samedi, 18 février 2017
The Lombards
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samedi, 04 janvier 2014
Une chance pour l’Europe: reconstruire l’ancienne Mitteleuropa austro-hongroise
Norbert von Handel:
Une chance pour l’Europe: reconstruire l’ancienne Mitteleuropa austro-hongroise
Le présent article insiste sur la nécessité de renforcer la coopération entre les Etats issus de l’ancienne monarchie des Habsbourgs pour que se constitue, in fine, une alternative aux errements de l’Union Européenne
Construire une Europe commune a certes été l’un des plus grands projets de pacification que l’histoire humaine ait jamais connu. Pourtant, l’UE est aujourd’hui en voie de perdre définitivement le capital de sympathie dont elle bénéficiait à ses débuts. Le taux d’approbation à l’égard de l’Europe de Bruxelles chute dans tous les pays de l’Union et cela de manière spectaculaire. Plus de 40.000 fonctionnaires grassement payés semblent, en beaucoup de domaines, y avoir perdu toute empathie avec les désirs exprimés par les citoyens des pays membres de l’UE. En bon nombre de lieux, on spécule que ce seront justement les partis critiques à l’endroit de l’eurocratie qui engrangeront un solide paquet de voix lors des prochaines européennes de 2014. Mais on échappe à la vérité quand on interprète ce réflexe comme un retour au nationalisme ou comme un populisme sans substance.
La folie de tout vouloir réglementer, les lobbies à l’oeuvre sont autant d’attitudes qui méritent d’être stigmatisées. Quelques exemples: depuis fort peu de temps, on sait que l’UE envisage de réduire encore la culture de certaines plantes nutritives rares. En guise de compromis, on a proposé aux producteurs agricoles de devoir certifier leurs productions. A moyen terme, bon nombre de sortes de fruits, de céréales, de tubercules et de légumes vont disparaître, ce qui constitue évidemment une folie sur le plan écologique. Derrière cette initiative aberrante se cache bien entendu l’industrie agricole, défendue notamment par les lobbyistes des géants alimentaires américains Monsanto et Pioneer. Ce processus de diminution des espèces montre à l’évidence que Merkel et Hollande sont encore et toujours les exécutants des volontés américaines sur le plan économique, en dépit des très nombreuses expériences négatives que ces deux figures-phares de la politique de l’UE ont déjà expérimentées dans le passé.
On doit aussi se rappeler que les accords de libre-échange transatlantiques, que l’on s’apprête à signer avec les Etats-Unis, vont nous apporter encore davantage de réglementations, Ce que les propagandistes de cette politique taisent bien entendu en toutes les langues. Le système douanier, relativement libéralisé, qui existe entre l’Europe et les Etats-Unis, pourrait, en tous les cas de figure, être amélioré de bien d’autres manières.
Bon nombre d’Européens bien informés se posent la question: que pourra-t-on encore réguler ou réglementer, sans autre nécessité que d’avantager les Etats-Unis? A coup sûr, on peut émettre l’hypothèse que les négociateurs américains sont plus intelligents que leurs homologues européens et ne visent d’ailleurs qu’une seule chose, c’est-à-dire l’américanisation complète de l’Europe.
Parlons maintenant de la folie qui consiste à financer des Etats en faillite: le Traité de Maastricht obligeait tous les Etats de l’UE à consolider leurs budgets et à maintenir des politiques budgétaires réalistes et durables. Or beaucoup de pays, y compris et surtout la France et l’Allemagne, se sont éperdument moqué des clauses du Traité; la Commission, elle aussi, est coupable: elle a complètement renoncé à faire son travail de gardienne des Traités et a enfreint ses propres normes, sans tenir compte le moins du monde d’un quelconque principe de légalité. Qui plus est, le Traité de Maastricht interdit aux Etats riches de financer par la bande les Etats en faillite.
Que s’est-il passé? Suite à une crise de folie, on a financé la Grèce à coups ininterrompus de milliards tant et si bien qu’on ne voit pas encore le bout de cette politique de banqueroute. On n’a pas touché les grands jongleurs de la finance en pratiquant cette politique mais on a durement frappé le peuple grec, qui n’en est nullement responsable. On n’a donc pas sauvé un Etat mais bien les grandes banques des pays occidentaux les plus riches qui avaient spéculé de la manière la plus erronée qui soit en Grèce.
Evoqons les errements de l’UE en politique étrangère: l’ancien chancelier de la RFA Schröder vient de reconnaître, très justement, que l’Europe devrait se tourner vers la Russie pour pouvoir pratiquer avec cet Etat de dimensions gigantesques une politique économique rationnelle, surtout dans le secteur de l’énergie. Au lieu de pratiquer cette politique préconisée par l’ancien chancelier socialiste allemand, les Européens se laissent entraîner par les Américains dans une “Ostpolitik” inamicale à l’égard de Moscou (qui consiste notamment à déployer des missiles non pas contre l’Iran, comme on le prétend, mais directement contre la Russie). Cette attitude plonge la Russie dans l’amertume, où elle marinera longtemps, au détriment de toutes bonnes relations euro-russes. Otto de Habsbourg disait, et je le cite, que l’Europe s’étendait jusqu’à l’Oural (ndlr: et même jusqu’aux frontières de la Mandchourie et jusqu’au Détroit de Bering!). Cette évidence géographique, Madame Ashton ne semble pas vouloir la percevoir. Par ailleurs, un président de la RFA, dont l’expérience politique est somme toute très limitée, nous déclare que l’Allemagne est, elle aussi, “un pays musulman”! Plus rarement, pour ainsi dire jamais, on n’entend un homme ou une femme politique en vue de l’UE déclarer que l’Europe chrétienne et occidentale, repose sur trois piliers: l’Acropole, le Capitole et le Golgotha.
Et où reste la défense européenne? Pour rendre l’Europe eurocratique sympathique aux citoyens européens, il aurait fallu diminuer le poids colossal de la bureaucratie. L’UE doit se cantonner à ses tâches fondamentales: assurer la paix intérieure, pratiquer une politique étrangère commune et unitaire. Le chapitre de la défense commune, par exemple, n’a pas encore trouvé la moindre amorce de concrétisation. L’OTAN coordonne la plupart des états-majors européens mais on en reste là (ndlr: et dans la dépendance américaine).
Reconstituer la Mitteleuropa, voilà une chance réelle pour l’Europe de demain. De nombreux hommes politiques clairvoyants, dont Otto de Habsbourg et son fils Charles de Habsbourg, dont l’ancien ministre des affaires étrangères d’Autriche, Alois Mock, ou l’ancien ministre autrichien de la défense Werner Fasslabend ou encore l’homme politique démocrate-chrétien autrichien Ehrard Busek (spécialisé dans les politiques de l’espace danubien; photo), insistent depuis de longues années sur la nécessité d’intégrer toutes les régions de l’espace danubien. Sur les plans économiques, infrastructurels, culturels et éducatifs, militaires et défensifs, cette intégration est souhaitable et nécessaire, sans parler de la nécessité tout aussi impérieuse de comprendre, ensemble, les vicissitudes souvent très douloureuses du passé, dans le respect de toutes les cultures concrètes qui s’épanouissent dans cet espace.
D’autres regroupements, comme celui que l’on appelle le “Groupe de Visegrad” —et ce fut l’une des erreurs les plus flagrantes de la politique étrangère autrichienne de ne pas y avoir participer et adhérer— ou comme l’Institut de l’Espace Danubien (“Institut für den Donauraum”) d’Erhard Busek, ainsi que, dans le domaine culturel, le Groupe “Arge Alpe Adria”, se sont efforcés au fil des années, en déployant beaucoup d’énergie, de défendre et d’illustrer l’héritage historique commun de tous les Etats de la région, renouant de la sorte avec l’histoire du Saint-Empire Romain de la Nation Germanique et celle de la monarchie austro-hongroise.
Ici, nous devons poser un deuxième jalon: comme les Etats scandinaves ou comme le Benelux qui ont une forte influence en Europe (quant à savoir si cette influence est pertinente, a ou non des effets positifs pour l’instant est une autre histoire), les Etats d’Europe centrale et d’Europe du Sud-Est doivent pouvoir à terme parler d’une même voix, du moins dans les questions les plus importantes. Ainsi, ils disposeraient des millions démographiques indispensables qui leur permettraient de jouer dans le concert des grandes puissances européennes. A l’heure actuelle, les petits pays comme l’Autriche, ne sont jamais plus autre chose que des entités dépendantes des grands Etats. Les grandes idées et les projets politiques sont absents ou ne sont pas transposables dans le réel.
Au cours de ces dernières années et de ces derniers mois, l’Ordre de Saint-Georges, dont les préoccupations sont européennes et sociales et dont l’origine s’enracine dans la Maison de Habsbourg-Lorraine, a organisé une quantité de manifestations et a fondé de nombreuses antennes en Italie du Nord, en Croatie, en Slovénie, en Autriche et s’apprête à en fonder aussi dans l’avenir en République tchèque, en Hongrie et en Slovaquie. De telles initiatives rencontrent de plus en plus d’approbations. L’objectif, à moyen terme, est de faire émerger une institution au-delà des partis, composée de parlementaires européens, de régions et d’Etats, qui sont tous prêts à défendre les intérêts des petits pays dans toutes les institutions, commissions, parlements et caucus européens.
Comme Charles de Habsbourg et Ehrard Busek l’ont exprimé, chacun de manière différente, il faut, pour que ces initiatives connaissent le succès, fédérer les intérêts de tous ces pays dans les secteurs infrastructurels, économiques, culturels, éducatifs et militaires, de façon à ce qu’ils soient représentés unis. Pour y parvenir, il me paraît plus important d’agir sur des bases territoriales/étatiques plutôt que sur des structures partisanes. Les partis sont des instances certes nécessaires mais ils ne visent que leurs intérêts propres et non pas ceux de leurs pays.
Un bloc mitteleuropéen consolidé, qui se sera construit sur l’histoire pleine de vicissitudes des pays qui le constitueront, qui représentera la culture réelle de ces pays, qui visera à faire valoir les intérêts et les revendications justifiés des pays de la Mitteleuropa, pourrait rendre plus europhiles de larges strates de la population et rendre l’UE plus intelligible.
