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dimanche, 21 octobre 2007

Empires océaniques des steppes et des mers ouvertes

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Les empires océaniques des steppes et des mers ouvertes

Guido GIANNETTINI

L'empire qui a connu la plus grande expansion au cours de l'histoire a été celui des Mongols, qui ont proclamé leur chef Djingghis Khan (Gengis Khan), soit le “souverain océanique”. C'est dans ce sens que je vais parler, dans cet exposé, d'“empires océaniques”. Les “empires océaniques” des steppes sont originaires d'Asie Centrale, justement comme celui des Mongols. Les “empires océaniques” des mers extérieures se sont constitués à partir du 16ième siècle de notre ère sous l'impulsion des grandes puissances européennes qui se sont projetées sur les mers du globe.

Il existait toutefois, avant ces deux types d'empires “océaniques”, un type différent, anomal, qu'on pourrait attribuer au type “océanique”: c'est celui qui s'est constitué au départ de l'expansion des cavaliers arabes entre le 7ième et le 8ième siècles de notre ère et qui s'est dissous en l'espace d'un matin. Il s'agit à mes yeux d'une apparition mystérieuse et inexplicable sur la scène de l'histoire. Mais c'est un mystère que je me dois d'expliquer avant de passer à l'argument spécifique de mon exposé.

L'expansion des cavaliers arabes entre le 7ième et le 8ième siècles de notre ère est une expansion veritablement hors norme, que l'on ne pourra pas comparer à un autre exemple historique semblable, antérieur ou postérieur. D'un point de vue géopolitique, cette expansion paraît absurde.

Il n'existe aucun exemple de conquête par voie de terre partie d'une péninsule (la péninsule arabique) qui ait pénétré profondément dans la masse continentale (l'Asie occidentale) puis s'est étendue sur un littoral très long mais sans aucune profondeur (l'Afrique du Nord). Dans tout le cours de l'histoire, on n'a jamais vu quelque chose de semblable. D'un point de vue géopolitique, les conquêtes arabes présentent toutes les caractéristiques des expansions propres aux puissances navales, qui, elles, procèdent par “lignes extérieures”, sur les marges des masses continentales. Dans le cas de l'expansion arabe, nous avons une occupation d'une bande littorale, mais effectuée par voie terrestre.

Les causes de cette expansion hors norme sont au nombre de deux. Tout d'abord, il faut savoir que le désert est comme la mer: on ne peut pas l'occuper, on peut simplement tenir en son pouvoir les oasis, comme la puissance maritime occupe et tient en son pouvoir les îles de l'océan. La seconde cause doit être recherchée dans le caractère fortuit, inconsistent, inexistent des conquêtes —en langue arabe il existe un terme indiquant quelque chose qui n'existe pas, mahjas, dont dérive le mot italien mafia; c'est quelque chose d'inexistent mais qui existe tout de même. Nous avons donc affaire à un empire territorial créé à parti de ce rien qui est tout de même quelque chose.

L'expansion des Arabes au départ de leur péninsule d'origine a été rendue possible par une série inédite de facteurs fortuits, tous concentrés dans le même espace temporel. En premier lieu, l'expansion arabe a bénéficié de la faiblesse intrinsèque, à l'époque, des empires byzantin et sassanide, littéralement déchiquetés par plus de vingt années de guerres ruineuses où ils s'étaient mutuellement affrontés. Cet état de déliquescence mettait quasiment ces empires dans l'impossibilité d'armer des troupes et de les envoyer loin, à mille, à deux mille kilomètres de leur centre, où même plus loin encore, contre ce nouvel ennemi qui déboulait subitement du désert. Pire, il leur était impossible de reconstituer des armées dans des délais suffisamment brefs, si celles-ci étaient détruites. En effet, une puissante armée byzantine avait été anéantie sur le Yarmouk en 636 et une autre, sassanide, avait été écrasée par les Arabes à Nehavend en 642. La raison de cette double défaite était d'ordre climatique: le vent du désert, le simoun (de l'arabe samum), avait soufflé dans leur direction pendant plusieurs jours d'affilée, les avait immobilisés et assoiffés, tandis que leurs adversaires arabes combattaient avec le vent qui les poussait dans le dos, sans qu'ils ne fussent génés en rien par la tempête de sable.

Autre facteur qui a rendu aisée l'expansion des Arabes: les luttes intestines qui divisaient les Byzantins, d'un côté, les Wisigoths d'Espagne, de l'autre. L'empire byzantin venait de traverser une tumultueuse querelle d'ordre religieuse, assortie d'un cortège de violences et de persécutions. Pour toutes ces raisons, entre 635 et 649, les autorités religieuses et les populations ont confié spontanément aux Arabes les villes de Damas, Jérusalem, Alexandrie d'Egypte, de même que l'île de Chypre. Ensuite, à cette époque-là, les autorités musulmanes se montraient tolérantes (au contraire des fanatismes intégralistes que l'on a pu observer par la suite) et se sont empressées de souligner les traits communs unissant les fois chrétienne et islamique. Elles ont accepté que les habitants de confession chrétienne dans les cités conquises exercent librement leur culte et se sont borné à lever une taxe, modérée en regard de ce qu'exigeait auparavant le basileus byzantin.

La conquête de l'Espagne s'est déroulée dans des conditios analogues. Après le décès du roi wisigoth Wititsa, deux prétendants se sont disputé le trône: Roderich et Akila. Ce dernier a fait appel aux Arabes et leur chef, Tariq Ibn Ziyad débarque en 711 dans la péninsule ibérique en un lieu qui porte encore son nom, Gibraltar, de l'arabe Djabal Tariq, “la montagne de Tariq”. Son armée est forte de 7000 hommes, en grande partie originaires du Maghreb. Ils seront suivis par d'autres. Les Arabes et les Wisigoths partisans d'Akila finissent par avoir raison des Wisigoths partisans de Roderich. Ces derniers sont attaqués dans le dos par les Basques et par la communauté juive, qui est particulièrement nombreuse en Ibérie (elle est la plus forte diaspora d'Europe). Les Juifs se soulèvent, équipent une armée et s'emparent de plusieurs villes qu'ils livrent aux Arabes, tandis que les féaux de Roderich commencent à déserter.

Toutefois, les Arabes, malgré ce concours de circonstances favorables, ont eu du mal à briser la résistance des Wisigoths. Ils n'ont pas pu occuper toute la péninsule ibérique, parce que les montagnards du Nord et des Cantabriques ont repoussé toutes leurs tentatives de conquête. Ensuite, après avoir tenté de pénétrer en France, les Arabes sont définitivement vaincus en 732 près de Poitiers. La défaite de Poitiers, ainsi que l'échec de l'attaque contre Constantinople, mettent fin à l'expansion arabe.

Le déclin a été quasi immédiat. A peine 23 ans après avoir atteint le maximum de son expansion  —à la veille de la bataille de Poitiers—  le grand empire arabe de Samarcande à l'Atlantique commence à se désagréger: en 755, le Califat ommayade d'Espagne fait sécession, suivi immédiatement par d'autres Etats arabes séparatistes du Maghreb, d'Egypte et d'Orient. Mais un grand empire avait existé, pendant peu de temps, il n'a tenu que 23 ans!

Un empire rêvé, crée par un peuple de rêve et forgé par une culture imaginée: mahjas. En effet, le peuple arabe, créateur de cet empire, n'était pas un peuple selon l'acception commune, c'est-à-dire la fusion de tribus sœurs issues d'un même désert arabique; il n'allait pas le devenir non plus, mais au contraire, juxtaposer en sa communauté de combat des peuples de plus en plus différents, issus des pays conquis.

Mais la culture arabe, elle, est plus homogène. L'islamisme est une forme de syncrétisme religieux alliant des élements de judaïsme et de christianisme et reprenant à son compte des courants chrétiens considérés comme “hérétiques”. La philosophie arabe est une reprise pure et simple de la philosophie grecque, basée sur la dichotomie Platon/Aristote. Les bases des connaissances mathématiques, astronomiques, géographiques, physiques et même ésoteriques dans le monde arabe au temps de la grande conquête sont d'origines grecque et persane. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la pensée arabe est une pensée ouverte aux cultures grecque et iranienne (car l'ancienne civilisation du pays d'Aryanam n'est pas orientale). C'est patent à l'époque du Califat abasside, quand l'Islam, après la chute de l'empire sassanide, a subi directement et puissamment l'influence des peuples conquis.

L'art arabe en général, comme l'art mauresque en Espagne, est constitué de variantes de l'art roman ou byzantin. Enfin, les chiffres considérés comme “arabes” sont en fait indiens, mais les Arabes les ont transmis à l'Europe. Comme du reste d'autres faits de culture venus des régions indo-européanisées d'Asie, tel le jeu d'échecs, qui est iranien, mais nous est parvenu grâce à la médiation arabe.

En réalité, les Arabes ont surtout exporté leur langue en Afrique et en Orient. Mais comme on peut observer que les langues sémitiques sont très proches les unes des autres, et ne sont finalement que des dialectes d'une même langue, cette similitude a favorisé la diffusion de l'arabe dans de nombreuses régions.

Le grand atout de la culture arabe au temps de la grande conquête a été l'extraordinaire capacité, et même le mérite, d'appréhender sans frein tout ce qui venait d'ailleurs, de le remodeler et de le diffuser tous azimuts. Une telle capacité, même si elle peut être interprétée comme un absence de spécificité propre, a contribué à atténuer les rigidifications à l'œuvre dans le monde entourant les Arabes, rigidités qui expliquent aussi l'expansion fulgurante de ceux-ci, qui serait incompréhensible autrement.

Pendant près de 1800 ans, du début du Vième siècle ap. J.C., jusqu'à l'époque de Gengis Khan, les peuples turcs ont dominé l'Asie centrale septentrionale, puis se sont répandus dans l'Asie occidentale pour donner ensuite l'assaut à l'Europe. Cette phase d'expansion commence vers l'an 1000, quand la domination turque en Asie n'est pas encore achevée. Elle se manifeste surtout dans la longue lutte contre l'empire byzantin, qui se terminera par la chute de Constantinople (1453) et par les raids dans l'espace danubien. La phase descendante commence, elle, par l'échec du siège ottoman de Vienne (1683) et surtout par la reconquête du Sud-Est européen sous l'égide du Prince Eugène, actif dans la région de 1697 à1718, puis de ses successeurs qui guerroyèrent pendant vingt ans pour imposer aux Ottomans la Paix de Belgrade en 1739.

Même sans prendre en considération les 180 dernières années de vie de l'Empire ottoman  —depuis la Paix de Belgrade jusqu'à sa fin en 1918—  nous constatons que l'expansion de cette puissance turque s'étend sur un arc de treize siècles, pendant lesquels les peuples turcs, habitant à la charnière de l'Europe et de l'Asie, ont joué un rôle primordial parmi les protagonistes de l'Histoire. Il ne s'agissait certes pas d'un Etat unique et d'un peuple unique et cette histoire a connu des phases sombres et de déclin, mais cela s'observe également dans l'histoire de l'empire romain ou des empires des divers peuples de l'Iran, les Mèdes et les Perses, les Parthes et les Sassanides.

La préhistoire des peuples turcs présente encore beaucoup de zones d'ombre et d'incertitudes, comme du reste celle des peuples mongols. Malgré ces difficultés, nous pouvons affirmer aujourd'hui que le peuple proto-turc le plus ancien  —le nom “Turc” ne se diffusera qu'ultérieurement—  apparaît sur le théâtre de l'Histoire vers l'année 400 de notre ère: c'est le peuple des Tabgha'c, originaires d'Asie septentrionale, qui, en 70 ans à peu près, domine toute la Chine septentrionale, depuis les Monts Dabie Shan (limite septentrionale des affluents de la rive gauche du fleuve Yang-Tse). Ce sont eux qui fondent la dynastie Wei.

Tandis que les Proto-Turcs Tabgha'c descendent sur la Chine du Nord, en Asie septentrionale, dans la région dont les Tabgha'c sont originaires, se rassemble le peuple des Juan-Juan, connus également sous le nom de Ju-Jan, Ju-Ju ou Jui-Jui. Certains savants les identifient aux War ou Apar ou Avars qui atteindront la Hongrie. D'autres prétendent qu'ils ne sont pas identiques mais parents. Les Juan-Juan étaient des Proto-Mongols, mais leur empire a englobé aussi des peuples proto-turcs ou turcs, paléo-asiatiques et, forcément, des tribus d'autres ethnies.

Vers 520, leur empire commence à s'affaiblir, puis tombe en déclin, à la suite d'une révolte de deux clans que les sources chinoises appellent respectivement les T'u-küeh et les Kao-kü.

Les premiers sont originaires des Monts Altaï et sont les ancêtres des Turcs, le terme chinois T'u-küeh correspondant à Türküt, pluriel mongol de Türk, c'est-à-dire “homme fort” en langue turque. Notons toutefois que quelques auteurs interprètent le terme “Türk” comme un pluriel, “Tür-k”, par analogie à “Tur-an”, pluriel de “Tur”: dans ce cas, il s'agirait d'une reprise par les Turcs d'une dénomination d'origine iranienne, désignant l'“Iran extérieur”. Ensuite, l'autre clan en révolte contre les Juan-Juan était également turc, c'était celui des Tölös, ancêtres des Ouighours.

C'est ainsi que les Turcs, sur les ruines de l'empire des Juan-Juan, ont fondé leur propre empire, s'étendant de Jehol (aux confins de la Mandchourie moderne) jusqu'à la Mer d'Aral, territoire correspondant à toute la zone méridionale du Heartland de Mackinder. Pendant 300 ans environ, l'empire turc  —malgré sa division en deux Etats (quasiment depuis le début), l'un oriental, l'autre occidental—  a dominé le cœur de l'Asie. Puis, vers la moitié du VIIIième siècle, sa partie orientale est absorbée par les Ouighours, eux aussi d'origine turque, tandis que la partie occidentale se fractionne en khanats indépendants.

A partir du khanat des Oghuz, situé dans un territoire au nord du Lac Balkach, se profile d'abord le clan des Seldjouks, qui amorce par la suite un mouvement vers l'Ouest, leur permettant d'abord de conquérir l'Iran oriental, puis l'Iran occidental, ce qui les rend maîtres du versant sud-occidental du Heartland. C'est après la consolidation de cette phase-là de leurs conquêtes, que les Seldjouks se mettent à attaquer l'Empire romain d'Orient (Byzance), bastion avancé de l'Europe contre les invasions venues d'Asie. D'un point de vue géopolitique, il s'agit de la même ligne d'expansion qu'avaient empruntée précédemment les empires iraniens.

Mais les Seldjouks ne sont jamais arrivés en Europe. La dynastie des Osmanli se profile au XIIIième siècle en Anatolie, prend le contrôle de la partie occidentale de l'empire seldjouk et réamorce les pressions expansives en direction de l'Occident. Les Osmanlilar  —pluriel turc qui désigne ceux que les Occidentaux appellent les Ottomans—  s'emparent de toute l'Anatolie et, sans tenter de conquérir l'enclave byzantine que sont Constantinople et la Thrace orientale—  passent en Europe, atteignent le Danube au cours du XIVième siècle. Ce n'est qu'après avoir atteint le Danube que les Turcs lancent l'ultime assaut contre Constantinople qu'ils conquièrent en 1453.

Ensuite, une série de campagnes militaires les amènent aux portes de Vienne qu'ils assiègent en 1683. Au même moment, les Ottomans, disposant de la plus forte puissance musulmane, deviennent les protecteurs du monde islamique et imposent leur autorité aux Etats arabes d'Afrique du Nord et du Maghreb.

Pourtant, l'histoire de l'expansion ottomane nous apprend que l'on ne peut pas contrôler l'Europe seulement en contrôlant les côtes méridionales de la Méditerranée. En pénétrant par le Sud-Est, à travers les Balkans et l'espace danubien, les Ottomans atteignent la porte d'entrée du cœur de l'Europe, Vienne et Pressburg/Bratislava. Leur calcul était clair: ou bien ils franchissaient cette porte et s'emparaient de l'Europe, ou bien ils étaient refoulés. L'avancée des Trucs en direction du cœur germanique de l'Europe a été bloquée. Les Européens ont reconquis les Balkans. Les Osmanlilar sont tombés en décadence. Les Turcs, comme toutes les tribus ouralo-altaïques avant de commencer leur expansion, habitaient les steppes eurasiatiques, dans des territoires voisins de ceux qu'avaient occupés plusieurs peuples indo-européens entre le IIIième et le IIième millénaires avant J.C. Ce voisinage a provoqué des échanges, ce qui a donné, à la longue, des similitudes culturelles entre Indo-Européens et Proto-Turcs: par exemple, le caractère guerrier de leurs sociétés, l'association homme/cheval et la structure hiérarchique et patriarcale des sociétés. En matières religieuses  —l'islamisation des Turcs n'aura lieu que très tard et ne concernera que les Turcs d'Asie occidentale—  nous constatons une typologie céleste et solaire des divinités suprêmes.

Citons par exemple Tenggri, “le dieu bleu du Ciel“ ouralo-altaïque, ou le bi-Tenggri turc, phrase signifiant “Dieu est” que l'on a retrouvé grâce à la tradition hsiung-nu. Elle se rapproche de la racine indo-européenne du nom de Dieu, *D(e)in/Dei-(e)/Dyeu, signifiant “lumière active du jour, splendeur, ciel”. L'origine ethnique des Turcs, selon leur Tradition, présente une analogie singulière avec l'origine mythique de Rome: le totem des Turcs était le loup et leur héros éponyme aurait été alaité par une louve, exactement comme Romulus et Remus.

Enfin, à la fin des temps archaïques, la culture indo-iranienne s'est imposée à toute l'Asie centrale. Cette influence a également marqué les Turcs Seldjouks aux XIième et XIIième siècles après J.C., quand ils se sont répandus à travers le territoire iranien et ont retrouvé une sorte de familiarité avec la culture iranienne, dans la mesure où les chefs et les souverains conquérants se paraient ostentativement de noms tirés des textes épiques du Shahnameh, comme Kai Kosrau, Kai Kaus, Kai Kobad.

Plus tard, les Ottomans, surtout après la conquête de Constantinople, ont voulu montrer qu'ils assuraient la continuité de l'empire byzantin. D'abord, ils installent leur capitale dans la ville même de Constantinople, en ne changeant son nom qu'en apparence, car Istanbul dérive de “is tin pol”, prononciation turque de la désignation grecque “eis ten polis”, soit “ceux qui viennent dans la Cité”.

Dans leur bannière, les Ottomans ont repris la couleur rouge de Byzance, la frappant non pas de l'étoile et du quart de lune actuels, mais du soyombo  altaïque, qui possède la même signification que le t'aeguk coréen représentant le yin et le yang, c'est-à-dire l'union du soleil et de la lune que l'on retrouve encore dans les drapeaux mongol et népalais: le soleil y est un astre à plusieurs rayons (de nombre paire), la lune y est un croissant comme dans le premier et le dernier quart de ses phases. Le soleil contenu dans le soyombo était encore bien présent au début de notre siècle: il n'a été remplacé que sous l'influence des “Jeunes Turcs” par l'étoile maçonnique à cinq branches qui, avec le quart de lune, évoque le symbolisme oriental du ciel nocturne.

L'empire ottoman et, avant lui, celui des Seldjouks, ont été en contact avec des territoires dont la valeur géopolitique est spécifique et significative: la région danubienne-anatolienne et la région iranique. Ces territoires semblent exiger de leurs maîtres d'assumer la même fonction que celle qu'assumaient avant eux les peuples qui les ont habités. Surtout dans le cas iranien, qui évoquait en un certain sens le monde de leurs origines.

Les Mongols sont le seul peuple à avoir conquis une bonne part de la World-Island, l'île du monde eurasiatique telle que la définissent les théories géopolitiques de Halford John Mackinder, étendant leur domination des côtes du Pacifique à la Mer Noire, en poussant même des pointes en direction de l'Allemagne et de l'Adriatique. La base de départ de leur expansion était la zone centrale du Heartland, selon un développement qui semblait suivre avec grande précision les lignes de la géopolitique la plus classique.

Dans ce cas, toutefois, le terme “mongol” est impropre. En fait, au début de l'“Année de la Panthère”, soit au printemps de 1206, Gengis Khan, le “souverain océanique”, dont le pouvoir s'étendait aux rives de quatre océans, qui descendait du Börte-Chino (le “Loup bleu du Ciel”) et de Qoa-Maral (la “Biche fauve”), convoque aux bouches du fleuve Onon le quriltai,  la grande assemblée, réunie autour du tuk  impérial (le drapeau blanc avec le gerfaut, le trident de flammes, les neuf queues bleues de yaks et les quatre queues blanches de chevaux). Y viennent les chefs d'une vaste coalition de peuples appelés à former le monghol ulus,  la nouvelle grande nation mongole. Mais, outre le Kökä Monghol, c'est-à-dire les “Mongols bleus gengiskhanides”, on trouvait, au sein de ce rassemblement qu'était la nouvelle grande nation mongole, des Mongols Oirat et Bouriates, les Turco-Mongols Merkit, les Toungouzes Tatarlar (Tatars) et les Turcs Kereit, Nemba'en (ou Nayman), les Ouighours et les Kirghizes.

Pour avoir accordé à tous ces peuples la nouvelle “nationalité” mongole dans le cadre de l'empire du “souverain océanique”, le “monghol ulus” était une coalition ethnique aux composantes variées, que l'on ne définira pas comme proprement “mongole” mais plutôt comme “altaïque” ou comme “centre-asiatique”, vu que cette nation élargie comprenait des peuples importants, ainsi que des tribus et des clans paléo-asiatiques et irano-touraniques.

L'expansion des Mongols en direction de l'Occident a été jugée de manières forts différentes par les peuples qui l'ont subie ou observée. En règle générale, cette expansion a suscité la terreur, de l'Asie centrale à la Russie, de l'Allemagne à la Hongrie, surtout en raison des terribles massacres commis par les envahisseurs.

Cependant, les Francs du Levant, détenteurs des Etats croisés survivant vaille que vaille, ont, eux, accueilli les Mongols comme des libérateurs. Dans leur cas, il ne s'agissait plus du “souverain océanique” mais de son petit-fils Hülagü, Khan de Perse et grand massacreur de musulmans. Hülagü combattait sans distinction tous les peuples islamiques, tant les Arabes que les Turcs occidentaux (les Seldjouks), et cela, pour deux motifs: l'un d'ordre essentiellement stratégique, l'autre, religieux. Le motif stratégique, c'était que, de fait, les Turcs occidentaux et les Arabes constituaient un obstacle à l'expansion mongole. Quant au motif religieux, les Mongols étaient à cette époque, pour une grande partie d'entre eux, des chrétiens nestoriens ou des bouddhistes. Hülagü était bouddhiste et sa favorite, Doquz-Khatoun, était chrétienne-nestorienne. Dès lors, ils massacraient tous les musulmans et épargnaient les chrétiens.

C'est pour cette raison que les Francs du Levant ont proclamé Hülagü et Doquz-Khatoun, le “nouveau Constantin et la nouvelle Hélène, très saints souverains unis pour la libération du Sépulcre du Christ”. Mongols et Croisés frappaient tous leurs étendards de croix et égorgeaient ou décapitaient tous les musulmans qui avaient l'infortune de se trouver sur leur chemin en Syrie ou en Palestine: les anciennes chroniques parlent de 1755 pyramides de têtes tranchées.

Mais quand la terreur a cessé, la moitié septentrionale de l'empire gengiskhanide a vécu la “pax mongolica”, permettant de réouvrir la “route de la soie” et de reprendre les échanges commerciaux entre l'Europe, l'Asie centrale et l'Extrême-Orient.

Plus tard, entre le XIVième et le XVième siècles, l'expansion ottomane en Europe et au Levant, de même que la turcisation et l'islamisation des khanats d'origine gengiskhanide d'Asie occidentale, ont provoqué un renversement complet de la situation: les contacts et les échanges entre l'Europe, l'Asie centrale et l'Extrême-Orient sont devenus très problématiques. Cette rupture des communications ont contraint notamment le Portugal et l'Espagne à franchir l'obstacle en amorçant une expansion maritime. Cette expansion outre-mer non seulement a réussi à rouvrir la route de l'Inde, mais aussi permi la découverte du Nouveau Monde. L'enjeu a donc été bien plus important qu'on ne l'avait prévu et l'expansion maritime des deux nations ibériques a été vite imitée par de nouvelles puissances navales, telles l'Angleterre, la Hollande et la France.

L'impossibilité d'atteindre rapidement et facilement l'Asie centrale et l'Extrême-Orient par les routes terrestres a obligé les Etats européens, à partir du XVième siècle, a opté pour une approche géopolitique complètement différente et de contourner par voie maritime toute la World-Island,  dans le but d'en atteindre les extrémités orientales par des voies extérieures. En d'autres termes, l'Europe, ne pouvant plus appliquer les règles découvertes cinq siècles plus tard par Mackinder, soit les règles de la géopolitique continentale, a à l'unanimité adopté celles de la géopolitique maritime, soit celles qu'allaient découvrir Mahan. L'Europe a donc abandonné son pouvoir continental pour partir à la recherche d'un pouvoir naval.

Au début, la valeur géopolitique de cette nouvelle option n'apparaissait pas très claire: il ne s'agissait pas encore d'une véritable expansion politique et stratégique, mais seulement de l'ouverture de voies commerciales. Toutefois, on est rapidement passé des comptoirs et établissements commerciaux à l'organisation de bases militaires et de points d'appui, occupés par des troupes. Ensuite, on s'est conquis des domaines coloniaux. A partir de ce moment-là, la pertinence géopolitique de l'expansion européenne d'outre-mer est dévenue très évidente.

Le Portugal établit ainsi en 1415 sa première tête de pont en Afrique, mais c'est encore en Méditerranée: il s'agit de la ville de Ceuta au Maroc, qu'il perdra par la suite à l'avantage de l'Espagne. Ensuite, les Portugais traversent l'Atlantique oriental, et commencent à contourner par voie maritime le continent noir. Ils abordent à Madère en 1417, aux Açores en 1431, au Cap Vert en 1445; ils atteignent l'embouchure du fleuve Congo en 1485, arrivent au Cap de Bonne Espérance en 1487 et, enfin, débarquent à Calicut (Kalikat/Kojikode) sur la côte sud-occidentale de la péninsule indienne. Ce n'est qu'après avoir ouvert la route des Indes que les Portugais se donnent de solides possessions coloniales le long de cette voie. Elles sont de véritables points d'appui stables pour garantir la libre circulation sur cette grande voie maritime. Ainsi, après Madère, les Açores, le Cap Vert et la Guinée, qui, de concert avec la métropole portugaise, formaient un système en soi, se sont ajoutées des colonies lointaines comme le Mozanbique (1506-07), la ville de Goa en Inde (1510) et l'Angola (1517).

Après s'être assuré de tous ces points d'appui et territoires, les Portugais complètent leur réseau de relais sur le chemin de la Chine en conquérant la partie orientale de l'île indonésienne de Timor en 1520 et en s'installant à Macao en 1553. Les Hollandais les empêchent de prendre l'ensemble de l'archipel. L'accès aux voies maritimes vers l'Orient est consolidé par la prise de possession de la côte occidentale de l'Atlantique, c'est-à-dire le Brésil, où le Portugal installe son premier point d'appui en 1526. Il achève la conquête du pays en 1680, après en avoir chassé les Hollandais.

L'Espagne évite dès lors toute tentative sur la route des Indes, déjà contrôlée par les Portugais. C'est cet état de choses qui motive la décision de la Reine Isabelle d'appuyer le projet de Colomb de trouver une autre route vers les Indes, en partant de l'Ouest au lieu de se diriger directement vers l'Est. Colomb n'a jamais atteint les Indes, mais, en revanche, il a découvert un autre continent, l'Amérique, qui s'est vite révélée très riche. L'Espagne s'est donc étendue à ce nouveau continent et en a occupé la moitié.

La découverte de l'Amérique réveille l'intérêt de l'Angleterre et de la France qui, contrairement à l'Espagne qui se projette sur la partie centrale et méridionale de ce double continent, tentent de s'emparer de sa partie septentrionale, à l'exception d'une brève parenthèse constituée par une tentative française de s'installer au Brésil entre 1555 et 1567. Anglais et Français commencent par n'assurer qu'une simple présence commerciale puis se taillent des domaines ouverts à la colonisation. Pour prospecter ce continent, les Anglais envoient en Amérique du Nord l'Italien Sebastiano Caboto (John Cabot) entre 1497 et 1498. Les Français envoient un autre Italien, Verrazzano en 1524, puis un des leurs, Cartier, en 1534. Mais toutes ces tentatives françaises et anglaises ne sont encore que des expédients: elles n'indiquent pas une ligne géopolitique spécifique et bien définie.

Le pouvoir naval anglais trouve ses origines dans les opérations conduites par l'ex-corsaire Sir Francis Drake entre 1572 et 1577. Ensuite, en 1584, Sir Walter Raleigh fonde la colonie de la Virginie, premier foyer de la future Nouvelle-Angleterre. Enfin, à partir de 1600, l'Angleterre se projette au-délà de l'Atlantique Sud et de l'Océan Indien et commence son expansion aux Indes, affrontant d'abord les Portugais, puis les Français.

Pendant une brève période de quelques décennies, le sea power anglais connaît une éclipse, causée par l'expansion outre-mer de la Hollande, qui venait d'arracher son indépendance à l'Espagne.

Les Hollandais, après l'expédition de Willem Barents dans les régions polaires, dans l'intention de trouver un passage maritime par le Nord pour atteindre la Chine, et après une guerre contre l'Angleterre au XVIIième siècle, prennent la même route que les Portugais vers les Indes, s'installent en Indonésie à partir de 1602, chassent les Portugais de Ceylan en 1609, et commencent à coloniser l'Afrique du Sud à partir de 1652. Les Boeren (Boers), terme signifiant “paysans”, sont donc les premiers habitants du pays, car ils s'y installent avant toutes les populations noires-africaines d'aujourd'hui. Toutefois les Hollandais ne renoncent pas à l'Amérique: en 1626, ils acquièrent l'île de Manhattan qu'ils achètent aux Ongwehonwe (les Iroquois) et lui donnent le nom de Nieuw Amsterdam. Les Anglais, en s'en emparant, lui donneront le nom de New York. Enfin, les Hollandais tentent de s'installer entre 1624 et 1664 dans le Nord-Est du Brésil.

Au cours de la seconde moitié du XVIIième siècle, la puissance navale anglaise renaît et la puissance navale française se forme. Toutes deux vont s'affronter. Tant la France que l'Angleterre tenteront une double expansion, vers l'Asie et vers l'Amérique du Nord.

La France en particulier tente de consolider ses possessions canadiennes, à partir de 1603. Ensuite, elle projette ses énergies vers l'Océan Indien, prend le contrôle de Madagascar entre 1643 et 1672, s'empare de l'île de la Réunion en 1654, afin de pénétrer dans le sub-continent indien. Toutefois tant l'Inde que le Canada lui échapperont, en dépit de l'acquisition de la Louisiane en 1682, qui soudait le territoire français d'Amérique du Nord, depuis la Baie de Hudson jusqu'au Golfe du Mexique. La France a dû céder le pas à l'Angleterre qui impose sa suprématie.

Après ce double échec français, l'histoire sera marquée, aux XVIIIième et XIXième siècles par l'expansion maritime de l'Angleterre et par la création de son “empire global”, basé sur le sea power. Comme l'empire britannique était fondé sur le pouvoir naval, son Kernraum n'est pas constitué du Heartland, mais par la maîtrise d'une masse océanique, l'Océan Indien, contre-partie maritime du “cœur du monde” continental.

Guido GIANNETTINI.

 

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mardi, 16 octobre 2007

Das Zeitalter der OLigarchen ist vorbei

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"Das Zeitalter der Oligarchen ist vorbei"

 Russland-Experte Wolfgang Seiffert über die Ära Putin, deren Fortsetzung und den Einfluss der Oligarchen

http://www.zurzeit.at/index.php?id=205

Herr Professor Seiffert, in der vergangenen Woche kam es in Rußland zu einem überraschenden Regierungswechsel. Der bis dahin unbekannte Viktor Subkow wurde neuer Regierungschef. Was hat das im Hinblick auf die Parlamentswahl im Dezember und die Präsidentenwahl im März 2008 zu bedeuten?

Wolfgang Seiffert: So überraschend war der Regierungswechsel nicht, denn er wurde erwartet. Überraschend war aber, daß Subkow zum Regierungschef vorgeschlagen wurde und dann auch von der Duma gewählt worden ist. Ich glaube, er steht für die Fortsetzung des Kurses, den Präsident Putin eingeschlagen hat, und an seinem Regierungsprogramm sehe ich, daß er weiter auf wirtschaftliche Stabilität – auch auf die Stabilität des Rubels – setzt, aber auch weitere neue Akzente setzt, indem er z.B. Fehler der Vergangenheit in der Sozialpolitik und bei der Gesundheitsvorsorge korrigieren will. Da Subkow gleichzeitig gesagt hat, daß personelle Veränderungen in der Regierung stattfinden werden, muß man davon ausgehen, daß das auch auf den Gebieten der Wirtschaft, der Gesundheits- und Sozialpolitik der Fall sein wird. Auch ist überraschend, daß er nicht ausgeschlossen hat, im nächsten Jahr bei den Präsidentenwahlen zu kandidieren. Putin hat das einerseits bestätigt und andererseits gesagt, daß es von Subkows Erfolg als Regierungschef abhänge und daß es fünf Kandidaten gebe, die das Amt ausüben können. Allerdings hat Putin keine Namen genannt.

Welche Chancen hätte Subkow bei der Präsidentenwahl?

Seiffert: Ich glaube, er hat gute Chancen. Denn Subkow ist ein alter Freund aus Putins Petersburger Tagen, und die beiden können schon seit 15 Jahren gut miteinander. Außerdem gibt Subkow, der 66 Jahre alt ist, Putin die Aussicht, in vier Jahren wieder zu kandidieren. Schließlich wäre er dann 70 Jahre alt, sodaß es Zeit für einen „natürlichen Wechsel“ wäre.

Es wird derzeit aber auch spekuliert, daß Subkow, sofern er Präsident wird, nach einer gewissen Zeit aus „gesundheitlichen Gründen“ zurücktreten könnte, um Putin Platz zu machen.

Seiffert: Diese Spekulationen haben keinen Rückhalt, denn Subkow macht mit seinen 66 Jahren einen gesunden Eindruck. Ich glaube, wenn er es schafft, Präsident zu werden, daß er das Amt vier Jahre gut ausüben kann.

Wenn Sie ein Resümee über Putins Amtszeit ziehen: Was würden Sie besonders hervorheben?

Seiffert: Erstens hat er die vielen Unsicherheiten und Instabilitäten im Lande beseitigt. Er hat dafür gesorgt, daß die Löhne, Gehälter und Renten regelmäßig gezahlt werden; er hat dafür gesorgt, daß Rußland wieder zu einer wirtschaftlichen Stabilität findet und daß die Auslandsschulden fast vollständig beglichen sind. Auf wirtschaftlichem Gebiet bezweifelt heute auch der schärfste Kritiker nicht, daß Rußland wieder eine wirtschaftliche Großmacht ist – nicht nur auf dem Gebiet der Bodenschätze, sondern auch im Bereich der Industrie, wo Rußland immer mehr mit dem Westen Schritt halten kann.

Und es ist auch auffallend, daß Rußland unter Putin wieder ein neues außenpolitisches Selbstbewußtsein zeigt.

Seiffert: Das ist richtig. Der frühere Premier Primakow, der jetzt Chef der Industrie- und Handelskammer in Moskau ist, hat gesagt: „Unmittelbar nach dem politischen Wechsel von der kommunistischen Herrschaft zu Demokratie und Rechtsstaat haben wir uns im Schlepptau der USA bewegt. Aber das ist jetzt vorbei, jetzt haben wir wieder unsere eigenen nationalen Interessen, die wir in den internationalen Gremien selbstbewußt vertreten.“ Das wird auch von den führenden Personen in Rußland so gesehen, und die Bevölkerung akzeptiert das. Denn es ist die Meinung weit verbreitet, daß Rußland durch die Entwicklung bis Anfang der 90er Jahre sein Gesicht in der Welt verloren hat, weshalb begrüßt wird, daß dies wieder hergestellt wird.

Die USA haben in den 90er Jahren auch versucht, sich Teile der russischen Einflußsphäre einzuverleiben…

Seiffert: Die USA unter Präsident Bush haben einerseits – und das ist auch auf Putin zurückzuführen – mit Rußland zusammengearbeitet, um etwa die Weiterverbreitung von Atomwaffen zu verhindern. Das wird wohl auch nach dem Wechsel von Putin zu einem anderen Präsidenten – gleiches gilt für die USA, wo Bush 2008 ebenfalls abtritt – so bleiben. Andererseits haben die USA versucht, die ehemaligen Staaten der Sowjetunion, die 1990 ausgeschieden sind – die Ukraine und die Staaten im Kaukasus wie Georgien – auf ihre Seite zu ziehen. Dabei haben sie Kräfte unterstützt, von denen sie ausgehen, daß sie Amerika aufgeschlossen gegenübertreten. Es gab beispielsweise die sogenannte orangene Revolution in der Ukraine, aber dieses Pendel ist schon wieder zurückgeschlagen. Denn in der Ukraine verfolgt Premier Janukowitsch eine andere Politik als Präsident Juschtschenko. Die Hoffnung der USA, Rußland einzukreisen, hat Rückschläge erlitten, aber der Versuch ist noch nicht beendet. Dagegen wenden sich viele im Lande, und Putin mit einer stärkeren Ausrichtung auf die Armee. So hat der neue Premier Subkow versprochen, ab 1. Dezember die Gehälter der Armeeangehörigen zu erhöhen, Rußland hat den Abrüstungsvertrag in Europa auf Eis gelegt, und die Flüge um die Grenzen der Russischen Föderation aufgenommen, die mit dem Ende des Kalten Krieges beendet wurden, und Rußland hat eine neue Vakuumbombe getestet. Das ist keine Bedrohung des Westens, sondern eine Reaktion darauf, daß die NATO mit der Aufnahme ehemaliger Sowjetstaaten immer näher an Rußland herangerückt ist.

Im vergangenen Jahr sorgte ein russisches Gesetz, wonach die Tätigkeit von Nichtregierungsorganisationen eingeschränkt wird, im Westen für Aufregung. Wie stark ist denn der Einfluß der von den USA unterstützten Nichtregierungsorganisationen auf die russische Politik?

Seiffert: Dieser Einfluß ist sehr gering. Was das Gesetz betrifft, so richtet es sich vor allem dagegen zu kontrollieren, wenn nicht zu verhindern, daß vom Ausland finanzielle Mittel an diese Nichtregierungsorganisationen fließen. Denn die russische Regierung – ob zu Recht oder zu Unrecht sei dahingestellt – sieht darin Versuche, in ihrem eigenen Land Gruppen zu schaffen, die, beispielsweise wie in der Ukraine oder in Georgien, im Sinne der USA tätig werden. Wegen des geringen Einflusses dieser Gruppen wurde dieses Gesetz nicht beschlossen, sondern weil Putin glaubt, daß er auf alle Fälle die innere Stabilität sicherstellen muß, weil sonst auch die wirtschaftliche Entwicklung in Rußland gefährdet werden könnte, und weil er befürchtet oder weiß, in welchem Umfang ausländische Geldgeber diese Gruppen unterstützen.

Stimmen eigentlich die Vorwürfe, Putin habe einen autoritären Staat geschaffen?

Seiffert: Es ist ganz offensichtlich, daß Putin einerseits bemüht ist, die seit 1993 geltende Verfassung einzuhalten. Das sieht man jetzt wieder beim Regierungswechsel, der von Artikel 111 der russischen Verfassung gedeckt ist. Andererseits versucht Putin im Rahmen der vorgegebenen Bedingungen, eine stabile Entwicklung sicherzustellen, und diesem Schritt diente auch die neue Regierungsbildung. Westliche Medien haben lange Zeit behauptet, daß Putin mit der absoluten Mehrheit in der Duma versuchen werde, die Verfassung zu ändern, damit er ein drittes Mal als Präsident kandidieren kann – aber das hat er von Anfang an abgelehnt und betont, daß er sich an die Verfassung hält.

Sie sprachen vorhin, davon daß Putin Rußland wirtschaftlich stabilisiert hat. Nun werden aber weiterhin wichtige Zweige der Industrie – Rüstung, Stahl, Energie, aber auch die Medien – von den sogenannten Oligarchen kontrolliert…

Seiffert: Hier muß man unterscheiden: Erstens gibt es in Rußland strategisch wichtige Industrien, die weitgehend in staatlicher Hand sind. Wenn Sie beispielsweise den Energiekonzern Gazprom nehmen, dann ist das eine privatrechtlich organisierte Aktiengesellschaft, aber die Mehrheit der Aktion hält der russische Staat. Und dann gibt es Oligarchen, die – wie der bekannte Michail Chodorkowski – in den Jahren der Amtszeit Jelzins entstanden sind und auf nicht ganz einwandfreie Weise zu Milliardenbeträgen gekommen sind. Gegen diese Oligarchen war in Rußland rechtlich vorgegangen worden: Der Oligarch Chodorkowski verbüßt wegen Steuerhinterziehung und Betrug eine mehrjährige Haftstrafe in Sibirien, und der Oligarch Beresowski ging ins Ausland und betreibt von London aus eine Anti-Putin-Politik, obwohl er sich früher dafür eingesetzt hat, daß Putin Präsident wird. Und die übrigen Oligarchen gibt es nach wie vor, aber sie betreiben keine Politik gegen Putin, sondern sind wirtschaftlich tätig und wollen Geld verdienen. Wie weit sie im Ausland investieren, ist dabei eine andere Frage. Interessant ist – und das ist wohl auch Subkow zuzuschreiben, der Leiter der Finanzaufsichtsbehörde war – daß früher mehr Geld ins Ausland floß als nach Rußland kam. Die russische Zentralbank hat in ihrer Kapitalbilanz mitgeteilt, daß im Jahr 2006 der Kapitalüberschuß 151 Milliarden betragen hat. Die Kapitalflucht, die es eine Zeit lang gegeben hat, konnte also gestoppt werden.

Beim Prozeß gegen Chodorkowski wurde kritisiert, daß rechtsstaatliche Kriterien verletzt worden wären. Trifft dieser Vorwurf zu?

Seiffert: Ich halte es für denkbar, daß beim Prozeß gegen Chodorkowski vom juristischen Standpunkt her handwerkliche Fehler unterlaufen sind. Aber in der Hauptsache wird die Bestrafung zutreffend sein, denn sowohl der Betrug als auch die Steuerhinterziehung sind nachgewiesen und wurden in Rußland von den Instanzen überprüft und bestätigt. Jetzt liegt eine Beschwerde beim Europäischen Gerichtshof für Menschenrechte vor, über die aber bis jetzt noch nicht entschieden wurde.

Wenn sich heute, wie Sie sagten, die Oligarchen im wesentlichen ihren Geschäften widmen, dann ist wohl eine Rückkehr in die 90er Jahre, in die Jelzin-Zeit, wo die Oligarchen und nicht der Präsident die Politik des Landes bestimmt haben, ausgeschlossen?

Seiffert: Diese Zeit ist vorbei, und ich sehe auch keine Möglichkeit zur Rückkehr in diese Verhältnisse. Denn dafür gibt es auch in der Bevölkerung keine Unterstützung.

Und welche Rolle spielt die vom Westen so genannte „liberale Opposition“?

Seiffert: Der Einfluß von Gruppen wie dem „Komitee 2008“ unter dem früheren Ministerpräsidenten Kasjanow und dem früheren Schachweltmeister Kasparow ist in Rußland verschwindend gering. Bei Wahlen haben sie keine Chancen, zumal die Leute sagen, Kasjanow sei nicht besser als die anderen, und bei Kasparow wissen sie genau, daß er zwei Staatsangehörigkeiten – die russische und die amerikanische – besitzt. Putin hat es verstanden, auf die entscheidenden Machtpositionen des Landes Einfluß zu nehmen und sie mit Personen seines Vertrauens zu besetzen. Insofern kann man von einem „System Putin“ sprechen.

Das Gespräch führte Bernhard Tomaschitz.

Prof. Dr. Wolfgang Seiffert:
Bis 1978 Professor für Internationales Wirtschafts- und Völkerrecht in Ost-Berlin. Danach Übersiedelung in die Bundesrepublik, wo er bis 1994 am Institut für Osteuropäisches Recht der Universität Kiel arbeitete. Prof. Seiffert ist Autor mehrerer Bücher, darunter „Wladimir W. Putin – Wiedergeburt einer Weltmacht?“ und „Selbstbestimmt – Ein Leben im Spannungsfeld von geteiltem Deutschland und russischer Politik“

samedi, 06 octobre 2007

Une Birmania "americana"?

Una Birmania "americana": i timori di Mosca, Pechino e Delhi

di Giuseppe Zaccagni

Non si placa la repressione e non cessa la rivolta in Myanmar. Ma Russia, India e Cina credono di vedere, nel mare “zafferano” della rivolta birmana, anche le bandiere a stelle e strisce della potenza americana. E mai come questa volta il duro giudizio geostrategico accomuna le diplomazie dei tre paesi. Ossessionati dall’espansionismo americano temendo che il sì a un’ingerenza negli affari interni di un Paese sovrano possa in futuro essere usata anche contro di loro. Come già avvenuto in Ucraina e in Georgia per la Russia, nel Pakistan per l’India e per la Cina con il Tibet. E così c’è un “no” agli americani che non è solo un grido che esce dai palazzi delle diplomazie. Fanno così ingresso nell’arena politica asiatica alcune concezioni geopolitiche che vanno ad opporsi alle idee sviluppate, nei media mondiali, sulla base di quanto avviene a Bangkok. Perché sia al Cremlino di Putin che nella capitale indiana che fu di Gandhi, che nella cittadella cinese che fu di Mao, la questione birmana è seguita sotto due aspetti. Il primo - che è poi quello più importante - riguarda la preoccupazione che si riferisce al fatto che le proteste che sconvolgono il paese asiatico siano il frutto di precise manovre di stampo americano.

