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mardi, 17 janvier 2023

A propos des interventions "pacifiques" des États-Unis

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A propos des interventions "pacifiques" des États-Unis

Leonid Savin

Source: https://www.geopolitika.ru/en/article/us-peaceful-interventions

En novembre 2022, l'Institut des opérations de maintien de la paix et de la stabilité (qui sonne déjà comme un oxymore) a publié le Guide pratique du soutien de la défense à la stabilisation (DSS) : A Guide for Stabilization Practitioners. U.S. Army Peacekeeping and Stability Operations Institute (PKSOI), novembre 2022).

Ce document fait la lumière sur la manière dont le Pentagone interagit avec les autres autorités américaines et sur la manière dont l'armée américaine mène de telles opérations. En général, il fait référence aux opérations menées en dehors des États-Unis, c'est-à-dire dans d'autres pays.

Le manuel stipule que "la responsabilité principale pendant la stabilisation est de soutenir et de renforcer les efforts civils des agences principales du gouvernement des États-Unis conformément aux autorités statutaires disponibles, principalement en assurant la sécurité, en maintenant l'ordre public de base et en répondant aux besoins immédiats de la population".

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Le rôle du DOD (Department of Defence) dans la force de stabilisation est placé dans le contexte gouvernemental plus large des lois, règlements et politiques liés à la stratégie de sécurité nationale, à la stratégie américaine de prévention des conflits et de promotion de la stabilité, à la revue d'assistance à la stabilisation et à la stratégie de défense nationale".

En d'autres termes, il existe un certain nombre de politiques et de lois qui sous-tendent les actions militaires américaines visant à intervenir dans d'autres nations si elles répondent aux critères définis dans ces doctrines et ces lois.

En général, il est indiqué que :

"1) Les États-Unis et nos partenaires ont besoin d'une approche nouvelle et plus disciplinée pour mener à bien la stabilisation dans les zones touchées par des conflits. Cette approche comprend l'analyse des risques et la concentration de nos efforts sur ce qui est absolument nécessaire pour atteindre la stabilité, plutôt que de poursuivre des programmes disparates en même temps. Une première étape essentielle vers des efforts de stabilisation plus harmonisés consiste à s'entendre sur les principes fondamentaux du concept lui-même. Malgré une expérience internationale significative au cours des dernières décennies, le concept de stabilisation reste mal défini et mal institutionnalisé dans les structures gouvernementales et multilatérales. Ce manque de normalisation de la définition et du processus conduit à des erreurs répétées, à des dépenses inefficaces et à une faible responsabilisation quant aux résultats.

2) Les décideurs politiques veulent être plus sélectifs et plus ciblés sur la façon dont nous nous engageons dans les environnements de stabilisation afin de maximiser la valeur des ressources des contribuables américains et internationaux. L'approche revitalisée de la stabilisation décrite ici peut aider à cibler l'engagement diplomatique dans ces environnements pour faire avancer une stratégie liée aux résultats de la stabilisation, permettre un meilleur séquençage et une meilleure superposition de l'assistance pour soutenir les acteurs légitimes locaux, réaliser des économies et favoriser une meilleure division du travail entre le gouvernement américain et les donateurs et institutions internationales".

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En gardant ces leçons à l'esprit, l'État, l'USAID et le DoD ont élaboré une définition affinée de la stabilisation qui peut guider nos efforts à cet égard. Nous définissons la stabilisation comme un effort politique impliquant un processus civil-militaire intégré pour créer les conditions dans lesquelles les autorités et les systèmes légitimes locaux peuvent gérer pacifiquement les conflits et empêcher une résurgence de la violence. De nature transitoire, la stabilisation peut inclure des efforts pour établir la sécurité civile, donner accès à la résolution des conflits, fournir des services de base ciblés et établir une base pour le retour des personnes déplacées et le développement à plus long terme".

Les acteurs clés de la politique étrangère des États-Unis - le Pentagone, le Département d'État et l'USAID, connue pour son soutien aux révolutions de couleur dans le monde - sont mentionnés.

Il est dit que "les Etats-Unis sont intéressés par la conduite d'activités de stabilisation dans l'un des pays suivants: Irak, Afghanistan, Syrie et Somalie; et les pays/régions identifiés dans la loi sur l'insécurité mondiale (GFA): Haïti, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la Libye, le Mozambique, et la région côtière de l'Afrique de l'Ouest composée du Bénin, de la Côte d'Ivoire, du Ghana, de la Guinée et du Togo".

La moitié de ces pays ont déjà été directement attaqués par les États-Unis et leurs partenaires de l'OTAN. Par conséquent, le gouvernement américain veut prendre certaines mesures pour éliminer les conséquences de sa propre présence.

Prêtons attention aux principes de base de la Stabilization Assistance Review (un document-cadre visant à maximiser l'efficacité des efforts de stabilisation du gouvernement américain publié sur le site Web du département d'État américain en 2018) qui a été mentionnée.

