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dimanche, 29 novembre 2020

»Armin Mohler – Denkweg eines Nominalisten « Erik Lehnert und Götz Kubitschek im Livestream

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»Armin Mohler – Denkweg eines Nominalisten « Erik Lehnert und Götz Kubitschek im Livestream

 
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Pierre Le Vigan : « Notre-Dame ne doit pas subir le dévergondage narcissique de pseudo artistes »

 

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Pierre Le Vigan : « Notre-Dame ne doit pas subir le dévergondage narcissique de pseudo artistes »
 
Entretien
Ex:https://frontpopulaire.fr

Pierre Le Vigan est urbaniste et essayiste. Intellectuel pluridisciplinaire, il a écrit de nombreux ouvrages de philosophie et collabore à de nombreuses revues de débat d’idées. On lui doit notamment Métamorphoses de la ville chez La Barque d’Or (2020). Nous l’avons interrogé sur les derniers débats autour de la restauration de Notre-Dame de Paris.

Front Populaire : L’académicien Jean-Marie Rouart a signé cette semaine une tribune pour critiquer les nouveaux projets d’arts contemporains à l’étude concernant notamment les vitraux de Notre-Dame de Paris. Que pensez-vous de cette volonté réitérée de vouloir insérer des éléments contemporains dans la reconstruction de la cathédrale ?

Pierre Le Vigan : M. Macron avait évoqué à propos de la flèche de Notre-Dame la possibilité d’un « geste architectural contemporain » (sic), autrement dit une reconstruction aucunement à l’identique. Or, cette flèche de Notre-Dame avait existé du 13ème au 18ème siècle, avant d’être reconstruite par Eugène Viollet-Le-Duc, au début des années 1840. Ce projet incongru parait abandonné. On échappera sans doute à un toit terrasse (avec un fast food peut-être ?), ou à un jardin suspendu… Mais voilà que Mgr Aupetit, archevêque de Paris, voudrait remplacer les vitraux par des œuvres « contemporaines » et mettre un mobilier « moderne » le tout accompagné d’un « parcours lumineux ». Jean-Marie Rouart a raison de s’en inquiéter. La proposition de Mgr Aupetit consiste à accentuer la muséification de la cathédrale. Les autorités de l’Eglise sont donc prêtes à prostituer le patrimoine français, qui n’est pas seulement celui de la chrétienté, au service de l’idéologie touristique de la « ville-monde » – c’est-à-dire défrancisée – chère à Mme Hidalgo. Or, c’est en demeurant soi-même que l’on apporte quelque chose à autrui et que l’on acquiert une dimension universelle.

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FP : Le projet de Mgr Aupetit implique de détruire une partie de l’héritage de Viollet Le Duc (les « grisailles »). Ce projet a-t-il des chances d’aboutir ?

PLV : Les « grisailles » sont théoriquement des vitraux conçus avec différentes variations de ton gris. Elles sont en fait de différentes couleurs à Notre-Dame. Le projet de M. Aupetit consiste à mettre au rencart ce que l’incendie a épargné pour le remplacer par des œuvres contemporaines. C’est contraire à la Charte internationale de Venise de 1964 qui normalement oblige à restaurer un monument « dans le dernier état connu ». La restauration d’un monument, nous dit la Charte, « a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques ». La Charte de Venise de 1964 a été complétée par la Charte de Cracovie de 2000 qui insiste sur la nécessité, dans tout travail de restauration, de la « compréhension globale du monument ». Même si ces textes engagent la France, et même si l’actuel ministre de la culture, Mme Bachelot, semble hostile au remplacement des vitraux, la seule vraie garantie que des innovations modernistes ne dénatureront pas Notre-Dame, c’est un rapport de force idéologique et culturel.

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FP : Le directeur de La Tribune de l’art, Didier Rykner, a qualifié récemment cette tentative de mise au goût du jour de « vandalisme » et de « délire postmoderne ». Qu’en pensez-vous ?