Le tre grandi potenze dell’Eurasia, infatti, non vogliono accettare che nel continente si affacci - sotto la copertura della battaglia per i diritti umani - l’America di Bush. E qui il discorso generale diventa sempre più complesso. E, comunque, fragile e manovrabile. Da un lato, infatti, c’è la tragica situazione birmana (che è reale) e dall’altro c’è una volontà di stampo americano che punta a creare una sua base di forza proprio nel cuore del continente dove, ormai, a fare da “padroni” sono indiani, cinesi e russi. Di qui il tentativo americano - questo si sostiene in Eurasia - di tirare i fili di un disegno che dovrebbe essere destinato a cambiare il corso della storia. E tutto avviene mentre gran parte dell’occidente si interroga sulle posizioni di attesa pragmatica che si registrano a Mosca, a Delhi e a Pechino. Con le diplomazie dei tre paesi che si limitano (per ora) ad osservare quanto avviene nelle strade birmane lasciando, comunque, ai media il compito di seguire con distacco gli avvenimenti.

C’è un qualcosa di strano e di inedito che caratterizza l’evolversi della situazione almeno dal punto di vista delle relazioni che i tre grandi paesi euro-asiatici vogliono mantenere con la Birmania, oggi e in futuro, pur ponendosi in uno stato d’allerta nei confronti di un processo che potrebbe sfociare in un liberismo sfrenato che aprirebbe le porte al dominio del Nuovo Ordine Mondiale. E le conseguenze - secondo i politologi della Russia, dell’India e della Cina - potrebbero essere catastrofiche. Perché si aprirebbe in quel paese una pagina di disgregazioni sociali, di conflitti etnici e di scontri con i paesi confinanti. E il colore “zafferano” dei monaci diverrebbe un colore grigio, carico di soluzioni ignote. Non a caso, dicono i politici dell’Asia, l’America di Bush ha deciso di aprire il fronte birmano proprio nel momento in cui registra insuccessi in Iraq e, in generale, nell’intero Medio Oriente.

Il secondo aspetto di questa complessa questione birmana riguarda il rapporto economico che Mosca, Delhi e Pechino, hanno con Bangkok. E qui va subito ricordato che proprio nei giorni scorsi - mentre in Birmania si scatenavano i monaci seguiti da grandi folle - la Russia confermava la sua posizione di non ostilità alla giunta birmana. Infatti, dopo aver bloccato l'adozione di una risoluzione di condanna contro la repressione Putin si affrettava a giudicare "premature" le sanzioni mentre l'argomento era ancora all'esame alle Nazioni Unite: "E' troppo presto per parlarne", dichiarava un portavoce del Cremlino. E subito era chiaro che la posizione di Putin, analogamente a quella degli indiani e dei cinesi, era tesa a difendere precisi interessi economici, a cominciare dalla vendita di un reattore atomico (ad acqua leggera della capacità di 10 MW che utilizzerà uranio arricchito al 20%.) di produzione russa, che mirerebbe a bilanciare la totale dipendenza birmana da fonti controllate dagli americani.

C’è poi l’India che non vede di buon occhio la scesa in campo delle forze religiose. E non è un caso se a Delhi, oggi, si ricorda che nell’ottobre del 2004 il generalissimo Than Shwe, capo del regime dittatoriale birmano, fu ricevuto con tutti gli onori dal governo progressista dopo 24 anni di gelo diplomatico. Allora fu firmato uno storico trattato che vedeva tra i primi punti d’intesa una serie di impegni per superare il contrasto che c’era con la Cina segnato da quelle antiche popolazioni divise dalle moderne frontiere politiche.

Pechino, dal canto suo, si mostra preoccupata. Di conseguenza, impedisce all’Onu di varare nuove sanzioni contro il regime birmano. Non è sola: Mosca si schiera al suo fianco. Ed oggi la spaccatura diplomatica è netta e vede contrapposte da un lato Russia e Cina, dall’altro l’America e l’Europa, che hanno deciso misure unilaterali. In questo contesto va anche detto che Nuova Delhi finora si è, in un certo senso, defilata, sebbene siano in gioco ricchi contratti per forniture militari.

E’ l’economia, quindi, che detta le sue leggi geopolitiche anche in questa difficile regione? Le risposte che arrivano dalle diplomazie occidentali più attente all’Asia propendono per il “si”. Si fa notare che Cina e Russia intrattengono forti relazioni con la Birmania e che e un eventuale embargo imposto a livello internazionale sconvolgerebbe tali relazioni. Intanto il veto di Pechino è motivato in senso politico dall'ambasciatore al Palazzo di Vetro Wang Guangya: la Cina - dice - "confina con la Birmania e quindi più di ogni altro è interessata alla stabilità e alla riconciliazione del Paese", giudicando che le sanzioni economiche sarebbero inutili. Inoltre Guangya precisa che "anche se la situazione è problematica, riteniamo che non costituisca una minaccia alla pace e alla sicurezza internazionale".

Il fatto che la questione sia un fatto interno è già stata la ragione attraverso la quale Cina e Russia bloccarono una nuova proposta che chiedeva sanzioni per il regime, presentata nello scorso gennaio. Non va dimenticato che la Cina è interessata ai ricchi giacimenti di gas (equivalenti a centinaia di milioni di barili di greggio), a un porto sull’Oceano Indiano, a oleodotti per portare il greggio proveniente da Africa, Medio Oriente e Venezuela dalla costa orientale del Golfo del Bengala sino alla regione cinese dello Yunnan, ma anche a un mercato per le proprie merci in partenza per l’India, il Medio Oriente e anche l’Europa. Tutto questo per non parlare di quel milione di cinesi che nel giro di questi ultimi anni si sono stabiliti in Birmania.

Comunque sia a Mosca c'é ottimismo sulla possibilità di una svolta in questa lunga e complessa lotta. E l’opposizione - guidata dalla signora Aung San Suu Kyi - potrebbe trovare anche una chiave “asiatica” per definire meglio i suoi obiettivi. Ma questo vorrebbe dire che gli americani verrebbero confinati nel ruolo di spettatori. Ed è una condizione che Bush non accetterà mai.


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vendredi, 05 octobre 2007

Géopolitique japonaise

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La géopolitique japonaise hier et aujourd'hui

par Bertil HAGGMAN

L'arrière-plan

Lorsque la Zeitschrift für Geopolitik  de Karl Haushofer sort son premier numéro en 1924 à Munich en Allemagne, rapidement des exemplaires de cette revue se retrouvent entre les mains de géographes et de politologues japonais. Le Prof. Nobuyuki Iimoto publie dès 1928 un article sur la nouvelle science géopolitique allemande dans Chirigaku Hyoroon  (Revue de Géographie). Il y faisait la distinction entre la géopolitique proprement dite et la géographie politique, introduite au Japon quelques années auparavant. Parmi les thèmes abordés dans cet article: la théorie organique de l'Etat, forgée au départ par le professeur suédois Rudolf Kjellén. En 1936, le livre fondamental de Kjellén, Staten som lifsform  (L'Etat en tant que forme de vie) fut traduit en japonais par le Prof. Abe Shigoro (1).

La crise mandchoue des années 30 renforça l'intérêt des milieux universitaires japonais pour la géopolitique. La géopolitique allemande devint ainsi l'étoile polaire des géopolitologues asiatiques. Ces derniers ne concevaient pas la géopolitique comme un simple instrument politique à l'usage des nations «have not», des nations démunies de ressources et d'espace. Ils la considéraient comme l'assise philosophique destinée à déterminer les objectifs politique et à les atteindre. Pendant ce temps, le Prof. Karl Haushofer, doyen de la géopolitique allemande, focalisait toute son attention, dans les colonnes de la Zeitschrift für Geopolitik, sur les problèmes de l'Asie et de l'Océan Pacifique, son thème privilégié.

L'influence de Haushofer

Entre 1908 et 1910, Haushofer, qui accéda au grade de général pendant la première guerre mondiale, fut instructeur auprès de l'artillerie japonaise. Il avait été très impressionné par la société japonaise. Raison pour laquelle la thèse de doctorat de Haushofer, présentée en 1911, traitait des bases géographiques de la puissance militaire nipponne. Entre 1913 et 1941, il écrivit pas moins de huit livres sur le Japon.

Le Général Haushofer entretenait un profond respect pour ce qu'il appelait l'«instinct géopolitique» du Japon, qu'il décrivait comme tel:

1. Il y a au Japon une très forte conscience des dangers qui menacent l'existence de la nation. Cette conscience a impressionné Haushofer.

2. Le gouvernement japonais est particulièrement habile à décrire le pays comme dépourvu d'espace suffisant pour nourir sa population en pleine croissance et comme menacé par les puissances environnantes.

3. Le Japon fait usage des règles du jiu-jitsu, c'est-à-dire qu'il est capable de faire machine arrière, afin de prendre distance pour observer l'ennemi et attendre qu'il fasse un faux mouvement. Ce mouvement peut alors être utilisé pour le mettre hors de combat.

Le Professeur Haushofer cultivait également un grand respect pour le shintoïsme: «Parmi les phénomènes qu'il convient d'observer parallèlement à la géopolitique, dont notamment la puissance imaginative, les impulsions artistiques et la géographie culturelle, le shintoïsme, force spirituelle qui émerge dans l'espace pacifique, est là-bas le fait de vie le plus solide. Le shintoïsme a absorbé et assimilé le bouddhisme, la philosophie nationale des Chinois et la culture occidentale, tout cela sans perdre les caractéristiques propres qui en font une culture de l'espace pacifique» (2).

L'une des idées principales de Haushofer était de forger une ligue des plus grandes nations d'Asie (Japon, Chine, Inde), dont l'Empire du Soleil Levant serait la puissance-guide «depuis l'Indus jusqu'au fleuve Amour» en incluant les petites nations de la région. Mais contre la volonté de la Chine ou de l'Inde, Tokyo ne pourrait jamais réaliser ce leadership. Hélas, l'invasion de la Mandchourie par les forces nipponnes en 1931 transforma la Chine en un ennemi juré du Japon et alarma les Indiens. Cependant, Haushofer carressait d'autres plans. Il envisageait aussi une «alliance transcontinentale entre l'Allemagne, la Russie et le Japon», espérant ainsi damer le pion des puissances thalassocratiques et impérialistes. Ce bloc, rassemblé autour de ces trois Etats, donnerait au Japon l'assurance de ne pas être attaqué depuis le continent et lui permettrait de se tailler un empire en Asie. Les Japonais, peuple marin, pouvaient de la sorte s'élancer vers l'horizon, plus précisément vers l'Australie, continent quasi vide qui aurait pu résoudre leurs problèmes démographiques.

Les Japonais remarquaient à l'époque que Haushofer, «pendant son séjour au Japon, avait étudié à Kyoto, ancienne capitale impériale et cœur de la tradition nipponne, plutôt que dans les villes européanisées que sont Yokozuka, Kobe, etc. Il rapporte dans ses mémoires qu'il s'est trouvé dans le temple de Kyoto, près du mausolée des Empereurs et qu'il est entré là en contact direct avec l'esprit japonais. Raison pour laquelle, dans la pensée haushoférienne, on percevra plus clairement et plus profondément l'influence du japonisme que chez n'importe quel autre Euro-Américain» (3).

Le Dr. Saneshige Komaki, professeur de géographie à l'Université Impériale de Kyoto, était un admirateur de la pensée «japonisée» de Haushofer et l'un des principaux instigateurs d'une géopolitique japonaise spécifique. Son point de départ: jeter les bases historiques et géographiques du futur empire japonais. La pensée géopolitique, selon le Prof. Komaki, avait émergé au Japon dès le XVIIIième siècle, bien avant le géographe allemand Friedrich Ratzel, le Prof. Haushofer ou le Suédois Kjellén.

La Société Géopolitique de Kyoto (SGK)

Le Prof. Saneshige Komaki était le président de la Kyoto Chiseigaku-kai (la Société Géopolitique de Kyoto; SGK). Comme nous venons de la dire, il était le promoteur d'une géopolitique spécifiquement japonaise, axée sur les prédispositions et les intérêts nationaux du Japon. Entre 1940-1945, il écrivit neuf ouvrages de géopolitique (4).

L'Association Géopolitique Japonaise (AGJ)

La Nihon Chiseigaku-kai (l'Association Géopolitique Japonaise; AGJ) a été mise sur pied à Tokyo en novembre 1941. Elle se référait plus directement à la géopolitique allemande que la SGK. Les recherches entreprises par l'AGJ mettaient l'accent sur «l'espace terrestre et maritime entourant le Japon et formant son Lebensraum».  L'objectif était de créer un Etat défensif japonais (un Wehrstaat). L'AGJ publiait un mensuel, Chiseigaku  (= Géopolitique) et organisait régulièrement des conférences. La SGK et l'AGJ ont eu nettement moins d'influence au Japon que l'Institut et la revue de Haushofer n'en ont eue en Allemagne.

L'Association de Recherches sur la Politique Nationale (ARPN)

La Kusaku Kenkyu-kai (Association de Recherches sur la Politique Nationale; ARPN) fut créée en 1937 par le Baron Kiumochi Okura et par Kazuo Yatsugi. Parmi les 2000 membres de l'association, on comptait de hauts fonctionnaires appartenant à divers ministères. Le rôle de Yatsugi a été particulièrement important: il ébaucha la fameux «Plan de Dix Ans pour parfaire une Politique Nationale Intégrée». Ce texte a servi de base à la célèbre «Grande Sphère de Co-prospérité Est-Asiatique» (GSCPEA), un Grossraumordnung, un «ordre grand-spatial» japonais, qui englobait les territoires conquis par les armées nipponnes pendant la seconde guerre mondiale. Selon ce plan, le Japon devait créer une sphère économique comprenant l'archipel nippon et le Manchukuo, la Chine servant de base et le Japon de cœur et de moteur. Dans cette sphère, il fallait également inclure la Sibérie orientale, la Mongolie intérieure et extérieure, les Etats du Sud-Est asiatique, l'Inde et l'Océanie. En avril 1943, l'ARPN, sous la direction de Yatsugi, publia «Le Plan des mesures à prendre pour construire la GSCPEA», document important, révélant clairement la politique japonaise, et influencé directement par le livre de Haushofer sur la géopolitique de l'Océan Pacifique.

L'Association de Recherches Showa (ARS)

La Showa Kyenkyu-kai (ARS) a été constituée en novembre 1936 par Ryunosake Goto, un ami intime du Premier Ministre japonais Konoe. Comptant 300 membres, l'ARS entretenait des liens étroits avec le Bureau du Plan du Cabinet, qui avait élaboré le plan final de la GSCPEA. L'ARS a publié un certain nombre de livres et d'essais qui ont eu une influence très profonde sur la politique impériale japonaise.

La Ligue pour l'Asie Orientale (LAO)

La Toa Renmei Kyokai (Ligue pour l'Asie Orientale; LAO) a été fondée par le Lieutenant-Général Kanjii Ishiwara en septembre 1939. Cet officier avait étudié en Allemagne dans les années 20. L'objectif de la LAO était de créer une «ligue des nations» orientales, basée sur l'Odo (La Voie Royale ou la Droite Voie). Le premier objectif était de libérer l'Asie orientale de toutes les influences extérieures. Cette Ligue publiait la revue Toa Renmei  (= Ligue Est-Asiatique). Des sociétés affiliées ont été formées par la suite dans le Manchukuo et en Chine. Le plan conçu par la LAO, prévoyant une alliance entre le Japon, le Manchukuo et la Chine, avait l'appui du Premier Ministre Konoe et de Wang Ching-wei, qui présidait le gouvernement chinois de Nanking pour le compte des Japonais. Ishiwara et ses amis ont été déçus de la politique menée par le Japon en Chine au cours de la seconde guerre mondiale. Celle-ci isolait le Japon de son principal allié potentiel. L'influence de la LAO a rapidement décliné à partir de la moitié de l'année 1941.

Commentaires et conclusion

L'objet de notre article a été de présenter de la manière la plus neutre possible la pensée géopolitique japonaise entre 1920 et 1940. Après sa défaite de 1945, le Japon a abandonné la géopolitique d'inspiration haushoférienne. Par une sorte d'ironie de l'histoire, le Japon de notre après-guerre, a acquis une influence bien plus prépondérante par des moyens pacifiques en Asie orientale et dans l'espace pacifique. La situation dans notre après-guerre diffère certes considérablement de celle qui règnait pendant l'entre-deux-guerres. Les pays asiatiques ne sont plus soumis au colonialisme et le Japon, devenu démocratique, est demeuré un fidèle allié des Etats-Unis. Il n'empêche qu'un Japon fort sur les plans économique, politique et militaire pourrait bien jouer dans l'avenir un rôle plus important dans les affaires du monde. Surtout, s'il se crée une alliance transcontinentale entre la CEE, la Russie et le Japon. Cette alliance constituerait le bloc de loin le plus puissant et le plus fort de l'ère post-communiste. L'opposition d'hier entre, d'une part, le heartland  de Mackinder, c'est-à-dire la principale puissance terrestre, et, d'autre part, la puissance thalassocratique, fera place à une opposition d'un type nouveau entre la puissance thalassocratique dominante et un bloc qui contrôlerait non seulement le heartland  dans son ensemble mais pourrait aussi déployer des capacités maritimes à ses extrémités orientale et occidentale. Pour la première fois dans l'histoire, le heartland se développerait sous le contrôle d'une économie de marché libre et démocratique, renforcé par deux puissances servant de porte-avions et de ports avancés, la Grande-Bretagne et le Japon. Mais comme l'antagonisme commercial entre le Japon, d'une part, la CEE et les Etats-Unis, d'autre part, l'alliance transcontinentale euro-russo-japonaise ne deviendrait sans doute pas une réalité à court terme mais constituera inéluctablement un projet à long terme, pour après l'an 2000.

Bertil HAGGMAN.

Notes:

(1) Dans ce livre, le Prof. Kjellén explique qu'un «Etat est comme un être humain vivant qui parle, négocie et coopère, ou bien lutte, ou bien hait ou sympathise».

(2) Karl HAUSHOFER, Geopolitik des Pazifischen Ozeans,  1938, p. 445.

(3) Prof. Saneshigi Komaki, Nihon Chiseigaku Gakusho (= Mémorandum pour une géopolitique japonaise), 1944, pp. 42 et 51.

(4) Nihon Chiseigaku Sengen (= Déclaration en faveur d'une géopolitique japonaise), 1940; Toa no Chiseigaku (= Géopolitique de l'Asie orientale), 1942; Dai Toa no Chiseigaku (= Géopolitique de la Grande Asie Orientale), 1942; Nihon Chiseigaku (= Géopolitique japonaise), 1942; Zoku Nihon Chiseigaku Sangen (= Nouvelle déclaration en faveur d'une géopolitique japonaise), 1942; Sekai Shinchitsujo Kensetsu to Chiseigaku (= Construction du Nouvel Ordre Mondial et Géopolitique), 1944; Nihon Chiseigaku Gakusho (= Mémorandum pour une géopolitique japonaise), 1944. D'autres textes importants de l'auteur sont parus dans des ouvrages collectifs.   

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mercredi, 19 septembre 2007

Eurasianismo: a "nova" geopolitica russa

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Eduardo Silvestre dos Santos:

O Eurasianismo: a“nova” Geopolítica russa

Em grandes linhas, existem actualmente duas aproximações quanto às opções geopolíticas da Rússia: os internacionalistas liberais ou “ocidentalizadores” (zapadniki) e os eurasianistas.

Os primeiros (Gorbatchev, Kozyrev, Yeltsin, Trenin, etc.) crêem que os valores ocidentais do pluralismo e da democracia são universais e aplicáveis à Rússia. Os segundos (Dugin, Zhirinovsky, Zyuganov, Solzhenitsyn, etc.) têm linhas ideológicas nacionalistas e patrióticas que acreditam que, devido às particularidades geográficas, históricas, culturais e mesmo psicológicas, a Rússia não pode ser classificada como Ocidental ou Oriental, sendo um Estado forte e dominante na Eurásia.

O Eurasianismo conseguiu reconciliar filosofias muitas vezes contraditórias como o comunismo, a religião ortodoxa e o fundamentalismo nacionalista.

Desde que Vladimir Putin assumiu a presidência da Rússia, em Dezembro de 1999, a política externa de Moscovo alterou o seu rumo. A sua nova aproximação baseia-se no Eurasianismo, uma obscura e velha moldura ideológica que emergiu agora como uma força maioritária na política russa.

Na história do mundo, existem, em competição constante, duas aproximações às noções de espaço e terreno – a terrestre e a marítima. Na História antiga, as potências marítimas que se tornaram em símbolos da “civilização marítima” foram a Fenícia e Cartago. O império terrestre que se lhes opunha era Roma. As Guerras Púnicas foram a imagem mais clara da oposição “terra-mar”.

Mais modernamente, a Grã-Bretanha tornou-se o “pólo” marítimo, sendo posteriormente substituído pelos EUA. Tal como a Fenícia, a Grã-Bretanha utilizou o comércio marítimo e a colonização das regiões costeiras como o seu instrumento básico de domínio. Criaram um padrão especial de civilização, mercantil e capitalista, baseada acima de tudo nos interesses materiais e nos princípios do liberalismo económico. Portanto, apesar de todas as variações históricas possíveis, pode dizer-se que a generalidade das civilizações marítimas tem estado sempre ligada ao primado da economia sobre a política.

Por seu lado, Roma representava uma amostra de uma estrutura de tempo de guerra, autoritária, baseada no controlo civil e administrativo, no primado da política sobre a economia. É um exemplo de um tipo de colonização puramente continental, com a sua penetração profunda no continente e assimilação dos povos conquistados, automaticamente romanizados após a conquista. Para os eurasianistas, na História moderna, os seus sucessores são os Impérios Russo, Austro-Húngaro e a Alemanha imperial.

Contra o “Atlantismo”, personificando o primado do individualismo, liberalismo económico e democracia protestante, ergue-se o “Eurasianismo”, personificando princípios de autoritarismo, hierarquia e o estabelecimento de um comunitarismo, sobrepondo-se às preocupações de índole individualista e económica.

Pode-se recuar na geopolítica russa até ao movimento eslavófilo do século XIX. Nesta época, o Eurasianismo tentou sobrepor-se às diferenças entre as tendências reformistas pró-ocidentais e os czaristas eslavófilos. O papel ímpar da Rússia era juntar a rica diversidade da Eurásia numa “terceira via”, consistente com a cultura e as tradições da Ortodoxia e da Rússia.

Estas ideias acerca da geopolítica da Eurásia e do destino do Império Russo, foram retomadas no período a seguir à 1.ª Guerra Mundial pelo etnólogo e filólogo Nikolai S. Trubetskoy, nobre russo branco, pelo historiador Peter Savitsky, pelo teólogo ortodoxo G.V. Florovsky e, posteriormente, pelo geógrafo, historiador e filósofo Lev Gumilev, defendendo a luta cultural e política entre o Ocidente e o distinto sub-continente da Eurásia, liderado pela Rússia.

Gumilev foi o criador da “teoria da etnogénese”, pela qual as nações são originárias da regularidade do desenvolvimento da sociedade, e da “teoria da paixão”, a capacidade humana para se sacrificar em prol de objectivos ideológicos. Esteve 16 anos presos no tempo de Estaline, combateu na 2.ª Guerra Mundial, esteve num campo de concentração nazi e voltou a cumprir uma sentença de 10 anos no Gulag, por actividades contra a ideologia marxista-leninista.

Aqueles teóricos da geopolítica eurasiana analisaram com profundidade e atenção os impérios de Gengis Khan, Mongol e Otomano, tendo-se encontrado várias vezes em Praga com Karl Haushofer.

Baseado nas ideias de MacKinder, o Eurasianismo procura estabelecer a identidade ímpar da Rússia, distinta da Ocidental e foca a sua atenção para Sul e Leste, sonhando numa fusão entre as populações ortodoxas e muçulmanas. Rejeita categoricamente o projecto do Czar Pedro para “europeizar” a Rússia, mas os termos em que o país era idealizado eram os de um império europeu, pela simples circunstância que consistia em territórios, a maioria dos quais se localizavam na Ásia, em que um grupo nacional dominava outras nacionalidades subordinadas.

Defendia que a Rússia era claramente não europeia porque a vasta região ocupada, apesar de situada entre os dois continentes – Europa e Ásia - , era geográfica e, logo, objectivamente separada de ambos. Era um continente em si mesmo, denominado Eurásia; além disso, a cultura russa tinha sido maioritariamente moldada por influências vindas da Ásia.

Durante a 1.ª Guerra Mundial, surgiram os primeiros dilemas e ambiguidades, quando a Rússia se aliou à Grã-Bretanha, à França e aos EUA, com o intuito de libertar os seus “irmãos eslavos” do domínio turco, começando a lutar contra os seus aliados geopolíticos naturais – Alemanha e Áustria –, mas também mergulhando numa revolução e guerra civil catastróficas.

A revolução de 1917 terminou com a existência formal do Império Russo, e Trubetskoy tentou adaptar o seu pensamento ao novo estado de coisas. Os russos, antes considerados como os “donos e proprietários” de todo o território, passaram a ser “um povo entre outros” que partilhavam a autoridade. O conceito de separatismo não era aceitável para Trubetskoy, que insistia na indivisibilidade da grande região que correspondia à Eurásia, uma ideia de globalidade geográfica, económica e étnica integral, distinta quer da Europa, quer da Ásia.

Segundo Savitsky, a Eurásia tinha sido modelada pela Natureza, que tinha condicionado e determinado os movimentos históricos e a interpenetração dos seus povos, cujo resultado tinha sido a criação de um único Estado. Devido à unidade da região derivar da Natureza, possuía a qualidade transcendente dessa mesma Natureza. Trubetskoy afirmava que “o substrato nacional do antigo Império Russo e actual URSS, só pode ser a totalidade dos povos que habitam este Estado, tido como uma nação multiétnica peculiar e que, como tal, possuía o seu próprio nacionalismo.

Chamamos a essa nação Eurasiana, o seu território Eurásia e o seu nacionalismo “Eurasianismo.” Para Dugin, o principal ideólogo eurasianista da actualidade, a liderança de Lenine tinha um substrato eurasiano pois, contrariamente à doutrina marxista, preservou a grande unidade do espaço eurasiano do Império Russo.

Por seu lado, Trotsky insistia na exportação da revolução, na sua mundialização, e considerava a URSS como algo efémero e transitório, algo que desapareceria perante a vitória planetária do comunismo; as suas ideias traziam, por isso, a marca do atlantismo! Para o mesmo autor, “a grande catástrofe eurasiana foi a agressão de Hitler contra a URSS. Após a guerra fratricida e terrível entre dois países geopolítica, espiritual e metafisicamente chegados, a vitória da URSS foi de facto equivalente a uma derrota.

Apesar da “guerra fria” ser primária e fundamentalmente sobre ideologias e não sobre geopolítica – alguns autores chamam-lhe “geopolítica ideológica” –, a Geopolítica desenvolvida pelos pensadores europeus do final do século XIX foi uma matéria importante para Estaline. Imediatamente após a derrota alemã, começou a imaginar um novo projecto geopolítico, o Pacto de Varsóvia, para integrar os países da Europa de Leste na esfera soviética.

Desde o final da 2.ª Guerra Mundial, uma figura chave na geopolítica soviética foi o General Sergey M. Shtemenko, chegando a ser, durante os anos 60″s, comandante das forças armadas do Pacto de Varsóvia e Chefe do Estado-Maior General da URSS. Nos seus planos estratégicos, bem como nos do General Gorshkov, estava, desde 1948, a penetração económico-cultural no Afeganistão, afirmando que aquele país tinha um papel geopolítico especial, permitindo o acesso soviético ao Índico.

Khrutschev tinha conceitos geoestratégicos exclusivamente baseados no emprego de mísseis intercontinentais, em detrimento das outras armas. Estava preocupado com a América Latina e insistia no conceito de “guerra nuclear intercontinental relâmpago”. Ao contrário, Shtemenko já anteriormente tinha alertado que não seria sensato basear a segurança da URSS apenas em mísseis balísticos intercontinentais.

Um dos herdeiros das ideias geopolíticas e geoestratégicas de Shtemenko foi o Marechal N. V. Ogarkov. Foi ele o responsável pela montagem da operação contra a Checoslováquia, em que os serviços de informações da OTAN foram confundidos com uma contra-informação excelentemente conduzida, e também pela adopção de uma opção doutrinária de guerra convencional na Europa, como objectivo de planeamento e desenvolvimento militar.

Grande parte deste novo alento do Eurasianismo deve-se ao seu principal ideólogo, Alexander Dugin. Apesar do seu passado obscuro (antigo membro duma organização radical anti-semita e, posteriormente, da Revolução Conservadora racista, Dugin é hoje considerado o principal geopolítico russo e conselheiro de assuntos internacionais de várias figuras proeminentes da Duma, nomeadamente o seu “speaker”, Gennady Seleznev. As suas ideias têm influenciado o líder do Partido Comunista, Gennady Zyuganov, e outros altos dignitários. O Partido Eurasiano foi fundado por Dugin em Maio de 2002, supostamente com apoio organizacional e financeiro do Presidente Putin.

O Eurasianismo ganhou rapidamente importância nos meios da política externa russa e, mais significativo ainda, é cada vez mais evidente na conduta daquela política pelo Presidente Putin. Dugin adaptou as teorias tradicionais de Mahan e MacKinder e defende uma luta pelo domínio internacional entre as potências terrestres – personificadas na Rússia – e as potências marítimas – principalmente os EUA e o Reino Unido. Como resultado, Dugin crê que os interesses estratégicos da Rússia devem ser orientados de um modo anti-ocidental e para a criação de espaço Eurasiático de domínio russo. Por outras palavras, a Rússia não poderá subsistir fora da sua essência imperial, em virtude da sua localização geográfica e do seu caminho histórico.

“O novo império eurasiano será construído no princípio fundamental do inimigo comum: a rejeição do ‘Atlantismo”, controlo estratégico dos EUA e na recusa em aceitar valores liberais para nos dominar. Este impulso civilizacional comum será a base de uma união política e estratégica”. Dada a presente situação internacional pouco influente da Rússia, Dugin reforça a necessidade de construir alianças que sirvam para aumentar o domínio político e económico.

Assim, põe ênfase num eixo Moscovo-Teerão e na criação de uma zona de influência iraniana no Médio Oriente. Na Europa, advoga um eixo Moscovo-Berlim, que vê como essencial para a criação de um “cordão sanitário” contra a influência ocidental no antigo bloco soviético.

Nos seus esforços para manter os EUA longe da região do Cáspio, o Irão encontrou um aliado inesperado na Rússia. Ambos puseram temporariamente as suas divergências de lado, para fazer frente às actividades americanas na área. A aliança russo-iraniana pode aliás considerar-se um dos mais importantes factos geopolíticos do pós-guerra fria. Para a Rússia, uma relação estrita com o Irão pode considerar-se como uma reacção à expansão da NATO para a Europa Oriental.

O fornecimento de material militar convencional e de tecnologia nuclear russa ao Irão é um dos aspectos fulcrais desta aliança, já que muitos poucos países estão interessados em fornecer armas ao regime dos “ayatollahs”. O Irão confia na Rússia como fornecedor de armamento, dado não existirem muitos países que o queiram fazer; a Rússia também vê vantagens e lucros no fornecimento de armamento, nuclear inclusive, ao Irão.

A doutrina consensual da “vizinhança próxima” define que a Rússia quer manter um papel político, económico e estratégico preponderante nas ex-repúblicas da URSS, legitimando uma intervenção militar, se necessário. Contudo, a incapacidade da Rússia implementar as necessárias reformas nas suas Forças Armadas e na sua economia, em conjunto com a hostilidade com que a sua presença é vista, limita as suas possibilidades de cooperação e faz diminuir a sua influência, em especial no Cáucaso, em detrimento dos EUA.

A Rússia vê assim a sua posição na região ameaçada pela expansão militar americana e da NATO, bem como pelos seus próprios problemas internos (a guerra na Tchechénia fez com que as relações com a Geórgia, a quem acusa abertamente de abrigar terroristas tchetchenos, se deteriorasse muito). Para contrabalançar esta situação, propôs uma cooperação triangular com a China e com a Índia e através da Organização de Cooperação de Xangai (com Cazaquistão, Quirguizistão e Tadjiquistão).

As maiores preocupações da Rússia dizem respeito ao controlo das rotas de exportação dos recursos energéticos. O maior objectivo de Moscovo é assegurar que uma parte significativa dos recursos energéticos do Cáspio seja transportada pelo sistema russo de oleodutos para o Mar Negro e, daí, para a Europa. Porém, o sistema existente de oleodutos e gasodutos da era soviética é considerado como obsoleto, feitos com materiais de qualidade duvidosa e com manutenção de má qualidade técnica, que se estão a deteriorar com o tempo.

As novas repúblicas procuram por isso outras opções para se distanciar e não depender da Rússia, e serem capazes de alcançar mercados diversificados. Para tentar manter a sua influência nas exportações dos produtos energéticos, a Rússia apoia apenas oleodutos que passem através do seu território.

Todavia, as tentativas russas para retardar os projectos de desenvolvimento liderados por outras potências, levaram ao estudo de rotas alternativas para levar os recursos até aos mercados, prejudicando a posição da Rússia como potência dominante na região e fazendo-a perder o controlo sobre os recursos energéticos da região e do seu transporte.

Para a Rússia, os alvos geopolíticos primários para a subordinação política parecem ser o Cazaquistão e o Azerbaijão. A subordinação deste último ajudaria a “selar” a Ásia Central do Ocidente, especialmente da Turquia.

O Azerbaijão, encorajado pela Turquia e pelos EUA, rejeitou os pedidos russos para a manutenção de bases militares no seu território e desafiou também as exigências daquele país para um único oleoduto com terminal no porto russo de Novorossiysk, no Mar Negro.

A vulnerabilidade étnica do Cazaquistão (cerca de 40% da população é russa) torna quase impossível uma confrontação aberta com Moscovo, que pode também explorar o receio do Cazaquistão sobre o crescente dinamismo da China.

Para tentar diminuir as iniciativas unilaterais de desenvolvimento das novas repúblicas, nomeadamente as duas referidas atrás, tem utilizado também a incerteza quanto ao regime legal do Mar Cáspio.

Ao bloquear ou atrasar novos projectos de oleodutos, a Rússia conseguiu vencer praticamente todos os negócios energéticos, com investimentos pequenos. Porém, o actual sistema de oleodutos não possui a capacidade para o aumento de produção que se prevê para o Cazaquistão e para o Azerbaijão e, se tiverem de construir mais, a Rússia gostaria que passassem por território seu.

No Cáucaso, todos os conflitos têm também a ver, pelo menos parcialmente, com o petróleo. A Rússia continua a ver o Azerbaijão como parte do seu império e considera a Geórgia como a chave do Cáucaso meridional. Contudo, a maior ameaça à estabilidade e aos interesses petrolíferos ocidentais no Cáucaso, deriva da guerra na Tchetchénia.

A Tchetchénia era uma região autónoma gozando já de uma larga autonomia, quando declarou unilateralmente a sua independência em 1994. A Rússia decidiu resolver o assunto pela força por duas razões principais: em primeiro lugar porque, se a Tchetchénia fosse autorizada a sair da Federação Russa, seria um perigoso antecedente que outras repúblicas predominantemente islâmicas do Norte do Cáucaso (Tcherkessia, Dagestão, Kabardin-Balkar, etc.) poderiam querer seguir; em segundo lugar, a Tchetchénia é um eixo fundamental da rede de oleodutos vindos do Cáspio.

Se a materialização dos planos do oleoduto para Oeste falhar, todo o petróleo do Azerbaijão irá continuar a ser transportado pelo único oleoduto existente para o mar Negro, e esse atravessa a Tchetchénia. Se a Rússia quiser lucrar com o aumento de produção no Azerbaijão, tem de manter o controlo da república a todo o custo. Grozny, capital da Tchetchénia, é o centro de uma importante rede de oleodutos que liga a Sibéria, o Cazaquistão, o Cáspio e Novorossiysk.

Para finalizar, o que torna Dugin notório e preocupante é que o seu pensamento faz lembrar, em certos aspectos, Hitler: fala sobre capitalismo, baseado numa combinação de nacionalismo e socialismo. As suas teorias foram banidas durante a época soviética pelas suas ligações ao Nazismo, mas são hoje aceites sem relutância pelo Partido Comunista.

Mesmo assim, o Eurasianismo ganhou rapidamente importância nos meios da política externa russa e, mais significativo ainda, é cada vez mais evidente na conduta daquela política pelo Presidente Putin.

Eduardo Silvestre dos Santos
Jornal Defesa & Relações Internacionais


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vendredi, 14 septembre 2007

Géopolitique de la guerre des Balkans

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Géopolitique de la guerre des Balkans : le dessous des cartes

Personne n’est dupe. On ne peut objectivement traiter la guerre au Kosovo, avec ses implications géo­poli­ti­ques dans les Balkans, comme une simple question interne aux Balkans. Toute décision relative à l’utilisation de for­ces américaines et de l’OTAN modifie de manière déterminante tous les aspects de la situation stratégique glo­bale. La guerre menée par le régime de Milosevic au Kosovo est utilisée pour atteindre des objectifs géo­po­li­ti­ques et stratégiques d’un tout autre ordre :

- Ecarter la Russie, la Chine et le Conseil de Sécurité de l’ONU de la prise des décisions politiques mondiales les plus importantes.

- Rompre les liens politiques et économiques entre l’Est et l’Ouest du continent eurasiatique.

- Empêcher un nouveau Bretton Woods qui permettrait de surmonter la crise économique et financière mon­diale.

La Realpolitik, qui n’ose pas dire son nom, et que les Etats-Unis et leurs alliés dociles continuent d’appliquer dans les Balkans, reste substantiellement traditionnelle et conservatrice. Que ce soit pour des raisons de jeux de puissance traditionnels ou dans l’optique d’un possible conflit de civilisation au siècle prochain, les Etats-Unis continuent à vouloir enfermer la Russie dans la masse terrestre eurasiatique, barrant son accès aux mers chaudes. Depuis deux siècles, ce verrouillage continental de la Russie a été poursuivi par une remarquable constance par l’Angleterre, puis par les Etats-Unis, leur soutien au non-alignement de la Yougoslavie titiste n’en fut qu’une des illustrations. Actuellement, l’occupation militaire et l’élargissement del ‘OTAN à l’espace reliant la Hongrie à la Grèce (toutes deux membres de l’OTAN), par le truchement du Partenariat pour la Paix et le contrôle américain des oléoducs géorgiens débouchant sur la Mer Noire, neutraliserait l’hypothétique constitution d’une transversale orthodoxe et verrouillerait Moscou, empêchant, même à moyen terme, son retour dans la région et surtout dans les ports monténégrins, dont la base navale de Boka Kotorska. L’encouragement croissant de l’Occident à la sécession du Monténégro de Djukanovic hors de la Fédération Yougoslave va dans ce sens. Washington serait donc guidée par des préoccupations globales pour étendre et préserver sa domination en érigeant l’OTAN comme superpuissance militaire néo-impériale. Nous sommes loin des préoccupations humanitaro-altruistes des Etats-Unis et de l’OTAN envers les pauvres populations albanaises. Mais cet endiguement des Moscou par Washington aura aussi à moyen terme pour conséquence de créer une alliance objective russo-chinoise, Pékin étant l’autre contestataire crédible de l’ordre américain.

Afin d’évaluer les ramifications géopolitiques des opérations militaires actuelles de l’OTAN contre la Yougoslavie, il convient de comprendre les manipulations de la situation dans les Balkans, intervenus depuis 1991. Les guerres menées par la Serbie contre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine ont été activement encouragées par les gouvernements britanniques et celui de Mitterrand afin d’endiguer l’Allemagne (c’était la politique de Thatcher, considérant l’Allemagne réunifiée comme un « Quatrième Reich »). Aujourd’hui, ceux qui tirent les ficelles de la guerre dans les Balkans, sont les défenseurs des intérêts du Commonwealth anglo-américain (British-American Commonwealth ou, en abrégé, le BAC), intervenant par l’intermédiaire du gouvernement Blair et du Groupe réuni autour d’Al Gore dans le gouvernement américain, comprenant Albright, Cohen et le Général Shelton. L’élément déterminant de tout changement global de la politique stratégique ou militaire est son effet sur la politique économique et financière mondiale. Il s’agit de savoir si une politique stratégique donnée favorise ou pénalise la mise en œuvre d’un nouveau Bretton Woods. De ce point de vue, le Président Clinton se trouve devant un choix décisif.

Dans un document paru le 7 avril dernier sous le titre « Balkans : la doctrine LaRouche », ce dernier, Lyndon LaRouche, écrit : « Le Président Clinton essaye actuellement de trouver un équilibre entre deux politiques absolument inconciliables. L’aspect positif, c’est qu’il défend un partenariat stratégique avec la Russie, la Chine et d’autres ; mais, d’un autre côté, en raison de ses politiques de libre échange, de mondialisation, de confrontation avec l’Irak et de déploiement de l’OTAN, auxquelles vient de s’ajouter le détonateur de la guerre contre la Yougoslavie, sa présidence risque d’être vouée à l’ignominie éternelle. Si la deuxième dynamique se poursuit, il n’y aura bientôt plus de possibilité de partenariat et le monde se dirigera alors vers une guerre mondiale de longue durée, comme celle qui ravagea l’Europe centrale entre 1618 et 1648, avec un risque de recours aux armes nucléaires. D’un point de vue américain, que faut-il faire pour parvenir à éviter la détérioration de la situation stratégique globale ? ».

Selon LaRouche, de concert avec au moins l’un de leurs principaux partenaire d’Europe continentale (la France, l’Allemagne ou l’Italie), les Etats-Unis doivent prendre les mesures d’urgence pour instaurer un partenariat stratégique général de coopération économique, entre autres, avec la Chine, la Russie, l’Inde, etc. L’objectif devrait être de revenir au type de politiques anti-britanniques sur lesquelles le Président américain Roosevelt avait tenté de fonder un nouvel ordre économique mondial plus juste, libéré de l’impérialisme, entre Etats-Nations parfaitement souverains, jouissant du libre accès aux découvertes scientifiques et technologiques les plus avancées.

Causalité financière de la guerre

La causalité fondamentale qui sous-tend la confrontation stratégique menée par le BAC vis-à-vis de la Russie et de la Chine et l’escalade militaire dans les Balkans, au Proche-Orient et ailleurs, réside dans l’aggravation de l’état du système économique et financier international. Le changement de phase est survenu lors de la faillite, en septembre 1998, du Hedge Fund LTCM, qui détenait un portefeuille de 3250 milliards de dollars en produits dérivés. Un mois auparavant, les marchés financiers internationaux avaient été secoués par la cessation de paiement de la Russie. Même la BRI a récemment admis que le système financier se trouvait à ce moment-là au bord de l’effondrement. Pour y faire face, les gouvernements et banques centrales du G7 ont lancé en octobre une folle politique hyper-inflationniste, avec réduction des taux d’intérêt, déversement de liquidités et divers programmes de renflouement. Ce miracle était destiné à retarder pour quelque temps l’effondrement systémique autrement inévitable. Cette politique a provoqué une détérioration qualitative de la lucidité des responsables gouvernementaux et parlementaires. C’est le même état d’esprit qui régnait lors des kracks financiers des 17ième et 18ième siècle en Angleterre et en France, mais les conditions stratégiques actuelles sont bien plus dangereuses.

C’est au cours du changement de phase intervenu en octobre-novembre 1998 que le Commonwealth anglo-américain a lancé l’escalade vers la confrontation. D’abord, on a utilisé le prétexte du rapport Butler, délibérément mensonger, pour lancer la guerre non déclarée contre l’Irak. Ensuite, on a imposé à l’OTAN un nouveau concept stratégique néo-impérial, avant d’en arriver à la guerre actuelle dans les Balkans. Pour comprendre comment la crise financière est devenue une crise à la fois économique et militaro-stratégique, il faut analyser la situation à partir de la triple courbe. En effet, l’étude des relations entre trois éléments —croissance explosive des agrégats monétaires, expansion hyperbolique des agrégats financiers et écroulement accéléré de l’économie physique— est la seule façon de comprendre la transposition de la crise financière au domaine militaire et stratégique, comme Clausewitz l’avait décrit au 19ième siècle. Ne pouvant ou ne voulant pas résoudre efficacement les problèmes économiques et financiers en changeant la politique économique et financière, les oligarchies démo-ploutocratiques tendent à les résoudre par d’autres moyens. L’argent, nerf de la guerre, ou la guerre, nerf de l’argent.

Clinton et la « Troisième Voie » parasitaire

La réforme de l’aide sociale, la politique étrangère au sujet de l‘Afrique ou des Balkans, dénotent l’influence dominante qu’exercent sur la Maison Blanche et sur le Président Clinton les conseillers politiques, les nouveaux démocrates du courant de Tony Blair, représentés aux Etats-Unis par Al Gore. Ces conseillers utilisent la méthode dite de la troisième voie : plutôt que de considérer les conséquences sur la vie réelle des décisions à prendre, on considère ce qui peut être permis selon les règles du jeu existantes. Concrètement, chaque impulsion politique est soumise à des considérations politiques plus générales qui visent à trouver un consensus et doivent être prévalentes. En conséquence, une politique proposée par le Président sera redéfinie afin d’être appliquée selon les règles du jeu. Dans ce processus, la politique originelle est souvent transformée en son exact opposé !

