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lundi, 07 septembre 2009

L'influence de J. J. Bachofen sur Julius Evola

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

Robert Steuckers:

L'influence de J.J. Bachofen sur Julius Evola:

 

Outre les nombreuses références à l'œuvre de J.J. Bachofen qu'il trouve dans Révolte contre le monde moderne,  le lecteur d'Evola découvre l'importance du théoricien suisse du matriarcat primitif dans un article paru dans Nuova Antologia  en 1930 (cf. J. Evola, «Aspetti del movimento culturale della Germania contemporanea», in I saggi della Nuova Antologia,  Ed. di Ar, Padova, 1982; trad. franç.: «Aspects du mouvement culturel de l'Allemagne contemporaine», in Totalité,  23, automne 1985) et dans son livre Sintesi di dottrina della razza  (Ed. di Ar, Padova, 1978). Dans sa préface, le traducteur de la nouvelle version française de Révolte contre le monde moderne  (L'Age d'Homme, 1991), Philippe Baillet, souligne à juste titre que l'œuvre de Bachofen est tout aussi importante pour la maturation des idées de Julius Evola que celle du pur traditionaliste français René Guénon. En effet, après sa période philosophique et dadaïste, Evola a recherché le socle extra-philosophique solide, tangible et réel pour asseoir sa métaphysique traditionnelle, étant entendu que ce socle pré-philosophique précède, de par son immuabilité, toute spéculation philosophique et échappe aux dégénérescences du devenir et du bavardage en chambre. Ce socle s'est constitué chez Evola par un double recours: d'une part, au bouddhisme et à la doctrine de l'éveil (laquelle implique notamment l'Abgeschiedenheit,  le détachement par rapport aux vanités du monde, aux vanités de ceux qui ne savent dompter ni leur corps ni leur esprit); d'autre part, à l'œuvre de J.J. Bachofen. Celui-ci a mis en lumière, la «signification spirituelle et la mission de la romanité classique» (cf. art. cit., Totalité, 23, p. 18), en posant comme acquise l'existence de deux cultures universelles, l'une reposant sur le principe féminin (la culture méditerranéenne et pélasgique des origines, avec son culte de Démeter ou d'Isis, de Cybèle ou d'Ashtart, etc.); l'autre reposant sur le principe masculin, qui apparait dans le bassin méditerranéen par l'avènement du culte «thrace-hyperboréen» de l'Apollon delphique et de celui des héros solaires (Thésée, Jason, Cadmos, Héraklès). La lumière, «principe incorporel dépourvu de génération, immortel en soi en tant qu'essence simple et identique» se place au centre de ce nouveau «monde ouranien», propre de ceux qui «sont», par opposition à ceux qui «deviennent». La culture grecque classique, matrice de l'«Occident», procède donc, pour Evola, de ce principe héroïco-ouranien, mis en exergue par Bachofen. Pour ce qui concerne la romanité, Bachofen, dans son ouvrage sur la légende de Tanaquil (Die Sage von Tanaquil,  Heidelberg, 1870), oppose une culture démétrico-tellurique portée par les anciennes cultures pré-romaines (étrusques, sabines, etc.) à une culture portée par des conquérants romains (nordiques), une culture virile, quiritaire et militaire. Pour Bachofen, et à sa suite Evola, la dynamique de l'histoire antique repose sur cet antagonisme irréductible entre principe féminin et principe viril. Cette vision transparaît clairement dans Révolte contre le monde moderne,  et, dans une moindre mesure comme le souligne Philippe Baillet (op. cit.), dans Métaphysique du sexe.

Révolte contre le monde moderne  est rigoureusement construit sur des schémas dérivés de Bachofen: civilisation du Père/civilisation de la Mère, spiritualité olympienne et solaire/spiritualité tellurique et lunaire, etc. (cf. Ph. Baillet, op. cit.). Evola tire donc de Bachofen, une «clef herméneutique» qu'il va appliquer à tous les niveaux de la réalité et à toutes les cultures (Baillet, op. cit.). L'opposition des deux mythes est présent au sein de toutes les cultures et, pour que celles-ci demeurent, ne chavirent pas dans l'«infra-humain démonique», il faut que triomphe le principe viril, solaire et ouranien; il faut qu'il apporte forme à la matière féminine. Pour souligner l'importance de sa dette à l'égard de Bachofen et pour marquer les différences qui existent entre les conclusions et l'approche de Bachofen, d'une part, et les siennes, d'autre part, Evola écrit, dans Le chemin du Cinabre  (Ed. Arché/Ed. Arktos, Milan/Carmagnola, 1982; trad. franç.: Ph. Baillet): «Avec ces approches  [celles de Bachofen] s'ouvrait pour moi un vaste et nouveau domaine dans lequel on pouvait appliquer et développer sur un arrière-plan grandiose de mythologies et d'interprétation de l'histoire la théorie des "deux voies". Il fallait unir, dans une synthèse articulée, les apports de Guénon, de Wirth et justement de Bachofen. Mais je repoussai le schéma évolutionniste de Bachofen. Le savant suisse avait en effet supposé un passage progressif de l'humanité antique d'un stade de promiscuité primoridale à la civilisation démétérienne de la Mère et de la Femme Divine, et puis un dépassement graduel de celle-ci dans la civilisation héroïco-paternelle liée à des cultes et des mythes ouraniens et héroïques et à une société positivement organisée (Bachofen avait vu là la "naissance de l'Occident" contre l'"Asie"). Au contraire, je fis remarquer la nécessité d'introduire une conception dynamique et de faire correspondre aux phases évolutives présumées d'une race humaine unique des influences opposées portées par des races différentes, agissant et réagissant l'une sur l'autre. En second lieu, on devait selon moi contester le caractère plus récent (de dernier "stade évolutif") de la civilisation ouranico-patriarcale et virile. En effet, cette civilisation se rattacha toujours, directement ou indirectement, à la tradition primordiale hyperboréenne elle-même, et on ne peut parler de son caractère plus récent que dans un sens relatif et local, dans les cas où cette tradition apparut et s'affirma, à travers des migrations, dans des régions qui se trouvaient auparavant sous le signe de la vision opposée de la vie et du sacré...»  (p. 90).

Dans Sintesi di dottrina della razza,  Evola puise également dans la carrière bachofenienne pour élaborer sa propre typologie raciale, induisant une hiérarchisation qui privilégie les types solaires/ouraniens, générateurs de cultures. Citons cet extrait significatif, p. 161: «En traitant des différentes gradations de la virilité et de la solarité, tout spécialement dans l'orbite des mystères antiques et des traditions connexes de la Méditerranée, Bachofen distingue opportunément le stade apollinien et le stade dionysiaque. Ici aussi, les analogies cosmiques lui servent de base. Il existe en effet deux aspects de la solarité. L'un est celui de la lumière en tant que telle, ce qui revient à dire qu'il participe d'une nature lumineuse immuable et céleste; tel est le symbole apollinien ou olympique, que l'on retrouve par exemple dans le culte delphique; on doit le considérer comme un filon de la pure spiritualité hyperboréenne, s'élançant jusqu'à la Méditerranée; tel est le stade qui, comme nous l'avons vu, définit la race de l'homme solaire. L'autre aspect de la solarité est celui d'une lumière qui nait et s'estompe, qui meurt et ressuscite, puis meurt une nouvelle fois et connait une nouvelle aurore, qui est, en somme, une loi du devenir et de la transformation. Au contraire du principe apollinien, nous avons affaire ici à la solarité dionysiaque. C'est une virilité qui aspire à la lumière au travers d'une passion, qui ne peut pas se libérer de l'élément sensuel et tellurique ni de l'élément extatique-orgiastique, propre aux formes les plus basses du cycle démétérien  [Evola ajoute en note que c'est sur cette solarité-là que se base la conception de Ludwig Klages, qu'il qualifie de vitaliste et d'irrationaliste]. Le fait que l'on ait associé, dans le mythe et dans le symbole de Dionysos des figures féminines et lunaires est, de ce point de vue, assez significatif. Dionysos n'achève pas son trépas, ne change pas de nature. Il représente une virilité qui est encore terrestre, malgré sa nature lumineuse et extatique. Le fait que les mystères dionysiaques et bacchiques ont été associés à ceux de Démeter, plutôt qu'au mystère purement apollinien, indique clairement le point final de l'expérience dionysiaque: c'est un "mourir et devenir", non sous le signe de cette infinitude, qui est au-delà de toute forme et de toute finitude, mais bien plutôt de cette autre infinitude, qui se réalise et dont on jouit en détruisant formes et finitudes, et qui se rapporte, en conséquence, aux formes de la promiscuité tellurico-démétérienne... Du point de vue racial, on ne s'étonnera pas de constater que l'homme dionysiaque, sous les oripeaux du romantique, est très largement présent dans les races nordiques, qu'elles soient germaniques ou anglo-saxonnes. Ce qui nous confirme, une fois de plus, qu'il faut bien distinguer la race primoridale nordico-aryenne des races nordiques des époques plus récentes»  (pp. 162-163).

Dans la revue La Torre,  qu'Evola a dirigée en 1930 et dont il est sorti dix numéros (entre le 1er février et le 15 juin), trois extraits de l'œuvre de Bachofen ont été traduits et publiés: «Il simbolo» (n°7; extrait de Urreligion und antike Symbole,  Leipzig, 1926, b.1, pp. 283-284 ); «La donna regale e la nascita di Roma» (n°9; extrait de Die Sage von Tanaquil,  Heidelberg, 1870; trad. it. du Dr. Otto Lanz); et «La missione occidentale di Roma» (n°10; suite de l'article précédent).

Ces trois extraits ont été jugés fondamentaux par leurs traducteurs, Otto Lanz et Evola lui-même. Dans «Il simbolo», nous lisons: «Les mots rendent fini l'infini; les symboles conduisent l'esprit au-delà des frontières du monde fini en devenir, dans le monde infini et réel. Ils suscitent des pressentiments, sont signes de l'indicible et, comme l'indicible, ils sont inépuisables; (...) En cela réside la dignité occulte du symbole et la puissance des représentations mythiques qui y sont liées...».   Dans cette définition, nous retrouvons la quête de l'Evola traditionaliste qui a succédé à l'Evola philosophe qui ne trouvait pas de socle ni de certitude affirmée, capable de transcender le nihilisme en marche, dans les spéculations philosophiques conventionnelles. Le mythe, surplombant le grouillement du devenir, insensible au nihilisme qui se déploie, suggère infinité et réalité immuable et intangible.

A la fin du second extrait de Die Sage von Tanaquil,  nous lisons: «Rome, la cité aux origines aphroditiques prend peur d'avoir négligé pendant si longtemps la Mère et de s'être  presque entièrement consacrée au principe viril de l'Imperium... Avec Pompée, Brutus, Cassius et Antoine, l'Orient subjugue l'Occident et, à leur chute, s'accomplit la ruine de l'Asie».