C’est justement dans les pays issus du territoire de l’ancienne monarchie austro-hongroise que l’on voit que le mythe des Habsbourg n’a pas été brisé et que les politiques préconisées par Otto et Charles de Habsbourg ont été rendues vivantes et plausibles. Il suffit de se rappeler l’initiative du pique-nique “Paneuropa” qui a amorcé le processus de démantèlement du Rideau de Fer entre l’Autriche et la Hongrie. L’Autriche officielle reconnaît de plus en plus, en dépit de son “républicanisme” affiché, les mérites anciens de la monarchie austro-hongroise. L’Autriche républicaine commence à comprendre les enjeux que défendait cette monarchie et regarde désormais autrement l’oeuvre de la Maison des Habsbourg, après s’être débarrassé de quelques filtres historiques incapacitants, imposés il y a cinq ou six décennies. Il n’y a pas que l’Autriche qui profitera de cette dynamique: l’UE tout entière en sera la bénéficiaire. Il vaut donc la peine de s’engager et de se battre pour ces projets.
Norbert von HANDEL.
(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, http://www.zurzeit.at , n°51-52/2013).
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mercredi, 23 janvier 2013
La position stratégique de la Roumanie dans l’Union Européenne
La position stratégique de la Roumanie dans l’Union Européenne
La Roumanie a été un pays très attractif au fil du temps pour les plus grandes puissances du monde : l’UE, la Russie et les Etats-Unis, grâce à sa position géographique, à ses ressources naturelles disponibles et à l’accès aux voies maritimes importantes. Toutefois, le manque d’une vraie stratégie post-adhésion UE ainsi que la mauvaise coordination des pratiques politiques nationales ont mené à un fort affaiblissement de l’influence de la Roumanie sur l’UE, durant ces dernières années. Est-ce que, à nos jours, la Roumanie représente encore d’intérêt pour l’Union Européenne et son intégration totale au sein de l’Europe ?
UN GRAND POTENTIEL EN TERMES DE PUISSANCE…
La position géographique. L’isthme ponto-baltique
Le territoire roumain représente la frontière Est de l’UE et l’OTAN et constitue le lien avec l’Europe Orientale, la Russie et le Moyen Orient. Il serve comme plateforme de transport paneuropéen ainsi que comme porte d’entrée pour toute activité commerciale provenant de l’Est.
L’accès aux voies de transport maritime
La Roumanie comprend sur son territoire plus de 30% de la voie fluviale la plus importante de l’Europe, le Danube, ayant aussi accès à la Mer Noire. Cette position marque le point de confluence des pôles générateurs de transports de l’Europe, Balkans et du Moyen-Orient. Elle constitue ainsi une plateforme importante des flux de trafic du basin marin (devenant un hub pour la circulation fluviale qui remonte le Danube), représentant un grand intérêt pour les secteurs de l’agriculture, du commerce et de l’énergie (énergie nucléaire et hydraulique, la centrale « Portile de Fier » étant une des plus grandes centrales hydroélectriques européennes).
Les ressources naturelles et le potentiel énergétique
La richesse naturelle du territoire roumain se traduit par de grandes quantités de ressources, notamment : le bois, le charbon, les grandes surfaces agricoles et les terrains fertiles, mais aussi le gaz naturel et le pétrole. La Roumanie est considérée un des pays les plus attractifs du point de vue de son potentiel énergétique pour l’exploitation des ressources renouvelables. On mentionne ici l’énergie éolienne et les réserves de gaz de schiste comme domaines d’intérêt majeur pour une exploitation future.
L’axe de la défense et de la sécurité internationale
Suite à l’adhésion à l’OTAN en 2004, le Roumanie s’inscrit sur l’axe de la défense et de la sécurité internationale, par l’ouverture de l’espace terrestre et aérien aux troupes militaires américaines et par la création des bases militaires portuaires pendant la guerre en Irak. Ainsi, ce pays arrive à être un point militaire stratégique pour la préparation des cadres militaires et aussi pour la participation active en temps de conflit.
…MAIS UNE FAIBLE UTILISATION DES FORCES
L’instabilité politique interne et les problèmes de corruption
L’intensification des conflits et des désaccords entre les forces politiques présentes au sein du gouvernement roumain a conduit à un vrai coup d’Etat cette année, mettant en lumière deux aspects négatifs majeurs : la pratique de la corruption aux plus hauts niveaux de l’Etat, ainsi que l’abus de contrôle du président de la république et des autres membres de la gouvernance. Les derniers événements qui ont eu lieu sur la scène politique roumaine ont eu un impact majeur sur l’image externe du pays. L’instabilité politique de l’Etat a diminué la confiance de l’Union Européenne et des autres partenaires externes en l’Etat roumain, affectant ses perspectives futures de gagner des nouveaux accords et de contrats d’investissement.
Un ralentissement du développement dans tous les domaines stratégiques
A présent, la Roumanie garde une position globale plutôt faible face à l’Union Européenne. Dans le cadre de la crise économique européenne qui a débuté en 2008, les problèmes nationaux existants au niveau de la gestion des finances publiques, de la corruption et de la bureaucratie se sont aggravés. En conséquence, la Roumanie a subit des grands déficits budgétaires, ainsi qu’une forte diminution en termes de volume d’investissements directs étrangers, ralentissant son évolution à long terme. En même temps, tous ces éléments ont engendré une dégradation majeure en termes de puissance de la Roumanie sur le marché européen de consommation.
Dans le domaine militaire aussi, on constate une baisse de l’influence de la Roumanie. L’Etat ne bénéficie plus d’un équipement technique performant et mis à neuf, imputable au manque d’investissements au cours des dernières années. Cela révèle la décroissance en importance du pays en ce domaine à travers le temps, dû à l’échec de développer une stratégie claire et de s’affirmer comme vrai acteur dans la problématique de la défense et pas comme un simple accessoire.
Mais peut-être un des plus grands échecs que la Roumanie a vécu reste celui du secteur énergétique, par l’incapacité de participer aux projets South Stream ou Nabucco. L’Etat roumain a eu une position incertaine dans les négociations, favorisant l’alliance avec la Russie dans la perspective d’obtenir un accord direct avec celle-ci pour l’approvisionnement en gaz naturel (en vue de renoncer aux intermédiaires), mais en se déclarant en même temps partisan du projet South Stream, pour les implications pour l’Union Européenne. Ce jeu confus a mis sous doute, une fois de plus, la loyauté de la Roumanie face à l’UE, diminuant sa crédibilité en qualité de partenaire et d’allié.
Les échecs diplomatiques
Sur le plan international, la Romanie n’a pas encore réussi à élaborer une stratégie diplomatique claire, ce qui a rendu difficile l’amélioration de son image externe. Cela s’explique principalement par une orientation vers la défense des intérêts nationaux face à l’organisation européenne, au lieu d’essayer d’intégrer les valeurs européennes globales dans l’élaboration de sa politique nationale.
L’Etat roumain s’est aussi confronté avec un problème de représentation dans le Conseil Européen, mettant en lumière le manque de concordances existant au niveau des réglementations nationales. La séparation des attributions concernant la politique externe du pays marque le clivage entre celui qui élabore et celui qui représente les stratégies internationales de l’Etat à l’extérieur. Ce fait a entrainé un manque de confiance des partenaires et des acteurs européens dans le déroulement de leurs négociations avec l’Etat roumain car ils doivent passer par des intermédiaires qui n’ont ni d’intérêts directs, ni pouvoir de décision.
Il semble aussi important de mentionner les entraves rencontrées dans les démarches d’adhésion à l’espace Schengen. Si, à la base, c’était un problème de positionnement géographique qui facilitait l’entrée du commerce illégal et du trafic illégal des personnes en Europe, maintenant, le refus d’adhérer à l’espace Schengen est surtout un problème d’ordre politique. Les officialités européennes ont conditionné la révision de toute nouvelle demande d’adhésion par la résolution des conflits politiques internes et par la création d’un environnement interne stable.
PERSPECTIVES ET CONCLUSION
A ce jour, la Roumanie n’est plus considérée comme un membre significatif pour l’Union Européenne. Elle n’a pas réussi développer de smart power qui lui aurait permis de combiner de manière efficace ses outils de puissance, afin de reprendre sa place comme partenaire-clé dans l’espace européen. Cette situation pourrait cependant changer, à condition que la Roumanie dirige tous ses efforts vers une résolution des tensions politiques internes, suivie par une redéfinition totale de ses stratégies externes futures.
Floriana Maniutiu
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Cristescu Juliette et Muntele Ionel, « Les conséquences humaines et territoriales du processus d'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne », L'Information géographique, 2007/4 Vol. 71
Duboz Marie-Line, « Bulgarie, Roumanie » Interrogations sur leur adhésion à l'Union européenne, Le Courrier des pays de l'Est, 2007/5 n° 1063, p. 34-42
Institutul « Ovidiu Sincai » : « Influenta Romaniei in Uniunea Europeana : Rezultate si perspective », Raport de analiza politica, 2009/5, Bucuresti, « Despre Actiunea Internationala a Romaniei – dilema institutionala sau problema politica ? », Raport de analiza politica, 2012/05
Lhomel Édith, « Roumanie 2002-2003 » Un parcours encourageant, mais parfois sinueux, Le Courrier des pays de l'Est, 2003/6 n° 1036-1037, p. 173-189
Lhomel Édith, « Roumanie 2003-2004 » Sur la dernière ligne droite ?, Le Courrier des pays de l'Est, 2004/4 n° 1044, p. 185-201
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mercredi, 12 janvier 2011
Les confessions d'un Danubien
Despotica, modes d’emploi : les confessions d’un Danubien
par André WAROCH
Quand j’étais adolescent, le monde orthodoxe et/ou balkanique m’apparaissait comme peuplé de sauvages, prêts à s’étriper pour un morceau de territoire perdu lors d’une obscure guerre antique.
Je me rappelle que mon frère et moi, en regardant à la télévision un match de tennis opposant Yevgeny Kafelnikov à Goran Ivanisevic, plaisantions sur le fait qu’Ivanisevic voulait gagner à tout prix, les Russes ayant probablement, il y a quelques décennies, incendié son village et violé sa grand-mère.
