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samedi, 28 novembre 2020

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Bien cordialement, 
 
Pierre-Antoine Plaquevent
 

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Dossiers inédits Strategika
 
La nation française et la question musulmane 
par Youssef Hindi
1/ comprendre les causes réelles de la situation actuelle 2/ proposer une issue politique 3/ restaurer l'État et le bien commun.
Sortir de l'impasse dialectique : islamo-gauchisme vs néo-conservatisme.
https://strategika.fr/2020/11/16/la-nation-francaise-et-l...
 
Retrouvez un dossier inédit de Pierre Hillard en exclusivité sur strategika :
Sionisme et mondialisme : le sionisme de ses origines au III ème Reich 1895-1941
 
Dictature sanitaire

Strategika fut l’un des premiers sites à sonner l’alarme sur la dictature sanitaire. Retrouvez certains de nos intervenants dans le documentaire Hold-Up. Le travail de Strategika se situe ainsi en amont de la chaîne de réinformation qui aboutit aujourd’hui au documentaire Hold-Up qui fait trembler la médiacratie hexagonale au service du globalitarisme. C’est exactement cela la fonction d’un think tank comme le nôtre : comprendre les enjeux de notre temps le plus rapidement possible et poser les bonnes questions aux bonnes personnes.  

https://strategika.fr/2020/11/21/retrouvez-les-intervenan...
 
Covid-19 – Le point sur la gestion suédoise de la crise sanitaire
Par le général (2S) Dominique Delawarde  
https://strategika.fr/2020/11/27/covid-19-le-point-sur-la...  

Le plus haut responsable de la lutte contre le terrorisme en Grande-Bretagne a appelé à un débat national sur les nouvelles lois visant à réprimer les théoriciens du complot anti-vaccination.
https://strategika.fr/2020/11/25/royaume-uni-le-chef-de-l...  

Les manifestations anti-confinement s’étendent à toute l’Europe. Des protestations ont eu lieu sur tout le continent. https://strategika.fr/2020/11/21/soulevements-les-manifes...
 
Le principal but de la vaccination n’est pas d’ordre sanitaire
 
 
La Coïncidose médiatique. Une épizootie économico-sociale ?

Actualité internationale 
 
Fraude électorale américaine: Benford peut-il dénoncer une manipulation au profit de Biden ?
par Claude Timmerman
 
Transcaucasie: après le cessez-le-feu du 5 novembre…
par Robert Steuckers  
"Dans une Transcaucasie que l’Occident britannique et américain veut en état de déstabilisation permanente, toutes les provocations sont désormais possibles."
https://strategika.fr/2020/11/27/transcaucasie-apres-le-c...

 
La bataille pour la Maison Blanche et le “drainage du marais”
https://strategika.fr/2020/11/27/la-bataille-pour-la-mais...

''Selon la nouvelle loi, les Suédois devront pouvoir retirer de l’argent liquide dans un rayon de 25 kilomètres autour de leur domicile. Cette loi doit s’appliquer à 99,7% de la population et accorde un an aux banques pour se mettre en conformité, l’autorité de supervision bancaire se donnant le droit d’amender les récalcitrants.'' 
 
Premier ministre hongrois : “Soros est l’une des personnes les plus corrompues au monde”
 
Défense
par le Gal(2S) Grégoire Diamantidis, membre du Cercle de Réflexion Interarmées.
https://strategika.fr/2020/11/27/lautonomie-strategique-e...
L’autonomie stratégique européenne: un rêve qui s’éloigne
 

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Le rôle de l’État hébreu dans les coulisses de la crise arménienne

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Le rôle de l’État hébreu dans les coulisses de la crise arménienne

Par le général (2S) Dominique Delawarde

Ex: https://strategika.fr

Les médias mainstream occidentaux ont beaucoup insisté sur le rôle majeur et indéniable de la Turquie dans la crise opposant l’Arménie à l’Azerbaïdjan, mais ils sont restés extrêmement et étonnamment discrets, voire silencieux sur le rôle tout aussi important, joué, en coulisse, par Israël, et sur son positionnement dans cette affaire.

Ce rôle n’a pourtant pas pu échapper à un géopoliticien ou à un observateur averti.

   Il y a, bien sûr, les discrètes navettes aériennes entre Tel Aviv et Bakou qui, au début d’octobre, ne transportaient pas des oranges, mais de l’armement sophistiqué (notamment des drones et des missiles). Une part non négligeable de l’armement azéri est d’origine israélienne. Il faut rappeler que l’Azerbaïdjan est le premier pourvoyeur de pétrole d’Israël et lui fournit 40% de ses besoins. Ceci suffirait presque à expliquer l’alliance de fait, entre les deux pays, alliance basée sur une sorte d’échange «pétrole contre armement».

https://www.jpost.com/israel-news/video-shows-azerbaijan-...

   Il y a la relative discrétion des chancelleries et des médias occidentaux – dont on sait qui les contrôle – sur l’ingérence ouverte de la Turquie, pays membre de l’OTAN, contre l’Arménie, pays membre de l’OTSC (Organisation du Traité de Sécurité Collective) aux côtés de la Russie. La coalition occidentale a bien protesté du bout des lèvres; elle a bien appelé «à la retenue» et au «cessez le feu», mais elle a laissé faire la Turquie sans vraiment dénoncer son impérialisme islamiste, désormais tous azimuts (Syrie, Irak, Libye, Méditerranée orientale, Caucase).                                                                                          

   Il y a encore la prise de position officielle de Zelenski, premier président juif d’Ukraine, en faveur de l’Azerbaïdjan, et contre l’Arménie. Ce président aurait certainement été plus discret dans son soutien si l’Azerbaïdjan avait été hostile à l’état hébreu.

    Il y a enfin cette déclaration de Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro qui nous apprend dans un tweet:

Conflit au Nagorny-Karabakh: au-delà de la station du Mossad basée en Azerbaïdjan pour espionner l’Iran et de la livraison de matériels militaires à Bakou, Israël entraîne les forces de sécurité azéris, confie un diplomate européen, qui fut basé en Azerbaïdjan.

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Mais pourquoi l’État hébreu se distingue-t-il aujourd’hui, par sa présence et son action dans cette région du monde aux côtés de la Turquie, de l’Azerbaïdjan et du djihadisme islamiste?

    Avant de tenter de répondre à cette question,il faut se rappeler que l’activisme d’Israël sur la scène internationale n’est pas que régional, mais mondial. Il peut être direct ou indirect. Son empreinte est souvent perceptible et parfaitement identifiable dans la politique étrangère des grands pays occidentaux (USA, UK, FR, Canada, Australie), mais elle l’est aussi dans presque tous les grands événements qui ont affecté l’évolution géopolitique mondiale des dernières décennies: (guerres au Proche et Moyen-Orient, révolutions colorées et/ou changement de pouvoir (ou tentatives) notamment en Amérique du Sud (Brésil, Bolivie, Venezuela, Colombie, Équateur) mais aussi en Europe (Maïdan …) et en Afrique du Nord (printemps arabes, hirak algérien). A noter aussi l’ingérence plus ou moins ouverte dans les élections des grands pays de la coalition occidentale (USA, FR, UK, Canada, Australie) par des financements généreux de sa diaspora visant à promouvoir les candidats qui lui sont favorables et à détruire ceux qui ne le sont pas.

   Cet activisme pro-israélien s’exerce par le biais d’une diaspora riche, puissante et organisée. Cette diaspora  collectionne les postes d’influence et de pouvoir, plus ou moins «achetés» au fil du temps et des circonstances, au sein des appareils d’État, au sein des médias mainstream, au sein des institutions financières et des GAFAM qu’elle contrôle. Le Mossad n’est pas en reste et fonde l’efficacité de son action sur le système des sayanims, parfaitement décrit par Jacob Cohen dans sa conférence de Lyon. https://www.youtube.com/watch?v=2FYAHjkTyKU

   L’action de ces relais et soutiens vise à défendre et à promouvoir les intérêts directs et indirects de l’État hébreu sur la planète entière et à élargir le cercle des pays et des gouvernances qui le soutiennent. Elle vise aussi à affaiblir celles et ceux qui lui sont opposés. Elle est tenace,  efficace et s’inscrit dans la durée.

   Pour gagner, l’État hébreu, comme le fait aussi très bien l’OTAN, n’hésite jamais à faire des alliances de circonstance, limitées dans l’espace et dans le temps, avec tel ou tel de ses adversaires (Turquie et djihadistes en Syrie par exemple). Ses actions sont souvent «préméditées», «concoctées» et «coordonnées» avec ses correspondants «néoconservateurs» de Washington. Comme partout ailleurs le mensonge d’État et la duplicité sont monnaies courantes…

   Pourquoi susciter et/ou mettre de l’huile sur le feu dans un conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie et pourquoi maintenant ?

    Trois grands pays de la région, la Russie, la Turquie et l’Iran, sont directement concernés par ce conflit et par ses conséquences potentielles, parce qu’ils sont frontaliers avec l’une des deux parties en conflit, et parfois les deux. Israël, pour sa part, n’est qu’indirectement concerné, mais l’est tout de même, nous le verrons.

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Par ailleurs, cette région du Caucase est également une «zone de friction» entre des alliances qui ne s’apprécient pas vraiment: La coalition occidentale et l’OTAN dont la Turquie et Israël jouent la partition, l’OTSC (Organisation du Traité de Sécurité Collective) dont la Russie et l’Arménie sont membres, et l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï) à laquelle la Russie et l’Iran sont liés (pour l’Iran, comme membre observateur et aspirant candidat depuis 15 ans).

   Pour compliquer le tout, le premier ministre arménien en fonction, Nikol Pashinyan, a cru bon de devoir afficher sa préférence pour l’Occident dès sa prise de fonction et de prendre ses distances avec Moscou, ce qui met son pays en position délicate pour réclamer aujourd’hui l’aide de la Russie.

   Le déclenchement de la crise actuelle est, selon moi, une opération qui dépasse largement le cadre étroit d’un conflit territorial entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Il s’agit d’une opération de plus – après Maïdan en Ukraine, après la tentative de révolution colorée en Biélorussie et après les affaires Skripal et Navalny – visant à mettre la pression sur la Russie, mais aussi sur l’Iran, en les mettant dans l’embarras, voire, en les poussant à la faute.

   Il est clair que toute intervention rapide et musclée de la Russie dans ce conflit aurait été immédiatement condamnée par la «communauté internationale autoproclamée» – c’est à dire par l’OTAN – et suivie de l’habituel train de sanctions anti-russes, par les USA, servilement suivis par ses vassaux européens. Il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui, mettre un terme au gazoduc North Stream II reste un objectif majeur pour les USA……

   L’absence d’une ferme réaction des occidentaux dans la crise du Caucase est, en elle- même, révélatrice sur quatre points:

   1 – La défense de l’Arménie n’est pas une priorité pour la coalition occidentale. Monsieur Nikol Pashinyan, premier ministre arménien, s’est donc trompé de cheval en misant sur l’Occident pour la défense de son pays. La coalition occidentale laisse souvent tomber ses alliés de circonstance comme ils l’ont fait pour les Kurdes en Syrie …..

   2 – En atermoyant et en laissant venir une réaction russe qu’elle espère pouvoir sanctionner en mettant définitivement fin au North Stream II, la coalition occidentale montre, une fois de plus, sa duplicité et son cynisme. Peu lui importe l’Arménie …..

   3 – En créant un foyer d’infection djihadiste aux frontières de la Russie et de l’Iran, la coalition israélo-occidentale montre, une fois de plus, qu’elle est prête à pactiser avec le diable et à l’instrumentaliser pour parvenir à ses fins, en l’occurrence l’affaiblissement de ses adversaires russes et iraniens.  

   4 – En laissant agir la Turquie et Israël sans réaction, la coalition occidentale reconnaît implicitement, derrière des discours trompeurs, que ces deux pays agissent à son profit.

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Le quotidien israélien «The Jerusalem Post» a abordé dans un article récent les affrontements entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie non sans laisser éclater la joie israélienne de voir le Caucase devenir un nouveau foyer de crise potentiellement susceptible d’avoir un impact considérable sur le Moyen-Orient. L’impact recherché par Israël est toujours le même: alléger les pressions et les actions iraniennes et russes sur le théâtre syrien en ouvrant un «nouveau front de préoccupations» aux frontières de ces deux pays.

   En conclusion, quatre points méritent d’être soulignés, à ce stade de la crise,

   1 – Monsieur Pashinyan, premier ministre arménien, a fait une erreur d’appréciation en misant sur un camp occidental qui s’avère moins fiable que prévu pour défendre l’intérêt de son pays. Il devra, peut être, in fine, faire des concessions douloureuses et pourrait bien y perdre son emploi lors des prochaines élections.

   2 – Monsieur Aliyev, président d’un Azerbaïdjan majoritairement chiite, regrettera peut être un jour d’avoir introduit sur son sol des djihadistes sunnites pour combattre l’Arménie. Il regrettera peut-être aussi l’instrumentalisation dont il est l’objet par la Turquie et Israël, chevaux de Troie de l’OTAN. Ses voisins russes et iraniens ne lui pardonneront pas facilement…..

   3 – La Russie, dont la gouvernance et la diplomatie ne sont pas nées de la dernière pluie,  n’est toujours pas tombée, tête baissée, dans le piège de l’intervention immédiate et musclée qui pourrait, après la tragi-comédie «Navalny», sonner le glas du North Stream II.

  Elle interviendra, tôt ou tard, lorsque le bon moment sera venu. Les différents protagonistes directs et indirects ne perdront rien pour attendre.

   4 –  Israël et l’Occident otanien auront-ils gagné quelque chose à poursuivre leurs  actions de harcèlement aux frontières de la Russie et de l’Iran en instrumentalisant l’Azerbaïdjan et en cherchant à détacher l’Arménie de l’OTSC dans le cadre de la stratégie d’extension à l’Est qu’ils poursuivent depuis trente ans ? Rien n’est moins sûr. L’avenir nous le dira.

  Quant à la solution du problème territorial, source du conflit déclenché par l’Azerbaïdjan-contre l’Arménie, elle réside probablement dans l’application de l’article 8 du Décalogue de l’Acte final d’Helsinki voté le 1e août 1975 qui régit les relations internationales entre les états participants. Cet article évoque clairement «le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes».

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Lorsqu’une volonté de quitter un ensemble étatique est validé par un, voire plusieurs référendums à plus de 90%, et lorsque cette sécession a été effective durant 34 ans, sans conflit majeur – ce qui est le cas pour la république d’Artsakh (Haut-Karabakh)-,  il semble légitime que la communauté internationale puisse prendre en compte la volonté des peuples et d’accepter de reconnaître ce fait en dotant ces nouveaux états d’une structure juridique particulière leur garantissant une paix sous protection internationale.

  On me rétorquera que l’article 3 du même décalogue d’Helsinki rappelle l’intangibilité des frontières. Il s’agira donc, pour la communauté internationale, de déterminer si le droit des peuples à disposer d’eux même doit primer, ou non, sur l’intangibilité des frontières, après 34 ans de séparation totale et effective de vie commune entre deux parties d’un même état.

  Cette décision, lorsqu’elle sera prise, ne devrait pas être sans conséquences jurisprudentielles sur le futur du Kosovo, de la Crimée, ou de la Palestine occupée……

  Pour ceux qui souhaitent élargir et diversifier leurs connaissances sur ce sujet sensible, je suggère la lecture de deux articles intéressants:

– un article de Jean Pierre Arrignon, historien byzantiniste et spécialiste de la Russie

– un éditorial d’Eric Denécé, patron du CF2R (Centre Français de Recherche sur le Renseignement sous le titre: «Le conflit Arménie/Azerbaïdjan au Haut-Karabakh relancé par la Turquie».

https://cf2r.org/editorial/le-conflit-armenie-azerbaidjan...

Le coronavirus modifie le scénario de la cybertechnologie mondiale

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Leonid Savin

Le coronavirus modifie le scénario de la cybertechnologie mondiale

L'une des conséquences de la propagation du coronavirus et des mesures de quarantaine qui ont été introduites dans de nombreux pays est la suivante : cela a entraîné une augmentation de la demande sur Internet. Dans les pays, les autorités tentent de réguler le trafic avec les moyens et les mesures disponibles. L'un des géants américains dans ce domaine est Verizon, qui a reçu de la Commission fédérale des communications l'autorisation d'utiliser des fréquences supplémentaires. En Italie, le trafic a augmenté en mars de 70 %, en Pologne et en Espagne de 40 %. En Europe, Netflix, Amazon, YouTube et Facebook ont réduit la qualité des vidéos. La virtualisation des lieux de travail, l'utilisation d'applications de livraison de nourriture, l'affichage de contenus divers, tout cela a affecté la bande passante et le trafic dans de nombreux pays. En outre, plusieurs pays ont soulevé la question de la pertinence de la télémédecine. Et les plus avancés ont attiré l'attention sur les capacités des supercalculateurs à préparer des scénarios de propagation de maladies et de développement de médicaments efficaces. Et, bien sûr, tout cela a affecté la cybersécurité.

Reuters écrit qu'aux États-Unis, l'activité des pirates informatiques a doublé. Dans ce cas, l'agence fait également référence à une déclaration de Tom Kellerman du département de sécurité de VMware.

imagesvmware.jpgVMware est un acteur très intéressant dans le domaine de l'informatique et de la cybertechnologie. La fondatrice de l'entreprise est Diana Green, qui a également dirigé le département des technologies en cloud de Google, et a siégé au conseil d'administration d'Alphabet de 2012 à 2019. Un autre fondateur de la société est le professeur Mendel Rosenblum de l'université de Stanford, qui est le mari de Diana Green. VMware se concentre sur le développement de logiciels de virtualisation. Depuis sa création en 1998, elle a absorbé plus de dix autres sociétés, et ses directeurs comprennent des cadres supérieurs de Microsoft et d'Intel.

Il est intéressant de noter qu'en 2017, Kellerman, avec le même enthousiasme, a commenté le piratage "du côté russe". Il a déclaré qu'en 2015, sa société "a averti le FBI et le bureau du directeur du renseignement national que les pirates du Kremlin avaient dressé une liste de 2300 personnes, dont des dirigeants influents de Washington et de New York, ainsi que leurs conjoints et amants, ce qui en fait la cible d'une campagne de piratage coordonnée. Kellermann a déclaré qu'il ne savait pas si le gouvernement avait suivi ses conseils, mais a averti que les pirates informatiques avaient la possibilité de brancher des microphones et des caméras sur leurs appareils personnels pour obtenir des informations confidentielles sur leur vie privée. Mais il estime que la campagne a réussi à engager les dirigeants américains. Kellermann a également noté que les approches des attaques en ligne sont un signe avant-coureur d'une agression armée et a prédit que le conflit entre les États-Unis et la Russie va probablement commencer dans la région de la Baltique. "Je suis très, très inquiet", a-t-il dit. "Le cyberespace est toujours le signe avant-coureur de la réalité cinétique." L'Occident a alors connu une vague d'articles disant que la Russie allait attaquer les pays baltes, et peut-être même la Finlande. Et le Pentagone a organisé une série d'exercices communs dans la région.

CrowdStrike-logo.jpgL'évaluation de la situation actuelle en matière de cybersécurité aux États-Unis a coïncidé avec succès, pour de nombreuses parties intéressées, avec la persécution des entreprises chinoises. En février 2020, les États-Unis ont accusé quatre citoyens chinois d'avoir piraté Equifax. Les médias ont cité des informations fournies par le célèbre mythomane Dmitri Alperovich de Crowdstrike, qui affirme que les groupes APT1, APT3 (Buyosec) et APT10 sont liés aux services de renseignements chinois.

En avril 2020, l'application chinoise Zoom a été reconnue aux États-Unis comme un outil d'espionnage américain et son utilisation au sein du gouvernement a été interdite.

Et en janvier, le secrétaire d'État Mike Pompeo, dans un discours en Californie sur la relation entre la Silicon Valley et la sécurité nationale, a déclaré que "le groupe de pirates APT10 est associé au ministère chinois de la sécurité. En général, la moitié du discours a été consacrée aux problèmes que l'establishment voit par rapport à la croissance de la Chine et à ses technologies.

Les politiciens américains serrent les poings de manière menaçante et crient qu'ils ne permettront pas à la technologie 5G chinoise d'entrer sur leur territoire. Bien que les experts affirment que la 5G est l'épine dorsale des communications du XXIe siècle, la coopération avec d'autres pays sera tout simplement nécessaire après la fin de la crise du coronavirus.

Gen-Keith-Alexander.jpgLes entreprises informatiques locales commenceront très probablement à combler le vide. Le succès est garanti pour ceux qui ont de bonnes relations à la Maison Blanche et au Pentagone, par exemple l'ancien chef de la NSA et du Cyber Command Keith Alexander, qui dirige maintenant IronNet CyberSecurity.

L'armée américaine détient également une part importante du gâteau des aides d'État dans la lutte contre le coronavirus. Avant même que Donald Trump ne signe le décret allouant 2,3 milliards de dollars du Pentagone, les militaires américains ont déclaré qu'ils participaient activement au processus de réorganisation du travail et que des fonds supplémentaires étaient nécessaires pour gérer les réseaux, les ordinateurs et les systèmes. La semaine dernière, ils ont reçu 10,5 milliards de dollars dans le cadre du "programme d'aide aux coronavirus" du gouvernement. Et ce n'est que le début.

Comme l'attribution de ce paquet d'aide est déjà en cours, six organisations - le Conseil de l'industrie des technologies de l'information, l'Alliance pour l'innovation numérique, CompTIA, le Centre d'approvisionnement de la défense, l'Association Internet et la Coalition pour la cyber-sécurité - ont demandé au Congrès américain de prendre en compte leurs intérêts dans le prochain paquet d'aide, qui est en cours de préparation. Ils proposent d'allouer des fonds pour la mise à niveau technologique, de soutenir le secteur public local, de renforcer les mesures de cybersécurité et de créer un fonds spécial pour le développement des technologies gouvernementales.

De nombreuses entreprises de cyber-technologie se sont précipitées dans le secteur médical dans l'espoir de tirer profit de la publicité et de la panique générées. Par exemple, BenevolentAI a annoncé l'utilisation de l'intelligence artificielle pour traiter les patients atteints d'une infection due au coronovirus. Certains médicaments développés à l'aide de l'intelligence artificielle sont censés être déjà utilisés pour des thérapies, mais une solution est déjà en route.

Il est significatif que dans le domaine de l'intelligence artificielle aux États-Unis, un grand nombre de nouvelles entreprises aient vu le jour. Ce sont ces nouvelles entreprises qui prédisent les tendances de la télémédecine et de la future nanomédecine dans la gamme des puces intégrées au corps, comme le suggère Bill Gates.

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Le COVID-19 a même influencé le fonctionnement des câbles sous-marins par lesquels passe la majeure partie du trafic Internet mondial. Des ruptures de câbles au fond de l'océan se produisent régulièrement et une flotte spéciale est employée pour les réparer. Des retards dans la délivrance des licences ont déjà été observés. En outre, les mesures de quarantaine ont conduit un fournisseur de câbles sous-marins à fermer deux usines.

Bien entendu, ces perturbations touchent non seulement les États-Unis et l'Europe, mais aussi la Russie et le reste du monde, car l'Internet et les cybertechnologies sont universels. La question est de savoir exactement comment les gouvernements vont réagir et quelles seront leurs priorités : les intérêts des cyberentreprises privées ou de leur population en général.

Jacob Taubes : Eschatologie occidentale

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Jacob Taubes : Eschatologie occidentale

Une belle lecture de la structure eschatologique de la pensée révolutionnaire occidentale

par Thibaut Gress

Ex: https://web.archive.org

Une fois de plus, c’est un précieux cadeau que les éditions de l’Eclat ont adressé, par l’intermédiaire de Raphaël Lellouche et Michel Pennetier, aux lecteurs français. En effet, la traduction du seul livre publié par Jacob Taubes de son vivant, Eschatologie occidentale [1] constitue un événement éditorial tout à fait remarquable qu’il convient de saluer, tant cela devrait aider à diffuser la pensée de celui qui, jusqu’à présent, était surtout connu comme interlocuteur de Carl Schmitt. Et, comme pour compléter cette traduction, le Seuil eut au même moment la bonne idée de traduire un recueil de textes, sous le titre de Le temps presse. Du culte à la culture [2] si bien que le lecteur français dispose désormais de l’œuvre majeure de Taubes et d’articles tout aussi essentiels, créant un jeu de renvois à l’intérieur de sa pensée encore méconnue.

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A : Remarques sur l’importance de la préface de Raphaël Lellouche

Raphaël Lellouche – qui sortira bientôt une monographie consacrée à Jacob Taubes – introduit le texte par une très longue préface, dans laquelle il propose une élucidation des rapports de l’auteur d’Eschatologie occidentale avec Carl Schmitt dont le caractère problématique ne cesse d’être rappelé. « S’il faut se garder de faire de la réception de Jacob Taubes une annexe consécutive à celle de Carl Schmitt, leurs contextes sont néanmoins fortement liés. » [3] Et c’est précisément cette liaison entre ces deux auteurs qu’interroge Lellouche dans une préface dense et très informée, qui a le mérite de replacer l’œuvre de Taubes dans une herméneutique de la réception tout à fait aboutie. On n’y trouvera que fort peu d’éléments permettant de comprendre la pensée de Taubes, mais on se plongera dans la genèse de son œuvre et dans les conflits parfois décevants qu’il put entretenir avec Leo Strauss ou Scholem, ces deux derniers accusant notre auteur de singulièrement manquer d’originalité, au point de chercher à bloquer la carrière universitaire de Taubes, notamment à Chicago. L’hypothèse de lecture proposée par Lellouche, qui semble parfaitement valable, consiste à interpréter l’eschatologie occidentale à travers le critère décisionniste issu de Carl Schmitt, au risque d’ailleurs de faire jouer le Schmitt de la Théologie politique contre celui du Nomos de la terre. L’hypothèse est séduisante et disons même subtile car la présence de Schmitt dans Eschatologie occidentale est, lorsqu’on lit le texte, plus que discrète. Parvenir à reconstruire une lecture décisionniste en dépit de la discrétion explicite de cette dernière relève donc d’une hypothèse forte et méritant toute notre attention.

indexjtstp.jpgAbordons maintenant la thèse générale de Taubes, défendue dans cet ouvrage qui, en effet, peut parfois manquer d’originalité ainsi que le déploraient Strauss et Scholem. Lellouche résume fort bien le mouvement même de la pensée à laquelle nous sommes confrontés en identifiant ce courant eschatologique innervant l’histoire même de l’Occident. « L’histoire de l’Occident est un long conflit interne autour de l’enjeu central caché de l’apocalyptique. Dès les premiers siècles, le christianisme tend à se transformer en une mystique du Logos, en même temps que la dimension eschatologique perd son urgence politique et s’intériorise dans un « drame de l’âme » d’échelle cosmique. Ce n’est que résiduellement que l’apocalyptique fait résurgence dans l’ordre chrétien qui s’ouvre sur son refoulement. » [4] L’idée de Taubes est en effet intégralement contenue dans cette pensée d’une eschatologie secrète, courant au cours des siècles, dans le déploiement de l’histoire occidentale et dont il se propose d’étudier les avatars successifs. Il y va donc d’une démarche de décryptage car si eschatologie il y a, cela ne saurait être vraiment explicite dans l’ordre historique de l’Occident : c’est une trame secrète mais récurrente qui devient l’objet des investigations de Taubes, et donc nous allons proposer quelques éléments.

