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dimanche, 27 septembre 2015

Un rapport secret Américain montre que Obama a soutenu l’Etat islamique contre Bachar

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Un rapport secret Américain montre que Obama a soutenu l’Etat islamique contre Bachar

par Sylvia Bourdon

Ex: http://fr.awdnews.com

Un rapport secret Américain, montre que l’Occident observait déjà, depuis 2012 l’émergence de l’Etat Islamique. Malgré cela, les Américains ont laissé faire. Ils virent une chance de déstabiliser Bachar pour le faire tomber. Ce document témoigne d’une erreur politique majeure, dont découle ce tsunami migratoire vers l’Europe et une considérable restriction des libertés des citoyens et de leurs droits fondamentaux.

L’opinion publique Occidentale observait avec un immense étonnement, en été 2014, la naissance de l’Etat Islamique surgir du néant. Malgré les observations d’un grand nombre de services secrets, personne n’arrivait à expliquer, comment des troupes d’islamistes radicaux, extrêmement bien équipés en armement, purent devenir du jour au lendemain, la plus grande menace pour la paix mondiale. Dès lors, il ne se passe plus un jour qui ne prouve, que les soldats d’Allah sont devenus le plus grand danger pour l’Europe. Les droits des citoyens en Europe, comme aux Etats Unis ont été considérablement réduits et les musulmans sont depuis soumis à toutes les suspicions. La situation en Syrie va de mal en pis. Des milliers de Syriens viennent se réfugier en Europe, où leur sont opposés méfiance et rejet. Dans les discussions actuelles sur le dossier « réfugiés », on « réfléchit » sur ces vagues de réfugiés pour étudier, comment arrêter ces flux sur place.

Concernant la Syrie et la Libye, les suggestions restent dans le vague, ce qui donne l’impression que, dans le fond, on ne peut rien faire. Les guerres existent depuis toujours et partout. L’UE envoie des navires de guerre en Méditerranée, pour tirer sur les bateaux des « réfugiés » malgré les avertissements des organisations humanitaires. En même temps, les grands Etats Européens, comme l’Angleterre, la France, la Pologne ou l’Espagne refusent d’accueillir plus de réfugiés.

Désormais, des documents ont fait surface, qui démontrent, que toutes ces calamités auraient pu être vraisemblablement évitées. Un mélange d’incompétence, de cynisme et de froids calculs de pouvoirs, auraient conduit à cette situation devenue hors contrôle par la fondation de l’Etat Islamique.

L’observatoire Américain « Judicial Watch » vient de publier une partie d’un rapport « déclassé » du Service Secret Américain de la Défense, la Defense Intelligence Agency (DIA). De ce rapport ressort que, dès 2012, la DIA possédait des données qui démontraient la formation de l’Etat Islamique au Moyen Orient. Selon le rapport, des groupes d’opposition Syrienne ambitionnaient un tel Etat, comme une arme efficace pour faire tomber le Président Bachar El Assad. Cependant, les services secrets Américains n’auraient pas empêché ce projet. Bien au contraire, ils y voyaient une chance d’y imposer leurs propres intérêts aux Moyen Orient. Le but essentiel, en 2012 étant la chute d’Assad.

Le journaliste d’investigation, Nafeez Ahmed, qui collaborait au Guardian et aujourd’hui au magazine US, Vice, publie sur leur site web une analyse sans illusion sur le développement de la situation. Il affirme que les Etats Occidentaux, en coordination avec les pays du Golfe et la Turquie, financèrent en toute conscience ces groupes islamistes violents aux fins de déstabiliser Assad, tout en anticipant la création de l’Etat Islamique en Irak et en Syrie. Au lieu d’arrêter leur soutien à ces groupes, dont la proximité avec Al Qaida était connue, Washington et les autres capitales Européennes ont persisté à regarder ce développement comme positif.

Ahmed rapporte :

« De ce document déclassé US, découle clairement que le Pentagone, prévoyait l’émergence de l’Etat Islamique, comme suite directe de leur stratégie. Le Pentagone décrit cette possibilité, comme une chance stratégique pour déstabiliser le régime Syrien. »

Cette stratégie fait suite, selon le « Middle East Eye » aux réflexions de la RAND Corporation, qui avait déjà, il y a des années, recommandé de monter les unes contre les autres, les différentes croyances musulmanes. Si les chiites et les sunnites se combattent, cela augmenterait les possibilités d’influence dans la région. La stratégie « divide et impera », diviser pour mieux régner est devenue partie intégrante de toutes les activités politiques.

Ahmed, qui est un journaliste de sérieuse réputation, dont les analyses solides reposent sur des entretiens avec un grand nombre de spécialistes militaires et services secrets, estime comme « hypocrite », lorsque l’Occident déclare vouloir mener la guerre à l’Etat Islamique. Il désigne la signification géostratégique du conflit, comme une guerre de substitution. Les précurseurs de l’Etat Islamique auraient reçu des fonds et des armes de l’Occident, comme indiqué dans le rapport : « L’Occident, les pays du Golfe et la Turquie doivent soutenir l’opposition Syrienne, pendant que la Russie, la Chine et l’Iran soutiennent le régime Assad. De ce rapport secret est mis en exergue, que tous les services secrets Américains, étaient au courant, comme le Ministère de la Défense, le Secrétariat d’Etat, ainsi que les alliés Occidentaux. Est-ce que l’Allemagne étant informée des projets des islamistes, ne ressort pas directement des documents. Cependant, aux vues de cette large coalition contre l’EI, on peut le supposer.

L’émergence de l’Etat Islamique a mis en place de nouvelles dispositions de lutte contre le terrorisme, comme la surveillance de masse et le devoir « Orwellien » de dénonciation.  Ce que le gouvernement Américain et les gouvernements Européens traduisent en censure des médias, la scrutation d’activistes, de journalistes et des minorités ethniques, en particulier les musulmans. Mais, ce rapport du Pentagone dévoile, contrairement à ce que déclarent les gouvernements Européens, que la menace a bien été provoquée par leurs funestes erreurs politiques qui ont consisté à avoir soutenu secrètement la terreur islamique, pour des raisons de géopolitique douteuses.