Mon premier contact avec Slobodan Despot fut la lecture d’un article sur la question slave en Europe, article qui fut le point de départ d’une réflexion que je menais, à mon tour, sur cette partie de l’Europe ayant rejeté le centralisme vaticaniste et l’alphabet latin.
Si ce texte m’avait marqué, en revanche le nom et le prénom de l’auteur s’étaient complètement effacés de mon esprit. C’est ainsi qu’à la suite d’un de mes articles publiés sur Europe Maxima et intitulé « L’Europe et la civilisation orthodoxe » (1), Georges Feltin-Tracol me fit parvenir un message de félicitations provenant d’un certain Slobodan Despot, qui m’apparut évidemment d’emblée comme extrêmement sympathique.
Je finis par faire le rapprochement entre l’homme qui, le premier, avait fait naître chez moi une curiosité certaine pour l’Europe orientale, et celui qui me félicitait, quelques années plus tard, pour la pertinence de mes propos.
Ironie de l’affaire, l’article qui me valait ces louanges contenait, entre autres, une critique virulente de certains propos de Dominique Venner, rédacteur en chef de la Nouvelle Revue d’Histoire. Or, c’est la N.R.H. qui avait publié le fameux texte de Despot sur la question slave, au début des années 2000.
Aujourd’hui, Slobodan Despot nous livre donc Despotica, modes d’emploi, ouvrage constitué de courts textes, de fragments, d’observations. Supérieurement écrits, les textes de Despotica prennent le même chemin que les eaux du Danube, en inversant le sens du courant : prenant leur source quelque part à l’Est, ils s’écoulent lentement vers l’Ouest à travers les Balkans, puis, arrivés au bout de leur périple, se perdent en Occident.
L’auteur nous parle de la Serbie, de sa fille, de la mort d’un ami, de l’Europe malade, de Robert Plant, de Linda Lemay. « Éditeur insoumis et provocant, Slobodan Despot apparaît dans ses propres textes plus méditatif et plus poétique à la fois. » La quatrième de couverture ne ment pas. L’auteur n’est pas un polémiste acharné, remuant avec frénésie son couteau de Tchetnik dans les plaies purulentes de l’Occident. Il gravite pourtant dans un univers souvent ultra-politisé ou se croisent, selon ses propres termes, « guerriers et pamphlétaires », nationalistes français, russes, serbes, gauchistes révolutionnaires, libertariens, irrédentistes de toutes obédiences.
Il y a chez Slobodan Despot cette modestie, ce goût des autres, cette normalité, cette absence de mégalomanie qui lui ont fait choisir le métier d’éditeur. On chercherait en vain dans quelque paragraphe de son livre la moindre trace de haine, d’aigreur et de ressentiment, même quand il défend son pays, la Serbie, martyrisée par une coalition occidentalo-islamo-croate, amputé du Kossovo comme on vous amputerait du cœur. Mais il y a de l’amour chez Despot, chrétien authentique qui ne porte en lui aucune trace de cette perversité, de ce cynisme immonde qui ont fait de l’Europe occidentale leur terre d’élection, et particulièrement en France, qui n’est pas pour rien le pays de La Rochefoucauld.
Slobodan Despot n’est pas un guerrier : mais c’est un rebelle de fait. Il ne vit pas dans le monde moderne, ce monde moderne qui a tellement dévoré l’Occident qu’il est presque devenu son synonyme. Pour cette raison, certains ont voulu cesser d’utiliser, indifféremment, les mots Europe et Occident pour désigner la même civilisation terminale. Mais qu’est-ce qui fait que l’Europe ne se confond pas encore complètement avec l’Occident/monde moderne, si ce n’est l’orthodoxie ?
A contrario de ses activités éditoriales, il y a chez Despot une douceur, une lenteur, une littérature qu’il faut peut-être chercher dans ses origines. Citoyen suisse d’origine serbe, de langue française et de religion orthodoxe, il connaît de l’intérieur les deux parties de l’Europe. Mais il n’est pas qu’un individu coincé entre ces deux masses gigantesques que sont l’ex-Chrétienté et les fils de Byzance.
La Serbie et la Suisse font de cet homme, issu de deux empires, un provincial de l’Europe, pour être plus précis : un Danubien.
André Waroch
Note
1 : Ce texte ne figure plus sur le présent site. Il se trouve désormais dans André Waroch, Les Larmes d’Europe, préface de Georges Feltin-Tracol, Le Polémarque Éditions, Nancy, 2010 (N.D.L.R.).
• Slobodan Despot, Despotica. Modes d’emploi, préface de Michel Maffesoli, Éditions Xénia, coll. « Franchises », 176 p., 16 €.
Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com
URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=1829
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mardi, 21 septembre 2010
De la Croatie par défaut à l'Occident par excès
De la Croatie par défaut à l’Occident par excès
par Georges FELTIN-TRACOL
Ancien enseignant en sciences politiques aux États-Unis, ex-diplomate croate, maîtrisant parfaitement l’anglais, l’allemand et le français, auteur d’articles remarquables dans Éléments ou Catholica, Tomislav Sunic vient de publier aux Éditions Avatar son premier ouvrage rédigé dans la langue de son cher Céline, La Croatie : un pays par défaut ?. Il faut se réjouir de cette sortie qui, prenant prétexte du cas croate, ausculte avec attention le monde contemporain occidental. Précisons tout de suite que ce livre bénéficie d’une brillante préface de Jure Vujic, responsable par ailleurs d’un exceptionnel article « Vers une nouvelle “ epistémè ” des guerres contemporaines » dans le n° 34 de la revue Krisis sur la guerre.
La Croatie : un pays par défaut ? est un ouvrage essentiel qui ne se limite pas aux seuls événements historiques liés à l’indépendance croate des années 1990. Avec le regard aigu du sociologue, du linguiste, du philosophe et du géopoliticien, Tomislav Sunic examine l’Occident-monde postmoderniste en se référant à son vécu d’ancien dissident qui a grandi dans la Babel rouge de Joseph Tito. L’auteur a ainsi acquis une expérience inestimable que ne peuvent avoir les chercheurs occidentaux sur le communisme.
De ce fait et à travers maints détails, il constate que l’Occident ressemble étonnamment au monde communiste en général et à la Yougoslavie en particulier. Il lui paraît d’ailleurs dès lors évident que « l’échec de la Yougoslavie multiculturelle fut également celui de l’architecture internationale édifiée à Versailles en 1919, à Potsdam en 1945 et à Maastricht en 1992 (p. 188) ». C’est la raison fondamentale pour laquelle les grandes puissances occidentales firent le maximum pour que n’éclate pas l’ensemble yougoslave. À la fin de la décennie 1980, les États occidentaux témoignaient d’une sympathie indéniable envers l’U.R.S.S., la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie avec le secret espoir d’empêcher des désintégrations qui risqueraient de perturber durablement les flux marchands mondiaux.
En ces temps d’amnésie historique, Tomislav Sunic revient sur la tragédie méconnue des Volksdeutsche, des Allemands des Balkans, massacrés en 1944 – 1945 par les partisans titistes au point que « le favori de longue date des Occidentaux, l’ex-dirigeant communiste yougoslave et défunt maréchal Josip Broz, avait un passé bien plus chargé d’épurations ethniques et de meurtres de masse (p. 187) ». Il aurait pu aussi rappeler ce qu’on sait peu et que savait certainement Charles de Gaulle qui n’a jamais apprécié l’imposteur. « Natif d’Odessa où son patronyme était Wais, signale Jean-Gilles Malliarakis, il usurpe l’identité de Josip Broz, révolutionnaire communiste croate et son pseudonyme de résistant correspondait au sigle T.I.T.O. de Tajna Internationalna Terroricka Organizatia en serbe (1). » En note, il précisait qu’« après guerre, la mère de Josip Broz ne reconnaîtra pas Tito (2) ». Ces omissions de première importance démontrent que, loin de l’idéal autogestionnaire de la Deuxième Gauche hexagonale, la « Titoslavie » n’était pas le paradis terrestre en édification, mais un banal système communiste soumis à la terreur diffuse et implacable de la police politique secrète.
Si on peut déplorer que Tomislav Sunic donne une interprétation banale et convenue de l’œuvre européenne du cardinal Richelieu (3), il insiste, en revanche, sur l’importance géopolitique des Balkans tant en stratégie que dans la mise en place des futurs réseaux de transports d’énergie (oléoducs et gazoducs). Depuis la fin de la Yougoslavie s’est manifesté le « cheval de Troie des États-Unis » avec le soutien total de Washington envers des entités fantoches comme la Bosnie-Herzégovine et le Kossovo, ou mafieuses tel le Monténégro.
La Yougoslavie, anticipation de l’Occident !
Pour Tomislav Sunic, cet appui occidental n’est pas seulement utilitariste ou à visée géopolitique, il est aussi et surtout idéologique parce que, pour le Système occidental, la fédération de Tito « à bien des égards, représentait une version miniature de leur propre melting pot (p. 81) ». La comparaison n’est pas anodine, ni fortuite.
L’auteur discerne dans les sociétés multiraciales post-industrielles d’Occident des facteurs d’explosion similaires aux premiers ferments destructeurs de la Yougoslavie. En effet, « la société multiculturelle moderne, comme l’ex-Yougoslavie l’a bien montré, est profondément fragile et risque d’éclater à tout instant. Ce qui fut le cas en ex-Yougoslavie peut se produire au niveau interethnique et interracial à tout instant, en Europe comme aux États-Unis (pp. 60 – 61) ». De plus, pensé et voulu comme une amitié forcée et fictive entre les peuples, « le multiculturalisme, quoique étant un idéal-cadre de l’Union européenne, peut facilement aboutir à des conflits intra-européens mais également à des conflits entre Européens de souche et allogènes du Tiers-Monde (p. 210) ». Enfin, « l’ex-Yougoslavie fut un pays du simulacre par excellence : ses peuples n’ont-ils pas simulé pendant cinquante ans l’unité et la fraternité ? (p. 206) ». Le projet européen n’est-il pas une nouvelle illusion ?