Il note que "le gouvernement américain devrait institutionnaliser un processus par lequel nous identifions les pays/régions touchés par des conflits qui méritent une attention accrue, évaluons les intérêts et les priorités des États-Unis pour faire progresser la stabilisation dans ces pays/élaborons une planification stratégique pour faire face aux défis de la stabilisation". Les critères clés pour déterminer si, quand et comment poursuivre une mission de stabilisation doivent inclure l'intérêt national américain évalué; l'appropriation par les partenaires nationaux et locaux; les risques, les contraintes et les opportunités dans l'environnement opérationnel; le niveau de risque que nous sommes prêts à assumer; et le niveau de ressources durables que nous sommes prêts à engager.

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"... Une stabilisation réussie commence par l'élaboration d'une stratégie politique basée sur les résultats qui décrit nos hypothèses de base et les états finaux réalisables et qui guide toutes les lignes d'effort - l'engagement diplomatique, la défense, l'aide étrangère et l'engagement du secteur privé, le cas échéant - afin d'assurer l'unité de but au sein du gouvernement américain".

Dans les régions où la stabilisation est la plus prioritaire, l'État, l'USAID et le DoD doivent travailler avec l'ambassade américaine concernée, le bureau régional, les Combatant Commands et d'autres parties prenantes pour développer une stratégie politique pour la mission de stabilisation.

Les éléments clés à aborder dans la stratégie politique comprennent : les objectifs et la capacité du pays partenaire; les intérêts définis du gouvernement américain et les domaines dans lesquels les intérêts peuvent être en concurrence; la cartographie des acteurs clés; les états finaux et les objectifs politiques souhaités; les intérêts et les objectifs des partenaires; les besoins en ressources anticipés; le rôle des différents acteurs du gouvernement américain et des donateurs internationaux; les mécanismes de coordination civilo-militaire; l'évaluation des risques; et les analyses stratégiques pour suivre dans le temps et mesurer les progrès".

Il est immédiatement frappant de constater que les États-Unis évaluent non pas les intérêts des pays et régions touchés par les conflits, mais les leurs. En même temps, la responsabilité est placée sur les partenaires (vraisemblablement - sur les dirigeants des pays où les opérations de stabilisation seront effectuées). En d'autres termes, les autorités évitent toujours, dans un premier temps, d'assumer la responsabilité des échecs et des conséquences, à l'instar de ce que nous observons en Irak et en Afghanistan. Il est tout à fait naturel que Washington fasse de même à l'égard de l'Ukraine, dans laquelle il déverse actuellement des armes.

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Il est significatif que sur la carte des conflits, où plus d'un millier de personnes sont mortes au cours des cinq dernières années à cause des combats, l'Ukraine soit présente, mais qu'elle ne soit pas du tout mentionnée dans le document lui-même. Au lieu de cela, il mentionne régulièrement l'Afghanistan et les divers programmes que les États-Unis y ont mis en œuvre.

La plus récente Stratégie de prévention des conflits et de promotion de la stabilité (publiée en 2020) souligne un changement d'approche globale dans les interventions que les États-Unis entreprennent.

"Plutôt qu'une construction de la nation pilotée de l'extérieur, les États-Unis soutiendront des solutions politiques pilotées localement qui s'alignent sur les intérêts de sécurité nationale des États-Unis. Plutôt que des efforts fragmentés et de grande envergure, les États-Unis cibleront les facteurs politiques à l'origine de la fragilité. Plutôt que de déployer des efforts diffus et illimités, les États-Unis s'engageront de manière sélective en fonction des intérêts nationaux, des progrès politiques du pays hôte et de paramètres définis. Plutôt que de mettre en œuvre un ensemble disparate d'activités, les États-Unis intégreront stratégiquement leur réponse politique, diplomatique et programmatique".

En effet, les États-Unis avaient l'habitude de pratiquer le soi-disant "nation-building" - leur propre concept, imposé aux autres pays comme la seule recette correcte pour le développement de l'État. L'Afghanistan est un exemple parfait de la justesse et de l'efficacité de ce modèle. Bien sûr, là-bas, la priorité était donnée à toutes ces attitudes libérales-démocratiques qui existent aux États-Unis, sans tenir compte des spécificités culturelles et religieuses du pays cible.

Mais dans la nouvelle approche, là encore, l'intérêt principal est d'assurer la sécurité des Etats-Unis. Les facteurs qui seront retenus comme contribuant à l'instabilité dépendent entièrement des décideurs à Washington. Il ne fait aucun doute qu'au Liban, par exemple, ils incluront le parti politique Hezbollah et leurs alliés parmi ces facteurs. Mais il est peu probable que les forces d'autodéfense kurdes en Syrie, que la Turquie considère comme un groupe terroriste et la Syrie elle-même, du moins, comme une opposition armée, figurent sur cette liste. Car ce sont des forces qui sont utilisées comme des proxies par les États-Unis eux-mêmes.