Sylvia Bourdon

Homo Exhibus: l’obsession de la transparence

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Homo Exhibus: l’obsession de la transparence

Les médias, la politique et la publicité ont un nouveau Dieu :  la transparence, une injonction moderne qui se veut synonyme de vérité. Mais comment rester aveugle face à son action totalitaire ? Comment ne pas y voir un mensonge en filigrane, c’est-à-dire une dissimulation supplémentaire ?

Pour promouvoir dans une publicité son amour de la vérité, une compagnie d’assurances n’hésite pas à se mettre totalement nue, car « la transparence est notre priorité ». Le marketing nous en dit long ici : dans cette mise à nu (toutefois partielle, car sexes et seins sont dissimulés) le spectateur doit croire que la compagnie d’assurances n’a rien à cacher, qu’elle est dans le vrai. La transparence serait-elle alors le temple de la Vérité Révélée ou, plutôt, un piètre argument marketing, permettant de faire oublier les conditions de ventes qui défilent au bas du téléviseur ? La nudité, le nudisme médiatique est en train de s’emparer des écrans. Nous lui fermerions la porte, qu’elle reviendrait par la fenêtre. L’émission de télé-réalité « Adam & Eve » a apposé la pierre de touche de la société de la transparence : elle faisait se rencontrer des candidats célibataires entièrement nus. Le leitmotiv de l’émission partait du principe qu’une fois éliminée l’intimité des corps des personnes, la vérité de l’amour ne pouvait que jaillir de leurs échanges verbaux… La naïveté et la niaiserie du Bien réunies dans un même programme télévisé sous l’étendard de la transparence…

Dès 1997, Philippe Muray, dans son texte « L’envie du pénal » des Exorcismes Spirituels I, fustigeait clairement et distinctement le terme de transparence en écrivant : « Transparence! Le mot le plus dégoûtant en circulation de nos jours ! Mais voilà que ce mouvement d’outing commence à prendre de l’ampleur. » Mais de quel dégoût parle-t-il au juste ? Pourquoi la transparence est-elle à dénoncer, puisqu’elle serait le générateur du Vrai ? C’est justement à cet endroit que la transparence ou, plutôt, la transparence comme étendard doit être vomie définitivement. « Soyez transparent ! », s’exclame Homo Exhibus, tapit dans l’ombre de ses intentions, « Montrez-vous et le Bien régnera ainsi définitivement dans ce monde emplit de mensonge, de tromperie, de trahison », « Venez comme vous êtes ! », scande le maquereau mondial du Big Mac : ne vous cachez plus, ne vous formalisez plus. Quel beau message ! Retenez vos larmes ! La transparence vous invite à consommer le Vrai à pleines dents, la modernité dégoulinante de bonnes intentions. Cette volonté de démasquer, n’est-elle pas une mascarade, autrement dit un maquillage tellement évident qu’il devient invisible ? À chaque fois qu’a été mise en  place une politique de la pureté, les dérives sont notoires. La transparence, c’est la foi en la conviction de la pureté : c’est un détournement pervers de l’attention. On donne à voir une chose pour occulter le reste, « impur ». Faut-il sacrifier la liberté individuelle sur l’autel du voyeurisme social et politique ?

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Transparence contre pudeur

Dans La Terre et les rêveries de la volonté, Gaston Bachelard écrit : « nous sommes dans un siècle de l’image. Pour le bien comme pour le mal, nous subissons plus que jamais l’action de l’image ». Si l’image est pour lui la caractéristique des « temps modernes », il ne la perçoit que comme poursuite, prolongement de la littérature et de la poésie. Or, lorsqu’il écrit ce texte en 1948, Bachelard n’a pas conscience de cette dictature naissante de l’image et, a fortiori, de la transparence. Tout un lexique se développe autour de cette notion : le « parlé vrai », les « révélations », « le live », le « besoin de vérité » ou encore « en immersion » sont autant de termes représentatifs d’un désir de tout mettre à nu, termes journalistiques vides de sens. « Encore un siècle de journalisme et tous les mots pueront », assène Nietzsche dans un fragment posthume. Effectivement à force de mettre en transparence des mots, ils finissent par pourrir jusqu’au trognon à l’air libre… Le médiatique emporte avec lui tout ce qui faisait le suc de l’existence : l’invisible devient visible, le privé se meut en public. La transparence est la victoire de l’image sur la parole, du montré sur le non-dit. La Vérité entendue comme transparence est un « attentat à la pudeur », écrivait Nietzsche.

C’est la victoire du pornographique sur l’érotique. La dissimulation n’est plus fréquentable sans ce soupçon permanent qui l’accompagne. Dissimuler c’est érotiser la société, c’est-à-dire révéler le désir qui émane de la pudeur. La pudeur est morte, elle est devenue un gros mot : il se faut montrer, en montrer le plus possible pour être quelqu’un de bien. Le désir est maintenant provoqué par une transparence totale, la transparence pornographique, celle qui consiste à tout montrer, sans la délicatesse de la pudeur, réel synonyme de distinction et de goût du désir. À l’extrémisme de la nudité, à l’excès démesuré d’impudeur, la réponse est religieuse : la dissimulation intégrale, comme volonté de se protéger. Se protéger de la contrainte à la visibilité, c’est sauvegarder sa personne, son intimité.

Le politique contemporain veut utiliser la transparence afin de plonger dans le silence ceux qui oseraient se montrer contre lui. Faire transparaître pour faire disparaître, ou quand la cohérence intellectuelle brille par son absence. C’est la volonté affichée de montrer pour désacraliser, une sorte de nietzschéisme pour les pauvres, comme si tout ce qui avait, de près ou de loin, le goût du sacré était susceptible d’être « mauvais » – au sens moral du terme. La désacralisation à tout-va tient de la confusion entre l’intime et le tabou. Par définition, le tabou désigne une prohibition à caractère sacré, notamment dans les études ethnologiques, tandis que l’intime relève de qui n’est pas accessible à tous, plutôt de l’exclusivité à soi ou un autre particulier. La crise religieuse ou spirituelle que traverse l’Occident est symptomatique de cette tendance à autoriser, voire à contraindre à ce que l’interdiction de la chose interdite soit levée, autrement dit que le tabou soit dévoilé. Soyons clairs : que certains tabous n’en soient plus n’est en soi pas une chose dangereuse. Mais exterminer le tabou n’implique-t-il pas de violer l’intimité individuelle ?