La manifestation la plus tangible de cette « troisième voie » s’incarne dans le fascisme à visage démocratique, version Tony Blair, à l’œuvre en Grande-Bretagne. Rassurons-nous, nous sommes là bien loin du « tercérisme européiste » d’essence nationale-révolutionnaire ! L’économie politique de la « troisième voie » de Blair ne se distingue en rien du néo-libéralisme radical introduit en Grande-Bretagne par Margaret Thatcher. C’est toujours la mondialisation, le libre-échange, l’écologisme, la réduction démographique, etc., mais la version « troisième voie », basée sur le consensus, se présente comme « démocratique ». Le principal interlocuteur de Blair à Washington est le vice-président Al Gore, fer de lance du projet écologiste utopique, comme l’a montré sa campagne contre le réchauffement global. Martin Walker annoncera dans le Guardian qu’une bonne partie de la pensée du courant « troisième voie » repose sur la conscience que l’économie globale est le moteur actuellement le plus puissant du changement. Au sein du parti démocrate, la « troisième voie » s’est structurée sous le vocable du « Democratic Leadership Council » (ou : DLC). Le DLC a été fondé en 1985 avec, principalement, des démocrates du Sud, dont Sam Nunn de Géorgie, Chuck Robb de Virginie, John Breaux de Louisiane. Clinton et Gore ont adhéré au DLC et Clinton le présidait avant d’être candidat à la Présidence. On les appelle les « nouveaux démocrates », du nom de leur magazine. Les « nouveaux démocrates » ont créé dans la foulée un groupe de réflexion, le « Progressive Policy Institute » (PPI). En 1992, le DLC avait des sections dans trente Etats, un budget annuel de 2,5 milliards de dollars et dix-neuf permanents. A l’origine de la fondation du DLC, qui était une réponse à la défaite de Walter Mondale à l’élection présidentielle contre Reagan en 1984, il y avait l’idée que le Parti Démocrate devait abandonner sa base traditionnelle, composée de syndicalistes, de membres des minorités ethniques, d’agriculteurs, pour courtiser plutôt les couches de la société ayant une activité plus éloignée de la production ou même parasitaire : les yuppies des banlieues chics, les employés du secteur des services, les boursicoteurs, les comptables, etc. Le DLC exerce une influence pernicieuse sur les décisions du Président Clinton, par l’intermédiaire de son vice-président Al Gore, qui a été choisi comme candidat démocrate à l’élection présidentielle de l’an 2000. L’influence idéologique de cette « troisième voie parasitaire » finit de parachever la désintégration du système financier et monétaire international et plonge le monde entier dans le pire désastre économique et social de l’histoire.

Rodolphe LUSSAC.

jeudi, 13 septembre 2007

G. Reisegger: Entretien à POLITICA (Belgrade)

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Entretien de Gerhoch Reisegger accordé à la revue POLITICA (Belgrade)

Propos recueillis par Dragos KALAJIC, lors de la 7ième Université d’été du Groupe de réflexion grand-européen « Synergies Européennes » (Perugia, août 1999)

Q. : Quelle est la différence entre les écoles économiques anglo-saxonnes et la conception allemande traditionnelle de l’économie, théorisée par des esprits comme Friedrich List, Othmar Spann, Alois Schum­peter ou par leur élève français François Perroux ? Ici, en Serbie, la plupart des observateurs, journalistes, politologues ou politistes ne sont pas capables de discerner les concepts de la pensée économique alle­man­de ou d’évoquer des écoles économiques ; malheureusement pour nous, nos élites économiques et u­ni­­versitaires ne connaissent que les concepts, théorèmes et dogmes de l’école libérale anglo-saxonne et du capitalisme anglo-saxon. Pour eux, le concept fondamental qui devrait présider à la reconstruction de la Yougoslavie est le suivant : « Trouver du capital et accepter pour cela toutes les conditions ». Au­jour­d’hui, mêmes les Yougoslaves ne font qu’ânonner les dogmes du libéralisme à l’américaine…

GR : Ma position est le contraire diamétral des dogmes néo-libéraux. Selon ces dogmes, le capital (les « in­ves­tis­sements directs ») conduit à l’essor de l’économie (nationale), ce qui conduit à l’opinion suivante : « Le ca­pi­tal crée le travail », alors que c’est le contraire qui est vrai, c’est « le travail qui crée le capital » ! On de­vrait se focaliser sur l’économie réelle et non pas sur l’économie « virtuelle ». Il faut donc refaire fonctionner l’économie nationale en toutes circonstances et même tenter d’inverser la vapeur, aller à contresens de la tendance générale à la globalisation. Cela implique de poursuivre des objectifs économiques déduits de priorités politiques nationales. La hiérarchie des valeurs devrait donc être : culture, politique, économie (et non l’inverse). L’économie n’est jamais qu’un moyen et non pas un but en soi au sein de tout Etat national qui se respecte et qui agit en faveur de l’ensemble de sa population.

Q. : Comment la conception économique d’un Hjalmar Schacht pourrait-elle être appliquée en You­go­sla­vie, si du moins, cela s’avère possible ?

GR : Schacht, dans le fond, était un partisan du libre marché, mais il a dû affronter les conditions de la grande dépression de l’économie mondiale, c’est-à-dire le chômage de masse en Allemagne, les impositions du Traité de Versailles et le manque cruel de devises en Allemagne, avec, simultanément, un besoin urgent de matières premières pour l’industrie allemande. Il a donc dû imposer des contrôles très stricts du marché des devises et du commerce extérieur. Afin d’obtenir des devises étrangères (un allongement du crédit n’était pas possible à cette époque), il proclama le « nouveau plan », afin de diriger les flux d’exportations et d’importations en direction des pays, qui acceptaient des compensations en produits finis allemands pour leurs importations en Allemagne de matières premières. Les offices du commerce extérieur allemand ont reçu pour mission d’acheter moins de produits finis, mais davantage de matières premières ou de produits semi-finis (y compris des denrées alimentaires), pour augmenter la valeur des créations et réalisations industrielles allemandes et épargner les réserves de devises.

Cette façon complexe de pratiquer le commerce extérieur a été possible dans la mesure où l’on a pratiqué, en fait, une économie de troc. Ainsi l’Allemagne a réussi à inverser la vapeur et à effacer sa balance commerciale négative et sa balance des paiements, également négative. Elle a même pu avoir un très léger excédent d’ex­por­tations. Autre mesure prise pour des raisons économiques : la substitution de matières premières cha­que fois que cela était possible, afin de juguler la dépendance importante de l’Allemagne vis-à-vis des ma­tiè­res pre­mières importées (ce qui permettait aussi d’économiser les réserves de devises). Pour modifier les ha­bi­tu­des d’achat et de production de diverses branches de l’industrie allemande, qui devaient, selon la nouvelle po­li­ti­que, travailler de préférence avec des matières de substitution, le ministère de Schacht a pris une série d’au­­tres mesures : il a favorisé la recherche pour que l’on sache, dans le pays, travailler de manière optimale avec ces nouvelles matières. Il a fallu ensuite construire de nouvelles installations industrielles, éviter la con­sti­­tution de monopoles, etc.

L’objectif de l’autarcie allemande et le principe de substituer, autant que possible, les matières premières ha­bituellement importées, n’était pas le résultat d’une théorie de l’autarcie ou d’une idéologie autarciste, qui au­rait été le propre de la NSDAP nationale-socialiste, mais a tout bonnement été imposé par les circonstances : l’Allemagne souffrait d’un déséquilibre entre ses exportations de biens et de services (et donc d’un manque de devises) et la nécessité inconditionnelle de payer ses importations à l’aide de devises (qu’elle n’avait pas en suffisance) (1). Le système économique allemand entre 1933 et le début de la seconde guerre mondiale n’a nul­lement été une « économie de guerre » placée sous la direction d’un instance centralisée (2). Mais ce sy­stè­me n’a pas été représenté uniquement par Schacht. D’autres personnalités et d’autres économistes l’ont im­pul­­sé et incarné. Aujourd’hui, l’Allemagne paria d’après Versailles nous semble être un modèle pour la You­go­sla­­vie paria d’après les bombardements de l’OTAN.

Q. : L’Europe aura-t-elle un jour la force de secouer le joug de la pensée économique anglo-saxonne ?

GR : Oui, si l’Europe met volontairement un terme à son statut de protectorat des Etats-Unis. Ensuite, si l’ac­tuel­le économie mondiale s’effondre et si les Etats-Unis sont précipités dans le chaos. Malheureusement, les « é­lites » européennes ne sont pas du tout préparées à affronter de telles catastrophes. Pourtant, si un tel é­tat de détresse devient réalité, il n’y aura pas d’autre issue que de mettre un terme au type d’économie « vir­tuel­le » que les Etats-Unis ont imposé au monde.

Q. : La Yougoslavie peut surtout offrir un surplus d’énergie (électrique), de produits agricoles (blé), même si cette énergie et ces produits agricoles ne sont pas produits selon des critères écologiques rigoureux, et des techniques de communication (y compris la possibilité de les fabriquer). Comment ces atouts de l’é­co­no­mie yougoslave pourraient-ils être valorisés, pour accéder plus aisément aux marchés ouest-européens, est-européens et asiatiques ? Que devrait faire l’homme politique qui occuperait le poste de ministre des af­faires économiques pour restaurer la position de notre pays dont les atouts sont, je le répète, l’énergie, l’a­griculture et les technologies de la communication ? Surtout s’il doit faire face à un déficit de moyens fi­nanciers, s’il ne reçoit aucun crédit du FMI et s’il doit tenir compte de l’embargo imposé au pays…

GR : En aucun cas, il ne faut accepter de l’argent du FMI ni accepter un quelconque « accord politico-éco­no­mi­que », qui porterait atteinte à la souveraineté du pays ou qui vous enlèverait, à vous les Serbes, le droit de fa­çon­ner les institutions de votre pays comme vous l’entendez. Une telle politique de subordination signifierait la fin de toute stratégie nationale propre dans la reconstruction de votre économie. Si vous ne comprenez pas ce­la clairement, il me semble oiseux de parler de « compromis » ou d’ «alternatives », qui engloberaient les « e­co­nomic adjustment policies » du FMI ou poseraient celles-ci comme des conditions incontournables. L’ap­pli­ca­tion de telles idées débouchent toujours sur le chaos, la destruction du tissu économique et la perte de la sou­ve­raineté nationale dans les pays qui croient naïvement aux dogmes du néo-libéralisme. Pourquoi ? Parce que les dettes ne cessent d’augmenter auprès du FMI et des banques anglo-américaines.

Q. : Comment jugez-vous les plans de Georges Sörös pour l’Europe de l’Est : les peuples de cette région de­vraient s’unir au sein d’une Union Balkanique qui abolirait les frontières entre les Etats actuels (You­go­sla­vie, Macédoine, Roumanie, Bulgarie) et donc aussi les barrières douanières. Les pertes en matière de re­cette, jusqu’à des montants de 5 milliards de dollars ou d’euros, seraient compensées par la Commission de l’UE, l’Euro deviendrait la seule monnaie en cours dans cette Union Balkanique.

GR : C’est une stratégie qui vise la destruction des Etats nationaux. Mon compatriote, le philosophe et théo­lo­gien Friedrich Römig a constaté : «La monnaie, c’est l’Etat ! » ou, inversemment, « L’Etat, c’est la mon­naie ! ». Si l’on renonce au droit de battre monnaie, toute souveraineté apparente n’est qu’illusion. De tels pro­jets, qui n’ont aucun modèle dans l’histoire ou dans l’histoire politique, qui n’ont aucune justification é­thi­que, ethnique ou autre, débouchent forcément sur le chaos, sur la perte de l’autodétermination des peuples dans le fa­çon­na­ge de leur propre destin. En fait, le projet de Sörös est un projet qui vise à faire de l’ensemble de la péninsule bal­kanique un protectorat occidental. De plus, l’UE elle-même, dans sa constitution actuelle, n’est pas en me­su­re de garantir quoi que ce soit ; elle n’est pas sûre de survivre à la première crise éco­no­mi­que sérieuse, alors qu’une crise de grande ampleur est manifestement proche…

Q. : Quel est le rôle et la signification de l’euro ou du dollar, quelles sont les conséquences de l’intro­duc­tion de l’euro (même d’un euro fort) pour l’économie ?

GR : L’euro n’est nullement pris au sérieux par les Américains. Si les Etats-Unis percevaient dans l’euro un dan­ger pour le dollar, l’euro n’aurait même pas été inventé. Nous pensons dès lors que l’euro n’est pas un avan­ta­ge pour l’Europe, et surtout par pour l’Allemagne, qui perd ainsi sa dernière possibilité d’influencer le destin de l’Europe ou d’exercer une forme, même minime, de puissance sur notre sous-continent. De cette façon, la vieil­le recette s’applique toujours : il faut entraver et juguler l’Allemagne. La chute du cours de l’euro face au dol­lar montre très bien les faiblesses de cette nouvelle monnaie. Quant aux réévaluations plus récentes, elles sont artificielles, elles sont des manipulations du Japon et de la Banque Centrale Européenne (BCE), mais cela n’a ab­solument rien à voir avec la fin de la guerre en Yougoslavie ou avec une amélioration de la situation éco­no­mique en Europe. Tout cela, c’est de la propagande.

Les raisons « techniques » de ces fluctuations de l’euro résident dans les différences en matières de législations sociales, fiscales, et de droit du travail, etc. et vouloir placer ces innombrables différences sous le dé­no­mi­na­teur commun d’une seule monnaie contribuera à plonger les économies nationales réelles dans le désordre. Les di­verses priorités d’ordre politique dans les Etats membres ne nous permettent pas d’augurer une politique co­hé­­ren­te de la part de la BCE (il suffit de se rappeler les débats qui ont eu lieu à propos de l’é­lection du pre­mier pré­sident de cette BCE : Duisenberg a été élu pour la moitié du temps qui aurait normalement dû lui être ac­­cor­dé, pour laisser la place au Français Trichet ; ces discussions laissent clairement entrevoir les difficultés fu­­tu­­res…).

Les analyses financières les plus récentes prévoient d’ores et déjà un effritement de l’union monétaire, dès que les premiers signes d’un crash du système financier international apparaîtront. Les démissions du ministre a­méricain des finances R. Rubin et du vice-ministre des finances japonais E. Sakarikaba (surnommé « Mister Yen ») ont certainement pour cause l’éventualité fort probable d’un crash. Sakarikaba a clairement donné cette raison pour expliciter sa démission (3).

Q. : Même si les sociaux-démocrates sont au pouvoir en Europe, ce sont eux qui détruisent de facto les in­sti­­tu­tions de l’Etat-Providence et tous les filets de sécurité sociale, tissés au cours de longues décennies de luttes ou­vrières. Ils remplacent les institutions sociales européennes par les principes du néo-libéra­lisme.

GR : Oui, effectivement, ce sont les socialistes actuels qui détricotent les filets de la politique sociale, tissés par leurs prédécesseurs ! On peut dire clairement aujourd’hui qu’ils ne sont plus du tout les représentants des intérêts sociaux de la population, mais les laquais des puissances financières hégémoniques dans le monde. On peut aussi les accuser d’être des voleurs, car ils tentent, dans l’opération, de rafler un maximum pour leurs pro­pres poches. Les anciennes différences entre socialistes et conservateurs, entre verts et libéraux, ont fini par disparaître et perdre toute signification : tous, sans exception, mettent en pratique les penchants les plus frau­­duleux de la partitocratie et sont totalement corrompus. La seule chose qui les préoccupe, c’est d’être réé­lus et de conserver leurs « jobs ».

Q. : Quelles expériences avez-vous eues avec des élites balkaniques ?

GR : Je me suis aperçu qu’elles étaient bien souvent naïves, quand elles demandent des aides substantielles aux organisations internationales ou au FMI. Elles sont obnubilées par le néo-libéralisme sans en connaître, au fond, les principes pervers. Lorsque ces élites économiques balkaniques se présentent dans les conférences internationales, comme à Davos ou au « South European Summit » de Salzbourg ou aux conférences sur la « re­construction », organisées par le FMI, la Banque mondiale ou l’UE, elles viennent, parfois sans s’en rendre comp­te, recevoir des ordres. Il semble qu’elles n’ont pas compris les mécanismes en place…

Dans la plupart des pays, la « démocratisation », toujours suivie de la « privatisation », de la « libéralisation » et de la « dérégulation », conduit à une destruction massive des capacités de production, accompagnée d’un taux de chômage catastrophique et, pire, dans les pays agricoles, d’une pénurie de denrées alimentaires (avec des débuts de famine !), parce que la dérégulation néo-libérale ruine l’agriculture. L’erreur n’a pas été de procéder à une « démocratisation » insuffisante, mais d’avoir repris et appliqué le système néo-libéral dans son ensemble et de manière a-critique.

D’abord, ce système ne pouvait pas s’appliquer dans une économie de type traditionnel. Ensuite, il n’y avait pas les conditions-cadres nécessaires (d’ordres institutionnel, légal, juridique et autres) ni suffisamment de ca­dres formés à ces écoles anglo-saxonnes, pour que ce type d’économie puisse s’organiser. Mais, chose plus im­por­tante encore, l’ensemble du processus de néo-libéralisation consiste en une « reprise en main par l’enne­mi », en la personne de spéculateurs (le capital international, des trafiquants de toutes espèces, des escrocs). Fi­nalement, le système néo-libéral a atteint son point terminal, le crash, comme nous pouvons le constater à la suite ininterrompue de crises dans le monde entier. L’illusion, qui consiste à croire que, si le système ancien était mauvais, le nouveau devait automatiquement être bon, est une conclusion complètement erronée. Il ne s’a­git pas de cela. Si on prend conscience de QUI, ici en Europe orientale, dans des délais très brefs, en est ve­nu à dominer l’industrie, le système bancaire ou les médias, on s’étonne et on se demande comment cela a-t-il pu se faire… Sont-ce des événements normaux ? Ou un processus téléguidé de l’extérieur par des forces ano­ny­mes et secrètes ? Pour trouver réponse à ces questions, il suffit de se demander « Cui bono ? », « A qui profite le crime ? ».

Q. : Quelles sont vos impressions après votre voyage en Serbie, frappée par les bombardements de l’O­TAN ? Sur le plan géopolitique, que signifie la Serbie pour vous ? Garde-t-elle une signification dans l’af­fron­tement futur entre l’Europe et les Etats-Unis ?

GR : La Serbie a été, est et restera très importante pour des raisons géopolitiques. Elle se situe au carrefour de plu­­sieurs lignes de communication entre l’Europe et l’Asie. Si l’on songe à la résistance que vient d’opposer la Ser­bie à l’impérialisme américain et aux pressions hégémoniques de Washington, alors on peut dire, sans hé­si­ta­tion, que les Serbes, une fois de plus dans l’histoire, ont pris en charge la mission très difficile de défendre l’Eu­rope contre le despotisme d’une puissance étrangère à l’espace européen. La Serbie est donc le dernier pays d’Europe à opposer une résistance au nouvel ordre mondial annoncé jadis par Bush, Président des Etats-U­nis. Je me souviens d’avoir lu un livre très ancien, publié au début du siècle, qui avait pour titre « Die Serben – Wächter des Tores » (= « Les Serbes, gardiens de la porte »). Ce livre est plus actuel que jamais. Malgré toutes les nuées de la propagande, l’exemple donné par le peuple serbe cette année a changé la situation de manière dé­cisive. Car les Etats-Unis n’ont pas atteint le but de leur guerre : ils n’ont pas un modèle casuel pour justifier d’autres interventions, comme par exemple, en Tchétchénie contre la Russie ; ils n’ont pas pu installer une nouvelle « international law » en mesure de sa passer d’un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU ; ils n’ont pas pu étendre leur contrôle à l’ensemble du territoire serbe, c’est-à-dire à l’extrémité occidentale du « pont terrestre » de la « route de la soie », et de remplacer les forces de sécurité de l’ONU par l’OTAN. L’exemple serbe est donc de première importance, surtout sur le plan mental.

ADDENDUM : Réflexions sur les notions de « terre » et de « mer » (Carl SCHMITT)

Pour répondre plus en détails à votre question sur les différences entre économie anglo-saxonne et économie al­­lemande, il faut d’abord bien comprendre la différence fondamentale qu’il y a entre « terre » et « mer », com­­me Carl Schmitt l’a démontré dans son œuvre. Il a notamment approfondi ces concepts dans tous leurs as­pects dans son ouvrage intitulé Der Nomos der Erde (= Le Nomos de la Terre). Les différences entre les pays qui tien­nent leur puissance de la mer, comme l’Angleterre et plus tard les Etats-Unis, et ceux qui la tiennent de la ter­re, comme l’Allemagne, la Russie et la Chine, sont considérables. Je conseille à tous de lire attentivement l’œu­­vre de Carl Schmitt pour comprendre réellement combien les différences dans les forces motrices in­té­rieu­res des pays maritimes et des pays continentaux sont fondamentales. Les puissances maritimes basent leur économie sur le commerce mondial illimité et exercent dès lors leur contrôle sur les mers, en tous points du globe. Elles occupent les têtes de pont stratégiques les plus importantes dans le monde entier : Gibraltar pour les Britanniques, Panama pour les Américains, Suez, etc. (4).

Une caractéristique : ces puissances maritimes veulent la concurrence illimitée entre des marchés « libres », dans le monde entier, le commerce ne peut connaître d’entraves. L’OMC/WTO et d’autres organisations in­ter­na­tionales comme le Mercosur, l’ALENA et l’UE servent d’instruments à cette idéologie du libre-échange pla­né­tai­re. Lorsqu’une économie nationale particulière a un marché solvable, génère une surproduction mais se fer­me au principe du libre marché, alors les Etats-Unis appliquent, sans fard ni hésitation, leur stratégie habi­tuel­le de répression, qu’avait annoncé en son temps le Président Wilson : « S’ils ne veulent pas nous ouvrir leurs por­tes, alors nous allons les enfoncer… ». Exemple : le blocus subi par le Japon au 19ième siècle et perpétré par la flotte américaine ; plus tard, à partir de 1937, ces blocus directs ou indirects, ont obligé les Japonais, qui dé­pendaient cruellement des matières premières, à faire une guerre qu’ils ont perdue.

Aujourd’hui, les méthodes sont plus subtiles. A côté de « l’économie réelle » (investissements dans la produc­tion), dominent en économie les « financial markets ». On devrait plutôt les appeler des « marchés virtuels », car ils sont complètement détachés de l’économie réelle ; leurs transactions sont en fait des jeux d’ordi­na­teurs, aux caractères hautement spéculatifs.

Les problèmes majeurs liés à ce type de marchés virtuels sont les suivants :

- moins de 1% des transferts financiers quotidiens concernent la paiement effectif de biens réels et de véritables services. Plus de 99% sont de nature purement spéculative.

- Les « dérivats », tels qu’on les appelle, sont en réalité purement virtuels et relèvent de l’économie casino. Ils ressemblent à ces jeux de pyramides financières et, par définition, sont des escroqueries graves et des at­tentats criminels contre les économies nationales et contre l’économie mondiale. Pire : la « bulle d’air » gé­nérée par les spéculations de cette économie virtuelle peut éclater à tout moment et précipiter l’en­sem­ble du système financier et monétaire du monde dans le chaos, avec toutes les conséquences d’un ef­fon­drement économique général, frappant toutes les économies nationales, la perte de toutes les épargnes des familles et d’une masse incalculable d’emplois, la pénurie générale de tous les biens importants. Un tel crash ferait apparaître celui de 1929/1930 comme une broutille sans importance !

-  Depuis quelques temps, l’ampleur des transactions spéculatives a dépassé la masse dominable. Les éva­lua­tions à la fin de l’année 1997 estiment que les « investissements » de ce type —et ils ne sont pas tous répertoriés ; de plus, parler « d’investissements » en cette matière est déjà une escroquerie— s’élèvent à 120.000 milliards de dollars. La Banque internationale des paiements rapporte que le taux de crois­sance de cette bulle spéculative est de 60% par an !

(La suite de cette étude de Gerhoch Reisegger dans notre prochain recueil ; version allemande parue dans la revue Staatsbriefe à Munich, http://members.tripod.de/staatsbriefe – version anglaise disponible chez l’auteur reisegger-gerhoch@netway.at ou chez robert.steuckers@skynet.be ).

Notes :

1. Hans KEHRL, Krisenmanager im Dritten Reich.

2. C’est immédiatement visible lorsque l’on observe les chiffres des budgets pour la défense et les questions militaires en pourcents du BNP :

Dépenses pour les questions militaires :

1933/34 : 1,9 milliards de RM = 4% du BNP

1934/35 : 1,9 milliards de RM = 4% du BNP

1935/36 : 4,0 milliards de RM = 7% du BNP

1936/37 : 5,8 milliards de RM = 9% du BNP

1937/38 : 8,2 milliards de RM = 11% du BNP

1938/39 : 18,4 milliards de RM = 22% du BNP

A titre de comparaison en 1934 : France : 8,1% du BNP ; Japon : 8,4% du BNP ; Union Soviétique : 9,0% du BNP ; Angleterre : 3,0% du BNP. Ce n’est qu’au début de la guerre que les dépenses de l’armée allemande et de l’industrie de guerre ont été comparables à celles des autres puissances.

3. Le journal financier australien Australian Financial Review a dévoilé les véritables raisons de la démission du vice-ministre des finances japonais, Eisuke Sakakibara (alias « Mister Yen »), responsable du départe­ment « finances internationales ». Sakakibara entrevoyait parfaitement la possibilité d’un gigantesque crash. « Il a dit à un ami qu’il n’insisterait pas pour rester un an de plus à son poste parce qu’il croyait que Wall Street allait crasher endéans cette période et qu’il ne voulait pas être responsable de la résolution des problèmes résultant de ce crash au Japon ». Plus loin, la magazine financier australien écrit : « Non seu­lement l’économie américaine s’effondrera, mais l’ensemble du système capitaliste global sera me­na­cé ». Il est assez inhabituel qu’un ministre parle un tel langage. Sakakibara est l’homme qui a inventé un ter­me moqueur pour désigner l’économie américaine : « bubble.com ». « Les Etats-Unis seront aux pre­miè­res loges quand la bulle internet va éclater et crasher ».

4. Dans The Grand Chessboard, Z. Brzezinski énumère toutes les positions stratégiques importantes du globe et les régions géopolitiquement importantes. D’un point de vue européen, nous ne partageons pas toutes ses analyses : elles sont néanmoins cohérentes dans les plans de l’hégémonisme américain.

 

mercredi, 12 septembre 2007

Clinton, la Turquie et l'UE

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Texte ancien de 1999 pour rappeler la collusion américano-turque, aujourd'hui battue en brèche mais toujours potentiellement activable contre l'Europe !

Clinton veut ouvrir les portes de l’UE à la Turquie

A propos des déclarations du Président américain lors  de sa visite à la Turquie, dévastée par un tremblement de terre

Le Président Bill Clinton a esquissé clairement, devant l’ensemble des dirigeants turcs, la tâche stratégique que les Etats-Unis entendent donner à la Turquie : celle-ci doit être un « pont », surtout par le biais de son ad­hé­sion (espérée) à l’UE, entre l’Europe et l’Islam modéré ; elle doit également être le « bastion avancé de l’Oc­cident » contre les menaces des fondamentalistes (l’Iran) et de l’Irak ; elle sera l’élément porteur de la sta­bilité dans les Balkans ; elle sera l’alternative au monopole russe sur les fournitures énergétiques du Cau­ca­se, grâce à l’oléoduc Bakou-Ceyhan et au gazoduc transcaspien ; elle sera, enfin, l’alternative à l’hégémonie po­litique de Moscou en Asie Centrale. Toutefois, Clinton, en utilisant un langage très prudent, a aussi esquissé les « conditions » que la Turquie devra remplir pour que le peuple américain puisse accepter son rôle d’allié pri­vilégié qu’il compte lui attribuer : « approfondir la démocratie », objectif pour lequel « il y a encore beau­coup de travail à faire » ; la Turquie doit ensuite améliorer ses rapports avec Athènes et atténuer les tensions dans l’Egée ; elle doit ensuite favoriser un accord sur Chypre. Clinton, qui est en visite officielle à Ankara et qui doit participer le 18 novembre au sommet de l’OSCE, a affirmé, devant le parlement, que « le futur de la Tur­­quie est la clef pour donner forme au XXIième siècle ». Il a ensuite souligné, avec insistance, la grande im­portance géopolitique du pays, à cheval entre l’Est et l’Ouest, entre l’Occident chrétien et le monde mu­sul­man. Cependant, avec une égale insistance, la Président a insisté sur la nécessité, pour la Turquie, de con­ti­nuer les réformes démocratiques, « en particulier en ce qui concerne la liberté d’expression » et les droits de l’hom­me. Il a laissé entendre qu’il souhaitait également une solution à la question kurde. En même temps, Clin­ton dit l’urgence d’une amélioration des rapports de la Turquie avec la Grèce, afin que le dégel gréco-turc puisse favoriser l’adhésion à l’UE, projet que le Président américain « soutient avec force et fermeté » et aussi afin de faire de la Mer Egée une mer de paix. Clinton s’est ensuite félicité de la décision du leader turc-cypriote Rauf Denktasch d’accepter les négociations indirects qui auront lieu à New York ( !), mais il a dit au Pré­sident turc Suleyman Demirel et au Premier Ministre Bulent Eçevit qu’il attendait que ces négociations con­dui­sent à « des pourparlers significatifs qui mèneront à un accord général sur le problème cypriote ». Allusion claire aux tentatives directes de négociations qu’a entreprises Denktasch, qui reçoit le soutien d’Ankara, mais dont la « République Turque de Chypre du Nord » n’a pas encore été reconnue formellement par d’autres pays que la Turquie elle-même. Toute la classe politique turque, à commencer par Eçevit lui-même, était présente au Parlement pour écouter Clinton, flanqué de sa femme Hillary et de sa fille Chelsea. Eçevit s’est borné à ap­pré­cier l’importance que Clinton accorde à la Turquie, soulignant, dans sa réponse, que le Président américain connaissait bien le pays. Cependant, toute l’élite turque ne semble pas avoir apprécié la visite de Clinton. Une cen­taine de manifestants de la gauche turque ont été arrêtés pour avoir organisé des manifestations de pro­tes­ta­tion et scandé des slogans comme « Yankees go home ». Mises à part toutes questions politiques, ce sont les terribles séismes d’août et de novembre qui préoccupent l’homme de la rue en Turquie. Effectivement, le nom­bre de victimes du tremblement de terre du vendredi 12 novembre 1999 ne cesse d’augmenter. Le séisme a eu une ampleur de 7,2 sur l’échelle de Richter. D’après le dernier bilan officiel, il y aurait eu 452 morts et 2386 blessés. Les espoirs de trouver encore des survivants s’amenuisent d’heure en heure, même si les équipes de secours turques et étrangères continuent à creuser ou à fouiller les décombres s’il y a la moindre chance de trouver un être humain encore en vie. Le Président Clinton a assuré le soutien des Etats-Unis, qui ne lésineront en rien et multiplieront les efforts pour aider le nouvel « allié principal » de Washington dans le désastre qui le frappe. Clinton a annoncé un financement d’un milliard de dollars, via l’Eximbank. Cette fois, le gouvernement turc est intervenu rapidement sur les lieux du séisme, en y envoyant des militaires, attitude contraire à son inertie lors du tremblement de terre du 17 août, qui a fait 20.000 victimes. Le problème principal pour les si­nis­trés reste le froid et l’hi­ver qui arrive : de sérieux problèmes resteront irrésolus, y compris pour les sans-a­bri du séisme de cet été. De nombreux pays continuent à envoyer de l’aide, l’Italie en tête. A Duzce et à Kay­nas­li, les deux localités les plus touchées en novembre, où, respectivement, 350 et 301 des 722 immeubles à é­ta­ges se sont écroulés, les équipes de se­cours poursuivent avec obstination leurs recherches dans les ruines, mais 72 heures après le séisme, les espoirs de trouver encore quelqu’un en vie se réduisent considérablement.

Mauro BOTTARELLI.

(Article paru dans La Padania, 16 novembre 1999 ; http://www.lapadania.com ).

jeudi, 06 septembre 2007

La guerre en Irak affaiblit l'US Army

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La guerre en Irak affaiblit l’US Army

Peter Pace, général américain qui part à la retraite, a exigé, avant son départ, la diminution des effectifs US en Irak. La présence de plus de 100.000 soldats en Irak constitue une charge trop lourde pour les forces armées américaines et diminue leurs capacités à réagir à d’autres menaces, a déclaré cet officier de haut rang aux journalistes du « Los Angeles Times ». Cet officier du Corps des Marines peut partir à la retraite car George Bush n’a pas réclamé le renouvellement de son contrat ; il quittera donc ses fonctions en septembre 2007. Il présentera ses réflexions et conclusions au Président américain mais à titre privé seulement, précise le « Los Angeles Times ». Le quotidien précise en outre que les chefs d’état-major ont exprimé leurs inquiétudes : en effet, la guerre menée en Irak empêche de faire face à d’autres menaces, comme celle que pourrait constituer l’Iran. Pour sa part, le Sénateur républicain John Warner de l’Etat de Virginie a demandé au Président Bush d’annoncer, le 15 septembre, le retour prochain de 5000 soldats du théâtre irakien. Les Etats-Unis doivent montrer au Premier Ministre irakien Nouri al-Maliki que l’engagement américain en Irak ne sera pas éternel, a déclaré le Sénateur, qui est également membre de la Commission des forces armées. Et il a ajouté : « Le gouvernement irakien a laissé tomber nos troupes ».

(source : Junge Freiheit, Berlin,n°36/2007).

Commentaires:

L’hypertrophie impériale est une constante de la politique extérieure et militaire des Etats-Unis. Les engagements militaires finissent par s’avérer très lourds, sur le plan budgétaire, pour faire face simultanément à d’autres impératifs (sociaux, investissements structurels, etc.). De plus, l’intervention en Mésopotamie, au fond de ce bras de mer profondément enfoncé dans les terres de la masse continentale eurasienne implique un bouleversement tel de l’équilibre régional et de sa périphérie, qu’il implique, bien plus qu’au Vietnam, l’émergence de nouveaux conflits et défis ; ainsi, nous voyons une Turquie qui vacille, ne montre plus la même fidélité inconditionnelle à l’alliance atlantique ; un Iran qu’il faut déstabiliser par insurrections tribales interposées au Baloutchistan et dont l’invasion exigerait des troupes bien plus considérables ; une Asie centrale ex-soviétique qui lorgne, du coup, à nouveau vers Moscou ; une effervescence dans le Caucase que les Etats-Unis ne peuvent maîtriser en dépit des promesses faites à leurs nouveaux alliés, etc. Dans un tel contexte, la Vieille Europe, vilipendée par la clique néo-conservatrice autour de Bush, pourrait faire valoir ses droits à un environnement stable, de concert avec la Russie de Poutine, voire avec la Chine et l’Inde, mais cette réaction salubre ne s’avère plus possible avec la disparition de facto de l’Axe Paris-Berlin-Moscou, les positions d’Angela Merkel étant plus molles et vagues que celle de son prédécesseur social-démocrate et l’alignement de Sarközy, le nouveau président français, sur les Etats-Unis devenant de plus en plus patent.

 

 

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lundi, 03 septembre 2007

Arménie: nation martyr

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Arménie: nation martyr de l'orthodoxie

Notes d'un voyage au pays détruit par les invasions turques

Plus d'un touriste s'émerveillait jadis, en 1988, à Erivan, capitale de l'Arménie, de pouvoir aller se promener dans les montagnes du Nagorno Karabagh, une région dont le nom signifie “jardin noir” en langue turque. Aujourd'hui, ce pays merveilleux est l'endroit, sur la planète, le plus couvert de mines anti-personnel. Le Nagorno Karabagh, que les Arméniens appellent “Artzhak”, est un nouvel Etat, né de la résistance et de la guerre des partisans menée par la population arménienne contre l'invasion islamique turque venue d'Azerbaïdjan. Les Azéris, effectivement, se sont rendus maîtres du pays au moment de l'effondrement de l'Union Soviétique. Si on s'y rend en voiture en venant de la cité de Berdzor, il faut traverser un no man's land encore infesté de bandes azéries et passer entre deux colonnes frappée d'un symbole identique au “Soleil des Alpes” placé sur une épée marquée d'une croix. On se trouve alors dans le district de Shushi, une ville accrochée à une montagne escarpée, où Sergey Tsaturian reçoit les visiteurs. Il est le commandant de la Garde Nationale. Il est l'un des sept frères de la première famille qui, guidée par le patriarche Grigory Shendyan, âgé de 98 ans, a pris les armes contre les envahisseurs. Avec grande fierté, il nous montre une église dont on achève la construction: les azéris d'ethnie turque l'avaient incendiée puis faite sauter à la dynamite, il y a trois ans. Aujourd'hui, un jeune prêtre orthodoxe à longue barbe enseigne le catéchisme à de jeunes garçons à l'air libre, alors qu'il pleut. Il me dit: «Nous ne sommes pas encore en mesure de reconstruire l'école primaire et l'école moyenne qui ont été détruites à coups de canon, sous prétexte qu'elles n'étaient pas des “écoles coraniques”». D'une autre petite chapelle de Shushi, il ne reste plus rien d'autre que les fondements; des destructions similaires ont frappé Berdadzor, Kanatckala, Zarisli, Kanintak; avant de se retirer les Azéris d'ethnie turque ont systématiquement détruit les églises, les écoles et les fours à pain. A Stephanakert, capitale de la nouvelle république d'Artzhak, de nombreuses églises ont également été frappées et fortement endommagées par des missiles ou des obus, mais le Musée de la Tradition tient encore debout, malgré les attaques au missile, au beau milieu de maisons disloquées. La directrice de ce musée, Mme Mélanie Balayan, me raconte que les familles et les enseignants y emmenaient les enfants et les élèves pour visiter cet écrin de la mémoire arménienne, même sous une pluie d'obus. Les Arméniens de cette région n'ont plus connu la liberté depuis longtemps: domination turque, 70 années de communisme après l'arrivée des bolcheviques, puis, récemment, l'arrivée des Azéris d'ethnie turque. Pire: l'ONU, sous la double pression de la Turquie et de l'Azerbaïdjan, n'a pas reconnu le nouvel Etat, alors que des élections démocratiques y ont été tenues, qui ont porté au pouvoir des gouvernements sociaux-démocrates ou libéraux.

 

Dans le district d'Askeran, seul un monastère isolé dans la montagne a échappé à la furie destructrice. La plupart des villages ou des hameaux n'ont plus que des églises ou des écoles de fortune, installées dans des maisons d'habitation ou dans des vestiges d'anciennes forteresses russes. La ville morte d'Aghdam, dans le no man's land situé entre la frontière incertaine de l'Artzhak et l'Etat islamique d'Azerbaïdjan, est le véritable monument funéraire de l'“heureuse coexistence” entre orthodoxes et musulmans. Là-bas, tout est miné et les grenades en chapelets de couleur jaune, très semblables à celles que l'OTAN a utilisé contre les Serbes, maculent le vert des champs qui furent jadis fertiles. Les carcasses calcinées des chars de combat émergent des cratères creusés par les obus. Quelqu'un a apporté des fleurs pour les placer sous une petite croix blanche dessinée sur le flanc d'un T-34 détruit. Un calcul approximatif nous permet de dire qu'environ 300 églises et écoles orthodoxes arméniennes ont été détruites par les Turco-Azéris entre 1989 et 1997 au Nagorno Karabagh et dans le Nakhitchevan.

 

Epilogue: dans la vallée du fleuve Araxe, sur la frontière turco-iranienne, en 1999, je rencontre un colonel, qui ressemble à l'un de ces Immortels de Cyrus II le Grand. Il me fait visiter l'ancien monastère de la Kelissa Darré Sham, c'est-à-dire l'église de Saint-Bartolomée, arrivé dans la région en l'an 62. Elle a été détruite  à plusieurs reprises par les invasions successives des Turco-Azéris, depuis le 16ième siècle jusque dans les années 70. Aujourd'hui, le complexe monastique est sous la protection de l'UNESCO et le ministère des monuments iranien est en train de le restaurer. Mais le panorama sur la vallée qui s'étend au-delà de la frontière azérie et du chemin de fer me rappelle le passé, aux blessures toujours béantes: des milliers et des milliers de katchar arméniennes, c'est-à-dire de croix rustiques taillées dans la pierre, révèlent des tombes chrétiennes orthodoxes, les tombes de ceux qui ont dû sans cesse fuir les persécutions déchaînées par le Sultan rouge, le génocide scientifiquement planifié par le gouvernement des Jeunes Turcs et, très récemment, les incursions des Azéris. Une seule chose a changé, ce ne sont plus des cimeterres ou des fusils que manient génocideurs ou envahisseurs, mais des chars d'assaut et des lance-roquettes munis de viseurs laser. La civilisation moderne…

 

Archimede BONTEMPI.

(article paru dans La Padania, le 26 octobre 2000; http://www.lapadania.com ).    

dimanche, 02 septembre 2007

Drogues d'Asie centrale

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Article d'archives : toujours d'actualité !

 

Archimede BONTEMPI:

L'Union Européenne contre le trafic des stupéfiants

Un document sur l'Asie centrale, berceau mondial de la drogue

Finalement, un document important a été édité avec l'accord des participants aux sessions de travail sur la drogue du Conseil de l'Union Européenne. Il s'agit de l'ébauche d'un plan d'action contre la drogue, à signer entre l'UE et les pays d'Asie centrale comme le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan, c'est-à-dire, à l'exception du Tadjikistan, tous les Etats turcophones situés au-delà de la Mer Caspienne, où se trouve aussi l'Afghanistan qui est le principal producteur de drogues aujourd'hui. Dans ces pays se trouvent les plus grandes cultures du pavot, plante à la base de l'opium; par conséquent, ils abritent les organisations criminelles les plus importantes et les mieux ramifiées qui vendent la drogue en Europe. Tous ces pays signeront avec l'UE un traité d'assistance commune et de coopération pour élaborer des projets communs dans la lutte contre l'écoulement, le trafic, la production et la culture de la drogue.

Le choix de l'UE n'est pas de type militaire, comme celui pour lequel ont opté les Etats-Unis en Colombie. L'Europe ne dispose pas des crédits pour sa machine de guerre et pour utiliser celle-ci contre les organisations de trafiquants. L'Europe a choisi de renforcer des organisations internationales du type d'Interpol et de la DIA, favorisant la formation et la mise à jour professionnelle du personnel des polices, des gardes-frontières et des douanes. Mais surtout l'Europe a choisi de contribuer au développement économique des zones concernées par le problème, permettant l'éclosion de cultures à haut rendement économique pouvant se substituer aux "cultures de la drogue", ce qui permettra aux citoyens des républiques turcophones de rester dans leurs pays et d'y bénéficier de revenus suffisants. Il a également été décidé d'envoyer un Coordinateur européen sur place, pour conduire la lutte contre le narco-trafic.

La Conférence d'Europol, la coordination des services de police européens, s'est tenue en septembre de l'année passée; elle a mis en évidence que 80% de toute l'héroïne consommée en Europe proviennent de l'Afghanistan, dont la production est estimée à 4600 tonnes d'opium par an. Une grande partie de l'héroïne et des résines de cannabis et d'éphédra en provenance de l'Afghanistan et du Pakistan voisin est acheminée via les autres pays d'Asie centrale. Une petite partie reste sur place pour la consommation locale. La majeure partie transite par la Russie, la Turquie et l'Albanie pour aboutir en Europe.

Les mesures draconiennes prises par l'Iran le long de ses frontières avec l'Afghanistan et le Pakistan ont été couronnées de succès et ont réussi à barrer la route des trafiquants. Rien qu'au début de l'année 2000, la police et l'armée iraniennes ont éliminé plus de 400 trafiquants et en ont emprisonné le double. Ces mesures ont contraint les narco-trafiquants afghans à utiliser d'autres routes pour acheminer la drogue, notamment à travers le désert du Kazakhstan et via les autres pays de la région de la Caspienne. Le trajet des drogues s'est ainsi allongé, donc les prix ont augmenté en conséquence. Au départ de ces pays d'Asie centrale, les drogues passent en Russie, en Turquie, en Albanie, au Kosovo et en Macédoine occidentale.

Une partie de la drogue se consomme le long du trajet; aujourd'hui, on compte déjà 500.000 cas de toxicomanie banale dans les pays d'Asie centrale. Ensuite, on est déjà passé  —surtout au Kazakhstan, l'Etat le plus développé sur le plan industriel—  des drogues “naturelles” à la production de drogues chimiques, parmi lesquelles les fameuses “pilules du bonheur” que l'on consomme aujourd'hui dans toutes les discothèques d'Europe; ce sont des euphorisants, responsables des accidents mortels du samedi soir, car qui en fait usage perd ses freins inhibiteurs, provoquant l'ivresse de la vitesse incontrôlée.

Les frontières entre les pays d'Asie centrale et les Etats caucasiens sont perméables car peu surveillées par les polices, occupées à d'autres tâches sur d'autres fronts; en plus, les effectifs de ces polices sont peu nombreux et leurs capacités opérationnelles sont limitées. En plus, les conflits de compétence entre les tribunaux et les polices, dans ces différents pays et dans leurs rapports avec l'Union, aggravent encore leurs faibles chances de succès.

Le plan européen prévoit l'assistance à des projets de concertation entre les différents Etats du Caucase, pour aboutir à un meilleur contrôle des frontières et à une défense efficace de celles-ci. Il s'agira aussi de repérer les zones de culture, de substituer ensuite à ses cultures d'autres cultures non nuisibles, de coordonner les polices, les unités de gardes-frontières, les magistratures locales et les banques de données des organisations européennes et mondiales de lutte contre le narco-trafic, en conformité avec l'article 12 de la Convention de Vienne de 1988.

Nous avons affaire ici à un premier projet d'intervention organique et globale de l'Union Européenne, qui va bien au-delà des traités bilatéraux et des initiatives sporadiques des polices européennes, agissant individuellement et non pas de concert.

Archimede BONTEMPI.

(article paru dans La Padania, 29 juin 2000 - http://www.lapadania.com ).  