Evola rappelle, dans Le chemin du Cinabre  (p.90), qu'il a traduit une série d'extraits de l'œuvre de Bachofen, 250 pages en tout, qui n'ont pu paraître qu'en 1949 chez l'éditeur Bocca sous le titre Les Mères et la virilité olympienne - Etudes sur l'histoire secrète du monde méditerranéen antique.  Dans la préface qu'il a rédigée pour ce recueil (reproduite dans Alfred Bäumler, Nietzsche e Bachofen,  Ed. Lupa Capitolina, Padova, 1985; cette introduction a également constitué un article dans la revue Via Solare),  Evola résume toute la dette qu'il doit à l'explorateur suisse des cultes antiques grecs et romains. Jugeons-en par ces quelques extraits: «Chez Bachofen, ce qui est intéressant, en tout premier lieu, c'est la méthode. Cette méthode est neuve et révolutionnaire par rapport au mode général, scolaire et académique de prendre les civilisations, les cultes et les mythes antiques en considération, précisément parce que ceux-ci sont "traditionnels" au sens supérieur. Nous voulons dire par là que le mode par lequel l'homme appartenant à toute civilisation traditionnelle, parce qu'il est anti-individualiste et anti-rationaliste, aborde le monde de la religion, des mythes et des symboles est plus ou moins le même mode que celui par lequel Bachofen a cherché à découvrir le secret du monde des origines. La prémice fondamentale de toute l'œuvre de Bachofen, c'est d'affirmer que le symbole et le mythe sont des témoignages, dont doit tenir compte sérieusement toute science historique complète. Ce ne sont pas des créations arbitraires, des projections venues de l'extérieur ou de la fantaisie poétique: ce sont, bien au contraire, des "représentations des expériences propres à une race et interprétées à la lumière d'une religiosité spécifique", obéissant à une logique et à une loi bien déterminées. Par ailleurs, le symbole, la tradition, la légende ne doivent pas être pris en considération et évalués à l'aune de leur "historicité", au sens le plus restreint du terme (...) Ce qui doit être interrogé, c'est leur signification certaine en tant que fait de l'esprit, non leur signification à la fois problématique et historique. Là où l'événement enregistré et le document "positif" cessent de parler pour eux-mêmes, nous rencontrons le mythe, le symbole et la légende et nons pénétrons dans une réalité plus profonde, secrète et essentielle: dans une réalité dont les visages extérieurs, historiques et tangibles, que sont les sociétés, les races et les civilisations antiques ne sont que les conséquences».  Evola ajoute qu'un événement peut laisser ou ne pas laisser de traces. De même, sa signification intérieure peut demeurer ou non. Historiens et archéologues ont donc affaire à des événements enregistrés, dont ils ne peuvent plus comprendre la signification intérieure, et à des événéments non consignés, ni par l'écrit ni par la trace archéologique, dont la signification intérieure demeure mais à un niveau métaphysique. Deuxième point, souligné par Evola: Bachofen inaugure une typologie des civilisation antiques. «En observant les mouvements propres aux diverses formes qui assumaient, dans le monde antique, les rapports entre les sexes, la recherche de Bachofen met en lumière l'existence de certaines formes typiques et distinctes de civilisation qui peuvent être reconduites à autant d'idées centrales, liées à leur tour à des attitudes générales, témoignant, elles, d'autant de visions du monde, du destin, de l'au-delà, du droit, de la société. De telles idées ont quasiment la valeur d'"archétypes" au sens platonicien: ce sont des forces qui donnent forme, en rapport étroit d'analogie avec les grandes forces inhérentes aux choses».

«Le monde que Bachofen prend en considération est essentiellement celui des civilisations antiques du bassin méditerranéen. La multiplicité chaotique des cultes, mythes, symboles, formes juridiques et coutumes que ce monde méditerranéen présente, laisse transparaître finalement, dans l'œuvre de Bachofen et sous des formes variées, l'efficacité de deux idées fondamentalement antithétiques: l'idée olympienne-virile et l'idée tellurique-féminine. Une telle polarité peut s'exprimer au travers des oppositions suivantes: la civilisation des Héros et la civilisation des Mères, l'idée solaire et l'idée chtonique-lunaire, la droit patriarcal et le matriarcat, l'éthique aristocratique de la différence et la promiscuité orgiastique-communiste, l'idéal olympien du "surmonde" et le mysticisme panthéiste, le droit positif de l'imperium et le droit naturel. Bachofen a découvert l'"ère gynécocratique", c'est-à-dire l'ère dans laquelle le principe féminin est souverain. Cette époque correspond à un stade archaïque de la civilisation méditerranéenne, lié aux peuples pelasgiques ainsi qu'à un groupe de gentes du bassin méridional-oriental et asiatique de la Méditerranée. Bachofen a très justement relevé le fait qu'aux sources, un ensemble d'éléments, variés mais en concordance, rappelle sans cesse ces peuples à l'idée centrale, selon laquelle, à l'origine et à l'apogée de toute chose, se trouve un principe féminin, une Déesse ou une Femme Divine, incarnant les valeurs suprêmes de l'esprit; face à elle, se place non seulement le principe mâle mais aussi celui de la personnalité et de la différence, lequel apparaît alors comme secondaire et contingent, comme sujet aux lois du devenir et de la déliquescence, tout à l'opposé de l'éternité et de l'immuabilité propres à la grande Matrice cosmique, à la Mère de la Vie. Cette Mère, en tant que telle, est la Terre, ou, en d'autres mots, la loi de la nature conçue comme un fait auquel même les dieux sont soumis». «La gynécocratie, c'est-à-dire la souveraineté de la femme, reflète la valeur mystique qui est attribuée à celle-ci dans la conception du monde gynécocratique. Par ailleurs, cette conception peut avoir pour contrepartie (dans ses formes les plus basses), l'égalitarisme du droit naturel, l'universalisme et le communisme. La non pertinence de tout ce qui est différence, l'égalité de toute singularité face à la Matrice cosmique, au principe maternant et "tellurique" (de tellus, la terre) de la nature dont provient toute chose et tout être et en laquelle, à nouveau, ils se dissolveront après une existence éphémère: voilà ce qui est à la base de la promiscuité communiste comme de la promiscuité orgiastique des fêtes, au cours desquelles, dans l'antiquité, on célébrait justement le retour à la Mère et à l'état de nature, et pendant lesquelles toutes les distinctions sociales étaient temporairement abolies. Le principe masculin n'a pas d'existence propre, outre la sienne individuée. Sur le plan matériel, il n'est que l'instrument de la génération, assujetti à la femme ou obscurci par la luminosité démétérienne des mères». «En opposition nette à cette vision, nous avons, dans le monde antique méditerranéen, le cycle de la civilisation olympienne-ouranienne. Dont le centre ne peut être constitué par les symboles de la Terre ou de la Lune, mais, au contraire, par ceux du Soleil et des régions célestes ("ouraniques", du terme grec ouranos); ni par ceux de la réalité naturaliste-sensuelle mais par ceux de l'immatérialité; ni par ceux du giron maternel ni, encore moins, de la virilité phallique qui en est la contrepartie, mais par ceux de la virilité ouranienne, liée au symbole du Soleil et de la Lumière; ni par ceux de la Nuit et de la Mère mais par ceux du Jour et du Père. L'idéal suprême, dans une telle civilisation, s'incarne précisément dans le monde "ouranien", compris comme celui des êtres lumineux, immuables, détachés, privés de naissance, opposés au monde inférieur des êtres qui naissent, deviennent, trépassent après une vie éphémère parce que toujours mélangée à la mort. Tel est le plus haut point de référence de la religion d'Apollon et de Zeus: c'est la spiritualité "olympienne", c'est la virilité immatérielle, c'est la "solarité" des dieux détachés de tout lien qui les lierait à la femme et à la mère et qui possèdent des attributs de paternité et de don».        

Cette dualité métaphysique et religieuse de l'antiquité, mise en évidence par Bachofen à la fin du siècle dernier, Evola l'a transposée dans son époque. Voulant incarner le principe solaire, mettant sa personnalité au service d'un avivage de la tradition virile/solaire, Evola transpose dans le monde moderne l'argumentation de Bachofen, qui étudiait des réalités antiques. «L'époque moderne est "tellurique", non seulement dans ses aspects mécanistiques et matérialistes, mais aussi, et essentiellement, dans ses différents aspects "activistes", dans ses diverses religiosités de la vie, de l'irrationnel et du devenir, qui sont toutes antithèses, précisément, de ces conceptions classiques et olympiques du monde. Keyserling, du reste, a cru pouvoir parler de ce caractère "tellurique"  —c'est-à-dire irrationnel, lié essentiellement à des formes de courage, de sacrifice, d'élan et d'attachement privées de toute référence véritablement transcendante—  que présente ce mouvement moderne des masses, que l'on appelle, en fait, "révolution mondiale". Avec la démocratie, le marxisme et le communisme, l'Occident a pu réexhumer, dans des formes sécularisées et matérialisées, l'antique droit naturel, les lois niveleuses et anti-aristocratiques émanant de la Mère chtonienne, laquelle stigmatise l'injustice qu'est d'office toute différence: et le pouvoir conçu sur de telles bases, soit sur l'élément collectiviste, semble justement rétablir l'antique insignifiance du singulier, propre des conceptions "telluriques". Avec le romantisme moderne, resurgit Dionysos: c'est le même amour pour l'informe, le confus, l'illimité et la même promiscuité entre sensation et esprit, la même antithèse par rapport à l'idéal viril et apollinien de la clarté, de la forme, de la limite. Finalement, Nietzsche, qui exalte Dionysos, est une preuve vivante et tragique de l'incompréhension moderne pour cet idéal, et de la "telluricité" de diverses provenances. En outre, après avoir lu Bachofen, il n'est pas difficile de constater le caractère "lunaire" propre au type plus diffus de la culture moderne: nous entendons par là une culture basée sur un pâle intellectualisme creux, une culture inféconde détachée de la vie, s'épuisant dans la critique, dans la spéculation et dans la vaine créativité esthétisante: soit une culture qui se trouve en étroite relation avec une civilisation qui a élevé le raffinement de la vie matérielle à de formes extrêmes (dans la terminologie bachofénienne, on dirait: aphroditiques) et dans laquelle la femme et la sexualité elle-même sont devenues des thèmes prédominants, au point d'atteindre un degré pathologique et obsessionnel».  Concrètement, la critique évolienne/bachofénienne des faits de civilisation d'ordre tellurique, débouche sur une critique de l'américanisme, sommet de la modernité: «Dans la civilisation anglo-saxonne, et surtout en Amérique, l'homme  épuise sa vie et son temps dans le monde abrutissant des affaires et dans la chasse à la richesse  —à une richesse qui, pour une bonne part, sert à payer le luxe, les caprices, les vices et les subtilités féminines—  un tel homme, qui, tout au plus, s'intéresse au sport, a cédé volontairement à la femme le privilège, sinon le monopole, de s'occuper des choses "spirituelles". C'est surtout pourquoi, nous voyons, dans cette civilisation, pulluler les sectes "spiritualistes", spiritistes et occultistes, où la prédominance numérique de l'élément féminin est déjà en soi significative (deux femmes, Madame Blavatsky et Madame Besant, par exemple, ont fondé et dirigé la dite "Société Théosophique")...».  Nous voyons que ce jugement, dérivé d'une lecture de Bachofen annonce la critique évolienne de l'américanisme et des pseudo-spiritualités contemporaines (Masques et visages du spiritualisme contemporain, Pardès, 1991).      