PLV : Je partage son point de vue. Il faut respecter la cohérence d’un monument. Ce que je n’exclus pas, par contre, c’est la juxtaposition, à côté d’un bâtiment ancien, de bâtiments modernes. Ainsi, le bâtiment moderne des archives municipales, à côté de la basilique de Saint Denis, ne me parait pas du tout déplacé. On trouve aussi, à Francfort sur le Main, des tours modernes et élégantes à côté de bâtiments anciens restaurés, le tout avec un alignement de rue respecté, et cet ensemble est parfaitement réussi.

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FP : La polémique sur une potentielle reconstruction à l’identique/contemporaine de Notre-Dame dure depuis plus d’un an. Sommes-nous face à une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes ? Si oui, quels en sont les enjeux ?

PLV : Une reconstruction doit être fidèle à la cohérence d’ensemble du monument. Cela peut amener à une reconstruction pas totalement à l’identique dans certains cas, notamment quand le monument a lui-même connu des transformations qui n’avait pas forcement renforcé son identité propre. Ainsi, la plupart des vitraux de la cathédrale de Nevers, touchée en 1944 par des bombardements, n’ont pas été restaurés à l’identique sans que cela soit forcément une mauvaise chose. Ils n’étaient pas très anciens et ne présentaient pas une qualité particulière. Je suis ici d’accord avec Jean de Loisy (ndlr : critique d’art et spécialiste de l’art moderne et contemporain). A Notre-Dame, il faut sauver à la fois un patrimoine médiéval et un patrimoine du 19ème siècle. Il faut assumer le style néogothique de Viollet-Le-Duc qui est un mouvement artistique tout à fait estimable. Surtout, les vitraux, qu’ils soient d’Alfred Gérente, d’Edouard Didron, ou, plus anciens, de Guillaume Brice, n’ont aucunement besoin d’être remplacés par des « gestes » contemporains qui ont vocation à trouver d’autres lieux d’expression. Plutôt que de choix entre Anciens et Modernes, je parle de beauté durable opposée aux effets de mode.

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FP : Plus d’un français sur deux est favorable à une reconstruction à l’identique de la cathédrale. Comment interprétez-vous cette volonté « conservatrice » des Français ?

PLV : Les Français n’en peuvent plus de la déconstruction de tout : notre art, la famille, la représentation de nous-mêmes par notre histoire. Les Français, comme tous les peuples du monde, veulent, et ont besoin, de sécurité, et notamment de sécurité culturelle. Nous ne voulons pas d’une vie hors-sol. Cela implique une certaine permanence de soi, et le fait d’assumer son histoire. La reconstruction à l’identique fait partie de ces attentes des Français. Ils ont assez vu d’extravagances de mauvais gout, notamment à Versailles ces dernières années et ailleurs, pour avoir envie de sobriété et de persistance dans le bon goût. Nous n’avons pas envie de subir à grand frais du contribuable l’enlaidissement de notre patrimoine par le dévergondage narcissique de pseudo artistes.

FP : La cathédrale Notre-Dame de Paris est-elle le monument emblématique de Paris selon vous ? Quelle place occupe-t-elle dans l’histoire urbanistique de la ville de Paris ?

PLV : Notre-Dame est en tout cas le monument le plus visité de la capitale. C’est le centre géographique de Paris, et ainsi de la France, compte tenu de notre tradition centraliste, qu’on la déplore ou pas. La symbolique de Notre-Dame est très forte. Ceci étant, à titre personnel, le monument parisien que je préfère n’est pas Notre-Dame, mais l’hôtel des Invalides.

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FP : Selon votre œil d’urbaniste, quel rôle jouent les vieux monuments historiques dans nos villes mondialisées promises à des avenirs de « smart city » ? Ont-ils un rôle civilisationnel ?

PLV : Les « smart cities » ou « villes intelligentes » ne sont pas autre chose que des villes muséifiées et tertiarisées pour « bobos » hyper-connectés. Il n’y a pas de place pour des monuments autres que muséifiés dans ces villes. Si l’avenir est à la poursuite de la déconstruction des peuples – ce qui est à craindre -, les villes « intelligentes » ont de l’avenir. Si l’avenir est au réenracinement, il faudra inventer un autre type de ville, sortir de la muséification, du tourisme de masse, et réhabiter les monuments qui ont fait notre histoire et sont, à ce titre, partie intégrante de ce que nous sommes.