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mercredi, 15 août 2007

Amendements chinois au NOM

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Les amendements chinois au «Nouvel Ordre Mondial»

 

par Robert STEUCKERS

 

Quand Bush a déclaré, à la veille de la Guerre du Golfe, qu'il envisageait d'imposer à la planète entière un “Nouvel Ordre Mondial” reposant exclusivement sur les grands thèmes de l'idéologie américano-occiden­tale, il agissait en pleine conscience de l'impact qu'avait eu le déploiement des troupes américaines dans le désert arabique et de l'US Air Force dans les cieux du Golfe Persique. Le Nouvel Ordre Mondial devait avoir l'idéologie de son bras armé et non pas un mixte ou une résultante de toutes les idéologies qui sous-tendent les instances politiques à l'œuvre dans le monde. On sait déjà que les Asiatiques émettent des objections, qu'ils veulent une synthèse où leurs propres héritages entrent en ligne de compte. Mais, di­rectement au sein du Conseil de Sécurité de l'ONU, la Chine, qui y siège, propose des amendements con­crets qui contribueront à façonner un Ordre Mondial non seulement à l'aide d'ingrédients chinois, mais aussi à l'aide d'ingrédients issus de toutes les traditions qui innervent les peuples de la Terre. Pour la Chine, écrit Xuewu Gu, attaché à l'Université de Fribourg en Allemagne, tout ordre mondial raisonnable et juste doit reposer sur les “cinq principes de la coexistence pacifique”, c'est-à-dire: 1) le respect mutuel de la souveraineté et de l'intégrité territoriale; 2) le principe de non-agression; 3) le refus de toute immixtion dans les affaires intérieures d'Etats tiers; 4) l'égalité des partenaires sur l'échiquier international; 5) le respect des besoins vitaux de chacun.

 

La Chine a eu pour référence ces cinq principes dans toutes les relations bilatérales qu'elle a entretenues depuis l'accession de Mao au pouvoir en 1949. Aujourd'hui, la Chine veut les hisser au rang de principes généraux d'action dans les relations internationales, estimant que ces cinq principes sont “universels” (universellement valables) et ont prouvé leur “vitalité dans l'histoire”. Le 27 juin 1994, le Premier Ministre chinois Li Peng déclare officiellement: «Les cinq principes de coexistence pacifique se révèlent être des normes universellement applicables dans les relations internationales. Des Etats régis par des systèmes idéologico-politiques différents et des Etats au niveau de développement économique inégal pourront sans arrière-pensées engager des relations de confiance et de coopération s'ils s'en tiennent à ces cinq principes; en revanche, confrontation et conflits armés entre les Etats animés par une même idéologie et régis par un même système politique pourront éclater, s'ils s'opposent aux cinq principes».

 

Beijing affirme par ailleurs que les principes de souveraineté et de non-immixtion dans les affaires inté­rieures sont des principes cardinaux et intangibles pour tout ordre mondial cohérent. L'idéologie des droits de l'homme ne peut pas être hissée au-dessus du principe de souveraineté nationale. La Chine s'inquiète du discours américain,  —relayé par toutes les officines de gauche d'Europe, y compris les ex-maoïstes les plus obtus, comme ceux, ridicules, aigris et acariâtres du PTB belge—  visant à réduire les souverainetés nationales et à utiliser l'aune des droits de l'homme pour intervenir dans les affaires d'Etats tiers, notamment de la Chine depuis 1989 (l'incident de Tien An Men). C'est ce principe d'intervention (qui pourrait tout aussi bien se justifier sur base d'une idéologie complètement différente) que Beijing rejette catégoriquement: les droits et les devoirs des citoyens doivent être déterminés par une charte nationale et non pas par des ukases internationaux qui s'abattent sur les peuples en provenant d'un contexte fon­cièrement différent. Les tentatives de l'Occident, d'imposer, non seulement à ses propres sujets mais aussi à tous les Etats du monde, ses systèmes de valeur et son way-of-life, détruira à terme la paix dans le monde, constate Xuewu Gu.

 

Par ailleurs, Beijing œuvre pour que des systèmes politiques de toutes natures puissent exister et se dé­ployer. Xuewu Gu: «Aux yeux du gouvernement chinois, toutes les formes de systèmes de gouverne­ment, que ce soit des démocraties ou des autoritarismes, ont le droit d'exister. Dans la diversité des sys­tèmes politiques, Beijing ne veut reconnaître aucune cause première de conflits internationaux». La Chine demande à l'Ouest (c'est-à-dire à l'américanosphère) de renoncer à exporter systématiquement les modèles constitutionnels occidentaux et libéraux-démocrates et de respecter sans arrière-pensées les régimes qui ne s'en inspirent pas.

 

Ensuite, les diplomates chinois plaident pour un Nouvel Ordre Mondial respectueux de la diversité cultu­relle de la planète. Ils mettent tous les peuples en garde contre l'“occidentalisation totale”. Certes, Beijing reconnaît la pertinence d'une charte mondiale des droits de l'homme mais conteste le monopole occiden­tal en cette matière. Les droits de l'homme, aux yeux des Chinois, devraient être déterminés par l'environnement culturel et historique dans lequel ils sont appelés à être appliqués. Dans la formulation des droits de l'homme, le contexte, de même que la continuité culturelle et historique doivent être prépon­dérants. Les Chinois en suggérant ce différentialisme planétaire raisonnent au départ d'un principe con­fucéen d'harmonie: contrairement à l'idéologie caricaturale de nos intellectuels occidentaux (Habermas en tête), dans le confucianisme chinois, l'individu n'existe pas en soi, dans un pur isolement, mais s'imbrique toujours, sans exception, dans une collectivité organique, une communauté, et doit se sou­mettre aux lois de cette entité et travailler à sa prospérité, sans mettre en avant des pulsions égoïstes.

 

Face à l'offensive occidentale, on pourrait imaginer que cette redéfinition chinoise du rôle des droits de l'homme est purement défensive, un combat d'arrière-garde. Or les Chinois ont bien l'intention de passer à l'offensive tous azimuts et de faire fléchir les prétentions américaines. Les signes avant-coureurs de ce déploiement offensif ont déjà pu s'observer lors de la mise en forme de la “Déclaration des Droits de l'Homme de Bangkok” (2 avril 1993), où les Etats asiatiques ont commencé délibérément à réinterpréter l'idéologie occidentale née du cerveau de quelques avocats ratés de Paris dans l'avant-dernière décennie du XVIIIième siècle. La Chine, appuyée par les autres nations asiatiques et par des ressortissants d'autres civilisations, notamment islamiques, réclame une remise en question de l'universalité des droits de l'homme et exige que ceux-ci soient constamment relativisés et re-contextualisés sur la base concrète et tangible des héritages culturels, afin de ne pas meurtrir ceux-ci. Un observateur arabe, très actif dans les milieux gouvernementaux et para-gouvernementaux en Allemagne, Bassam Tibi, constate que le monde non-occidental, pourtant très hétérogène, a fait front commun à Vienne (juin 93), lors d'une con­vention internationale des droits de l'homme, créant d'emblée une sorte de front commun islamo-hin­douisto-bouddhisto-confucéen, qui a dû inspirer la réaction inquiète de Samuel Huntington, quand il nous a parlé du Clash of Civilizations (Foreign Affairs, été 1993). Le délégué chinois a bien campé la probléma­tique, nous rappelle Xuewu Gu: «Nous nous trouvons dans un monde présentant une étonnante pluralité de valeurs. Dans le monde, il y a plus de 180 Etats et environ 1000 groupes ethniques. Il existe une va­riété bigarrée de systèmes sociaux, de religions, de traditions culturelles et de modes de vie». Beijing demande dès lors à l'Ouest de respecter cette immense diversité et de renoncer à toutes manœuvres coercitives d'unification ou d'uniformisation. Vu le principe taoïste du wuwei (non-intervention), les Chinois estiment que l'harmonie entre toutes ces différences est possible: «Ces dix mille choses peuvent croître de concert sans se géner mutuellement, et les taos peuvent se déployer parallèlement sans se heurter».

 

En bref, Beijing lutte actuellement dans le monde, contre les prétentions des Etats-Unis, pour que s'établisse à terme un Ordre mondial reposant sur l'absolue souveraineté des Etats nationaux, sur une structuration pluraliste des rapports internationaux, sur une réduction de la domination économique amé­ricaine et sur une limitation volontaire de l'expansionnisme idéologique occidental (entendu comme l'idéologie des Lumières et ses avatars politiques).

 

En Europe, les forces identitaires pourraient parfaitement se joindre à cette revendication chinoise, la faire connaître, s'en inspirer, afin de déserrer graduellement la tutelle américaine et d'effacer définitive­ment les institutions résiduelles et obsolètes, issues de l'idéologie des Lumières, qui empêchent les Européens de se doter d'institutions nouvelles, moins rigides, plus souples, basées sur des logiques non newtoniennes, notamment cette fuzzy-logique fluide qui révolutionne la physique et les mathématiques contemporaines et qui correspond à bon nombre de linéaments du taoïsme et d'autres traditions. Se réfé­rer aux revendications chinoises en matières de droits de l'homme, c'est aussi contester les intellectuels occidentaux qui parlent en mercenaires pour le pouvoir américanomorphe, surtout sur la place de Paris. Si ces discoureurs sont passés naguère du col Mao au Rotary, il faut désormais refaire le chemin inverse, quitter les salons stériles et retrouver les “bons taos”. La pensée politique chinoise est une mine d'or pour ceux qui veulent incarner le politique au-delà de toutes les intrigues politiciennes: faut-il rappeler qu'il de­meure impératif, dans toute école de cadres identitaires, de lire Sun-Tsu et qu'il serait tout aussi utile de lire Han Fei, un conseiller de l'Empereur de Chine, vers 220 av. notre ère, qui a su notamment expliquer en 47 paragraphes brefs quels étaient les symptômes et les mécanismes de décadence d'un Etat. Textes autrement plus utiles à lire que les longues digressions vides de sens, énoncées en jargon sociologique, auxquelles nous sommes habitués en Occident depuis tant de décennies.

 

Bonn a déjà donné l'exemple: sans officiellement adopter la position chinoise, le ministère allemand des affaires étrangères multiplie les contacts en Asie et cherche des appuis en Extrême-Orient pour obtenir un siège, en même temps que le Japon, au Conseil de Sécurité de l'ONU. Afin qu'il y ait plus ou moins pa­rité entre les tenants de la monochromie illuministe et les tenants de la splendide diversité des peuples et des cultures. Les néo-eurasistes russes pourraient alors jeter le poids de leur pays dans la balance des pluralistes...

 

Robert STEUCKERS.

 

- Xuewu GU, «Chinas Vision von einer neuen Weltordnung», in Internationale Politik und Gesellschaft, 3/1995, Friedrich-Ebert-Stiftung, pp. 255-258.

 

- Han Fei, Die Kunst der Staatsführung,  Kiepenheuer, Leipzig, 1994.

 

 

dimanche, 05 août 2007

Géostratégie américaine, impuissance européenne

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Sur la géostratégie américaine et l'impuissance européenne

Entretien avec Andreas von BÜLOW

 

Andreas von Bülow a été député de la SPD socialiste au Bundestag de 1969 à 1994. De 1976 à 1980, il a occupé le poste de secrétaire d'Etat au ministère fédéral allemand de la défense. De 1980 à 1982, il a été ministre fédéral de la recherche scientifique. Aujourd'hui, retiré de la politique, il est avocat à Bonn. Il est l'auteur d'un livre qui a fait beaucoup de bruit : Im Namen des Staates. CIA, BND und kriminelle Machenschaften der Geheimdienste [Au nom de l'Etat. De la CIA, du BND et des machinations criminelles des services secrets], paru chez l'éditeur Piper à Munich en 2000.

 

Q.: Dr. von Bülow, dans un entretien récent, paru dans nos colonnes et traitant de la politique intérieure de la RFA, vous nous avez démontré comment les Etats-Unis, quasiment depuis la naissance de la RFA, ont recruté dans les milieux radicaux de droite un groupe terroriste, l'ont constitué, financé, équipé et même armé. Dans votre livre "Im Namen des Staates", vous évoquez une liste noire de politiciens de la gauche et de la sociale démocratie "qu'il conviendrait, le cas échéant, d'assassiner". Pourriez-vous être plus clair?

 

AvB: Ce type de "préparation", avec l'argent et les armes de la CIA, pouvait se repérer  partout en République Fédérale au début des années 50; tout cela se passait  au su de quelques rares fonctionnaires en poste auprès du cabinet du Chancelier, auprès du Ministère de l'Intérieur et à l'Office de Protection de la Constitution (Verfassungsschutz).

 

Q.: Donc le Verfassungsschutz était au courant…

 

AvB: Parfaitement, mais seulement le représentant du Président, qui venait du BND ("Bundesnarichtendienst" - Office d'Information Fédéral), qui, à l'époque, était encore occupé par d'anciens membres de la NSDAP. Dans les services secrets, il est souvent important que le principal responsable puisse à tout moment nier, avoir su ou deviné quelque chose. De cette façon, en cas de besoin, on peut envoyer ce représentant à la retraite prématurée. Ensuite, le pouvoir américain de l'époque se préparait à affronter militairement l'Union Soviétique, qui pouvait attaquer à tout moment, et entendait pouvoir compter, en cas de coup dur, sur des partenaires potentiels.

 

Q.: Il existait donc en Allemagne un système comparable au Gladio d'Italie, où la CIA, le "Secret Service" et l'OTAN ont mis sur pied en 1956 une troupe secrète et paramilitaire dénommée "Gladio", qui aurait eu pour mission, en cas de victoire électorale communiste, de faire un putsch d'extrême-droite?

 

AvB: Le réseau Gladio n'existait pas seulement en Italie, mais dans tous les pays de l'OTAN: en France, en Belgique, aux Pays-Bas, etc. Et même en Suède et en Suisse! La souveraineté de la RFA, comme celle de la plupart des Etats européens, était fort limitée durant le conflit Est-Ouest.

 

Q.: Vous affirmez par ailleurs qu'aujourd'hui encore le radicalisme de droite en Allemagne reçoit un soutien de l'étranger et, même, est créé de toutes pièces à partir de l'étranger. Qu'en est-il plus précisément?

 

AvB: Le milieu de l'extrême-droite américaine est largement infiltré par les services secrets de Washington. A partir de ce milieu d'extrême droite aux Etats-Unis, avec notamment les cercles des "suprématistes" blancs aryens (White Aryan Supremacists), du Ku Klux Klan, des groupes qui sèment la haine raciale et des petites partis nazis, les services de diversion tentent d'acquérir une influence sur le milieu de l'extrême droite allemande. Ainsi, par exemple, un "suprématiste aryen" se vantait, lors d'une émission de télévision aux Etats-Unis, d'avoir servi d'abord chez les Marines, puis dans une troupe spéciale mise à la disposition des services secrets, d'avoir entraîné, après la réunification allemande, des bandes de skinheads dans vingt villes allemandes afin qu'elles apprennent les techniques de la guerre de guérilla et qu'elles se préparent à des attentats contre les demandeurs d'asile et les étrangers. Mieux: sur ce chapitre, les services américains, qui sont pourtant profondément infiltrés dans ces milieux, refusent de coopérer avec les services allemands du Verfassungsschutz.

 

Q.: Vous donnez dans votre livre un exemple révélateur : les Allemands, dites-vous, sont provoqués afin qu'ils se comportent comme des "extrémistes de droite", et les protestations des Kurdes, au milieu des années 90, qui ont connu de sérieux dérapages, étaient en quelque sorte destinées à susciter des réactions violentes chez les Allemands…

 

AvB: Posons d'abord une question : quel pourrait bien être l'intérêt des dirigeants de la communauté kurde en Allemagne de bloquer totalement la principale autoroute allemande un vendredi? Les organisateurs de ce blocus savaient parfaitement que les Allemands allaient considérer cette action comme une entorse grave au droit d'asile qu'ils avaient accordé à ces Kurdes. Cette action, à terme, ne pouvait que nuire à la cause kurde. Les organisateurs de cette action, qui travaillent vraisemblablement à couvert, devaient avoir pour objectif de réduire à néant les sympathies que cultivent les Allemands à l'endroit de la cause kurde ou bien de provoquer une vague de xénophobie au sein de la population allemande.

 

Q.: Dans quel but?

 

AvB: Il s'agit principalement de donner une image totalement négative de l'Allemagne à l'étranger : l'Allemagne doit y apparaître comme un pays où les brutalités des skinheads sont monnaie courante, où l'on ne cesse de profaner des cimetières juifs ou des synagogues, où l'on fait la chasse aux étrangers pour les molester. L'image des Allemands doit être celle d'un peuple qui a la haine, aux capacités intellectuelles réduites, à la bêtise caricaturale, correspondant à l'image du nazi de tous les temps. On veut dépeindre notre pays comme dépourvu d'attraits. Y compris pour les têtes les mieux faites de la planète.

 

Q.: L'objectif est donc de tenir l'Allemagne en échec…

 

AvB: Le conseiller du Président Carter en matières de sécurité, le célèbre Zbigniew Brzezinski, écrit dans son livre "Le Grand Echiquier" que la puissance qui contrôle l'Eurasie (c'est-à-dire toute la masse continentale entre les Iles Britanniques et l'Archipel japonais), contrôle le monde, tout simplement parce qu'elle aurait alors accès aux ressources naturelles inépuisables. Les challengeurs des Etats-Unis, dans la course à la domination de l'Eurasie, sont seulement la Grande-Bretagne, le Japon, la France et l'Allemagne. Brzezinski écrit cependant que la Grande-Bretagne est un pays "fatigué" sur le plan géopolitique, qui n'est plus utile qu'à une seule chose, c'est-à-dire à épauler les Etats-Unis au titre de premier partenaire, notamment pour des opérations cachées. La France a des capacités intellectuelles, qui lui permettrait de poursuivre des objectifs géopolitiques à long terme, mais elle est trop faible économiquement. Quant à l'Allemagne, elle dispose d'une puissance économique réelle, mais elle ne peut pas faire valoir pleinement ses visées hégémoniques, parce qu'elle doit sans cesse tenir compte des implications de l'holocauste. Le tandem potentiel France-Allemagne serait rapidement tenu en échec par ses propres voisins. De cette démonstration de Brzezinski, on peut aisément conclure quelle est la politique à suivre que suggèrent, à l'endroit de l'Europe et surtout de l'Allemagne, les têtes pensantes (comme Brzezinski) de la politique étrangère américaine et de ses services secrets. Je ne suis pas un aficionado des petits jeux de monopoly à la sauce géopolitique, mais, force est de constater, tout de même, qu'ils existent bel et bien et qu'ils se présentent à nous, hostiles, sous la forme du jeu que jouent actuellement la politique extérieure américaine et les services secrets US - nous ne pouvons plus adopter la politique de l'autruche. Les Etats-Unis s'apprêtent, très concrètement, à mettre la main sur les ressources du monde, à commencer par l'Eurasie et cette région d'Asie centrale que Brzezinski a appelé les "Balkans eurasiens", à titre de compensation, pensent-ils, pour le rôle de "policier de la planète" qu'ils occupent; en prime, ils deviendront donc la seule et unique puissance mondiale. C'est ce que nous déclare en fait Brzezinski sans beaucoup de vergogne. A l'heure actuelle, l'objectif est principalement les ressources de pétrole et de gaz naturel qui se trouvent autour de la Caspienne, sur le territoire de l'ancienne URSS. Pour obtenir ces ressources de pétrole et de gaz, les Etats-Unis doivent évidemment tenir fermement sous leur contrôle les voies d'accès qui y mènent ou qui permettent de sortir le pétrole. Pour y parvenir, les Etats-Unis actualisent un vieux projet géopolitique britannique: transformer la masse continentale compacte de l'ancien empire colonial russe en Asie centrale en une mosaïque de petits Etats. Les Britanniques avaient tenté de le faire immédiatement après la révolution de 1917, mais ils avaient échoué. Aujourd'hui, les Etats-Unis prennent le relais en mobilisant toutes leurs forces.

 

Q.: Quel est dès lors le jugement que vous posez sur les hommes politiques allemands qui, par leurs comportements, font tout pour maintenir l'Allemagne dans cette situation d'étranglement qu'induit ce discours tissé de moralisme?

 

AvB: Nous avons une dette envers les Etats-Unis dans la mesure où ils nous ont débarrassé du national-socialisme, où ils ont permis le redressement économique et culturel de notre pays après la guerre et, enfin, où ils ont apporté leur soutien actif lors de la réunification en 1990. Cependant, il faut dire que la conscience historique des Allemands n'a pas encore été capable de comprendre une chose : que nous étions déjà un instrument de la politique anglo-saxonne avant 1945 et que nous le sommes restés jusqu'en 1990. Toutefois, il me semble aujourd'hui que l'Allemagne, de concert avec les autres peuples européens, doit emprunter une voie émancipatrice. C'est clair : les Etats-Unis ont des intérêts économiques et politiques qu'ils vont imposer au monde de manière impitoyable et féroce, même envers et contre le droit des gens. Dans cette démarche, ils veilleront évidemment à ce qu'aucun concurrent européen ne se mette en travers de leur chemin. Nous, Allemands, ne pouvons en aucune manière cesser de penser notre destin (géo)politique, sous prétexte que nous devons aussi être reconnaissants à l'égard des Etats-Unis.

 

Q.: Comment allez-vous rencontrer un véritable acteur géopolitique? Si l'on jette un regard réaliste sur la situation, il n'y a plus qu'une alternative : ou bien on fait soi-même de la géopolitique ou bien on fait la géopolitique d'un autre…

 

AvB: La première chose à faire, c'est de s'efforcer de voir clair dans le jeu. Le droit international est aujourd'hui une entrave aux objectifs géopolitiques d'une grande puissance, qui, jusqu'ici, a utilisé comme méthode l'incitation à la révolte ou au terrorisme, via des expédients camouflés, comme le financement par la drogue ou la livraison d'armes à des minorités en état d'insurrection. L'Europe tout entière doit s'opposer à cette façon d'agir. Impossible, face à cette stratégie globale des Etats-Unis, d'imaginer un rôle particulier et isolé de l'Allemagne. Expressis verbis, je rejette cette illusion! Berlin n'est plus aujourd'hui que la capitale d'une province qui traîne des casseroles et marine dans sa naïveté! Quand Londres et Paris joindront leurs efforts aux nôtres pour donner une réponse commune à la politique actuelle des Etats-Unis et pour la traduire en actes, alors nous aurons une chance de sortir du carcan idéologique actuel et de concrétiser une véritable géopolitique.

 

Q.: Je me permets une question critique : pensez-vous que, par votre appel "soft" à devenir une "grande puissance culturelle", vous allez pouvoir mettre en œuvre ce projet? A entendre l'analyse lucide et réaliste que vous nous faites ici, ne pourrait-on pas vous faire le reproche d'avoir peur, anticipativement, de la fournaise terrible qu'induiraient vos idées, si elles trouvaient un début de concrétisation, fournaise qui se ferait d'abord sentir sur le plan de la politique intérieure, avant de s'étendre à la politique extérieure?

 

AvB: Non, car mon objectif n'est pas d'affronter l'Amérique. Je rêve encore et toujours à une solution pacifique. En Amérique, nous pourrions sans crainte démarrer une discussion sur ces sujets, par exemple quant à savoir quelle est la mission de l'Amérique dans le monde; et cette mission a-t-elle été de détruire les mouvements démocratiques et libertaires dans le monde, de liquider leurs chefs charismatiques et de les remplacer par des régimes corrompus? Effectivement, cette politique liberticide a été mise en pratique parce qu'on s'imaginait à Washington —et on craignait—  que les chefs charismatiques du tiers monde allaient tôt ou tard choisir le camp de l'Union Soviétique. C'est par cette peur du danger communiste que l'on justifiait la lutte contre les mouvements de libération nationale et qu'on les décapitait sans hésiter, même avant qu'ils ne se soient installés au pouvoir.

 

Q.: Il y a une hypothèse plus plausible que l'émancipation européenne pour les prochaines décennies : dans cet avenir immédiat, il semble plus évident que nous serons, en Europe, impliqués encore plus profondément dans le système géopolitique des Etats-Unis, et donc dans les guerres qu'il va susciter. La Chine n'est-elle pas le challengeur le plus probable du 21ième siècle?

 

AvB: En 1952, les Américains ont envoyés des combattants au Tibet, afin d'y déclencher des insurrections. Les Chinois ont immédiatement riposté. La brutalité qu'ils déploient dans leur oppression du Tibet est une cause directe de cette immixtion indirecte des Etats-Unis. L'Afghanistan a, pendant longtemps, été une zone tampon entre les sphères d'influence britannique, russe et chinoise. Cette espèce de "no-man's-land" vient d'être occupé par les Etats-Unis. Pour quelle raison? Pas seulement parce que les talibans s'avéraient incapables de protéger les oléoducs d'Unocol qui doivent amener le pétrole aux rives de l'Océan Indien, mais, plus prosaïquement, pour se donner des bases militaires afin de contrôler l'espace asiatique. La Chine risque bien de s'organiser encore davantage et de devenir ainsi le grand challengeur. En Afghanistan, il ne s'agit pas seulement de combattre le terrorisme. Là-bas, le scénario est le même qu'en Arabie, où l'on a utilisé comme prétexte l'invasion irakienne du Koweit, ou que dans les Balkans, où l'on a argué qu'il fallait mettre fin aux guerres de Bosnie et du Kosovo. On prend aujourd'hui le prétexte de la guerre contre le terrorisme pour se tailler des points d'appui en Asie centrale. Les Etats-Unis ne se contenteront d'ailleurs pas de l'Asie centrale, mais installeront leurs soldats partout où cela s'avèrera nécessaire, selon leur optique; ils nous diront tout simplement que là où ils veulent s'installer, il y a quelques combattants d'Al-Qaeda, ou leurs financiers ou leurs hôtes.

 

Q.: Donc la lutte contre le fondamentalisme islamique des talibans et d'Al-Qaeda n'est qu'un pur prétexte pour atteindre enfin une hégémonie complète sur le monde…

 

AvB: Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 n'ont probablement pas été l'œuvre de musulmans.

 

Q.: De qui alors?

 

AvB: Je ne peux pas vous le dire. L'action intentée en justice a pour objectif de prouver l'identité des vrais coupables.

 

Q.: Comment donc en êtes-vous arrivé à cette conclusion?

 

AvB: Si je ne peux pas vérifier la véracité de la théorie sur base de faits, alors je dois recommencer l'enquête dès le début. Or, il y a un fait qui est désormais certain : des dix-neuf pilotes suicides théoriques, on a pu prouver que sept étaient encore en vie. En plus, dans la liste des passagers des quatre avions détournés, qui ont été publiées, nous ne trouvons pas un seul nom arabe. La présentation des faits, telle qu'elle nous est servie aux Etats-Unis et en Europe, est plus que probablement fausse, tout simplement. Ou, pour le dire mieux: elle a été falsifiée. De surcroît, la lutte planétaire contre le terrorisme est un prétexte en or pour mener des actions contre tous les pays qui entravent les projets géopolitiques de l'Amérique. Quelques figures importantes de l'administration de Washington parlent même de soixante Etats récalcitrants, qu'il s'agit désormais de mettre au pas. Ces Etats ont probablement été désignés à cause de leur position stratégique et des ressources que recèle leur sol.

 

Q.: Vous n'allez tout de même pas nous dire que la CIA se cache derrière ces attentats?

 

AvB: Immédiatement après la seconde guerre mondiale, les Britanniques et les Américains ont commencé à développer des procédés permettant de téléguider des avions au départ du sol. Ils sont ainsi parvenus à maîtriser par téléguidage le décollage et l'atterrissage d'aéronefs et, même, les vols en formation. Les professionnels, qui ont organisé l'attentat du 11 septembre 2001, ont probablement fait usage de ces techniques; à des fins de désinformation, ils ont ensuite diffusé des listes d'auteurs présumés pour faire croire à une piste islamiste. Je ne peux émettre aucun jugement sur les affirmations en ce sens que formule l'ingénieur aéronautique britannique qui a évoqué cette possibilité. Mais il y a une chose que je constate bel et bien, c'est que certains indices n'ont pas été retenus, n'ont pas été évoqués dans les médias. L'administration américaine a donc pu donner l'ordre de marche à ses soldats, en invoquant la conspiration de Ben Laden. Certains silences persistants confirment mon scepticisme.

 

Q.: Mais Ben Laden a déclaré clairement la guerre aux Etats-Unis. Ce fait ne permet-il pas de dire que la piste Ben Laden est effectivement la plus plausible?

 

AvB: On a souvent l'impression que les services secrets américains se détestent plus entre eux qu'ils ne haïssent l'ennemi de leur pays. En plus, on peut dire que le Mossad israélien a intérêt à démontrer à l'Occident qu'il est autant concerné qu'Israël par la menace islamiste. En tout cas, on peut dire des attentats du 11 septembre 2001 qu'ils ont été organisés par des professionnels de très haut niveau. L'organisation de telles actions ne peut donc pas avoir été mise au point au départ d'une grotte perdue dans les montagnes afghanes. Une telle hypothèse est à exclure. Pour ce qui concerne directement Ben Laden, je puis dire qu'il m'apparaît comme une pure fabrication des services américains. Sans les opérations couvertes de la CIA en Afghanistan afin d'en déloger les Soviétiques et de combattre leurs troupes, nous n'aurions pas vu arriver en Afghanistan 30.000 combattants islamiques, venus de tous les pays musulmans, pour servir de mercenaires, nous n'aurions pas vu naître l'association des anciens combattants islamistes d'Afghanistan (les "Afghanis"), qui s'appelle… Al-Qaeda. De même, les talibans n'auraient jamais été les maîtres à Kaboul. Ce sont les fonds fournis par les Américains et les Saoudiens, sans compter la tolérance de tous les services policiers et judiciaires à l'endroit du trafic des drogues aux Etats-Unis et en Europe, qui ont permis au fondamentalisme islamiste de prospérer dans le monde musulman. Conclusion: ce sont les services secrets occidentaux, y compris le Mossad, qui nous ont fabriqué le fondamentalisme islamiste.

 

(propos recueillis par Moritz Schwarz et publiés dans Junge Freiheit, n°7/2002 - http://www.jungefreiheit.de ). 

lundi, 30 juillet 2007

K. Haushofer : dynamiques latitudinales et longitudinales

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Les dynamiques latitudinales et longitudinales

Karl HAUSHOFER

Lorsque les grands-espaces de l'antiquité se sont formés, ils ont suivi une évolution de type latitudinal, favorisée par la position de la Méditerranée romanisée, par la ceinture désertique, par le tracé des massifs montagneux. Le positionnement des grands-espaces de l'Antiquité suivait dès lors un axe Est-Ouest, correspondant au parallélisme de la zone tempérée septentrionale, la zone subtropicale et la zone tropicale. Seuls les empires fluviaux les plus anciens, comme l'Empire égyptien le long du Nil, la Mésopotamie, la culture de l'Indus pré-aryenne constituent des exceptions. L'orientation de ces empires était contraire à celle de l'Empire romain, elle leur était imposée par le cours de leur artère vitale (le fleuve). Cette orientation a influencé tout le cours de leur histoire jusqu'au moment où ils ont été absorbés par le premier grand-espace latitudinal du Moyen-Orient, l'Empire achéménide des Iraniens.

A partir de ce moment, s'est déployée la dynamique latitudinale, avec les Phéniciens, les Hellènes, les Romains, les Arabes, les peuples de la steppe, les Francs, les Ibères. Les peuples ibériques en effet ont d'abord transposé leur puissance d'une méditerranée à une autre, de la Méditerranée romaine à celle des Caraïbes en Amérique. Ils ont ainsi poursuivi la logique latitudinale. Quand ils atteignent les rives du Pacifique, cette expansion latitudinale prend la forme d'un éventail. Entre 1511 et 1520, les Portugais par l'Ouest, les Espagnols par l'Est, atteignent le premier grand-espace qui tentait de se développer longitudinalement vers le Sud, en comptant sur ses propres forces; ce grand-espace était à cette époque le porte-étendard de l'Asie orientale, c'est-à-dire la Chine, puissance qui a souvent changé de forme extérieure tout en maintenant sa culture et son patrimoine racial. Avant l'arrivée des Ibériques et avant l'adoption de cette logique expansive longitudinale, la Chine aussi s'était étendue latitudinalement.

Le flux migratoire est-asiatique, chinois et japonais s'effectuait sur un axe Nord-Sud, au moment où l'expansion coloniale espagnole le traverse, constituant en même temps le premier empire latitudinal “sur lequel le Soleil ne se couche jamais”. L'Espagne n'a conservé son monopole que pendant 70 ans. Ensuite, sur ses traces, sont venus ceux qui voulaient lui confisquer sa puissance et la déshériter. Le plus puissant de ces nouveaux adversaires était l'Angleterre, qui se mit rapidement à construire son premier et son second empires, dont la configuration présentait de nombreuses torsions, mais demeurait néanmoins le résultat d'une expansion latitudinale, déterminée par la position de la Méditerranée, dont la maîtrise assurait la possession de l'Inde. Quant à l'empire des tsars blancs puis rouges, il suivait l'extension latitudinale de la zone des blés en direction de l'Est. Entre les deux empires se situait une zone-tampon. Dans les années 40 du XXième siècle, émergent presque simultanément deux constructions géopolitiques longitudinales, la construction panaméricaine et la construction grande-est-asiatique, qui échappent toutes deux à ce champ de forces latitudinal, impulsent des expansions le long d'axes Nord-Sud et encadrent les expansions impériales britanniques et russes.

Si l'on compare ce nouvel état de choses avec la conception dynamique d'avant-garde de Sir Halford Mackinder, qu'il avait appelée “the geographical pivot of history” et énoncée en 1904,  —elle correspondait parfaitement à la situation de cette époque—  la nouvelle orientation des expansions panaméricaine et est-asiatique constitue une formidable modification du champ de forces sur la surface de la Terre; dans ce contexte nouveau, les tentatives de réaliser l'idée d'Eurafrique ou les efforts de l'Union Soviétique d'abandonner sa dynamique latitudinale pour orienter son expansion vers le Sud et les mers chaudes et pour se constituer un glacis indien, ne déploient pas une énergie cinétique aussi puissante.

Ce constat est d'autant plus préoccupant que, dans la vaste aire est-asiatique, on peut constater une pulsion interne conduisant à une sorte d'auto-limitation centripète, qui entend concentrer tous les efforts sur le grand-espace où vivent des peuples apparentés. Cette volonté centripète est déjà à l'œuvre et visible. Or la puissance impérialiste des Etats-Unis n'est pas centripète mais, après la concrétisation de la domination nord-américaine sur l'espace panaméricain, étend ses tentacules en direction de l'Afrique tropicale, de l'Iran, de l'Inde ainsi que de l'Australie. L'impérialisme américain part de sa base, c'est-à-dire d'un territoire formé au départ d'une expansion longitudinale, pour s'assurer la domination du monde, en enclenchant à son tour et à son profit une dynamique latitudinale. Cet impérialisme s'apprête déjà à contrer l'expansion de ses futurs ennemis en préparant une troisième guerre mondiale.

Donc, au départ de l'expansion longitudinale panaméricaine, l'impérialisme de Washington vise sans vergogne à devenir l'unique puissance impérialiste du globe, si l'on excepte toutefois le danger que représente la révolution mondiale soviétique. Face à cette révolution soviétique, la grande aire est-asiatique a dynamisé son propre espace culturel et amorcé le déploiement de sa propre puissance. Elle pense ainsi assurer son avenir en constituant une zone-tampon. Depuis une génération, les observateurs estiment que l'Europe, elle aussi, doit se donner une telle zone-tampon, comme nous l'avaient d'ailleurs déjà suggéré des hommes comme Ito, Goto, etc., pour faire pièce aux visées expansionistes du tsarisme.

La collision frontale entre dynamique longitudinale et dynamique latitudinale est très visible en Afrique, dans l'espace islamique et dans la zone où l'empire britannique semble se disloquer. Nous constatons donc l'existence de deux minces lignes de trafic aérien et maritime, s'élançant très loin vers le Sud, et au bout desquelles semble être accrochée l'Australie, continent vide, situé entre les territoires compacts où vivent les populations anglophones et sur la principale voie d'expansion de la grande aire est-asiatique vers le Sud. Mackinder avait parlé d'un “croissant extérieur” qui courait le danger d'être abandonné à la mer: dans cette partie de la Terre, cette prévision est presque devenue réalité. C'est aussi la raison pour laquelle l'Europe en ce moment ne semble plus solidement reliée à l'Afrique. La poussée latérale contre les maîtres des latitudes a glissé vers le Sud-Est.

Il reste aujourd'hui aux Soviétiques, maîtres de ce que Mackinder appelait jadis le “pivot of history”, et à l'Axe, c'est-à-dire aux puissances du “croissant intérieur”, plus qu'à enregistrer le fait. Certes, les combats sanglants qui se déroulent aujourd'hui sur le théâtre pontique [de la Mer Noire] et caspien sont importants pour le destin de la culture européenne, comme tous les combats qui se sont déroulés dans cette zone au cours de l'histoire, toutefois, pour le nouveau partage de la Terre en rassemblements grands-spatiaux, partage qui s'impose, ce théâtre de guerre est devenu secondaire.

L'évolution géopolitique décisive de l'avenir est la suivante: l'expansion latitudinale anglo-américaine dirigée contre l'expansion longitudinale asiatique se maintiendra-t-elle ou sera-t-elle bloquée? Que cette lutte ait une fin positive ou négative, les Etats-Unis croient qu'ils se sont assurés suffisamment de gages territoriaux dans l'ancien empire britannique, pour rentrer dans leurs comptes. Dans les faits, cela signifie qu'ils veulent conserver l'Amérique tropicale et, en sus, l'Afrique tropicale. S'ils estiment que l'Insulinde, troisième grande région tropicale fournissant des matières premières, que l'Iran déjà fortement grignoté, que l'Inde, valent la peine de sacrifier énormément de sang et d'investir de colossales sommes d'argent, ils s'en empareront en concentrant autant de forces qu'ils n'en concentrent pour chasser les puissances de la grande aire est-asiatique hors de leurs possessions bien fortifiées. Pour ceux qui donnent leur sang ou leur argent à la cause des Alliés, afin que ceux-ci soient les bénéficiaires du grand héritage, telle est la question la plus patente à poser dans cette lutte planétaire.

C'est pour être les héritiers de ce grand héritage, et non pour des principes, que les Etats-Unis montrent à l'Europe leurs dents de gangsters; dans la grande aire est-asiatique, ils ne font entendre que le roulement de tambour que sont les déclamations de McArthur que l'on pousse à rater dans le Pacifique sa chance de devenir un jour Président, comme jadis Cripps en Inde. Entre la Chine de Nanking et la Chine de Tchoung-King, les compromis les plus fous, les plus surprenants, sont possibles comme auparavant. Le vaste environnement qu'interpelle l'expansion longitudinale de la grande aire est-asiatique est encore plein d'énergies latentes. Sur le plan cinétique, on n'a vu ces énergies à l'œuvre que du côté de la main gauche du Japon, surtout en Chine, mais on n'a encore rien vu du côté de la main droite. Là, on s'attend à une guerre qui durera de dix à quinze ans. La Chine a tenu le coup pendant 32 ans de guerres civiles, le Japon a derrière lui douze ans de guerre sur le continent. Et il a prouvé qu'il était véritablement capable de frapper dur et fort en direction du Pacifique. Il faudra avoir du souffle, être capable d'affronter le long terme, de saisir les dynamiques de vastes espaces, pour comprendre la lutte qui oppose la dynamique latitudinale à la dynamique longitudinale, qui toutes deux se déploient de part et d'autre du Pacifique.

Karl HAUSHOFER.

(Zeitschrift für Geopolitik, Nr. 8, 1943; trad. franç.: Robert Steuckers).

 

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dimanche, 29 juillet 2007

De l'Europe à l'Eurasie militaire

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De l'Europe à l'Eurasie militaire

par Robert STEUCKERS

A la demande de Reinhard Staveaux, prématurément décédé voici quelques années, et de Karim Van Overmeire (député de Flandre orientale), j'ai prononcé l'allocution suivante dans un débat contradictoire en février 1994, lors de la “Fête” du parti flamand. Mon honorable con­tradicteur, lors de cette table ronde, était l'écrivain flamand Mark Joris, qui a sur­tout mis l'accent sur le “danger islamique” et a rapellé les doctrines militaires suc­cessives de l'Alliance atlantique. J'ai ajouté au texte initial quelques éléments nou­veaux, dictés par l'actualité.

Depuis l'effondrement de l'URSS, la situation militaire de l'Europe est devenue extrêmement compliquée. La disparition de l'«ennemi» crée un flou artistique, si bien que le commun des citoyens n'y voit plus clair.

D'une part, nous avons les institutions européennes (la CEE, l'AELE/EFTA  —ou ce qu'il en reste—  le Groupe de Visegrad avec la Pologne, la Hongrie et la République tchèque), qui n'ont aucune compétence militaire; ensuite, nous avons le vaste en­semble que constitue la CSCE, qui regroupe certes tous les pays européens et toutes les républiques de l'ex-URSS mais aussi le Canada et les Etats-Unis, qui appartiennent à un autre hémisphère, au nouveau monde, selon la planisphère établie jadis par Mercator. Cette projection ne nous permet pas d'apercevoir l'importance cruciale de la zone arctique, où Canadiens, Américains et Russes sont mitoyens, ce qui pourrait nous amener, un jour, à parler d'un hémisphère nord, plutôt que d'une juxtaposition d'un «vieux» et d'un «nouveau» monde, d'un hémisphère occidental américain et d'un hémisphère oriental eura­sien.

Enfin, nous avons l'UEO, qui a en théorie des compétences militaires, mais où le poids de la France et de la Grande-Bretagne est très nettement marqué, au détriment peut-être des autres puissances européennes. Dans cet imbroglio institutionnel, force est de constater que l'OTAN est la seule structure qui a fonctionné au cours des décennies qui viennent de s'écouler. Mais, sans rideau de fer, cette institution militaire (et civile, on l'oublie trop souvent) doit se donner des objectifs nouveaux, pour ne pas demeurer en porte-à-faux par rapport à la nouvelle donne stratégique.

Nos souhaits se portent vers une rédéfinition globale de la CSCE et de l'UEO: les territoires européens et ex-soviétiques de la CSCE devraient représenter le nouvel espace stratégique, le nouveau sanctuaire, où aucune puissance extérieure ne devrait intervenir. L'intérêt de l'UEO dans cette optique, c'est qu'elle est exclusivement européenne, n'implique ni les Etats-Unis ni une autre puissance de l'«hémisphère occidental», et qu'elle s'est donné un instrument militaire, l'Eurocorps, qui considère l'Allemagne comme un partenaire à part entière. Cependant l'Eurocorps ne peut nullement demeurer l'affaire du tandem franco-allemand: l'adjonction récente de troupes espagnoles et belges lui confère une dimension plus européenne; les manœuvres germano-polono-tchèques préparent, avec des unités allemandes qui ne sont ni inféodées à l'OTAN ni à l'Eurocorps, un élargissement centre-européen de la défense du continent sans ingérence américaine. Effectivement, il nous semble bon de prévoir l'inclusion de troupes est-européennes dans une structure militaire hors OTAN, où il n'y a pas de pré­sence américaine. Ce processus pourrait s'amorcer dès que les pays de l'ex-COMECON trouveront la stabilité.

En effet, l'Eurocorps ou tout embryon d'armée européenne, ne peut être réservé aux seules puissances de l'Ouest, aux pays fondateurs de la CEE. Militairement et stratégiquement, nous concevons l'Europe comme un bloc indivisible, dont l'Ouest n'est qu'une partie, une frange atlantique.

Certes, la marche vers cet idéal d'unité sera longue. Les événements dans l'ex-Yougoslavie ont prouvé l'incapacité des Européens à agir de leur propre chef, sur leur propre territoire. Dans le conflit sud-slave, diplomates et militaires européens devraient s'abstenir de toute phobie: ni croatophobie, ni serbophobie, ni islamophobie en Bosnie (à ce propos, je rappelle que hier le délégué croate, qui est aussi le Président de l'association Flandre-Croatie, a réfuté l'islamophobie anti-bosniaque). L'attitude froide et mesurée que devraient prendre les décideurs européens, extérieurs à ce conflit, doit conduire à réfléchir sur la notion de “frontière juste et claire”. Tous les peuples de l'ancienne fédération yougoslave doivent avoir accès à l'Adriatique (les Serbes l'ont via le Montenegro dans la nouvelle fédération yougoslave; les Bosniaques doivent l'obtenir en Dalmatie mé­ridionale); de même, à l'intérieur des terres, les peuples doivent avoir accès aux grandes rivières (Save, Danube) pour autant que le cours de ces fleuves ait eu une importance à un moment de leur histoire. C'est sur ces réalités concrètes que doivent s'axer les négociations et non sur des découpages artificiels, tracés dans des états-majors étrangers, dans des cabinets, où règne la méconnaissance du terrain. Le découpage farfelu de Lord Owen a conduit à la tragédie bosniaque plus que la férocité des combattants!

En ex-Yougoslavie, une Europe adulte ne pourrait tolérer l'immixtion globale de l'ONU; sans doute, pourrait-elle tolérer que les intervenants supranationaux soient à la fois membres de l'ONU et de la CSCE (hémisphère oriental uniquement!), prépa­rant du même coup une «continentalisation» au sein de la structure planétaire, «continentalisation» qui impliquerait automati­quement des «interdictions d'intervention pour les puissances extérieures à un espace donné» (donc pas de casques bleus eu­ropéens en Amérique ou dans les Caraïbes ou en Extrême-Orient, de la même façon qu'au Rwanda, il ne devrait y avoir que des soldats onusiens issus d'Afrique noire). Il nous apparaît aberrant de voir des soldats pakistanais, kenyans ou nigérians monter la garde à Sarajevo, à Vukovar ou à Mostar.