Cette opposition constante, que Julius Evola, à la suite de Bachofen, perçoit dans l'histoire des civilisations antiques du bassin méditerranéen, entre un principe nordique/solaire/viril/ouranien et un principe autochtone/tellurique/féminin trouve une sorte d'équivalent dans les théories de Günther sur la nordicisation, puis la dénordicisation, du Sud de l'Europe, consignées dans ses deux ouvrages sur Rome et la Grèce (Lebensgeschichte des hellenischen Volkes,  Franz von Bebenburg Verlag, Pähl, 1965; Lebensgeschichte des römischen Volkes,  même éditeur, 1966). Les civilisations grecque et romaine déclinent, pour Günther, quand disparaissent progressivement l'hellénité (Hellenentum)  et l'italicité (Italikertum),  porteuses du «pantragisme» (Pantragismus)  propre aux Indo-Européens selon Günther, au principe viril/solaire selon Evola.

Mais la réflexion sur l'œuvre de Bachofen plonge Evola dans un vaste débat intellectuel qu'on ne saurait occulter ici. Les thèses de Bachofen sur le matriarcat primitif ont suscité bon nombre de controverses au sein des cénacles de gauche: chez Friedrich Engels, qui en parle dans L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat;  chez August Bebel, le théoricien social-démocrate allemand qui en déduit une théorie de la femme dans le socialisme; chez Max Horkheimer, qui voit dans le déclin du matriarcat antique, l'origine de la société autoritaire; chez Ernst Bloch, qui voit dans le culte de Gaia-Thémis une des sources (et non pas la seule comme chez Bachofen) des principes qui feront ultérieurement le droit naturel.

Bachofen a également influencé Ludwig Klages, dans sa théorie de l'«Eros cosmogonique» et de la «Magna Mater». Contrairement à Evola, qui affirme de manière tranchée l'opposition entre les polarités solaire/virile et lunaire/maternelle, Klages évoque une sorte de ying et de yang mêlant la lumière apollinienne, fécondante, et les symboles matriciels, tels l'œuf ou la cellule vitale primoridale, et oppose, d'une part, les forces de la vie, solaires et lunaires confondues, au créationnisme hébraïque: «En opposition tranchée au mythe juif de la création,qui veut que le monde ait été fait sur ordre d'un Dieu mâle, la Magna Mater émerge, selon la religiosité païenne, sur le mode d'une naissance, soit que la Terre, conçue comme une mère, l'a mise au monde, comme elle met arbres et plantes au monde, soit par partition de l'œuf primordial... Une terra mater et, en tant que telle, une pantwn mhthr, est la Pachamama des Péruviens, est Centeotl chez les Aztèques, (Yin chez les Chinois), Prthivi chez les Indiens, Isis et Neith chez les Egyptiens, Gaia et Déméter chez les Grecs, Tellus et Ceres chez les Romains, Nerthus chez les Germains et Belisana chez les Celtes»  (cf. Ludwig Klages, «Die Magna Mater. Randbemerkungen zu den Entdeckungen Bachofens», in Hans-Jürgen Heinrichs, Materialien zu Bachofens »Mutterrecht«,  Suhrkamp, Frankfurt am M., 1975, pp. 114-130). Annonçant les travaux de Jan De Vries et de Georges Dumézil, Ludwig Klages explique la symbolique de la couleur noire, attribuée à la troisième fonction productrice, dont les divinités sont souvent telluriques et féminines: «Noire est la couleur de la profondeur de la terre tout comme du giron maternel. C'est ainsi que l'on explique la noirceur de la Demeter Hippia arcadienne des Phigaléens, dont le surnom était Melainh; c'est ainsi que s'explique également le noircissement des visages, coutume, d'après Strabon, que pratiquent, avec grand soin, les femmes des Troglodytes, organisés selon les principes du matriarcat. Ces noirceurs font tout autant référence à la terre humide des champs qu'à la luxuriante puissance fécondante des marais et à l'obscurité de la tombe souterraine,...»  (Ibid.). Klages opère la distinction entre l'esprit juridique matrilinéaire et l'esprit juridique patrilinéaire: « L'enfant né est mis au même niveau que le fruit qui a mûri et qui est tombé de l'arbre, naissance qui constitue la fin d'une série de procès, qui n'a été qu'entamée par l'ensemencement; de cette façon, la mise au monde de l'enfant est placée côte à côte avec la moisson, ce qui fait disparaître dans l'insignifiance l'acte de l'homme qui a lancé la semence. Bachofen, pour ce qui concerne la légitimité des enfants telle que la concevaient les doctrinaires du droit dans l'antiquité romaine, a prouvé que la signification attribuée par le droit d'Etat au moment de la conception, était totalement inconnue dans le "jus naturale". D'après le système naturel, la prima origo  correspond à la naissance entièrement accomplie. Devenir et être accompli ont ici la même signification. Dans le système patrilinéaire, au contraire, on opère la distinction entre les deux et la prima origo commence avec l'ensemencement, non avec le fruit... Avec le principe de paternité, c'est l'idée de commencement qui est responsabilisante, tandis que dans le principe de maternité, c'est celui d'accomplissement-maturation. C'est là l'ensemencement et, ici, le fruit et la récolte qui sont pris en considération. Là, le devenir, c'est le commencement, ici, c'est la fin du développement. Là, il y a un avenir, ici, il n'y a qu'un passé; là, il y a un début, ici, seulement une fin... D'après le droit matriarcal, c'est la maturation du blé qui est sa prima origo (et) sa moisson est en même temps naissance et disparition-mort (...). D'après le droit patriarcal, au contraire, l'origine se situe dans l'ensemencement, non dans la moisson; d'après ce droit patriarcal, on prend l'espoir en considération; le droit matriarcal, ne prend, lui, que l'accomplissement en considération. Sur le plan cosmique, la mise sur pied d'égalité entre l'accouchement et l'accomplissement-maturation s'exprime par le rapport que faisaient les Anciens avec la dernière phase de la lune. En effet, selon la croyance commune des Anciens et de bon nombre de tribus primitives, les déesses de la lune sont presque toutes des déesses de l'accouchement et les filles viennent plus facilement au monde pendant les nuits de pleine lune».

Et Klages poursuit, en citant Bachofen: « Le droit matrilinéaire ne connaît que des ancêtres; le droit patrilinéaire ne connaît, lui, que des descendants... Le Père y apparaît comme le prwton kinoun, c'est-à-dire comme la première impulsion d'un mouvement, qui s'étendra devant lui, tout comme le fleuve s'écoule au départ de la source. La mère, au contraire, n'est jamais principium, mais toujours fin. Dans la longue succession des mères, chacune est représentante de la Terre, mère originelle». «Dans les générations successives, la Mère originelle se porte vers l'avant: c'est pourquoi on l'appelle mhthr isodromh, c'est-à-dire la Terre, Mère originelle, qui suit pas à pas le rythme de la succession des générations; incarnée dans les plus jeunes générations, elle constitue la fin, non le départ, de la longue lignée; c'est pourquoi, dans ce système, ce sont les plus jeunes, oploterh, ceux qui ont avancés le plus loin, qui ont la préférence, et non les plus anciens»  (Ibid.). Dans un autre ouvrage fondamental, Vom kosmogonischen Eros  (éd. actuelle: Bouvier Verlag, Bonn, 1972), Klages revient sur la question du droit naturel: «Bachofen a prouvé jusque dans le détail, qu'il existe un "droit naturel" se situant "au-delà du bien et du mal" et qui n'est troublé par aucun arbitraire légal (Gesetzeswillkür);  ce droit naturel préserve le lien le plus intérieur, le plus profond, qui lie l'homme au monde et les hommes entre eux»  (p.227).  Les idéaux dérivant de l'esprit (Geist:  instance que Klages oppose à la vie et à l'âme, Seele)  finissent par oblitérer ce "droit naturel", voire le dénaturent. Pour Klages, les conceptions matrilinéaires, telluriques, symbolisées par l'Œuf primoridal, source d'une inépuisable fécondité, préservent l'intériorité la plus intime de l'homme, préservent les ressorts vitaux qui sont en lui. L'intellectualisme de l'esprit brise ces ressorts et remplace tous les réflexes organiques, naturels, par des déductions logiques et arbitraires, portées par une volonté de dominer. Ces quelques extraits de l'œuvre de Ludwig Klages montrent que certains cercles de la «Révolution conservatrice» plongent leurs arguments dans une «telluricité», dont la définition remonte notamment aux travaux de Bachofen sur la société «pélasgique». Ce culte allemand de la terre remonte bien évidemment au romantisme et à l'anthropocosmomorphisme de Carus. C'est dans ce recours à des valeurs telluriques que réside la grande différence entre l'approche philosophique/métaphysique de la Révolution conservatrice post-romantique et l'approche évolienne. A l'époque nationale-socialiste, Alfred Bäumler, disciple et préfacier de Bachofen, ennemi de Heidegger et membre de la NSDAP, relancera le débat en distinguant le «chtonique» du «dionysiaque» et de l'«apollinien». Embrayant sur son pari pour le «mythe» contre le «logos», Bäumler commence par souligner l'importance de l'œuvre de Bachofen, dans des termes semblables à ceux qu'utilisait Evola pour reconnaître sa dette envers le premier grand théoricien du matriarcat, sauf dans la conclusion, où il valorisait les réflexes «maternels», en même temps qu'il entonnait un plaidoyer pour le retour aux mythes: «Bachofen est éloigné de toute historicisation du mythe. Il fait le contraire: il "mythise" l'histoire» (...). Lorsque Bachofen déclare que le mythe est histoire»,  ... il veut dire «qu'il ne faut pas considérer que le contenu du mythe est fiction de poète, mais constitue un vécu réel de l'humanité historique (...). [Bachofen] veut avoir affaire à l'histoire intérieure de l'humanité, à la mutation qui s'opère dans les sentiments et dans les modes de penser. Ce sont les expériences vécues les plus anciennes de la race humaine, que nous transmet le mythe. (...) Maternel est le passé, dans le giron duquel repose tout ce qui a été, en opposition à l'avenir, paternel et agité, dont il faut causer l'advenance; maternel est le mythe en opposition au logos paternel; et maternelle est avant toutes choses la nature, qui englobe l'homme, indifférente au fait qu'il ait fait des efforts pour s'élever ou non, et qui couche tous les hommes dans le même repos. La mère donne la vie, la mère apporte la mort; elle est le destin incarné  —et la "nature" des romantiques n'est finalement qu'un autre mot pour désigner le destin. La maternité, en tant qu'essence, ne tolère aucune division, fragmentation ou autonomisation. Elle est tout en une fois. Le mythe est maternel, parce qu'il nous donne d'un coup la totalité. La poésie et le droit sont saisis comme des expressions de la vie, qui est une; poésie et droit relèvent donc du mythe, parce que l'unité de la vie ne peut être saisie que par le mythe»  (Alfred Bäumler, «Bachofen, der Mythologe der Romantik. Einleitung zu Der Mythos von Orient und Occident. Eine Metaphysik der alten Welt», aus den Werken von J.J. Bachofen, hg. v. Manfred Schröter, München, Beck'sche Verlagsbuchhandlung, München, 1926, 2ième éd., 1965, pp. CLXXXVI-CXCVI; repris in: Hans-Jürgen Heinrichs, op. cit.). Cette approche de Bäumler, nous allons le constater, est différente de celle de Klages qui, à la suite de son inspirateur visionnaire et exalté, Alfred Schuler, voit l'histoire comme un processus d'Entlichtung  (d'assombrissement, littéralement de «dé-lumiérisation»), qui enclenche une série de processus catamorphiques: parcellarisation de l'humanité, fin de l'androgynité primitive, domination des femmes par les hommes, avènement de la volonté linéaire évolutive, donc de l'individualisme, de l'égoïsme et du subjectivisme qui atomisent l'humanité. Pour Schuler comme pour son disciple Ludwig Klages, l'Entlichtung  contribue à fermer, à verrouiller, à étouffer la «vie ouverte», marquée par un temps cyclique, par l'éternel retour, par le règne des mères, par le temps des fêtes et de la joie collective (Cf. Robert Steuckers, «Alfred Schuler», in Encyclopédie des Œuvres philosophiques,  PUF, à paraître en 1992). Schuler et Klages nient toute valeur à l'histoire, tandis que Bäumler, philosophe politisé, et Krieck, le théoricien et historien de la pédagogie, également ennemi de Heidegger, raisonnent en termes vitalistes; ils définissent tous deux la Vie comme un «cosmos vivant», un All-Leben. Mais cet All-Leben  n'est pas irénique: c'est un monde de tensions perpétuelles, de luttes, de dynamique incessante. C'est le Mittgart (ou Midgard) de la mythologie scandinave; il désigne un monde intermédiaire entre l'Asgard (le monde des Ases, le monde de lumière) et l'Utgard (le monde de l'obscurité). Ce Mittgart est soumis, dit Krieck, au devenir (urd)   et aux caprices des Nornes, figures mythologiques féminines qui tissent le destin de chacun des hommes. Les périodes de paix, rares, qui ensoleillent le Mittgart, lieu de résidence des hommes, lieu où se déroule l'histoire, sont de brefs répits succédant à des victoires jamais définitives sur les forces du chaos, émanant de l'Utgard. Pour Krieck, chez les Germains, une force agissante et fécondante, désigné par la notion de Heil, anime la communauté nationale. Ce Heil   induit un flux ininterrompu de force qui avive la flamme vitale d'une communauté ou d'une personne et accroît ses prestations, permettant, dans la sphère politique, de fonder et d'organiser un Reich, un Etat, un espace politique, pour accoucher de l'histoire. Attentif aux forces émanant de l'All-Leben,  l'élite politique doit dresser les énergies du Volk,  rentabiliser au maximum l'héritage qu'il véhicule dans ses gènes et ses institutions, car l'absence de dressage (Zucht)  conduit au mixage indifférencié et à la dégénérescence des instincts et des formes (cf. Robert Steuckers, «Ernst Krieck», in Encyclopédie des Œuvres philosophiques, PUF, à paraître en 1992).