 

L'économie en tant qu'idéologie : la racine de tous les maux

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L'économie en tant qu'idéologie : la racine de tous les maux

par Roberto Bonuglia

Ex: https://legio-victrix.blogspot.com

« Le développement économique est devenu une fin en soi, déconnectée de toute finalité sociale ». Bernard Perret et Guy Roustang l'ont écrit dans L'économie contre la société. Face à la crise de l'intégration sociale et culturelle (Paris, Editions du Seuil, 1993). Aujourd'hui comme hier, c'est une déclaration plus que partageable, visant à avertir que l'économie devient de plus en plus une "fin" plutôt qu'un "moyen".

En fait, il suffit de regarder en arrière dans un sens chronologique : en trente ans de mondialisation, l'économie est devenue bien plus qu'une "forme de connaissance de certains phénomènes sociaux". Elle est devenue une "technique économique", s'éloignant à des années-lumière des postulats classiques de ce qui était précisément l'économie "politique".

Dans la société standardisée du troisième millénaire, la logique économique est devenue la mentalité réelle et prédominante qui a fini par guider les relations sociales, uniformisant le bon sens, marginalisant la morale et toutes les formes sociales.

La combinaison de la mondialisation et du néolibéralisme a transformé l'économie en une idéologie. En fait, elle a perdu sa vocation originale et naturelle de traiter du "problème du déplacement des ressources" pour devenir une logique de gestion d'entreprise. Elle a ainsi dangereusement évolué vers une vision univoque du monde et une technique de contrôle et de domination.

« L'économie comme idéologie » peut donc être définie comme la prétention de l'économie à exercer une domination sur la culture et la politique, en leur imposant sa façon de "penser la réalité". Cela pourrait avoir des conséquences qui pourraient être "freinées" tant que la société reste un ensemble relativement homogène avec un fort contenu communautaire. Mais les migrations internes au sein du "village global" et l'aliénation technologique ont "libéré" le contenu idéologique présent - dès le début - dans les théories économiques du conditionnement des faits et des limites imposées par le social.

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C'est pourquoi, comme l'écrit Jean Baudrillard dans La transparence du mal (Paris, Editions Galilée, 1990), l'économie - après la chute du mur de Berlin - est entrée dans "sa phase esthétique et délirante" et est devenue le véhicule des idéologies qui se sont combattues entre elles pendant la "guerre froide" ; elle est devenue elle-même "idéologie", construisant sa propre philosophie sociale, se donnant, en quelque sorte, un vêtement normatif.

L'économie est ainsi passée de la sphère privée à la sphère publique et s'est donné pour tâche de baliser le chemin pour répondre par la force aux attentes du monde globalisé. Toutes ces réponses ont subi un changement radical dans la nature des relations sociales, à travers cette "objectivation de l'échange" - comme l'a dit Simmel - qui élimine d'un coup de ciseaux toute composante émotionnelle ou instinctive de ces relations, en prescrivant qu'elles doivent être organisées pour donner à la réalité une structure stable et à la mutation une direction prévisible : ce qui se passe dans notre société "grâce" au Covid-19. Celui-ci est le test décisif de cette mutation génétique de l'économie qui bascule dans l'idéologie.

Nous avons été témoins - distraits plutôt qu'impuissants - de l'économie comme technique économique qui a remplacé sans hâte mais sans repos l'économie comme forme de connaissance d'un des aspects de la société. Cela a donné naissance à un pouvoir incontrôlé et à un mode de vie basé uniquement sur l'intérêt et le calcul qui a inévitablement déchiré les bases du lien social.

L'élément émotionnel et "pré-rationnel" de la vie individuelle a été éradiqué et nous nous retrouvons aujourd'hui avec des racines coupées : le désert culturel, la socialisation de la culture, la liquidation de toute la culture de la tradition humaniste ne sont que quelques-uns des effets les plus dévastateurs du processus de déconstruction et de reconstruction du monde globalisé de ces trente dernières années.