L’auteur développe éclaircit ce rapprochement osé : l’Occident serait donc une Yougoslavie planétaire en voie de délitement. Il s’inquiète par exemple de l’incroyable place prise dans les soi-disant « démocraties libérales de marché » des lois liberticides en histoire (conduisant à l’embastillement scandaleux de Vincent Reynouard), du « politiquement correct », de la novlangue cotonneuse et de l’éconolâtrie. Pour lui, ces cas d’entrave patents prouvent que « l’Union se trouve déjà devant un scénario semblable à celui de l’ex-Yougoslavie, où elle est obligée de modifier ses dispositifs juridiques pour donner un semblant de vraisemblance à sa réalité surréaliste (p. 126) ».
La multiplication des actions contre les opinions hérétiques en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne, témoignent de la volonté des oligarchies transnationales et de leurs relais politiques à exiger par la coercition plus ou moins douce une mixité mortifère et ultra-marchande. « Le rouleau compresseur du globalisme triomphant entend détruire les identités substantialistes (nationales, locales, généalogiques) et les identités “ par héritage ” qui font du citoyen le membre d’une communauté définie par l’histoire, par la continuité de l’effort de générations sur le même sol – pour leur substituer le nouveau mythe de la citoyenneté postmoderne, une sorte de bric-à-brac constructiviste, à savoir la citoyenneté “ par scrupules ” qui ne reconnaît le citoyen qu’en tant que simple redevable à la communauté dont il est membre et à laquelle il oppose l’humanité sans frontière des droits de l’homme immanents et sa propre individualité (p. 70) ». Une puissante pression psychologique s’impose à tous, sans la contrainte nécessaire, et « à l’instar de la Yougoslavie défunte, les sociétés multiculturelles ne réussissent jamais à accommoder les identités de tous les groupes ethniques (p. 68) ».
Naissance archétypale de l’homme occidental soviétique
En fin observateur, Tomislav Sunic avance aussi que les formules venues d’outre-Atlantique ne conviennent finalement pas aux attentes matérielles (ou matérialistes) des peuples de l’ancien bloc communiste pétris par des années de bolchevisme triomphant. Ces peuples – désemparés de ne pas bénéficier d’un autre culte du Cargo – « vont vite se rendre compte que l’identité de l’homo americanus ne diffère pas beaucoup de celle de son homologue, l’homo jugoslavensis (p. 114) ». Il relève plus loin que « le mimétisme de l’homo sovieticus a trouvé son double dans le mimétisme de l’homo occidentalis (p. 239) » et considère qu’une « identité paléo-communiste subsiste toujours dans les structures mentales de la population post-yougoslave, partout dans les Balkans (p. 34) ». Le communisme comme le libéralisme a a tué les peuples ! Il en découle chez les Européens de l’Est une immense déception à l’égard des « nouvelles élites […] issues, pour la plupart, de l’ancienne nomenklatura communiste, habilement reconvertie au modèle libéral, directement issue du système de structuration soviétique (p. 53) ». Auraient-ils compris que l’ultra-libéralisme mondialiste serait le stade suprême du communisme ?
Comme Guy Debord qui, prenant acte de la fin des blocs, annonçait dans ses Commentaires sur la société du spectacle l’émergence d’un spectaculaire intégré dépassant les spectaculaires diffus et concentré, Tomislav Sunic entrevoit un processus de fusion en cours entre les types occidental et communiste afin de créer un homme occidental soviétique. Celui-ci aurait « une existence combinant le charme et le glamour de l’homo americanus, comme dans les films américains, tout en jouissant de la sécurité sociale et psychologique offerte par l’homo jugoslavensis ! (p. 115) ». Ainsi apparaît la figure rêvée de la social-démocratie, du gauchisme et du libéralisme social… Stade final du bourgeois, l’homme occidental soviétique est le Travailleur postmoderniste de l’ère mondialiste. Il s’épanouit dans la fluidité globalitaire marchande. « La globalisation de l’économie n’est nullement une simple extension des échanges commerciaux et financiers, comme le capitalisme l’a connue depuis deux siècles. À la différence de l’internationalisation qui tend à accroître l’ouverture des économies nationales (chacune conservant en principe son autonomie), la globalisation ou mondialisation tend à accroître l’intégration des économies. Elle affecte les marchés, les opérations financières et les processus de production, réduit le rôle de l’État et la référence à l’économie nationale (p. 42). » Les ravages torrentiels de la mondialisation atteignent tous les pays, y compris les États les plus récents. Ainsi, « le folklorisme de masse qui fut l’unique manifestation de l’identité croate à l’époque yougoslave et communiste, fut après l’éclatement de la Yougoslavie, vite suivie par la coca-colisation des esprits au point que la symbolique nationaliste croate est devenue une marchandise – au grand plaisir des classes régnantes en Occident (p. 58) ». Après une période d’exaltation nationale, voire nationaliste, correspondant à la présidence de Franjo Tudjman, les responsables croates actuels ont tout fait pour l’évacuer, l’oublier et accentuer au contraire une occidentalisation/mondialisation qui flatte leur internationalisme d’antan… Pis, « les élites post-néo-communistes croates […] n’ont jamais aspiré à l’indépendance de la Croatie et n’ont jamais eu, il faut le dire clairement, une quelconque vision d’une identité croate matricielle et fondatrice (p. 238) ». On retrouve ce manque de volonté nationale en Ukraine. Les nouvelles oligarchies, croate ou ukrainienne, salue le produit du Mur de Berlin et de Wall Street : l’homme occidental soviétique.
Victimes, histoire et mémoire
Tomislav Sunic retrace l’historique de la fin du modèle yougoslave. Avant d’être le père de la Croatie indépendante, Franjo Tudjman fut un compagnon de route de Tito et un responsable communiste. Puis, écarté des cénacles dirigeants, il se passionna pour l’histoire, en particulier pour la Seconde Guerre mondiale, au risque de se faire accuser par certains cénacles mi-officieux et demi-mondains de « révisionniste »… Dans sa belle préface, Jure Vujic considère que l’identité nationale croate « qui à bien des égards, se trouve bousculée par les défis du globalisme, les processus intégrationnistes régionaux et supranationaux, à bien du mal à se stabiliser dans un espace-temps exsangue et à mûrir autour d’un projet politique commun, libéré des réminiscences et du trop-plein d’histoire fratricide hérités de la Deuxième Guerre mondiale (p. 12) ». Bien avant le déchaînement titanesque des violences nationales et étatiques, les antagonismes ne se cachaient pas et s’exposaient plutôt par l’intermédiaire d’une « guerre des mots » et de revendications mémorielles perceptibles lors des compétitions de football. En estimant avec raison que « dans le monde vidéosphérique d’aujourd’hui, l’image de guerre incite fatalement au narcissisme et à l’individualisme extrême (p. 207) », Tomislav Sunic ponte le rôle belligène des médias qui se sont substitués à l’intelligentsia. « De même qu’il n’y a pas de guerre sans morts, il ne peut plus aujourd’hui y avoir de guerre sans mots d’ordre, donc sans communication (p. 197) », d’où la montée en puissance dans les coulisses du pouvoir des spin doctors, ces agents d’influence très grands communicants. Pour parvenir à leurs fins, ils pratiquent « tout d’abord, les actions “ pédagogiques ” à long terme, ensuite le conditionnement des esprits et le modelage des mentalités (p. 198) ». Ils portent ainsi jusqu’à l’incandescence les opinions publiques facilement manipulables.
Les médias accaparent la thématique victimaire. Dorénavant, toute mémoire, identité ou communauté soucieuse d’acquérir une légitimité se pose avant tout en victime. Or « toute identité victimaire est par définition portée à la négation ou au moins à la trivialisation de la victimologie de l’Autre (p. 213) ». Pourtant, rappelle Tomislav Sunic, « l’esprit victimaire découle directement de l’idéologie des droits de l’homme. Les droits de l’homme et leur pendant, le multiculturalisme, sont les principaux facteurs qui expliquent la résurgence de l’esprit victimaire (p. 219) ». Loin d’être les ultimes exemples d’antagonismes nationalitaires meurtriers propres aux XIXe et XXe siècles, les conflits yougoslaves ont préfiguré les guerres postmodernistes. La Post-Modernité qui met au cœur de sa logique l’identité. Au risque de se mettre à dos tous les néo-kantiens, l’auteur croît que « toute identité, qu’elle soit étatique, idéologique, nationale ou religieuse, est à la fois la victime et le vecteur d’un engrenage qui aboutit souvent à la violence et à la guerre (p. 37) ». L’identité est donc l’inévitable corollaire du politique.
Il faut néanmoins prendre ici le terme « identité » dans son acception d’identique, de similitude, parce que « souvent, ce sont les ressemblances et non les différences qui provoquent les conflits, surtout lorsque ces conflits prennent la forme d’une rivalité mimétique (p. 70) ». Autrement dit et dans le contexte croate, « peut-on être Croate aujourd’hui sans être antiserbe ? (p. 37) ». La réponse serait affirmative si n’entraient pas en ligne de compte d’autres paramètres. « De l’affirmation d’une identité patriotique fondée sur l’ethnos et le mythos, écrit Jure Vujic, la Croatie d’aujourd’hui est à la recherche d’un “ piémontisme axiologique ” qui n’est autre qu’une identité de valeurs communes (p. 16) ». Et puis, « dans notre postmodernité, poursuit Tomislav Sunic, c’est l’Union européenne et l’Amérique qui décident, dans une large mesure, de l’identité d’État croate et même de l’identité supra-étatique de la Croatie dans un monde futur (p. 74) ». Par ailleurs, « avec et dans l’Union européenne, les valeurs marchandes imposent une hiérarchie des valeurs qui va directement à l’encontre de la survie des petits peuples (p. 57) ». Le postmodernisme multiculturaliste et ultra-individualiste s’apparente à une broyeuse de cultures enracinées. Il détient pourtant en lui ses propres objections.