En comparant ce qu'Evola, Klages, Schuler, Bäumler et Krieck tirent de leur lecture de Bachofen, nous nous replongeons dans l'un des débats essentiels qui a sous-tendu la «Révolution conservatrice» et nous constatons une oscillation permanente de la pensée entre les pôles maternels (Klages) et paternels (Evola), dont Krieck semble en avoir compris et pensé l'invariance et la pérennité. Son recours à l'All-Leben  est proche du culte des mères chez Klages et Schuler; sa volonté de fonder une pédagogie disciplinante, pour contrer le chaos et l'indifférenciation, le rapproche du culte solaire et du culte des formes que l'on retrouve chez Stefan George et Julius Evola.     

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mardi, 30 juin 2009

Cabalgar el Tigre en 2009

Cabalgar el Tigre en 2009




"La mejor manera de evitar que un tigre te devore es montarte sobre él".
Proverbio Chino

Después de un largo silencio debido exclusivamente a cuestiones laborales quiero comenzar el año escribiendo sobre uno de los libros esenciales para la metapolítica, me refiero a Cabalgar el Tigre de Julius Evola, publicado originalmente en 1961 [1] ( por lo tanto ya en la etapa madura del metapolítico romano) y cuyo título evoca precisamente a este conocido proverbio chino que nos orienta sobre la mejor manera de responder ante una amenaza como sería en este caso la etapa crepuscular de esta civilización – el famoso Kali - Yuga en la doctrina hindú - que, así como si fuese un tigre desbocado, este mundo contemporáneo se convierte en un enorme peligro para aquellos hombres que han decido mantenerse consecuentes con la estirpe de la tradición y que no desean "aggiornarse" a los devaneos modernos. Así pues, el texto en cuestión esta dirigido hacia aquellos que desean sustraerse de este proceso de descomposición que genera la "civilización burguesa" pero que no saben como hacerlo. Así, señala el maestro Evola:

"Examinemos ahora cómo se aplica al mundo exterior, al medio general, el principio consistente en cabalgar el tigre. Puede entonces significar que cuando un ciclo de civilización toca a su fin, es difícil alcanzar un resultado cualquiera resistiendo, oponiéndose directamente a las fuerzas en movimiento. La corriente es muy fuerte y uno correría el riesgo de verse arrasado. Lo esencial es no dejarse impresionar por aquello que parece todopoderoso, ni tampoco por el triunfo aparente de las fuerzas de la época. Privadas de lazo con cualquier principio superior, estas fuerzas tienen, en realidad, un campo de acción limitado…" [2]

Por ello, si logramos colocarnos encima del tigre éste no podrá hacernos ningún daño y simplemente habrá que esperar a que se agote y concluya así su loca carrera. Esto podría interpretarse también como una suerte de retiro interior para el hombre de la tradición.

Para poder entender mejor la naturaleza de esta carrera sin sentido y sobre todo atisbar la posibilidad de su fin, Evola empieza por mostrarnos el escenario en el que nos encontramos marcado inicialmente por la disolución de la moral como ya lo había anuncidado Nietzsche con la frase "Dios ha muerto" o el mismo Dostoyevsky al señalar que "Si Dios no existe, todo esta permitido" [3].

Justamente la muerte de los valores o la moral se produce tras la ruptura de ésta con el plano metafísico o la trascendencia, entonces la moral se convierte en autónoma o racional – como afirmaría Kant – en decir, meramente subjetiva o respondiendo según sea el caso a los intereses sociales. Lo correcto o lo debido es lo deseado por el individuo o por la sociedad. Como indica Evola: "Después del racionalismo ético, el periodo de disolución prosigue con la ética utilitaria o "social". Renunciando a encontrar un fundamento intrínseco y absoluto del "bien" y del "mal", se propone justificar lo que queda de la moral por lo que se recomienda al individuo su interés y la búsqueda de su tranquilidad material en la vida social. Pero, esta moral ya está impregnada de nihilismo. Como ya no existe ningún lazo interior, todo acto, cualquier comportamiento se vuelven lícitos cuando se puede evitar la sanción exterior, jurídico-social, o cuando uno es indiferente a ella. Ya nada tiene carácter interiormente normativo o imperativo, todo se reduce a amoldarse a los códigos de la sociedad, que reemplazan la ley religiosa derribada." [4]

Esta etapa llamada "nihilista" por Nietzsche demuestra entonces la magnitud de la debacle, sin embargo, Evola no se identifica necesariamente con la solución de Nietzsche, esto es, con la superación del nihilismo por la "voluntad de poder" sino más bien con lo que llamaría – siguiendo a Schopenhauer – "voluntad de vivir" [5], aunque para ser más precisos se trata de ir más allá de la vida, de trascender!!


El texto continúa desarrollando una serie de conceptos que muestran como aquello que se presentaba aparentemente como una crítica a la modernidad (el mismo pensamiento de Nietzsche, el existencialismo de Sartre, la fenomenología de Husserl y Heidegger, etc., ) no son sino manifestaciones del mismo fenómeno de la descomposición y del individualismo desbocado. [6]

En esta carrera hacia el abismo, se iba finalmente perfilando otro rasgo del mundo actual, a saber, la muerte del individuo – que había sido precedida por la muerte de Dios ya destacada -. Esta muerte del individuo se dejaba ver con el progreso del anonimato y el avance de la sociedad de masas. Así paradójicamente, lejos de afirmar la personalidad el individualismo – que destruye toda estructura orgánica – impedía la identificación y diferenciación del sujeto, deviniendo éste en un ente abstracto y completamente despersonilazado.

El mundo moderno finalmente banaliza toda actividad que en otras épocas podían ser vías adecuadas para la trascendencia y la afirmación de la personalidad, la política, la cultura, las instituciones sociales (como el matrimonio por ejemplo), la religión, se convierten así en prácticas sin significados, sin sentidos ni propósitos, allí radica entonces la esencia del problema del hombre actual, en la trivialización de la vida, en la ignorancia.

El tigre sigue su marcha acelerada por lo que la única recomendación "aquí y ahora" es la de cabalgarlo con inteligencia hasta que se agote… como recomendaba Evola, no hay otra alternativa.


[1] Para este pequeño texto empleo una clásica edición en español que apareció en los años ochentas en Barcelona. Julius Evola, Cabalgar el Tigre, Barcelona, Nuevo Arte Thor, 1987.
[2] Ibid., p. 13.
[3] Ibid., p. 19.
[4] Ibid., p. 21.
[5] Ibid., p. 51.
[6] Algo semejante a lo planteado por Leo Strauss, en su texto "The Three Waves of Modernity" en Hilail Gildin ed. Political Philosophy: Six Essays by Leo Strauss (Indianapolis, 1975)

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jeudi, 21 mai 2009

Julius Evola: Carlo Michelstaedter

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Carlo Michelstaedter

par Julius Evola (dans: Explorations. Hommes et problèmes; Puiseaux 1989)

Carlo Michelstaedter est l'un des auteurs qui ont affirmé, à l'époque moderne, la nécessité pour l'individu de s'élever à l'être, à une valeur absolute en mettant fin à tous les compromis sous lesquels se masque une abios bios, une vie qui n'est pas vie, ne acceptant ce dont l'homme a plus peur que de toute autre chose: se mettre en face de soi, prendre sa propre mesure en fonction, précisément, de l'"être". L'état correspondant à l'être est appelé par Michelstaedter l'état de la "persuasion"; il est défini essentiellement comme une négation des corrélations. Chaque fois que le Moi ne pose pas en soi-même mais dans l'"autre" le principe de sa propre consistance, chaque fois que sa vie est conditionnée par des choses et relations, chaque fois qu'il succombe àdes dépendances et au besoin - il n'y a pas "persuasion", mais privation de valeur. Il n'y a valeur que dans l'existence en soi-même, dans le fait de ne pas demander à l'"autre" le principe ultime et le sens de sa propre vie: dans l'"autarcie", au sens grec du terme. Aussi bien l'ensemble d'une existence faite de besoins, d'affections, de "socialité", d'oripeaux intellectualistes et autres, mais aussi l'organisme corporel et le système de la nature (lequel, en tant qu'expérience, est compris comme engendré, dans son développement spatio-temporel indéfini, par la gravitation incessante en quête de l'être, qu'on ne possédera cependant jamais tant qu'on le cherchera hors de soi) (1), rentrent-ils dans la sphère de la non-valeur.

Le Moiqui pense être en tant qu'il se continue, en tant qu'il ignore la pléntitude d'une possession actuelle et renvoie sa "persuasion" à un moment successif dont il devient par là dépendant; le Moi qui dans chaque instant présent s'échappe à lui-même, le Moi qui ne se possède pas, mais qui se cherche et se désire, qui ne sera jamais dans un quelconque futur, celui-ci étant le symbole même de sa privation, l'ombre qui court en même temps que celui qui fuit, sur une distance entre le corps et sa réalité qui reste inchangée à chaque instant - tel est, pour Michelstaedter, la sens de la vie quotidienne, mais aussi la "non-valeur", ce qui "ne-doit-pas-être". Face à cette situation, le postulat de la "persuasion" est le suivant: l'autoconsistance, le fait de résister de toutes ses forces et à tout moment `a la déficience existentielle, ne pas céder à la vie qui déchoit en cherchant hors de soi ou dans l'avenir - ne pas demander,mais tenir dans son poing l'"être": ne pas "aller", mais demeurer (2).