Aujourd'hui plus que jamais, nous avons donc nécessairement besoin d'une pensée forte et alternative à ce schéma imposé par la contrainte, qui sache retrouver le sens de notre histoire, l'histoire de la culture moderne. Un sens lié - comme il l'a toujours été et de manière indissoluble - à la libération des limites, imposées par le présentisme, dans lesquelles la mentalité économique du néolibéralisme globalisant et la rationalité instrumentale nous ont enfermés. Une route qui est certes ascendante, mais la seule à pouvoir être prise et empruntée.

Ré-apprendre à montrer les dents...

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Ré-apprendre à montrer les dents...
 
par Caroline Galactéros
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessus un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur Geopragma et consacré à l'absence de vision de notre politique étrangère.

Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

A la recherche du temps perdu

La logique du temps court, a-stratégique par essence, et plus encore l’incapacité manifeste ou le refus de nos gouvernants de la contrer en adoptant enfin une démarche stratégique donc anticipative, plongent l’Europe et bien sûr notre pays dans une cécité dramatique pour le futur de notre positionnement sur la carte du monde. 

Tandis qu’à Paris, on se passionne pour les péripéties comico-tragiques de l’élection américaine (alors même que la politique étrangère de notre « Grand allié » ne changera qu’à la marge avec la nouvelle Administration), tandis que devient flagrante notre marginalisation de nombre de négociations et médiations internationales (Caucase du sud, Syrie, Liban, Libye, Yémen), bref, tandis que la France disparaît diplomatiquement par excès de suivisme et inconséquence, incapable de penser par elle-même le monde tel qu’il est, d’autres exploitent magistralement ce flottement prolongé. Et il est à craindre qu’il ne suffise pas pour rétablir notre rang et préserver nos intérêts, d’exposer une prétendue « doctrine en matière internationale » sur le site d’un réseau social ami, dans une conversation courtoise sur l’air du temps, en brodant avec talent sur des lieux communs (il faut coopérer, s’entendre, être plus libres, etc…) et des inflexions souhaitables de la marche du monde. Une « doctrine » de chien d’aveugle, réduite à une promenade au hasard dans le grand désordre mondial, et qui fantasme le positionnement de la France – étoile polaire définitive en termes de « valeurs » universelles (sans même voir que plus personne ne supporte nos leçons) – autour d’enjeux n’ayant quasiment rien à voir avec le concret de l’affrontement stratégique actuel et futur. Discourir sur la biodiversité, le changement climatique, la transformation numérique et la lutte contre les inégalités (sic), est certes important. Mais ce n’est pas le climat qui va nous rendre notre puissance enfuie et notre influence en miettes ! Qui peut le croire ?! 

Koucher-111207_(cropped).jpgC’est surtout une diversion ahurissante par rapport à l’impératif de projeter son regard sur le planisphère, de définir ce que l’on veut y faire, région par région, pays par pays, d’en déduire des priorités, des lignes d’efforts thématiques et d’y affecter des moyens et des hommes. Cela rappelle de manière angoissante la réduction de notre politique étrangère à de l’action humanitaire depuis 2007 (avec B. Kouchner comme ministre) puis à de la « diplomatie économique » sous Laurent Fabius. Résultat : les désastres de nos interventions en Libye et en Syrie, un suivisme stratégique suicidaire, une décrédibilisation de la parole et de la signature françaises sans précédent. Il semble bien que la nouvelle martingale soit désormais « la diplomatie environnementale », mantra d’une action diplomatique dénaturée et d’une France en perdition stratégique. Au nom du réalisme bien sûr, alors que c’est au contraire notre irréalisme abyssal et notre dogmatisme moralisateur indécrottable qui nous privent de tout ressort en la matière. On est piégés comme des rats dans un universalisme béat et on refuse d’admettre le changement de paradigme international et la marginalisation patente de l’Occident, lui-même à la peine et divisé. 

Pendant ce temps, B. Netanyahu se rend en Arabie Saoudite (ce qui n’est pas du tout une bonne nouvelle pour l’Iran), la France fait la leçon au Liban et s’étonne d’être rabrouée puis marginalisée là encore, la Russie et la Turquie s’entendent dans le Caucase du sud et renvoient le Groupe de Minsk à ses stériles palabres, Moscou s’installe au Soudan, l’Allemagne s’affirme en chouchou européen de Washington et se tait face aux provocations de la Turquie…à moins qu’elle ne redécouvre son atavique et inquiétante inclinaison pour l’Ottoman, etc.