Dernière remarque concernant la catastrophe sud-slave: l'idéologie de la paix absolue, l'irénisme idéologique, sont mauvais conseillers; la guerre en ce monde est trop souvent inévitable. L'objectif ne doit donc pas être de la supprimer  —ce qui serait impossible—  mais de la limiter dans certaines proportions. La présence de troupes onusiennes empêchent une solution mili­taire du conflit, où les protagonistes directement concernés mettraient, eux-mêmes, de leurs propres forces, un point final (provisoire) à la guerre. Le hasard des combats décide du destin, en bonne logique traditionnelle. L'ONU pérennise le conflit en voulant le supprimer.

Dans un concert européen, les nouveaux Etats doivent être des Etats fédéraux, prévoyant la protection des minorités, sur le modèle des cantons de l'Est en Belgique et des minorités danoises et sorabes en Allemagne. Ce respect des minorités im­plique un gouvernement tenant compte de toutes les formes de subsidiarité. Les voies de communication doivent être respec­tées au bénéfice de tous. Les coopérations interrégionales, dont Alpe-Adria est l'exemple le plus probant, sont une solution d'avenir, qui contribue à surmonter les divisions bétonnées par les Etats nationaux pour créer des fora européens adaptés à l'immense diversité de notre continent, mais dans le respect des identités locales, économiques et humaines.

Nous sommes donc en faveur d'un système de défense purement européen, capable d'intégrer les pays occidentaux de l'OTAN, les pays de l'ex-Pacte de Varsovie, les neutres et, peut-être dans un pilier autonome, les forces des nouveaux Etats issus de l'ex-URSS. Entre le pilier occidental et le pilier oriental, soit entre l'Europe de l'Atlantique au Boug et la Russie du Boug au Pacifique, un accord pourrait être signé pour maintenir la présence russe en Asie centrale et pour contenir toute avan­cée chinoise en direction de la Sibérie voire du Turkestan (Européens et Russes n'ont pas intérêt d'ailleurs à ce que la Chine mette la main définitivement sur le Sinkiang et sur le Tibet; de concert, nous devons réclamer la protection des minorités dans ces deux régions contrôlées par la Chine, à la suite de l'essouflement russe et européen consécutif à la seconde guerre mon­diale).

Quant à l'Eurocorps, nous souhaitons que son fonctionnement soit plurilingue comme celui de l'OTAN, quitte à trouver une koiné. Ensuite, nous souhaitons que la France mette fin à l'ambigüité qu'elle entretient: se placera-t-elle avec l'Eurocorps en dehors de la structure intégrée de l'OTAN ou retournera-t-elle avec l'Eurocorps dans la cette structure intégrée? Cette valse-hésitation ne permet pas de clarifier le problème.

Les Etats-Unis craignent de voir se constituer une Europe totalement indépendante du point de vue militaire; déjà, les velléités de construire un pôle européen autour de l'UEO, avant même qu'on ne parle d'Eurocorps, avaient suscité le désaccord de Washington. Mais à l'heure où les Etats-Unis veulent se donner un nouveau destin américain en formant l'ALENA (NAFTA), comment pourraient-ils contester aux Européens le droit de conjuguer leurs efforts au niveau de leur propre continent? Aux Etats-Unis, trois écoles s'affrontent: les isolationnistes, qui veulent se dégager des affaires européennes (ce que nous souhai­tons); les internationalistes qui se subdivisent en deux groupes: les unilatéralistes et les multilatéralistes. Avec les unilatéra­listes, pas de discussion possible. C'était l'option de Bush: le monde entier devait s'aligner derrière les positions américaines sans discuter. Dans cette optique, l'Eurocorps devrait être entièrement intégré dans l'OTAN, contrôlé par Washington. C'est la logique de la guerre froide, qui ne nous semble plus de mise. Les multilatéralistes veulent un partage des tâches et des res­ponsabilités: avec eux la discussion est possible, surtout si l'on tient compte du facteur arctique, que nous oublions trop sou­vent tant nous sommes accoutumés aux projections de Mercator.

Dans l'immédiat, la position minimaliste, la première petite pierre à poser dans les circonstances actuelles, reflets de notre misère politique, c'est d'exiger que l'Eurocorps, même s'il doit rester provisoirement dans l'OTAN, fasse respecter scrupu­leusement la souveraineté des Etats européens face à la centrale américaine. Du respect de cette souveraineté, on pourra ai­sément passer à l'élaboration d'un pilier européen plus étoffé que l'UEO, dans lequel l'Eurocorps serait le bras armé et où se­raient progressivement incluses les armées des neutres (Suède, Finlande, Autriche, Slovénie) et des pays du Groupe de Visegrad. Des manœuvres communes auraient lieu, à une étape ultérieure, avec les armées des pays de la CEI, Russes compris. Autre objectif: développer une logistique grande-continentale pour venir éventuellement en aide aux fronts centre-asiatique et extrême-oriental. Progressivement, la CSCE, pilier oriental, se doterait d'une armature militaire cohérente.

Robert STEUCKERS, février 1994.

 

vendredi, 27 juillet 2007

L'Eurasie comme destin

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Géopolitique européenne: l'Eurasie comme destin

 

à propos d'un livre de Pierre Béhar

 

par Lucien FAVRE

 

Depuis les bouleversements de 1989, l'Europe s'est retrouvée mais ne s'est pas réunie. Malgré les analyses et les essais de géostratégie, malgré les tentatives de «nouvelle donne européenne» et le retour de la géopolitique (retour du mot tout au moins), malgré les débats qu'aura suscité le Traité de Maastricht (des débats bien lointains), les projets BCBG ont été florissants et n'on fait que renforcer une logique: celle d'une Europe soumise au dogme de l'économie, anti-démocratique, soumise à la synarchie des euro-technocrates. Pourtant présentée comme la «nouvelle Jérusalem céleste», cette Europe ne sera jamais la nôtre.

 

Un ouvrage signé Pierre BEHAR (1) nous ramène à l'essentiel en nous proposant une «géopolitique pour l'Europe». Une Europe qui en se réapproriant sa totale continentalité, de l'Atlantique au Pacifique, doit se construire sur la base d'un principe: l'équilibre des peuples et des nations.

 

Une encourageante initiative qui s'inscrit dans notre Combat, celui d'une Europe européenne et «grand-continentale», embryon d'un Empire eurasiatique.

 

L'Europe en effervescence: inquiétudes et espoirs.

 

Effondrement du Mur de Berlin (novembre 1989) et réunification allemande (décembre 1990), éclatement de l'Empire soviétique (décembre 1991), dissolution du Pacte de Varsovie (mars 1991), création de la «Communautés des Etats Indépendants», disparition de la Yougoslavie et guerre balkanique, projet d'union européenne, partition de la Tchécoslovaquie (juin 1992)... décidément, n'en déplaise à Mr. Fukuyama, l'Histoire continue (2).

 

Certes, cette effervescence n'augure pas obligatoirement d'une histoire conforme à nos aspirations. Mais nous connaissons le tragique de la vie, nous savons que l'Histoire n'est jamais écrite et que «le combat est père de toute chose» (Héraclite). Alors ni états d'âme ni béatitude...

 

Des inquiétudes...

 

L'écroulement de l'Imperium soviétique et sa spectaculaire et lamentable disparition auront laissé plus d'un analyste désemparé. Au-delà du fécond réveil des peuples qui autoriserait l'optimisme, certains n'y voient «qu'une étape supplémentaire vers l'accomplissement du matérialisme total et de la dépossession des hommes et des peuples par le système du productivisme planétaire et de la logique du capital» (3). Là comme ailleurs le cauchemar pourrait s'installer.

 

De même, passée l'euphorie de la réunification allemande, immédiatement se sont installés fantasme et scepticisme: crainte en particulier de la voir se construire son propre destin et de se tourner vers l'Est ou vers la Mitteleuropa.

 

Au sud, la guerre balkanique entretient une plaie ouverte et démontre toute la perversité du nationalisme, l'obsolescence de l'Etat-nation et l'absence du mythe fédérateur européen.

 

Ailleurs, l'Europe occidentale et communautaire, embryon, nous dit-on, d'une Europe politique, ayant choisi l'économie comme destin, s'enferme dans le juridisme au travers d'un Traite de Maastricht (février 1992) qui accentue le choix originel du Traité de Rome. Cette nouvelle étape sur le long chemin communautaire aura confirmé le décalage flagrant, l'incompréhension entre les élites politiques et les “citoyens européens”. Cette Europe n'est pensée et conçue que comme instrument pour mieux engager la compétition avec les Etats-Unis et le Japon. N'y parle-t-on pas que “modernisation” et “robotisation” et nos politiciens ne la présentent-ils pas comme une planche de salut pour ses 53 millions de pauvres. Ce que l'on peut d'ores et déjà affirmer, c'est qu'elle comblera les financiers et que “le seul gouvernement qui se profile à l'horizon 2000 risque fort d'être celui des gouverneurs de la banque centrale”. L'homogénéisation marchande et l'intégration à l'économie mondiale s'installent.

 

Des espoirs...

 

Tout ce bouillonnement aura eu cependant un mérite: précipiter la fin de l'immobilisme géopolitique en Europe et réveiller les stratèges que 45 années de “protectorat américain” avaient plongé dans un coma frisant la mort clinique. Sont réapparus la géographie européennes, ses peuples et ses ethnies, la réflexion géopolitique et géostratégique.

 

Certes, là où se prennent les décisions, dans les sphères où évoluent nos “décideurs”, la statu quo et la frilosité continuent à régner. L'acceptation du “leadership” américain s'installe et l'originalité n'est pas de mise.

 

C'est “Ailleurs” que s'imaginent les véritables projets, ceux qui sont porteurs de destin. L'ouvrage de Pierre Béhar s'inscrit dans cet “Ailleurs” où prend forme et se réalise notre projet grand-européen, cette Europe à vocation confédérale dont bon nombre de nos contemporains ne perçoivent pas l'unité territoriale et a fortiori culturelle.

 

Il contribue également à une mise en forme de ce “grand espace” (Großraum) eurasiatique que Karl Haushofer (4) présentait comme l'une des conditions géopolitiques indispensables à toute politique de puissance. Dégageant les caractéristiques géographiques et humaines de notre continent, Pierre Béhar propose une politique d'équilibre interne et intègre l'Eurasie comme composante d'une Europe désireuse de se forger un destin à l'échelle du monde.

 

L'Europe, un ensemble mouvant

 

Si, pour les Européens conséquents que nous sommes, l'Europe a toujours existé, un mythe ne mourant jamais, si sa totale dimension eurasiatique ne nous a jamais échappé, cette perspective n'est pas partagée par les futurs “citoyens européens”. La ploutocratie mondiale ayant quant à elle allègrement franchi le pas.

 

Cela tient au fait que, comme le soulignait le Général Jordis von Lohausen (5), “l'Europe n'est pas un simple continent au même titre que l'Afrique, l'Australie, l'Antarctique. Elle est l'œuvre des Européens et non un don de la nature, l'Europe n'est ni au-delà ni en-deçà de l'Oural, mais jusqu'au point où elle se défend».

 

En effet, si ses frontières occidentales ont été naturellement perçues et définies, sur le front oriental, elles ont toujours été conventionnelles et incertaines. L'Oural ne signifiant géopolitiquement rien, c'est souvent sur la ligne de front, au point d'arrêt de l'“envahisseur” que l'Europe se définissait.

 

En cette fin de XXième siècle, l'Europe a retrouvé son unité géographique. Des divisions subsistent (économiques, religieuses,...) mais elles doivent s'effacer si l'Europe se veut, de l'Atlantique au Pacifique, autre chose que le “cap de l'Asie”.

 

Retrouver notre continentalité

 

L'Europe, écrit Pierre Béhar, se présentant comme le “promontoire de l'Asie”, point d'aboutissement de toutes les migrations venant de l'Est, laisse apparaître plusieurs ensembles géographiques très contrastés d'où se dégagent des “permanences géopolitiques”.

 

- Le relief, trois ensembles:

* “La grande plaine du Nord”, sans relief, sans frontières naturelles, les peuples qui l'habitent éternellement s'y entrechoquent et s'y mêlent. Germains, Baltes, Polonais, y trouveront maintes sources de conflits.

* Au sud, un ensemble montagneux, Alpes, Carpathes et Balkans. Ces derniers, “tourmentés et escarpés” nous éclairent sur les difficultés encore actuelles que peuvent y avoir les populations à y constituer des zones d'habitat stables.

* Ailleurs, l'Europe n'est que presqu'îles ou îles lointaines. Autant de presqu'îles (hellénique, italique, ibérique, Asie Mineure, danoise, norvégienne,...) qui constituent des liens avec le monde arabe (nouvel ennemi d'un Occident en mal de croisade), l'Afrique (que certains voudraient rejeter dans la barbarie), l'Asie et le Grand Nord.

 

- Les deux aires humaines:

A ce constat dans le relief correspondent des “aires humaines” tout autant contrastées. A l'Ouest, une zone de stabilité, à l'Est, une instabilité chronique dont la résolution de l'équilibre “reste la tache à laquelle l'Europe est actuellement confrontée”.

 

- L'Asie jusqu'où?

 

Mais l'Europe géopolitique, c'est aussi cet “au-delà”, cette Asie sans laquelle aucun destin ne sera possible. Une nécessité apparaît: “rétablir des relations qui reflètent les liens géographiques qui les unissent”. D'où une question de l'auteur: “Jusqu'où vers l'Est, l'Europe doit-elle étendre des relations géopolitiques privilégiées?”. La réponse est pour nous sans équivoque.

 

- La mer:

Enfin, l'Europe, c'est aussi un rapport à la mer constant, d'où une maîtrise nécessaire des mers pour un continent qui a toujours souffert du manque de matières premières. Mais aussi nécessité stratégique parce que la mer est devenue “un élément essentiel du théâtre des opérations terrestres”. Et Pierre Béhar d'affirmer: “L'Europe sera une thalassocratie ou ne sera pas”, au même titre qu'elle ne pourra éviter un investissement dans une politique spatiale d'envergure.

 

Autant de “permanences géopolitiques” que nous somme gré à l'auteur de nous rappeler tant aujourd'hui elles sont ignorées. Mais ces permanences ont un objectif, amener les Européens à s'engager dans deux directions pour penser une géopolitique européenne:

- rétablir l'équilibre interne de l'Europe;

- penser l'Eurasie.

 

Rétablir l'équilibre interne du continent

 

Cette notion d'équilibre rejette “l'Europe hémiplégique” et réductionniste qu'est la Communauté Economique Européennes (CEE). Une Europe économique dont on nous fait croire qu'en sortira une Europe politique. Rien de plus faux, car inévitablement “elle se fondra sur le principe d'une intégration totale” et renforcera les frustrations nationales.

 

C'est donc vers une Europe confédérée et affirmant le primat du politique qu'il faut se tourner. Abandonner le “présupposé arbitraire du primat de l'économique devenu credo de la réflexion occidentale”.

 

Si la confédération apparaît comme le système le mieux adapté, elle demande un dépassement de l'“idéologie nationaliste” qui a “suicidé” l'Europe et un retour au principe d'équilibre qui a toujours guidé l'ancienne diplomatie dont Bismarck fut un remarquable exemple. Une tradition à mettre en œuvre dans une zone, celle du centre-Europe, mais aussi à l'échelle du continent.

 

Au centre: l'Allemagne et la Mitteleuropa

 

L'Allemagne n'est pas le problème et le “déséquilibre européen ne vient pas de sa réunification (...) mais de la destruction (...) de l'ensemble politique austro-magyaro-slave qui la contrebalançait”. Certes en 1994, l'Allemagne n'a plus de “revendications territoriales” mais comme à toute puissance économique correspond une puissance politique, on peut légitimement craindre une “hégémonie allemande” sur la Mitteleuropa, le choix de Berlin comme nouvelle capitale ne pouvant que renforcer ce mouvement. Si hier l'Empire d'Autriche-Hongrie garantissait cet équilibre, aujourd'hui, il n'en est rien.

 

Il faut donc contrebalancer ce déséquilibre et concevoir des nouveaux ensembles, tels qu'une Fédération de l'Europe Centrale (Autriche, Hongrie, Tchécoslovaquie, Slovénie et Croatie), une Fédération balkanique (Serbie/Monténégro, Roumanie, Bulgarie, Albanie, Grèce et Turquie) et même concevoir une Fédération du Nord (Pays Baltes, Finlande, Scandinavie). Cela n'a rien d'artificiel. Penchons-nous sur les relations séculaires des peuples du Nord, souvenons-nous du pacte balkanique (1934), examinons l'espace commun (le Danube) dans lequel ils évoluent. Vienne doit redevenir capitale de l'Europe centrale et l'axe Vienne-Budapest doit renaître. Déjà des regroupements se mettent en place (Pentagonale, Hexagonale, Communauté des régions du Danube...).

 

Ce rééquilibrage au centre de l'Europe ne saurait se passer à l'Ouest du retour de la France à sa double vocation continentale et maritime.

 

A l'Ouest: le rôle de la France

 

“La France y étant le facteur principal de stabilisation”, Pierre Béhar nous rappelle qu'elle y constitue le “pendant de la Russie”, qu'elle est le lien entre l'Europe du Nord et du Sud, l'Europe continentale et atlantique. N'est-elle pas elle-même le croisement de l'Europe, son “point nodal”. Regrettant les erreurs et les errements de la diplomatie française qui a parié sur une “Realpolitik de la force et non de la liberté des peuples”, Béhar offre à la France de se “rattraper” à condition de mettre ses armes stratégiques et tactiques au service de la défense du continent, d'accroître ses programmes d'équipement naval (surtout de les accorder avec ses ambitions et d'abandonner le prestige pour l'efficacité) et de renforcer son programme spatial plutôt que “s'enfermer pour vingt ans dans la même inefficacité ruineuse”.

 

L'Eurasie

 

Si l'Atlantique est la dimension indispensable à notre continentalité, si l'Europe occidentale et l'Europe centrale s'inscrivent sans hésitation dans la définition de l'Europe, l'“Au-delà” reste encore un monde inconnu que l'on hésite à y intégrer. Pourtant, c'est vers lui qu'il faut tendre la main, “l'Europe n'aura de fondements économiques et stratégiques fermes (...) que si elle est assurée de son prolongement eurasiatique”. Deux mondes se côtoient au sein de cette dimension, un monde slave et un monde turc.

 

Le monde slave, lien indispensable avec l'Asie

 

Le monde slave oriental, flanc est de l'Europe, contrefort oriental d'une Europe qui n'a aucun intérêt géopolitique à la voir se désagréger, constitue le lien terrestre indispensable avec le monde asiatique. D'où une nécessité: maintenir la coopération entre la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine, maintien du “pivot du monde”, d'un “heartland” dont Mackinder (1861-1947) avait souligné la force. Si l'Europe veut compter sur les richesses sibériennes, elle doit rester à l'écoute de la Russie authentique et ne pas hésiter à engager le dialogue avec une “Russie touranienne” dans la perspective d'un “grand ensemble dynamique eurasien”.

 

Le monde turc: un pont de la Mer du Nord au Golfe Persique

 

Barrière psychologique, la “question turque” se pose aux Européens. Un effort intellectuel et historique doit être effectué. Il serait absurde de rejeter la Turquie hors du projet européen.

 

La Turquie souligne Pierre Béhar a et est toujours tentée par un “destin personnel”, celui du monde panturc. Dans une optique de non-alignement, ce destin est-il incompatible d'avec une Europe tournée vers l'Eurasie? Nous ne le croyons pas et, peut-être pour d'autres motifs que l'auteur, nous pensons en effet qu'historiquement, religieusement, philosophiquement, le monde turc est lié à l'Europe.

 

Rappelons pour le mythe, qu'Europe, fille d'Agénor, était originaire d'Asie, que Troie était construite sur les rivages maintenant turcs, qu'Alexandre porta son Empire par delà l'Anatolie jusqu'à l'Indus... L'Empire ottoman ne fut-il pas la continuité de l'Empire byzantin?

 

Mais la Turquie d'un point de vue géopolitique est surtout un pion essentiel pour une Europe, souligne Pierre Béhar, qui se veut présente dans les Balkans, dans le monde méditerranéen et dont la Turquie pourrait être une force de stabilisation au Proche-Orient. Enfin et surtout, nous soulignerons (ce que ne fait pas Béhar) que la Turquie, c'est aussi un “pont tendu” reliant l'Europe centrale et l'Europe du Nord au Golfe Persique. Son territoire est l'élément indispensable d'un “puzzle européen” retrouvant vie et cohésion sur une “diagonale” que les ennemis de l'Europe ont toujours combattue (entretien de la guerre balkanique, guerre du Golfe...).

 

En guise de conclusion:

 

L'Europe ou l'Eurasie, tel sera le destin de l'Europe Totale (P. Harmel) sans lequel il n'y aura pas d'Europe. Remercions Pierre Béhar de contribuer à la mise en forme du “grand espace européen autocentré” que nous appelons de nos vœux.

 

Contribution qui n'aura pas osé la dénonciation de l'«Alliance otanesque» qui voue à l'échec toute mise en œuvre de défense authentiquement européenne et la création de ce “nomos eurasien” dont Haushofer et Carl Schmitt souhaitaient la réalisation.

 

L'Europe n'a pas de frontières, nous l'écrivions au début de cet exposé, elles se situent au point jusqu'où elle choisira de se défendre. Sa frontière géopolitique pourrait alors consister, à partir d'une “Europe noyau”, bâtie sur l'idée de respect d'un équilibre entre ses peuples qui y auraient consenti un “vivre-en-commun”, d'étendre ce jus publicum europaeum  jusqu'aux limites d'un espace eurasien, voire africain, permettant une large autosuffisance et une sécurité repoussée à ses points extrêmes. Le nouvel ordre américano occidental serait alors frappé à mort. C'est notre plus ardent souhait.

 

Lucien FAVRE.

 

Notes:

 

 

(1) Pierre BEHAR, Une géopolitique pour l'Europe. Vers une nouvelle Eurasie?,  Ed. Desjonquères, Paris, 1992.

 

(2) Francis FUKUYAMA, La fin de l'Histoire et le dernier homme, Flammarion, Paris, 1992.

 

(3) Cf. Hérodote  n°64.

 

(4) Karl E. HAUSHOFER, De la géopolitique,  Fayard, 1986 (Préface et traduction du Prof. Jean KLEIN).

(5) Heinrich Jordis von LOHAUSEN, Les empires et la puissance,  Ed. du Labyrinthe, Paris, 1985.

 

 

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mercredi, 04 juillet 2007

D. Kalajic: valeur géopolitique de la Yougoslavie

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La valeur géopolitique de la Yougoslavie

Quel sens doit-on accorder à la déclaration publique et officielle (répétée depuis par Bill Clinton) du Président américain George Bush, justifiant la mobilisation totale des forces américaines sur l’échiquier balkanique : « La Serbie est le péril majeur pour la sécurité et les intérêts économiques et politiques des Etats-Unis » !

Quelle fin ultime poursuit-on en voulant diviser encore davantage le territoire de l’actuelle Yougoslavie, partition annoncée lors d’un entretien accordé par le Secrétaire d’Etat James Baker au New York Times le 18 avril 1992 ? Le Secrétaire d’Etat de cette époque considérait que la Serbie et le Monténégro devaient être réduits à un territoire plus petit que celui de la Serbie avant les guerres balkaniques (de 1912 et 1913). Pourquoi ? La géopolitique nous donne la réponse, car elle démontre l’énorme valeur du territoire yougoslave dans la stratégie anti-européenne des Etats-Unis et de leur petit cheval de Troie dans l’UE, la Grande-Bretagne. L’espace géopolitique en question recèle les voies de communication uniques, actuelles et virtuelles, terrestres et fluviales, qui relient directement l’Europe occidentale, centrale et septentrionale au Sud-est européen et, partant, au Moyen-Orient et à la Mer Caspienne. Tout contrôle hégémonique sur ce nœud de communications terrestres et fluviales, y compris les oléoducs qui restent à construire, donne à toute force déterminée à exercer pareille hégémonie, le pouvoir de conditionner ou de séparer toutes les parties du continent qui en sont riveraines et, bien sûr, avant toute chose, l’Europe. Déjà, au siècle passé, la géopolitique allemande avait mis en exergue la valeur stratégique de cette zone du Sud-Est européen. Les Allemands avaient projeté la construction d’un réseau ferroviaire devant relier Hambourg à Bagdad, la Mer du Nord au Golfe Persique, ce qui aurait constitué un axe de coprospérité pour tous les peuples vivant autour de cet axe. Bien sûr, ce projet visait essentiellement à contester l’hégémonie britannique au Moyen-Orient, reposant sur le monopole anglais sur le pétrole et les voies maritimes. Pour cette raison, la politique coloniale britannique a empêché son éclosion, y compris par des actions militaires.

Le commandant en chef de l’armée austro-hongroise, le Général Beck, dans un rapport rédigé en décembre 1895, souligne clairement l’importance géopolitique du Kosovo et de la Metohija, décrivant cette région comme la clef stratégique permettant le contrôle des Balkans. La puissance qui parvient à contrôler cette zone a automatiquement la possibilité de contrôler l’espace balkanique dans son ensemble, avec toutes ses voies de communication. Le Général Beck révélait là une preuve d’ordre historique : l’Empire ottoman n’a pas conquis les Balkans après la chute de Constantinople mais après sa victoire sur le Champ des Merles, c’est-à-dire au Kosovo. A Versailles, les artisans occidentaux qui ont fabriqué la Yougoslavie avaient les mêmes visées géopolitiques. Pour les alliés atlantistes, la Yougoslavie devait servir de barrière anti-allemande et anti-européenne. La résolution sur la Yougoslavie, émise par la loge du Grand Orient de Paris en mars 1917, salue cet Etat à venir comme « un môle de civilisation contre l’expansion de la culture pangermanique ». L’Allemagne actuelle, guidant de fait la Communauté européenne en se donnant le rôle de médiateur (se révélant toutefois partial et intéressé) entre les diverses républiques yougoslaves au moment de la crise séparatiste, a finalement réussi à détruire ce « môle », en favorisant, appuyant et légitimant les sécessions slovène et croate.

Puis, en 1992, les Etats-Unis sont entrés dans le jeu, avec la ferme intention de construire une alternative offensive (et non plus seulement défensive) au « môle » anti-allemand et anti-européen. Cette alternative au rôle qu’avaient dû jouer les première et seconde Yougoslavies s’appelle « la transversale islamique », chez les nouveaux géopolitologues serbes actuels, ou le « Troisième empire américain », dans le langage de leurs homologues de Washington.

Le « Troisième Empire américain »

La description la plus synthétique du « Troisième Empire américain » nous a été donnée par deux rédacteurs de l’école stratégique de Washington, Michael Lind et Jacob Haillbrun ; cette synthèse est parue dans les pages de l’International Herald Tribune du 4 janvier 1996, sous un titre qui résume en lui-même tout un programme géopolitique : « Le Troisième Empire américain avec les Balkans comme frontière ».

Selon les deux auteurs de cet essai, par « Premier Empire américain », il faut entendre l’ensemble des Amériques. Il a été suivi chronologiquement par le « Second Empire », conquis après la victoire de la seconde guerre mondiale : il comprend l’Europe occidentale et le Pacifique. Le dernier de ces empires, le Troisième, les Etats-Unis sont en train de le forger.

« Au lieu de considérer la Bosnie comme une frontière orientale de l’OTAN, il faut considérer les Balkans comme une frontière occidentale de l’expansion de la sphère d’influence américaine en direction du Moyen-Orient. Il faut également se rappeler, que jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, les Balkans étaient considérés comme une partie du Proche-Orient et non de l’Europe (sic ! !). Le fait que les Etats-Unis soient beaucoup plus proches de l’Etat constitué par les Musulmans bosniaques, que leurs alliés européens, reflète, entre autres choses, le rôle nouveau que doivent se donner les Etats-Unis : guider une coalition informelle des nations musulmanes du Golfe [du Golfe Persique, DK] aux Balkans. La zone qui jadis était sous la domination de l’Empire ottoman deviendra ainsi le cœur du Troisième Empire américain ». Donc le « Troisième Empire » américain ou la « Transversale islamique » est constitué d’une chaîne de pays musulmans ou à forte minorité musulmane, partant de la Turquie, traversant la Bulgarie, la Macédoine et l’Albanie, pour aboutir à la Bosnie-Herzégovine. Pour consolider l’intégrité territoriale de cette chaîne, il manquait l’anneau principal : le Kosovo-Metohija.

Le « Troisième Empire américain » hérite évidemment des vieilles fonctions statiques du « môle » dressé contre l’expansion allemande et européenne en direction du Moyen-Orient et contre l’avance des Russes en direction de la Méditerranée, mais, en plus, il acquiert de nouvelles fonctions dynamiques. L’intention première des stratèges de Washington est de ramener l’hégémonie turque dans les Balkans. Ils présentent dès lors cette hégémonie comme un « facteur incontournable de stabilité », mais ils souhaitent finalement ouvrir de force les portes de l’UE à la Turquie, qui deviendrait membre à part entière. Depuis de nombreuses années déjà, Washington insiste pour que l’UE ouvre ses portes à la Turquie, ce qui aurait pour résultat de déstabiliser et finalement de désintégrer le monde européen.

Pour comprendre les intentions turques et le potentiel explosif de la Turquie, il suffit de lire les textes de géopolitologues turcs, qui expriment sans détours leurs aspirations à reconquérir les Balkans et, dans la foulée, toute l’Europe, avec l’aide des Etats-Unis et de leur démographie galopante. Pour l’homme doté de bon sens, citons l’exemple du politologue turc influent, Nazmi Arifi, qui, dans les pages de la revue Preporod (organe officiel des Musulmans bosniaques), en date du 15 août 1991, décrivait très clairement, avec une joie carrément sadique, les conséquences d’une entrée de la Turquie dans l’UE : « L’Europe a conscience du potentiel turc. Elle est consciente de la masse démographique turque. L’Europe regarde la Turquie comme un pays dont la population potentielle est de 200 millions d’habitants [note de DK : Arifi compte les Turcophones d’Asie centrale auxquels le gouvernement d’Ankara offre directement la nationalité turque]. Il est donc logique que l’Europe ne s’opposera pas à la Turquie. En l’espace de dix années [note de DK : après l’entrée de la Turquie dans l’UE], la moitié de la population européenne sera musulmane pour les raisons suivantes : les peuples musulmans ont une natalité plus élevée, les migrations économiques en provenance du monde islamique s’installeront en Europe, la chute libre de la natalité des peuples européens de souche, les conversions à l’Islam… Ce sont là des faits que l’Europe, bon gré mal gré, devra accepter ».

Les opinions pareilles à celle que nous venons de citer sont amplement confirmées par les positions officielles et dans la rhétorique des hommes politiques turcs, depuis feu Türgüt Özal jusqu’à l’actuel Président Demirel. Tous ces hommes politiques ont promis aux Turcs et aux Turcophones que le « 21ième siècle sera turc » et que la Turquie s’étendra « de la Muraille de Chine à l’Adriatique ». Et quelques-uns ajoutent : « Aussi jusqu’à l’Atlantique ! ».

Le « Troisième Empire américain » ou la « Transversale islamique » offrira la plus grande voie terrestre imaginable aux migrations massives en provenance du monde islamique ou du Tiers-Monde vers l’Europe, ce qui modifiera de fond en comble son visage démographique et culturel. Sans le bouclier serbe, l’Europe aurait été depuis longtemps, depuis plusieurs siècles, islamisée. Aujourd’hui, cette Europe remercie la Serbie-bouclier en lui envoyant bombes et missiles. Du point de vue serbe, cette Europe, du moins cette Europe légale, fait montre d’une servilité inacceptable face aux Etats-Unis, occupants atlantistes, ou cultive un esprit masochiste et suicidaire.

De plus, l’occupation du territoire yougoslave vise à transformer celui-ci en une gigantesque base pour l’OTAN, qui servira, si besoin s’en faut, à attaquer la Russie, lors d’une future et probable entreprise guerrière. Il sera facile de mettre en scène un nouveau « casus belli », où il faudra répéter une « intervention humanitaire » : il se trouvera bien quelque part une nouvelle Tchétchénie ou une ethnie musulmane rebelle dans la Fédération de Russie pour servir de prétexte. On pourra aussi très facilement justifier une agression contre la Russie en prétextant que le potentiel nucléaire pourrait tomber entre les mains des revenchistes —qualifiés pour les besoins de la propagande de « fascistes » ou, pire, de « nationaux-communistes ». Le scénario a déjà été imaginé, notamment par Zbigniew Brzezinski, dans sa dernière esquisse de géopolitique anticipative, Le Grand Echiquier, où il évoque la possibilité de diviser la Russie en trois Etat « pour mieux la moderniser ». Il suffit de consulter quelques bons atlas géographiques pour se rendre compte que cette stratégie colonialiste rencontre les intérêts mondialistes et globalistes qui lorgnent vers les immenses richesses du pays.

L’occupation de la Yougoslavie, que ce soit sous une forme hard ou soft (avec l’instauration d’un gouvernement fantoche), vise à contrôler, dominer et monopoliser toutes les communications terrestres et fluviales entre l’Europe et le Moyen-Orient, entre l’Europe et la zone caucasienne ou la Mer Caspienne. De fait, la destruction des ponts sur le Danube, suite à des bombardements répétés, a déjà bloqué le trafic fluvial et interrompu l’acheminement des marchandises vers l’Europe en provenance de la région pontique (Mer Noire). L’occupation de la Yougoslavie vise aussi à fermer définitivement l’unique passage libre et virtuel vers la Méditerranée pour l’économie russe. La Russie n’a plus qu’à passer par le Bosphore, qui reste sous la souveraineté de la Turquie, fidèle vassal traditionnel des puissances anglo-saxonnes, par haine de la tradition et de l’Europe.

Si l’OTAN, avec la complicité servile et masochiste des gouvernements européens, parvient à détruire le bouclier serbe, la possibilité de sceller une grande alliance entre l’Europe occidentale et la Russie sera définitivement enterrée, alors que cette alliance à été le grand rêve de nos maîtres, de Nietzsche à Dostoïevski. Dans une perspective aussi lugubre, l’Europe ne sera plus qu’une province américaine marginale, puis deviendra l’un des désert du Tiers-Monde.

Il faut non seulement espérer mais agir et combattre pour faire en sorte que ce « rêve américain » ne devienne pas réalité.

Dragos KALAJIC.

mercredi, 27 juin 2007

Atlantis, Kash et Touran

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Robert STEUCKERS: 


Les matrices préhistoriques des civilisations antiques dans l'œuvre posthume de Spengler:

Atlantis, Kasch et Turan 
 
Généralement, les morphologies de cultures et de civilisations proposées par Spengler dans son ouvrage le plus célèbre, Le déclin de l'Occident, sont les seules à être connues. Pourtant, ses positions ont changé après l'édition de cette somme. Le germaniste italien Domenico Conte en fait état dans son ouvrage récent sur Spengler. En effet, une étude plus approfondie des textes posthumes édités par Anton Mirko Koktanek, notamment Frühzeit der Weltgeschichte, qui rassemble les fragments d'une œuvre projetée mais jamais achevée, L'épopée de l'Homme. 
 
Dans la phase de ses réflexions qui a immédiatement suivi la parution du Déclin de l'Occident, Spengler distinguait quatre stades dans l'histoire de l'humanité, qu'il désignait tout simplement par les quatre premières lettres de l'alphabet: a, b, c et d. Le stade “a” aurait ainsi duré une centaine de milliers d'années, aurait recouvert le paléolithique inférieur et accompagné les premières phases de l'hominisation. C'est au cours de ce stade qu'apparaît l'importance de la “main” pour l'homme. C'est, pour Spengler, l'âge du Granit. Le stade “b” aurait duré une dizaine de milliers d'années et se situerait au paléolithique inférieur, entre 20.000 et 7000/6000 avant notre ère. C'est au cours de cet âge que naît la notion de vie intérieure; apparaît “alors la véritable âme, inconnue des hommes du stade “a” tout comme elle est inconnue du nouveau-né”. C'est à partir de ce moment-là de son histoire que l'homme “est capable de produire des traces/souvenirs” et de comprendre le phénomène de la mort. Pour Spengler, c'est l'âge du Cristal. Les stades “a” et “b” sont anorganiques. 
 
Le stade “c” a une durée de 3500 années: il commence avec le néolithique, à partir du sixième millénaire et jusqu'au troisième. C'est le stade où la pensée commence à s'articuler sur le langage et où les réalisations techniques les plus complexes deviennent possibles. Naissent alors les “cultures” dont les structures sont de type “amibien”. Le stade “d” est celui de l'“histoire mondiale” au sens conventionnel du terme. C'est celui des “grandes civilisations”, dont chacune dure environ 1000 ans. Ces civilisations ont des structures de type “végétal”. Les stades “c” et “d” sont organiques. 
 
Spengler préférait cette classification psychologique-morphologique aux classifications imposées par les directeurs de musée qui subdivisaient les ères préhistoriques et historiques selon les matériaux utilisés pour la fabrication d'outils (pierre, bronze, fer). Spengler rejette aussi, à la suite de cette classification psychologique-morphologique, les visions trop évolutionnistes de l'histoire humaine: celles-ci, trop tributaires des idéaux faibles du XVIIIième siècle, induisaient l'idée “d'une transformation lente, flegmatique” du donné naturel, qui était peut-être évidente pour l'Anglais (du XVIIIième), mais incompatible avec la nature. L'évolution, pour Spengler, se fait à coup de catastrophes, d'irruptions soudaines, de mutations inattendues. «L'histoire du monde procède de catastrophes en catastrophes, sans se soucier de savoir si nous sommes en mesure de les comprendre. Aujourd'hui, avec H. de Vries, nous les appelons “mutations”. Il s'agit d'une transformation interne, qui affecte à l'improviste tous les exemplaires d'une espèce, sans “causes”, naturellement, comme pour toutes les choses dans la réalité. Tel est le rythme mystérieux du réel» (L'homme et la technique). Il n'y a donc pas d'évolution lente mais des transformations brusques, “épocales”. Natura facit saltus. 
 
trois cultures-amibes

Dans le stade “c”, où émergent véritablement les matrices de la civilisation humaine, Spengler distingue trois “cultures-amibes”: Atlantis, Kasch et Turan. Cette terminologie n'apparaît que dans ses écrits posthumes et dans ses lettres. Les matrices civilisationnelles sont “amibes”, et non “plantes”, parce que les amibes sont mobiles, ne sont pas ancrées dans une terre précise. L'amibe est un organisme qui émet continuellement ses pseudopodes dans sa périphérie, en changeant sans cesse de forme. Ensuite, l'amibe se subdivise justement à la façon des amibes, produisant de nouvelles individualités qui s'éloignent de l'amibe-mère. Cette analogie implique que l'on ne peut pas délimiter avec précision le territoire d'une civilisation du stade “c”, parce que ses émanations de mode amibien peuvent être fort dispersées dans l'espace, fort éloignées de l'amibe-mère. 
 
“Atlantis” est l'“Ouest” et s'étend de l'Irlande à l'Egypte; “Kasch” est le “Sud-Est”, une région comprise entre l'Inde et la Mer Rouge. “Turan” est le “Nord”, s'étendant de l'Europe centrale à la Chine. Spengler, explique Conte, a choisi cette terminologie rappelant d'“anciens noms mythologiques” afin de ne pas les confondre avec des espaces historiques ultérieurs, de type “végétal”, bien situés et circonscrits dans la géographie, alors qu'eux-mêmes sont dispersés et non localisables précisément. 
 
Spengler ne croit pas au mythe platonicien de l'Atlantide, en un continent englouti, mais constate qu'un ensemble de sédiments civilisationnels sont repérables à l'Ouest, de l'Irlande à l'Egypte. ‘Kasch” est un nom que l'on retrouve dans l'Ancien Testament pour désigner le territoire de l'antique Nubie, région habitée par les Kaschites. Mais Spengler place la culture-amibe “Kasch” plus à l'Est, dans une région s'articulant entre le Turkestan, la Perse et l'Inde, sans doute en s'inspirant de l'anthropologue Frobenius. Quant à “Turan”, c'est le “Nord”, le haut-plateau touranique, qu'il pensait être le berceau des langues indo-européennes et ouralo-altaïques. C'est de là que sont parties les migrations de peuples “nordiques” (il n'y a nulle connotation racialisante chez Spengler) qui ont déboulé sur l'Europe, l'Inde et la Chine. 
 
Atlantis: chaude et mobile; Kasch: tropicale et repue

Atlantis, Kasch et Turan sont des cultures porteuses de principes morphologiques, émergeant principalement dans les sphères de la religion et des arts. La religiosité d'Atlantis est “chaude et mobile”, centrée sur le culte des morts et sur la prééminence de la sphère ultra-tellurique. Les formes de sépultures, note Conte, témoignent du rapport intense avec le monde des morts: les tombes accusent toujours un fort relief, ou sont monumentales; les défunts sont embaumés et momifiés; on leur laisse ou apporte de la nourriture. Ce rapport obsessionnel avec la chaîne des ancêtres porte Spengler à théoriser la présence d'un principe “généalogique”. Les expressions artistiques d'Atlantis, ajoute Conte, sont centrées sur les constructions de pierre, gigantesques dans la mesure du possible, faites pour l'éternité, signes d'un sentiment de la vie qui n'est pas tourné vers un dépassement héroïque des limites, mais vers une sorte de “complaisance inerte”. 
 
Kasch développe une religion “tropicale” et “repue”. Le problème de la vie ultra-tellurique est appréhendé avec une angoisse nettement moindre que dans Atlantis, car, dans la culture-amibe de Kasch domine une mathématique du cosmos (dont Babylone sera l'expression la plus grandiose), où les choses sont d'avance “rigidement déterminées”. La vie d'après la mort suscite l'indifférence. Si Atlantis est une “culture des tombes”, en Kasch, les tombes n'ont aucune signification. On y vit et on y procrée mais on y oublie les morts. Le symbole central de Kasch est le temple, d'où les prêtres scrutent la mathématique céleste. Si en Atlantis domine le principe généalogique, si les dieux et les déesses d'Atlantis sont père, mère, fils, fille, en Kasch, les divinités sont des astres. Y domine un principe cosmologique. 
 
Turan: la civilisation des héros

Turan est la civilisation des héros, animée par une religiosité “froide”, axée sur le sens mystérieux de l'existence. La nature y est emplie de puissances impersonnelles. Pour la culture-amibe de Turan, la vie est un champ de bataille: “pour l'homme de ce Nord (Achille, Siegfried)”, écrit Spengler, “seule compte la vie avant la mort, la lutte contre le destin”. Le rapport hommes/divin n'est plus un rapport de dépendance: “la prostration cesse, la tête reste droite et haute; il y a “moi” (homme) et vous (les dieux)”. Les fils sont appelés à garder la mémoire de leurs pères mais ne laissent pas de nourriture à leurs cadavres. Pas d'embaumement ni de momification dans cette culture, mais incinération: les corps disparaissent, sont cachés dans des sépultures souterraines sans relief ou dispersés aux quatre vents. Seul demeure le sang du défunt, qui coule dans les veines de ses descendants. Turan est donc une culture sans architecture, où temples et sépultures n'ont pas d'importance et où seul compte un sens terrestre de l'existence. L'homme vit seul, confronté à lui-même, dans sa maison de bois ou de torchis ou dans sa tente de nomade. 
 
Le char de combat

Spengler porte toute sa sympathie à cette culture-amibe de Turan, dont les porteurs aiment la vie aventureuse, sont animés par une volonté implaccable, sont violents et dépourvus de sentimentalité vaine. Ils sont des “hommes de faits”. Les divers peuples de Turan ne sont pas liés par des liens de sang, ni par une langue commune. Spengler n'a cure des recherches archéologiques et linguistiques visant à retrouver la patrie originelle des Indo-Européens ou à reconstituer la langue-source de tous les idiomes indo-européens actuels: le lien qui unit les peuples de Turan est technique, c'est l'utilisation du char de combat. Dans une conférence prononcée à Munich le 6 février 1934, et intitulée Der Streitwagen und seine Bedeutung für den Gang der Weltgeschichte (= Le char de combat et sa signification pour le cours de l'histoire mondiale), Spengler explique que cette arme constitue la clef pour comprendre l'histoire du second millénaire avant J.C.. C'est, dit-il, la première arme complexe: il faut un char (à deux roues et non un chariot à quatre roues moins mobile), un animal domestiqué et attelé, une préparation minutieuse du guerrier qui frappera désormais ses ennemis de haut en bas. Avec le char naît un type d'homme nouveau. Le char de combat est une invention révolutionnaire sur le plan militaire, mais aussi le principe formateur d'une humanité nouvelle. Les guerriers deviennent professionnels, tant les techiques qu'ils sont appelés à manier sont complexes, et se rassemblent au sein d'une caste qui aime le risque et l'aventure; ils font de la guerre le sens de leur vie. 
 
L'arrivée de ces castes de “charistes” impétueux bouleversent l'ordre de cette très haute antiquité: en Grèce, ils bousculent les Achéiens, s'installent à Mycène; en Egypte, ce sont les Hyksos qui déferlent. Plus à l'Est, les Cassites se jettent sur Babylone. En Inde, les Aryens déboulent dans le sous-continent, “détruisent les cités” et s'installent sur les débris des civilisations dites de Mohenjo Daro et d'Harappa. En Chine, les Tchou arrivent au nord, montés sur leurs chars, comme leurs homologues grecs et hyksos. A partir de 1200, les principes guerriers règnent en Chine, en Inde et dans le monde antique de la Méditerranée. Les Hyksos et les Kassites détruisent les deux plus vieilles civilisations du Sud. Emergent alors trois nouvelles civilisations portées par les “charistes dominateurs”: la civilisation greco-romaine, la civilisation aryenne d'Inde et la civilisation chinoise issue des Tchou. Ces nouvelles civilisations, dont le principe est venu du Nord, de Turan, sont “plus viriles et énergiques que celles nées sur les rives du Nil et de l'Euphrate”. Mais les guerriers charistes succomberont aux séductions du Sud amollissant, déplore Spengler. 
 