Les paradoxes explosifs de la postmodernité multiculturelle
Oui, la postmodernité (ou plus exactement selon nous, l’ultra-modernité) creuse sa propre tombe en suscitant des contradictions insurmontables. Pour Tomislav Sunic, « le multiculturalisme est […] une constellation de politiques et de pratiques qui cherche à concilier l’identité et la différence, à déconstruire et à relativiser la métaculture des sociétés post-industrielles (p. 47) ». Puisque « le problème de l’identité en tant qu’altérité est devenu essentiel dans l’Occident postmoderne (p. 211) », la seule réponse « politiquement correcte » apte est l’acceptation du fait multiculturel (l’empilement individualiste et chaotique de communautés de nature ou de choix) et le rejet du corps social homogène. « Le pluralisme classificatoire qu’induisent les droits positifs en faveur de populations stigmatisées ou discriminées en fonction de l’âge et du sexe est interprété, notamment en Europe, comme une déstructuration de l’homogénéité sociale et culturelle de la nation et du concept de citoyenneté (pp. 41 – 42). » Il appert que « le choix d’un style de vie individuel, la tribalisation et l’atomisation de la société moderne ainsi que la multiculturalisation de la société européenne, rendent l’analyse de l’identité nationale croate encore plus compliquée. Même les Croates modernes, qui sont bien en retard en matière d’identité d’État, doivent faire face à une multitude de nouvelles identités. Leur identité nationale varie au gré des circonstances internationales, ces changements se juxtaposent quotidiennement et ils remettent en cause leur ancien concept d’identité nationale. On pourrait facilement qualifier ces nouvelles identités juxtaposées d’identités apprises ou acquises, par rapport aux anciennes identités qui relevaient de la naissance et de l’héritage culturel (pp. 49 – 50) ». Dans ces conditions, doit-on vraiment s’étonner qu’« à défaut d’une diplomatie cohérente, les eurocrates préfèrent tabler sur une identité croate consumériste et culinaire, et miser sur une classe politique locale aussi corrompue que criminogène (p. 232) » ? L’identité subit une pseudomorphose : « peu à peu, l’ancienne identité nationale, voire nationaliste, qui sous-entendait l’appartenance à un terroir historique bien délimité, est supplantée par le phénomène du communautarisme sans terroir – surtout dans les pays occidentaux qui ont subi une profonde mutation raciale (p. 38) ».
Malgré l’affirmation répétitive et incantatoire des valeurs fondatrices de l’actuelle entreprise européenne, à savoir un antifascisme obsessionnel et fantasmatique pitoyable, la multiplication des contentieux mémoriels résultant du fait multiculturaliste renforce une « rivalité des récits victimaires [qui] rend les sociétés multiculturelles extrêmement fragiles. Par essence, tout esprit victimaire est conflictuel et discriminatoire. Le langage victimaire est autrement plus belligène que l’ancienne langue de bois communiste et il mène fatalement à la guerre civile globale (p. 220) ». Extraordinaire paradoxe ou hétérotélie selon les points de vue ! Surtout que « dans une société pluri-ethnique et multiculturelle, l’identité des différents groupes ethniques est incompatible avec l’individualisme du système libéral postmoderne (pp. 37 – 38) ». Tomislav Sunic ajoute que « la schizophrénie du monde postmoderne consiste, d’une part, dans la vénération absolue de l’atomisation individualiste qui met en exergue l’identité individuelle et consumériste, et d’autre part, dans le fait qu’on est tous devenu témoin du repli communautaire et de la solidarité raciale (p. 39) ».
Certes, si Jure Vujic craint que « la Croatie comme toutes les “ démocraties tardives ”, ainsi qu’aime à le dire la communauté internationale, se doit de transposer de manière paradigmatique le sacro-saint modèle libéral, politique et économique, sans prendre en considération les prédispositions psychologiques, historiques et sociales spécifiques du pays (p. 13) », « pour l’instant, lui répond Sunic, les Croates, comme tous les peuples est-européens, ignorent complètement le danger de la fragmentation communautaire. La société croate, au début du IIIe millénaire, du point de vue racial est parfaitement homogène, n’ayant comme obsession identitaire que le “ mauvais ” Serbe. Pourtant, il ne faut pas nourrir l’illusion que la Croatie va rester éternellement un pays homogène. Le repli communautaire dont témoignent chaque jour la France et l’Amérique, avec le surgissement de myriades de groupes ethniques et raciaux et d’une foule de “ styles de vie ” divers, deviendra vite la réalité, une fois la Croatie devenue membre à part entière du monde globalisé (p. 38) ». La Croatie parviendra-t-elle enfin au Paradis occidental ? Rien n’est certain. En observant les pesanteurs de l’idéologie victimaire sur l’opinion et constatant que « souvent, la perception d’un groupe ira jusqu’à se considérer comme la victime principale d’un autre groupe ethnique (p. 68) », Tomislav Sunic y devine l’amorce de futurs conflits.
Des guerres communautaires à venir
« On a beau critiquer le communautarisme et l’identité nationale et en faire des concepts rétrogrades, relève l’auteur, force est de constater que le globalisme apatride n’a fait qu’exacerber la quête d’identité de tous les peuples du monde (p. 61). » Bonne nouvelle ! La vision morbide et totalitaire d’une humanité homogène ne se réalisera jamais. Ses adeptes chercheront quand même à la faire en se servant de cette idéologie moderne par excellence qu’est le nationalisme. « À l’instar des nationalistes classiques, le trait caractéristique des nationalistes croates est la recherche de la légitimité négative, à savoir la justification de soi-même par le rejet de l’autre. Impossible d’être un bon Croate sans être au préalable un bon antiserbe ! Ceux qui en profitent le plus sont les puissances non-européennes : jadis les Turcs, aujourd’hui l’Amérique ploutocratique et ses vassaux européens. Ce genre de nationalisme jacobin, qu’on appelle faussement et par euphémisme, en France, le souverainisme, ne peut mener nulle part, sauf vers davantage de haine et de guerres civiles européennes (p. 53). »
Un regain ou une résurgence du nationalisme étatique moderne n’empêchera pas la « contagion postmoderniste » de la Croatie, ni d’aucun autre État post-communiste. Bien au contraire ! « Les mêmes stigmates de la décomposition identitaire occidentale sont visibles en Croatie, qui subit les assauts conjugués d’une dénationalisation politique et institutionnelle ainsi qu’un raz-de-marée de réseaux “ identitaires ” relevant de la postmodernité. Université, presse, politique, syndicat, on pourrait poursuivre la liste : administration, clubs, formation, travail social, patronat, Églises, etc., le processus néo-tribal a contaminé l’ensemble des institutions sociales. Et c’est en fonction des goûts sexuels, des solidarités d’écoles, des relations amicales, des préférences philosophiques ou religieuses que vont se mettre en place les nouveaux réseaux d’influence, les copinages et autres formes d’entraide qui constituent le tissu social. “ Réseau des réseaux ”, où l’affect, le sentiment, l’émotion sous leurs diverses modulations jouent le rôle essentiel. Hétérogénéisation, polythéisme des valeurs, structure “ hologrammatique ”, logique “ contradictionnelle ”, organisation fractale (p. 50). »
On le voit : Tomislav Sunic « dévoile “ au scalpel ” les dispositifs subversifs, psychologiques et sociopolitiques, qui sont actuellement à l’œuvre dans une matrice identitaire croate qui reste très vulnérable face aux processus pathogènes de l’occidentalisation, assène Jure Vujic (p. 21) ». Les Croates ont obtenu un État-nation et une identité politique au moment où ceux-ci se délitent, dévalorisés et concurrencés par un foisonnement d’ensembles potentiellement porteurs d’identités tant continentales que vernaculaires ou locales (4). Le décalage n’en demeure pas moins patent entre l’Ouest et le reste de l’Europe ! « La petite Estonie, la Croatie et la Slovaquie vont bientôt réaliser que dans l’Europe transparente d’aujourd’hui, on ne peut plus se référer aux nationalismes du XXe siècle. Après avoir refusé le jacobinisme des Grands, ils se voient paradoxalement obligés de pratiquer leur propre forme de petit jacobinisme qui se heurte fatalement aux particularismes de leurs nouveaux pays. Sans nul doute, affirme alors Sunic, la phase de l’État-nation est en train de se terminer dans toute l’Europe et elle sera suivie par un régime supranational. Peu importe que ce régime s’appelle l’Union européenne ou le IVe Reich (p. 57). » Et si c’était plutôt l’Alliance occidentale-atlantique ou le califat universel ?
Dans sa riche préface, Jure Vujic s’élève avec vigueur contre le supposé « retour en Europe » des anciens satellites soviétiques. En appelant à une « réappropriation de l’identité grand-européenne » de la croacité, il appelle à une réflexion majeure sur l’Europe de demain, celle qui surmontera les tempêtes de l’histoire.
Seule une prise de conscience générale de leur européanité intrinsèque permettra aux peuples autochtones du Vieux Continent de contrer le travail corrosif de l’Occident moderne, du multiculturalisme et du postmodernisme. La transition des sociétés pré-migratoires et migratoires (Croatie et Ukraine par exemple) vers des sociétés post-migratoires (Europe occidentale) risque de provoquer une riposte identitaire virulente de la part de peuples européens (ou de certaines couches sociales) les moins séniles. « Une guerre larvée et intercommunautaire entre des bandes turcophones et arabophones vivant en Allemagne ou en France, et des groupes de jeunes Allemands ou Français de souche ne relèvent plus d’un scénario de science-fiction (p. 125) », avertit Tomislav Sunic. Il tient pour vraisemblable que « le nationalisme inter-européen d’antan, accompagné par la diabolisation de son proche voisin, comme ce fut le cas entre les Croates et les Serbes, peut dans un proche avenir devenir périmé et être supplanté par une guerre menée en commun par les Serbes et les Croates contre les “ intrus ” non-européens (pp. 38 – 39) ». La réalisation effective d’une identité politique et géopolitique européenne s’en trouverait grandement renforcée et annulerait le présent dilemme des populations croates par défaut et occidentalisées par excès. C’est dire, comme le remarque Jure Vujic, que « le livre de Tomislav Sunic […] constitue […] un éclairage politologique et philosophique considérable sur l’actuelle transition de l’identité croate dans la postmodernité (pp. 17 – 18) ». Une lecture indispensable en ces temps incertains et désordonnés.