Bref, les rapports de force se structurent à grande vitesse sans nous et même à nos dépens. Mais on n’en parle pas. Non par honte ou rage d’avoir été naïfs, dupes ou incapables de créativité diplomatique. Non. Juste parce qu’on a déjà renoncé à compter et que cela ne doit juste pas se voir. Et, tels certains responsables administratifs furieux de recevoir des informations démontant leurs partis pris, on les passe à la déchiqueteuse ! On les fait disparaître purement et simplement du champ du réel politique et médiatique. On ne veut surtout pas savoir que nous ne comptons plus ! Encore moins que les Français s’en aperçoivent. 

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Ainsi, la signature le 15 novembre, à l’initiative de Pékin, du RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership) par quinze pays d’Asie constitue une bascule stratégique colossale et inquiétante dont ni les médias ni les politiques français ne pipent mot. Voilà le plus grand accord de libre-échange du monde (30 % de la population mondiale et 30 % du PIB mondial) conclu entre la Chine et les dix membres de l’ASEAN (Brunei, la Birmanie, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam), auxquels s’ajoutent quatre autres puissantes économies de la région : le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Cette nouvelle zone commerciale se superpose en partie au TPP (Trans-Pacific Partnership) conclu en 2018 entre le Mexique, le Chili, le Pérou et sept pays déjà membres du RCEP : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Brunei, le Japon, la Malaisie, Singapour et le Vietnam. Ainsi se révèle et s’impose soudainement une contre manœuvre offensive magistrale de Pékin face à Washington (les Etats-Unis s’étaient follement retirés du projet TPP en 2017). Mais chut ! Où est l’UE là-dedans ? Nulle part ! Même l’accord commercial conclu en juin 2019 entre l’Union européenne et le Mercosur doit encore être ratifié par ses 27 parlements… Le Moyen-Orient et l’Afrique eux sont clairement vus comme des territoires ouverts à toutes les prédations de ce mastodonte commercial en formation. Seule la Grande Bretagne, libérée de l’UE grâce au Brexit, en profitera car elle vient habilement de sa rapprocher du Japon signataire du RCEP et du TPP…

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Pendant ce temps, la France plonge dans une diplomatie décidément calamiteuse qui l’isole et la déconsidère partout. Elle vient d’abandonner le Franc CFA pour complaire au discours débilitant sur la repentance et les affres de la Françafrique. On expie. On ne sait pas quoi à vrai dire. Mais on s’y soumet et on laisse la place à Pékin, Washington, Moscou et même Ankara. Il ne sert à rien de geindre sur l’entrisme de ceux-là en Afrique quand on leur pave ainsi la voie. Il faudrait vraiment arrêter avec « le sanglot de l’homme blanc ». Il faut refondre notre diplomatie et aussi d’ailleurs nombre de nos diplomates au parcours brillant mais incapables de sortir d’un prêt-à-penser pavlovien (anti russe, anti iranien, anti syrien, anti turc même !) qui nous paralyse et nous expulse du jeu. Il faut enfin apprendre à répondre à l’offense ou à la provocation, et à ne pas juste se coucher dès que l’on aboie ou que l’on n’apprécie pas nos avancées souvent maladroites mais aussi parfois outrageuses. Tendre l’autre joue a ses limites. Mais évidemment pour être pris au sérieux, il ne faut pas toujours « calmer le jeu ». Il montrer les dents avec des « munitions », donc une vision et une volonté.

Caroline Galactéros (Geopragma, 23 novembre 2020)

L’intelligence culturelle au cœur de la guerre informationnelle menée par la Turquie

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L’intelligence culturelle au cœur de la guerre informationnelle menée par la Turquie

Grande civilisation, avec une longue histoire, la Turquie essaie de retrouver sa place sur la scène internationale au milieu des puissances mondiales. Pour se faire, elle tente de capter l’attention médiatique : en s’appuyant sur son soft-power, en éliminant les divergences d’intérêt avec les voisins, dans le cadre de son influence extérieure, mais également par des provocations de plus en plus incisives cherchant à imposer l’image d’une Turquie puissante au-delà.