Un substrat héroïque commun

Cette théorie, Spengler l'a élaborée en accord avec le sinologue Gustav Haloun: il y a eu quasi simultanéité entre les invasions de Grèce, des Hyksos, de l'Inde et de la Chine. Spengler et Haloun estiment donc qu'il y a un substrat commun, guerrier et chariste, aux civilisations méditerranéenne, indienne et chinoise. Ce substrat est “héroïque”, comme le prouve les armes de Turan. Elles sont différentes de celles d'Atlantis: ce sont, outre le char, l'épée ou la hache, impliquant des duels entre combattants, alors qu'en Atlantis, les armes sont l'arc et la flèche, que Spengler juge “viles” car elles permettent d'éviter la confrontation physique directe avec l'adversaire, “de le regarder droit dans les yeux”. Dans la mythologie grecque, estime Spengler, arc et flèches sont autant d'indices d'un passé et d'influences pré-helléniques: Apollon-archer est originaire d'Asie Mineure, Artemis est libyque, tout comme Héraklès, etc. Le javelot est également “atlante”, tandis que la lance de choc est “touranique”. Pour comprendre ces époques éloignées, l'étude des armes est plus instructive que celle des ustensiles de cuisine ou des bijoux, conclut Spengler. 
 
L'âme touranique dérive aussi d'un climat particulier et d'un paysage hostile: l'homme doit lutter sans cesse contre les éléments, devient ainsi plus dur, plus froid et plus hivernal. L'homme n'est pas seulement le produit d'une “chaîne généalogique”, il l'est tout autant d'un “paysage”. La rigueur climatique développe la “force de l'âme”. Les tropiques amolissent les caractères, les rapprochent d'une nature perçue comme plus maternante, favorisent les valeurs féminines. 
 
Les écrits tardifs de Spengler et sa correspondance indiquent donc que ses positions ont changé après la parution du Déclin de l'Occident, où il survalorisait la civilisation faustienne, au détriment notamment de la civilisation antique. La focalisation de sa pensée sur le “char de combat” donne une dimension nouvelle à sa vision de l'histoire: l'homme grec et l'homme romain, l'homme indien-aryen et l'homme chinois, retrouvent tous grâce à ses yeux. La momification des pharaons était considérée dans Le déclin de l'Occident, comme l'expression égyptienne d'une volonté de durée, qu'il opposait à l'oubli impliqué par l'incinération indienne. Plus tard, la momification “atlante” déchoit à ses yeux au rang d'une obsession de l'au-delà, signalant une incapacité à affronter la vie terrestre. L'incinération “touranique”, en revanche, indique alors une volonté de concentrer ses efforts sur la vie réelle. 
 
Un changement d'optique dicté par les circonstances?

La conception polycentrique, relativiste, non-eurocentrique et non-évolutionniste de l'histoire chez le Spengler du Déclin de l'Occident a fasciné des chercheurs et des anthropologues n'appartenant pas aux milieux de la droite allemande, notamment Alfred L. Kroeber ou Ruth F. Benedict. L'insistance sur le rôle historique majeur des castes de charistes de combat donne à l'œuvre tardive de Spengler une dimension plus guerrière, plus violente, plus mobile que ne recelait pas encore son Déclin. Doit-on attribuer ce changement de perspective à la situation de l'Allemagne vaincue, qui cherche à s'allier avec la jeune URSS (dans une perspective eurasienne-touranienne?), avec l'Inde en révolte contre la Grande-Bretagne (qu'il incluait auparavant dans la “civilisation faustienne”, à laquelle il donnera ensuite beaucoup moins d'importance), avec la Chine des “grands chefs de guerre”, parfois armés et encadrés par des officiers allemands? Spengler, par le biais de sa conférence, a-t-il cherché à donner une mythologie commune aux officiers ou aux révolutionnaires allemands, russes, chinois, mongols, indiens, afin de forger une prochaine fraternité d'arme, tout comme les “eurasistes” russes tentaient de donner à la nouvelle Russie soviétique une mythologie similaire, impliquant la réconciliation des Turco-Touraniens et des Slaves? La valorisation radicale du corps à corps “touranique” est-elle un écho au culte de l'“assaut” que l'on retrouvait dans le “nationalisme soldatique”, notamment celui des frères Jünger et de Schauwecker? 
 
Enfin, pourquoi n'a-t-il rien écrit sur les Scythes, peuples de guerriers intrépides, maîtres des techniques équestres, qui fascinaient les Russes et sans doute, parmi eux, les théoriciens de l'eurasisme? Dernière question: le peu d'insistance sur les facteurs raciaux dans ce Spengler tardif est-il dû à un sentiment rancunier à l'égard des cousins anglais qui avaient trahi la solidarité germanique et à une mythologie nouvelle, où les peuples cavaliers du continent, toutes ethnies confondues (Mongols, Turco-Touraniens, descendants des Scythes, Cosaques et uhlans germaniques), devaient conjuguer leurs efforts contre les civilisations corrompues de l'Ouest et du Sud et contre les thalassocraties anglo-saxonnes? Les parallèles évident entre la mise en exergue du “char de combat” et certaines thèses de L'homme et la technique, ne sont-ils pas une concession à l'idéologie futuriste ambiante, dans la mesure où elle donne une explication technique et non plus religieuse à la culture-amibe touranienne? Autant de thèmes que l'histoire des idées devra clarifier en profondeur... 
 
Robert STEUCKERS. 
 
Domenico CONTE, Catene di civiltà. Studi su Spengler, Edizioni Scientifiche Italiane, Napoli, 1994, 394 p., Lire 58.000, ISBN 88-7104-242-924-1.

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mardi, 29 mai 2007

Espana y Eurasia

Para ser global, España necesita pensar el mundo a través de Eurasia

Luis Martínez Montes, miembro de la carrera diplomática que actualmente ejerce de Consejero de la Misión Permanente de España en la OSCE, organización presidida este año 2007 por España, reflexionó sobre el papel de Eurasia, en una entrevista concedida a la Fundación CIDOB. Martínez Montes, que combina su labor como diplomático con la elaboración de ensayos en los que reflexiona sobre temas candentes de la realidad internacional, es autor de España, Eurasia y el nuevo teatro del mundo, un Documento CIDOB de reciente publicación desde el que propone elaborar un plan en el Ministerio de Asuntos Exteriores y de Cooperación para dar respuesta a una nueva realidad emergente: Eurasia.

Tu estudio España, Eurasia y el nuevo teatro del mundo gira en torno a la emergencia de Eurasia. ¿Es la emergencia de nuevos centros de atención mundial una de las claves internacionales hoy en día?

Existe una fascinación, teñida de cierta ansiedad, ante el ascenso de países como China y la India; o ante la reafirmación “energética” de Rusia y las ambiciones nucleares de Irán. Octavio Paz, un poeta visionario, decía que el signo de nuestro tiempo no es la “revolución”, sino la “revuelta”: un cambio que es regreso a los orígenes. La emergencia en nuestros días de esos nuevos centros de poder mundial constituye un retorno a una situación de las relaciones internacionales anterior a la era bipolar e incluso previa a la hegemonía de Occidente. Al mismo tiempo nos encontramos ante un fenómeno novedoso, puesto que las potencias emergentes tienen a su disposición recursos e instrumentos de poder desconocidos en el pasado y ahora proporcionados por las fuerzas convergentes de la geopolítica y de la globalización. Ese es, precisamente, el sentido último del concepto de “emergencia”: la aparición de propiedades nuevas en un sistema o conjunto de sistemas a partir de realidades preexistentes. Así se explica esa ambigua y desconcertante mezcla de familiaridad y extrañeza que sentimos al observar y analizar el mundo de hoy. Por una parte, contemplamos la irrupción del pasado en el presente, ya sea en la forma de renovadas identidades religiosas o nacionales o en la resurrección de civilizaciones en apariencia petrificadas y ahora camino de convertirse en polos alternativos de poder mundial. Por otra, ese mismo pasado redivivo es transformado al contacto con fuerzas y corrientes que ya prefiguran el futuro. Y ese futuro, guste o no a quienes hasta ahora en Occidente pretendían detentar el monopolio de la interpretación histórica, va a ser plural.

¿Qué significado tiene la emergencia de Eurasia? ¿Cómo están reaccionando las diferentes potencias europeas ante este fenómeno

La emergencia de Eurasia es el resultado de la convergencia de las dos grandes fuerzas que constituyen la fábrica de nuestro mundo. En lo geopolítico – los cambios en la distribución espacial del poder – es la resultante de la fragmentación y recomposición interna de los dos grandes bloques que dominaron el macrocontinente durante la Guerra Fría. En lo referente a la globalización, la apertura de mercados antes cerrados a los flujos de capital, energía e información están provocando importantes transformaciones y desplazamientos en la cartera de recursos de los diversos actores euroasiáticos. Al mismo tiempo, la crisis por la que atraviesa el proyecto supranacional de la Unión Europea está en el origen de la reaparición de proyectos de hegemonía entre las grandes potencias tradicionales como Gran Bretaña, Alemania y Francia. La diferencia con el pasado es que ahora tienen que contar en sus cálculos con las potencias (re)emergentes – Rusia, China, la India- y con los nuevos actores surgidos de la implosión soviética. Las repúblicas del Cáucaso y de Asia Central han descubierto la influencia que les otorga el ser países de origen y tránsito de recursos como el gas o el petróleo, amén de albergar importantes yacimientos de minerales estratégicos, y no están dispuestas a aceptar pasivamente ser las víctimas de un nuevo Gran Juego.

Acercándonos a la política exterior española, ¿cuál sería el propósito de establecer un Plan Eurasia? ¿Cómo podría entroncarse ese Plan con otros ya existentes y con el resto de la política exterior española?

Por razones históricas España ha seguido una política exterior centrada en tres “ejes”, Europa, Iberoamérica y el Mediterráneo / Oriente Medio. No discuto que éstas sean áreas prioritarias para nuestro país. Pero pensar y actuar como si se tratara de ámbitos autónomos desconectados del contexto global no es realista. Retornando al ejemplo de Eurasia, la reafirmación de las potencias tradicionales y el activismo de las emergentes en regiones cada vez más alejadas de su inmediata vecindad está alterando decisivamente los equilibrios en cada una de nuestras áreas privilegiadas de acción. Pensemos en los crecientes intereses de la India en empresas europeas; de Rusia en Argelia o de China en Marruecos, por no hablar de las inversiones de este último país en Iberoamérica o en el África Subsahariana. Hemos de ser conscientes de que para un país que ha alcanzado la magnitud de España ya no es sostenible concebir y ejecutar una política exterior propia de una “potencia regional media”. En el mundo de hoy sólo tendrán capacidad de acción y decisión autónomas los actores que piensen y actúen en términos globales y sean capaces de explorar y aprovechar las múltiples redes que conectan ámbitos geográficos y temáticos antes separados. La era de los compartimentos estancos y las áreas de influencia está dejando paso a la de los vasos comunicantes, de las redes. De ahí que, para tener una presencia global, España necesite pensar el mundo a través de Eurasia. Ya disponemos de una trayectoria definida, que conviene adaptar constantemente a las nuevas realidades, en ámbitos como la UE, Iberoamérica y el Mediterráneo. También nos hemos dotado recientemente de planes geográficos específicos como el Plan Asia o el Plan África. El principal valor añadido de un Plan Eurasia estribaría precisamente en poner de relieve el papel central del macrocontinente en la creciente interconexión entre realidades en apariencia distantes y dispares. Por ejemplo, quienes estén centrados en seguir los acontecimientos en Venezuela, en Marruecos o en Sudán tendrían así acceso en tiempo real acerca de cómo decisiones adoptadas en Pekín, Moscú, Astana o Bruselas afectan instantáneamente a sus respectivos ámbitos de interés. Por otra parte, un Plan Eurasia debería prestar una especial atención a Eurasia interior, es decir, a los actores y dinámicas que se entrecruzan en el espacio post-soviético, sobre todo en el Cáucaso y Asia Central. Se trata de zonas a las que hasta ahora no habíamos prestado toda la atención que se merecen, a diferencia de nuestros vecinos más activos,que sí disponen de una visión global. En suma un Plan Eurasia, sumado a los existentes e incardinado en una Estrategia de Política Exterior, habría de contribuir a ese salto de calidad que permitiría a España pasar de potencia (tri) regional a potencia media global con capacidades de gran potencia en ámbitos regionales seleccionados de acuerdo con nuestros intereses. Es un reto que como sociedad creo que nos podemos plantear de forma realista en el transcurso de esta generación. Nos va el futuro, y casi me atrevería a decir el presente, en ello.

Conscientes del interés de Luis Martínez Montes en alimentar los debates y las reflexiones en el ámbito de las relaciones internacionales, ¿en qué proyectos está trabajando actualmente?

El Documento ahora publicado por CIDOB forma parte de una empresa intelectual y vital más amplia. Siempre he intentado seguir el consejo que Khrisna da al arquero Arjuna en el Bhagavad Gita, uno de los libros sapienciales que debiera formar parte de un bagaje espiritual cosmopolita: el conocimiento es superior a la acción y ésta es superior a la inacción. Conocimiento y acción son uno y el mismo camino. Así, concibo la indagación intelectual sobre la naturaleza de Eurasia o sobre las variaciones de poder en otras áreas del mundo como parte de mi labor práctica como diplomático. Creo además, sinceramente, que la difusión del conocimiento y la incitación al debate en temas propios de las relaciones internacionales constituyen no sólo una responsabilidad ciudadana, sino un requisito indispensable para asentar una política exterior sobre bases sólidas. Una opinión pública ignorante es una opinión pública desorientada y susceptible de incurrir en oscilaciones extremas. A ello se suma el que, debido a razones conocidas, nuestro país carece todavía de una asentada tradición de reflexión orientada a la acción sobre enteras regiones del mundo. Mis futuros proyectos van un poco en esa línea. Por ejemplo, acabo de terminar otro ensayo para CIDOB sobre las implicaciones del ascenso de China sobre la hegemonía estadounidense. El siguiente paso sería completar una visión panorámica del nuevo teatro del mundo prestando atención a dinámicas particulares pero de alcance mundial. Centrándonos en Eurasia, me interesan las relaciones entre China y Japón; la función de Asia Central como encrucijada histórica y las relaciones triangulares entre Rusia, China y la UE. Soy consciente de que son proyectos amplios que sobrepasan mis capacidades y requieren de una contribución colectiva como la que pueden aportar fundaciones como CIDOB, Casa Asia, las universidades y las excelentes escuelas de negocios con que cuenta nuestro país.


Article printed from Altermedia Spain: http://es.altermedia.info

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04:50 Publié dans Affaires européennes, Eurasisme, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 19 mai 2007

Affrontement sino-nippon

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Chine-Japon: l'affontement

Trouvé sur : http://www.radio86.fr/decouvrir-et-apprendre/chine-hebdo/...

Alors que pourtant l'interdépendance économique s'accroît entre les deux géants asiatiques, leurs relations n'ont cessé de se détériorer depuis 2004. Dans “Chine-Japon, l'affrontement” paru aux éditions Perrin, Valérie Niquet passe au peigne fin les relations entre les deux pays, aborde les sujets de tensions. Des tensions qui ont en réalité très peu avoir avec l'histoire mais tout, au contraire, avec le présent et même l'avenir.

Valérie Niquet est professeur au Collège interarmées de défense (CID- École militaire) où elle assure le cours de géopolitique de la Chine. Elle est japanologue, sinologue et dirige le centre ASie de l’IFRI.

Outre de nombreux articles sur des enjeux d’actualité, elle a traduit deux oeuvres majeures de la stratégie chinoise: “L’Art de la guerre”, de Sun Zi et le “Traité militaire”, de Sun Bin

Chine-Japon: des relations diplomatiques au plus bas
Depuis 2004, de nombreux évènements en Chine ont reflété le sentiment anti-nippon de plus en plus présent dans la société chinoise mais également entretenu par les autorités. Face à cette impopularité croissante, le Japon a brandi l'arme économique et a affirmé vouloir supprimer les programmes de développement accordés à la Chine à l'horizon 2008. Reflet de cette « hystérisation » des relations, aucune rencontre officielle n'a eu lieu depuis la visite de Junichiro Koizumi en 2001.

Le poids du passé
Officiellement, les griefs de Pékin envers Tokyo sont de nature essentiellement historiques. La question de la « révision des manuels » visant à présenter la guerre en Asie comme une guerre de libération contre les anciennes puissances coloniales et dans laquelle le massacre de Nankin est fortement édulcoré à provoqué de vives manifestations en Chine en avril 2005.L'autre sujet de contentieux, le plus connu, est l'affaire du sanctuaire Yasukuni, où reposent 14 criminels de guerre de classe A.
Pékin considère alors que le Japon ne souhaite pas « expier la faute de la seconde guerre mondiale ». Mais pourtant, le gouvernement japonais a déjà présenté des excuses, notamment en 1995, à l'occasion du 50e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale dans le Pacifique. Pékin utilise notamment l'argument historique pour justifier son opposition à la candidature du Japon qui souhaite devenir membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU.

Les sujets de discorde
Valérie Niquet s'intéresse à un nouveau terrain possible d'affrontement, la question énergétique, qui vient exacerber les tensions entre la Chine et le Japon. Si les besoins et la dépendance énergétiques de la Chine augmentent beaucoup, le Japon demeure tout aussi dépendant de l'extérieur. Tokyo et Pékin se trouvent alors en concurrence sur le marché russe mais aussi en Iran ou en Arabie Saoudite, partenaire traditionnels du Japon, où Pékin ne cesse pourtant d'avancer ses pions. Malgré ses nombreux sujets de discorde, les relations économiques entre les deux pays sont « florissantes » comme en témoigne le montant des échanges qui ont atteint 189 milliards de dollars en 2005, contre seulement 120 milliards en 2003 et… un milliard lors du rétablissement des relations diplomatiques en 1972. La Chine et le Japon sont les premiers clients l'un de l'autre. Mais pourtant le facteur économique n'apaise en rien les relations sino-japonaises.
Derrière cette « guerre froide qui ne dit pas son nom », c'est la question de la concurrence des modèles chinois et japonais en Asie qui est en jeu.

Enfin Valérie Niquet examine les scénarios probables des rapports entre Tokyo et Pékin.
Titre: Chine-Japon, l’affrontement

Auteur: Valérie Niquet

Paru le:24 août 206

Editeur:Librairie Académique Perrin

Prix éditeur:18,50 euros


Auteur: Marion Zipfel

05:10 Publié dans Eurasisme, Géopolitique, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 04 mai 2007

Islam/Amerika: vrienden of vijanden?

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De islam en Amerika... vrienden of vijanden?

Gevonden op: http://www.vonk.org/CallReadOnly.asp?artikelID=1320&s...

De blinde woede waarmee de imperialistische agressie losbarstte na 11 september 2001 is niets nieuws en ook niet de laatste in zijn soort. Zolang de crisis van het kapitalisme blijft bestaan, zal deze afgrijselijke kruistocht aanhouden in verschillende gedaanten en in verschillende delen van de wereld. Dit gaat gepaard met een ideologisch verval en achteruitgang van menselijke waarden.

De kleurrijke verpakking en analyse waarmee deze imperialistische agressie wordt voorgesteld is niet alleen totaal misleidend, maar ook uiterst fout. Twee vooraanstaande imperialistische ‘intellectuelen’ hebben geprobeerd de vernieuwde imperialistische agressie van een ideologische basis te voorzien. Een van hen is Francis Fukuyama en de andere heet Samuel P. Huntington. Beiden werkten vroeger voor het Amerikaanse ministerie van Buitenlandse Zaken. Na de terugtrekking van het Sovjetleger uit Afghanistan in 1989 gaf Francis Fukuyama zijn schandelijke thesis ‘The End of History’ (Het einde van de geschiedenis) uit in boekvorm.

Huntington, die adviseur is geweest voor het Amerikaanse Vietnambeleid onder president Johnson en later directeur werd van het instituut voor strategische studies aan de Harvard-universiteit, bracht in de zomer van 1993 zijn essay ‘The Clash of Civilizations’ (Botsende beschavingen) naar buiten in het magazine Foreign Affairs. Blijkbaar werd dit essay geschreven in de vorm van een polemiek met Fukuyama’s stelling ‘The End of History’. Als we Huntingtons stelling echter van dichtbij bekijken, zien we dat de doelstellingen van deze stelling dezelfde zijn als bij de stelling van Fukuyama, namelijk het rechtvaardigen van de agressieve dominantie van het Amerikaanse imperialisme.

Maar door de gebeurtenissen sinds 2001 kreeg Huntingtons thesis over botsende beschavingen meer bijval. Niet enkel het Amerikaanse imperialisme maakte er gebruik van, maar ook islamitische fundamentalisten profiteerden er volop van. Huntington argumenteert tegen Fukuyama’s thesis dat “hoewel de val van het communisme een eind maakte aan de ideologische tegenstellingen, dat niet het einde van de geschiedenis betekent. In plaats van politiek en economie zal nu cultuur heersen op aarde en ze blijven verdelen.”

Botsende beschavingen

De culturen die Huntington in zijn thesis ‘The Clash Of Civilizations’ aanhaalt zijn: westerse beschaving, confucianisme (zowel Chinees als Japans), islamitische, hindoe, Slavisch-orthodoxe (Russisch), Latijns-Amerikaanse beschavingen en waarschijnlijk Afrikaanse beschaving. In het geval van Afrika heeft hij ‘waarschijnlijk’ als bijvoeglijk naamwoord gebruikt omdat hij niet gelooft dat Afrikanen beschaafde menselijke wezens zijn! Hij beweert dat religie het symbool van de sociale waarde van deze samenlevingen is. Huntington argumenteert dat “religie de centrale kracht is die de mensen behendig en actief houdt”. Volgens hem is de centrale tegenstelling die van “het Westen tegen de rest”. Hieruit concludeert hij dat het Westen, “in werkelijkheid Amerika”, klaar moet staan om de beschavingen waarmee ze oog in oog komen te staan, met militaire onderdrukking te verbrijzelen. Hij zegt ook dat de gevaarlijkste beschavingen de islam en het confucianisme zijn (dat is dus olie en Chinese export). Hij sluit zijn thesis af met de woorden: “De wereld is niet één geheel. Beschavingen verenigen mensen en verdelen ze. Bloed en geloof zijn de basis waardoor mensen herkend worden en voor die dingen zullen ze vechten en sterven.”

Deze ideeën en analyses zijn niet enkel een krachtbron voor het agressieve beleid van de Amerikaanse heersers, maar zijn ook een bron van vermaak voor fundamentalisten en reactionaire politici en generaals. Beide ‘strijdende’ fracties willen ze ten volle benutten. De vernieling en miserie die hieruit voortkomt, maakt echter slachtoffers van miljarden werkende en onder de knoet gehouden mensen.

Aan de andere kant was Francis Fukuyama woedend op degenen die hem bekritiseerden omdat ze uit zijn thesis concludeerden dat hij de mogelijkheid van botsingen voor altijd uitsloot. Hij zei dat wie hem bekritiseerde niet eens in staat was zijn filosofie te begrijpen, die hij geleend had van Hegel. Hij publiceerde zijn werkelijke doelstellingen in de vorm van een brief. Op 12 september 2001 schreef hij samen met andere intellectuelen zoals William Crystal, Jean Kirkpatrick, Richard Pearl, Martin Prayers, Norman Podorize en wat andere verdedigers van de imperialistische cultuur een ‘open brief’ aan Bush.

In de brief “werd er op aangedrongen dat Osama Bin Laden moet worden gearresteerd of vermoord”. De brief waarschuwde president Bush dat hij Irak moest bezetten en Saddam Hoessein omverwerpen en dit niet doen zou “een snelle en beslissende nederlaag en overgave aan het wereldwijde terrorisme” tot gevolg hebben. Dit was nodig zelfs indien er geen bewijs van Irakese betrokkenheid bij de aanval van 9/11 gevonden zou worden. Deze open brief, geschreven door de professor van ‘The End of History’, is een blijk van de uiterste intellectuele ontaarding van de burgerlijke denkers en intellectuelen, die gepaard gaat met het economisch en sociaal verval van het imperialisme.

Grond van de islamitische heropleving

Als we de geschiedenis analyseren, merken we op dat er geen volledige harmonie bestaat tussen de beschavingen die opgroeiden in de wieg van de drie belangrijkste monotheïstische religies. Ondanks de verschillen die er onder hen bestonden, hadden ze een dominante invloed op de wereld in die bepaalde periode. Door de eeuwen heen kwam er verandering en de beschavingen veranderden verder hun ontwikkelingspatronen. Het is tragisch en tekenend voor de huidige periode dat geen enkele grote politieke partij zelfs maar het idee naar voren brengt van een radicale verandering of een sociale transformatie.

Het resultaat is een oppervlakkige stilte van hopeloosheid, radeloosheid, desillusie en een neiging om de realiteit te ontlopen. In zo’n atmosfeer groeien en vermenigvuldigen de bacteriën zich die achterlijkheid en irrationaliteit verspreiden. Gedurende de laatste vijftig jaar vinden we neigingen van religieuze heropleving met economische en politiek doelstellingen. De belangrijkste redenen van deze heropleving zijn de volgende.

Er heeft zich een ontaarding voorgedaan van de zogenaamde linkse partijen en hun leiders als gevolg van de ineenstorting van de Sovjetunie en het verraad van de traditionele massapartijen en de vakbondsleiding. De groeiende sociale en economische kloof in de maatschappij en de toenemende economische crisis hebben samen met het ontbreken van een duidelijke uitweg aan de politieke horizon geleid tot een toename van de politieke crisis, die onvermijdelijk extremisme en terreur voortbrengt. Het is een reactionaire poging licht te vinden in de tombes van het verleden uit angst en desillusie in de toekomst.

De grootschalige migratie van mensen uit dorpen naar steden heeft de crisis verergerd. De onzekerheid, miserie en bitterheid van het leven in de getto’s en sloppenwijken doen frustratie en radeloosheid ontstaan. De geestelijke teloorgang en de daaruit voortkomende misdaadgolf ontstaan door uitsluiting en het contrast tussen het miserabele leven van de jongeren uit de lagere en middenklassen en die van de geprivilegieerde klassen. De religieuze partijen betrekken jongeren in deze misdaden vanwege de politieke bescherming. Door gebrek aan enige uitweg uit deze miserie en gewetenswroeging over hun misdaden verdwalen zovele jonge mensen in religieus mysticisme als een vlucht in de vergetelheid.

Een andere belangrijke factor waarom deze religieuze partijen tot de verbeelding van deze achtergebleven lagen van jongeren en de gewone mensen spreken was de extreme haat tegen de immense corruptie, ijdelheid, arrogantie en een vernederende houding van de traditionele burgerlijk-liberale politici. Ondertussen prediken de religieuze politici hypocriet over sociale rechtvaardigheid, het einde van de corruptie, culturele zuiverheid en vroomheid. De propaganda over het einde van het communisme en het historisch verval van het nationalisme maakten dogmatisme en islamisme vrij aantrekkelijk.

De ouders van de tienduizenden kinderen die verstikt worden in de religieuze scholen in verschillende islamitische landen, konden het zich niet veroorloven hun kinderen te laten opgroeien. Deze kinderen hadden maar twee keuzes voor hun toekomst: aan de ene kant konden ze aas voor de kinderarbeidsmarkt worden, anderzijds konden ze in de gevangenschap van deze religieuze scholen (madrassas) gestuurd worden waar ze tenminste wat kruimels en onderdak konden krijgen. In deze scholen heerst een regime van aanhoudende onderdrukking, foltering, intimidatie, seksueel geweld en theocratische indoctrinatie.

Het onderwijs is eentonig en gebaseerd op metafysische zedenpreken. Dit leidt tot fanatisme, groepshaat, achterlijkheid en terroristische tendensen. In deze scholen in Pakistan bijvoorbeeld staat het onderwezen Urdu-alfabet symbool voor hun reactionaire denken. Zo staat ‘Jeem’ (J) voor Jihad; ‘Tay’ (T) voor ‘Tope’ (kanon); ‘Kaf’ (Q) voor ‘Kalashnikov’ en ‘Khay’ (K) voor ‘Khoon’ (bloed’).

In een later stadium wordt hun verstand ondergedompeld in de duisternis van oorlogen, mythes, gewoonten en waarden uit voor-Middeleeuwse tijden door hen de geschiedenis van een ver verleden aan te leren. Zulke in het verleden verzonken geesten kunnen in deze moderne tijd eindigen in wat we de laatste tientallen jaren meemaakten in de vorm van het virulente islamitisch fundamentalisme, de hysterie die een uitgestrekte generatie jongeren van moslimachtergrond heeft kapotgemaakt. Het terrorisme, de barbaarsheid en het bloedvergieten veroorzaakt door dit fanatisme zijn het product van een gestagneerde samenleving en een rottend systeem.

Fundamentalistisch geloof in het kapitalisme

Een ander belangrijk element dat een bron is geworden van financiële en sociale steun aan religieus fundamentalisme is de globalisering en de verpletterende dominantie van de imperialistische monopolies die de belangen van de lokale industriëlen, handelaars, zakenmannen en drugbaronnen op de tocht zetten.

In Iran geloven de beide fracties van de mullahs in het kapitalisme. De sterkte van de Iraanse mullahs was en is gebaseerd op de ‘bazaris’ (handelaars en zakenmannen). Zelfs vandaag weerspiegelen de tijdelijke tegenstellingen die ontstaan zijn tussen de zogenaamde liberale fractie van Khatami en de conservatieve fractie van Khamenei de botsing van deze belangen. De fractie van Khamenei wordt gedomineerd door de lokale Iraanse kapitalisten en de ‘bazaris’ die de Iraanse economie niet willen openstellen voor de grote monopolies. Maar de Iraanse economie, gebaseerd op dit ‘nationaal kapitalisme’, verkeert in crisis. En vanwege de groeiende sociale, politieke en internationale druk wil Khatami het monopoliekapitalisme Iran laten betreden. Aangezien Khatami de zogenaamde liberale fractie van de Iraanse kapitalisten vertegenwoordigt, wil hij dit recept proberen. Nochtans heeft van Rusland tot Chili, wie ook probeerde de economische crisis op te lossen door investeringen van kapitalistische aasgiermonopolies, vernieling en miserie gebracht. Beide methoden om het kapitalisme in stand te houden zijn er niet in geslaagd enige positieve rol te spelen in het wegnemen van armoede of in de sociale ontwikkeling.

Ook in Pakistan komt de grootste steun voor de religieuze partijen van de drugbaronnen, kapitalisten, zakenmannen en de middenstand. De steun die de Jamat-e-Islami en andere religieuze partijen krijgen van deze klassen dient voor de verdediging van hun gevestigde belangen ten opzichte van andere delen van het nationale en internationale kapitaal.

Om van deze angst af te komen krijgen ‘de nationale gedachte en emoties’ die in hen tot ontwikkeling komen, een islamitische bijsmaak. De islamitische fundamentalisten hebben de laatste drie decennia even goed gebruik gemaakt van criminele methoden, waaronder drugsmokkel, om hun buit te vergroten. Gedurende de jaren ‘80 sponsorde en moedigde Amerika deze handel aan om de Afghaanse Jihad te financieren. Met deze handel hebben drugbaronnen miljarden verdiend. Het budget van de meeste leiders van deze islamitische partijen, de onkosten voor hun personeel en instituten, inclusief hun religieuze scholen, komen bijna volledig uit dit zwart kapitaal.

In de clandestiene video’s van Osama Bin Laden, die wijd verspreid worden in de islamitische landen, benadrukt hij dat de olie het gezamenlijke bezit is van de Moslim Ummah (Natie). Hij eist dat de olie zou worden geprivatiseerd en overhandigd aan kleine regionale kapitalisten. Het diep ingebakken psychologisch concept van en de toewijding aan het privaat eigendom komt kristalhelder tot uiting in de geschriften en preken van fundamentalistische ideologen en fanatiekelingen zoals Abul-ala-Moudoodi en Osama Bin Laden.

De realiteit is dat de economische en financiële basis van alle religieuze staten, of het nu Israël, Pakistan, Iran, Saoedi-Arabië of het Afghanistan van de vroegere Taliban is, van kapitalistische aard is. Daarom is het verschil tussen de westerse en oosterse beschaving kunstmatig en van secundair belang. Veelal zijn het de sociale, culturele en traditionele verschillen die de kop opsteken ten gevolge van verschillende fases en gradaties van historische evolutie waarin deze samenlevingen zijn verwikkeld.

Deze heersers en hun agenten zijn gedwongen te volgen en dit systeem te aanvaarden – in welke vorm het ook tot uiting komt – omdat het islamitische economische systeem dat ze welbespraakt prediken niet samengaat met de huidige economie en primitiever is dan kapitalisme. In werkelijkheid zijn ze de meest vurige verdedigers van het kapitalisme. Hun eigen politieke en sociale bestaan steunt op het financiekapitaal. Dat is de reden waarom hun verschillen en overeenkomsten, vriendschap en vijandschap, zo kunstmatig, tijdelijk en hypocriet zijn.Vandaar dat imperialisten en fundamentalisten voortdurend hun loyaliteiten en relaties veranderen in overeenstemming met hun veranderende belangen en voorkeuren. Dat is de reden waarom ze op een gegeven moment vrienden zijn en op een ander weer vijanden.

De zwarte economie is een kanker in de zogenaamde formele economie en is in grote mate een deel van het kapitalistisch systeem zoals een tumor deel uitmaakt van een menselijk lichaam. De toename van de zwarte economie en religieus fundamentalisme zijn de kwaadaardige uitdrukkingen van de intense economische, sociale en politieke crisis van dit voorbijgestreefde systeem. Historisch afgewezen economische systemen worden echter in hun meest ontwikkelde vormen de prooi van sociale verstikking, sociale crisis en teruggang. Net zoals er fundamentalisme bestaat in islamitische landen is er in Amerika geen schaarste aan christelijk fundamentalisme. Negentig procent van de Amerikaanse bevolking belijdt regelmatig zijn religieuze overtuiging en gelooft in God. Zestig procent gelooft in engelen. In Amerika zijn meer gelovigen dan in heel Europa. De christelijke fundamentalisten in Amerika hadden de gebeurtenissen van 9/11 verklaard als de straf van God omdat in Amerika toenemende losbandigheid, moreel verval en sociale corruptie een piek hebben bereikt. De groepen ‘herboren christenen’ in Amerika zijn zelfs niet tevreden met hun vertegenwoordiger (Bush) in het Witte Huis. Dat terwijl Bush en Blair zeggen dat ze ingevingen en dromen uit de hemel krijgen als openbaring voor hun monsterachtigheden. Christelijke fundamentalisten doen bommen ontploffen bij abortuscentra en vermoorden voortdurend de dokters die er werken.

Op een gelijkaardige manier willen de joodse religieuze fundamentalisten Israël niet aanvaarden als een echt model van hun fundamentalisme. Ze zijn geïndoctrineerd met de achterlijke wens de dominantie van het zionisme over de wereld te vestigen. Ze zien het vermoorden van Palestijnen als het vermoorden van ongelovigen. Onder deze dekmantel van fundamentalisme begaan Israëlische heersers de ergste vormen van onderdrukking en barbarij. En dan rechtvaardigen ze deze barbaarse handelingen op basis van religie. Het resultaat is dat religieuze achterlijkheid, terrorisme, barbarij en haat mekaar voeden. Het vergieten van onschuldig menselijk bloed gaat onverminderd door.

Islam als instrument in Pakistan

In Pakistan en in vele andere landen maakt de staat gebruik van religie in bepaalde perioden waarin ze te lijden hebben onder crisis of sociale revolten. In Pakistan gebruikte generaal Zia-ul-Haq de islam om de arbeiders verschrikkelijk te onderdrukken. Langs de andere kant keren ook zogenaamde seculiere heersers als Benazir, en nu Musharraf, steeds weer terug naar het gebruik van religie wanneer ze geconfronteerd worden met socio-economische crisissen, politieke onrust en massale verbolgenheid. Wanneer de rotte politiek van de heersers en hun verouderde systeem niet meer in staat zijn de maatschappij te ontwikkelen, gebruiken ze religie om via de achtergebleven lagen van de samenleving de beweging van de arbeiders te verdelen en te saboteren. Pelgrimstochten ondernemen, gebedsplaatsen bezoeken, boodschappen brengen op verschillende religieuze ceremonies en religieuze programma’s uitzenden maken een onvermijdelijk onderdeel uit van dit proces.

In de recente opkomst van het islamistisch fundamentalisme is de anti-imperialistische retoriek echter heel bruikbaar gebleken. Niet enkel het MMA (een alliantie van de islamitische partijen) kreeg relatief meer stemmen dan in het verleden, door deze slogan te gebruiken zijn ze in staat geweest regeringen te vormen in het noord-westen en Baluchistan. De wederzijdse allianties van de mullahs en sommige delen van het leger zijn ook gebaseerd op het gevoel bedrogen te zijn door Amerika omdat ze hun hulp stopzetten en deze religieuze en militaire bondgenoten hun rijkdom ontnemen die ze hen tijdens de Jihad hadden gegeven. Onlangs drukte een Pakistaanse generaal op rust het uit in de volgende woorden: “Pakistan was het condoom dat de Amerikanen nodig hadden om Irak binnen te geraken. We werden gebruikt en nu denken ze dat we in het toilet kunnen worden doorgespoeld.”

Dit zijn de gedachten van lagere en middenrangsofficieren van het Pakistaanse leger, die niet in die mate van de buit hebben kunnen profiteren als het hoger bevel van het leger en de bureaucratie. Ook dit voedt hun toenemende frustratie en woede. In het Pakistaanse leger zijn er maar een handvol toegewijde fundamentalisten van de harde lijn. Op dit moment zijn de interne conflicten tussen de liberale en conservatieve religieuze officieren vanwege financieel gewin en materiële belangen veel groter dan welke ideologische confrontatie dan ook.

Dit voorbeeld vinden we in Zia’s persoonlijkheid. Hij was een officier van het gewapende korps dat opgeleid was in het hoogste Amerikaanse trainingscenter, Fort Bragg. Hij bad tot God, maar in de praktijk waren zijn daden uiteindelijk onderdanig aan zijn echte meester – Amerika. In 1970 leidde hij bijvoorbeeld een militaire operatie in Amman waarbij 18.000 Palestijnen werden afgeslacht. Nooit werden er waar ook ter wereld zoveel Palestijnen tegelijk martelaar. Deze operatie werd ondernomen om de Amerikaanse en Israëlische agent, koning Hussein van Jordanië, te redden van de Palestijnse revolutionaire opstand in Amman. De bloeddorstige Amerikaanse en Israëlische specialisten planden de operatie. Hij aarzelde niet om de moslims daar af te slachten. Het ging ook niet tegen zijn islamitische idealen in. In die periode was de islamitische beweging sterk verbonden met het Amerikaanse imperialisme. Vandaag hebben er velen illusies in verschillende islamitische partijen. Het menselijk geheugen is kort.

Hun falen om een massa-aanhang te verwerven en een nationale kracht te worden in hun hypocriete beweging tegen de Amerikaanse agressie in Afghanistan en Irak, bewijst evenwel dat het menselijk geheugen niet eindigt met elke generatie. En zelfs in deze periode van stagnatie kennen en realiseren mensen zich de werkelijke aard van en hun werkelijke relatie met het financiekapitaal en de imperialisten.

Islamitische beschaving

Als we de islamitische geschiedenis analyseren, vinden we langs de ene kant vele militaire overwinningen gedurende de 8e, 9e en 10e eeuw, en anderzijds een immense uitbreiding en ontwikkeling op het gebied van wetenschap, cultuur, politiek en vele andere domeinen. De centra van kennis en studie zoals Cordoba, Bagdad, Caïro, Damascus en vele andere openden nieuwe horizonten in de ontwikkeling van kennis en intellect.

Wat vandaag de dag islamitische ‘beschaving’ genoemd wordt, ging in verval omdat de bezetters weigerden zich aan te passen aan de overwonnen gebieden en regio’s. Het is het samengaan van de rijke en oude beschavingen zoals Syrië en Iran met Spanje en anderen, die in eerste plaats de verspreiding en grootsheid van deze islamitische vooruitgang teweegbracht. De verhoudingen tussen verschillende religies waren ook niet dezelfde als wat vandaag gepropageerd wordt. Toen de christelijke milities als onderdeel van de kruisvaarten in 1099 na een belegering van veertig dagen Jeruzalem bezetten, werd het grootste deel van de bevolking, inclusief vrouwen en kinderen, vermoord. Twee dagen lang stroomde het bloed door de straten, maar de moslims en de joden vochten zij aan zij tegen de kruisvaarders.

Op eenzelfde manier vormden zaken zoals het recht op open discussie en het recht om van mening te verschillen een belangrijk element in de ontwikkeling van deze beschaving, die bloeide tijdens de laatste eeuw van het laatste millennium. Wanneer we de geschriften van religieuze geleerden uit de 8e, de 9e en de 10e eeuw n. Chr. analyseren, zien we dat die veel moderner en volwassener zijn dan de onzin die we vandaag uit de mond van de islamitische geleerden horen komen. Ironisch genoeg zouden die oude geleerden vandaag de dag vervolgd worden onder de draconische islamitische wetgeving van verschillende landen. Een of andere religieuze sekte zou hun dood wel als een religieuze plicht stellen.

De geschiedenis is er getuige van dat Al-Mamoon en de drie kaliefen die hem opvolgden, niet alleen hun gedachten volgden maar eveneens die gedachten lieten bloeien door discussie over zulke kwesties aan te moedigen. Een van de belangrijkste oorzaken van het verval van het islamitische rijk was de opgang van reactie, onbuigzaamheid en de honger naar macht en rijkdom, die het huidige fundamentalisme ook zo kenmerken. Dit verval veroorzaakte niet alleen de ineenstorting van een volledige beschaving, maar houdt tevens de geesten verstikt in religieuze ketenen, bekrompen gedachten, en veranderde hele samenlevingen in een brakke poel.

Een ander belangrijk kenmerk van het reactionaire fundamentalisme is zijn extreme opportunisme. Enerzijds staan zij voor terreur die gepaard gaat met dogmatisme, onbuigzaamheid en repressie; anderzijds zien we veel opportunisme, zwakheid, wraakzucht en lafheid onder hen. Keer op keer hebben zij laten zien hun zaak te verkopen bij de eerste de beste gelegenheid. Daarom is het belangrijkste kenmerk van het religieuze fundamentalisme, ongeacht uit welke religie het voortkomt, zijn hypocrisie. In die maatschappijen waar fundamentalisme een bepaalde sociale basis heeft, wordt hypocrisie een norm. Dit wordt al te meer duidelijk in de verhouding van het religieus fundamentalisme tot het kapitalisme en het imperialisme.

Historische verstrengeling van imperialisme en fundamentalisme

Dat het imperialisme gebruik maakt van religie om uitbuiting te vergemakkelijken, is geen nieuw fenomeen. In de 15e, 16e en 17e eeuw ontwikkelden de productiemiddelen zich snel na het doorvoeren van de burgerlijke revoluties. Om hun winsten te vergroten gingen de westerse imperialisten op zoek naar achtergestelde regio’s om leeg te roven. De Kerk en het christelijke fundamentalisme leverden hiervoor maar al te graag een religieuze rechtvaardiging. De katholieke priesters en missionarissen die naar Latijns-Amerika, Afrika en Azië werden gezonden, moesten in de eerste plaats imperialistische missieposten opzetten, net zoals Vasco da Gamma, Cristoffel Colombus en de andere ontdekkingsreizigers op hun zoektocht naar nieuw land eigenlijk op zoek gingen naar nieuwe markten, mineralen en andere grondstoffen om te plunderen.

De verhouding van het westerse imperialisme met het islamitische fundamentalisme gaat dan ook al ver terug. Islamitisch fundamentalisme werd gebruikt voor imperialistische overheersing, vooral in de Arabische wereld. De huidige bewegingen van religieuze opleving zijn dan ook als van nature reactionair en verderfelijk. Een van de eerste bewegingen die de islam deden opleven was de Wahabi-beweging in Saoedi-Arabië. De stichter van die beweging was Mohammed Ibn-e-Wahab (1703-1792). In 1744 bereikte Ibn-e-Wahab de stad Darya in de provincie Najad. Daar legde hij samen met een gangster uit die tijd, Mir Mohammed Ibn-e-Saoed, de basis voor een hardleers puriteins islamitisch koninkrijk. Na een revolte tegen de Ottomaanse kaliefen begon deze Saoedische staat, die gebaseerd was op voortdurende Jihad en interne repressie, te groeien door roof en plunderingen. Om hun onderlinge relatie nog te versterken nam Ibn-e-Saoed de dochter van Wahab op in zijn harem en zo werd een echtelijke relatie ook een politiek bondgenootschap. Het familiale koninkrijk dat werd opgezet door religieus dogmatisme, militaire repressie, politiek gemanoeuvreer en het uitbouwen van relaties via vrouwen, bestaat vandaag nog steeds in Saoedi-Arabië. In 1792 versloegen de Saoedische Wahabi’s hun buren en bezetten zij de steden Riyadh, Khurj en Qasim. In 1801 bezetten zij Karbala en doodden de bevolking. Ze vernielden huizen en heiligdommen omdat het wahabisme pelgrimstochten naar heiligdommen verbood. In 1802 bezetten ze Taif en in 1803 namen ze ook Makkah in.