Alors que la déficience existentielle accélère le temps toujours anxieux du futur et remplace un présent vide par un présent successif, la stabilité de l'individu "pré-occupe" un tempf infini dans l'actualité et arrête le temps. Sa fermeté est une traînée vertigineuse pour les autres, qui sont dans le courant. Chacun de ses instants est un siècle de la vie des autres - "jusqu'à ce qu'il se fasse lui-même flamme et parvienne à se tenir dans le présent ultime" (3). Pour éclairer ce point, il est important de comprendre la nature de la corrélation qui est contenue dans les prémisses: étant donné que le monde est compris comme engendré par la direction propre à la déficience, dont il est comme l'incarnation tangible, c'est une illusion de penser que la "persuasion" puisse être réalisée au moyen d'une consistance abstraite et subjective dans une valeur qui, comme dans la stoïcisme, aurait contre elle un être (la nature expérimentée) dont on peut dire que, pourtant sans valeur, il est. Celui qui tend à la persuasion absolue devraint en fait s'élever à une responsabilité cosmique. Ce qui signifie: je ne dois pas fuir ma déficience - que le monde reflète -, mais la prendre sur moi, m'adapter à son poids et la racheter. C'est pourquoi Michelstaedter dit: "Tu ne peux pas te dire persuadé tant qu'il reste une chose qui n'a pas été persuadée". Il renvoie à la persuasion comme "à l'extrême conscience de celui qui est un avec les choses, qui a en soi toutes les choses: e ounekes".
Pour rendre plus intelligible le problème central de Michelstaedter, on peut rattacher le concept d'insuffisance au concept aristotélicien de l'acte imparfait. L'acte imparfait ou "impur", c'est l'acte des puissances qui ne passent pas d'elles-mêmes (kath auto) à l'acte, mais qui pour cela ont besoin du concours de l'autre. Tel est par exemple le cas de la perception sensorielle: en elle, la puissance de perception n'étant pas autosuffisante, ne produit pas d'elle-même la perception, mais a pour ce faire besoin de la corrélation à l'objet. Or, le point fondamental dont dépend la position de Michelstaedter est le suivant: sur le plan transcendental, l'acte imparfait ne résout qu'en apparance la privation du Moi. En réalité, il la confirme de nouveau. À titre d'exemple, prenons une comparasion. Le Moi a soif; tant qu'il boira, il confirmera l'état de celui qui ne suffit pas a sa propre vie, mais qui pour vivre a besoin de l'"autre"; l'easu et le reste ne sont que les symboles de sa déficience (il importe de fixer l'attention sur ce point: on ne désire pas parce qu'il y a privation de l'être, mais il y a privation de l'être parce qu'on désire - en second lieu: il n'y a pas désir, par exemple celui de boire, parce qu'il y a certaines choses, par exemple l'eau, mais parce que les choses désirées, à l'instar de la privation de l'être qui pousse vers elles, sont créés au même moment par le désir qui s'y rapporte, lequel est donc le prius qui pose la corrélation et les deux termes de celle-ci, la privation et l'objet correspondant, dans notre exemple la soif et l'eau). En tant qu'il se nourrit de cette déficience et lui demande la vie, le Moi se repâit seulement de sa propre privation et demeure en elle, s'éloignant de l'"acte pur" ou parfait, de cette eau éternelle au sujet de laquelle on pourrait citer les paroles même du Christ, eau pour laquelle toute soif, et toute autre privation, seraient vaincues à jamais. Cette appétence, cette contrainte obscure qui entraîne le Moi vers l'extérieur - vers l'"autre" -, voilá ce qui engendre dans l'expérience le système des réalités finies et contingentes. La persuasion, qui va brûler dans l'état de l'absolue consistance, du pur être-en-soi - cet effort a donc aussi le sens d'une "consommation" du monde qui se révèle à moi.

Le sens de cette consommation, il faut, pour l'éclairer, aller jusqu'à des conséquences que Michelstaedter n'a pas complètement développées.

Tout d'abord, dire que je dois pas fuir ma déficience signifie notamment que je dois me reconnaître comme la fonction créatrice du monde expérimenté. De là pourrait suivre une justification de l'Idéalisme transcendental (à savoir du système philosophique selon lequel le monde est posé par le Moi) sur la base d'un impératif moral. Mais on a vu que, selon la prémisse, le monde est considéré comme une négation de la valeur. Du postulat général exigeant que le monde soit racheté, que sa déficience soit assumée, procède donc, toujours comme postulat moral, mais aussi sur le plan pratique, un second point: la négation même de la valeur doit être reconnue, d'une certaine façon, comme une valeur. Cela est important. En effet, si je considère l'impulsion qui a engendré le monde comme une donnée pure, irrationnelle, il est évident que la persuasion, en tant qu'elle est conçue comme la négation de cette impulsion, va en dépendre, donc qu'elle n'est pas absolument autosuffisante mais dépend d'un "autre", dont la négation lui permet de s'affirmer. Dans ce cas, donc dans le cas où le désir même n'est pas réinséré dans l'ordre de l'affirmation de la valeur, mais reste intégralement une donnée, la persuasion ne serait donc pas du tout persuasion - le mystère initial en réduirait inévitablement la perfection à une illusion.
Il faut donc admettre comme postulat moral que l'antithèse même participe, d'une certain façon, de la valeur. Mais de quelle façon? Ce problème amène à inclure dans le concept de persuasion un dynamisme. En effet, il est écident que si la persuasion ne réduit pas à une suffisance pure et autonome - donc à un état - , mais est suffisance en tant que négation d'une insuffisance - donc est un acte, une relation -, l'antithése a certainement und valeur et peut être expliquée ainsi: le Moi doit poser dans un premier moment la privation, la non-valeur, y compris sous la condition òu la privation n'est posée que pour être niée, car cet acte de négation, et lui seul, engendre la valeur de la persuasion. Mais que signifie nier l'antithèse - qui en l'occurence revient à dire la nature? On se rappelle que pour Michelstaedter la nature est non-valeur en tant que symbole et incarnation du renoncement du Moi à la possession actuelle de soi-même, en tant que corrélat d'un acte imparfait ou "impur" au sens défini plus haut. Il ne s'agit donc pas de nier telle ou telle détermination de l'existant, parce qu'on n'atteindrait par là que l'effet, la conséquence, non la racine transcendentale de la non-valeur; il ne s'agit pas non plus d'éliminer en général toute action, car l'antithèse n'est pas l'action en général, mais l'action en tant que fuite de soi, "écoulement" - et il n'est pas dit que toute action ait nécessairement ce sens. Ce qu'il faut résoudre, c'est plutôt le mode - passif, hétéronome, extraverti - d'action. Or, la négation d'un tel mode est constitutée par le mode de l'action autosuffisante, laquelle est aussi puissance - tel est donc le sens du rachat tout à la fois cosmique et existentiel. De même que la concrétisation de la persuasion est le développement d'un monde d'autarcie et de domination; et le moment de la négation pure n'est que le moment neutre entre les deux phases.

Aussi bien le développement des vues de Michelstaedter dans ce qu'on pourrait appeler un "Idéalisme magique" apparaît-il obéir à une continuité logique. En fait, Michelstaedter s'est d'une certaine façon arrête à une négation indeterminée, et ce, en grande partie, pour n'avoir pas considéré suffisamment que le fini et l'infini ne doivent pas être rapportés à un objet particulier ou à une action particulière, mais sont deux modes de vivre n'importe quel objet ou n'importe quelle action. En général, le vrai Maître n'a pas besoin de nier (au sens d'annuler) et, sous le prétexte de la rendre absolue, de réduire la vie à une unité indifférenciée, comme, si l'on veut, dans une espèce de fulguration: l'acte de puissance - qui n'est pas acte de désoir ou de violence - , loin de détruire la possession parfaite, l'atteste et la confirme. Le fait est que Michelstaedter, à cause de l'intensité même avec laquelle il vécut l'exigence de la valeur absolue, ne sut pas donner à cette exigence un corps conret, donc la développer dans la doctrine de la puissance, ce qui pourrait avoir quelque relation avec la fin tragique de son existence mortelle.

Toutefois, c'est Michelstaedter qui a écrit: "Nous ne voulons pas savoir par rapport à quelles choses l'homme s'est déterminé, mais bien comment il s'est déterminé". Au-delá de l'acte, il s'agit donc de la forme ou valeur sous laquelle cet acte est vecú par l'individu. De fait, toute relation logique est, d'une certaine façon, indéterminée, et la valeur est une dimension supérieure où elle se spécifie. L'un des mérites de Michelstaedter, c'est d'avoir réaffirmé la considération selon la valeur dans l'ordre métaphysique: en effet, la "rhétorique" et la "voie vers la persuasion" peuvent être distinguées non d'un point de vue purement logique, mais du point de vue de la valeur. Dans ce contexte, il est très important que Michelstaedter reconnaisse qu'il y a, d'une certaine manière, deux voies. Cette coexistence est elle-même une valeur: car l'affirmation de la persuasion ne peut valoir comme affirmation d'une liberté que si l'on a conscience de la possibilité de l'affirmation comme valeur de la non-valeur elle-même, selon d'indifférence: seul étant libre et infini le "Seigneur du Oui et du Non" (sur cette problématique, cf. notre Teoria dell'Individuo Assoluto, I, 1-5). L'autre justification de l'antithèse dont il a été question plus haut, a évidemment pour présupposé l'option positive pour la "persuasion".

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mercredi, 22 avril 2009

L'éveil du traditionalisme en Allemagne

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

 

L'éveil du traditionalisme en Allemagne

 

Le terme “traditionalisme” n'a pas de définition précise en langue allemande. Il peut s'appliquer au catholicisme pré-conciliaire ou, plus généralement, à des personnes ou à des mouvements qui persistent à défendre le point de vue d'une tradition qui leur a été léguée. Dans les pays de langues romanes, le “traditionalisme” est quelque chose de plus précis: les vocables “traditionnel” ou “traditionalisme” y détiennent un sens particulier, surtout lorsqu'ils se réfèrent au groupe des écrivains ou des philosophes de la religion qui entendent demeurer fidèles au “traditionalisme intégral”, c'est-à-dire à “un héritage non humain”, déterminé par un “absolu d'origine divine”. Ces formules, nous les devons à l'Italien Julius Evola qui, à côté du Français René Guénon, est l'une des principales figures de proue du Traditionalisme.