Examinons les objectifs spécifiés dans cette stratégie. Le premier, intitulé "Prévention", indique que l'un des objectifs est de "développer et/ou renforcer les systèmes d'alerte précoce et les plans d'action précoce locaux, nationaux et régionaux, soutenus par une diplomatie préventive".

Rappelons que la diplomatie préventive n'est rien d'autre qu'un ensemble de menaces verbales adressées à un acteur. Bien que le site web de l'ONU donne une formulation plus douce - "actions diplomatiques visant à prévenir les désaccords entre les parties, l'escalade des désaccords existants en conflit, ainsi qu'à limiter la propagation des conflits existants".

Elle peut être trompeuse, tout comme la doctrine de la "responsabilité de protéger", qui, à en juger par la pratique et les réactions d'un certain nombre de pays, est l'apanage exclusif de l'Occident. Comme aucun des auteurs de cette doctrine ne s'est précipité pour défendre la population russophone en 2014 après le coup d'État en Ukraine et la répression militaire qui a débuté dans le sud-est de l'Ukraine, la diplomatie préventive sera également dirigée contre les pays et les gouvernements qui ne sont pas des clients et des satellites des États-Unis.

De même, le deuxième objectif, intitulé "Stabilisation", se lit comme suit : "Aider les acteurs nationaux et locaux, y compris, entre autres, la société civile et les femmes dirigeantes, à négocier et à mettre en œuvre des accords de paix ou des cessez-le-feu durables et inclusifs et les dispositions connexes en matière de justice transitionnelle et de responsabilité".

La manipulation des ONG et des projets de genre par les États-Unis est connue depuis longtemps. Et les auteurs ne font ici que souligner ces facteurs.

La stratégie mentionne également les outils que sont les sanctions, la pression financière, le renseignement, la surveillance et les communications stratégiques.

D'autres documents sont également mentionnés dans le guide de stabilisation. L'un d'eux est la stratégie américaine sur les femmes, la paix et la sécurité (dernière version publiée en juin 2019).

Elle peut être utilisée comme une justification supplémentaire de l'intervention, car les quatre lignes d'effort peuvent être interprétées comme justifiant les interventions.

    - Rechercher et soutenir la préparation et la participation significative des femmes du monde entier aux processus décisionnels liés aux conflits et aux crises ;

    - Promouvoir la protection des droits fondamentaux des femmes et des filles, l'accès à l'aide humanitaire et la sécurité contre la violence, les abus et l'exploitation dans le monde entier ;

    - Ajuster les programmes internationaux des États-Unis pour améliorer les résultats en matière d'égalité et d'autonomisation des femmes ;

    - Encourager les gouvernements partenaires à adopter des politiques, des plans et des capacités pour améliorer la participation significative des femmes aux processus liés à la paix et à la sécurité et aux institutions décisionnelles.

Enfin, le dernier document clé mentionné est la directive n° 3000.07 du Pentagone sur la guerre irrégulière.

Elle stipule que les activités liées à la guerre irrégulière seront intégrées aux efforts des autres agences du gouvernement américain (USG), des partenaires étrangers en matière de sécurité et de certaines organisations internationales en soutenant :

    - Les politiques, plans et procédures combinés, y compris la formation, l'éducation et les exercices en collaboration qui favorisent l'interopérabilité.

    - Des équipes civilo-militaires intégrées.

    - Les stratégies et opérations d'information visant à neutraliser la propagande de l'adversaire et à promouvoir les intérêts stratégiques des États-Unis.

    - Efforts pour améliorer le partage de l'information, le cas échéant, afin de synchroniser la planification, l'exécution et la transition des activités d'IW et de maintenir la compréhension partagée de l'environnement opérationnel nécessaire pour contrer les défis ou les menaces irrégulières.

    - Intégration des exigences et des capacités collectives dans les efforts de planification unifiée afin d'optimiser le développement et l'emploi des capacités.

    - Fourniture de services gouvernementaux essentiels, restauration des infrastructures d'urgence et secours humanitaire, si nécessaire.

Comme on peut le voir, une fois de plus, les intérêts stratégiques des États-Unis sont mentionnés, mais même les actions des forces d'opérations spéciales, dont la prérogative est la guerre irrégulière, indiquent la nature clairement non pacifique des intentions elles-mêmes, sans parler des actions pratiques possibles.

samedi, 30 septembre 2017

Washington va-t-il ouvrir un nouveau front anti-russe dans le Tadjikistan?

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Washington va-t-il ouvrir un nouveau front anti-russe dans le Tadjikistan?

par Jean Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

On peut penser qu'après avoir subi défaites sur défaites dans son effort de plus de 20 ans visant à déstabiliser la Russie, Washington ne s'en tiendra pas là. Il ne le fera pas directement, mais par « proxies » interposés.
 
