centerblog.net

courriel : labarquedor@hotmail.fr


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