L’inauthenticité de la transparence comme vérité

Pour Homo Exhibus, la vérité est dans les détails. Il se met à soupçonner tout ce qui bouge, à se montrer « attentif » au moindre petit geste, lapsus, terme abscons ou décision secrète. Il ne supporte pas que le secret soit secret, que l’opaque retienne la lumière. Homo Exhibus permet de démontrer que médias et conspirationnistes marchent tous deux main dans la main, les yeux dans les yeux : ils sont culs et chemises, mais se rejettent l’un l’autre. Les premiers se prenant pour une science, les seconds pour indépendants et donc plus à même d’être dans le vrai. Dans la Généalogie de la morale, Nietzsche exprime déjà cette dérive de la presse et son rapport au lecteur : « Si l’on considère comment tous les grands événements  politiques, de nos jours encore, se glissent de façon furtive et voilée sur la scène, comment ils sont recouverts par des épisodes insignifiants à côté desquels ils paraissent mesquins, comment ils ne montrent leurs effets en profondeur et ne font trembler le sol que longtemps après s’être produits, quelle signification peut-on accorder à la presse, telle qu’elle est maintenant, avec ce souffle qu’elle prodigue quotidiennement à crier, à étourdir, à exciter, à effrayer? Est-elle plus qu’une fausse alerte permanente, qui détourne les oreilles et les sens dans la mauvaise direction ? ». Homo Exhibus se prend pour ce qu’il n’est pas – il fait le malin.

C’est ce que Nietzsche raille et dénonce dans le livre premier du Gai Savoir. Il décide de soupçonner le soupçon et son maître, le soupçonneux. Qui est donc ce « soupçonneux » ? C’est en réalité celui qui ne croit à rien, qui trouve tout suspect, qui « cligne les yeux » devant chaque parole : cet homme c’est celui « à qui on ne la fait pas ». Voici l’Homo Exhibus. Il cherche à exhiber ce qui semble être une mascarade, un mensonge d’État, un complot international. Nietzsche le rangerait dans la catégorie des nihilistes. Se prenant pour le juste, il ne croit à rien, sauf à sa capacité à dénicher le vrai derrière le caché. Il se pense lucide en ayant l’illusion de rendre le monde translucide. Car, pour lui, ne pas voir revient à une dissimulation et donc au mensonge pur et simple : une aberration logique absolue, car « la vérité ne signifie pas le contraire de l’erreur, mais la position de certaines erreurs relativement à d’autres » (Volonté de puissance, tome I). En effet, Nietzsche défend que l’apparence n’est rien d’autre que la réalité. Il n’y a que de la surface, la profondeur en arrière-fond des choses est une illusion de la raison, qui perdue devant la multiplicité des faits se cherchent des raisons, en réalité une foi. Ipso facto, la transparence se présente en tant que négation du réel.

La transparence, avant d’être un combat formidable pour la vérité est une technique de communication marketing. Auparavant, la dissimulation, le masque, le voilage de soi, de ses paroles étaient l’instinct de survie de l’homme, c’était son intelligence de séduction. Désormais, l’idéal de la transparence devient la nouvelle foi en la survie de soi. Pourquoi parler de « communication marketing » ? Car la transparence est hologramme : les choses se montrent comme-si, mais ne le sont pas intégralement. On affiche la transparence, d’une certaine manière, on se cache derrière la transparence, loin de la lutte naïve pour la vérité. Pendant que la transparence donne à voir une chose, le reste peut être occulté, peut passer inaperçu. Paradoxal ! Cette transparence apparaît comme étant un travestissement du réel, où tout dépend du filtrage, du zoom, du cadrage sur un même plan, une même scène. En effet, la transparence est un double-vitrage qui n’empêche ni de voir ni d’être vu, mais protège celui qui veut se montrer. C’est très justement le mode du détournement d’attention dont nous parlions quelques lignes plus haut : la transparence est donc une nouvelle forme de dissimulation.

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Inlassablement, nous ne sortons jamais de la dissimulation. Il y a une double perspective d’appréhension de la transparence : naïve, qui croit sincèrement qu’on peut ouvrir les portes de la vérité et que la vérité se résume à une adéquation avec la réalité ; et dans le ressentiment, dans la mesure où cette quête sert à d’autres fins, par exemple son orgueil personnel. Qu’importe la rive sur laquelle nous nous trouvons, il faut noter que l’épanouissement de la vie se déploie justement dans l’art de la dissimulation et de l’apparence, de sorte que (sur)vivre est nécessairement une volonté de duper, de tromper, de séduire, d’amadouer pour accroître sa puissance et maintenir sa domination sur autrui. Il revient à Nietzsche de conclure cette partie, à partir de ses mots dans Humain trop humain II, « Le voyageur et son ombre » : « En tant qu’il est un moyen de conservation pour l’individu, l’intellect développe ses forces principales dans la dissimulation ; celle-ci est en effet le moyen par lequel les individus plus faibles, moins robustes, subsistent en tant que ceux à qui il est refusé de mener une lutte pour l’existence avec des cornes ou avec la mâchoire aiguë d’une bête de proie. Chez l’homme cet art de la dissimulation atteint son sommet : l’illusion, la flatterie, le mensonge et la tromperie, les commérages, les airs d’importance, le lustre d’emprunt, le port du masque, le voile de la convention, la comédie pour les autres et pour soi-même, bref le cirque perpétuel de la flatterie pour une flambée de vanité, y sont tellement la règle et la loi que presque rien n’est plus inconcevable que l’avènement d’un honnête et pur instinct de vérité parmi les hommes. »

Voyeur recherche exhibitionniste (et réciproquement)