Ce terme de plus en plus utilisé désigne les différentes factions islamistes que les Etats-Unis n'ont cessé d'armer, de financer et de conseiller avec l'aide de leurs forces spéciales. Plus personne ne doute de la chose aujourd'hui, alors que Bashar al Assad est en train de récupérer une souveraineté presque entière sur la Syrie. Il apparaît en effet que l'Etat islamique, utilisant des armes abondamment fournies par des intermédiaires aux ordres de Washington, est encore pratiquement le seul à lutter contre les forces syriennes au nord-est de l'Euphrate. Même Israël, grand allié des Etats-Unis, semble avoir renoncé à exiger le "Assad must go".

Or la Russie dispose de points faibles connus depuis longtemps. Il s'agit des Etats dits du « stan », dont le Tadjikistan est le plus connu. Même si ces Etats entretiennent officiellement de bonnes relations avec Moscou, dont ils s'étaient émancipés à la chute de l'Union soviétique, ils sont peuplés essentiellement de musulmans parmi lesquels la CIA et autres services secrets américains n'auront aucun mal à recruter des djihadistes près à mener le combat, non seulement dans ces pays eux-mêmes, mais au coeur de la Russie. Ils reprendraient un combat que pendant des années les terroristes tchétchènes avaient mené en Russie même, et dont Vladimir Poutine avait fini par se débarrasser.

Des experts militaires russes se disent convaincus qu'aujourd'hui l'Amérique va entreprendre par différents moyens, dont l'aide à des nationalistes prêts à devenir des terroristes, de déstabiliser l'Asie centrale. Le Tadjikistan est le plus vulnérable, mais l'Ouzbékistan et le Turkménistan le seront aussi.

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Moscou aura beaucoup de mal à lutter contre des factions islamistes s'implantant dans ces pays, abondamment pourvues en argent et en armes par les services américains. Il pourra aussi difficilement empêcher que des djihadistes ne s'infiltrent en Russie même. Vladimir Poutine est bien conscient du problème, mais il y a tout lieu de penser que Washington va engager de gros moyens, de moins en moins clandestins, pour lui rendre cette tâche difficile.

 

mercredi, 12 octobre 2016

The Legacy of United States Interventionism

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The Legacy of United States Interventionism


The following in an edited version of a paper I presented two weeks ago in a debate on the topic “When should the US use force abroad and what lessons should we learn from America’s use of force in Iraq and how should those lessons inform decisions on future military missions abroad?”

There are really two questions here – when is the use of force justified in the context of the key word “abroad” and what have Americans learned regarding overseas interventions from the Iraq experience. As a foreign policy adviser for Ron Paul in 2008 and 2012, I lean in a non-interventionist direction, but that is at least somewhat due to that fact that recent interventions have not worked very well and have in fact increased the number of enemies rather than reduce them while also killing nearly 7,500 American soldiers and more than a million inhabitants of the countries Washington has become entangled with. One might also reasonably argue based on post 9/11 developments that destabilizing or attacking other countries consistently makes bad situations worse and has a tendency to allow problems to metastasize. This is sometimes referred to as blowback.

interventionlatam.jpgNevertheless, anti-intervention does not necessarily mean anti-war when war becomes the only option to protect vital interests, but armed conflict cannot be entered into lightly. There is in fact a simple answer to when to use force: it is to defend the United States itself against a clearly defined threat to the country or to a genuine vital interest. Indeed, unless a vital interest is threatened the US has no right to intervene anywhere. And how to use force is also simple: it is up to Congress to declare war as required by the Constitution. But the Constitution of the United States did not envision major deployments of American soldiers, sailors, Marines and airmen overseas, nor did it consider the existence of more than 1,000 military bases worldwide. Indeed, the US has not faced a domestic armed threat since Pancho Villa raided New Mexico in 1916, so it is necessary to consider war-making in a contemporary context.

Those who see America’s future wars as taking place “abroad” are to be sure recognizing the geographical isolation of the United States but they are also essentially promoting the principle that the country should best be defended preemptively and at a distance. Any argument for forward-defense should be based on “Just War” doctrine and must include an imminent threat. It would not include the currently fashionable humanitarian interventions, democracy promotion by force of arms, or wars of choice.

To cite the example of Iraq, if Saddam Hussein had indeed had gliders capable of flying across the Atlantic Ocean with chemical or biological weapons and had the intent to use them then attacking him would have been fully justified with or without UN permission. But lacking capability and intent to actually threaten the United States, avoiding overseas military engagement is invariably the most ethical and realistic option. Unleashing violence on a foreign government and its captive civilian population inevitably produces unforeseen consequences that result in haphazard mission creep long after the initial targets of the attack have been destroyed.

Even when a military initiative is considered inevitable it should conform to the so-called Colin Powell doctrine: it should be an unambiguously vital interest, it should be the last available option, it should have a clear and achievable objective with risks and costs clearly explained, consequences of the action must be understood and it should have a timetable and exit strategy. The American people must understand and support the mission and ideally foreign support should also be in place. It has been alleged that Powell also subsequently added the Pottery Barn rule – “once you break something, you own it.” This has been interpreted to mean that regime change has consequences. The successful invader becomes the new government and has to figure out what to do with the millions of people that now have to be fed, housed and taken care of.