 

Depuis quelque temps, des ouvrages importants d'Evola ont été traduits en allemand, comme Revolte gegen die moderne Welt (chez Arun à Engerda), Das Mysterium des Grals (chez AAGW à Sinzheim) et Menschen inmitten der Ruinen (chez Hohenrain à Tübingen). Ces ouvrages abordent principalement la “théologie politique” d'Evola et moins l'autre aspect majeur de sa pensée, les doctrines ésotériques. Toutefois, en 1989 déjà, le livre Hermetische Tradition était paru chez Ansata à Interlaken et, dix ans auparavant, chez le même éditeur, Magie als Wissenschaft vom Ich, un livre qu'Evola avait cosigné avec le “Groupe d'Ur”. Ce recueil important ne nous livrait finalement qu'une esquisse; il vient toutefois d'être complété de son deuxième volume (Schritte zur Initiation, chez Scherz, une maison d'édition très importante, établie simultanément à Berne, Munich et Vienne). Ce nouveau volume compte près de 500 pages et contient, outre des écrits d'ordre hermétique dans une traduction nouvelle, de nombreux articles qui traitent pour l'essentiel de diverses questions de “pratique magnétique”, dans une acception assez inhabituelle du terme.

 

Si l'œuvre d'Evola se limite encore essentiellement à l'Italie et à la France, si, jusqu'ici, elle n'a soulevé que peu d'intérêt en Allemagne (à l'exception notoire de Hermann Hesse, Gottfried Benn, Edgar J. Jung et Ernst Jünger, plus récemment de Botho Strauss), les études traditionnelles font désormais lentement leur chemin en Allemagne. La preuve: la parution récente d'une nouvelle revue, Gnostika (c/o AAGW, Lothar-von-Kübel-Straße 1, D-76.547 Sinzheim; cette publication paraît quatre fois par an; l'abonnement coûte 40 DM). Le premier numéro est paru à l'automne dernier. Jusqu'ici trois livraisons ont été envoyées aux abonnés. L'éditeur est l'AAGW ou Archiv für Altes und Geheimes Wissen (= Archives pour le Savoir Ancien et Occulte). Cet éditeur offre également une édition bibliophilique du livre d'Evola Mysterium des Grals. Nous avons affaire ici à un organe très différent de toutes ces publications sans relief émanant de la sphère “New Age”: le niveau intellectuel en est très élevé, les auteurs traitent des matières ésotériques avec une grande compétence. Beaucoup de contributions de Gnostika  n'éveilleront que l'attention des spécialistes, mais la présentation succincte de l'histoire de l'hermétisme, des travaux de Nicholas Goodrick-Clarke sur les rapports entre Rosicruciens et philosophie des Lumières, de même qu'un essai du Dr. H. Th. Hakl, publié en plusieurs parties, sur le national-socialisme et l'occultisme méritent d'être connus d'un public plus large.

 

Si en général l'on désigne aujourd'hui le traditionalisme comme un phénomène propre aux pays de langues romanes, il convient, me semble-t-il, de faire quelques exceptions. Surtout si l'on se souvient du poète et penseur religieux Leopold Ziegler. Après avoir connu une gloire beaucoup trop brève dans les années 20, cet Allemand a sombré dans l'oubli. Mais on vient de le réhabiliter. Une revue qui a l'habitude de nous surprendre, Tumult/Schriften zur Verkehrswissenschaft  vient de consacrer son n°23 à Ziegler (Verlag Turia und Kant, Weinberggasse 17, A-1190 Wien; cette revue paraît deux fois par an; abonnement: 32 DM; prix au numéro: 26 DM; le n°16 avait été consacré à Ernst Kantorowicz; le n°18 à Georges Dumézil). Le n°23, consacré à Ziegler, présente cinq essais de cet auteur, dont le livre Überlieferung (= Tradition), paru en 1936, a joué un rôle essentiel et constitue très certainement la profession de foi traditionnelle la plus solide en Allemagne. Ziegler se réfère aux conceptions de Guénon, qu'il complète de ses propres réflexions, mûries au départ d'un livre de 1922, Gestaltwandel der Götter. Rappelons la phrase récente de Botho Strauss: “Eh oui, Leopold Ziegler fait bien partie de cette liste d'auteurs qu'il faut absolument redécouvrir”. Cette nécessité ne doit pas valoir pour Ziegler seul, elle doit s'étendre à tous les traditionalistes, qui représentent une branche injustement oubliée de la pensée européenne.

 

Karlheinz WEISSMANN.

(article paru dans Criticón, n°154/1997; trad. franç.: Robert Steuckers).

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mercredi, 15 avril 2009

L'influence d'Oswald Spengler sur Julius Evola

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

 

L'influence d'Oswald Spengler sur Julius Evola

par Robert Steuckers

 

«Je traduisis de l'allemand, à la demande de l'éditeur Longanesi (...) le volumineux et célèbre ouvrage d'Oswald Spengler, Le déclin de l'Occident. Cela me donna l'occasion de préciser, dans une introduction, le sens et les limites de cette œuvre qui, en son temps, avait connu une renommée mondiale».  C'est par ces mots que commence la série de paragraphes critiques à l'égard de Spengler, qu'Evola a écrit dans Le Chemin du Cinabre  (op. cit.,  p. 177). Evola rend hommage au philosophe allemand parce qu'il a repoussé les «lubies progressistes et historicistes», en montrant que le stade atteint par notre civilisation au lendemain de la première guerre mondiale n'était pas un sommet, mais, au contraire, était de nature «crépusculaire». D'où Evola reconnaît que Spengler, surtout grâce au succès de son livre, a permis de dépasser la conception linéaire et évolutive de l'histoire. Spengler décrit l'opposition entre Kultur  et Zivilisation, «le premier terme désignant, pour lui, les formes ou phases d'une civilisation de caractère qualitatif, organique, différencié et vivant, le second les formes d'une civilisation de caractère rationaliste, urbain, mécaniciste, informe, sans âme»   (ibid., op. cit., p.178). 

Evola admire la description négative que donne Spengler de la Zivilisation,  mais critique l'absence d'une définition cohérente de la Kultur,  parce que, dit-il, le philosophe allemand demeure prisonnier de certains schèmes intellectuels propres à la modernité. «Le sens de la dimension métaphysique ou de la transcendance, qui représente l'essentiel dans toute vraie Kultur, lui a fait défaut totalement»  (ibid., p. 179). Evola reproche également à Spengler son pluralisme; pour l'auteur du Déclin de l'Occident,  les civilisations sont nombreuses, distinctes et discontinues les unes par rapport aux autres, constituant chacune une unité fermée. Pour Evola, cette conception ne vaut que pour les aspects extérieurs et épisodiques des différentes civilisations. Au contraire, poursuit-il, il faut reconnaître, au-delà de la pluralité des formes de civilisation, des civilisations (ou phases de civilisation) de type "moderne", opposées à des civilisations (ou phases de civilisation) de type "traditionnel". Il n'y a pluralité qu'en surface; au fond, il y a l'opposition fondamentale entre modernité et Tradition.

Ensuite, Evola reproche à Spengler d'être influencé par le vitalisme post-romantique allemand et par les écoles "irrationalistes", qui trouveront en Klages leur exposant le plus radical et le plus complet. La valorisation du vécu ne sert à rien, explique Evola, si ce vécu n'est pas éclairé par une compréhension authentique du monde des origines. Donc le plongeon dans l'existentialité, dans la Vie, exigé par Klages, Bäumler ou Krieck, peut se révéler dangereux et enclencher un processus régressif (on constatera que la critique évolienne se démarque des interprétations allemandes, exactement selon les mêmes critères que nous avons mis en exergue en parlant de la réception de l'œuvre de Bachofen). Ce vitalisme conduit Spengler, pense Evola, à énoncer «des choses à faire blêmir» sur le bouddhisme, le taoïsme et le stoïcisme, sur la civilisation gréco-romaine (qui, pour Spengler, ne serait qu'une civilisation de la "corporéité"). Enfin, Evola n'admet pas la valorisation spenglérienne de l'«homme faustien», figure née au moment des grandes découvertes, de la Renaissance et de l'humanisme; par cette détermination temporelle, l'homme faustien est porté vers l'horizontalité plutôt que vers la verticalité. Sur le césarisme, phénomène politique de l'ère des masses, Evola partage le même jugement négatif que Spengler.

Les pages consacrées à Spengler dans Le chemin du Cinabre  sont donc très critiques; Evola conclut même que l'influence de Spengler sur sa pensée a été nulle. Tel n'est pas l'avis d'un analyste des œuvres de Spengler et d'Evola, Attilio Cucchi (in «Evola, la Tradizione e Spengler», Orion,  n°89, Février 1992). Pour Cucchi, Spengler a influencé Evola, notamment dans sa critique de la notion d'«Occident»; en affirmant que la civilisation occidentale n'est pas la civilisation, la seule civilisation qui soit, Spengler la relativise, comme Guénon la condamne. Evola, lecteur attentif de Spengler et de Guénon, va combiner éléments de critique spenglériens et éléments de critique guénoniens. Spengler affirme que la culture occidentale faustienne, qui a commencé au Xième siècle, décline, bascule dans la Zivilisation,  ce qui contribue à figer, assécher et tuer son énergie intérieure. L'Amérique connaît déjà ce stade final de Zivilisation  technicienne et dé-ruralisée. C'est sur cette critique spenglérienne de la Zivilisation  qu'Evola développera plus tard sa critique du bolchévisme et de l'américanisme: si la Zivilisation  est crépusculaire chez Spengler, l'Amérique est l'extrême-Occident pour Guénon, c'est-à-dire l'irreligion poussée jusqu'à ses conséquences ultimes. Chez Evola, indubitablement, les arguments spenglériens et guénoniens se combinent, même si, en bout de course, c'est l'option guénonienne qui prend le dessus, surtout en 1957, quand paraît l'édition du Déclin de l'Occident  chez Longanesi, avec une préface d'Evola. En revanche, la critique spenglérienne du césarisme politique se retrouve, parfois mot pour mot, dans Le fascisme vu de droite  et Les Hommes au milieu des ruines. 

Le préfacier de l'édition allemande de ce dernier livre (Menschen inmitten von Ruinen,  Hohenrain, Tübingen, 1991), le Dr. H.T. Hansen, confirme les vues de Cucchi: plusieurs idées de Spengler se retrouvent en filigrane dans Les Hommes au milieu des ruines;  notamment, l'idée que l'Etat est la forme intérieure, l'«être-en-forme» de la nation; l'idée que le déclin se mesure au fait que l'homme faustien est devenu l'esclave de sa création; la machine le pousse sur une voie, où il ne connaîtra plus jamais le repos et d'où il ne pourra jamais plus rebrousser chemin. Fébrilité et fuite en avant sont des caractéristiques du monde moderne ("faustien" pour Spengler) que condamnent avec la même vigueur Guénon et Evola. Dans Les Années décisives (1933), Spengler critique le césarisme (en clair: le national-socialisme hitlérien), comme issu du titanisme démocratique. Evola préfacera la traduction italienne de cet ouvrage, après une lecture très attentive. Enfin, le «style prussien», exalté par Spengler, correspond, dit le Dr. H.T. Hansen, à l'idée évolienne de l'«ordre aristocratique de la vie, hiérarchisé selon les prestations». Quant à la prééminence nécessaire de la grande politique sur l'économie, l'idée se retrouve chez les deux auteurs. L'influence de Spengler sur Evola n'a pas été nulle, contrairement à ce que ce dernier affirme dans Le chemin du Cinabre. 