S’il existe bien un maître historique en la matière c’est Jean-Jacques Rousseau et ses Confessions. Il prend le parti original et exhibitionniste de se mettre à nu à l’écrit. Rousseau veut faire tomber le masque, pour que seul l’homme reste et que le héros s’évanouisse… Sauf que, comme le fait remarquer précisément Jean Starobinski dans Jean-Jacques Rousseau. La transparence et l’obstacle, en voulant se montrer authentique, il nous dupe de la plus belle des manières en écrivant une autobiographie auto-autorisée. Dans le premier livre des Confessions, Rousseau écrit « Je me suis montré tel que je fus » : mensonge ! Il s’est montré tel qu’il veut avoir été, selon la croyance de soi-même et du roman de sa vie. Starobinski démontre que Rousseau dévoile le problème de l’autobiographie en tant que lieu de la transparence, puisqu’elle en constitue son obstacle majeur. Il se réinvente une existence, ne dévoilant au public que ce qui l’arrange de dévoiler. « Je devenais le personnage dont je lisais la vie », écrit-il sur son enfance. Il devait se regarder écrire aussi pour finir par y croire autant… Rousseau fait tomber le masque, pour dévoiler plus ou moins authentiquement, le héros existant dans « l’homme à nu ». Mais, il ne serait pas honnête, intellectuellement parlant, de tout mettre sur le dos de Rousseau, et plus largement sur les épaules d’Homo Exhibus. Le succès dévastateur de la transparence – dans les Confessions de Rousseau comme dans les différents médias et supports contemporains – vient de la demande des voyeurs et voyeuristes des sociétés modernes. Homo Contemplator n’est pas en reste.

La relation entretenue entre Homo Exhibus et Homo Contemplator relève de la réflexivité interdépendante. L’un comme l’autre n’a de raison d’être que parce que son autre existe. En économie, nous dirions qu’il y a un rapport de l’offre et de la demande. Avec les mots de Rousseau, Homo Exhibus fait tomber « les apparences qui condamnent » et qui l’empêchent d’offrir à Homo Contemplator ce qu’il réclame : il s’offre à lui. En voulant se montrer, Rousseau a répondu à une demande de mettre sa pudeur à nu, de connaître l’envers du décor (le croustillant) et que le privé se fasse public. Les émissions de télé-réalité vont dans ce sens du rapport offre/demande. La course après l’audimat fait partie de ces dérives de la télévision : la télévision donne au monde ce que le monde veut (rece)voir. Le sensationnel, le choc, l’inattendu, le spectaculaire, le choquant, l’agaçant, l’excitant, autrement dit une construction du réel à partir d’une volonté a priori de révélations. Or, l’endroit et l’envers du décor sont les deux côtés d’une même pièce de théâtre. Ce strip-tease de la société dénote un « déshabillement-agacement » pour reprendre les termes de Laurent de Sutter dans Strip-tease. L’art de l’agacement. En effet, il y a une sorte d’agacement et d’excitation à la vue de la mise en transparence des choses et des événements. Une courte remarque à propos des chaines télévisées d’informations en continu s’impose. En souhaitant délibérément se trouver « au cœur de l’info », la télévision prend la décision de tout mettre à nu, de ne rien cacher, de ne rien dissimuler, car, pour elle, c’est à cet endroit que se situe la vérité-vraie des faits. Nous regardons. Scandalisés de ce qu’on nous contraint à voir. Excités des révélations sur la vie privée des événements du monde. Complices du supplice. Exhibitionnistes et voyeurs sont les amants d’un même mariage dans lequel le cercle de leur alliance est vicieux.

Onfray, Sapir : le retour en force de la gauche du non

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Onfray, Sapir : le retour en force de la gauche du non

Entretien avec Thomas Guénolé

Ex: http://patriotismesocial.fr

Thomas Guénolé décrypte comment la gauche du non, ignorée en 2005, est en train de revenir sur le devant de la scène, accusée de «faire le jeu du FN».

Thomas Guénolé est politologue et maître de conférence à Sciences Po, docteur en sciences politiques (Sciences Po – CEVIPOF). Il est l’auteur du Petit guide du mensonge en politique paru aux éditions First en mars 2014.

LE FIGARO. – Jacques Sapir et maintenant Michel Onfray, deux personnalités issues de la gauche, ont été récemment accusés de faire le jeu du FN. Selon vous, ces polémiques s’inscrivent dans la continuité du «Non» français au traité constitutionnel européen en 2005. En quoi ?

Thomas GUÉNOLÉ. – Après la victoire du «Non» au référendum de 2005 sur la Constitution européenne, il y avait eu alliance objective entre le «Oui de droite» et le «Oui de gauche», entre l’UMP de Nicolas Sarkozy et le PS de François Hollande, pour adopter au Parlement quasiment le même texte, rebaptisé «traité de Lisbonne».

Depuis lors, le «Non de gauche» a été repoussé en France dans les limbes du débat public, du paysage politique, et du paysage audiovisuel. Voici dix ans en effet qu’en France, les intellectuels, éditorialistes et économistes qui défendent les idées du «Non de gauche», et qui obtiennent d’être significativement médiatisés, se comptent au total à peine sur les doigts des deux mains. Pourtant, lors du référendum de 2005, selon un sondage de TNS Sofres et de Gallup, le «Non» à la Constitution européenne, en particulier à son programme économique, avait fait 70% des voix chez le «peuple de gauche».

Au bout de dix ans de purgatoire, depuis quelques mois nous assistons au contraire à la brutale réhabilitation du «Non de gauche» dans le débat public. La présence beaucoup plus prégnante d’intellectuels comme Emmanuel Todd, Jacques Sapir, Michel Onfray, tous trois partisans de cette ligne politique, constitue un symptôme évident de ce retour de balancier.

Dans ce contexte, il est parfaitement cohérent que Laurent Joffrin en particulier soit monté au créneau contre Michel Onfrey : c’est la riposte du « Oui de gauche » au « Non de gauche ».

Dans ce contexte, il est parfaitement cohérent que Laurent Joffrin en particulier soit monté au créneau contre Michel Onfray: c’est la riposte du «Oui de gauche» au «Non de gauche». On avait assisté à la même chose, lors de la controverse sur le livre «Qui est Charlie?», entre le «Non de gauche» d’Emmanuel Todd et le «Oui de gauche» de Manuel Valls.

La crise politique euro-grecque de 2015 a-t-elle contribué à cette transformation du débat public français ?