The lessons learned from Iraq are several and they reflect failure to satisfy some key elements of the Powell doctrine. Active monitoring and discussions over Iraq’s weapons were ongoing when the decision to go to war was made by Washington so the war was not a last option. There was in fact no vital interest at stake, though that might not have been clear to everyone at the time. The objective to bring about regime change was both clear and easily achievable but there was not much consideration of what would happen on the day after or of consequences both for the region and the Iraqi people. There was no timetable and no exit strategy and the mission morphed into nation building, not a fit task for anyone’s military and also an endeavor which was already in considerable trouble in Afghanistan.

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All of the complications involving Iraq were exacerbated by a failure in intelligence from start to finish. The US intelligence community exists in theory to supply policy makers with objective information regarding what is going on in the world that might threaten either the United States or its interests. Information is its sole product because the intelligence agencies traditionally are not involved in policy for very good reasons – information untainted by political considerations, even if it is ignored, must be provided to permit the best possible decision making.

To be sure the line between intelligence and policy has been crossed more than once in the past seventy years and information has often been politicized as in the Soviet estimate, which made Moscow appear to be both more threatening and capable than it actually was. But the lead up to the Iraq war took intelligence tampering to a whole new level. Sir Richard Dearlove, head of Britain’s MI-6, and a key player in the Anglo-American effort to make a case against Saddam, said subsequently that the intelligence has been “sexed-up” to make it more convincing regarding Iraq’s alleged weapons of mass destruction. The so-called Downing Street memo confirmed that the “intelligence and facts were being fixed around the policy” rather than vice versa and Dearlove specifically claimed that questionable evidence was being described as solid in making assessments.

In Washington meanwhile, George Tenet and his CIA staff were frequent visitors at the White House and fully on board to the fallacious propositions that Saddam had connections with al-Qaeda and that weapons of mass destruction were in the Iraqi arsenal together with systems to deliver them on target. Sources like Curveball in Germany were simultaneously being discounted by the operations officers closest to the cases even as senior managers at the Agency were heedlessly using the information he provided as proof of Saddam’s ill intent. In late 2002 CIA working level analysts were highly skeptical of the case for war being made but those concerns somehow vanished by the time the analysis reached the building’s seventh floor, which was closely collaborating with the White House. There was also considerable broader intelligence community dissent, particularly over the aluminum tubes, which never made its way into final briefing papers. This rush to war culminated in Tenet’s UN appearance to give credibility to Colin Powell’s speech indicting the Saddam regime. Powell subsequently described the intelligence he had been given as “deliberately misleading.”

Elsewhere in the system fabricated information about Iraq seeking yellowcake uranium from Niger was cherry picked and stove-piped through the Pentagon’s Office of Special Plans and on to the White House, supplemented by false intelligence provided by Iraqi exile and known fabricator Ahmed Chalabi, who eventually turned out to be an Iranian agent. All of this arrived on the desks of policymakers in the White House and almost certainly had an impact on the decision to go to war. While it is by no means clear that war could have been prevented if the intelligence product had been better, a second opinion certainly might have caused some of the supporters of intervention to hesitate.

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As it is critically important to get the intelligence right so the decision making will be shaped around reality rather than overblown expectations, the firewall between intelligence and policy has to be maintained at all costs. That firewall was broken in the lead up to Iraq and Iraq demonstrated that bad intelligence produces bad results just as it did some years later in regard to Libya. And the problem persists in that assessments made at the working level and on the ground regarding Afghanistan have been for years pessimistic even as the intelligence community continues to support White House efforts at nation building.

Military interventions are a poor policy choice for both moral and practical reasons, but it would appear that they constitute a regrettable option that the United States will most likely continue to exercise given the expressed foreign policies of both major parties. War as a preferred instrument for resolving international disputes is a symptom of a government which outwardly appears to have all the tools to respond competently but which in reality is dysfunctional. The breakdown of the intelligence product during Iraq was, unfortunately, not a one off. Ultimately, the CIA and DNI work for the president and they will do what the chief executive wants. That is the reality and it is the situation that prevails currently with largely unrestrained executive authority. Looking to Iraq to fix things is a futile exercise. We should instead be looking at the kind of nation that we want to be and trying to establish a new normal without maintaining a continuous state of war either abroad or here at home.

Reprinted with permission from Unz Review.

samedi, 31 mai 2014

Comment on justifie les “interventions”...

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Bernhard TOMASCHITZ:

Comment on justifie les “interventions”...

De la notion d’Etat failli en Afrique

Depuis plus de vingt ans, on évoque les “Etats faillis” dans tous les débats internationaux. Les Etats menacés de faillite sont souvent des Etats dont les frontières sont incertaines et ont été jadis fixées par les puissances coloniales. Pourtant les “Etats faillis” ou “affaiblis” recèlent de bonnes opportunités pour les puissances mondiales. Ils offrent autant d’opportunités à intervenir, à s’incruster sur d’autres continents; ensuite, le processus de “nation building” s’avère très lucratif, permet de faire de très bonnes affaires.