Georges Feltin-Tracol
Notes
1 : Jean-Gilles Malliarakis, Yalta et la naissance des blocs, Albatros, 1982, p. 152.
2 : Idem. Ajoutons en outre qu’on n’a pas de sources exactes quant à la naissance de Tito. Ce dernier parlait d’ailleurs un mauvais serbo-croate avec un accent russe, loin de sa prétendue région natale au nord de la Croatie. Sa syntaxe était également mauvaise.
3 : Tomislav Sunic reprend une erreur courante quand il qualifie « le Conseil de l’Europe […de…] corps législatif (p. 137) ». Il confond le Parlement européen et le Conseil de l’Europe qui tous deux siègent à Strasbourg. Le Conseil de l’Europe ne relève pas de l’Union européenne puisque ses membres sont tous les États du continent – sauf le Bélarus qui est un invité spécial -, la Turquie et l’Azerbaïdjan. Sont membres observateurs les États-Unis, le Canada, Israël, le Mexique et le Japon…
De ce Conseil procède la Convention européenne des droits de l’homme et sa sinistre Cour qui entérine les lois liberticides et encourage la fin des traditions européennes.
Il ne faut pas mélanger ce conseil avec le Conseil européen qui réunit les chefs d’État et de gouvernement, ni avec le Conseil de l’Union européenne rassemblant les ministres des États-membres pour des problèmes de leurs compétences.
4 : Une fois la Croatie membre de l’U.E., il se posera la question de l’adhésion à l’Union européenne des autres États ex-yougoslaves. À la demande expresse de Franjo Tudjman, la Constitution croate, par l’article 141, interdit explicitement toute reconstitution d’une union balkanique. Or l’arrivée de la Serbie, de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, etc., dans l’U.E. ne sera-t-elle pas perçue comme la reformation d’un ensemble slave du sud dans le giron eurocratique et atlantiste ? Zagreb ne risquera-t-il pas de poser son veto à l’entrée de Belgrade, de Sarajevo ou de Skopje ?
• Tomislav Sunic, La Croatie : un pays par défaut ?, préface de Jure Vujic, Éditions Avatar, coll. « Heartland », 2010, 252 p., 26 €.
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dimanche, 09 mai 2010
L'installation en Europe septentrionale et occidentale des peuples carpatho-danubiens à l'ère protohistorique
L’installation en Europe septentrionale et occidentale des peuples carpatho-danubiens à l’ère proto-historique
Trouvé en version anglaise sur : http://www.dacia.org/history/conq-ew.html
Dans l’espace carpatho-danubien, à l’ère proto-historique, un peuple s’est formé: celui que les Roumains d’aujourd’hui considèrent comme le premier ensemble cohérent de leurs ancêtres lointains mais directs. Ce peuple a commencé à émigrer hors de son aire d’origine vers des terres fertiles plus au nord et à l’ouest. L’étendue de ses terres augmentait, vu la fonte de la calotte glaciaire, et le climat devenait plus clément. Personne ne peut encore établir avec certitude le temps, en milliers d’années, que cela a pris pour que les collines peu élevées en altitude se couvrent de forêts. Personne non plus ne peut affirmer avec certitude quel fut le processus biologique de formation de ces forêts, ni quand il a commencé, ni quand ces zones forestières ont pu devenir l’habitat privilégié de nombreux insectes, oiseaux et autres animaux. Ni dire avec une égale certitude quand l’homme, poussé par sa curiosité, a commencé à s’installer et à habiter dans ces forêts, à la recherche de nourriture. L’archéologie ne nous fournit encore aucune réponse précise.
Commençons par jeter un oeil sur une carte de l’Europe. Nous voyons la chaîne carpatho-hercynienne se poursuivre vers les Monts Beskides et Tatra. De part et d’autres de ces régions montagneuses coulent des fleuves et rivières: certains coulent vers le nord, d’autres vers le sud. Au Nord, nous constatons la présence de bassins hydro-géographiques comprenant: l’Elbe, l’Oder, la Vistule et le Niémen, tandis que le bassin du Danube (que les Grecs appelaient l’Ister) se trouve au sud (rappelons aussi que “Danu” est la déesse védique de la pluie et des prairies grasses). Le bassin du Danube rassemble presque toutes les rivières et les fleuves prenant leur source sur le flanc méridional des chaînes montagneuses que nous avons mentionnées.
Quand le climat s’est réchauffé, les Pélasges carpatho-danubiens ont quitté leur foyer originel pour conquérir le monde environnant:
1. Une première vague, nordique, que l’on peut appeler la branche balto-mazurienne, s’est divisée plus tard en deux groupes de peuples: les peuples germaniques et les peuples slaves.
2. Une seconde vague, qui devient dès lors la branche méridionale du peuple carpatho-danubien, a donné ultérieurement naissance à deux autres groupes:
a) La branche du Sud-Est, comprenant les Sumériens, les Ramantes de Troie, les Hittites et les Garamantes d’Afrique du Nord.
b) La branche du Sud-Ouest, qui formera plus tard la race européenne dite “latine”: les Daco-Gètes, les Thraces, les Illyriens, les Latins (futurs porteurs de l’empire romain), les Italiques, les Ibères, que l’on retrouvera sur les territoires actuels de l’Espagne, du Portugal et de la France.
c) La branche orientale, qui a donné naissance à la spiritualité védique et qui partira à la conquête de l’Asie, plus précisément du Sud de la Chine, du Bassin du Tarim (les Tokhariens), de l’Inde (les Aryens védiques), du Japon (la population aïnoue étant un résidu lointain de ces migrations), etc.
Ces conclusions sont déduites de la logique, car les preuves archéologiques sont très peu nombreuses aujourd’hui. Le problème qu’il convient de résoudre: quels éléments de preuves peut-on ajouter aux quelques rares références que nous possédons déjà?
La zone comprise entre l’Océan Atlantique et la “mer aux couleurs du ciel” (la Mer Noire) a abrité une vie culturelle préhistorique intense: que l’on songe à la fresque de la “danse du bison” découverte dans la grotte sanctuaire d’Altamira en Espagne, à celle, similaire, que l’on a retrouvée à Font-de-Gaume en France, du “félin d’ivoire” de Pavlov en Bohème à la fresque de la “panthère, des chevaux et du chevalier tué”, découverte dans la grotte sanctuaire de Cuciulat (et qui date d’une période entre –15.000 et –12.000 avant notre ère), des dessins rupestres de la grotte de Gaura Chindiei (-10.000 à –8.000 avant notre ère), deux sites de Roumanie, jusqu’aux formes étranges et cosmiques, apparemment étrangères à la terre voire “extra-terrestres”, d’un bas-relief trouvé dans la grotte roumaine de Sinca Veche. Je voudrais rappeler, ici, les notes daces-roumaines de Ion Pachia Tatomirescu, qui évoquait une unité de culture préhistorique/proto-historique propre à toute l’Europe, et qu’il qualifiait de “pélagique”. Elle aurait existé entre –30.000 et –8.175 avant notre ère. Après cette période, cette culture originelle de l’Europe se serait fragmentée en trois groupes distincts. Ceux-ci se seraient ensuite développés lors de ce que l’on appelle l’”acmé de l’âge néolithique”, avec une branche “ouest-pélagienne” (de l’Océan Atlantique aux Alpes), une branche “pélagienne -centrale” (des Alpes orientales à la Sardaigne jusqu’au Dniepr et à la “Mer des Gètes” (soit la Mer Noire), et des Carpathes septentrionales à la Mer Baltique, entre l’Oder et le Niémen, s’étendant jusqu’à la Sicile et la Crète. La Mer de Thrace (ou de Marmara) s’étant formée bien plus tard, lorsque la bande de terre reliant l’Asie Mineure à la péninsule balkanique a été submergée par la Méditerrannée, il y a environ 4000 ans, ce qui a formé, avec des résidus d’îles et l’émergence de nouvelles îles, la Mer de Thrace, que les Grecs appelèrent ultérieurement la Mer Egée
La troisième branche est la branche pélagienne orientale, dont le territoire initial s’étendait entre la Mer de Thrace (Mer Egée), la Mer des Gètes (Mer Noire) et le Dniepr. Son territoire s’est ensuite étendu jusqu’au Don et aux montagnes du Caucase. Des éléments de ce groupe ont traversé l’Anatolie et se sont installés à Chypre.
Tandis qu’il étudiait les cultures et les religions préhistoriques au départ de l’art rupestre des grottes d’Europe et d’Asie, André Leroi-Gournan fut l’un des premiers à démontrer “l’extraordinaire unité de l’art figuratif” de la préhistoire européenne, ainsi que la permanence, la persistance et la continuité de ces représentations, tant dans le temps que dans l’espace, depuis les Asturies jusqu’au Don. Cette unité culturelle et démographique a permis aux Européens, les Pélages proto-historiques, de marquer l’histoire de leur présence. Cette unité a conduit à l’émergence d’une langue commune –la langue pélagienne archaïque— que parlaient les peuples européennes du paléolithique et du mésolithique. Au départ, son vocabulaire, ne comprenait que les mots nécessaires à la vie quotidienne, mais ils’est enrichi et diversifié au fil des millénaires. Les modifications linguistiques, qui sont survenues au cours des deux derniers millénaires, fournissent beaucoup d’explications sur les événements qui se sont déroulés dans les ères les plus anciennes de la préhistoire européenne, lorsque la langue archaïque des peuples carpatho-danubiens a donné naissance, en Inde, au sanskrit, tandis que dans le sud de l’Europe, le latin vulgaire dominait pour se développer plus tard en un latin de culture (qui n’a disparu qu’au bout de deux mille ans).
Les Carpatho-Danubiens du Sud-Ouest ont diffusé leur langue partout, ce qui explique que la même langue de base, ou langue-souche, ait donné naissance à la langue dace-romaine (le valaque de Roumanie), l’italique, le rhéto-romanche et la langue parlée en Sardaigne.