Je pense même que c’est le facteur principal qui a provoqué cette transformation du paysage intellectuel. L’affrontement entre les dirigeants de l’Union européenne et le gouvernement grec a atteint un degré de violence politique proprement ahurissant: songez qu’en plein référendum grec sur les mesures d’austérité exigées par la «Troïka», la Banque centrale européenne a coupé l’arrivée de liquidités au système bancaire grec tout entier. Sauf erreur de ma part, c’est du niveau d’un acte de guerre économique pure et simple.

Obtenue avec ces méthodes et avec ces exigences en termes d’austérité radicalisée, la capitulation d’Athènes le couteau sous la gorge a sans doute agi comme révélateur sur tout un pan de l’opinion publique de gauche en France. Le révélateur de cette vérité simple: non, quand on est dans la zone euro, et quand on a signé le Pacte budgétaire européen dit «traité Merkozy», on ne peut pas faire une autre politique que celle de l’austérité. Et donc: non, quand on est dans la zone euro et quand on a signé le Pacte budgétaire européen, on ne peut pas faire une politique de gauche au sens où l’entend le «Non de gauche».

Tout au plus peut-on, comme actuellement François Hollande, être de gauche au sens très limité d’une politique socio-économique identique à celle de la droite, mais accompagnée d’une lutte rigoureuse contre les discriminations dans la société française ; discriminations qui du reste sont bien réelles, en particulier contre les femmes, les jeunes, et les Français ayant des origines arabes ou subsahariennes. Du reste, c’est toute la logique de la stratégie Terra Nova conceptualisée par feu Olivier Ferrand pour le candidat du PS à la présidentielle de 2012.

Par conséquent, la crise euro-grecque de 2015 ayant brutalement dévoilé qu’une alternative à l’austérité est interdite quand vous êtes membre de l’euro et du Pacte budgétaire européen, il est parfaitement logique qu’elle accouche de la résurrection du «Non de gauche» dans le débat public français.

Ce «Non» de gauche peut-il, non pas faire le jeu du FN, mais le concurrencer ?

Etre de gauche et dire que la France doit sortir de Schengen, pour combattre la concurrence déloyale de la main d’œuvre d’Europe centrale, ce n’est pas faire le jeu du FN. Etre de gauche et dire qu’il faut copier le modèle canadien d’immigration par quotas de métiers, pour empêcher l’écrasement des salaires du personnel non qualifié et le dumping sur celui du personnel qualifié, ce n’est pas faire le jeu du FN. Etre de gauche et dire qu’il faut sortir de l’euro pour ne plus se voir interdire les relances monétaires keynésiennes, ce n’est pas faire le jeu du FN. C’est, au contraire, enrayer la dynamique du FN, en faisant que la gauche se réapproprie ses propres fondamentaux socio-économiques.

Etre de gauche et dire qu’il faut sortir de l’euro pour ne plus se voir interdire les relances monétaires keynésiennes, ce n’est pas faire le jeu du FN. C’est, au contraire, enrayer la dynamique du FN, en faisant que la gauche se réapproprie ses propres fondamentaux socio-économiques.

C’est la grande contradiction dans le raisonnement d’une partie des éditorialistes, intellectuels et économistes qui défendent le «Oui de gauche»: accuser leurs homologues du «Non de gauche» de «faire-le-jeu-du-FN» en ayant un discours souverainiste de gauche. Or, au contraire, ce sont la marginalisation et l’étouffement du «Non de gauche» dans le débat public français depuis dix ans qui favorisent la montée du FN, en le mettant en monopole sur le message anti-politiques européennes d’austérité. Car, tout bien pesé, si le «Non de gauche» existait solidement dans le paysage intellectuel et politique français, alors, du jour au lendemain, la stratégie Philippot du FN, consistant à cibler les électeurs du «Non de gauche», n’aurait plus aucune chance de fonctionner.

Pour l’heure, le «Non de gauche» ne trouve pas de traduction politique…

C’est plutôt un problème d’unification qu’un problème de vide. EELV tendance Duflot, Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, Nouvelle Donne de Pierre Larrouturou, aile gauche du PS presque en rupture de ban, réseaux d’Arnaud Montebourg: sur le fond, ces courants du paysage politique incarnent tous à des degrés divers le «Non de gauche», et ils ne divergent que sur une poignée d’enjeux, secondaires face au programme européen d’austérité.

Néanmoins, aussi longtemps que cette offre politique du «Non de gauche» sera atomisée, fragmentée, balkanisée, elle n’aura aucune chance de percer. Et ce, alors que l’écroulement progressif dans les urnes du «Oui de gauche» lui donne une fenêtre de tir.

Face aux divisions de la gauche du «Non», la candidature d’une personnalité de la société civile peut-elle émerger pour la présidentielle de 2017 ?

Peut-être Michel Onfray lui-même compte-t-il, comme José Bové en son temps, concourir à l’élection présidentielle ; et après tout, l’aventure d’un candidat venu de la société civile est dans l’air du temps. Cependant, une autre possibilité m’apparaît plus solide pour porter un «Non de gauche» unifié sur les fonds baptismaux: une primaire ouverte de toute la gauche du «Non», pour ne présenter qu’un candidat au premier tour de 2017 ; et d’ici là, l’unité de liste systématique du «Non de gauche» au premier tour des élections régionales de décembre.

Source : Le Figaro

DAESH, la nouvelle armée secrète de l’OTAN?

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DAESH, la nouvelle armée secrète de l’OTAN?

par Kendal Manis

Ex: http://sans-langue-de-bois.eklablog.fr

Quelles relations entretiennent les Etats-Unis avec Daesh ? Un rappel historique des méthodes ambiguës de l'OTAN et la mise en perspective de la guerre contre le terrorisme soulèvent bon nombre de questions. Sans verser dans la théorie du complot simpliste, cet article nous rappelle que les grandes puissances n'ont pas de principes, seulement des intérêts. A compléter par l'analyse des causes profondes qui, tant en Occident qu'au Moyen-Orient, ont rendu possible l'accomplissement de cette stratégie du chaos. (IGA)

À l’aube du XXIème siècle, les attentats du 11 septembre à New York commis par le mouvement Al-Qaïda ont marqué un tournant historique irréversible bouleversant profondément les relations internationales. Plus récemment, les attentats qui ont frappé la France les 7 et 9 janvier 2015 ont remis à jour une des questions politiques les plus épineuses à laquelle sont confrontées les État-nations et les populations civiles qui en sont les premières victimes : le terrorisme islamiste, officiellement ennemi numéro un de l’Occident après la chute du bloc soviétique.

Depuis 2001, des organisations similaires ou proches d’Al-Qaïda ont éclos partout à travers le monde, mettant des régions entières à feu et à sang. D’Afrique—Al-Qaïda au Maghreb islamique, Boko Haram, Al-Shabab—jusqu’au Moyen-Orient—l’Etat Islamique en Irak et au Levant, Al-Nousra—, les forces militaires, les techniques de propagande, les réseaux de recrutement ainsi que les ressources financières de ces mouvements transnationaux affichent une progression inexorable contre laquelle les États sembleraient avoir du mal à résister.

Depuis les attentats du World Trade Center, le « monde libre » serait face à une menace d’envergure diffuse et imprévisible. Le président américain Bush parlait d’un « axe du mal » (1) contre lequel il fallait à tout prix lutter, tandis que la théorie du choc des civilisations (2) était érigée en grille de lecture légitime des relations internationales par les dirigeants politiques et les médias. Nous serions dans une guerre opposant la civilisation, incarnée par l’Occident, à la barbarie et l’obscurantisme de l’Orient musulman. Cette vision du monde réductrice marquée par un orientalisme contemporain (3) permet l’éclosion de représentations schématiques qui influencent bon nombre d’individus.

L’inconscient collectif est marqué par l’idée d’une incompatibilité quasi naturelle entre l’Islam et l’Occident et de la crainte d’une menace terroriste de « barbus » qui veulent imposer partout la charia. En témoigne la progression des partis d’extrême-droite islamophobes en Europe.

Quelles sont les raisons de la montée en puissance fulgurante de ces organisations qui ont comme mode d’action la violence politique ? À l’heure où le terrorisme est une préoccupation mondiale, comprendre les mouvements armées islamistes suppose une analyse de leur genèse, c’est-à-dire une étude des premières organisations de ce type dans l’histoire moderne afin de découvrir les conditions de leur apparition, leur soutien et leur objectif.

Le secret politico-militaire le mieux gardé du XXème siècle a été révélé pour la première fois en 1990 lorsque le premier ministre italien dévoila l’existence d’une unité paramilitaire secrète liée à l’OTAN, nommée « Gladio ». Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Washington et Londres ont formé par le biais de leur services secrets un ensemble d’armées non conventionnelles et souterraines destinées à lutter contre les forces politiques de gauche. L’ancien général nazi Reinhard Gehlen a été chargé de mettre sur pied un réseau composé d’éléments d’extrême-droite dans le but de combattre par les moyens illégaux l’avancée idéologique et potentiellement militaire des Soviétiques. Il est l’instigateur des cellules terroristes secrètes Stay-Behind (4). Exerçant dans chacun des seize pays de l’OTAN ainsi que dans quatre pays neutres (Suède, Finlande, Autriche, Suisse), ces armées anticommunistes, qui agissaient à l’insu des parlements et des populations civiles, recrutaient entre autres leurs membres parmi les collaborateurs de Vichy et les monarchistes en France, les fascistes et les mafieux en Italie, les nazis en Allemagne (5) , ainsi que les ultra-nationalistes et islamistes en Turquie.

Toute doctrine et idéologie pouvant détourner les peuples de la lutte des classes et les nations des velléités souverainistes étaient soutenues et promues. Parmi elles, le nationalisme agressif (6) en Europe de l’Ouest ainsi que le fondamentalisme religieux au Moyen-Orient étaient des armes redoutables.

Durant la guerre froide, l’islamisme a été érigé par la Maison Blanche en alternative à la gauche et au nationalisme arabe qui revêtait un caractère socialiste et souverainiste (7) . Le terrorisme islamiste a été promu par les États-Unis en Turquie en 1978 lors du massacre anti-communiste de Maras, et à plus grande échelle deux ans plus tard en Afghanistan dans la guerre contre l’Union Soviétique. Avec le fiasco au Vietnam, l’occupation au sol d’un pays étranger était devenue trop impopulaire pour la Maison-Blanche qui a alors changé de stratégie. Plutôt que d’envoyer leurs propres soldats et voir leur image s’écorner au niveau national et international, jouer subtilement la carte de l’ingérence en s’appuyant sur des entités locales par le biais d’opérations spéciales clandestines se révélait être une option privilégiée pour les dirigeants américains. Ainsi, le premier mouvement djihadiste moderne transnational a vu le jour sous l’impulsion des Etats-Unis, par le biais de leurs alliés comme l’Arabie saoudite (8) , dictature intégriste à leur solde, qui mobilisa via ses réseaux de mosquées plus de 35 000 moudjahidines venus des quatre coins du monde, et particulièrement d’Europe. À leur tête un certain Ben Laden, proche collaborateur de la CIA. Ceci n’est plus un secret pour personne diront certains, à juste titre, sachant qu’Hillary Clinton reconnaît elle même que ce sont les USA qui ont créé Al-Qaïda (9).

Sous la houlette de l’OTAN, au mépris des droits de l’Homme et de la démocratie, des organisations armées secrètes ont été formées, mais qu’est-ce qui nous prouve qu’il n’en existe plus aujourd’hui ? Quant est-il de Daesh ? Pour savoir qui est derrière cette organisation, il suffit de voir les intérêts de qui elle sert et qui la soutient.

L’Iran, qui est le plus grand ennemi du couple Israël-Arabie saoudite au Moyen-Orient, voit ses deux principaux alliés de la région, à savoir l’Irak et la Syrie, se faire littéralement envahir par l’organisation djihadiste. Daesh combat tous les ennemis de l’Occident : le gouvernement syrien, le Hezbollah libanais, le Hamas palestinien (10) , ainsi que la branche syrienne du PKK (YPG-YPJ), grand ennemi de la Turquie.

Il faut également avoir à l’esprit que les parrains du terrorisme islamiste - l’Arabie saoudite et le Qatar - sont de fidèles alliés de l’Occident. Au regard du rapport des pouvoirs, les États-Unis, première puissance économique (11) et militaire au monde, ont incontestablement les moyens de faire pression sur ces nations-amies afin qu’elles arrêtent de financer le terrorisme. Mais force est de constater qu’aucune politique concrète de fond n’est menée dans ce sens.

La Turquie, qui est membre de l’OTAN et qui par conséquent ne peut conduire une politique étrangère allant à l’encontre des intérêts des pays de l’alliance, est aujourd’hui le point de passage principal des djihadistes vers la Syrie, et soutient massivement les « rebelles » de l’ASL ou les terroristes d’Al-Nosra et de Daesh (12) en leur fournissant une aide logistique et militaire (13) , notamment des armes, des camps d’entrainement à Gaziantep et Hatay, et des soins dans les hôpitaux (14).

Fait qui peut paraître « paradoxal » ou totalement incroyable, Israël soigne des djihadistes du Front Al-Nosra sur son territoire (15) et empêche toute progression de l’armée syrienne en bombardant les positions de celle-ci. Dans un article publié sur Le Figaro, Roland Hureaux met au jour la duplicité de la politique étrangère française : « Inutile de dire que nos armes et notre appui logistique sont allés exclusivement aux djihadistes, en particulier au Front al-Nosra, nouveau nom d’al-Qaida, dont les différences avec Daesh sont bien minces. Les mêmes qui enlèvent ou massacrent les chrétiens - et d’autres. La soi-disant Armée syrienne libre qui, disait-on , était l’objet de notre sollicitude demeure un fantôme - et un alibi pour aider les islamistes » (16) . En septembre 2014, on a appris de la bouche de l’ambassadrice de l’Union européenne en Irak, Mme Jana Hyboskova, que « plusieurs membres de l’UE ont acheté du pétrole non-raffiné à l’EIIL » (17).

Il semblerait que l’Occident réutilise la méthode afghane des années 1980 de guerre par procuration, c’est-à-dire de guerre par intermédiaire. Alors comment expliquer les bombardements de la « coalition anti-Daesh » ? A-t-elle une crédibilité ? En réalité, les Etats-Unis jouent subtilement sur deux tableaux à la fois, voulant à tout prix alimenter le complexe industrialo-militaire (18) qui pèse beaucoup dans leur économie (19) et préserver leur « identité de rôle » (20) aux yeux de l’opinion publique internationale, celle de défenseur de la liberté et de la démocratie. Ne frappant pas le coeur de l’organisation (Raqqa) et ayant une portée très limitée, ces frappes sporadiques ont comme seule finalité de feindre la guerre contre l’EI, ce qui sert dans le même temps celle-ci dans sa rhétorique de propagande anti-occidentale, permettant le recrutement de militants (21) .

Il y a récemment des informations inédites qui ont vu le jour dans des médias de masse qu’on peut difficilement accuser de conspirationnistes. Dans un reportage sur France 2 (22) se basant sur les dires de Mike German, agent spécial pendant 25 ans ayant démissionné, on apprend que le FBI a poussé des musulmans à commettre des attentats terroristes : « L’agence attirerait des musulmans dans ses filets à l’aide d’agents infiltrés qui vont les pousser à faire l’apologie d’actes de terrorisme. Dans ces cellules identifiées par l’agence, ni armes, ni ressources, ni complot avant l’arrivée de ces informateurs (agents secrets), prêts à souffler mot pour mot à leurs contacts les délits pour lesquels ils seront condamnés. L’ancien agent explique à la journaliste Virginie Vilar la méthode mise en place par le FBI, prêt à fournir des armes, de l’argent ainsi que le plan de l’attaque. Pour lui, "c’est de la fabrication d’affaires". C’est aussi la conclusion d’un rapport de l’ONG Human Rights Watch publié le 21 juillet 2014 » . (23)

Il semblerait que cette tactique soit aussi employée en France. Le journal Le Point, qu’on peut encore moins qualifier d’adepte de la théorie du complot, titre le 7 juin 2012 : « Mohamed Merah travaillait pour les RG » (24). On apprend dans cette affaire que Merah a été envoyé au Pakistan, en Afghanistan et en Syrie par un « ami » qui se révèle être en fait un agent des services français, qui l’a poussé à la radicalisation. On peut alors avoir des interrogations légitimes sur les attentats de Charlie Hebdo et le rôle des services secrets français.

Hier la CIA créait de « faux mouvements de gauche qui se livraient à des exactions et des actes condamnables uniquement pour faire croire à la population, que ces actes terroristes étaient l’oeuvre de la gauche » (25) . Aujourd’hui, les services occidentaux le feraient-ils avec les islamistes, pour stigmatiser les musulmans vivant sur leur territoire ? L’organisation État Islamique serait-elle la nouvelle armée secrète de l’OTAN ayant pour but d’affaiblir à terme l’Iran ? Le terrorisme djihadiste aurait-il pu être aussi puissant sans le soutien des alliés de l’Occident ? Al-Qaïda et les organisations de ce type constitueraient-ils des prétextes pour envahir des pays (Irak, Afghanistan), des instruments pour mener des guerres par procuration (Lybie, Syrie, Yémen), au niveau domestique des justifications aux lois liberticides, des moyens de stigmatisation et d’exclusion permettant de se débarrasser de la « racaille » partant servir de chaire à canon, et de détourner l’attention du public des vrais problèmes sociaux (chômage, crise économique) en désignant des bouc-émissaires ? Tous les éléments entre nos mains tendent à répondre à ces question par l’affirmative.

Si par hasard, certains ne sont toujours pas convaincus, résumons : les Etats-Unis ont créé dans le passé des « organisations de l’ombre » pratiquant le terrorisme, ils ont formé le premier mouvement armé islamiste transnational, leurs alliés-clients, la Turquie, l’Arabie-Saoudite, le Qatar financent les djihadistes, Israël les soigne, la France les arme, des pays de l’Union Européenne leur achète du pétrole, et des attentats terroristes sont commis en territoire occidental par des individus radicalisés et armés par ces mêmes services secrets. Pour ceux qui crient à la thèse « complotiste », rappelons que les complots font partie du répertoire d’action des services de renseignement. C’est leur métier.