Dans le Sud-Soudan, le conflit, qui y sévissait depuis décembre 2013, a subitement gagné en intensité fin avril 2014: ce conflit oppose l’ancien vice-président Riek Machar au président en exercice Salva Kiir. Les rebelles, pour la plupart partisans de Machar, avaient commis un massacre dans la ville de Bentiu (plus de 200 morts), comme le rapporte l’ONU. Ces turbulences nous amènent à nous poser une question: le Sud-Soudan, devenu indépendant en juillet 2011, doit-il déjà être considéré comme un Etat failli?

Généralement, on parle d’Etat failli, de “failed state”, quand on évoque un Etat qui ne peut plus remplir ses fonctions fondamentales. La Somalie, l’Afghanistan, le Yémen, la République Démocratique du Congo, la République centrafricaine et Haïti sont des exemples emblématiques d’Etats qui, de facto, n’existent plus que sur le papier et où le gouvernement central a perdu le contrôle de larges portions du territoire national ou n’y exerce plus qu’une autorité limitée.

Le concept d’Etat failli est apparu pour la première fois en 1992 dans une revue américaine spécialisée en relations internationales, “Foreign Policy”, où l’on trouvait un article de Gerald Helman et Steven Ratner, qui disait: “Un phénomène inquiétant émerge, celui de l’Etat national failli, devenu totalement incapable sur le long terme de devenir un membre à part entière de la communauté internationale. Des troubles intérieurs, l’effondrement des structures gouvernementales et la misère économique débouchent, ensemble, sur une destruction complète, pareille à celle que connaissait l’Allemagne après la seconde guerre mondiale”.

Lorsque Helman et Ratner ont publié leur article, c’était la Somalie, pays de la Corne de l’Afrique, qui faisait la une de l’actualité internationale. Après la chute en 1991 du dictateur marxiste Siad Barré, auparavant soutenu par l’Union Soviétique, le pouvoir central s’était progressivement érodé; des chefs de guerre locaux et, plus tard, des bandes d’islamistes (qu’on disait proches du réseau terroriste Al Qaeda) se sont emparé du pouvoir. En 1993, sous la direction des Etats-Unis, l’ONU est intervenue mais la mission a lamentablement échoué.

Depuis lors, les Américains font une véritable fixation sur les “Etats faillis”, mais leurs préoccupations ne sont pas pour autant humanitaires. En effet, le concept d’Etat failli a une utilité: on décrit de tels Etats comme autant de dangers pour les Etats-Unis mais leur existence permet, simultanément, de maintenir les budgets très élevés de la défense après l’effondrement du rival géopolitique soviétique, de justifier ces dépenses face aux contribuables américains. La définition de l’Etat failli va toutefois de paire avec l’idée de “nation building”, soit de reconstruction des structures étatiques. Pour affronter et combattre les problèmes soulevés par la diffusion du terrorisme, par la “chaotisation” de régions entières ou par les catastrophes écologiques et leurs causes, le Professeur Michael Mazarr du “National War College” (une université de l’armée américaine) avance la thèse suivante depuis les années 90: “Les Etats-Unis doivent aller de l’avant et aider les pays dont question”. Mazarr évoque dans ce contexte un “engagement d’ampleur néo-impériale”. Il ajoute: “Les Etats-Unis sont allés de l’avant, surtout, et de manière bien visible, dans les longues campagnes menées en Afghanistan et en Irak”.

George W. Bush, au début de sa carrière, n’aimait pas trop les interventions militaires dans les “Etats faillis”: “Laissez-moi vous dire ce qui m’inquiète; je suis inquiet devant tous mes interlocuteurs qui utilisent les notions de ‘reconstruction étatique’ et d’’intervention militaire’ dans la même phrase”. Ce sont ces termes mêmes qu’il a utilisés, un jour, pendant la campagne électorale de 2000, en faisant allusion aux idées du candidat démocrate à la présidence, Al Gore, qui était partisan de telles interventions “reconstructrices”. Pourtant, après les attentats du 11 septembre 2001, Bush, sous l’influence des néo-conservateurs ancrés dans son gouvernement et dans l’équipe de ses proches conseillers, va changer radicalement d’avis. Ainsi, dans le texte fixant “la stratégie nationale de sécurité” de 2002, on peut lire: “L’Amérique n’est plus tant menacée aujourd’hui par des Etats conquérants que par des Etats faillis”.

Tout en haut de la liste des Etats, dont émanait soi-disant un danger pour la “sécurité nationale” des Etats-Unis, se trouvait bien entendu l’Afghanistan. Ce pays montagneux de l’Hindou Kouch était campé comme un “havre sûr” pour les terroristes islamistes et comme un repère pour Al Qaeda: tels étaient les arguments américains pour envahir le pays en octobre 2001. Les “Etats faillis” sont donc des “havres sûrs” pour les terroristes: cette équation est encore et toujours posée aujourd’hui. Par ce tour de passe-passe, on camoufle les véritables intérêts qui sont en jeu.

Michael Mazarr montre que l’index des Etats faillis, dressé par “Foreign Policy”, et auquel on fait si souvent référence dans les débats, ne constitue pas pour autant une liste de priorités pour la sécurité nationale des Etats-Unis. Seuls trois Etats parmi les vingt premiers de la liste (l’Afghanistan, l’Irak et le Pakistan) détiennent une importance géostratégique, à cause, précisément, de “leurs liens avec le terrorisme”. Quant à la “menace terroriste”, Mazarr écrit: “Ce n’est pas vraiment le danger terroriste qui est mis en exergue dans la liste des Etats affaiblis: seul un Etat parmi les vingt premiers de la liste, le Soudan, se retrouve sur une autre liste, celle du Ministère des Affaires étrangères, qui reprend les Etats qui financent le terrorisme; la plupart des autres Etats affaiblis n’ont qu’un rapport très marginal avec le terrorisme”.

En mars 2003, la guerre d’agression est déclenchée contre l’Irak qui, sous la férule de Saddam Hussein, n’était nullement un Etat failli mais, au contraire, un Etat qui fonctionnait bien. Aujourd’hui, après sa “libération”, l’Irak est menacé d’effondrement définitif et des attentats sanglants ponctuent la vie quotidienne, devenue bien précaire, de ses habitants. La construction d’un Etat démocratique de modèle occidental, pour autant qu’elle ait été même envisagée, a échoué sur toute la ligne. Cependant, la destruction délibérée des structures de cet Etat a permis au complexe militaro-industriel américain de faire de substantiels bénéfices.

Très éclairante à ce propos est une étude réalisée par William D. Hartung en 2008. Dans son introduction, ce spécialiste des dépenses militaires, actif au sein de la boîte-à-penser “New America Foundation”, constate que le coût des dépenses pour la défense après le 11 septembre 2011 n’a cessé d’augmenter et que cet accroissement ininterrompu s’est poursuivi tout au long de la décennie 2000-2010. Dans son ensemble, le budget régulier alloué au Pentagone et les dépenses complémentaires pour les opérations en Afghanistan et en Irak ont atteint la somme annuelle de 700 milliards de dollars, le chiffre le plus élevé depuis la seconde guerre mondiale.

Plus de la moitié de ces 700 milliards de dollars, soit 400 milliards de dollars, ont abouti dans l’escarcelle de partenaires contractuels privés du ministère américain de la défense. Hartung se fait alors plus précis: “Les grands partenaires contractuels du Pentagone ont pu quasiment doubler leurs chiffres d’affaires et leurs carnets de commande pendant les années fiscales de 2001 à 2008”. Il s’agit bien entendu des industries de l’armement. L’entreprise Lockheed Martin a encaissé à elle seule, rien qu’en 2008, la somme de 29 milliards de dollars sur base de contrats signés avec le Pentagone. Cette entreprise a dès lors reçu plus d’argent des contribuables américains que l’agence pour la protection de l’environnement (7,5 milliards de dollars), que le ministère du travail (11,4 milliards) ou que le ministère de la mobilité (15,5 milliards).

Même après les guerres sans succès menées en Afghanistan et en Irak, Washington demeure obnubilé par les Etats faillis ou fragilisés, qui doivent recevoir de l’aide pour éviter la faillite totale. Dans le document “Global Trends 2030”, émis par le “National Intelligence Council” (une organisation chapeautant les seize services de renseignement américains) en décembre 2012, on peut lire: “Le modèle que nous avons élaboré montre que bon nombre d’Etats fragiles ou faibles, comme l’Afghanistan, la République Démocratique du Congo et la Somalie, demeureront encore et toujours très fragiles dans les quinze ou vingt années à venir”.

Les Etats faillis ou affaiblis demeureront dans l’avenir une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis comme l’atteste notamment la “Quadrennial Defence Review” (QDR) de 2014. Cette publication consiste en un rapport, établi tous les quatre ans, sur les plans de défense américains. On y constate: “Troubles et violences ne cessent pas d’exister, créant un environnement fertile pour l’extrémisme violent et pour les conflits sectaires, surtout dans les Etats faibles, qui s’étendent du Sahel à l’Asie méridionale, où les citoyens américains expatriés courent des dangers”. Le Pentagone cherche à éliminer ce type de situation en “ré-équilibrant ses efforts dans la lutte contre le terrorisme”, stratégie qui doit se déployer prioritairement en suscitant des “capacités de partenariat”, surtout dans les Etats affaiblis. Les Etats-Unis ne veulent pas seulment renforcer les partenariats existants mais aussi et surtout créer de “nouveaux partenariats innovateurs”.