 

 

mardi, 31 mars 2009

Evola, un penseur "gramscien" à historiciser

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES  - 1995

Evola, un penseur «gramscien» à historiciser

 

Entretien avec Marco Fraquelli

 

Récemment les pages culturelles de la presse quotidienne d'Italie se sont préoccu­pées d'Evola, parce qu'un philosophe en vue, Marco Fraquelli, classé à “gauche”, venait de publier un livre inattendu sur le penseur traditionaliste, intitulé significati­vement Il filosofo proibito (= “Le philosophe prohibé”), auprès de la maison d'édition milanaise Terziaria. Fraquelli travaille actuellement dans le domaine de la communi­ca­tion d'entreprise. Son travail fouillé sur Evola est issu d'une thèse universitaire qu'il avait présentée il y a quelques années sous la houlette de Giorgio Galli, qui lui est resté fidèle: il a rédigé pour l'édition grand public de cette thèse une introduction aussi pertinente que provoquante. Le Dr. Luca Gallesi a rencontré Fraquelli pour le mensuel politico-culturel romain, Pagine Libere. Voici une version française de leur entre­tien:

 

Q.: Vu la place que consacrent à votre livre les grands quotidiens nationaux, on pourrait croire que le nom et l'œuvre d'Evola soient enfin sortis du “ghetto” où on les avait exilés pendant tant d'années. La démoni­sation d'Evola n'est-elle plus qu'un souvenir? Le cordon sanitaire impénétrable que les bien-pensants avaient dressé autour de lui vient-il d'être levé?

 

MF: Sincèrement, j'aurais bien du mal à vous dire si cette démonisation vient de cesser ou non. En réalité, l'attention qu'une grande partie de notre presse consacre à mon livre, et donc à Evola, a une origine “anecdotique” et n'a rien à voir avec le contenu de mon travail. L'anecdote qui a déclenché cet intérêt, c'est le fait que j'ai présenté mon essai à la Casa della Cultura de Milan, un lieu où, traditionnellement, les gens de lettres classés à gauche se rencontrent. Le fait qu'on y parlait tout d'un coup d'Evola a suscité la curiosité des média... Evidemment si cela peut contribuer à évacuer le cordon sanitaire, tant mieux. Mais, entendons-nous bien, si je suis contre la démonisation d'Evola, je ne suis pas pour autant en faveur de sa revalorisation: je ne peux que répéter mon jugement critique et négatif à l'encontre d'Evola, mais je crois qu'il est plus utile pour tout le monde de présenter une approche exacte de l'œuvre évolienne, une ap­proche que je qualifierais d'“historicisée”, rien de plus.

 

Q.: En incluant Evola dans sa Storia delle dottrine politiche [= Histoire des doctrines politiques], Giorgio Galli, dans le chapitre qu'il consacre aux “théories élitistes”, réintroduit le penseur traditionaliste dans la culture universitaire officielle et hisse Evola au rang des auteurs qu'il s'agit désormais d'approfondir. Galli conclut les pages qu'il consacre à Evola en citant un passage de Chevaucher le Tigre  qui nous rappelle que l'apolitia  doit être le principe de l'homme différencié. Est-ce un mes­sage qu'il adresse aux lecteurs d'Evola qui auraient choisi la voie du militantisme politique?

 

MF: Sans doute. Mais je crois qu'il a voulu dire davantage que cela. Personnellement, je suis convaincu que l'œuvre d'Evola dans son ensemble  —et je fais allusion ici à toute sa production “métapolitique” des années 50 et 60—  avait pour but précis de fournir au néofascisme des référents idéels et politiques en vue de revitaliser une vision du monde antidémocratique. Mais cela n'implique pas, bien sûr, qu'il y ait un rapport mécanique entre la doctrine et la pratique. Cette dernière relève exclusivement de la responsabi­lité des militants. Quant au concept plus spécifique d'apolitia  —qu'une grande partie de la droite radicale, surtout celle qui se définit comme “traditionaliste”, utilise pour démontrer l'“impolicité” de la pensée évo­lienne—  je vous rappelle que pour Evola lui-même, il est évident que se référer à une dimension intérieure ne doit nullement bloquer l'action extérieure. Cela a été souligné par des exégètes reconnus de l'œuvre évolienne comme Freda et Romualdi, pour qui l'apolitia ne devait pas être une invitation à “se croiser les bras”, mais  —je cite Anna Jellamo—  devait être considérée “comme un moment de lutte, comme l'expression d'une non-action idéologiquement motivée et politiquement orientée, qui porte en soi les germes d'une victoire possible”.

 

Q.: Dans l'introduction à votre livre, Galli parle d'Evola comme “du fil rouge qui tra­verse toutes les expé­riences du néofascisme” et bon nombre de pages analysent la polémique anti-évolienne de ce qu'il est convenu d'appeler la “nouvelle droite” qui, en Italie, accuse la doctrine évolienne d'être un “mythe inca­pacitant”. Vous affir­mez, au contraire, qu'Evola est bien plus “gramsciste” que les “nouveaux gram­scistes de droite». Dans quel sens?

 

MF: Si on accepte, comme j'accepte, la définition que donne Revelli de la “nouvelle droite”, où cette droite est précisément celle qui fait sienne les conclusions du débat sur la crise de la politique, débat qu'avait proposé la gauche à partir de 1977. En acceptant les conclusions de ce débat, cette “nouvelle droite” (ND) choisit  —au détriment de tout politique institutionnelle, du moins temporairement—   de se consacrer à une action de “pénétration capillaire et extensive dans la société civile afin d'en orienter les mœurs et d'y enraciner sa propre conception du monde, c'est-à-dire, en termes gramsciens, afin de s'assurer l'hégémonie”. En tenant compte de cette définition de Revelli, on s'aperçoit immédiatement quel risque court la ND: celui d'être prisonnière d'un déterminisme, c'est-à-dire celui de croire que l'hégémonie poli­tique doit automatiquement suivre l'hégémonie culturelle. Ce risque, comme je le rappelle d'ailleurs dans mon livre, a pourtant été mis en évidence dans les cercles mêmes de cette droite, par exemple par Giano Accame  —qui affirme la nécessité d'ancrer le discours [révolutionnaire/rénovateur] dans un référent po­litique précis qui n'est autre que la “communauté nationale”—  et par Francesco Fransoni, jeune plume de la Nuova Destra italienne, qui a consacré tout un livre à cette problématique. Pour ce qui concerne Evola, je pense pouvoir dire que ce risque, justement, ne se pose pas. Dans l'œuvre évolienne, on ne trouve par la moindre faiblesse de type déterministe: la politique et la culture sont des entités qui avancent toujours d'un même pas, en s'informant et en se complétant tout à tour. C'est en ce sens-là qu'Evola est “gramscien”.

 

Q.: En posant votre regard sur l'enseignement d'Evola, vous soutenez la thèse que les analyses des nouvelles droites sur son œuvre révèlent des limites majeures, no­tamment dans cette attitude à vouloir coûte que coûte isoler la catégorie du “politique” de toutes les autres catégories. Dans quelle mesure?

 

MF: Je me rappelle d'un thème récurrent de la ND italienne: celui de l'“impolicité” de l'œuvre évolienne. La ND soutient que la seule issue du traditionalisme intégral d'Evola ne peut être que l'“impolicité”; en d'autres termes, que le traditionalisme ne peut avoir aucune influence du point de vue existentiel. Je me demande quelle autre finalité pourrait avoir une attitude existentielle précise sinon celui de prédisposer l'individu à une vision du monde qui comporte inévitablement un choix de type politique, voire implique un positionnement politique. Sans doute suis-je un peu trop “pasolinien” [disciple de Pasolini]  —en cela je dois reconnaître que cet autre exégète d'Evola, Gianfranco De Turris, a probablement raison—  mais ja­mais je ne me risquerais à affirmer que la sphère politique est entièrement détachée de toutes les autres sphères de l'existence (sphère culturelle, sphère religieuse, etc.), comme me semble l'avoir fait cette pensée de droite.

 

Q.: Etes-vous d'accord avec ceux qui disent que si Evola était né cinquante ans plus tard, il aurait été hippy? Car, au fond, il a été dadaïste, a goûté à tous les types de drogue, et a toujours été, en tout, un véritable anti-conformiste...

 

MF: Franchement, non, je ne suis pas d'accord. Mais je ne veux par formuler de jugement de valeur. La culture hippy se caractérise par une soif quasi inextinguible de liberté [au sens libertaire du terme], qui domine les rapports entre les individus. Evola a fait et expérimenté tout ce que vous venez d'évoquer (et même plus...) mais il n'a certainement jamais été un “libertaire”; Evola a été  —ce que souligne très bien Giorgio Galli dans la préface à mon essai—  un représentant significatif d'une culture occidentale, certes “alternative”, mais de type traditionaliste, se basant sur les valeurs organiques et hiérarchiques.

 

Q.: Dans votre conclusion, vous soulignez l'actualité de la doctrine politique d'Evola, qui, selon vous, a été sanctionnée par la mobilisation des thèmes évoliens chez bon nombre de protagonistes de la “droite effervescente” (c'est-à-dire celle qui a recouru au terrorisme et au “spontanéisme armé”). Ne vous semble-t-il pas que le “spontanéisme armé”, romantique, passionnel et irrationnel, ou que les vilénies du terrorisme  —dont la matrice politique reste entièrement à démontrer!—  ont finale­ment très peu de choses en commun avec celui qui a préconisé la distance absolue et l'“agir sans l'agir”?

 

MF: Je pourrais vous répondre par une provocation: seule une distance absolue peut soutenir l'action de celui qui se prépare à commettre un acte terroriste, voire un massacre d'innocents... Mais le problème est ailleurs, au-delà des sentiers battus. Comme je vous l'ai déjà dit, je crois avoir été très clair: il serait par­faitement malhonnête, sur le plan intellectuel, de chercher des connexions mécaniques entre les paroles du “Maître” et les comportements des certains de ses “élèves”. Mais je n'accepte pas pour autant l'image d'Epinal, totalement “impolitique”, qui est celle de l'Evola que veulent nous vendre les droites depuis une vingtaine d'années; j'ai voulu démontrer que l'œuvre d'Evola est difficilement “transférable en actes”, tâche qui pourrait même être carrément impossible, mais qu'elle reste néanmoins une pensée politique, dont les catégories ont été utilisées par d'autres hommes politiques ou idéologues, n'appartenant pas à la “droite effervescente”, mais à une tradition antérieure à Evola, pour orienter leur praxis politique. Reste à évoquer l'influence générale de nature existentielle qu'à mon avis l'œuvre d'Evola a indubitablement exer­cée; cette quête et cette exploration de l'œuvre, quand elles ont été poursuivies avec lucidité, quand elles se sont évidemment démarquées de toutes expériences “effervescentes” [“éversives”] ou terro­ristes, ont plus simplement voulu fournir des directives politiques, donner des lignes de conduite idéales, afin de maintenir à flot ou de sauver une vision du monde rigoureusement anti-démocratique.

 

(propos recueillis par le Dott. Luca Gallesi, parus dans le mensuel romain Pagine Libere, n°4/1995; adresse: Pagine Libere, Via Margutta 19, I-00.187 Roma; abonnement annuel, douze numéros: Lire 85.000).

mercredi, 25 mars 2009

Metaphysics of War : Battle, Victor & Death in the World of Tradition

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Metaphysics of War: Battle, Victor & Death in the World of Tradition

by Julius Evola, Integral Tradition Publishing, 2007

Reviewed by David J. Wingfield - Ex: http://www.rosenoire.org/

BOOK REVIEW

Metaphysics of War: Battle, Victor & Death in the World of Tradition by Julius Evola

Reviewed by David J. Wingfield

METAPHYSICS of War is the first publication of the Integral Tradition Publishing team and is the first stage of a projected endeavor to make Julius Evola’s thought and works more accessible in the English language. As such it represents a continuation of the spirit of the Inner Traditions publishing house, which first made Evola’s social writings Revolt Against the Modern World and Men Among The Ruins available in English back in the 1980s.