La langue de la branche orientale des Carpatho-Danubiens sera parlée dans le bassin du Dniepr, en Crimée, dans le bassin du Don, au Caucase, par ceux qui formeront la première et la seconde vagues du peuple des Kourgans (-4.400 et –3.400 avant notre ère) et par leurs descendants qui sont restés sédentaires. Aujourd’hui, les restes épars de cette langue sont appelés des “îlots de latinitié”: on les trouve notamment dans la région de Cherson en Crimée ou sur la côte orientale ou nord-orientale de la Mer Caspienne, comme à Vatchi, Khoutchni et Kourakh, dans le Daghestan, une république de l’actuelle Fédération de Russie.On retrouve des résidus de cette langue dans la péninsule de Bouzatchi et même au Kazakhstan. On demeure surpris en constatant que la langue parlée par ces peuples à l’est, et même fort à l’est, présente des similitudes avec le Valaque. De même, les Tokhariens, un peuple de la branche aryenne, atteindront la Chine, les Aryens s’installeront en Inde tandis que les ancêtres des Aïnous actuels s’établiront au Japon.
La branche du Sud-Ouest des peuples issus de la matrice territoriale carpatho-danubienne font jeter les fondements de ce que l’on appelle aujourd’hui “la civilisation européenne archaïque”. Les institutions de cette civilisation sont donc issues, au départ, de l’espace carpatho-danubien, sacré et primordial. Ce concept de “civilisation européenne archaïque” a été forgé par Marija Gimbutas, qui fut professeur d’archéologie et de linguistique à l’Université de Los Angeles en Californie. Ce concept est né, chez Marija Gimbutas, en 1971, lors du 8ième Congrès international des sciences préhistoriques et proto-historiques, tenu à Belgrade (soit à Singidunum, son nom celto-latin). Cette civilisation européenne archaïque s’est d’abord étendue à des territoires aujourd’hui ukrainiens, moldaves, roumains, bulgares, serbes, macédoniens, monténégrins, bosniaques, croates, slovènes, albanais, grecs, turcs, hongrois, suisses, italiens, avec une extrémité septentrionale en Autriche, en Bohème, en Slovaquie, en Pologne et en Lithuanie, puis avec une pointe avancée méridionale dans les grandes îles de la Méditerranée: Sardaigne, Sicile, Crète, Chypre.
La branche carpatho-danubienne du Sud-Ouest a été incroyablement florissante au néolithique, donnant naissance au plus ancien système d’écriture du monde (Tartarie, Roumanie) et à une architecture fascinante, surtout pour la construction de temples, dont on retrouve des restes à Cascioarele en Roumanie, à Cranon en Grèce, à Porodin en Macédoine, à Gradesnita en Bulgarie, à Parta en Roumanie, à Sarmi-Seget-Usa, également en Roumanie. Sur ce site, précisément, on retrouve des traces du panthéon pélagien, aryen, carpatho-danubien; on sait que ces peuples vénéraient le soleil; le nom du Mont Surya dérive du mot “Surya”, le nom du soleil dans les Védas. Dans la nécropole de Cernavoda en Roumanie, deux statues de céramique ont été découvertes; on estime qu’elles datent de 4530 avant notre ère et représentent le “couple primordial”, avec le père-ciel (Samasua) et la terre-mère (Dakia), que l’on appelle aussi, parfois, le “penseur pontique-danubien et sa femme”. N’oublions pas que les conditions géographiques et climatiques, voire tectoniques, ont empêché le peuple initial carpatho-danubien de se déplacer entre –7540 et –5500. Donc, au cours de cette période, après un cataclysme sismique, où la plaque tectonique de la Mer Noire s’est élevée de 40 à 180 m, inondant la plaine du Danube inférieur et créant les détroits du Bosphore, tandis que la bande de terre reliant les Blakans à l’Asie Mineure s’est effondrée dans la Méditerranée, formant du même coup la péninsule balkanique et la Mer de Thrace (ou l’Egée). Toujours au cours de cette période, le centre sacré de Koga-Ion, s’est déplacé des Montagnes de Bucegi (le point focal sismique de Vrancea) vers le Mont Surya à Sarmi-Seget-Usa (dans la vieille langue sanskrite, cela signifie “Je suis pressé de fuir”).
Entre –4400 et –4200 avant notre ère, la première vague orientale de migration revient dans la zone pélagienne originelle: il s’agit d’une population “kourgane” qui s’était établie dans les bassins du Don et de la Volga; elle atteint d’abord les steppes du Nord-Ouest de la zone pontique puis déboule dans la vallée du Danube. Cette première vague migratoire de guerriers cavaliers va s’arrêter juste devant le confluent de la Save et de la Drave avec le Danube, ce qui amènera des éléments du peuple carpatho-danubien au-delà des Alpes, notamment dans la péninsule italique.
Les Pélages carpatho-danubiens seront contraints de se doter d’une meilleures organisation administrative, militaire et religieuse pour faire face aux migrations. La vie religieuse connaît alors un “revival” au nom des divinités sacrées traditionnelles, telles le dieu de la guerre, “Sol-Ares”, soit le “Jeune Soleil” ou le “fils du Père-Ciel”, qui s’appelle, dans cette mythologie, “Sama-Sua”, ou Salmos, Zalmos, Zalmoxis.
Les Carpatho-Danubiens amélioreront sans cesse leurs systèmes de défense, leurs armements, dont la production sera continuellement perfectionnée. Le site d’Ardeal (Terra Aruteliensis) devint ainsi l’un des centres métallurgiques les plus importants de l’Europe à l’époque.
Par la suite, la population issue de la migration kourgane a été assimilée à l’indigénat carpatho-danubien, harcelé, désormais, et de façon constante, par des peuples migrants, venus de l’Est. La fusion d’éléments kourgans et de l’indigénat carpatho-danubien donna naissance à un peuple belliqueux, les “Guerriers du Soleil”, connus entre –4400 et –3900 sous le nom de Daces (“Dax” signifiant tout à la fois “saint”, “chevalier” et “guerrier”). Hérodote, dans ses “Histoires” (IV, 93) parle d’eux comme “les plus braves, les plus honnêtes et les plus justes d’entre les peuples pélagiens”.
Les Carpatho-Danubiens ont donc inventé, à cette époque, les techniques et artefacts suivants :
1. La faucille (dont on retrouve des traces archéologiques dans les établissements de Gumelnita-Karanoco et de Cucuteni).
2. Le couteau de silex courbé, de 30 cm de long, qui devint, à l’âge des métaux, l’épée dace courbée, utilisée tout à la fois pour les moissons et pour affronter l’ennemi.
3. La charrue en bois de cerf ou en silex, qui sera en bronze ou en fer plus tard.
4. Le joug, utilisé pour la traction de charettes à boeufs.
5. La hache de silex à deux tranchants, plus tard en bronze puis en fer, fondue dans un moule en argile cuit; cet instrument sera typique des populations carpatho-danubiennes.
6. La roue du potier puis la roue de char, deux inventions attribuées aux Daces de Cucuteni.
7. Les chars ou chariots à deux, trois ou quatre roues.
Nos ancêtres ont donc inventé tous ces outils indispensables au développement d’une culture historique. Or n’importe quel peuple non européen serait fier aujourd’hui d’avoir été à la base de ces inventions. Ce n’est plus le cas de nos jours en Europe et en Roumanie. Il paraît que nous sommes devenus “modestes”. Ce n’est jamais qu’un manque navrant de fierté. En Roumanie, on continue à parler d’une origine latine et romaine, en négligeant délibérément l’héritage dace et carpatho-danubien.
Les vagues migratoires venues de l’Est ne se sont pas arrêtées à celles des premiers Kourganes; une seconde vague (de –3400 à –3200) et une troisième (de –3000 à –2800), toutes deux moins nombreuses, n’ont pas eu un impact important sur la démographie indigène.
Dans les premières années de ce 35ième siècle avant notre ère, le “pôle” démographique de la planète se situait donc dans l’aire carpatho-danubienne et pontique. Ce qui explique pourquoi une bonne moitié des populations nomades des steppes comprises entre le Dniepr et les Monts Ourals se sentait attirée par le niveau élevé de culture et par la richesse de leurs voisins vivant sur la rive occidentale du Dniepr. L’histoire évoque des “éleveurs de chevaux” qui apparaissent au sein de la population indigène de l’espace carpatho-danubien, puis disparaissent. Ces populations nomades, comme celles des deuxième et troisième vagues de Kourgans) ont atteint l’Europe occidentale, certains se portant même jusqu’à la péninsule ibérique.
Les Daces ont donc protégé l’Europe contre les assauts des barbares de la steppe, comme le feront leurs descendants en des périodes ultérieures de l’histoire. Quelles impulsions ont amené ces populations migrantes à nos frontières: l’attrait pour une culture supérieure, plus raffinée? La faim? La volonté de piller? Le mépris qu’ils éprouvaient pour le travail de l’honnête homme sédentaire? Les hypothèses peuvent se juxtaposer, se télescoper. Le débat est ouvert.
A l’âge du bronze émerge la culture dace de Cotofeni, dominée par des idées religieuses, des symboles et des motifs sacrés: la double spirale, le culte des pins (avec les motifs correspondants, symbolisant le pin ou le sapin). Gebeizis, ou le “dragon des nuages”, semble être devenu, à cette époque, le dieu principal, avec, à ses côtés, Bendis, la grande déesse des forêts, de la lune et des divinations). Le peuple carpatho-danubien s’est donc répandu dans le monde entier et en a conquis de vastes espaces, en étant parfois vaincu. Ainsi, la civilisation qu’il a créée, et qui porte les noms de pélagienne, de thrace, de mycénienne, de pélagienne-thraco-mycénienne, ou de pélagienne-thraco-troyenne, a été détruite et conquise par d’autres vagues migratoires barbares, au nombre de quatre, venues de l’Est de la Caspienne entre –1900 et –1400: les Achéens, les Ioniens, les Doriens et les Eoliens, qui deviendront les Grecs.
Ces peuples se sont fixés dans le sud de la péninsule balkanique et en Asie Mineure. Ils ont chassé les Carpatho-Danubiens des îles de l’Egée. Ainsi en atteste la figure de l’Achéen Thémistocle, chef du groupe qui conquerra plus tard Lemnos et en expulsera les Thraces de Sinthion en –500. Ce sont ces peuples-là qui ont changé le nom de la Mer de Thrace pour l’appeler “Egée”. Ils prendront et détruiront Troie. Ces conquérants, toutefois, ont été absorbés et inclus dans la culture carpatho-danubienne. Ils en hériteront le panthéon et la mythologie: Gebeleizis devint Zeus; Bendis, la déesse, devint Aphrodite ou Vénus, tandis qu’Orphée et Bacchus ont été assimilés sans trop d’altérations. L’origine thraco-dace de ces dieux et déesses étant souvent reconnue comme telle.