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Dans la pratique, cela signifie que Washington tentera désormais d’installer de nouvelles bases militaires à l’étranger. En 2005, on estimait que les Etats-Unis entretenaient environ 750 installations de plus ou moins grande ampleur dans le monde. La concentration de leurs efforts sur la zone du Sahel nous permet de conclure que c’est désormais en Afrique que le déploiement militaire américain aura lieu dans les années à venir. Ce n’est toutefois qu’en 2007 que l’AFRICOM fut mis sur pied, soit le commandement militaire américain pour l’ensemble de l’Afrique, sauf l’Egypte. Or ce sont précisément les Etats “faillis” ou “faibles” qui ont été déterminants pour la création de ce commandement régional africain des forces armées américaines. Parmi les tâches que s’assigne l’AFRICOM et ses partenaires, il y a bien sûr, “contrer le danger que représente les agissements d’Al Qaeda et d’autres groupes extrémistes, les empêcher d’avoir des havres sûrs et de poursuivre leurs activités déstabilisatrices”.

Si l’on veut donner un bon exemple d’Etat failli qui a servi de prétexte aux Américains pour s’incruster dans la région, on doit immanquablement citer la Somalie. Dans ce pays, les Etats-Unis et l’Union Européenne soutiennent la mission AMISOM de l’Union Africaine et combattent, avec leurs forces navales, la piraterie dans le Golfe d’Aden. La pièce maîtresse des Etats-Unis dans la région est le fameux Camp Lemonnier à Djibouti, petit Etat situé au nord de la Somalie. Le 16 avril 2014 le journal militaire américain “Army Times” écrit, à propos de cette base américaine: “Les dangers qui ont émergé dans cette région nous ont aidé à transformer le point d’appui américain de Camp Lemonnier, sur la côte orientale de l’Afrique, à Djibouti, qui n’était plus qu’un poste éloigné à moitié en ruines et n’abritant que deux centaines de soldats, en une plaque tournante pour les missions de l’AFRICOM et en une base capable d’accueillir plusieurs milliers de soldats américains”.

En Afrique, l’Union Européenne, elle aussi, tente de s’implanter, sous l’impulsion de la France; elle cherche ainsi à stabiliser d’autres “Etats faillis”. Au début de l’année 2013, Paris a forcé la main de ses partenaires européens pour qu’ils acceptent le principe d’une mission de l’UE au Mali, où, un an auparavant, des islamistes avaient pris le contrôle du Nord du pays et avaient proclamé l’indépendance de l’Etat dit d’Azawad, non reconnu par la communauté internationale.

Au Mali, l’enjeu n’était pas tant la sauvegarde de l’unité du pays et la lutte contre le terrorisme islamiste: il s’agissait bien plutôt d’intérêts autres dans ce pays d’Afrique occidentale, notamment de sécuriser l’exploitation de richesses naturelles car le Mali est le troisième producteur d’or en Afrique et dispose également d’importantes réserves d’uranium, de cuivre et de bauxite. Qui plus est, bon nombre d’indices semblent indiquer que le Mali recèlerait en son sous-sol des réserves pétrolières. Dans un rapport établi par le ministère malien de l’énergie et des mines, on peut lire: “Le Mali pourrait bien devenir un espace de transit stratégique pour l’exportation de pétrole et de gaz provenant de la région du Sud-Sahara et qu’il s’agira d’acheminer vers le monde occidental; de plus, il sera sans doute possible de relier le bassin de Taoudeni au marché européen via l’Algérie”.

Les “Etats faillis” sont donc principalement perçu par les stratégistes sous l’angle de la géostratégie et de la géoéconomie. Cependant, si l’on s’en tient à ces seules réalités géographiques et économiques, on oublie les véritables racines des troubles qui secouent toute l’Afrique. Ces turbulences incessantes révèlent l’impossibilité de “construire des nations” (“nation building”) dans les Etats actuels du continent noir. Très souvent sinon toujours, les “Etats faillis” sont des constructions arbitraires dont les frontières artificielles remontent à l’ère coloniale, quand on ne tenait absolument pas compte des équilibres entre ethnies et tribus. La vague de décolonisation a, elle, apporté d’autres problèmes.

Gerald Helman et Steven Ratner attiraient déjà notre attention en 1992: l’ONU et ses Etats membres ont accordé plus de poids au droit à l’autodétermination des anciennes colonies qu’à leurs chances de survie. “Tous étaient d’accord pour dire que les nouveaux Etats avaient besoin d’aides économiques; l’ONU a donc incité des institutions comme la Banque mondiale et l’UNDP (“United Nations Development Programme”), à aider ces pays (...). A cette époque, dans l’euphorie de la décolonisation, à laquelle on voulait donner du sens, on considérait comme totalement inconvenant de penser que des Etats pouvaient faillir, qu’ils seraient à terme incapables de fonctionner en tant qu’entités indépendantes”.

Pour résoudre les problèmes endémiques d’un grand nombre d’Etats africains, il ne faut plus construire des Etats artificiels, imaginés par l’idéologie universaliste, mais il faudrait bien plutôt procéder à une modification généralisée du tracé des frontières inter-africaines, sous l’égide de comités internationaux.

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°19/2014, http://www.zurzeit.at ).