Na de Eerste Wereldoorlog begonnen de geallieerden verschillende gebieden in de wereld onder hen te verdelen op basis van het Verdrag van Versailles. Groot-Brittannië kreeg Palestina, Irak en Egypte en Frankrijk kreeg Syrië en Libanon. De Britten verstigden hun heerschappij over het ‘oosten’ en Frankrijk plunderde het ‘westen’. Dit was het startsein voor de Britse agent St. John Philby om relaties aan te knopen met kroonprins Amir Abdul Aziz Ibn-e-Saoed, die deel uitmaakte van Najad. Ibn-e-Saoed moest in die nieuwe situatie helemaal niet overtuigd worden van zijn rol, hij had zelf de steun van de imperialisten nodig. Philby legde Ibn-e-Saoed een plan voor waarin hij hem voorstelde om verschillende andere stammen te veroveren en zo zijn koninkrijk uit te breiden over het gehele Arabische schiereiland. Hiervoor zou hij de nodige steun krijgen van de imperialisten. Op deze wijze lagen Philby en Belfore, de twee imperialistische agenten die deze plannen onderhandelden, aan de basis van een reactionair tijdperk in het Midden-Oosten. Philby stond aan de wieg van het fundamentalistische koninkrijk Saoedi-Arabië en Belfore stichtte mee de reactionaire zionistische staat Israël. Net als zijn voorvaders huwde Ibn-e-Saoed de vrouwen van zijn verslagen vijanden om zijn harem uit te breiden.

Wat de economische belangen in het Midden-Oosten betreft, wilden de Amerikanen echter niet dat de olie beperkt zou blijven tot Groot-Brittannië alleen. Amerikaanse oliemultinationals hadden daarom al in de jaren 1930 relaties aangeknoopt met Ibn-e-Saoed. In 1933 verkreeg Standard Oil belangrijke contracten door Ibn-e-Saoed zo’n 50.000 dollar aan goud te betalen. Om met Groot-Brittannië te wedijveren zorgden de Amerikanen voor een fusie van Standard Oil met Esso, Texaco en Mobil om daarna een Amerikaans-Arabisch oliebedrijf op te richten, ARMCO. Het oppompen van olie begon in 1938 en tot op vandaag manipuleert dit bedrijf de olie-industrie in Saoedi-Arabië. Om zijn economische belangen te verdedigen negeert de VS al jaren de misdaden van de Saoedische monarchie, de schending van de mensenrechten, het autocratische bewind en de enorme repressie.

Op eenzelfde manier maakten de westerse imperialisten gebruik van verschillende fundamentalistische partijen om progressieve leiders en de arbeidersbeweging neer te slaan. In 1928 werd Ikhwan-ul-Muslemeen opgericht in Egypte. De basis van die organisatie verschilde niet veel van de basis van het wahabisme. In hun manifest vinden we veel dezelfde zaken terug als in die van lokale partijen: “God is onze doelstelling! De profeet is onze leider! De koran is onze grondwet! De Jihad is ons motto!” Onder deze slogans werd in 1941 de Jammat-e-Islami opgericht op het Indiase subcontinent. De oprichter ervan, Maulana Abul Ala Moudoodi, was tegen de Pakistaanse opdeling en tegen Muhammed Ali Jinnah. Hij stelde dat de seculiere nationalisten de naam van de islam misbruikten om een seculiere staat op te richten. In vroegere perioden had Moudoodi van dichtbij de communistische beweging in Hyderabad Deccan geobserveerd, vooral dan hun organisatorische methoden. Hij wilde een partij oprichten op basis van de ideologie van het islamitisch fundamentalisme maar met de organisatorische structuur en methode van de communistische beweging.

Jamaat-e-Islami werd opgericht op 26 augustus 1941 tijdens een bijeekomst waarop 75 mensen aanwezig waren. Een van de discussiepunten waarover meningsverschillen bestonden, betrof de eigendomsrelaties binnen de islamitische ideologie. Moudoodi verdedigde hier met zeer veel emotie en overtuigingskracht het privé-eigendom. Ook de latere leiders van Jamaat-e-Islami verdedigden de vrije markt. Politiek gezien betekent dit dat deze organisatie een trouwe bondgenoot van het imperialisme is en een bolwerk van reactie, vooral in Pakistan.

In de jaren 1940 reeds had Moudoodi een beroep gedaan op de diensten van een Arabische vertaler om zijn geschriften te verspreiden in de Arabische wereld. In het overgrote deel van de landen waar de moslims in de meerderheid zijn, coördineerde de CIA de relaties tussen die verschillende stromingen die de islam wilden doen herleven op de agressieve manier van Moudoodi. Na de jaren ‘50 gebruikte het Amerikaanse imperialisme deze groepen in verschillende landen voor de verdediging van de eigen belangen. In Egypte was de grootste bondgenoot van het moudoodisme Syed Qutab, na Hasan-al-Bana de leider van Ikhwan-ul-Muslemeen. Het Amerikaanse imperialisme stond ook mee aan de wieg van verschillende islamitische fundamentalistische partijen in andere landen. Hierbij deed het een beroep op de Saoedische en Pakistaanse staat. Of het nu over Laskar-e-Taiba, Harkut-ul-Ansar, Hizb-e-Islami, Gulbadin Hikmatyar of de Taliban gaat, de CIA was steeds direct of indirect betrokken bij de oprichting en de financiering ervan.

Toen de Pakistaanse generaals tijdens de Afghaanse Jihad tegen de Russische bezetting aan de Arabische landen vroegen om een belangrijk lid van de koninklijke familie te zenden om rekrutering voor de Jihad te vergemakkelijken, stuurde men Osama Bin Laden naar Afghanistan. Toen Osama Bin Laden in Pakistan aankwam, was de Amerikaanse nationale veiligheidsadviseur Zbignew Brzezinski op officieel bezoek in Pakistan om de Jihad te promoten. Tijdens een bezoek aan de Khyber-pas sprak Brzezinsky een publiek toe waaronder ook Osama Bin Laden en hij zei hen: “God is met u”. Een van de eerste acties die Osama ondernam als pro-westerse vrijheidsstrijder was een aanval op een gemengde school, die tot de grond werd platgebrand en waarvan het schoolhoofd werd gedood.

Vandaag is het een publiek geheim dat ook Israël betrokken was in deze islamitische Jihad in Afghanistan. In 1985 stootte een jonge Pakistaanse journalist, Ahmed Mansoor, die werkte voor een Engelse krant uit Islamabad, The Muslim, toevallig op een aantal Israëlische adviseurs in de bar van het Pearl Continental Hotel in Peshawar. Goed wetend dat dit nieuws een bedreiging vormde voor de islamitische dictatuur van Zia, bediscussieerde hij de feiten met zijn redacteur en de correspondent van WTN. Enkele dagen later, na een tip van de veiligheidsdiensten, hadden de mujahideen hem te pakken en werd hij vermoord.

Om de financiële activiteiten van de Afghaanse Jihad te regelen werd een nieuwe bank opgericht. Het betreft de beruchte Bank of Commerce and Credit International (BCCI). Geld dat werd vergaard door drugs- en wapensmokkel geraakte via die bank tot bij de fundamentalisten en werd gebruikt voor de ‘Jihad’. De bedoeling van de bank was het witwassen van zwart geld en de bescherming van criminele rijkdom. De oprichter van de bank was de beruchte bankier Agha Hasan Abidi en hij genoot de volledige steun van de CIA. Het is via deze bank dat de Pakistaanse generaals en andere leiders multimiljonair werden. Dat verklaart waarom de families van generaal Zia ul Haq en generaal Akhtar Abdur Rehman (tijdens de dictatuur de baas van het ISI, de Pakistaanse geheime dienst) vandaag bij de rijkste Pakistanen behoren. Die nieuwe rijken hebben genoten van dezelfde Afghaanse Jihad die ook vocht tegen ‘ontrouw’, in de naam van de islam maar ten dienste van het Amerikaanse imperialisme.

De laatste vijftig jaar van de 20e eeuw zitten vol met voorbeelden waarbij het Amerikaanse imperialisme gebruik maakte van islamitisch fundamentalisme tegen progressieve bewegingen en leiders die over socialisme praatten. De belangrijkste architect van de huidige heropleving van de islam was de Amerikaanse minister van Buitenlandse Zaken onder president Eisenhower, John Foster Dules. Na de nederlaag van het imperialisme in de Suez-oorlog van 1956 en het opkomen van populistische en linkse regeringen in verschillende moslimlanden ging men het religieus dogmatisme gebruiken om de massa’s te verwarren en revoluties neer te slaan. Amerikaanse strategen hebben hier bewust de beslissing genomen om het islamitische fundamentalisme te gebruiken als een sterke reactionaire kracht tegen linkse bewegingen en arbeidersstrijd.

In Egypte werd de Ikhwan-ul-Muslemeen gebruikt tegen Jamal Abdul Nasir, in Indonesië werd Masyumi gebruikt voor de genocide op miljoenen arbeiders van de Communistische Partij in 1965 en in Pakistan werd de Jammat-e-Islami ingezet tegen Bhutto, de PPP en de linkerzijde. In Bangladesh werden Al Badar en Al Shams, de neofascistische frontorganisaties van Jamaat-e-Islami, als civiele helpers van het Pakistaans leger ingezet tegen de massaprotesten. In 1996, toen de Taliban Kaboel bezetten, hebben zij Najeeb Ullah uit zijn kantoor van de VN gesleurd en vermoord. Nadien werd zijn lichaam en dat van zijn broer Ahmed Zaie aan een paal gehangen op het centrale plein van Kaboel en werden zij verschrikkelijk verminkt. Toen nam geen enkele westerse intellectueel, politicus of regering aanstoot aan deze overtreding van de mensenrechten. Zelfs na het aanschouwen van dergelijke horror is er geen enkel protest geweest.

Vandaag is het openlijk geweten dat het Amerikaanse imperialisme en zijn oliemagnaten de Taliban altijd hebben gesteund. De Amerikaanse oliegigant Unocal betaalde hen 30 miljoen dollar voor de militaire bezetting van Kaboel. Een rechtse Amerikaanse intellectueel schreef in een essay (Time Magazine, 28 maart 1999):

“Omdat de VS een wereldmacht is, moeten we geen schrik hebben om activiteiten te ondernemen om globalisering te implementeren. De onzichtbare hand van de vrije markt kan immers niet werken zonder de onzichtbare vuist. MacDonalds is er niet zonder MacDonald Douglas (een groot wapenbedrijf dat o.a. de F-15 maakt). Het rotte departement dat de technologie van Silicon Valley veiligstelt is het Amerikaanse leger, de luchtmacht en de mariniers.”

Marxisten hebben dit kenmerk van het imperialisme reeds lang geleden uitgelegd. Trotski schreef in een van zijn teksten (Izvestia, 15 augustus 1924):

“Olie speelt nu een veel grotere rol in de industrie en het militaire domein. Tweederde ervan wordt opgepompt en verbruikt door de VS. In 1923 was dit 72 procent. Zij klagen erover dat ze aan het einde van hun reserves zitten. Na de Eerste Wereldoorlog dacht ik dat die klachten een goed excuus waren om de olie van andere landen in te pikken. Vandaag schatten geologen echter dat met de huidige graad van consumptie de Amerikaanse olievoorraden nog maar voor 25 jaar zullen volstaan. Anderen schatten de voorraden op veertig jaar. We zullen echter zien dat binnen 25 tot veertig jaar de VS meer dan tien keer zoveel olie zullen krijgen via hun industrie en hun oorlogsschepen.”

Amerikanen verliezen greep

Olie is echter maar één reden voor de Amerikaanse agressie en terreur. Naast de economische en financiële redenen zijn er ook politieke en sociale redenen. Het is nodig om ook die factoren dialectisch te vatten, te analyseren en te begrijpen. Een van de belangrijkste redenen voor de imperialistische terreur is de diepe crisis van het Amerikaanse kapitalisme. Hierdoor ontstond politieke chaos die het vertrouwen in de Amerikaanse heerschappij ondermijnde. Sinds 9/11 werden 3 miljoen Amerikanen werkloos. Vijfendertig procent van de Amerikanen leeft onder de armoedegrens van de ontwikkelde landen. De criminaliteit neemt almaar toe. De Amerikaanse heersende klasse propageert zodoende de ‘oorlog tegen de terreur’ om zo de aandacht van de crisis af te leiden, de arbeidersklasse schrik aan te jagen en het zout van de dreiging van het terrorisme op hun wonden van armoede en werkloosheid te strooien.

Om hun economische heerschappij te behouden op wereldschaal waarschuwen zij andere landen met deze militaire terreur. Ook de arbeiders uit de hele wereld worden gewaarschuwd dat indien ook maar iemand iets zou ondernemen tegen het kapitalisme, zij hetzelfde lot beschoren zullen zijn als Afghanistan en Irak. Doordat de crisis echter dieper en dieper wordt, verliezen de Amerikanen echter steeds meer hun greep op de situatie. Zelfs zonder een revolutionaire leiding stapelen de tegenstellingen zich op en worden landen, mensen en leiders ertoe aangezet om de Amerikaanse repressie af te wijzen.

Uit schrik dat uit de huidige crisis een beweging van arbeiders op een klassenbasis zou ontstaan, geven ze anderzijds een vals en reactionair tintje aan dit conflict: de botsing van de beschavingen. Toch is de meerderheid van de huidige islamitische leiders nog steeds een agent van de VS of staan zij onder hun invloed door hun eigen zwakheid en hebzucht. De mullahs en de fundamentalisten hebben immers net zoveel schrik van klassenstrijd als de Amerikaanse imperialisten. Ze zijn in het verleden door het imperialisme gebruikt en dat zal in de toekomst nog gebeuren. Onlangs nog in Pakistan was Maulana Fazl-ur-Rehman kandidaat eerste minister en toen hem gevraagd werd of de Amerikanen zich niet zouden verzetten tegen zijn kandidatuur, antwoordde hij: “We hebben in het verleden met hen samengewerkt, dus waarom in de toekomst niet?”

De belangrijkste verklaring voor dit alles is dat de economische belangen van de VS en de fundamentalisten dezelfde zijn, namelijk het kapitalisme. Omdat het kapitalisme in crisis verkeert, komen de verschillende fracties van het kapitaal in conflict met elkaar. Beide fracties noemen dat conflict een ‘botsing van beschavingen’, omdat zij de arbeidersklasse willen winnen voor hun zaak en zij kanonnenvoer nodig hebben. Indien dit een oorlog tussen de islam en de VS is, waarom zijn de meeste van de landen die worden bedreigd door de VS dan geen moslimlanden? Chili, Granada, Vietnam, Mexico, Honduras, Korea, Venezuela enzovoort. Na de Tweede Wereldoorlog werden de grootste imperialistische oorlogen uitgevochten in Vietnam, Korea, Cambodja en Laos. Vandaag is het Amerikaanse imperialisme betrokken in Venezuela, Colombia, Zuid-Korea en vele andere landen in Afrika, Azië en Latijns-Amerika. Geen van die landen zijn moslimlanden.

Daarnaast is het ook een feit dat religie niet het enige kenmerk van een bepaalde beschaving is. Tijdens de laatste duizend jaar is de zogenaamde islamitische wereld nooit dezelfde geweest. De cultuur, de maatschappij en de beschaving van de moslims in Senegal, China, Arabië en het Indiase subcontinent hebben weinig gemeen met elkaar. De moslims hebben er meer gemeen met de lokale niet-moslims uit hun eigen regio dan met moslims uit andere gebieden. Tijdens de laatste honderd jaar zijn er in die gebieden oorlogen en revoluties geweest, net zoals in andere landen in de wereld. Hoeveel moslimlanden zijn er niet geweest waar communistische partijen waren gevormd en waar de strijd voor socialistische revolutie heeft plaatsgevonden? Afghanistan, Yemen, Syrië, Ethiopië, Somalië en andere moslimlanden zijn landen waar revoluties zijn doorgevoerd, weliswaar op een vervormde manier, maar het feodalisme en kapitalisme werden omvergeworpen en deze landen werden tenminste ‘socialistische’ landen genoemd. De grootste communistische partij die ooit gevormd is buiten het Oostblok was in een moslimland, in Indonesië. In 1963 had zij een kader van 3 miljoen leden. Wanneer we de leden van de vakbonden, de boeren-, studenten- en jongerenorganisatie daar bijtellen, bedroeg het ledenaantal van de Indonesische Communistische Partij ongeveer 10 miljoen leden. Dergelijke bewegingen zullen opnieuw opkomen. Om dergelijke revoluties te stoppen, stellen het Amerikaanse imperialisme en de fundamentalisten ons het absurde idee voor van een botsing van beschavingen.

De socialistische revolutie, die zich verspreidt over de hele wereld nadat ze overwint in één land, is de enige kracht die een nieuwe beschaving op een hoger niveau kan doen ontstaan, door de ketens van de private eigendom en de natiestaat af te werpen, door de haat en vooroordelen van het verleden te vernietigen via de moderne technologie en ontwikkeling. Historisch wordt de samenstelling van een maatschappij bepaald door de ontwikkeling van de productiemiddelen en de technologie. Op die economische structuur ontstaan naties, samenlevingen en beschavingen. De samenstelling van een beschaving uit het verleden kan dus nooit de toekomst uitdrukken.

Daarom is de theorie van de botsing der beschavingen historisch verkeerd, verrot, reactionair, desoriënterend en zeer misleidend. De beschaving die zal ontstaan uit de egalitaire internationalisering van de productiemiddelen en de technologie zal gebaseerd zijn op de universele broederschap van alle mensen. Alleen de arbeidersklasse kan vorm geven aan een dergelijke beschaving door alle religieuze en andere vooroordelen van het verleden te vernietigen via een revolutionaire strijd en een socialistische overwinning. Dat zal een beschaving zijn vrij van verdrukking, uitbuiting, barbarij, armoede en ontbering. Dan zal de echte geschiedenis van de mensheid beginnen.

Lal Khan, 22 juni 2004

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lundi, 30 avril 2007

About www.fravahr.org

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About Us

http://www.fravahr.org/

The task of Fravahr.org is bringing the artifacts of the Perso-Aryan vision in a state close to their original and living condition. It would be difficult to say what comprises the Aryan memory and or tradition — what questions, views, and general areas cover the field in a comprehensive way. We find how many open questions are concealed behind the apparently simple word. We do not approach the expressions of the Aryan vision with a preconceived thesis, or view them exclusively within the context of the Mazdaean ideology.

Research in any branch of the Perso-Aryan memory and tradition depends not only on good institutional surrondings, but even more so the availibility of personal help in the form of experienced researches and colleagues showing an interest in the work under research.

The object of Fravahr is double: one, to facilitate the study of the Aryan History ; the other, to stimulate interest in the emergence of the Aryan Ideas and Visions in the formative period.

Here we begin the process of writing a history of Aryan ideas. The works of the Fravahr can justly be regarded as paragraphs, even chapters of the future “History”, as more or less finished blocks of the building being erected. It is hoped that the reconstruction makes an obscure and difficult topic less obscure and less difficult.

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mercredi, 25 avril 2007

Qui suis-je? Fiodor Ungern-Sternberg!

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Erik Sablé

Qui suis-je? Fiodor Ungern-Sternberg
 

Éditeur : Pardès
Pages : 128
Collection : Qui suis-je ?
I.S.B.N. : 2867143829

Le baron Ungern est un personnage exceptionnel qui libéra la Mongolie occupée par les troupes chinoises en 1921.
Ataman cosaque, le baron Ungern vécut une vie d'aventures. Il fut un héros de la Première Guerre mondiale. Il habitera en Transbaïkalie, puis en Mongolie. Il parcourra la Mandchourie, la Chine, et se mariera avec une princesse chinoise. Sa Division Asiatique de Cavalerie sera la dernière armée à se battre contre les troupes communistes. Passionné par le bouddhisme, il s'entourait de lamas. Il rêvait de créer une Asie unifiée qui serait en mesure de lutter contre une Europe qu'il jugeait décadente.
Après la prise d'Ourga, il s'empressa de remettre sur le trône le Koutouktou, l'équivalent mongol du Dalaï-Lama. Cependant, en ce qui concerne la personnalité du baron Ungern, la légende a souvent remplacé la vérité historique. On a affirmé que le baron était un être cruel, un fou paranoïaque et sanglant, on lui a attribué une pensée proche du paganisme. Maintenant, avec l'analyse de documents récemment sortis des archives ou de témoignages, comme celui de Perchine, nous pouvons avoir une idée beaucoup plus juste de ce qu'il était réellement.
En fait, ce n'était pas le baron Ungern qui était fou et sanglant, mais l'époque dans laquelle il vivait. Le baron apparaît, au contraire, comme un individu d'une rare droiture, dénué d'ambitions personnelles, sincère, modéré dans ses actions, cultivé et beaucoup plus humain qu'il ne semble, malgré ses discours enflammés.
Avec ce " Qui suis je ? " Ungern, pour la première fois en français, nous pouvons avoir une vision plus juste du caractère et des buts du baron von Ungern Sternberg.

 

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dimanche, 22 avril 2007

Turquia contra Bizancio, Turquia contra Europa

Ernesto MILA / http://infokrisis.blogia.com/2006/ :

Turquía contra Bizancio. Turquía contra Europa

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Infokrisis.- No puedo evitar, al escribir estas líneas, dedicar un recuerdo y un homenaje a Francisco de Toledo, noble castellano muerto en combate, en el asedio a la Puerta de San Romano, combatiendo codo a codo con el emperador Constantivo IX, y a Pére Julia, cónsul catalán, ejecutado ominosamente junto a sus últimos combatientes, oriundos de este lado del Mediterráneo, el último día del asedio a Constantinopla en el año 1453. Ellos supieron donde estaba el “lugar justo” para luchar y morir.


Turquía contra Bizancio, esto es, Turquía contra Europa

“Ya hace 550 años que no está el emperador para dirigir los asuntos terrenales; ya no hay logotetas ni strategos ni drungarios, y ningún sebastocrátor cruza a caballo con su guardia Macedonia para dar órdenes directas del emperador a los gobernadores de Bulgaria o Serbia o el Peloponeso; ya no hay monjes en los monasterios de la capital que discutan sobre la naturaleza de Cristo o sobre el significado de los íconos mientras pasean por los jardines aledaños; no hay más soldados que se apresten a defender sus tierras de las invasiones enemigas; no están más los ricos estancieros de Anatolia que proporcionaban enormes contingentes de tropas y los mejores generales nacidos en sus propias familias a los emperadores; nunca más el pueblo bizantino entraría a Santa Sofía para sentir esa emoción indescriptible de encontrarse con Dios, el emperador y el patriarca todos juntos, y disfrutar de esas luces cambiantes a cada minuto que entraban por las aberturas de la famosa cúpula, de los colores indescriptibles e iluminados de las cuentas de los hermosos mosaicos de sus paredes, de ese sonido único cuando todos están rezando y el eco vuelve enternecedor y soberbio; no están ya los marineros que prestos acudían de puerto en puerto combatiendo a todos los que osaban entrar en aguas del imperio; ya no habrá casas libres con íconos en su interior a los cuales poder rezar largamente y pedirles salud, bienestar y solución a sus problemas; no hay más sublevaciones contra los emperadores injustos o pecadores; no hay más embajadores con regalos para los potenciales aliados, no hay más romanos en este mundo”.

Rolando Castillo (septiembre 2003)

imperiobizantino.com

 

Cuando cae Constantinopla en poder de los turcos, es todo un viejo orden el que se desploma, hasta el punto de que los historiadores consideran que el episodio marca el fin de la Edad Media y el inicio de la Edad Moderna. Hoy, nuevamente, por azares del destino, los descendientes de los conquistadores de Constantinopla, corren el riesgo de provocar un cataclismo en la Europa integrada. Hoy, cuando han pasado más quinientos cincuenta años de la caída de la ciudad, todavía subsisten algunos conflictos derivados de aquel episodio. Que se le pregunten a los griegos, durante cuatrocientos años sometidos al yugo turco y que hoy mantienen todavía abierto el contencioso de Chipre. Así mismo, buena parte de las “guerras balcánicas” de los años 90 no fueron sino el producto del desorden provocada por la conquista otomana. Por que, los turcos tomaron Constantinopla, pero no se detuvieron en Constantinopla. De hecho, si Austria es el país de la UE, que más activamente se ha opuesto al ingreso de Turquía es a causa del mal recuerdo que dejaron los otomanos en los dos cercos que realizaron a Viena.

Porque lo que empezó en Constantinopla, terminó en Viena. Vale la pena evocar el episodio más traumático con el que concluyó la Edad Media.

Constantinopla, la ciudad inexpugnable, cien veces asediada

Cuentan las crónicas que era una hermosa ciudad, sin parangón durante siglos en Oriente. Había sido fundada en el 324, justo en el mismo lugar en el que diez siglos antes, los griegos de Megara, fundaron la colonia griega de Bizancio. Su historia fue atribulada y difícil y a lo largo de sus algo más de mil años de vida, raro fue el período en el que gozó de paz permanente. La ciudad llevaba el nombre de su fundador: Constantino el Grande.

Había algo mítico en aquella ciudad. Y como en toda mitología, también en Constantinopla, hubo un Hércules. Fue, en efecto el César Augusto Flavio Heraclio, quien asumió las riendas del imperio desde el 610. Era hijo y nieto de conquistadores y desde que su padre se sublevó en Cartago dos años antes, había ido de victoria en victoria, aproximándose cada vez más a la capital imperial, en busca de su recompensa, la corona imperial, usurpada por su rival, el general Focas. El usurpador, que se había hecho con el poder seis años antes, vio como su guardia de élite, los Excubitores, se pasaban a Heraclio que pudo entrar en Constantinopla sin resistencia. Focas, acto seguido, fue ejecutado. Sólo entonces fue consagrado emperador. Le esperaba un trabajo digno del héroe mítico cuyo nombre ostentaba.

En aquellos momentos, el Imperio Romano de Oriente se estaba desplomando, amenazado por los ávaros en los Balcanes, mientras, los persas habían adelantado sus líneas hasta Siria y ocupado Antioquia.

En un primer momento, Heraclio no consiguió detener a los persas que conquistaron Egipto, Damasco y Jerusalén en el 614. Si en Egipto se había perdido la provisión de grano para Bizancio, en Jerusalén había resultado saqueada la Iglesia del Santo Sepulcro y los infieles se habían apoderado de la Vera Cruz. Los persas consiguieron penetrar en la península Anatolia, hasta el punto de que desde Constantinopla podían verse las hogueras del campamento que habían establecido los persas sobre el Bósforo. Hubo un momento en el que Heraclio pensó en abandonar la capital, pero se impuso la fuerza de su nombre y, finalmente, optó por reconstruir el ejército y reformar la administración. Demostró ser un hábil estratega y un enérgico organizador.

En lugar de afrontar a los persas al otro lado del Bósforo, prefirió atacarles en su territorio, derrotándoles en Capadocia y rematándolos en la batalla de Nínive; pero los ávaros se abalanzaron sobre Constantinopla, defendida por el patriarca Sergio quien consiguió rechazar el ataque. Era el año 627. Bizancio pudo recuperar todos los territorios usurpados por Persia en la contraofensiva que supuso el principio del fin para la dinastía sasánida. Podemos imaginar la grandeza y la gloria con la que Heraclio volvió a Constantinopla el 14 de septiembre del 628. Parecía como si los antiguas días de esplendor se hubieran recuperado. Pero aún le quedaba a Heraclio llegar hasta Jerusalén y restaurar la Vera Cruz en la Basílica del Santo Sepulcro, para alcanzar la cúspide de su prestigio. Pero las cosas no iban a ser tan fáciles.

No lejos de allí, Mahoma acababa de federar distintas tribus de la Península Arábiga y se lanzaba a conquistar el mundo para mayor gloria de Alá. En el 634, los árabes conquistaron Siria, Palestina y Egipto y dos años después derrotaban al ejército bizantino, en Yarmuk. Bizancio nunca más volvería a recuperar estos territorios. El Islam había irrumpido en la Historia.

A mediados del siglo X un general victorioso, Nicéforo Focas había destacado en la conquista de Creta y en la derrota definitiva de los islamistas de Saif-ad-Dawlah, en Alepo. Cuando falleció el emperador Romano II, su esposa, Anastaso, asumió la regencia en nombre de sus hijos, pero dado que su situación es precaria, busca apoyos y pronto recurre a Focas. Éste, embriagado por sus victorias, busca el poder absoluto y lo obtiene el 14 de Agosto del 963 cuando sus soldados le proclaman emperador en Cesárea. Una breve lucha contra los partidarios de, José Bringas, que fuera ministro de Romano II, le dio el poder. Focas tampoco se conformó con ser el favorito de Anastaso –que, a todo esto había asumido el nombre de Teofano- así que se casó con ella y fue elevado a la púrpura imperial. Considerado por algunos historiadores como usurpador, Focas fue un gran emperador que conquistó o recuperó amplias extensiones para el Imperio y cuya actividad bélica no tuvo límites tanto hacia los Balcanes como hacia Asia.

Pero todas las guerras son caras y se financian mediante impuestos, así que la población empezaba a oponerse a su política. Para colmo, las largas ausencias del lecho conyugal, habían impulsado a la emperatriz a llenar el vacío con un amante Juan Tsimiscés, no menos ambicioso que lo había sido Focas en su juventud. Era inevitable que Tsimiscés terminara aspirando a algo más que a dar y recibir placer de la emperatriz. En cuanto a esta, prefería la seguridad del poder, a las guerras sin fin, así que ambos conspiraron para eliminar al emperador. Tsimiscés, en cuanto tuvo la autorización de la emperatriz, fue implacable. En la noche del 10 de diciembre del 969, se introdujo con un grupo de guardias de corps en la habitación del emperador y lo asesinó mientras dormía. Así era Bizancio, un lugar en el que los actos de heroísmo se alternaban con las abominaciones más absolutas.

Lo que va de Heraclio a Focas es un largo período de enfrentamientos con el Islam que no iba a finalizar sino hasta la caída de Bizancio en 1452. El Islam se estrelló en las murallas de Constantinopla en seis ocasiones. En 674 los árabes aparecen por primera vez ante los muros de Constantinopla en donde permanecerán cuatro años, hasta que Constantino IV, logre derrotarlos gracias a la marina bizantina. Treinta años después, León III debe afrontar un nuevo ataque árabe que será neutralizado gracias a la acción conjunta de fuerzas terrestres y navales. Pasarán tres siglos antes de que un pueblo turco asedie nuevamente la ciudad. En esta ocasión serán los cruzados en 1098 quienes se desviaron de sus objetivos en Tierra Santa e intrigaron para conquistas la ciudad.

Los musulmanera volverán en 675, 676, 677, 678, y en 717/718. Luego seguirían más ofensivas. Tras la derrota de Manzikert en 1071, cuando Romano I Diógenes es derrotado por los turcos seléucidas que lo capturaron, Manuel Comneno sufre una terrible derrota en 1176 y, en pocos años, se pierden Tracia, Macedonia, Grecia y las costas del Asia Menor. Las cruzadas aportan nuevos factores de inestabilidad a Bizancio.

En 1204, francos y venecianos de la IV Cruzada penetran en la ciudad y la saquean. Los bizantinos, con Miguel VIII Paleólogo, solamente conseguirán recuperar la ciudad en 1261 con apoyo genovés. Y, luego, sin detenerse, recupera buena parte del Imperio, pero no consigue hacerse con parte del Peloponeso, Atenas, Creta, Trebizonda y varios puertos que quedaron en manos venecianas. Cuando los bizantinos entran en Constantinopla la encuentran abandonada, pestilente y con malas hierbas enseñoreándose de las calles. La decadencia bizantina se inicia en ese momento, no por que la ciudad fuera imposible de reconstruir, sino por que los turnos otomanos asoman en el horizonte y, a partir de ese momento, hacen imposible la vida a los herederos de Constantino el Grande.

A mediados del siglo XIV, el Imperio Romano de Oriente ya se habían perdido las provincias occidentales. Los turcos habían penetrado en los Balcanes, apoderándose de la actual Bulgaria, Serbia y Albania. Tracia se encontraba cercada y aislada del resto del mundo, sumida en guerras civiles y “discusiones bizantinas”. Ignorada por Occidente que, tras la retirada de Tierra Santa ya no miraba hacia el Este, el Imperio estaba aislado y, lo que es peor, situado en la línea del frente contra el Islam.

Lo único que impedía a los turcos apoderarse de la ciudad era la triple muralla que la protegida, considerada inexpugnable durante siglos. El final se aproximaba inexorablemente y en esta ocasión, ya no aparecería un personaje providencial capaz de operar un milagro salvador. Los descendientes de Augusto y Constantino el Grande ya no estaban en condiciones de salvar a la ciudad. Apenas territorios en el Peloponeso y pequeñas porciones de Tracia seguían en poder del acosado imperio. Bizancio, en ese momento, no debía tener más de 50.000 almas. Pero los últimos bizantinos se negaban a pagar tributo a los sultanes otomanos, cerrar sus iglesias y renunciar a su gran tradición secular. En el siglo XV, lo único que le quedaba a Constantinopla era el recuerdo de haber sido la “Nueva Roma”, la ambición de obstinarse en sustentar que su cristianismo era el más “ortodoxo” del mundo y, finalmente, su realidad comercial.

A decir verdad, desde 1204, la ciudad había demostrado ser vulnerable y el Imperio evidenciado su debilidad ante toda Europa. Entonces, los cruzados francos y venecianos, sintiéndose engañados por Alejo IV, a causa de promesas incumplidas, asaltaron la ciudad logrando penetrar por unas tuberías que horadaban la muralla, mientras sus agentes en el interior causaban importantes incendios. La ciudad fue saqueada e incendiada. A partir de ese momento, jamás volvería el esplendor de los viejos tiempos, a pesar de los esfuerzos titánicos de algunos grandes emperadores como Miguel VIII Paleólogo que reconquista la ciudad en 1261, pero no puede evitar que el mito de su invulnerabilidad se haya disipado.

En 1354, los turcos ponen pie por primera vez en tierra europea, en Gallípoli. Su ejército en esa época es un poderoso mecanismo militar modelado por el sultán Orján (1326-1369), organizado en cuatro pilares: una milicia (los timar y ziamet); los sipahis o grueso del ejército (infantería, servicios generales...); los bashi-bazuk (unidades irregulares dedicados al pillaje), y los jenízaros. Estos últimos constituían la fuerza de mayor prestigio (hasta el siglo XIX en plena decadencia otomana), estaba formada por jóvenes cristianos entregados por sus familias como tributo forzoso; desde muy niños eran educados en el Islam y sometidos a una férrea disciplina militar. Unos 15.000 jenízaros participaron en la toma de Constantinopla en 1453. Fue el desquite al fracaso de su primer asalto en 1359, cuando solo consiguieron apoderarse de las ciudades bizantinas en Europa. El nuevo cerco de 1394 sume a la ciudad en la hambruna más absoluta. Paradójicamente, son los mongoles de Tamerlán quienes, indirectamente, salvan Constantinopla, derrotando al sultán turco Bayaceto el 1402 en la batalla de Ankara. Nuevo asalto turco en el 1411 y nuevo fracaso. Y otra vez en el 1422, Murad II vuelve a probar suerte. Fracasa, pero no por méritos propios, sino porque en su retaguardia ha estallado una rebelión que algunos, dentro de Bizancio, consideraron milagrosa. Pero se engañaban. Constantinopla se había salvado por última vez aunque los turcos lograron hacerse con los Balcanes. Y llegó 1453.

El nuevo cerco de la capital imperial

En ese momento, la ciudad se encontraba arruinada y empobrecida, nada quedaba en ella de los antiguos fastos imperiales y del lujo y la riqueza que en otro tiempo la habían aureolado. La devastación de 1204 se lo había llegado todo. Dentro mismo de la ciudad, solares y patios de edificios públicos se utilizaban como huertos, las vacas incluso pastaban en los jardines del palacio real que, por lo demás, se utilizaban como cementerio. Esto ya indica el estado en el que se encontraba la corte. Apenas vivían en la capital unas 50.000 personas de las cuales, entre un 15 y un 20% debían ser extranjeros. Ya no existían grandes avenidas pobladas con estatuas de los grandes hombres del pasado; tan sólo quedaban las peanas vacías y los palacios de piedra y mármol habían dado paso a cabañas de madera. Eran raros los que podían permitirse un vestido en condiciones, quizás solamente los cambistas, comerciantes y marinos que tenían contacto con otros puertos. Constantinopla había perdido, en un lento goteo, a sus élites que, desde el siglo XIII, preferían trasladarse a las provincias occidentales y, cuando estas se perdieron, su diáspora les llevó incluso hasta Portugal. Lo que habían dejado atrás era una ciudad fantasma cuyos habitantes vivían la realidad de otro tiempo y se obstinaban en sus pasados laureles y en el poder de la fe para convencerse de que podrían resistir a los turcos.

Pocos personajes hay en la historia que hayan suscitado tantas polémicas como Mahomet II, denostado como infame criminal por su detractores, capaz de matar a su hermano y redactar una ley que permitía a los gobernantes asesinar a todos sus parientes para evitar conflictos de sucesión. Con estos antecedentes, resulta difícil para sus defensores sostener que se trató de un gobernante ponderado, intelectualmente capaz y estratega brillante. Es posible que fuera lo uno y lo otro. La cuestión es que su figura no deja indiferente a los historiadores. Este personaje se hace cargo del sultanato en 1451 y en su mente tiene una idea fija, casi una obsesión: conquistar, de una vez por todas, Constantinopla. Para ello cuenta con un arma nueva y definitiva: el cañón. Y sabe emplearla. Tienen razón los que dicen que es un hábil diplomático. Negociará tratados comerciales con Venecia, evitando así que, a la hora de la verdad, se comprometiera en la defensa de la ciudad, como otras veces había hecho. ¿Por qué le interesaba Constantinopla? No seguramente por sus tesoros –que ya no existían-, ni por los tributos que podían pagar sus ciudadanos –empobrecidos y limitados-, sino por su valor estratégico y también, seguramente, por que ansiaba el poder y la gloria. ¿Y qué mejor laurel que conquistar la ciudad que un día fuera la más populosa del orbe. Los sultanes anteriores a Mahomet II, habían intentado saquear la ciudad, pero cuando comprobaron que el esfuerzo a emplear era superior a los beneficios a obtener, desistieron. Mohamet II albergaba un plan más ambicioso: convertir la ciudad en la capital de su Imperio. Y con esta idea se planto ante los muros de Constantinopla en abril de 1453.

Frente a él tenía a un adversario notable. Constantino el Grande estaría en el origen de la ciudad y del Imperio Romano de Oriente y otro Constantino, el XI, último de los paleólogos, estuvo al frente de la ciudad en su fina. Nacido en el Peloponeso y formado en el neoplatonismo, era todavía un joven cuando había conquistado la península de Morea y el ducado de Atenas. Fue soldado antes que emperador, y sólo abandonó las armas el tiempo suficiente para ser consagrado emperador. Cuando advirtió movimientos en las tropas de Mohamet II, supo inmediatamente el peligro que corría; almacenó todos los víveres que pudo encontrar, reforzó las defensas y buscó apoyos. Pero sus llamamientos a Occidente cayeron en saco roto. Bizancio les parecía muy lejano a los reinos cristianos que, en ese momento estaban sufriendo profundas transformaciones que culminarían en la formación de los Estados Nacionales y en una mayor concentración de poder. Con Constantino XI se percibe de nuevo el fuste de la raza de los césares que construyó la grandeza de Roma. Lamentablemente, el gran emperador había llegado demasiado tarde, cuando Constantinopla era demasiado débil y su adversario estaba en su mejor momento.

La ciudad estaba defendida por una mítica muralla que había acababa de cumplir mil años. Edificada por Teodosio II, las obras habían comenzado en el 412 y se prolongaron hasta el 447. Ciertamente, la muralla había sido restaurada y reconstruida en algunos tramos, pero no difería en gran medida de la originaria. Se prolongaba por espacio de seis kilómetros y estaba compuesto por una doble muralla a la que se unía un foso con parapeto de casi 20 metros de ancho. Se decía que la vista de ese foso era suficiente para desanimar a los sitiadores ante la imposibilidad de cruzarlo. Tras el foso se encontraba una franja despejada de 15 metros de anchura hasta llegar a las murallas. La primera estaba constituida por muros de 2 metros de ancho y 8 de alto. Cada 75 metros había un torreón fortificado. Tras esta sistema defensivo, se abría otra franja despejada, de 18 metros de anchura, que terminaba en la segunda muralla, compuesta por paredes de 5 metros de ancho y 13 de alto reforzada con un centenar de torreones (uno cada 60 metros) de 15 metros de altura. El sistema de construcción de las partes superiores de los muros (formados por adoquines, argamasa y ladrillos) estaba estudiado para que los cañonazos o las piedras de las catapultas destruyeron sólo los puntos en los que impactaban, pero no debilitaran las zonas adyacentes. Los 13 kilómetros de costas estaban defendidos por una muralla de 12 metros de altura y 300 torreones. No es raro que los musulmanes se hubieran estrellado en media docena de ocasiones.

Mahomet II era un decidido partidario de incorporar nuevos aumentos a su ejército. Hasta ese momento el cañón se había utilizado esporádicamente en algunos combates, pero nunca como elemento táctico. Mahomet II utilizó diestramente la artillería en el sitio de Constantinopla y dispuso de 12 grandes cañones que dispararon en total un promedio de 120 balas por día a lo largo del asedio. La mayor de estas piezas, pesaba 9 toneladas y debió trasladarse desde Adrianápolis (donde fue diseñado y fundido por el húngaro Orbón que había intentado antes vender sus servicios a Bizancio) hasta Constantinopla, arrastrado por 15 yuntas de bueyes y un centenar de soldados.

Los artilleros otomanos concentraban el fuego de las piezas en determinados paños de la muralla, apuntando en las partes más bajas. Cuando, ésta estaba horadada, elevaban el tiro para abrir una brecha vertical, hasta que se producía un derrumbe. En ese momento, debían acudir tropas bizantinas para taponar el asalto y, paralelamente, era preciso movilizar más efectivos para reconstruir como se pudiera el paño destrozado. Esto no hubiera supuesto un grave contratiempo si no hubiera sido por que la ciudad apenas había podido movilizar 8.000 soldados para asegurar su defensa. Excesivamente poco para ocupar los 475 torreones y mucho menos para afrontar un asalto tácticamente brillante. Se desconoce exactamente el número de combatientes otomanos, pero se estima que no debieron ser manos de 100.000 ni más de 200.000.

Además de la artillería, los otomanos contaban con 400 galeras de combate. Buena parte de la ciudad daba al mar y, por tanto, lo adecuado era contar con una flota capaz de neutralizar cualquier peligro llegado del mar. Pero Constantinopla apenas contaba con 28 galeras y una cadena de hierro, tendida de orilla a orilla de la entrada del puerto, el Cuerno de Oro.

Los refuerzos que llegaron fueron insuficientes, aunque valerosos. Giovanni Giustiniani Longo, genovés, había llegado con 700 combatientes. Pero los genovesas, propietarios de Gálata (junto a Constantinopla), se negaron a apoyarles y prefirieron pagar tributo al sultán. Sin embargo, el ejemplo de Longo sirvió para que algunos habitantes de Pera y genoveses que se encontraban en ciudades vecinas, se sumaran a la defensa. Un pequeño contingente veneciano, dirigido por Gabriel de Treviso y Alviso Diego, al igual que el cónsul catalana-aragonés, Pere Juliá y algunos marinos catalanes se unieron a la defensa en la muralla de Mármara, así como don Francisco de Toledo, noble castellano, primo del emperador. Todos estos efectivos y las tropas bizantinas fueron colocados en el muro exterior para intentar frenar el primer ataque, mientras en la segunda muralla se colocó un número menor de soldados encargados de manejar más catapultas.

Los primeros ataques

El 2 de Abril de 1.453 las vanguardias turcas plantas sus tiendas ante las murallas de Constantinopla. Algunas unidades bizantinas salen a su encuentro, pero cuando comprueban la desproporción de efectivos, vuelven grupas y regresan a las defensas. Tres días después llega el sultán y establece su estado mayor a quinientos metros de la muralla. El 6 de Abril, Mahomet II envía emisarios a la ciudad para exigir la rendición. Al día siguiente comienza el asedio con un cañonazo sobre la puerta de San Romano, en lo que se consideraba la zona más débil de la defensa. A esa zona se desplazaron los genoveses de Giustiniani para reforzar la defensa y en esa zona permanecerían a lo largo de todo el asedio.

La barbarie del asaltante se demostró el día 9 de abril, cuando el sultán ordenó empalar a algunos prisioneros en un lugar bien visible por los defensores. Era la forma de recordarles el castigo que les esperaba de proseguir la lucha. Y también una prefiguración de lo que vendría. Pero este acto de barbarie primitiva no arredró a los defensores. Todos los ciudadanos bizantino, durante las noches, contribuyeron a la defensa, llenando sacos terreros y obstruyendo con ellos los huecos abiertos por la artillería otomana en las murallas.

Cuando Mahomet II juzgó que los paños de muralla situados en torno a la puerta de San Romano se encontraban ya muy deteriorados, ordenó un primer asalto. Algunos historiadores describen aquel envite con tintes apocalípticos. Los otomanos, haciendo sonar trompas guerreras y tambores, se lanzaron gritando, entre enloquecidos y exaltados, al asalto. Gustiniani y sus genoveses defendieron durante todo el día el sector, mientras Constantino se desplazaba de un lado a otro de la muralla, temiendo lo que la lógica militar hubiera impuesto: el que los otomanos lanzaran ataques simultáneos en otros puntos. El error de concentrar fuerzas en un solo sector, permitió que la defensa fuera eficaz y al caer el sol, los otomanos terminaron por retirarse dejando varios miles de muertos ante los muros. Esta victoria, así como la batalla naval que tuvo lugar, dos días después, y que permitió que cuatro buques llevaran provisiones a la ciudad, hizo pensar a los defensores que la victoria era posible. Pero no lo era.

A poco de comprobar la derrota de sus naves, Mahomet II, optó por bombardear a la flota bizantina y desplazar el peso del ataque en el mar y evitar las dificultades que acarreaba el intentar traspasar la cadena que cerraba el acceso al Cuerno de Oro. Para ello, construyó un camino de madera que bordeaba el barrio genovés de Pera, por el que se podían deslizar con facilidad los buques otomanos. Concluido el camino, en pocos días se deslizaron setenta barcos otomanos que atraparon a la flota bizantina entre dos fuegos. La zona que, hasta ese momento se consideraba segura y bien protegida, había dejado de serlo. La muralla del mar se había convertido en otro frente de combate que obligaba a los bizantinos a dilatar aún más a sus escasos defensores. Ahora bien, esta victoria de Mohamet se había debido a dos factores: la colaboración de ingenieros italianos que diseñaron el camino de madera y la neutralidad de la abundante colonia genovesa de Pera que, al permanecer neutral sentenció la suerte de la capital. En mayo las cosas se pondrían aun peor.