Le transport du fer, de l’or et du bétail n’était pas sûr à l’époque sur les routes et pistes de Dacie. Les Daces ont décidé d’imposer au peuple un ordre héroïco-religieux et chevaleresque, ayant aussi pour tâche de dire le droit et de rendre la justice selon les coutumes daces et d’imposer les fameuses lois pélagiennes (ou pélasges ou “bellagiennes” ou “valachiennes”). L’imposition de ce code avait pour but de mettre fin aux pillages locaux et aux vols et larcins de toutes natures. Les “chevaliers” de cet ordre —dénommés les “chevaliers du Soleil”— étaient équipés d’armes de fer et parvenaient à avoir systématiquement le dessus sur leurs ennemis.
Comme nous l’avons déjà mentionné, les populations pélagiennes carpatho-danubiennes se sont divisées en deux groupes: ceux du sud, qui donneront la civilisation védique, que l’on connaît bien, et ceux du nord, plus anciens, qui ont donné par la suite naissance à deux grands groupes de peuples en Europe: les Germains et les Slaves.
L’un des documents les plus importants qui nous parlent des Daces, de leurs origines et de leurs descendants, est le “Chronicle Roll” ou le “Moseley Roll”, une chronique historique, dont l’original a été perdu mais dont des copies manuscrites du 15ième siècle attestent l’existence; ces copies datent du règne du roi d’Angleterre Henri VI et se trouvent dans les bibliothèques de l’University College de Londres et du “Corpus Christi College” de Cambridge. On en trouve également une copie à la “Bibliothèque Nationale” de Paris. Ces documents affirment être une généalogie des peuples germaniques. Dans cette chronique, Styeph, Steldius ou Boerinus, une même figure pour trois noms différents, est considérée comme le père fondateur des peuples germaniques, qui a eu neuf descendants, soit les pères des neuf peuples germaniques de l’antiquité: Geate, Dacus, Suethedus, Fresus, Gethius, Wandalus, Iutus, Gothus et Ciurinicius.
Je remercie ici le Dr. Alexandru Badin, mon collègue de New Jersey, pour ses descriptions minutieuses et complètes des liens existant entre la Dacie orientale et la Dacie occidentale. Dans son livre “Western Europe Dacia” (New York, The Geryon Press, 1998), le Prof. Badin met en lumière l’histoire légendaire de la Dacie, jamais auparavant décryptée et révélée, et récapitule les étapes qui ont marqué les origines de la Dacie d’Europe occidentale, en leur donnant une solide base historique et scientifique. Nos théories et opinions ont varié parfois, mais je ne cesserai jamais de lui rendre hommage.
Revenons aux neuf descendants de Boerinus (“boier” signifiant “homme noble” en roumain): il apparait évident que ces neuf personnages légendaires ne représentent pas des personnes mais des peuples. La science du préhistorien devient ainsi pareille à l’intrigue d’un roman policier: comment se fait-il que les Allemands ou les peuples germaniques actuels ont des ancêtres mythiques dont les noms sont “Geate” et “Dacus”? Est-ce dû à l’arrivée sur le territoire allemand actuel d’une tribu carpatho-danubienne, immédiatement après la disparition de la calotte glaciaire, quand le climat s’est réchauffé? Ou est-ce une simple coïncidence? Le héros anglo-saxon et scandinave, Beowulf, était, dit le texte, le chef d’un peuple appelé “Geate”, “Geatas”, “Guata” ou “Guatar”. Dans son célèbre ouvrage “The Medieval Word/World” (New York, New American Library, 1961), Friedrich Heer décrit la personnalité de trois professeurs célèbres de l’Université de Paris au 13ième siècle, tous venus d’Europe du Nord. L’un d’eux est “Boetius”, venu de Dacie. Il avait énoncé la théorie, fort débattue, de la “double réalité”, affirmant que le savoir et la religion étaient deux principes différents, chacun valable et juste en soi. Ses idées hérétiques ont été réduites au silence en 1277, à la suite d’un décret pontifical. Le site géographique de la Dacie, pays de Boetius, est contesté. Selon les Prof. Jensen S. Skovgaard, le terme “Dacie”, au moyen-âge, possède deux significations:la première de ces significations fait référence à l’Ordre des Dominicains ou des Franciscains; ensuite, deuxième signification, il suggère que la personne,dont on parle, est originaire d’une province de “Dacie”, dont le territoire recouvre le Danemark, la Norvège, la Suède et la Finlande. Il fait référence à l’ancienne “Dacie” des textes médiévaux, synonyme de “Dania” , soit le Danemark.
De ce fait, nous avons affaire àdeux populations différentes, vivant sur des territoires européens différents, qui partagent une même appelation de “Dacie”. L’un de ces groupes appartenait à l’Europe orientale, c’est-à-dire au foyer originel de l’Europe proto-historique, tandis que l’autre appartenait au territoire du Nord-Ouest du sous-continent européen, sur le territoire scandinave recouvrant aujourd’hui le Danemark (appelé, lui aussi, “Dacia” dans les anciens textes latins où le terme désigne une province ou une région), la Suède, la Norvège et la Finlande. Il est curieux de constater que la Dacie d’Europe orientale est mention née dans les sources historiques écrites dès le 2ième siècle avant J.C., tandis que la “Dacie” d’Europe occidentale n’est mentionnée que beaucoup plus tard, soit, grosso modo, au 4ième siècle après J.C.
Personnellement, je ne pense pas que le débat sur la descendance de Boetius de Dacie est un problème qui doit être résolu par les Suédois ou les Danois seuls. Je pense plutôt que la clef, nous permettant de comprendre l’ensemble de la problématique de la préhistoire et de la proto-histoire européenne, se situe ailleurs, notamment en Dacie orientale. La question est dès lors la suivante : est-il possible que ces deux provinces d’Europe et ces deux peuples, ayant des noms similaires et partageant bon nombre de coutumes issues d’une culture, d’une religion et d’une langue communes, possèdent un dénominateur commun historique, une histoire et un passé communs ou une origine similaire?
Les Pélages carpatho-danubiens ont transporté leurs symboles dans toutes les régions qu’ils ont conquises. Cela explique pourquoi nous trouvons la croix pélagienne nonseulement sur le sommet de Torocello près de Venise, mais aussi sur le Müncheberg en Allemagne. Cette croix, en effet, se retrouve partout, des Balkans à l’Asie Mineure et, de là, jusqu’en Inde, en Corée et en Indonésie (dans l’Ile de Bali). La plus ancienne croix pélagienne, vieille de plus de 7000 ans, a été découverte au sud du Danube, sur le territoire actuellement bulgare. L’oiseau héraldique de la Roumanie, soit le corbeau pélagien, est aussi l’oiseau sacré du dieu Mithra (le dieu solaire, appartenant au plus ancien panthéon védique). Cet oiseau était fort vénéré dans les provinces daces (cf. N. Densusianu, “Dacia preistorica, p. 426, Meridiane Publishing House, 1986). Il porte en son bec une croix pélagienne, parfois simple dans sa forme, parfois double. Dans le “Livre des Psaumes Slaves”, imprimé en 1575, la partie supérieure de cette croix prend la forme de la vieille svastika pélagienne, que l’on reconnaît comme un symbole de renaissance, plus exactement du soleil renaissant ou du soleil du printemps. On retrouve cette même croix dans le livre des psaumes slavo-roumains de 1577 (Branu & Hodos, Bibliographie roumaine, tome 1, 61-1576, 67-1577). La tombe du Negru Voda a été découverte le 31 juillet 1920. Sous la pierre tombale, il y avait un sarcophage où gisait le corps parfaitement conservé de ce grand seigneur et prêtre du 13ième siècle. Son linceul également était recouvert de croix pélagiennes.
Le texte intitulé “The Little Chronicle of the Leire Kings”, écrit au 12ième siècle de notre ère, évoque Dan, roi de Dacie, qui règna sur le pays pendant trois ans (“Erat ergo Dan Rex in Dacia per triennum”). R. W. Chambers nous ajoute une note infra-paginale fort intéressante : “Dacia = Den-mark”. Si l’on réexamine le document “Moseley Roll”, on découvre qu’il n’y a aucune référence à un roi Dan ou à un peuple dénommé les “Dani”. La première mention historique de ce roi et de ce peuple est beaucoup plus récente. “Dani”, “Dania”, “Denmark” sont des noms récents, qui ont remplacé le nom ancien et traditionnel de “Dacia”.
L’arrivée des “Danes” ou “Dani”, venus de cette Scandinavie septentrionale, fit qu’une partie de la population anciennement dace occupât les Pays-Bas actuels dont les citoyens s’appellent les “Dietsch” ou “Deutsche”. Cette dénomination se prononce presque comme le terme romain/latin de “Daci” (phonétiquement : “Datchi”). Malheureusement, le peuple roumain aujourd’hui est davantage préoccupé par sa survie physique que par une recherche de ses véritables origines et de sa vraie identité. Une longue série d’événements anormaux et dramatiques ont fait que ce peuple a oublié ou ignoré ses racines. En effet, les efforts déployés tout au long de l’histoire pour que notre peuple oublie ou ignore son histoire nationale et son identité ont été couronnés de succès. N’oublions jamais qu’un mensonge répété à satiété acquiert le statut de “vérité”, tandis qu’une vérité bien établie, que l’on a négligée de répéter, peut finir par être prise pour une hallucination ou une élucubration. Quand cet état d’hypnose du peuple dace-roumain finira-t-il? Qu’est-ce qui empêche aujourd’hui les Daces-Roumains de renouer avec leur véritable histoire, avec leurs vraies origines?
A l’évidence, retrouver la vérité postule deux choses : quelqu’un qui s’en fasse le porte-voix et quelqu’un qui accepte d’écouter cette voix. Le premier pas a été fait!
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