« Comment la prétendue coalition contre les égorgeurs serait-elle crédible, alors que, pour des raisons différentes, beaucoup de ses membres ont partagé avec eux (et partagent encore pour certains), des intérêts stratégiques, politiques, économiques ? » (Charb, directeur de Charlie Hebdo)

Kendal Manis est l’auteur du mémoire de recherche « Maras 78’ : terrorisme américano-islamiste en Turquie ».


Notes :

1. RIGAL-CELLARD Bernadette, « Le président Bush et la rhétorique de l’axe du mal », Études 9/2003 (Tome 399) , p. 153-162

2. HUNTINGTON Samuel, Le Choc des Civilisations, Paris, Odile Jacob, 1997, 402 pages.

3. SAID Edward, L’orientalisme. L’orient créé par l’occident, Paris, Seuil, 2005, « Introduction », 456 pages

Voir aussi Edward Said on Orientalism, [Consulté le 12/12/2014], disponible à l’adresse :https://www.youtube.com/watch?v=fVC...

4. TUNC Aziz, Maras Kiyimi Tarihsel Arka Plani ve Anatomisi, Istanbul, Belge Yayinlari, 2011, p.119

5. Le responsable de la Gestapo Klaus Barbie a été recruté par la CIA. GANSER Daniele, Les armées secrètes de l’OTAN, Plogastel, Demi-Lune, 2005, p.262

6. Il faut faire une distinction entre le nationalisme agressif, qui a un caractère raciste, et le nationalisme défensif, qu’on peut qualifier de « patriotique ».

7. COLLON Michel, LALIEU Grégoire, La Stratégie du Chaos, Impérialisme et Islam, Investig’action, 2014, p.275

8. LALIEU Grégoire, Entretiens avec Mohammed Hassan, Jihad Made In USA, Bruxelles, Investig’Action, p.222

9. Hillary Clinton : ’We Created al-Qaeda’ [Consulté le 27/03/2015], disponible à l’adresse :https://www.youtube.com/watch?v=WnL...

10. rfi, Syrie : le groupe EI envahit le camp de Yarmouk, proche de Damas [en ligne], 1er avril 2015,[Consulté le 18/04/2015]. Disponible à l’adresse : http://www.rfi.fr/moyen-orient/2015...

11. En PIB par habitant.

12. La frontière entre ces différents mouvements est poreuse. En septembre 2013, plus de 40 000 hommes membres de l’ASL font défection pour intégrer le Front Al-Nosra. Georges Mabrunot, Le Figaro, Syrie : des rebelles modérés rejoignent le camp des islamistes radicaux [en ligne], 26 septembre 2013, [Consulté le 29/03/2015]. Disponible à l’adresse : http://www.lefigaro.fr/internationa...

13. Hélène Sallon, Le Monde, L’étrange soutien de la Turquie aux réseaux djihadistes de Syrie [en ligne], 24 janvier 2014, [Consulté le 18/04/2015]. Disponible à l’adresse :http://www.lemonde.fr/europe/articl...

14. Une vidéo de la chaîne de télévision turque IMC montrent la connivence entre les militants de DAESH et les soldats de l’armée turque à la frontière turquo-syrienne. Les soldats laissent passer les jihadistes vers la Syrie. IŞİD’in sınırın sıfır noktasından geçişi İMC TV kameralarında (1), [Consulté le 23/01/2015], disponible à l’adresse : http://www.dailymotion.com/video/x2... Voir aussi : Nouvelle preuve de collaboration d’Erdogan avec Daesh, [Consulté le 23/01/2015], disponible à l’adresse :https://www.youtube.com/watch?v=oIf...

15. i24 News, Israël soigne des djihadistes d’Al-Qaïda blessés en Syrie (Wall Street Journal) [en ligne],14 mars 2015. [Consulté le 12/04/2015]. Disponible à l’adresse :http://www.i24news.tv/fr/actu/inter...

16. Roland Hureaux, Syrie : l’incompréhensible politique étrangère de la France, [en ligne], 18 août 2015, [Consulté le 26/08/2015]. Disponible à l’adresse : http://www.lefigaro.fr/vox/monde/20...

17. L’Humanité, Des pays de l’Union européenne achètent du pétrole aux barbares, [en ligne], 25 septembre 2014, [Consulté le 26/08/2015]. Disponible à l’adresse : http://www.humanite.fr/blogs/des-pa...

18. Si on adopte une analyse de la politique étrangère des États-Unis par les processus organisationnels, théorisé par Graham Allison. BRAILLARD Philippe, Théories des Relations Internationales, Paris, PUF, 1977, « Modèles concep-tuels et la crise des missiles de Cuba », pp.172-196.

19. « Dans les mois qui ont suivis l’annonce d’Obama sur le bombardement des positions de l’État islamique, les cours de l’action Lockheed ont grimpé de 9,3%, ceux de General Dynamic de 4,3% et ceux de Rayteon et de Northrup Grumman de 3,8% ». LALIEU, Entretiens avec Mohammed Hassan, Jihad Made In USA, p.229

20. WENDT Alexender, « Anarchy is what States Make of it : The Social Construction of Power Politics », International Organiszation, n°46 (2), 1992, pp 391-425

21. JULES Alain, ETAT ISLAMIQUE. Bachar al-Assad : l’Etat islamique s’est renforcé grâce aux raids US [en ligne], 30 mars 2015. [Consulté le 12/04/2015]. Disponible à l’adresse :http://allainjules.com/2015/03/30/e...

22. Virginie Vilar, France 2, VIDEO. Le FBI accusé de fabriquer de faux complots terroristes [Publié le 13/02/2015], disponible à l’adresse : http://www.francetvinfo.fr/replay-m...

23. L’express, Le FBI a poussé des musulmans à commettre des attentats selon Human Rights Watch, [en ligne], 21 juillet 2014, [Consulté le 03/02/2015]. Disponible à l’adresse :http://www.lexpress.fr/actualite/mo...

24. Armel Méhari et Aziz Zemouri, Le Point, Mohamed Merah travaillait pour les RG [en ligne], 7 juin 2012, [Consulté le 01/03/2015]. Disponible à l’adresse : http://www.lepoint.fr/societe/merah... Voir aussi : Mohamed MERAH était un agent des services français selon l’avocate de sa famille… [Consulté le 24/04/2015], disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=Ej4...

25. GANSER Daniele, Op. Cit., p.226

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