El emperador pensó en abandonar la ciudad e intentar reunir tropas en la península de Morea para contraatacar, pero, finalmente, cuando la situación se tornó irreversiblemente adversa, optó por quedarse en la plaza y seguir el destino del resto de combatientes y ciudadanos. Los bombardeos sobre la muralla prosiguieron, el contraataque de los marinos venecianos fracasó y el propio almirante Giuseppe Coco murió en el intento. A partir de ese momento, los marinos venecianos abandonaron sus barcos y se integraron en la defensa de la ciudad. Nuevos ataques lanzados sobre la zona de la Puerta de San Romano, alcanzaron una violencia inusitada. Los atacantes escalaban la montaña de cascotes, sacos terreros, barriles y vigas que sustituía a la muralla exterior destrozada por tres semanas de cañonazos. Otro ataque en la zona de Blaquernas que fue rechazado a pesar de que, también en este sector, la muralla empezaba a estar extremadamente deteriorada. Las pérdidas otomanas empezaban a ser preocupantes.

Era evidente a estas alturas que Mahomet II intentaba concentrar los ataques en dos zonas, la de la Puerta de San Román y, por extensión, todo el sector del Mesoteichion, y la zona de Blaquernas. A mediados de mayo, en estos tramos, el primer muro defensivo estaba muy debilitado, a pesar de que los bizantinos habían conseguido obturar los huecos. Para colmo, en Blaquernas se detectó que los otomanos estaban cavando una mina bajo la puerta Caligaria. En los días siguientes otras minas fueron localizadas en otros puntos. Sin embargo, el riesgo fue conjurado por la audacia del megaduque Lucas Notaras que consiguió cavar túneles contraminas. La táctica consistía en aproximarse al túnel adversario y obturarlo con pólvora, o bien inyectar agua o humo. Las torres de asalto utilizadas por los otomanos fueron, así mismo, destruidas mediante barriles de pólvora. Los asaltantes utilizaban estas torres para proteger a los soldados que intentaban arrojar escombros y pasarelas sobre el foso situado ante la primera muralla.

El fracaso de las minas, la destrucción de las torres de asalto y la imposibilidad para la flota otomana de superar la Cadena de Oro, unido a las altas pérdidas que estaban sufriendo los atacantes, indujeron a Mohamet II a enviar una embajada a la ciudad con la propuesta de perdonar la vida del Emperador y de sus defensores a cambio de un tributo de sumisión. Pero el tributo era tan alto que hubiera resultado imposible de cubrir. Así que Constantino IX respondió que, tanto él como los habitantes de la ciudad, estaban dispuestos a morir. Y así era, porque el barco enviado para comprobar si llegaban refuerzos venecianos, solamente había regresado para anunciar que no habría apoyo de Occidente, la ciudad estaba sola y debería afrontar su destino. Los marinos enviados, regresaron conscientes de que volver implicaba necesariamente morir.

Cuando la luna entre en cuarto menguante…

Una antigua profecía aseguraba que la ciudad jamás caería mientras la luna estuviera en cuarto creciente; al día siguiente de difundirse la noticia de que la ciudad no recibiría ayuda, la luna estaba en plenilunio, al día siguiente se iniciaba el cuarto menguante. Por si estos sombríos presagios fueron poco, en la noche del 25 de mayo se produjo un fenómeno todavía no explicado; un extraño resplandor y lo que ha sido definido como “extrañas luminosidades”, fue visto por todos. Los otomanos lo interpretaron como signo de victoria y otros como presagio de que el Imperio estaba viviendo sus últimos momentos. Pero las cosas tampoco iban excesivamente bien para los otomanos; habían aparecido síntomas de cansancio. En mes y medio de asedio, solamente habían conseguido destruir algunas zonas de la muralla y esto a costa de elevadísimas pérdidas. Así pues, también para Mohamet II, la situación era acuciante y decidió que era hora de jugársela el todo por el todo y lanzar un asalto final con todas las reservas disponibles.

Los preparativos de este asalto, no pasaron desapercibidos del lado bizantino y los defensores de la ciudad se prepararon para el final. Toda la ciudad asistió a los que presentían iban a ser los últimos oficios en Santa Sofía. El 29 de mayo, con la luna en cuarto menguante, tal como pronosticaba la profecía, Mohamet II inició el ataque, en plena noche, mucho antes de que despuntara el sol.

Los atacantes no eran sólo otomanos, la vanguardia estaba formada por mercenarios reclutados en los Balcanes, pero también había alemanes e italianos, atraídos por la paga y la peripecia de un seguro botín. Tras ellos, para asegurar su fidelidad, los jenízaros, seguían su ataque con la orden de eliminarlos si intentaban desertar. Se trataba de una fuerza militar extremadamente desorganizada y que quizás, hubiera resultado efectiva ante defensas más modestas o en combates en campo abierto, pero no, desde luego, ante las murallas de Constantinopla. Aunque los defensores estaban extremadamente debilitados, cansados, muchos de ellos heridos, y el primer cinturón defensivo en la zona de San Romano, no era más que un montón de ruinas, el ataque logró ser neutralizado. En esta ocasión, Mohamet II, multiplicó ataques en otros puntos, con la intención de que no pudieran ayudar a Giustiniani y a sus combatientes. La estrategia consistía en irlos debilitando progresivamente, para, más adelante, concentrar allí el ataque final.

A poco de ser rechazado el primer (y desorganizado) ataque, Mohamet II lanzó el segundo, cuando aún no habían terminado de retirarse los mercenarios, cuya indisciplina y desorganización, contrastaba con la férrea disciplina de los anatolios que lo protagonizaron y que aspiraban a ser los primeros que entraran en la ciudad. Aún no había amanecido cuando los anatolios cargaron. Una vez más, los defensores resistieron, pero cuando los atacantes estaban a punto de retirarse, un providencial cañonazo derribó un paño de muralla lo que les animó a avanzar de nuevo. Se combatía sobre las ruinas y algunas unidades lograron penetrar en el recinto, pero, al cabo de una hora, el ataque consiguió ser rechazado a costa de pérdidas irremplazables del lado bizantino y de cientos de muertos en el turco. En ese momento, Mohamet II comprendió que rozaba el fracaso, así que dispuso el asalto de la única fuerza de choque que le quedaba intacta, los jenízaros. Estos, recibieron la orden de atacar la Puerta de San Romano.

Este asalto consiguió aproximarse a la muralla y tender escalas. Una tras otra fueron derribadas, pero la línea de resistencia iba debilitándose progresivamente. Constantinopla jamás hubiera caído si sus efectivos militares hubieran contado con cinco mil combatientes más, pero la precariedad de efectivos hacía que cada baja contara como quince de los atacantes. Y, además, estaba el cansancio de los defensores. Como en todo combate, los mejores y más arrojados no tardan en morir. En esa jornada, Giovanni Giustiniani, que había soportado durante mes y medio de ataques, espada en mano, fue finalmente herido por un jenízaro y obligado a retirarse. El Emperador Constantino intentó en persona reforzar la posición, pero cuando los soldados de Giustiniani advirtieron que su capitán había resultado herido (evacuado a Chíos ese mismo día, moriría dos semanas después a causa de estas heridas), se desmoronaron justo en el momento de más intensidad de la lucha. Unos desertaron, otros abandonaron momentáneamente las defensas, y los hubo que, por lealtad, prefirieron no abandonar a su capitán, acompañándole en la evacuación. Ahora sólo quedaban bizantinos en los torreones. Pero la defensa se había hecho imposible.

Bruscamente, los defensores observaron que la bandera turca estaba encima de los torreones de Blaquernas. La vista de la bandera de la media luna ondeando sobre la muralla, enardeció a los atacantes y terminó por desmadejar la defensa bizantina. Solo Constantino, el castellano Francisco de Toledo y un grupo de soldados de su guardia, se abalanzaron sobre Blaquernas para conjurar el peligro. Les parecía imposible que los turcos hubieran conseguido tomar la zona. ¿Qué había ocurrido?

En la muralla de Blaquernas, antiguamente existía una pequeño hueco, que ocasionalmente se había utilizado como vía de huida en caso de emergencia. Dado el riesgo que conllevaba esta “abertura” en la defensa, hacía siglos que estaba tapiada. O quizás fuera por que una profecía aseguraba que por allí penetrarían quienes doblegarían a la ciudad. Durante el asedió, se volvió a utilizar la puerta para lanzar ataques por sorpresa, pero las pérdidas fueron demasiado elevadas y el adversario excesivamente numerosos como para que operaciones de “comando” pudieran debilitarlo sensiblemente. Durante el mismo 29 de mayo, durante el ataque, por esa puerta salieron algunos combatientes que regresaron pronto ante la imposibilidad de obtener éxitos apreciables; es posible que, o bien, los jenízaros siguieran en su retirada a estos bizantinos, o bien supieran de la abertura por una traición. El caso es que por allí penetró un pequeño contingente jenízaro que, ante la dispersión de los defensores, no encontró problemas en ascender a uno de los torreones y desde allí hacer ondear la bandera otomana que se vio desde el frente de San Romano. Sea como fuere el efecto fue demoledor y, aunque el grupo de jenízaros que habían penetrado era minúsculo y hubiera podido ser barrido sin dificultad, en las circunstancias que se estaban dando, suponía un tremendo golpe psicológico. Constantino, Toledo y sus soldados, al ver que lo ocurrido no revestía especial gravedad en ese sector, decidieron volver a la Puerta de San Romano, pero en los minutos que transcurrieron entre estos desplazamientos, ya se había operado el desastre. Los jenízaros dominaban las posiciones y los defensores habían sido destrozados, estaban heridos de gravedad o habían huido pensando que los turcos habían penetrado ya en la ciudad.

Comprendiendo la situación, Constantino, acompañado por Francisco de Toledo, y sus soldados, se despojó de sus insignias imperiales, tomó la espada y cargó, codo a codo, con sus soldados. Nadie sabe exactamente como murió, pero existe la certidumbre de que fue afrontando a los jenízaros ante las ruinas de San Romano. Mohamet II no consiguió identificar el cadáver del Emperador y, una vez más, proliferaron los rumores sobre si había conseguido huir para proseguir la resistencia desde Morea. cargan contra los turcos. Fue la última carga cristiana en Constantinopla. Uno de los episodios más nefastos en la Historia de Europa estaba a punto de consumarse. Quedaba el saqueo de la ciudad.

Se combatió barrio por barrio, calle por calle, casa por casa. Solamente unos pocos defensores consiguieron alcanzar las galeras venecianas y huir, mientras los turcos abrían los portones de la muralla y se desparramaban por el interior de la ciudad. Ese día perdieron la vida entre 3.000 y 4.000 bizantinos. Los catalana-aragoneses que defendían el Palacio imperial continuaron combatiendo hasta la muerte. El cónsul Pere Juliá, fue ejecutado, junto a sus últimos soldados. Los soldados que cayeron presos fueron, así mismo, asesinados, los otomanos solamente perdonaron la vida a unos pocos notables capaces de pagar su libertad y esclavizaron al resto. Cuando anochecía, Mahomet II penetró en la ciudad, ordenó que los edificios públicos y el palacio imperial fueran respetados y, luego, autorizó el saqueo de la ciudad. Sus tropas se vieron decepcionadas. En aquel momento ya quedaba poco por saquear en Constantinopla, su larga decadencia la había desprovisto de riquezas. Santa Sofía fue convertida en mezquita (y lo seguiría siendo hasta ue Kemal Ataturk, la transformara en museo), los bizantinos supervivientes debieron abandonar la ciudad que fue repoblada con turcos. El historiado coetáneo de los acontecimientos, Juan Dlugoz, escribió: “Con las bibliotecas quemadas y los libros destruidos, la doctrina y la ciencia de los griegos, sin las que nadie se podría considerar sabio, se desvaneció."

Las poblaciones “romanas” (o rumís o rhomaíoi) dispersas, no encontraron obstáculos en proseguir con el culto ortodoxo. Como los mozárabes españoles, sus ritos fueron autorizados y adquirieron la condición jurídica de “protegidos” por el sultán, a cambio de pagar un tributo. Poco a poco, despreciados por la población otomano, en condiciones extremadamente desfavorables, asumieron su triste destino. Pero no desaparecieron. Los rumi subsistieron.

A lo largo del siglo XIX, con la descomposición del Imperio Otomano, Grecia y otras regiones recuperaron su independencia. A mediados de ese siglo, algunos intelectuales griegos hicieron todo lo posible por recuperar su identidad y su imperio perdido. Ioannis Kolettis y otro asumieron la “megali idea” (la gran idea, el gran proyecto) cuyo eje no podía ser otro que la recuperación de “sagrada polis” (Constantinopla):"No creáis que consideramos este rincón de Grecia como nuestro país, Atenas nuestra capital y el Partenón nuestro templo nacional. Nuestro país es el vasto territorio en el que se habla la lengua griega y la fe religiosa responde a la Ortodoxia. Nuestra capital es Constantinopla y nuestro templo nacional Santa Sofía, la que fue durante un milenio la gloria de la cristiandad".

Al certificarse el fin del Imperio Otomano, la República de Kemal Ataturk, Santa Sofía deja de ser mezquita y se transforma en un museo, la capital deja de ser Estambul (la vieja Constantinopla) para ser Ankara. Pero la República de Ataturk fue “nacionalista” y no permitió a los rumi expresarse. Hoy, sólo queda la pequeña iglesia de Panagia Mugliotissa, en un barrio hasta hace poco cristiano y desde hace veinte años invadido por islamistas. Allí aún se mantiene el complejo culto ortodoxo y quizás así siga durante unos pocos años. Cuando esta iglesuela cierre sus puertas, el último eco de Roma en Oriente, habrá concluido. Sin embargo, a despecho de todo pesimismo, un viejo proverbio rhomaíoi dice:

“Un Constantino la levantó, un Constantino la ha perdido, un Constantino la tomará…”.

Europa sigue a la espera del futuro Constantino.

(c) Ernesto Milà - infokrisis - infokrisis@yahoo.es

Miércoles, 19 de Abril de 2006 17:26 #.

jeudi, 19 avril 2007

G. Giannettini: empires oécaniques des mers ouvertes et des steppes

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Les empires océaniques des steppes et des mers ouvertes

Guido GIANNETTINI

L'empire qui a connu la plus grande expansion au cours de l'histoire a été celui des Mongols, qui ont proclamé leur chef Djingghis Khan (Gengis Khan), soit le “souverain océanique”. C'est dans ce sens que je vais parler, dans cet exposé, d'“empires océaniques”. Les “empires océaniques” des steppes sont originaires d'Asie Centrale, justement comme celui des Mongols. Les “empires océaniques” des mers extérieures se sont constitués à partir du 16ième siècle de notre ère sous l'impulsion des grandes puissances européennes qui se sont projetées sur les mers du globe.

Il existait toutefois, avant ces deux types d'empires “océaniques”, un type différent, anomal, qu'on pourrait attribuer au type “océanique”: c'est celui qui s'est constitué au départ de l'expansion des cavaliers arabes entre le 7ième et le 8ième siècles de notre ère et qui s'est dissous en l'espace d'un matin. Il s'agit à mes yeux d'une apparition mystérieuse et inexplicable sur la scène de l'histoire. Mais c'est un mystère que je me dois d'expliquer avant de passer à l'argument spécifique de mon exposé.

L'expansion des cavaliers arabes entre le 7ième et le 8ième siècles de notre ère est une expansion veritablement hors norme, que l'on ne pourra pas comparer à un autre exemple historique semblable, antérieur ou postérieur. D'un point de vue géopolitique, cette expansion paraît absurde.

Il n'existe aucun exemple de conquête par voie de terre partie d'une péninsule (la péninsule arabique) qui ait pénétré profondément dans la masse continentale (l'Asie occidentale) puis s'est étendue sur un littoral très long mais sans aucune profondeur (l'Afrique du Nord). Dans tout le cours de l'histoire, on n'a jamais vu quelque chose de semblable. D'un point de vue géopolitique, les conquêtes arabes présentent toutes les caractéristiques des expansions propres aux puissances navales, qui, elles, procèdent par “lignes extérieures”, sur les marges des masses continentales. Dans le cas de l'expansion arabe, nous avons une occupation d'une bande littorale, mais effectuée par voie terrestre.

Les causes de cette expansion hors norme sont au nombre de deux. Tout d'abord, il faut savoir que le désert est comme la mer: on ne peut pas l'occuper, on peut simplement tenir en son pouvoir les oasis, comme la puissance maritime occupe et tient en son pouvoir les îles de l'océan. La seconde cause doit être recherchée dans le caractère fortuit, inconsistent, inexistent des conquêtes —en langue arabe il existe un terme indiquant quelque chose qui n'existe pas, mahjas, dont dérive le mot italien mafia; c'est quelque chose d'inexistent mais qui existe tout de même. Nous avons donc affaire à un empire territorial créé à parti de ce rien qui est tout de même quelque chose.

L'expansion des Arabes au départ de leur péninsule d'origine a été rendue possible par une série inédite de facteurs fortuits, tous concentrés dans le même espace temporel. En premier lieu, l'expansion arabe a bénéficié de la faiblesse intrinsèque, à l'époque, des empires byzantin et sassanide, littéralement déchiquetés par plus de vingt années de guerres ruineuses où ils s'étaient mutuellement affrontés. Cet état de déliquescence mettait quasiment ces empires dans l'impossibilité d'armer des troupes et de les envoyer loin, à mille, à deux mille kilomètres de leur centre, où même plus loin encore, contre ce nouvel ennemi qui déboulait subitement du désert. Pire, il leur était impossible de reconstituer des armées dans des délais suffisamment brefs, si celles-ci étaient détruites. En effet, une puissante armée byzantine avait été anéantie sur le Yarmouk en 636 et une autre, sassanide, avait été écrasée par les Arabes à Nehavend en 642. La raison de cette double défaite était d'ordre climatique: le vent du désert, le simoun (de l'arabe samum), avait soufflé dans leur direction pendant plusieurs jours d'affilée, les avait immobilisés et assoiffés, tandis que leurs adversaires arabes combattaient avec le vent qui les poussait dans le dos, sans qu'ils ne fussent génés en rien par la tempête de sable.

Autre facteur qui a rendu aisée l'expansion des Arabes: les luttes intestines qui divisaient les Byzantins, d'un côté, les Wisigoths d'Espagne, de l'autre. L'empire byzantin venait de traverser une tumultueuse querelle d'ordre religieuse, assortie d'un cortège de violences et de persécutions. Pour toutes ces raisons, entre 635 et 649, les autorités religieuses et les populations ont confié spontanément aux Arabes les villes de Damas, Jérusalem, Alexandrie d'Egypte, de même que l'île de Chypre. Ensuite, à cette époque-là, les autorités musulmanes se montraient tolérantes (au contraire des fanatismes intégralistes que l'on a pu observer par la suite) et se sont empressées de souligner les traits communs unissant les fois chrétienne et islamique. Elles ont accepté que les habitants de confession chrétienne dans les cités conquises exercent librement leur culte et se sont borné à lever une taxe, modérée en regard de ce qu'exigeait auparavant le basileus byzantin.

La conquête de l'Espagne s'est déroulée dans des conditios analogues. Après le décès du roi wisigoth Wititsa, deux prétendants se sont disputé le trône: Roderich et Akila. Ce dernier a fait appel aux Arabes et leur chef, Tariq Ibn Ziyad débarque en 711 dans la péninsule ibérique en un lieu qui porte encore son nom, Gibraltar, de l'arabe Djabal Tariq, “la montagne de Tariq”. Son armée est forte de 7000 hommes, en grande partie originaires du Maghreb. Ils seront suivis par d'autres. Les Arabes et les Wisigoths partisans d'Akila finissent par avoir raison des Wisigoths partisans de Roderich. Ces derniers sont attaqués dans le dos par les Basques et par la communauté juive, qui est particulièrement nombreuse en Ibérie (elle est la plus forte diaspora d'Europe). Les Juifs se soulèvent, équipent une armée et s'emparent de plusieurs villes qu'ils livrent aux Arabes, tandis que les féaux de Roderich commencent à déserter.

Toutefois, les Arabes, malgré ce concours de circonstances favorables, ont eu du mal à briser la résistance des Wisigoths. Ils n'ont pas pu occuper toute la péninsule ibérique, parce que les montagnards du Nord et des Cantabriques ont repoussé toutes leurs tentatives de conquête. Ensuite, après avoir tenté de pénétrer en France, les Arabes sont définitivement vaincus en 732 près de Poitiers. La défaite de Poitiers, ainsi que l'échec de l'attaque contre Constantinople, mettent fin à l'expansion arabe.

Le déclin a été quasi immédiat. A peine 23 ans après avoir atteint le maximum de son expansion  —à la veille de la bataille de Poitiers—  le grand empire arabe de Samarcande à l'Atlantique commence à se désagréger: en 755, le Califat ommayade d'Espagne fait sécession, suivi immédiatement par d'autres Etats arabes séparatistes du Maghreb, d'Egypte et d'Orient. Mais un grand empire avait existé, pendant peu de temps, il n'a tenu que 23 ans!

Un empire rêvé, crée par un peuple de rêve et forgé par une culture imaginée: mahjas. En effet, le peuple arabe, créateur de cet empire, n'était pas un peuple selon l'acception commune, c'est-à-dire la fusion de tribus sœurs issues d'un même désert arabique; il n'allait pas le devenir non plus, mais au contraire, juxtaposer en sa communauté de combat des peuples de plus en plus différents, issus des pays conquis.

Mais la culture arabe, elle, est plus homogène. L'islamisme est une forme de syncrétisme religieux alliant des élements de judaïsme et de christianisme et reprenant à son compte des courants chrétiens considérés comme “hérétiques”. La philosophie arabe est une reprise pure et simple de la philosophie grecque, basée sur la dichotomie Platon/Aristote. Les bases des connaissances mathématiques, astronomiques, géographiques, physiques et même ésoteriques dans le monde arabe au temps de la grande conquête sont d'origines grecque et persane. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la pensée arabe est une pensée ouverte aux cultures grecque et iranienne (car l'ancienne civilisation du pays d'Aryanam n'est pas orientale). C'est patent à l'époque du Califat abasside, quand l'Islam, après la chute de l'empire sassanide, a subi directement et puissamment l'influence des peuples conquis.

L'art arabe en général, comme l'art mauresque en Espagne, est constitué de variantes de l'art roman ou byzantin. Enfin, les chiffres considérés comme “arabes” sont en fait indiens, mais les Arabes les ont transmis à l'Europe. Comme du reste d'autres faits de culture venus des régions indo-européanisées d'Asie, tel le jeu d'échecs, qui est iranien, mais nous est parvenu grâce à la médiation arabe.

En réalité, les Arabes ont surtout exporté leur langue en Afrique et en Orient. Mais comme on peut observer que les langues sémitiques sont très proches les unes des autres, et ne sont finalement que des dialectes d'une même langue, cette similitude a favorisé la diffusion de l'arabe dans de nombreuses régions.

Le grand atout de la culture arabe au temps de la grande conquête a été l'extraordinaire capacité, et même le mérite, d'appréhender sans frein tout ce qui venait d'ailleurs, de le remodeler et de le diffuser tous azimuts. Une telle capacité, même si elle peut être interprétée comme un absence de spécificité propre, a contribué à atténuer les rigidifications à l'œuvre dans le monde entourant les Arabes, rigidités qui expliquent aussi l'expansion fulgurante de ceux-ci, qui serait incompréhensible autrement.

Pendant près de 1800 ans, du début du Vième siècle ap. J.C., jusqu'à l'époque de Gengis Khan, les peuples turcs ont dominé l'Asie centrale septentrionale, puis se sont répandus dans l'Asie occidentale pour donner ensuite l'assaut à l'Europe. Cette phase d'expansion commence vers l'an 1000, quand la domination turque en Asie n'est pas encore achevée. Elle se manifeste surtout dans la longue lutte contre l'empire byzantin, qui se terminera par la chute de Constantinople (1453) et par les raids dans l'espace danubien. La phase descendante commence, elle, par l'échec du siège ottoman de Vienne (1683) et surtout par la reconquête du Sud-Est européen sous l'égide du Prince Eugène, actif dans la région de 1697 à1718, puis de ses successeurs qui guerroyèrent pendant vingt ans pour imposer aux Ottomans la Paix de Belgrade en 1739.

Même sans prendre en considération les 180 dernières années de vie de l'Empire ottoman  —depuis la Paix de Belgrade jusqu'à sa fin en 1918—  nous constatons que l'expansion de cette puissance turque s'étend sur un arc de treize siècles, pendant lesquels les peuples turcs, habitant à la charnière de l'Europe et de l'Asie, ont joué un rôle primordial parmi les protagonistes de l'Histoire. Il ne s'agissait certes pas d'un Etat unique et d'un peuple unique et cette histoire a connu des phases sombres et de déclin, mais cela s'observe également dans l'histoire de l'empire romain ou des empires des divers peuples de l'Iran, les Mèdes et les Perses, les Parthes et les Sassanides.

La préhistoire des peuples turcs présente encore beaucoup de zones d'ombre et d'incertitudes, comme du reste celle des peuples mongols. Malgré ces difficultés, nous pouvons affirmer aujourd'hui que le peuple proto-turc le plus ancien  —le nom “Turc” ne se diffusera qu'ultérieurement—  apparaît sur le théâtre de l'Histoire vers l'année 400 de notre ère: c'est le peuple des Tabgha'c, originaires d'Asie septentrionale, qui, en 70 ans à peu près, domine toute la Chine septentrionale, depuis les Monts Dabie Shan (limite septentrionale des affluents de la rive gauche du fleuve Yang-Tse). Ce sont eux qui fondent la dynastie Wei.

Tandis que les Proto-Turcs Tabgha'c descendent sur la Chine du Nord, en Asie septentrionale, dans la région dont les Tabgha'c sont originaires, se rassemble le peuple des Juan-Juan, connus également sous le nom de Ju-Jan, Ju-Ju ou Jui-Jui. Certains savants les identifient aux War ou Apar ou Avars qui atteindront la Hongrie. D'autres prétendent qu'ils ne sont pas identiques mais parents. Les Juan-Juan étaient des Proto-Mongols, mais leur empire a englobé aussi des peuples proto-turcs ou turcs, paléo-asiatiques et, forcément, des tribus d'autres ethnies.

Vers 520, leur empire commence à s'affaiblir, puis tombe en déclin, à la suite d'une révolte de deux clans que les sources chinoises appellent respectivement les T'u-küeh et les Kao-kü.

Les premiers sont originaires des Monts Altaï et sont les ancêtres des Turcs, le terme chinois T'u-küeh correspondant à Türküt, pluriel mongol de Türk, c'est-à-dire “homme fort” en langue turque. Notons toutefois que quelques auteurs interprètent le terme “Türk” comme un pluriel, “Tür-k”, par analogie à “Tur-an”, pluriel de “Tur”: dans ce cas, il s'agirait d'une reprise par les Turcs d'une dénomination d'origine iranienne, désignant l'“Iran extérieur”. Ensuite, l'autre clan en révolte contre les Juan-Juan était également turc, c'était celui des Tölös, ancêtres des Ouighours.

C'est ainsi que les Turcs, sur les ruines de l'empire des Juan-Juan, ont fondé leur propre empire, s'étendant de Jehol (aux confins de la Mandchourie moderne) jusqu'à la Mer d'Aral, territoire correspondant à toute la zone méridionale du Heartland de Mackinder. Pendant 300 ans environ, l'empire turc  —malgré sa division en deux Etats (quasiment depuis le début), l'un oriental, l'autre occidental—  a dominé le cœur de l'Asie. Puis, vers la moitié du VIIIième siècle, sa partie orientale est absorbée par les Ouighours, eux aussi d'origine turque, tandis que la partie occidentale se fractionne en khanats indépendants.

A partir du khanat des Oghuz, situé dans un territoire au nord du Lac Balkach, se profile d'abord le clan des Seldjouks, qui amorce par la suite un mouvement vers l'Ouest, leur permettant d'abord de conquérir l'Iran oriental, puis l'Iran occidental, ce qui les rend maîtres du versant sud-occidental du Heartland. C'est après la consolidation de cette phase-là de leurs conquêtes, que les Seldjouks se mettent à attaquer l'Empire romain d'Orient (Byzance), bastion avancé de l'Europe contre les invasions venues d'Asie. D'un point de vue géopolitique, il s'agit de la même ligne d'expansion qu'avaient empruntée précédemment les empires iraniens.

Mais les Seldjouks ne sont jamais arrivés en Europe. La dynastie des Osmanli se profile au XIIIième siècle en Anatolie, prend le contrôle de la partie occidentale de l'empire seldjouk et réamorce les pressions expansives en direction de l'Occident. Les Osmanlilar  —pluriel turc qui désigne ceux que les Occidentaux appellent les Ottomans—  s'emparent de toute l'Anatolie et, sans tenter de conquérir l'enclave byzantine que sont Constantinople et la Thrace orientale—  passent en Europe, atteignent le Danube au cours du XIVième siècle. Ce n'est qu'après avoir atteint le Danube que les Turcs lancent l'ultime assaut contre Constantinople qu'ils conquièrent en 1453.

Ensuite, une série de campagnes militaires les amènent aux portes de Vienne qu'ils assiègent en 1683. Au même moment, les Ottomans, disposant de la plus forte puissance musulmane, deviennent les protecteurs du monde islamique et imposent leur autorité aux Etats arabes d'Afrique du Nord et du Maghreb.

Pourtant, l'histoire de l'expansion ottomane nous apprend que l'on ne peut pas contrôler l'Europe seulement en contrôlant les côtes méridionales de la Méditerranée. En pénétrant par le Sud-Est, à travers les Balkans et l'espace danubien, les Ottomans atteignent la porte d'entrée du cœur de l'Europe, Vienne et Pressburg/Bratislava. Leur calcul était clair: ou bien ils franchissaient cette porte et s'emparaient de l'Europe, ou bien ils étaient refoulés. L'avancée des Trucs en direction du cœur germanique de l'Europe a été bloquée. Les Européens ont reconquis les Balkans. Les Osmanlilar sont tombés en décadence.

Les Turcs, comme toutes les tribus ouralo-altaïques avant de commencer leur expansion, habitaient les steppes eurasiatiques, dans des territoires voisins de ceux qu'avaient occupés plusieurs peuples indo-européens entre le IIIième et le IIième millénaires avant J.C. Ce voisinage a provoqué des échanges, ce qui a donné, à la longue, des similitudes culturelles entre Indo-Européens et Proto-Turcs: par exemple, le caractère guerrier de leurs sociétés, l'association homme/cheval et la structure hiérarchique et patriarcale des sociétés. En matières religieuses  —l'islamisation des Turcs n'aura lieu que très tard et ne concernera que les Turcs d'Asie occidentale—  nous constatons une typologie céleste et solaire des divinités suprêmes.

Citons par exemple Tenggri, “le dieu bleu du Ciel“ ouralo-altaïque, ou le bi-Tenggri turc, phrase signifiant “Dieu est” que l'on a retrouvé grâce à la tradition hsiung-nu. Elle se rapproche de la racine indo-européenne du nom de Dieu, *D(e)in/Dei-(e)/Dyeu, signifiant “lumière active du jour, splendeur, ciel”. L'origine ethnique des Turcs, selon leur Tradition, présente une analogie singulière avec l'origine mythique de Rome: le totem des Turcs était le loup et leur héros éponyme aurait été alaité par une louve, exactement comme Romulus et Remus.

Enfin, à la fin des temps archaïques, la culture indo-iranienne s'est imposée à toute l'Asie centrale. Cette influence a également marqué les Turcs Seldjouks aux XIième et XIIième siècles après J.C., quand ils se sont répandus à travers le territoire iranien et ont retrouvé une sorte de familiarité avec la culture iranienne, dans la mesure où les chefs et les souverains conquérants se paraient ostentativement de noms tirés des textes épiques du Shahnameh, comme Kai Kosrau, Kai Kaus, Kai Kobad.

Plus tard, les Ottomans, surtout après la conquête de Constantinople, ont voulu montrer qu'ils assuraient la continuité de l'empire byzantin. D'abord, ils installent leur capitale dans la ville même de Constantinople, en ne changeant son nom qu'en apparence, car Istanbul dérive de “is tin pol”, prononciation turque de la désignation grecque “eis ten polis”, soit “ceux qui viennent dans la Cité”.

Dans leur bannière, les Ottomans ont repris la couleur rouge de Byzance, la frappant non pas de l'étoile et du quart de lune actuels, mais du soyombo  altaïque, qui possède la même signification que le t'aeguk coréen représentant le yin et le yang, c'est-à-dire l'union du soleil et de la lune que l'on retrouve encore dans les drapeaux mongol et népalais: le soleil y est un astre à plusieurs rayons (de nombre paire), la lune y est un croissant comme dans le premier et le dernier quart de ses phases. Le soleil contenu dans le soyombo était encore bien présent au début de notre siècle: il n'a été remplacé que sous l'influence des “Jeunes Turcs” par l'étoile maçonnique à cinq branches qui, avec le quart de lune, évoque le symbolisme oriental du ciel nocturne.

L'empire ottoman et, avant lui, celui des Seldjouks, ont été en contact avec des territoires dont la valeur géopolitique est spécifique et significative: la région danubienne-anatolienne et la région iranique. Ces territoires semblent exiger de leurs maîtres d'assumer la même fonction que celle qu'assumaient avant eux les peuples qui les ont habités. Surtout dans le cas iranien, qui évoquait en un certain sens le monde de leurs origines.

Les Mongols sont le seul peuple à avoir conquis une bonne part de la World-Island, l'île du monde eurasiatique telle que la définissent les théories géopolitiques de Halford John Mackinder, étendant leur domination des côtes du Pacifique à la Mer Noire, en poussant même des pointes en direction de l'Allemagne et de l'Adriatique. La base de départ de leur expansion était la zone centrale du Heartland, selon un développement qui semblait suivre avec grande précision les lignes de la géopolitique la plus classique.

Dans ce cas, toutefois, le terme “mongol” est impropre. En fait, au début de l'“Année de la Panthère”, soit au printemps de 1206, Gengis Khan, le “souverain océanique”, dont le pouvoir s'étendait aux rives de quatre océans, qui descendait du Börte-Chino (le “Loup bleu du Ciel”) et de Qoa-Maral (la “Biche fauve”), convoque aux bouches du fleuve Onon le quriltai,  la grande assemblée, réunie autour du tuk  impérial (le drapeau blanc avec le gerfaut, le trident de flammes, les neuf queues bleues de yaks et les quatre queues blanches de chevaux). Y viennent les chefs d'une vaste coalition de peuples appelés à former le monghol ulus,  la nouvelle grande nation mongole. Mais, outre le Kökä Monghol, c'est-à-dire les “Mongols bleus gengiskhanides”, on trouvait, au sein de ce rassemblement qu'était la nouvelle grande nation mongole, des Mongols Oirat et Bouriates, les Turco-Mongols Merkit, les Toungouzes Tatarlar (Tatars) et les Turcs Kereit, Nemba'en (ou Nayman), les Ouighours et les Kirghizes.

Pour avoir accordé à tous ces peuples la nouvelle “nationalité” mongole dans le cadre de l'empire du “souverain océanique”, le “monghol ulus” était une coalition ethnique aux composantes variées, que l'on ne définira pas comme proprement “mongole” mais plutôt comme “altaïque” ou comme “centre-asiatique”, vu que cette nation élargie comprenait des peuples importants, ainsi que des tribus et des clans paléo-asiatiques et irano-touraniques.

L'expansion des Mongols en direction de l'Occident a été jugée de manières forts différentes par les peuples qui l'ont subie ou observée. En règle générale, cette expansion a suscité la terreur, de l'Asie centrale à la Russie, de l'Allemagne à la Hongrie, surtout en raison des terribles massacres commis par les envahisseurs.

Cependant, les Francs du Levant, détenteurs des Etats croisés survivant vaille que vaille, ont, eux, accueilli les Mongols comme des libérateurs. Dans leur cas, il ne s'agissait plus du “souverain océanique” mais de son petit-fils Hülagü, Khan de Perse et grand massacreur de musulmans. Hülagü combattait sans distinction tous les peuples islamiques, tant les Arabes que les Turcs occidentaux (les Seldjouks), et cela, pour deux motifs: l'un d'ordre essentiellement stratégique, l'autre, religieux. Le motif stratégique, c'était que, de fait, les Turcs occidentaux et les Arabes constituaient un obstacle à l'expansion mongole. Quant au motif religieux, les Mongols étaient à cette époque, pour une grande partie d'entre eux, des chrétiens nestoriens ou des bouddhistes. Hülagü était bouddhiste et sa favorite, Doquz-Khatoun, était chrétienne-nestorienne. Dès lors, ils massacraient tous les musulmans et épargnaient les chrétiens.

C'est pour cette raison que les Francs du Levant ont proclamé Hülagü et Doquz-Khatoun, le “nouveau Constantin et la nouvelle Hélène, très saints souverains unis pour la libération du Sépulcre du Christ”. Mongols et Croisés frappaient tous leurs étendards de croix et égorgeaient ou décapitaient tous les musulmans qui avaient l'infortune de se trouver sur leur chemin en Syrie ou en Palestine: les anciennes chroniques parlent de 1755 pyramides de têtes tranchées.

Mais quand la terreur a cessé, la moitié septentrionale de l'empire gengiskhanide a vécu la “pax mongolica”, permettant de réouvrir la “route de la soie” et de reprendre les échanges commerciaux entre l'Europe, l'Asie centrale et l'Extrême-Orient.

Plus tard, entre le XIVième et le XVième siècles, l'expansion ottomane en Europe et au Levant, de même que la turcisation et l'islamisation des khanats d'origine gengiskhanide d'Asie occidentale, ont provoqué un renversement complet de la situation: les contacts et les échanges entre l'Europe, l'Asie centrale et l'Extrême-Orient sont devenus très problématiques. Cette rupture des communications ont contraint notamment le Portugal et l'Espagne à franchir l'obstacle en amorçant une expansion maritime. Cette expansion outre-mer non seulement a réussi à rouvrir la route de l'Inde, mais aussi permi la découverte du Nouveau Monde. L'enjeu a donc été bien plus important qu'on ne l'avait prévu et l'expansion maritime des deux nations ibériques a été vite imitée par de nouvelles puissances navales, telles l'Angleterre, la Hollande et la France.

L'impossibilité d'atteindre rapidement et facilement l'Asie centrale et l'Extrême-Orient par les routes terrestres a obligé les Etats européens, à partir du XVième siècle, a opté pour une approche géopolitique complètement différente et de contourner par voie maritime toute la World-Island,  dans le but d'en atteindre les extrémités orientales par des voies extérieures. En d'autres termes, l'Europe, ne pouvant plus appliquer les règles découvertes cinq siècles plus tard par Mackinder, soit les règles de la géopolitique continentale, a à l'unanimité adopté celles de la géopolitique maritime, soit celles qu'allaient découvrir Mahan. L'Europe a donc abandonné son pouvoir continental pour partir à la recherche d'un pouvoir naval.

Au début, la valeur géopolitique de cette nouvelle option n'apparaissait pas très claire: il ne s'agissait pas encore d'une véritable expansion politique et stratégique, mais seulement de l'ouverture de voies commerciales. Toutefois, on est rapidement passé des comptoirs et établissements commerciaux à l'organisation de bases militaires et de points d'appui, occupés par des troupes. Ensuite, on s'est conquis des domaines coloniaux. A partir de ce moment-là, la pertinence géopolitique de l'expansion européenne d'outre-mer est dévenue très évidente.

Le Portugal établit ainsi en 1415 sa première tête de pont en Afrique, mais c'est encore en Méditerranée: il s'agit de la ville de Ceuta au Maroc, qu'il perdra par la suite à l'avantage de l'Espagne. Ensuite, les Portugais traversent l'Atlantique oriental, et commencent à contourner par voie maritime le continent noir. Ils abordent à Madère en 1417, aux Açores en 1431, au Cap Vert en 1445; ils atteignent l'embouchure du fleuve Congo en 1485, arrivent au Cap de Bonne Espérance en 1487 et, enfin, débarquent à Calicut (Kalikat/Kojikode) sur la côte sud-occidentale de la péninsule indienne. Ce n'est qu'après avoir ouvert la route des Indes que les Portugais se donnent de solides possessions coloniales le long de cette voie. Elles sont de véritables points d'appui stables pour garantir la libre circulation sur cette grande voie maritime. Ainsi, après Madère, les Açores, le Cap Vert et la Guinée, qui, de concert avec la métropole portugaise, formaient un système en soi, se sont ajoutées des colonies lointaines comme le Mozanbique (1506-07), la ville de Goa en Inde (1510) et l'Angola (1517).

Après s'être assuré de tous ces points d'appui et territoires, les Portugais complètent leur réseau de relais sur le chemin de la Chine en conquérant la partie orientale de l'île indonésienne de Timor en 1520 et en s'installant à Macao en 1553. Les Hollandais les empêchent de prendre l'ensemble de l'archipel. L'accès aux voies maritimes vers l'Orient est consolidé par la prise de possession de la côte occidentale de l'Atlantique, c'est-à-dire le Brésil, où le Portugal installe son premier point d'appui en 1526. Il achève la conquête du pays en 1680, après en avoir chassé les Hollandais.

L'Espagne évite dès lors toute tentative sur la route des Indes, déjà contrôlée par les Portugais. C'est cet état de choses qui motive la décision de la Reine Isabelle d'appuyer le projet de Colomb de trouver une autre route vers les Indes, en partant de l'Ouest au lieu de se diriger directement vers l'Est. Colomb n'a jamais atteint les Indes, mais, en revanche, il a découvert un autre continent, l'Amérique, qui s'est vite révélée très riche. L'Espagne s'est donc étendue à ce nouveau continent et en a occupé la moitié.

La découverte de l'Amérique réveille l'intérêt de l'Angleterre et de la France qui, contrairement à l'Espagne qui se projette sur la partie centrale et méridionale de ce double continent, tentent de s'emparer de sa partie septentrionale, à l'exception d'une brève parenthèse constituée par une tentative française de s'installer au Brésil entre 1555 et 1567. Anglais et Français commencent par n'assurer qu'une simple présence commerciale puis se taillent des domaines ouverts à la colonisation. Pour prospecter ce continent, les Anglais envoient en Amérique du Nord l'Italien Sebastiano Caboto (John Cabot) entre 1497 et 1498. Les Français envoient un autre Italien, Verrazzano en 1524, puis un des leurs, Cartier, en 1534. Mais toutes ces tentatives françaises et anglaises ne sont encore que des expédients: elles n'indiquent pas une ligne géopolitique spécifique et bien définie.

Le pouvoir naval anglais trouve ses origines dans les opérations conduites par l'ex-corsaire Sir Francis Drake entre 1572 et 1577. Ensuite, en 1584, Sir Walter Raleigh fonde la colonie de la Virginie, premier foyer de la future Nouvelle-Angleterre. Enfin, à partir de 1600, l'Angleterre se projette au-délà de l'Atlantique Sud et de l'Océan Indien et commence son expansion aux Indes, affrontant d'abord les Portugais, puis les Français.

Pendant une brève période de quelques décennies, le sea power anglais connaît une éclipse, causée par l'expansion outre-mer de la Hollande, qui venait d'arracher son indépendance à l'Espagne.

Les Hollandais, après l'expédition de Willem Barents dans les régions polaires, dans l'intention de trouver un passage maritime par le Nord pour atteindre la Chine, et après une guerre contre l'Angleterre au XVIIième siècle, prennent la même route que les Portugais vers les Indes, s'installent en Indonésie à partir de 1602, chassent les Portugais de Ceylan en 1609, et commencent à coloniser l'Afrique du Sud à partir de 1652. Les Boeren (Boers), terme signifiant “paysans”, sont donc les premiers habitants du pays, car ils s'y installent avant toutes les populations noires-africaines d'aujourd'hui. Toutefois les Hollandais ne renoncent pas à l'Amérique: en 1626, ils acquièrent l'île de Manhattan qu'ils achètent aux Ongwehonwe (les Iroquois) et lui donnent le nom de Nieuw Amsterdam. Les Anglais, en s'en emparant, lui donneront le nom de New York. Enfin, les Hollandais tentent de s'installer entre 1624 et 1664 dans le Nord-Est du Brésil.

Au cours de la seconde moitié du XVIIième siècle, la puissance navale anglaise renaît et la puissance navale française se forme. Toutes deux vont s'affronter. Tant la France que l'Angleterre tenteront une double expansion, vers l'Asie et vers l'Amérique du Nord.

La France en particulier tente de consolider ses possessions canadiennes, à partir de 1603. Ensuite, elle projette ses énergies vers l'Océan Indien, prend le contrôle de Madagascar entre 1643 et 1672, s'empare de l'île de la Réunion en 1654, afin de pénétrer dans le sub-continent indien. Toutefois tant l'Inde que le Canada lui échapperont, en dépit de l'acquisition de la Louisiane en 1682, qui soudait le territoire français d'Amérique du Nord, depuis la Baie de Hudson jusqu'au Golfe du Mexique. La France a dû céder le pas à l'Angleterre qui impose sa suprématie.

Après ce double échec français, l'histoire sera marquée, aux XVIIIième et XIXième siècles par l'expansion maritime de l'Angleterre et par la création de son “empire global”, basé sur le sea power. Comme l'empire britannique était fondé sur le pouvoir naval, son Kernraum n'est pas constitué du Heartland, mais par la maîtrise d'une masse océanique, l'Océan Indien, contre-partie maritime du “cœur du monde” continental.

Guido GIANNETTINI.

06:10 Publié dans Eurasisme, Géopolitique, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook