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samedi, 20 janvier 2018

Běiyáng Shuǐ Shī Jūn Gē - Chinese Qing Song

puyi-portrait.jpg

Běiyáng Shuǐ Shī Jūn Gē - Chinese Qing Song

 
 
The reason why the second half is in chinese is because it's basically the song all over again. During the Second Sino-Japanese war the Japanese Government tried to reestablish the Qing Dinasty back in power in China, first putting Puyi at the head of Manchuria. Something that would have eventually brought back the Qing rule in China, and ended the Communist and warlord rule in the country.
 
Lyrics:
宝祚延庥万国欢
景星拱极五云端
海波澄碧春辉丽
旌节花间集凤鸾
 
Romanized:
 
Bǎozuò yán xiū wànguó huān
jǐng xīng gǒng jí wǔ yúnduān
hǎi bō chéngbì chūn huī lì
jīng jié huā jiān jí fèng luán
 

jeudi, 01 juillet 2010

La lutte du Japon contre les impérialismes occidentaux

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

La lutte du Japon contre les impérialismes occidentaux

Intervention de Robert Steuckers, 5ième université d'été de la F.A.C.E. et de «Synergies Européennes», Varese, Lombardie, 1 août 1997

 

japon1011240.jpgLes principales caractéristiques politiques du Japon avant son ouverture forcée en 1853 étaient:

1. Un isolement complet

2. Un gouvernement assuré par le Shôgun, c'est-à-dire un pouvoir militaire.

3. La fonction impériale du Tennô est purement religieuse.

4. La société est divisée en trois castes:

- les Daimyos, seigneurs féodaux.

- les Samouraïs, fonctionnaires et vassaux.

- les Hinin, le peuple.

 

Sous le Shôgun YOSHIMUNE (1716-1745), le pouvoir impose:

- des taxes sur les biens de luxe afin d'"ascétiser" les daimyos et les samouraïs qui s'amollissaient dans l'hédonisme.

- une élévation des classes populaires.

- la diffusion de livres européens, à partir de 1720 (afin de connaître les techniques des Occidentaux).

 

Sous le Shôgun IEHARU (1760-1786), le Japon connaît une phase de déclin:

- la misère se généralise, les castes dirigeantes entrent en décadence (les tentatives de Yoshimune ont donc échoué).

- la misère générale entraîne le déclin du Shôgunat.

- on assiste alors à une réaction nationale, portée par le peuple, qui revalorise le shintoïsme et la figure du Tennô au détriment du Shôgun.

 

Avant l'ouverture, le Japon présente:

1. Une homogénéité territoriale:

- Trois îles + une quatrième en voie de colonisation, soit Kiou-Shou, Shikoku, Honshu + Hokkaïdo).

- Sakhaline et les Kouriles sont simplement perçues comme des atouts stratégiques, mais ne font pas partie du "sol sacré" japonais.

 

2. Une homogénéité linguistique.

 

3. Une certaine hétérogénéité religieuse:

- le Shinto est l'élément proprement japonais.

- le bouddhisme d'origine indienne a été ajouté à l'héritage national.

- le confucianisme d'origine chinoise est un corpus plus philosophique que religieux et il a été ajouté au syncrétisme bouddhisme/shintoïsme.

- la pratique du prosélytisme n'existe pas au Japon.

- la vie religieuse est caractérisée par une co-existence et un amalgame des cultes: il n'existe pas au Japon de clivages religieux antagonistes comme en Europe et en Inde.

- aucune religion au Japon n'aligne de zélotes.

 

4. Une homogénéité ethnique:

(la majeure partie de la population est japonaise, à l'exception des Aïnous minoritaires à Hokkaïdo, des Coréens ostracisés et d'une caste d'intouchables nommé "Eta").

 

Cette esquisse du Japon d'avant l'ouverture et ces quatre facteurs d'homogénéité ou d'hétérogénéité nous permettent de dégager trois leitmotive essentiels:

 

1. Contrairement à l'Occident chrétien ou même à l'Islam, le Japonais n'est pas religieux sur le mode de la disjonction (ou bien... ou bien...). Il ne dit pas: “je suis protestant ou catholique et non les deux à la fois”. Il est religieux sur le mode CUMULATIF (et... et...). Il dit: "Je suis ET bouddhiste ET shintoïste ET confucianiste ET parfois chrétien...). Le mode religieux du Japonais est le syncrétisme.

 

2. Le Japonais ne se perçoit pas comme un individu isolé mais comme une personne en relation avec autrui, avec ses ancêtres décédés et ses descendants à venir.

 

3. Pour le Japonais, la Nature est toute compénétrée d'esprits, sa conception est animiste à l'extrême, au point que les poissonniers, par exemple, érigent des stèles en l'honneur des poissons dont ils font commerce, afin de tranquiliser leur esprit errant. Les poissonniers japonais viennent régulièrement apporter des offrandes au pied de ces stèles érigées en l'honneur des poissons morts pour la consommation. A l'extrême, on a vu des Japonais ériger des stèles pour les lunettes qu'ils avaient cassées et dont ils avaient eu un bon usage. Ces Japonais apportent des offrandes en souvenir des bons services que leur avaient procurés leurs lunettes.

 

LE JAPON ET L'EUROPE:

 

Premiers contacts:

- Avec les Portugais (chargé d'explorer, de coloniser et d'évangéliser toutes les terres situées à l'Est d'un méridien fixé par le Traité de Tordesillas).

 

- Avec les Portugais s'installent les premières missions chrétiennes, composées de Franciscains, de Dominicains et de Jésuites.

 

- Le Shôgun IYEYASU est bouddhiste, membre de la secte Jodo, et s'oppose au christianisme parce que cette religion occidentale:

a) exclut les autres cultes et refuse leur juxtaposition pacifique;

b) génère des querelles incompréhensibles entre Franciscains et Dominicains espagnols d'une part et Jésuites portugais d'autre part;

c) parce que les Anglais et les Hollandais, qui harcèlent les deux puissances catholiques ibériques, promettent de ne pas s'ingérer dans les affaires religieuses du Japon, de ne pas installer de missions et donc de ne pas transposer les querelles de l'Occident au Japon.

 

- Après l'éviction des Portugais et des Espagnols catholiques, l'influence européenne la plus durable sera la hollandaise. Elle s'exercera surtout sur le plan intellectuel et scientifique, notamment en agriculture et en anatomie.

 

Le JAPON FACE AUX PUISSANCES LIBÉRALES (USA/GRANDE-BRETAGNE):

 

- Les Japonais se désintéressent des marchandises que leur proposent les Anglais.

- Pour gagner quand même de l'argent, les Anglais vendent de la drogue (opium).

- Ils obligent ensuite les Japonais à accepter des "traités inégaux", équivalent à un régime de "capitulations".

- Ils obligent les Japonais à accepter un statut d'EXTRA-TERRITORIALITÉ pour les résidents étrangers qui sont ainsi soustraits à toute juridiction japonaise (cette mesure a été prise à la suite de la décapitation de plénipotentiaires portugais de Macao, exécutés sans jugement et arbitrairement).

- Ils obligent les Japonais à renoncer à ériger tous droits de douane et à respecter de la façon la plus ab­solue le principe du "libre marché".