B : Temps et histoire : l’importance de la décision

L’influence décisionniste que Lellouche avait rappelée à très juste titre est extrêmement sensible dès les premières pages de l’ouvrage ; définissant l’eschaton comme la fin, Taubes établit un certain nombre de principes à l’égard desquels il ne variera pas, et qui mettent en jeu la notion de décision de manière plutôt explicite, ce qui constitue une singularité au sein du livre. La question initiale qui ouvre l’ensemble des problèmes est posée sans détour, et guidera l’entièreté des réflexions sur le messianisme et l’apocalypse qui en découleront : « Il est question de l’essence de l’histoire. S’interroger sur l’essence de l’histoire, ce n’est pas se soucier d’événements particuliers dans l’histoire (…). S’interroger sur l’essence, c’est s’écarter de tout cela et porter son regard vers l’unique question : comment l’histoire est-elle possible ? Quel est le fondement suffisant sur lequel repose l’histoire comme possibilité ? » [5] D’emblée, Taubes pose comme problème central la condition de possibilité de l’histoire ; à quelles conditions, l’histoire est-elle possible ? Voilà finalement la seule question à laquelle cet ouvrage va tenter de répondre à travers un examen diachronique des pensées de l’histoire.

9780231520348_p0_v2_s1200x630.jpgLa solution à la question posée réside précisément dans la notion de fin comme eschaton : l’histoire ne semble possible que si, d’une part, se trouve posée une fin et si, d’autre part, entre le passé et la fin se trouve établi un rapport. Le moyen de parvenir à cette fin mettra en œuvre la volonté, et c’est là que l’influence de Carl Schmitt se fait certainement sentir. « Ainsi s’éclaire le rapport entre l’ordre du temps et l’ordre eschatologique du monde. Le sens unique du temps est fondé dans la volonté. » [6] Ce que dit Taubes est intéressant car, pour penser le nécessaire rapport du passé et de l’avenir comme fin, il pose le temps, lequel ne peut être régi que par la volonté : l’ordre temporel n’est rien d’autre que l’affirmation d’une différence entre passé et avenir, ce qui serait une affirmation banale si la volonté ne venait pas structurer cette dernière. « L’ordre du temps, écrit donc Taubes, est fondé sur la distinction du passé et de l’avenir et sur la décision entre passé et avenir. » Voilà donc posé le cadre de réflexion, nettement issu de Carl Schmitt, mais en même temps irrigué par un questionnement de type heideggérien dont Taubes mime le geste de manière presque parodique.

On n’en a toutefois pas tout à fait fini avec l’histoire ; en effet, le détour par le temps ne doit pas faire oublier ce que l’histoire a pour fonction de révéler : il me semble que la réponse de Taubes est ici sans ambiguïtés dans la mesure où l’histoire est tout entière dévolue à la révélation de l’homme à lui-même. « Le chemin de l’homme dans le temps est l’histoire comme révélation de l’homme. Dans l’éon du péché, commence l’Etre comme Temps, dirigé vers la mort. Le temps porte en lui-même le principe de la mortalité. » [7] La manière dont l’homme s’insère dans le temps, par la volonté, désigne précisément le procès historique par lequel l’homme se révèle à lui-même ; or, le temps étant marqué par la mort, il est logique que l’histoire connaisse elle-même une fin, un eschaton ; tel me semble être le principe premier auquel Taubes se livre dans cet ouvrage : justifier l’eschatologie suppose de comprendre le geste temporel par essence fini dans lequel l’histoire vient se lover jusqu’à son terme. La question qui se pose est alors la suivante : quel type de fin l’Occident a-t-il envisagé pour l’histoire ?

C : Exil et sentiment gnostique

A la question précédente, Taubes va d’abord répondre par une ontologie dualiste, dans laquelle le monde et Dieu vont constituer les deux pôles d’une éternelle tension ; et le monde, en tant qu’il n’est pas Dieu, sera conçu comme le lieu même de la déchéance et de la déréliction. Les résonances gnostiques sont ici explicites, revendiquées même, et ce n’est évidemment pas un hasard si Taubes commence l’analyse par l’Evangile du Dieu étranger. Là où Taubes va être percutant, mais guère original, c’est en établissant un lien entre cette vision gnosticiste de l’être et le geste révolutionnaire ; en effet, l’évangile du Dieu lointain, voire du dieu non-étant qu’annonce la gnose, « peut être le mot d’ordre et l’étincelle d’une nostalgie nihiliste-révolutionnaire. Le Dieu opposé au monde, « non-étant » dans le monde, sanctionne l’attitude nihiliste de l’homme à l’égard du monde. Le « Dieu non-étant », et cela signifie « non encore étant », est la promesse violente d’un tournant. Le Dieu non-étant néantise le monde et apparaît alors dans toute sa puissance. » [8] Tout l’ouvrage va donc constituer une étude des postures révolutionnaires présentées comme nostalgiques de ce Dieu éloigné, dont la révolution consistera précisément à résorber l’éloignement par la réalisation ici-bas de l’eschaton.

pmAoowoRzRtoAChFgMsW9Z_GMfo.jpgPlusieurs moments-clés de cette tendance vont être abordés : Joachim de Flore, Kant, Hegel, Marx, Kierkegaard, parmi les philosophes, mais aussi des endroits clés, si l’on peut dire, comme Israël qui va recevoir une caractérisation forte, en tant qu’il est le lieu par excellence de la révolution ; d’abord parce que le geste même d’Israël est celui de l’exil permanent, ce qui n’est autre que le sentiment général du gnostique, étant donné que le gnostique est celui qui a conscience d’avoir perdu sa patrie d’origine, qui a été exilé sur terre et dans le temps, mais aussi parce que l’exil répète le Désert : il y aurait un lien consubstantiel entre l’errance du désert et l’exil des Hébreux. « Ce sont leurs dispositions de type bédouin qui expliquent que les tribus semi-nomades d’Israël sortant d’Egypte n’aient pas élevé leur chef au rang de roi. La théocratie est construire sur le fond anarchisant de l’âme d’Israël. » [9] Si bien que l’on peut affirmer, avec Taubes qu’Israël « est en exil in statu nascendi. » [10] Encore une fois, il ne faut pas prendre ici l’exil dans un sens exclusivement géographique mais il faut y voir l’exil spirituel du gnostique qui, sans cesse condamné à l’errance loin de sa terre d’origine, souhaite néanmoins retrouver cette dernière.

De cette errance, Taubes va en déduire un certain nombre de traits gnostiques, dont les implications sont très nettement empruntées à Hans Jonas, ce qui hypothèque quelque peu la singularité de la démarche de Taubes. Le gnostique est cet être exilé par excellence, qui erre sur terre dans une redoutable contingence ce qui n’est pas sans parenté avec l’être-jeté de Heidegger, dont Jonas avait pu établir toute la dimension gnostique [11] et dont Taubes ne fait que reproduire les analyses. « L’être-jeté, écrit ce dernier, est l’un des symboles les plus insistants de l’apocalyptique et de la gnose, et il signifie que l’homme est placé dans une situation où tout choix lui est retiré. » [12] Bien sûr le choix en question porte non pas sur la liberté humaine mais sur le choix d’être hic et nunc sur terre, ce qui constitue précisément ce sur quoi le gnostique enrage de n’avoir aucune prise : la Geworfenheir de Heidegger semble très nettement inspirée de ce sentiment gnostique.

D : Philosophie eschatologique

Ce sentiment gnostique d’étrangeté à l’égard du monde, dont Taubes étudie les avatars, va se retrouver exprimé dans l’ensemble des postures révolutionnaires qui seront pensées comme une sécularisation politique d’un sentiment apocalyptique : pour le dire plus clairement, la Révolution va être pensée comme la résorption de l’écart entre le Dieu étranger et l’ici-bas, résorption qui ne sera rien d’autre que la stricte mise en œuvre de la structure apocalyptique. « La totalité de l’eschatologie peut être résumée dans la vieille formule apocalyptique : le Royaume de Dieu sur terre. » [13] Autrement dit, cette fameuse fin, ce fameux eschaton autour duquel tourne tout l’ouvrage est ici réinterprété comme la fin de la scission, la fin de l’exil en tant que la bipolarisation sera elle-même résorbée. Cette idée, finalement assez classique, est intéressante en ceci qu’elle repose sur une continuité entre la pensée révolutionnaire dans toute sa variété et la gnose issue de l’antiquité tardive finalement réinterprétée comme un refus de la séparation, ce qui va à l’encontre de l’interprétation dominante. On en trouve d’ailleurs confirmation dans Le temps presse, où Taubes écrit ceci : « Contre l’interprétation dominante de la Gnose, j’ai tenté de défendre la thèse selon laquelle la Gnose de l’Antiquité tardive désigne une crise de la religion monothéiste de la révélation elle-même, dans laquelle la doctrine du Dieu créateur supramondain est mise en doute. » [14] Cette indication est précieuse car elle permet de comprendre qu’aux yeux de Taubes la pensée révolutionnaire n’est rien d’autre que le moyen moderne d’assumer le refus de la transcendance, refus lui-même issu de la gnose de l’Antiquité tardive : pour le dire clairement encore, refuser la transcendance de Dieu, refuser le Dieu de l’Ancien Testament, voilà la source de la révolution qui souhaite incarner ici-bas l’entièreté de la vérité de l’Etre. Tout est immanent, et cet immanentisme s’enracine dans l’ordre gnostique. Cela ne signifie pas que le monde autre n’existe pas, mais cela signifie qu’il va falloir le ramener sur terre le plus rapidement possible en inversant l’ordre des choses.

9783846760567.jpgTaubes va fort logiquement accorder une place éminente à Joachim de Flore dans ce processus, dont il analyse subtilement le fameux transire qu’il rapproche de l’Aufhebung hégélienne, ainsi qu’à Thomas Münzer, pour lequel l’âme va se débarrasser de tous ses oripeaux pour renverser les puissances terrestres, afin qu’advienne ici et maintenant le règne de Dieu. Avec ces deux personnages, nous sommes en face de deux grands penseurs qui auront tenté de théoriser le moyen de dépasser dans l’immanence la simple condition mortelle. Et à partir de ce moment, toute la pensée, nous dit Taubes, va aller dans le sens d’une résorption sans cesse croissante de l’écart entre l’ici bas et la transcendance.

Cela va être vrai avec Kant dont Taubes semble surinterpréter le côté copernicien. A ses yeux, « le système kantien est la philosophie de l’humanité copernicienne. Le monde copernicien est une terre au-dessus de laquelle ne se voûte aucun ciel, archétype de la terre. L’humanité ne se rapproche donc pas de son essence quand elle rapproche le monde d’un archétype au-dessus d’elle. Puisque l’espace entre ciel et terre a perdu toute signification, l’humanité copernicienne cherche à révolutionner le monde selon un idéal qui, en tant que postulat, ne peut être réalisé qu’au cours du temps. » [15] La philosophie kantienne est celle de la possibilité pour l’homme de se concentrer sur l’ici-bas, le monde, en tant que seule région ontologique finalement dotée de sens. L’analyse menée ne semble pas toujours très convaincante, d’une part parce que Taubes minore considérablement l’importance de la finitude chez Kant, ce qui rend problématique un tel énoncé : « la philosophie de Kant est la philosophie l’humanité prométhéenne. » [16] ; et d’autre part, il ne prête nulle attention à la dimension tout à fait hypothétique des postulats de la raison pratique, si bien qu’il fait comme si Kant avait théorisé une autonomie du salut, alors même que celui-ci est entièrement subordonné à un postulat aux résultats parfaitement aléatoires du point de vue rationnel. Mais cela tient peut-être aussi au fait que Kant n’est pas ce que l’on pourrait appeler un révolutionnaire réel, à tout le moins au sens apocalyptique du terme.

Plus convaincantes se trouvent être les analyses de Hegel dont Taubes cherche à enraciner la logique dans la gnose, ne faisant là que reproduire les célèbres analyses de Christian Baur dans la Gnose chrétienne, ce qui en limite une fois de plus l’originalité. Il relie Hegel à Joachim de Flore, dont les visions apocalyptiques de celui-ci seraient reprises par celui-là dans l’idée d’une fin de l’Histoire. « Comme Hegel se sait à la fin de la dernière époque du monde chrétien, Joachim se voit placé au début de cette époque du monde : tous deux savent qu’ils sont au tournant. » [17] Cela est sans aucun doute discutable, mais contient certainement une part de vérité, tant il est vrai que les sources hégéliennes sont souvent plus hermétiques qu’on ne veut bien le dire. Taubes, toujours en suivant Baur, est ainsi amené à écrire ce constat qui est, lui aussi, riche de sens : « L’esprit fini de Hegel est identique à la psychè gnostique. » [18]

escatologia-occidentale.jpgL’accomplissement de ces pensées, toujours pour Taubes, n’est autre que celle de Marx (et, dans une moindre mesure, celle de Kierkegaard) : « Si Marx philosophe sans Dieu et Kierkegaard devant Dieu, ils partagent cependant le même présupposé : la décomposition de Dieu et du monde. » [19] Marx va reprendre tout à la fois le sentiment gnostique de nécessité de résorber l’écart, donc d’accomplir ici-bas la fin, tout en reprenant une idée très gnostique elle aussi, à savoir le fait que le monde, dans sa marche habituelle, est saturée de mal, lequel fait des hommes des marionnettes prises dans une déchéance qu’ils n’ont pas voulue. Pour le dire clairement, non seulement l’homme est ici-bas contre sa liberté, mais de surcroît, être ici-bas signifie être jeté dans le mal ; la description du capitalisme revient alors à décrire le mal qui frappe le monde et dont la sortie consistera une rédemption. « C’est de ce point de vue qu’il faut remettre en perspective le « déterminisme », souvent incompris, de la structure intellectuelle de l’apocalyptique marxiste. » [20] Et à ce sentiment gnostique, Marx va ajouter les élaborations philosophiques précédentes, celles de Lessing, Kant et Hegel : « Avec Hegel, le maître à penser de Marx, nous sommes arrivés au but, c’est-à-dire au marxisme. Si un pont entre Lessing et Marx peut être construit, est alors également donnée la relation (de Marx) au chiliasme sur lequel Lessing se fonde. Ainsi il sera prouvé que, non plus seulement sur le plan dogmatique, mais aussi sur le plan historique, le marxisme n’est qu’un enfant du nouveau chiliasme » [21]

Ce livre a finalement le défaut de sa qualité ; sa qualité est d’avoir été capable de synthétiser un certain nombre de lectures, que ce soient celles de Jonas ou de Baur, pour établir une vision puissante et à peu près cohérente du développement de la gnose dans l’histoire occidentale ; mais sa limite réside précisément en ceci que, par rapport à Baur et Jonas, et même à Voegling, il n’apporte pas grand-chose. Pour ceux qui ont lu les auteurs cités, ainsi qu’Harnack et quelques autres, les liens étaient déjà faits, et la forme révolutionnaire dont Marx est l’accomplissement était déjà pensée, depuis longtemps, comme une sécularisation du sentiment apocalyptique et / ou gnostique. Ce qui est intéressant, en revanche, c’est peut-être l’interprétation du sentiment gnostique que donne Taubes : si le gnostique se sent bien étranger au monde, Taubes n’en déduit pas forcément qu’il faille renoncer au monde, mais bien plutôt faire de ce dernier le lieu même de l’accomplissement en vue de mettre fin à ce détestable sentiment d’exil. Là se joue quelque chose d’intéressant, car le retour à la patrie réelle n’est rien d’autre dans ce cas que la découverte d’une possibilité de réaliser hic et nunc le salut, ce que proposent les postures révolutionnaires. Au-delà de cette interprétation neuve du sentiment gnostique, sachons gré à Taubes de rappeler combien certaines pensées, prétendument areligieuses, se trouvent en réalité saturées de présupposés théologiques, et secrètement parcourues de sentiments eschatologiques. Ce simple fait mérite que l’on accorde toute son attention à cette belle Eschatologie occidentale dont on trouvera de nets échos dans le remarquable ouvrage de Heinz Dieter Kittsteiner, Marx Heidegger. Les philosophies gnostiques de l’histoire. [22]

Notes

[1Jacob Taubes, Eschatologie occidentale, Traduction Raphaël Lellouche et Michel Pennetier, l’Eclat, 2009

[2Jacob Taubes, « Le temps presse », du culte à la culture , traduction Mira Köller et Dominique Séglard, Seuil, 2009

[3Raphaël Lellouche : « La flèche des amis. La guérilla herméneutique de Jacob Taubes » in Jacob Taubes, Eschatologie occidentale. Op. cit., p. XVI

[4Ibid. p. XXVIII

[5Jacob Taubes, Eschatologie occidentale, p. 3

[6Ibid. p. 4

[7Ibid. p. 9

[8Ibid. p. 12

[9Ibid. p. 22

[10Ibid. p. 29

[11cf. Hans Jonas, La religion gnostique. Le message du Dieu étranger et les débuts du christianisme., Flammarion, 1992

[12Taubes, Eschatologie occidentale, p. 36

[13Ibid. p. 105

[14Jacob Taubes, Le temps presse, op. cit., p. 138

[15Taubes, Eschatologie occidentale, p. 170

[16Ibid. p. 177

[17Ibid. p. 119

[18Ibid. p. 201

[19Ibid. p. 10

[20Ibid. p. 42

[21Ibid. pp. 169-170

[22Heinz Dieter Kittsteiner, Marx Heidegger, les philosophies gnostiques de l’histoire, Traduction Emmanuel Prokob, Cerf, 2007

Yukio Mishima et la crise de l'identité japonaise au sommet de la prospérité économique

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Yukio Mishima et la crise de l'identité japonaise au sommet de la prospérité économique

[Texte extrait du blog "Otakism", aujourd'hui disparu]

Ex: https://legio-victrix.blogspot.com

"Femmes : bulles de savon ; argent : bulles de savon ; succès : bulles de savon. La réflexion sur les bulles de savon est le monde dans lequel nous vivons".

Yukio Mishima (Pavillon d'or)

L'écrivain et dramaturge Yukio Mishima (Kimitake Hiraoka - 1925-1970) est certainement l'un des personnages japonais les plus emblématiques du XXe siècle pour avoir ouvert de façon excentrique les contradictions d'un pays millénaire qui avançait sur la voie du progrès sans même un regard sur le tachymètre.

Mishima, qui a reçu une éducation de samouraï, a vécu et est mort en tant que samouraï, étant entré, enfant, à l'école alors que le Japon militariste "entrait" en Chine. Sans l'attention de son père, qui voulait qu'il obtienne un diplôme d'ingénieur malgré son talent pour les arts, et en prenant soin d'une grand-mère malade et possessive, Kimitake s'est réfugié dans la littérature pour supporter l'oppression de la vie quotidienne, et c'est précisément pour cette raison qu'il a créé son nom de scène, dans l'intention de cacher ses activités à son père. Influencé par des œuvres telles que le Hagakure du XVIIe siècle ("le ventre de ma mère"), sa production a pris de l'importance immédiatement après la fin de la Seconde Guerre mondiale, où il décrit avec une grande diligence littéraire la situation politique et sociale du pays, occupé par les forces américaines.

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Toute son œuvre est imprégnée de paradoxes. La beauté et la mort, l'amour et le rejet, l'Orient et l'Occident en sont quelques exemples. Son thème central était la dichotomie entre les valeurs traditionnelles japonaises et la pauvreté spirituelle de la vie contemporaine, qui avait rendu le Japon moderne mais infertile. Homme hybride, il est l'exemple vivant du Japon de l'après-guerre qui, même lorsqu'il défend un retour aux valeurs traditionnelles, ne le fait pas sans l'influence occidentale omniprésente. Mishima parlait couramment l'anglais (comme instrument de sa tentative d'obtenir un prix Nobel), appréciait les penseurs occidentaux comme Oscar Wilde, et même son style littéraire était assaisonné de touches occidentales, le cas de La mer de la fertilité l’atteste, où de nombreux critiques voient l'influence notable des Grecs.