« Étendu des frontières des Balkans jusqu’à celles de la Hongrie, l’Empire Ottoman s’est depuis longtemps astreint à mettre en place des relais de communication lui permettant de maintenir son autorité sur l’immensité de son territoire ».

La tradition ottomane de communiquer en interne et en externe 

Bon communicant interne, mais aussi, ouvert sur l’occident, l’Empire Ottoman, s’est nourri des échanges avec ses voisins i. La Turquie connaît ses voisins, connaît l’Occident. L’un et l’autre se côtoient depuis un temps long, s’admirent et collaborent parfois, se toisent souvent, se jaugent toujours. La Turquie s’est forgé une identité sur la scène internationale, par la maîtrise de sa politique et de sa communication. Mais à l’intérieur de ses frontières aussi, elle travaille son image.

En politique intérieure, l’histoire est utilisée comme une mission politique, idéologique afin de modeler la nation et les citoyens. Les manuels scolaires et les médias sont les outils parfaits pour transmettre cette histoire turco-islamique surtout ottomane et qui a mis de côté le passé hittite, sumérien voire étrusque, son passé Perse, avec le règne des Achéménides (1ère moitié du Vème siècle avant J.C.) et Grecs (Alexandre le Grand, 323 av J.C.). Le premier de ces deux empires fut un modèle de stabilité, le second un modèle de rapidité mais aussi le plus grand, de la Méditerranée à l’Inde. Et puis l’Empire Romain, l’Empire Byzantin.

En somme la Turquie est toujours au cœur des empires de l’Antiquité. Les Turcs émergent par la suite dans la veine de l’expansion de l’Islam, qui est aussi une forme d’empire politico-religieux, comme ses prédécesseurs. La politique est cependant cette fois-ci au service de la religion. Ce petit détour purement historique est particulièrement important pour comprendre les grilles de lecture utilisées aujourd’hui par la Turquie dans ses stratégies informationnelles.

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La culture, une arme au service de la politique turque

La prise de conscience de l’outil culturel, comme facteur d’influence, n’est pas récente. A titre d’exemple, en 1968, le Président tunisien Habib Bourguiba avait voulu lors d’une visite privée se recueillir sur la tombe d’Hannibal Barca, grande figure historique militaire et politique. Pour éviter de présenter une sépulture mal entretenue, les Turcs pris qui n’avaient pas anticipé la demande, avaient organisé une visite de substitution et invité le président Bourguiba à se recueillir sur un simple monticule laissé à l’abandon. Cette visite provoqua une immense déception et une vive réaction du Président Habib Bourguiba. Les Turcs avaient failli, ils retinrent cette leçon, construisirent un mausolée pour honorer ce héros, et débutèrent ainsi leur stratégie d’influence culturelle.ii

Sur le plan de la politique extérieure, la Turquie a toujours entretenu de bonnes relations avec les pays ayant un passé commun, en particulier avec le Maghreb. L’Histoire et l’identité religieuse sont des points communs qui permettent de maintenir des liens forts. Dans ce contexte historique liant culture et religion. Cette stratégie de positionnement extérieur est pilotée en grande partie par l’agence turque de développement et de coopération (TIKA), qui dispose de deux sous directions : une chargée de l’ensemble des sujets relevant du développement économique et l’autre œuvrant sur le volet social et culturel. Le chef du Millî İstihbarat Teşkilatı (MIT), le service de renseignement turque, Hakan Fidan a dirigé l’agence pendant quatre ans.iii

La Turquie a, très souvent, privilégié le média télévisuel pour affirmer sa puissance culturelle avec la production et diffusion de nombreuses séries et films. Elle a d’ailleurs détrôné l’Égypte particulièrement aguerrie dans ce domaine. La Turquie entre dans le top 5 des exportateurs de séries télévisées au monde après les États-Unis. Ses séries sont visionnées dans plus de 150 pays.

L’instrumentalisation turque de l’idéologie par l’islam et l’argument néocolonial 

L’activité mémorielle est très complexe en Algérie, pays dont la construction nationale est en grande partie fondée sur la guerre de libération contre la France. Celle-ci s’adosse à une opposition à la France entretenue par l’éducation et le discours national, encore ancrée chez certains dirigeants qui ont connu les évènements de 1962. La disparition de cette opposition pourrait placer cette construction face à une forme de vide dont la Turquie a saisi l’enjeu pour asseoir son influence au détriment de la France.

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En Algérie, la TIKA forge cette alliance grâce aux nombreux projets  notamment ceux liés à la restauration de vestiges historiques de la période ottomane, (mosquées, palais,…) qu’elle finance intégralement. La restauration de la mosquée Ketchaoua est un exemple  (budget de 7 millions d’euros) pour lequel l’épouse du Président turc n’a pas hésité à poser dans la presse pour en faire la promotion. Le but étant de valoriser un patrimoine historique rappelant la grande période ottomane. De nombreux projets sont également réalisés à proximité des quartiers populaires afin de séduire ces populations.

A l’aube du soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, inscrit dans l’agenda politique de la France et de l’Algérie, la Turquie n’a pas hésité à mettre sur les ondes une chanson datée de 1830 nommée « Czayir » (Djazaîr) « Les graines de la moisson d’Algérie se répandent dans l’air, s’éparpillent aux quatre vents, Algérie ma mère, Algérie mon amour ». Les paroles sont teintes d’une nostalgie qui trahit le passé colonialiste de la Turquie dont les dirigeants actuels paraissent vouloir utiliser pour redonner à Constantinople son lustre d’antan.

En février 2020, toujours en lien avec le passé historique, le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé à la presse que le président algérien Abdelmajid Tebboune lui aurait confié que « les Français ont massacré plus de 5 millions d’Algériens en 130 ans ». La Turquie a demandé à l’Algérie de partager des documents historiques sur les atrocités commises par les Français. Le président turc a également déclaré qu’une autre ancienne colonie française, le Sénégal, n’avait pas une vision positive de la France.

Plus directement, lors de la visite du président Emmanuel Macron au Liban après l’explosion du 04 août 2020 à Beyrouth, Recep Tayyip Erdogan, lors d’un discours à Ankara, a annoncé : « Ce que Macron et compagnie veulent, c’est rétablir l’ordre colonial (au Liban) ». Le poids de ces mots, fortement connotés idéologiquement, est un message direct aux anciennes puissances coloniales.

 La doctrine idéologique religieuse au cœur de la stratégie d’influence

Les discours de plus en plus agressifs envers la France, ont conduit à une riposte sur le plan informationnel du président Emmanuel Macron notamment lors du discours prononcé aux Mureaux le 2 octobre 2020: « on ne peut pas avoir les lois de la Turquie en France », « La nécessité de libérer l’islam en France des influences étrangères ». « Il sera mis fin au système des imams détachés ».

La stratégie de communication sur le plan idéologique constitue une lutte contre la laïcité, contre « l’islamophobie » des « colonialistes », qui devient l’argument utile à la séduction des populations de confession musulmane en leur faisant admettre le néo-colonialisme ottoman au nom de l’anticolonialisme. Parallèlement à ce pan-ottomanisme, la Turquie a également développé, le pan-touranisme afin d’influencer tous les pays turcophones (l’Asie centrale du Kazakhstan à la Chine) ou ayant des minorités turcophones (de l’Europe occidentale avec l’immigration turque surtout en Allemagne et en France, les Balkans et le Moyen -Orient). Il s’agit là d’une véritable stratégie de puissance par l’information mise en place par la Turquie d’Erdogan.

Nemiri Mohamed.

Notes

i Professeur Edhem Eldem « L’Empire ottoman et la Turquie face à l’Occident », Collège de France, coll. « Leçons inaugurales », n275, 2018.

ii Cock Laurence. « Quelques réflexions sur le bourguibisme » autour du livre de Tahar Belkhodja, (ancien chef de la sécurité du président Habib Bourguiba) Les trois décennies Bourguiba.

iiiBiographie officielle d’Hakan Fidan postée sur le site Internet de l’Organisation nationale de renseignement (MIT) reprise par le site de France culture