- Sans appareil politico-administratif issu d'un mercantilisme ou d'un protectionnisme bien étayés, les Japonais sont à la merci du capital étranger.

- Face à cette politique anglaise, qui sera appliquée également par les Etats-Unis à partir de 1853, les Japonais comprennent qu'ils doivent à tout prix éviter le sort de l'Inde, de la Chine et de l'Egypte (cette dernière était un Etat solidement établi au début du 19ième siècle, selon les principes de l'"Etat commer­cial fermé” de Fichte).

- Le Japon se rend compte qu'il doit adopter:

a) la technologie occidentale (armes à feu, artillerie, navires de guerre).

b) les méthodes d'organisation occidentales (il adoptera les méthodes prussiennes).

c) les techniques navales occidentales.

Pour ne pas être démuni face aux puissances européennes et aux Etats-Unis. Cette volonté de s'adapter aux technologies occidentales ouvrira l'Ere Meiji à partir de 1868.

Géopolitiquement, à partir de 1868, le Japon était coincé entre la Russie et les Etats-Unis. La Russie avançait ses pions en Sibérie orientale. Les Etats-Unis transformaient le Pacifique en lac américain.

 

LE JAPON FACE AUX ÉTATS-UNIS:

 

- Date clef: 1842. Cette année-là voit la fin de la première guerre de l'opium entre la Grande-Bretagne et la Chine. Londres impose aux Chinois le Traité de Nankin, où le Céleste Empire doit accepter la clause de la nation la plus favorisée à toutes les puissances occidentales. Sur le continent américain, les derniers soldats russes quittent leur colonie de Californie (Fort Ross).

- En 1844 est signé le Traité de Wanghia entre la Chine et les Etats-Unis. Ce Traité amorce la politique commerciale américaine en direction de l'immense marché potentiel qu'est la Chine. Jamais les Américains ne renonceront à conquérir ce marché.

- Dès le Traité de Wanghia, la volonté d'expansion des Etats-Unis dans le Pacifique prend forme.

- En 1845, cette longue marche en direction de l'hypothétique marché chinois commence sur le territoire américain lui-même, par la querelle de l'Oregon. Sur ce territoire sans souveraineté claire (ni britannique ni américaine), les Etats-Unis veulent imposer exclusivement leur souveraineté, car ils considèrent que cette région est un tremplin vers les immensités océaniques du Pacifique.

- Dans la presse de l'époque, les intentions géopolitiques des Etats-Unis s'expriment en toute clarté: «L'Oregon est la clef du Pacifique». Au Congrès, un Sénateur explique sans circonlocutions: «Avec l'Oregon, nous dominerons bientôt tout le commerce avec les îles du Pacifique-Sud et avec l'Asie orien­tale». Finalement, les Etats-Unis imposent leur volonté aux Britanniques (qui conservent néanmoins Vancouver, surnommé depuis une dizaine d'années, "Han-couver").

- En 1847, les Etats-Unis amorcent les premières négociations avec les Russes en vue d'acheter l'Alaska et les Aléoutiennes; ils envisagent ainsi de projeter leur puissance en direction de la Mer d'Okhotsk et du Japon (en 1867, vingt ans après le début des pourparlers, l'Alaska deviendra effectivement américain).

- En 1848, après une guerre avec le Mexique, les Etats-Unis annexent le Texas, le Nouveau-Mexique et la Californie. Ils possèdent désormais une façade pacifique. 

- L'objectif est clairement esquissé: c'est la création d'un "nouvel empire" américain dans le Pacifique.

Le théoricien de cette expansion pacifique est William H. Seward. Ses théories se résument en huit points:

1. Cet empire sera commercial et non militaire.

2. Il devra compenser l'insuffisance du marché intérieur américain.

3. Il devra lancer et consolider l'industrie américaine.

4. Il devra être épaulé par un flotte de guerre importante.

5. Il devra être structuré par une chaîne de comptoirs, de points d'appui et de stations de charbon (pour les navires de commerce et de guerre).

6. Il ne devra pas être colonial au sens romain et européen du terme, mais se contenter d'une collection de “Hong-Kongs” américains.

7. Il devra viser le marché chinois et éviter toute partition de la Chine.

8. Il devra faire sauter les verrous japonais.

 

En 1853, avec l'expédition des canonnières du Commandant Perry, la marine américaine ouvre de force le Japon au commerce international. A partir de 1853, les Etats-Unis cherchent à contrôler îles et archipels du Pacifique.

Ce seront, tour à tour, Hawaï, Samoa (où ils s'opposeront aux Allemands et perdront la première manche) et les Philippines (qu'ils arracheront à l'Espagne à la suite de la guerre de 1898).

Avec l'acquisition des Philippines, les Etats-Unis entendent s'approprier le marché chinois, en chasser les puissances européennes et le Japon et y imposer à leur profit une économie des "portes ouvertes".

 

Le JAPON FACE À LA RUSSIE:

 

- Au 19ième siècle, la Russie s'étend en Eurasie septentrionale et en Asie Centrale. Elle vise à faire du fleuve Amour sa frontière avec la Chine, afin d'avoir pour elle le port de Vladivostok (gelé toutefois pen­dant quatre mois par an), puis d'étendre son protectorat à la Mandchourie et d'avancer ses pions en di­rection de la Mer Jaune, mer chaude, et d'utiliser Port Arthur pour avoir sa propre façade pacifique.

 

- La Russie encercle ainsi la Corée, convoitée par le Japon et coincée entre Vladivostok et Port Arthur.

- La Grande-Bretagne et les Etats-Unis veulent maintenir la Russie le plus loin possible de la Chine et du littoral pacifique.

- Pour contenir la Russie, la Grande-Bretagne conclut une alliance avec le Japon.

- L'appui de la haute finance new-yorkaise permet au Japon de bénéficier de crédits pour mettre sur pied une armée de terre et une marine de guerre.

- Au même moment, s'enclenche dans la presse libérale du monde entier une propagande contre le Tsar, "ennemi de l'humanité". Simultanément, émerge un terrorisme en Russie, qui agit comme cinquième co­lonne au profit des Britanniques, des financiers américains et des Japonais (qui servent de chair à ca­non).

- Le Japon frappe les Russes à Port Arthur par surprise, sans déclaration de guerre.

- La Russie doit envoyer sa flotte de la Baltique à la rescousse. Mais les Anglais ferment Suez et refusent de livrer eau potable et charbon aux navires russes.

- La Russie est battue et doit composer.

- Les Etats-Unis, qui avaient cependant soutenu le Japon, font volte-face, craignant la nouvelle puis­sance nippone en Mandchourie, en Corée et en Chine.

- Sous la pression américaine, les Japonais sont contraints de renoncer à toutes réparations russes, alors qu'ils comptaient sur celles-ci pour rembourser leurs emprunts new-yorkais.

- Les intrigues américaines font du Japon un pays endetté, donc affaibli, et, croit-on, plus malléable.

- Dès 1907, on assiste à un rapprochement entre Russes et Japonais.

- En 1910, les Japonais s'emparent définitivement de la Corée, sans pour autant inquiéter les Russes.

- De 1914 à 1918, les Japonais s'emparent des établissements et colonies du Reich dans le Pacifique et en Chine.

- Les Japonais interviennent dans la guerre civile russe en Sibérie:

a) ils appuient les troupes de l'Amiral Koltchak qui se battent le long du Transsibérien et dans la région du Lac BaÏkal au nord de la Mongolie.

b) ils appuient la cavalerie asiatique du Baron Ungern-Sternberg en Mongolie.

c) ils tentent de pénétrer en Asie centrale, via le Transsibérien, la Mandchourie et la Mongolie.

 

LE RETOURNEMENT AMERICAIN ET LA « CONFERENCE DE WASHINGTON »

 

- Les Etats-Unis s'opposent à cette pénétration japonaise et appuient en sous-main les Soviétiques en:

a) décrétant l'embargo sur les exportations de coton vers les Japon;

b) interdisant l'importation de soies japonaises aux Etats-Unis;

c) provoquant ainsi un chomâge de masse au Japon, lequel est dès lors incapable de financer ses projets géopolitiques et géoéconomiques en Asie septentrionale (Mandchourie et Mongolie).

 

- En 1922, se tient la CONFÉRENCE DE WASHINGTON.

Les Américains y imposent au monde entier leur point de vue:

1. L'Angleterre est priée de retirer définitivement tout appui au Japon.

2. Les Japonais doivent se retirer de Sibérie (et abandonner Koltchak et Ungern-Sternberg).

3. Les Japonais doivent rendre à la Chine le port ex-allemand de Kiao-Tchau.

4. La Chine doit pratiquer une politique des "portes ouvertes" (en théorie, le Japon et les Etats-Unis sont à égalité dans la course).

5. Les Etats-Unis imposent un équilibrage ou une limitation des marines de guerre:

- Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne peuvent aligner chacun 525.000 tonnes.

- Le Japon doit se contenter de 315.000 tonnes.

- L'Italie et la France se voient réduites à 175.000 tonnes chacune (Georges Valois, Charles Maurras et l'état-major de la marine française s'en insugeront, ce qui explique la germanophilie des marins français pendant la seconde guerre mondiale, de même que leur européisme actuel).

- La marine allemande est quasiment réduite à néant depuis Versailles et n'entre donc pas en ligne de compte à Washington en 1922.

 

- Le Japon est dès lors réduit au rôle d'une puissance régionale sans grand avenir et est condamné au "petit cabotage industriel".

- Les militaires japonais s'opposeront à cette politique et, dès 1931, une armée "putschiste", mais non sanctionnée pour avoir perpétré ce putsch, pénètre en Mandchourie, nomme Empereur du "Mandchoukuo, Pu-Yi, dernier héritier de la dynastie mandchoue et pénètre progressivement en Mongolie intérieure, ce qui lui assure un contrôle indirect de la Chine.

- Washington refuse le fait accompli imposé par les militaires japonais. C'est le début de la guerre diplomatique qui se muera en guerre effective dès 1941 (Pearl Harbour).

 

LE JAPON ET L'ALLEMAGNE:

 

C'est le facteur russe qui déterminera les rapports nippo-germaniques.

 

- L'Allemagne s'intéresse au Japon pour:

a) créer un front oriental contre la Russie qui se rapproche de la France.

b) créer une triplice Berlin-Pétersbourg-Tokyo.

 

- En 1898, au moment de la guerre hispano-américaine, le ministre japonais ITO HIROBUMI suggère une alliance eurasiatique entre l'Allemagne, la Russie et le Japon. C'est au Japon, en lisant les écrits du Prince Ito, que Haushofer a acquis cette idée de "bloc continental" et l'a introduite dans la pensée poli­tique alle­mande.

 

- Mais en Allemagne on s'intéresse très peu au Japon et bien davantage à la Chine.

- Guillaume II est hanté par l'idée du "péril jaune" et veut une politique dure en Asie, à l'égard des peuples jaunes. Sa politique est de laisser faire les Russes.

- Par ailleurs, les diplomates allemands craignent que des relations trop étroites avec le Japon ne bra­quent la Russie et ne la range définitivement dans le camp français.

- L'Allemagne refuse de se joindre au Pacte nippo-britannique de 1902 contre la Russie et braque ainsi l'Angleterre (qui s'alliera avec la France et la Russie contre l'Allemagne en 1904: ce sera l'Entente).

- En 1905, la Russie, après sa défaite, quitte le théâtre extrême-oriental et jette son dévolu en Europe aux côtés de la France.

- L'Allemagne est présente en Micronésie mais sans autre atout: elle en sera chassée après la première guerre mondiale.

 

Les déboires et les maladresses de l'Allemagne sur le théâtre pacifique lui coûteront cher. Ce sera l'obsession du géopolitologue Haushofer.

 

Le DISCOURS DE LA POLITIQUE JAPONAISE:

 

Face à l'Europe et surtout aux Etats-Unis, à partir de la Conférence de Washington de 1922, quel discours alternatif le Japon va-t-il développer?

 

A. Les idéologies au Japon en général:

Pierre Lavelle, spécialiste français de la pensée japonaise distingue:

1. des formes idéologiques traditionnelles

2. des formes idéologiques néo-traditionnelles

3. des formes idéologiques modernes.

 

1. Les formes traditionnelles:

- Parmi les formes traditionnelles, le Shinto cherche à s'imposer comme idéologie officielle de la japoni­tude.

- Mais cette tentative se heurte au scepticisme des dirigeants japonais, car le Shinto éprouve des difficul­tés à penser le droit et la technique.

- Au cours des premières décennies de l'Ere Meiji, le bouddhisme perd du terrain mais revient ensuite sous des formes innovantes.

- Le confucianisme est revalorisé dans les milieux ultra-nationalistes et dans les milieux patronaux.

 

2. Les formes néo-traditionnelles:

- Leur objectif:

a) garder une identité nationale

b) cultiver une fierté nationale

c) faire face efficacement au monde extérieur avec les meilleures armes de l'Occident.

 

3. Les formes modernes:

- C'est d'abord la philosophie utilitariste anglo-saxonne qui s'impose au milieu du XIXième siècle.

- Après 1870, les orientations philosophiques japonaises s'inspirent de modèles allemands (ce qui perdu­rera).

- Vers 1895 disparaissent les dernières traces du complexe d'infériorité japonais.

- De 1900 à nos jours, la philosophie japonaise aborde les mêmes thématiques qu'en Europe et aux Etats-Unis.

- La dominante allemande est nette jusqu'en 1945.

- De 1955 à 1975 environ, le Japon connaît une période française. Michel Foucault est fort apprécié.

- Aujourd'hui, l'Allemagne reste très présente, ainsi que les philosophes anglo-saxons. Heidegger semble être le penseur le plus apprécié.

 

B. Le PANASIATISME (1):

 

L'idéal panasiatique repose sur deux idées maîtresses:

- Le Japon est puissance dominante qui a su rester elle-même et a assimilé les techniques de l'Occident.

- Le Japon est une puissance appelée à organiser l'Asie.

Dans cette optique, deux sociétés patriotiques émergent:

1) La Société du Détroit de Corée (Gen'yôsha).

2) La Société du Fleuve Amour (Kokuryûkai).

 

C. La “DOCTRINE D'ÉTAT”: POSITIONS ET FIGURES

 

Positions:

1. Centralité du Tennô/de la Maison Impériale.

2. Le Shintô d'Etat qui laisse la liberté des cultes mais impose un civisme à l'égard de l'Empereur et de la nation japonaise.

3. L'âme des sujets n'est pas distincte de l'Auguste Volonté  du Tennô.

4. La vision sociale de Shibuwasa Eiichi (1841-1931):

a) subordonner le profit à la grandeur nationale;

b) subordonner la compétition à l'harmonie;

c) subordonner l'esprit marchand à l'idéalisme du samouraï.

Ce qui implique:

- des rapports non froidement contractuels;

- des relations de type familial dans l'entreprise.

5. L'idéal bismarckien d'un Etat social fort et protectionniste, s'inscrivant dans le sillage de l'école histo­rique allemande.

6. Le développement d'un nationalisme étatique reposant, chez Inoue Testujiro (1856-1944):

a) sur une modernisation du confucianisme;

b) sur le panasiatisme;

c) sur le rejet du christianisme.

Et chez Takayama Chogyu (1871-1902) sur l'idée que le Japon est le champion des "Non-Aryens” dans la grande lutte finale entre les races qui adviendra.

7. Le développement concommittant d'un nationalisme populaire, dont les idées-forces sont:

a) le refus de l'étiquette occidentale dans les rituels d'Etat japonais.

b) la défense de l'essence nationale (kokusui).

c) la remise en cause de l'idée occidentale du progrès unilinéaire.

d) la nation est la médiation incontournable des contributions de l'individu à l'humanité.

 

Figures: 

1. Miyake Setsurei (1868-1945):

- L'objectif du Japon doit être le suivant: il doit faire la synthèse de l'émotion chinoise, de la volonté in­dienne et de l'intelligence occidentale (la démarche, comme toujours au Japon, est une fois de plus CUMULATIVE).

- Le Japon doit être capable de bien faire la guerre.

- Le Japon doit éviter le piège du bureaucratisme.

- Le Japon doit adopter le suffrage universel, y compris celui des femmes.

 

2. Shiga Shigetaka (1863-1927):

- L'identité culturelle japonaise passe par une valorisation des paysages nationaux (Shiga Shigetaka est écologiste et géophilosophe avant la lettre).

- L'expansion dans le Pacifique doit se faire par le commerce plutôt que par les armes.

 

3. Okahura Tenshin (1862-1913)

- Le Japon doit prendre conscience de son asiatisme.

- Il doit opérer un retour aux valeurs asiatiques.

- Il doit s'inspirer de la démarche de l'Indien Rabindranath Tagore (1861-1941), champion de l'émancipation indienne et asiatique.

- Les valeurs asiatiques sont: le monisme, la paix, la maîtrise de soi, l'oubli de soi, une notion de la famille centrée sur la relation entre générations et non sur le couple.

 

4. Les nationalistes chrétiens:

Attention: les chrétiens japonais sont souvent ultra-nationalistes et anti-américains.

Pour les nationalistes chrétiens, les valeurs communes du christianisme et du Japon sont:

- la fidélité, l'ascèse, le sacrifice de soi, le dévouement au bien public, l'idée d'une origine divine de toute autorité.

Les chrétiens protestants:

a. Ebina Danjô (1856-1937):

- L'Ancien Testament doit être remplacé par la tradition japonaise.

- Le Tennô doit être adjoint à la Sainte-Trinité.

b. Uchimura Kanzô (1861-1930):

- L'Occident n'applique pas les principes chrétiens, c'est au Japon de les appliquer en les japonisant.

c. Les Catholiques:

En 1936, le Vatican s'en tire avec une pirouette: le Shintô n'est pas une religion, donc il est compatible avec le christianisme. Les Catholiques peuvent donc pratiquer les rites shintoïstes.

 

En conclusion, le christianisme japonais se présente comme un “christianisme de la Voie Impériale”.

Seuls les Quakers et les Témoins de Jéhovah ne s'y rallient pas.

 

D. L'ULTRA-NATIONALISME à partir des années 20:

 

Comme l'Alldeutscher Verband  allemand ou la Navy League  américaine, l'ultra-nationalisme japo­nais débute par la fondation d'une société: la SOCIÉTÉ DE LA PÉRENNITÉ (Yûzonsha).

Ses fondateurs sont: ÔKAWA SHÛMEI et KITA IKKI (1883-1937).

a. Kita Ikki:

- Kita Ikki plaide pour le socialisme et le culte de l'Etat.

- Il adhère à la "Société du Fleuve Amour".

- Il prône une solidarité avec la Chine, victime de l'Occident, dans une optique panasiatique.

- Il développe une vision "planiste" de la Grande Asie japonocentrée. Par "planisme", j'entends une vision tournée vers l'avenir, non passéiste, où la mission du Japon passe avant le culte du Tennô.

b. Ôkawa Shûmei (1886-1957):

- La pensée d'Ôkawa Shûmei est à dominante confucéenne.

- Il plaide pour une solidarité avec l'Islam.

c. Nakano Seigô (1886-1943):

- Il est le fondateur de la SOCIÉTÉ DE L'ORIENT (la Tôhôkai), qui sera active de 1933 à 1943.

- Il est le seul au Japon à se réclamer ouvertement du fascisme et du national-socialisme.

- Il plaide pour l'avènement d'un "socialisme national anti-bureaucratique".

- Dans sa défense et son illustrations des modèles totalitaires allemand et italien, il est seul car le Japon n'a jamais été, même pendant la guerre, institutionnellement totalitaire.

d. Le Général Araki Sadao (1877-1966):

- Il inscrit l'ultra-nationalisme japonais dans une perspective spirituelle et fonde la FACTION DE LA VOIE IMPÉRIALE (Kôdôha).

 

L'ultra-nationalisme japonais culminera pendant les années de guerre dans quatre stratégies:

- La valorisation de l'esprit (tiré des mânes des ancêtres et des dieux présents partout dans le monde) contre les machines.

- L'éradication de la culture occidentale moderne en Asie.

- La valorisation de l'"Autre Occident", c'est-à-dire l'Allemagne et l'Italie, où il mettre surtout l'accent sur l'héroïsme (récits militaires de la première guerre mondiale, pour servir d'exemple aux soldats), plutôt que sur le racisme de Mein Kampf, peu élogieux à l'égard des peuples jaunes.

- L'antisémitisme alors que le Japon n'a pas de population juive.

 

E. GÉOPOLITIQUE ET PANASIATISME (2):

 

Les sources de la géopolitique japonaise:

 

Les Japonais, bons observateurs des pratiques des chancelleries européennes et américaines, lisent dans les rapports de l'Américain Brooks Adams des commentaires très négatifs sur la présence alle­mande dans la forteresse côtière chinoise de Kiau-Tchéou, alors que les Russes se trouvent à Port Arthur.

 

Brooks Adams exprime sa crainte de voir se développer à grande échelle une politique de chemin de fer transcontinentale portée par les efforts de la Russie, de l'Allemagne et d'une puissance d'Extrême-Orient.

 

Devant une masse continentale unie par un bon réseau de chemin de fer, la stratégie du blocus, chère aux Britanniques et aux Américains, ne peut plus fonctionner.

 

Conclusion: Les Japonais ont été les premiers à retenir cette leçon, mais ont voulu prendre la place de la Chine, ne pas laisser à la Chine le bénéfice d'être la puissance extrême-orientale de cette future "troïka" ferroviaire.

 

D'où: les flottes allemande et japonaise doivent coopérer et encadrer la masse continentale russe et mettre ainsi un terme à la pratique des "traités inégaux" et inaugurer l'ère de la coopération entre partenaires égaux.

 

Après l'alliance anglaise de 1902 et après la victoire de 1905 sur la Russie, qui ne rapporte pas grand'chose au Japon, le Prince Ito, le Comte Goto et le Premier Ministre Katsura voulaient une alliance germano-russo-japonaise. Mais elle n'intéresse pas l'Allemagne. Peu après, le Prince Ito est assassiné en Corée par un terroriste coréen.

 

L'IDÉE D'UN "BLOC CONTINENTAL EURASIEN" est donc d'origine japonaise, bien qu'on le retrouve chez l'homme d'Etat russe Sergueï Witte.

 

F. Le PANASIATISME (3):

 

Quant au panasiatisme, il provient de trois sources:

1. Une lettre du révolutionnaire chinois Sun-Yat-Sen au ministre japonais Inoukaï: le leader chinois demandait l'alliance de la Chine et du Japon avec la Turquie, l'Autriche-Hongrie et l'Allemagne, pour "libérer l'Asie".

 

2. L'historien indien Benoy Kumar Sakkar développe l'idée d'une “Jeune Asie” futuriste.

 

3. Le discours de l'écrivain indien Rabindranath Tagore, exhortant le Japon à ne pas perdre ses racines asiatiques et à coopérer avec tous ceux qui voulaient promouvoir dans le monde l'émergence de blocs continentaux.

 

APRÈS 1945:

- La souveraineté japonaise est limitée.

- McArthur laisse le Tennô en place.

- Le Japon est autorisé à se renforcer économiquement.

 

Mais dès les années 80, ce statu quo provoque des réactions. La plus significative est celle de Shintaro Ishihara, avec son livre The Japan That Can Say No  (1989 au Japon, avant la guerre du Golfe; 1991 dans sa traduction américaine, après la guerre du Golfe).

 

Dans cet ouvrage, Shintaro Ishihara:

- réclame un partenariat égal avec les Etats-Unis en Asie et dans le Pacifique.

- souligne les inégalités et les vexations que subit le Japon.

- explique que la politique des "portes ouvertes" ne réglerait nullement le problème de la balance commer­ciale déficitaire des Etats-Unis vis-à-vis du Japon.

- observe que si les Etats-Unis présentent une balance commerciale déficitaire face au Japon, c'est parce qu'ils n'ont jamais adapté correctement leur politique et leur économie aux circonstances variables dans le monde.

- observe que les pratiques japonaise et américaine du capitalisme sont différentes, doivent le rester et dérivent de matrices culturelles et historiques différentes.

- observe que l'imitation d'un modèle étranger efficace n'est pas un déshonneur. Le Japon a appris de l'Occident. Les Etats-Unis pourraient tout aussi bien apprendre du Japon.

- se réfère à Spengler pour dire:

a) il n'y a pas de "fin de l'histoire".

b) la quête de l'humanité se poursuivra.

c) comme Spengler l'avait prévu, la civilisation de demain ne sera possible que si se juxtaposent des cul­tures différentes sur la planète.

d) les différences ne conduisent pas à l'incompatibilité et à la confrontation.

- annonce que le Japon investira en Europe, notamment en Hongrie et en Tchéquie.

- suggère aux Américains un vaste programme de redressement, basé sur l'expérience japonaise.

 

La réponse américaine, rédigée par Meredith et Lebard (cf.) est:

- une réponse agressive;

- une réponse prévoyant une future guerre en Asie, mettant aux prises un Japon regroupant autour de lui une alliance avec l'Indonésie, Singapour, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Philippines, la Malaisie, la Thaïlande, la Myanmar, l'Inde et la Chine. Cette alliance visera à contrôler à la place des Américains la route du pétrole du Golfe à Singapour et de Singapour au Japon, par un binôme marin Inde/Japon.

- Face à ce bloc est-asiatique et indien, les Etats-Unis doivent, disent Meredith et Lebard, mobiliser un contre-alliance regroupant la Corée, la Chine, Taïwan, l'Indonésie, l'Australie, les Philippines et Singapour.

- L'Indonésie et la Chine constituant les enjeux majeurs de cette confrontation.

 

Robert STEUCKERS,

Forest-Flotzenberg, juillet 1997.

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Références principales:

- ISHIHARA, Shintaro, The Japan That Can Say No, Simon & Schuster, New York, 1991.

- LAVELLE, Pierre, La pensée politique du Japon contemporain, PUF, Paris, 1990.

- LAVELLE, Pierre, La pensée japonaise, PUF, Paris, 1997.

- SELLA, Piero, Da Madama Butterfly a Hiroshima. Origini e sviluppo dello scontro tra Giappone e Stati Uniti, Ed. L'uomo libero, Milano, 1996.

- WEHLER, Hans-Ulrich, Grundzüge der amerikanischen Außenpolitik 1750-1900, Suhrkamp, Frankfurt a. M., 1984.

- ZIEBURA, Gilbert, Weltwirtschaft und Weltpolitik 1922/24-1931, Suhrkamp, Frankfurt a. M., 1984.

 

Références secondaires:

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- BREUILLY, John, Nationalism and the State, Manchester University Press, 1993 (2nd ed.) (Plus particulièrement le chapitre 11, «Reform Nationalism Outside Europe», pp. 230-253).

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lundi, 01 septembre 2008

Les Indo-Européens dans la Chine antique

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Reconstitution d'une des momies d'Urumtchi

 

Les Indo-Européens dans la Chine antique

Dans le livre troisième de son fameux Essai sur l'inégalité des races humaines, publié dans les années 50 du 19ième siècle, Arthur de Gobineau décrivait les flux migratoires des peuples indo-européens en Orient et relevait que «vers l'année 177 av. J. C., on rencontrait de nombreuses nations blanches à cheveux clairs ou roux et aux yeux bleus, in­stal­lées sur les frontières occidentales de la Chine. Les scribes du Céleste Empire, auxquels nous devons de connaître ce fait, citent cinq de ces nations… Les deux plus connues sont le Yüeh-chi et les Wu-suen. Ces deux peuples habitaient au nord du Hwang-ho, aux confins du désert de Gobi… De mê­me, le Céleste Empire avaient pour sujets, au sein de ses provinces du Sud, des nations aryennes-hindoues, immi­grées au début de son histoire» (1).

Arthur de Gobineau tirait ses informations des études de Ritter (Erdkunde, Asien) et de von Humboldt (Asie centra­le); tous deux se basaient sur les annales chinoises de la dynastie han, dont les premiers souverains ont commencé leur règne en 206 av. J. C. De fait, nous savons aujourd'hui que, dès le 4ième siècle avant J.C., les documents histo­riques du Céleste Empire évoquaient des peuples aux che­veux clairs, de mentalité guerrière, habitant sur les confins du territoire, dans ce que nous appelons aujourd'hui le Tur­kestan chinois ou le Xinjiang. Selon Gobineau, ces faits at­testaient de la puissance expansive et implicitement civi­lisatrice des populations "blanches". Mais, au-delà des in­ter­prétations unilatérales et, en tant que telles, inac­cepta­bles de l'écrivain français, presque personne n'a pris en con­sidération la signification que ces informations auraient pu revêtir pour retracer l'histoire de la culture et des in­fluences culturelles, sur un mode moins banal et linéaire que celui qui était en vogue au 19ième siècle.

On a plutôt eu tendance à rester incrédule quant à la fia­bilité des annales, parce qu'on était animé par un in­décrottable préjugé euro-centrique, selon lequel les peu­ples de couleurs étaient en somme des enfants un peu fan­tas­ques, incapables de saisir l'histoire dans sa concrétude. En outre, à l'époque, il était impossible de vérifier la pré­sence de ces populations "blanches" : même en admettant qu'elles aient existé, personne ne pouvait dire depuis com­bien de temps elles avaient disparu, noyées dans la mer mon­tante des populations asiatiques voisines. Cette zone géographique, jadis traversée par la légendaire "route de la soie" et devenue depuis longtemps en grande partie dé­sertique, était devenue inaccessible aux Européens, qui ne pouvaient évidemment pas y mener à bien des études ar­chéologiques sérieuses et approfondies.

Latin, irlandais ancien et tokharien

Comme l'a souligné Colin Renfrew, célèbre pour ses recher­ches sur les migrations indo-européennes, ce n'est qu'au dé­but du 20ième siècle que les premiers érudits ont pu s'a­ven­turer dans la région, en particulier dans la dépression du Ta­rim et dans diverses zones avoisinantes (2). Ils ont trou­vé de nombreux matériaux, bien conservés grâce à l'ex­trême aridité du climat désertique qui règne là-bas. Il s'agit essen­tiellement de textes en deux langues, écrits dans une lan­gue jusqu'alors inconnue, qui utilisait cependant un al­pha­bet du Nord de l'Inde; à côté du texte en cette langue, fi­gurait le même texte en sanskrit. Ce qui a permis de la com­prendre et de l'étudier assez rapidement. Cette langue a été appelée par la suite le "tokharien", dénomination que l'on peut juger aujourd'hui impropre. Elle se présentait sous deux formes légèrement différentes l'une de l'autre, qui ré­vélaient "diverses caractéristiques grammaticales les liant au groupe indo-européen" (3). Notons le fait que les res­sem­blances les plus frappantes liaient cette langue au cel­tique et au germanique, plutôt qu'aux groupes plus proches de l'iranien et des autres langues aryennes d'Asie. A titre d'exemple, nous comparerons quelques mots fondamentaux que l'on retrouve respectivement en latin, en irlandais an­cien et en tokharien. "Père" se dit "pater", "athir" et "pa­cer"; "Mère" se dit "mater", "mathir" et "macer"; ""Frère" se dit "frater", "brathir" et "procer"; "Sœur" se dit "soror", "siur" et "ser"; "Chien" se dit "canis", "cu" et "ku" (4). A titre de cu­riosité, signalons une autre correspondance: le nombre "trois" se dit "tres" en latin, "tri" en irlandais ancien et "tre" en tokharien.

Les affinités sont donc plus qu'évidentes. «Les documents remontent aux 7ième et 8ième siècles après J. C. et com­pren­nent des correspondances et des comptes rendus émanant de monastères… Des deux versions de la langue tokharien­ne, la première, nommée le "tokharien A" se retrouve éga­lement dans des textes découverts dans les cités de Ka­rashar et de Tourfan, ce qui a amené certains savants à l'ap­peler le "tourfanien". L'autre version, appelée "tokha­rien B", se retrouve dans de nombreux documents et textes trouvés à Koucha et donc baptisée "kouchéen" (5).

Processus endogène ou influence exogène? 

Aujourd'hui, on tend à penser que ces langues ont été par­lées par les Yüeh-chi (ou "Yü-chi"), le peuple mentionné dans les annales antiques, peuple qui avait entretenu des contacts prolongés avec le monde chinois. C'est là un point fondamental, qui est resté longtemps sans solution. En fait, sur la naissance de la civilisation chinoise, deux opinions s'affrontent : l'une entend privilégier un processus entiè­rement endogène, sans aucune influence extérieure d'au­tres peuples; l'autre, au contraire, met en évidence des apports importants, fondamentaux même, venus d'aires cul­turelles très différentes. La première thèse est na­tu­rellement la thèse officielle des Chinois, mais aussi celle de tous ceux qui s'opposent à toute conception de l'histoire qui pourrait donner lieu à des hypothèses "proto-colonialistes" vo­yant en l'Occident la matrice de tout progrès. Les dé­fenseurs les plus convaincants de la thèse "exogène" —c'est-à-dire Gobineau, déjà cité, mais aussi Spengler, Kossina, Gün­ther, Jettmar, Romualdi, etc.—  sont ceux qui souli­gnent, de manières très différentes, le rôle civilisateur des peuples indo-européens au cours de leurs migrations, par­ties de leur patrie primordiale, pour aboutir dans les con­trées lointaines auxquelles ils ont donné une impulsion bien spécifique. Bien sûr, dans certains cas, ces auteurs ont con­staté que l'apport culturel n'a pas été suffisamment fort pour "donner forme" à une nouvelle nation, vu le nombre réduit des nouveaux venus face aux populations indigènes; néanmoins, la simple présence d'une influence indo-euro­péenne a suffit, pour ces auteurs, pour imprimer une im­pul­sion vivifiante et pour animer un développement chez ces peuples avec lesquels les migrants indo-européens en­traient en contact. Ce serait le cas de la Chine avec les Tokhariens.

Par exemple, Spengler (6) souligne l'importance capitale de l'introduction du char de guerre indo-européen dans l'évolution de la société chinoise au temps de la dynastie Chou (1111-268 av. J. C.). D'autres auteurs, comme Hans Gün­ther, plusieurs dizaines d'années plus tard, avait avancé plusieurs hypothèses bien articulées et étayées de faits importants, attribuant à cette pénétration de peuples indo-européens l'introduction de l'agriculture parmi les tributs nomades d'Asie centrale, vers la moitié du deuxième millé­naire; il démontrait en outre comment l'agriculture s'était répandue en Asie centrale, parallèlement à l'expansion de populations de souche nordique.

Bronze et chars de guerre

De même, l'introduction du bronze en Chine semble, elle aussi, remonter aux invasions indo-européennes; ensuite, on peut supposer qu'aux débuts de l'histoire chinoise, il y a eu l'invasion d'un peuple équipé de chars de guerre, venu du lointain Occident. Par ailleurs, on peut dire que les sinologues actuels reconnaissent tous l'extrême importance du travail et du commerce du bronze dans le dévelop­pe­ment de la société en Chine antique (7). La même impor­tance est attribuée aujourd'hui, par de plus nombreux sino­logues, à l'introduction de certaines techniques agricoles et du char hippo-tracté.

Les études de Günther sur le parallélisme entre la présence de peuples aux cheveux clairs et la diffusion de la culture indo-européenne en Asie ont d'abord été diabolisées et os­tracisées, mais, aujourd'hui, au regard des apports nou­veaux de l'archéologie, elles méritent une attention nou­velle, du moins pour les éléments de ces études qui de­meu­rent valables. Peu d'érudits se rappellent que, dans l'oasis de Tourfan, dans le Turkestan chinois, où vivaient les To­khariens, on peut encore voir des fresques sur lesquelles les ressortissants de ce peuple sont représentés avec des traits nettement nord-européens et des cheveux clairs (8). C'est une confirmation de la fiabilité des annales du Céleste Em­pire. On ne peut donc plus nier un certain enchaînement de faits, d'autant plus que l'on dispose depuis quelques années de preuves plus directes et convaincantes de cette in­stallation très ancienne d'éléments démographiques indo-européens dans la zone asiatique que nous venons d'évo­quer. Ces installations ont eu lieu à l'époque des grandes mi­grations aryennes vers l'Est (2ième millénaire avant J. C.), donc avant que ne se manifestent certains aspects de la ci­vilisation chinoise.

Ces preuves, disions-nous, nous n'en disposons que depuis quelques années…

Les traits europoïdes des momies d'Ürümtchi

En 1987, Victor Mair, sinologue auprès de l'Université de Pennsylvanie, visite le musée de la ville d'Ürümtchi, capita­le de la région autonome du Xinjiang. Il y voit des choses qui provoquent chez lui un choc mémorable. Il s'agit des corps momifiés par cause naturelle de toute une famille : un homme, une femme et un garçonnet de deux ou trois ans. Ils se trouvaient dans une vitrine. On les avait dé­couverts en 1978 dans la dépression du Tarim, au sud du Tian Shan (les Montagnes Célestes) et, plus particu­lière­ment, dans le désert du Taklamakan (un pays peu hos­pi­ta­lier à en juger par la signification de son nom : "on y entre et on sort plus!").

Plusieurs années plus tard, Mair déclare au rédacteur du men­­suel américain Discover : «Aujourd'hui encore, je res­sens un frisson en pensant à cette première rencontre. Les Chinois me disaient que ces corps avaient 3000 ans, mais ils semblaient avoir été enterrés hier» (9). Mais le véritable choc est venu quand le savant américain s'est mis à ob­ser­ver de plus près leurs traits. Ils contrastaient vraiment avec ceux des populations asiatiques de souche sino-mon­gole; ces corps momifiés présentaient des caractéristiques soma­tiques qui, à l'évidence, étaient de type européen et, plus précisément, nord-européen. En fait, Mair a noté que leurs cheveux étaient ondulés, blonds ou roux; leurs nez étaient longs et droits; ils n'avaient pas d'yeux bridés; leurs os é­taient longs (leur structure longiligne contrastait avec cel­le, trapue, des populations jaunes). La couleur de leur épi­derme —maintenu quasi intact pendant des millénaires, ce qui est à peine croyable—  était typique de celle des po­pu­lations blanches. L'homme avait une barbe épaisse et drue. Toutes ces caractéristiques sont absentes au sein des po­pulations jaunes d'Asie.

Les trois "momies" (il serait plus exact de dire les trois corps desséchés par le climat extrêmement sec de la région et conservés par le haut taux de salinité du terrain, qui a empêché la croissance des bactéries nécrophages) consti­tuaient les exemplaires les plus représentatifs d'une série de corps —à peu près une centaine— que les Chinois avaient déterrés dans les zones voisines. Sur base des datations au radiocarbone (10), effectuées au cours des années précé­den­tes par des chercheurs locaux, on peut dire que ces corps avaient un âge variant entre 4000 et 2300 ans. Ce qui nous amène à penser que la population, dont ils étaient des ressortissants, avait vécu et prospéré pendant assez long­temps dans cette région, dont la géologie et le climat de­vaient être plus hospitaliers dans ce passé fort lointain (on y a d'ailleurs retrouvé de nombreux troncs d'arbre dessé­chés).

Spirales et tartans

Le matériel funéraire et les vêtements de ces "momies", eux aussi, se sont révélés fort intéressants. Par exemple: la présence de symboles solaires, comme des spirales et des swastikas, représentés sur les harnais et la sellerie des che­vaux, relie une fois de plus ces personnes aux Aryens de l'antiquité, sur le plan culturel.

L'étoffe utilisée pour fabriquer leurs vêtements était la lai­ne, qui fut introduite en Orient par des peuples venus de l'Ouest. Le "peuple des momies" connaissait bien l'art du tis­sage: on peut l'affirmer non seulement parce que l'on a re­trouvé de nombreuses roues de métier à tisser dans la ré­gion mais aussi parce que les tissus découverts sont d'une excellente facture. Pour attester des relations avec le Cé­leste Empire, on peut évoquer une donnée supplémentaire: la présence d'une petite composante de soie dans les effets les plus récents (postérieurs au 6ième siècle av. J. C.), qui ont de toute évidence été achetés aux Chinois. Les autres éléments vestimentaires, dans la majeure partie des cas, dé­montrent qu'il y avait des rapports étroits avec les cul­tu­res indo-européennes occidentales; le lot comprend notam­ment des vestes ornées et doublées de fourrure et des pan­talons longs.

Plus révélateur encore: on a retrouvé dans une tombe un fragment de tissu quasi identique aux "tartans" celtes (11) dé­couverts au Danemark et dans l'aire culturelle de Hall­statt en Autriche, qui s'est développée après la moitié du 2ième millénaire avant J. C., donc à une époque contempo­rai­ne de celle de ces populations blanches du Xinjiang. Si l'on pose l'hypothèse que les Celtes d'Europe furent les an­cêtres directs de ces Tokhariens (ou étaient les Tokhariens tout simplement), cette preuve archéologique s'accorde bien avec ce que nous disions plus haut à propos des simi­litudes entre la langue celtique et celle des Indo-Européens du Turkestan chinois : les deux données, l'une linguistique, l'autre archéologique, se renforcent l'une l'autre.

Chapeau à pointe et coquillages

Autre élément intéressant : la découverte d'un couvre-chef à pointe, à larges bords, que l'on a défini, avec humour, comme un "chapeau de sorcière"; il était placé sur la tête de l'une des momies de sexe féminin, remontant à environ 4000 années. Ce chapeau ressemble très fort à certains cou­vre-chef utilisés par les Scythes, peuple guerrier de la step­pe, et qu'on retrouve également dans la culture ira­nien­ne (on pense aux chapeaux des Mages). Ces populations étaient des populations d'agriculteurs, comme le prouve la présence de semences dans les bourses. Elles avaient éga­lement des rapports avec des populations vivant en bord de mer, vu que l'on a retrouvé près des momies ou sur elles de nombreux coquillages de mollusques marins.

L'intérêt extrême de ces vestiges a conduit à procéder à quel­­ques études anthropologiques (principalement d'an­thro­­­po­métrie classique), sous la direction de Han Kangxin de l'Académie Chinoise des Sciences Sociales (Beijing). Ces études ont confirmé ce que le premier coup d'œil déjà per­mettait d'entrevoir : dans de nombreux cas, les proportions des corps, des crânes et de la structure générale du sque­lette, ne correspondent pas à celles des populations asia­tiques jaunes, tandis qu'elles correspondent parfaitement à celles que l'on attribue habituellement aux Européens, sur­tout aux Européens du Nord.

Par le truchement de l'archéologie génétique, on pourra obtenir des données encore plus précises, pour élucider ultérieurement les origines et la parenté de ce peuple my­stérieux. La technique, très récente, se base sur la com­pa­raison de l'ADN mitochondrial (12) des diverses populations, que l'on veut comparer, afin d'en évaluer la distance gé­nétique. L'un des avantages de cette technique réside dans le fait que l'on peut aussi analyser l'ADN des individus dé­cé­dés depuis longtemps, tout en restant bien sûr très at­ten­tif, pour éviter d'éventuelles contaminations venues de l'en­vironnement (par exemple, les contaminations dues aux bactéries) ou provoquées par la manipulation des échan­tillons. L'archéologie génétique s'avère utile, de ce fait, quand on veut établir un lien, en partant des molécules, entre l'anthropologie physique et la génétique des popu­la­tions.

Les premiers tests ont été effectués par un chercheur ita­lien, le Professeur Paolo Francalacci de l'Université de Sassari. Ils ont confirmé ultérieurement l'appartenance des in­dividus analysés aux populations de souche indo-euro­péenne, dans la mesure où l'ADN mitochondrial, qui a été extrait et déterminé, appartient à un aplotype fréquent en Europe (apl. H) et pratiquement inexistant au sein des po­pulations mongoloïdes (13). Les autorités de Beijing n'ont autorisé l'analyse que d'un nombre réduit d'échantillons; beaucoup restent à étudier, en admettant que les autorisa­tions soient encore accordées dans l'avenir.

Traits somatiques des Ouïghours

Enfin, il faut également signaler que les habitants actuels du Turkestan chinois, les Ouïghours, présentent des traits so­matiques mixtes, où les caractéristiques physiques euro­poï­des se mêlent aux asiatiques. On peut donc dire que nous nous trouvons face à une situation anthropologique où des ethnies de souches diverses se sont mélangées pour former, en ultime instance, un nouveau peuple. Ce n'est donc pas un hasard si les autorités de Beijing craignent que la démonstration scientifique de l'existence de tribus blan­ches parmi les ancêtres fondateurs de l'ethnie ouïghour con­tribue à renforcer leur identité culturelle et qu'au fil du temps débouche sur des aspirations indépendantistes, vio­lem­ment anti-chinoises, qui sont déjà présentes. Cette si­tua­tion explique pourquoi les Chinois boycottent quasi ou­ver­tement les recherches menées par Mair et ses colla­bo­ra­teurs.

En conclusion, l'ampleur, la solidité et la cohérence des don­nées obtenues contribuent à confirmer les intuitions de tous les auteurs, longtemps ignorés, qui ont avancé l'hy­po­thèse d'une contribution extérieure à la formation de la ci­vilisation chinoise. Cette contribution provient de tribus ar­yennes (ndlr: ou "proto-iraniennes", selon la terminologie de Colin McEvedy que nous préférons utiliser), comme sem­ble l'attester les découvertes effectuées sur les "momies", et permet d'émettre l'hypothèse que le bronze et d'autres acquisitions importantes ont été introduites directement, et non plus "médiatement", par ces tribus dans l'aire cul­turelle de la Chine antique.

Par exemple, Edward Pulleyblank a souligné récemment qu'il «existait des signes indubitables d'importations venues de l'Ouest : le blé et l'orge, donc tout ce qui relève de la cul­ture des céréales, et surtout le char hippo-tracté, …, sont plus que probablement des stimuli venus de l'Ouest, ayant eu une fonction importante dans la naissance de l'âge du bronze en Chine» (14).

Bien sûr, cette découverte ne conteste nullement la for­midable originalité de la grande culture du Céleste Empire, mais se borne à mettre en évidence quelques aspects fon­damentaux dans sa genèse et dans son évolution ultérieure, tout en reconnaissant à juste titre le rôle joué par les no­ma­des antiques venus d'Europe.

Giovanni MONASTRA.

(e mail: g_monastra@estovest.org ; texte paru dans Per­corsi, anno III, 1999, n°23; le texte original italien est sur:

http://www.estovest.org/identita/indocina.html... ; trad. franç.: Robert Steuckers).

Notes :

[1] Arthur de Gobineau, Saggio sulla disuguaglianza delle razze umane, Rizzoli, Milano 1997, p. 443.

[2] Colin Renfrew, Archeologia e linguaggio, Laterza, Bari 1989, p. 77.

[3] ibidem, p. 79.

[4] Les Chinois, pour désigner le chien, utilisent le terme "kuan", qui est quasiment le seul et unique mot de leur langue qui ressemble au latin "canis" ou à l'italien "cane", sans doute parce que le chien domestique à été introduit dans leur société par des populations indo-européennes, qui ont laissé une trace de cette transmission dans le nom de l'animal.

[5] Colin Renfrew, Archeologia ecc.cit., pp. 78-9.

[6] Oswald Spengler, Reden und Aufsätze, Monaco 1937, p. 151.

[7] Jacques Gernet, La Cina Antica, Luni, Milano 1994, pp. 33-4.

[8] Luigi Luca Cavalli-Sforza, Geni, Popoli e Lingue, Adelphi, Milano 1996, p. 156.

[9] Discover, 15, 4, 1994, p. 68.

[10] La méthode du radiocarbone (14C) se base sur le fait que dans tout organe vivant, outre l'atome de carbone normal (12C), on trouve aussi une certaine quantité de son isotope, le radiocarbone, qui se réduit de manière constante, pour devenir un isotope de l'azote. Tandis que le rapport entre 14C et 12C reste stable quand l'organisme est en vie, cet équilibre cesse d'exister à partir du moment où il meurt; à partir de cette mort, on observe un déclin constant qui implique la disparition du radiocarbone, qui diminue de moitié tous les 5730 ans. De ce fait, il suffit, dans un échan­tillon, de connaître le rapport entre deux isotopes pour pouvoir calculer les années écoulées depuis la mort de l'organisme. La mé­thode connaît cependant une limite : elle ne peut pas s'utiliser pour des objets d'investigation de plus de 70.000 ans. 

[11] Archaeology, Marzo 1995, pp. 28-35. Le "tartan" est une étoffe typique du plaid écossais. Pour se documenter plus précisément sur les divers éléments liés aux textiles et aux vêtements de ce peuple, nous recommandons la lecture d'un ouvrage excellent et exhaustif, comprenant de nombreuses comparaisons avec les équivalents en zone européenne : Elizabeth Wayland Barber, The Mummies of Ürümchi, W. W. Norton & Company, Inc., New York, 1999.

[12] Les mitochondries sont des organites présents dans les cellules des eucaryotes (tous les organismes vivants, des champignons aux mammifères) à des dizainesde milliers d'exemplaires. Seules ces structures, mis à part le noyau cellulaire, contiennent de l'ADN, molécule base de la transmission héréditaire, mais leur ADN est de dimensions beaucoup plus réduites que celui du noyau (200.000 fois plus court) : il sert uniquement pour la synthèse des protéines né­cessaires à ces organites. Il faut se rappeler qu'au moment de la fécondation, il semble que seule la mère transmet les mitochon­dries à sa progéniture.

[13] Journal of Indo-European Studies, 23, 3 & 4, 1995, pp. 385-398.

[14] International Rewiew of Chinese Linguistics, I, 1, 1998, p. 12. Voir aussi: Elizabeth Wayland Barber, The Mummies of Ürümchi, op. cit.

 

 

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