Enfant anémique, Mishima se sentait éternellement coupable face au médecin de l'armée qui le considérait comme inadapté au service, et qui a conduit Yukio à préparer une guerre qui n'est jamais venue, dans le rôle d'un samouraï légitime. En tant qu'écrivain, il a critiqué la nature sédentaire de ceux qui vivent de la pitié, arguant que les mots doivent susciter l'action. En tant que samouraï, il a perfectionné son corps (maître en kendô et karaté) et son esprit tout en luttant pour rassembler son peuple et l'inciter à se rebeller contre ce qui se faisait dans le Japon de son temps.

"Le Japon va disparaître, devenir inorganique, vide, de couleur neutre ;" Mishima

Comme le dit Jordi Mas, un chercheur sur l'Asie orientale, basé à Barcelone, il "craignait que le progrès économique se fasse au détriment de sa propre culture", alors que les Japonais, récemment humiliés par la guerre et la défaite, étaient soutenus par les Américains et ivres de travail et de bien-être matériel. Mishima revendique alors le droit du peuple japonais à jouir de la souveraineté et de la justice sociale, en préservant les traditions sans aliéner l'adaptation du pays à la technique industrielle.

La culture traditionnelle japonaise a été fortement réprimée par l'occupation américaine, qui y a déployé tous les moyens un moyen pour étouffer les valeurs nationalistes et militaro-expansionnistes du Japon, et pour faire place aux valeurs pacifistes, libérales et progressistes (et à l'American Way of Life, bien sûr). La censure américaine, émanant de la section de l'information et de l'éducation civiles (liée au commandement des forces alliées suprêmes du général McArthur), a supprimé les manifestations artistiques qui faisaient référence au passé féodal du Japon, comme le théâtre Kabuki, en plus de l'interdiction d'enseigner les arts martiaux japonais.

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Alors que beaucoup étaient trop occupés à regarder les films hollywoodiens et les dessins de Hanna Barbera, certains Japonais étaient particulièrement gênés par la présence américaine et sa censure. Entre les années 1950 et 1970, on a assisté à une croissance des manifestations culturelles qui se référaient au nationalisme d'antan. Pendant cette période, les drames de samouraïs produits par Toei sont devenus populaires. Parmi les exemples de production de l'époque, citons le livre Requiem pour le cuirassé Yamato de Mitsuru Yoshida et les films Les sept samouraïs d'Akira Kurosawa et Le plus long des jours de Kihachi Okamoto.

Non seulement les artistes et les intellectuels, mais le gouvernement japonais lui-même a fait de son mieux pour revitaliser la culture traditionnelle du pays, en revalorisant l'architecture traditionnels dans les travaux publics, en investissant dans la préservation des sites historiques, en remettant en lumière les théâtres No et Kabuki, ainsi que la culture des samouraïs, toujours présente dans les écoles et les universités japonaises. En 1966, il publie le Programme pour la formation de l'image désirable du Japon, où il établit les caractéristiques du "Japon idéal", fortement influencé par le Bushido, code de conduite des samouraïs ("chemin du guerrier"). Je citerai le contenu du programme lorsque je parlerai du système éducatif japonais.

Mishima, cependant, a été le mentor de la tentative la plus symbolique pour restaurer ce Japon qui n'existait plus. Le 25 novembre 1970, accompagnés de 4 membres du Tatenokai (milice d'étudiants patriotes étudiant les arts martiaux sous la tutelle de Mishima), tous vêtus des uniformes de l'armée impériale, ils ont capturé le commandant Masuda du quartier général des forces d'autodéfense de Tokyo (ils ont tué 8 soldats qui avaient résisté lors de leur irruption). Mishima prononça alors un discours patriotique devant environ deux mille soldats, les invitant à lutter contre la constitution japonaise, rédigée par les Américains, et en faveur de la restitution de la puissance impériale. Face à l'indifférence des militaires, Mishima a commis le Seppuku (suicide rituel des samouraïs) après avoir crié trois fois : "Vive l'Empereur !

"La pureté parfaite est possible si vous transformez votre vie en un vers de poésie écrit avec un peu de sang ». Mishima

Sa mort est considérée comme la protestation ultime contre la décadence de la société japonaise. Il est nécessaire de le comprendre pour ne pas tomber dans l'erreur de l'accuser d'être un simple fanatique. Emilio, membre de la communauté de la littérature japonaise à Orkut, a bien résumé la situation : "Pour le lecteur sans méfiance, décontextualisé et globalisé, le patriotisme semble anachronique et pamphlétaire. Mais il est bon de rappeler que Mishima a vécu au Japon occupé militairement par les Américains". Yukio a eu la tête formée au plus fort du militarisme, il ne faut pas l'oublier.

Mishima a consacré sa vie à la mère patrie et à la nation. Il s'est battu contre la matérialisation de l'esprit d'un peuple qui a cessé d'être souverain. Il proteste "contre l'inopérationnalité, l'apathie de l'armée japonaise amorphe qui, on le sait, n'est rien d'autre qu'une police, plus destinée à réprimer le peuple, qu'une militia capable de sauvegarder la Nation.

Le discours de Mishima

L'acte radical de l'écrivain a suscité une étrange appréhension chez certains Japonais. Malgré la prise de conscience de l'extrémisme de l'acte de Mishima, ces Japonais se sont arrêtés pour réfléchir à leur destination en s'inquiétant de produire tant de richesses alors qu'ils se sentaient si vides et culturellement déconnectés des traditions du pays. Ils ont dès lors construit une vision d'eux-mêmes. La plupart des Japonais, au sommet de leur apologie de la consommation, n'ont vu dans l'acte qu'une excentricité de plus de Mishima et un très mauvais exemple. L'accueil en Occident, dépourvu d'idoles romantiques, a été beaucoup plus fort, découvrant la force de l'œuvre complète de Mishima avant le Japon lui-même, qui ne l'a reconnue correctement qu'après avoir revisité son héritage dans les années 80, en essayant de comprendre ce que les gaijins y voyaient d'important.

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"La mort est une sorte de châtiment éternel, infligé à la société occidentale matérialisée qui vit loin de la nature. Pour nous, ce n'est pas le cas, de manière absolue, puisque nous nous considérons comme faisant partie intégrante de la nature. C'est pourquoi la mort, aux yeux de mon peuple, est un prix, quelque chose comme la transformation, la liberté de la matière. Mourir, c'est partir, pas disparaître. Autrefois, le monde chrétien, je crois, avait la même philosophie ou une philosophie similaire. Et c'est à ce moment qu'elle a réussi à se consolider. Eh bien, nous voulons retrouver pleinement ce mode de vie et l'appliquer à une grande politique nationale et populaire. Le contraire reviendrait à accepter indéfiniment l'hibernation de l'âme japonaise". Yukio Mishima

"Écoutez toujours votre esprit. Il vaut mieux avoir tort que de suivre simplement le conventionnel. Si vous avez tort, cela n'a pas d'importance, vous avez appris quelque chose et vous deviendrez plus fort. Si vous avez raison, vous avez fait un pas de plus vers une vie plus élevée".  Extrait de Hagakure, l'œuvre qui a le plus influencé l'écriture de Mishima...