The book consists of a collection of sixteen essays on the spiritual and heroic aspects of war and combat, all but one of which appears in English for the first time. The material spans the fifteen turbulent years between 1935 and 1950, with the majority being written during the high tide of the European fascist experiment in the nineteen thirties up to nineteen forty three. The final piece of the collection, The Decline of Heroism written after the post war dust had settled, is a rallying call to the human spirit against the impersonal mediocrity of the encroaching cold war. It shows all the hallmarks of Evola’s post-war social Traditionalist thought, as expressed in the great manifesto Men Among the Ruins. Metaphysics of War therefore spans the period between Evola’s two major “political” works, starting as they do a year after the publication of “Revolt” and should properly be read against the philosophical bedrock of these books.

This is the voice of the political Evola, written during the time of his much maligned engagement with Italian fascism and German National Socialism, when he still considered these movements, despite their shortcomings, to be potential vehicles for a Traditionalist renewal across Europe. This will account for the rhetoric of fascism that permeates some of these essays. As such, it represents a personal period of passionate change and development in Evola’s philosophy. The metapolitical theme is a continued exhortation for the European peoples to transcend their stagnant bourgeois societies and the turbulence of their war ravaged times, by a sustained appeal to embrace the heroic traditions of their ancient heritage. In fact, despite his tacit support, Evola fell foul of the authorities in both Nazi Germany and Fascist Italy for his “reactionary” opinions and repudiation of purely scientific reductionist racism and was only able to publish outside the beady eye of the censors due to the patronage of some time National Fascist Party chairman Roberto Farinacci. Seven of the essays in this work appeared originally in Evola’s Philosophical Dioramas column of Farinacci’s newspaper “Il Regime Fascista”. This is a series of articles elaborating on Evola’s theory of sacred war mentioned in Revolt. The essay “The Greater war and the Lesser war” is taken almost Verbatim from the chapter in Revolt of the same name for a July 1935 edition of the “Regime” . Others appeared in the state organs La Difesa della Razza (The Defense of The Race) and La Vita Italiana. Others, such as the controversial Aryan Doctrine of Combat and Victory and The Meaning of the Warrior Element for the New Europe were produced during Evola’s abortive flirtation with Heinrich Himmler’s SS.

As always in his writings, both esoteric and social, Evola’s preoccupation is with the transcendent esoteric spiritual virility that he saw underpinning all traditional social and philosophical systems. As such he takes examples from medieval Europe, Islam, ancient Imperial Rome and Indo-Aryan traditions to underline his thesis. This is, that through the extreme existential existence of a warrior in protracted combat, an individual may overcome the limitations of human existence and partake in a level of human consciousness bordering on the divine. Thus parallels are drawn between the Nordic conception of Valhalla and the idea of the “Heavenly Jerusalem” envisaged by the Frankish crusaders, as a state of “immortal” being for heroic souls. The true warrior ethos and life can be seen in this view as a method of, or extension of an initiatory process. Evola deplores the mass soldier armies of the twentieth century and emphasizes the path of Holy War as an interior as well as exterior struggle.

Throughout the series of essays, The Baron outlines a theory of Holy War which goes beyond individual historical and religious concepts. For Evola, heroism could take two forms. The experience of battle could awaken “sub-human” animal instincts of savage ferocity and self-destructive bravery which transmutes the individual into a beast of prey, devoid of spirit and individuality. Evola notices that this heroism was notably present during the First world conflagration and is well expressed in the characters of Remarque’s famous novel “All Quiet on the Western Front” , where the protagonists of the book are dehumanized by their experience, despite acts of blind valour. This highly collectivized heroism is also a characteristic of the primitive “Races of Nature” and is evident in the behavior of Russian soldiers fighting for the Soviet Union in the early 1940s. For a member of a “Race of the Spirit” such as those of Roman-Germanic heritage, this form of heroism should really be seen as an involutionary process. Contrary to this is the second form of heroism, whereby the warrior accesses the root spiritual strength of his race in an exultation of victorious self-sacrifice and overcoming. Here a theory of holy war is developed, paralleled in both medieval Christianity and Islam, where the “Lesser Holy War” against external enemies mirrors the “Greater Holy War” against internal enemies with the same perceived characteristic traits. In this Weltanschauung of ecstatic and victorious self-overcoming even death itself is a laughable impossibility, for the hero achieves a divine immortal dynamism in the “hall of heroes” outlined by Evola in several Aryan traditions. Throughout Metaphysics, the author also delves into the idea of the divine feminine as initiatrix in the guise of the Germanic Valkyries and the Fravashi of the Aryo-Iranian Mithras cult. This is interesting to read alongside Evola’s exposition of the spiritual aspects of medieval knighthood in Revolt. Clear parallels can be made between the “true love” of medieval romance and the initiating spirit of divine wisdom she represents and the Roman and Teutonic “Goddess of Battle”, through whom the higher aspects of the warrior/initiate are “given birth”. Throughout his explorations, Evola is consistent in presenting the ancient warrior ethos as a viable initiatory ‘modus operandi’ for his contemporary world and presents a vision of how “warlike” ethics and a heroic spirituality can revitalize a moribund society.

Metaphysics of War is a lucid translation, which allows the reader to access Evola’s fervently intense prose and encyclopedic knowledge of Tradition with relative ease. However, this is not a book I would recommend as a starting point for those without a general familiarity with Evola’s life and ideas or grounding in the historical context in which the essays were given birth. Being a series of essays written over a wide span of years and journal issues, each offering contains a fair degree of recapping and repetition of core themes and material common to serializations. Saying that, however, this collection is by no means a dry assembly of “Evoliana” or apocryphal relics. Rather, these writings contain meta-historical insights and inspiration that are still valid and interesting, over sixty years after their writing. Interesting comparisons are drawn in John Morgan’s introduction between the aristocratic self-sacrifice of the Japanese Kamikazes of World War Two and aspects of the cult of martyrdom evident in present day resurgent Islam. Certainly the living Tradition revealed by Evola still offers food for thought in the fragmented world of the 21st century west, much as it did when this book was written. To conclude simply, this book is well worth a read and I look forward to future Evola related publications from this company.

mercredi, 18 mars 2009

Julius Evola - Acerca de la "Contestacion Total"

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Julius Evola - Acerca de la "Constestación Total"

Ex: http://elfrentenegro.blogspot.com/

La “contestación total” es una fórmula puesta en boga. Asumida en varios ambientes de protesta, especialmente jóvenes, hay quien se inclina a reconocerle cierta validez. En éste, como en otros tantos casos, es preciso profundizar las ideas.

¿Contestación a qué cosa? Se dice: al “sistema"; “sistema" es, por su parte, otra expresión devenida habitual, que alude al conjunto de las estructuras y de las ideologías de la sociedad y de la civilización occidental, con particular referencia a las formas más avanzadas de la civilización industrial del consumo y de la tecnología, con sus condicionamientos. A causa de todo este, por lo general, se toman prestadas las ideas de Marcuse y otros pensadores por el estilo. En realidad, si pretendemos discutir seriamente, tendríamos que hablar más bien de “civilización" y “sociedad" moderna, en general, no siendo la primera sino una derivación ésta, un aspecto particular, si se quiere, su reducción al absurdo por lo cual el sentido de una verdadera “contestación total" tendría que ser el de una rebelión contra el mundo moderno.

Dada la actual situación, habría que ver, sin embargo, qué todo esto no se redujera a fantasías y a agitaciones sin sentido. La perspectiva, trazada en su momento por Alexis Carrel, de un mundo devastado por una bella guerra total en donde sobre una isla el único grupo de sobrevivientes de la catástrofe (de “buena raza" suponía Carrel. con alguna mente genial entre ellos) reconstruya y cree una civilización, pero en una dirección distinta, habiendo finalmente aprendido la lección, sería seductora, pero hay que descartarla. Quien se ensaña sólo con la sociedad tecnológica organizada, tendría que preguntarse, por lo demás, si estaría dispuesto a renunciar, sinceramente, a todas las posibilidades prácticas que ofrece para regresar, en mayor o menor medida, al estado de naturaleza de Rousseau. Para nosotros, cada hombre que tenga un dominio sobre sí mismo puede siempre hacer un uso equilibrado de tales posibilidades, reduciendo a un mínimo los correspondientes "condicionamientos" niveladores y espiritualmente deletéreos.

Si, sin embargo, se tuviese que plantear el problema para las masas, es utópico pensar en poderlas separar de los ideales, en gran parte realizados de una sociedad de una comodidad generalizada y de un hedonismo burgués, si no se encuentra el modo de suscitar en ella una tensión espiritual, un clima que, en cierta medida, invadió a las naciones que ayer habían lanzado el desafío, tanto a la plutocracia como al comunismo.

Profundizando el problema, se percibe que el objeto de una protesta y de una rebelión legítima tendría que ser, en general, una civilización invadida por lo que hemos llamado como el "demonismo de la economía", es decir en donde los procesos económicos y productivos se encuentran en primer lugar sofocando en modo prevaricador a cualquier otro valor verdadero. Hemos ya recordado que, en su examen del alto capitalismo, Werner Sombart usó la imagen del "gigante desencadenado”, referida al proceso económico-productivo que, en cierto modo, se autonomiza, arrastrando, junto a los que lo padecen, a sus mismos actores, es decir a los managers, a los promotores y a los organizadores del mismo, hacia la sociedad del consumo.

Entre los partidarios de la "contestación" hay quien ha afirmado lo necesario de "redimensionar" las necesidades, en el sentido de reducir las parasitarias y creadas artificialmente por la producción y de contener los procesos productivos, poniéndoles, por decirlo de algún modo, riendas. Ahora bien, es evidente que nada puede ser hecho en tal sentido en un clima de democracia y de aparente liberalismo. Lo hemos ya dicho: la economía puede dejar de ser aquel "destino" que Marx había visto en ella, puede ser controlada y frenada sólo por obra de un poder y de una autoridad superiores, los cuales pueden ser únicamente un poder y una autoridad políticas. Es lo que también Oswald Spengler había considerado para la fase terminal de un ciclo de civilización.

Pero esto equivale a reconocer como condición imprescindible una verdadera “revolución de Derecha”, con una nueva valorización antidemocrática de la idea del Estado en cuanto poder autónomo que tiene justamente el carisma de una autoridad superior y los medios idóneos para mantener bajo control el mundo de la economía, romper su tiranía y limitar sus paroxismos. (Por lo demás es evidente que para tener un órgano adecuado de vinculación y de control se tendría que sustituir el régimen partitocrático por un sistema de representación corporativa en el sentido ya indicado). Ahora bien, nos gustaría justamente ver cuántos entre los “protestatarios”, que suelen enmascarar su vinculación a tendencias anárquicas y de izquierda, serían capaces de reconocer que, saliendo de las utopías apocalípticas, ésta sería la única vía a tomar, para realizar una revolución digna de tal nombre.

Pero una acción en el campo interno no sería menos necesaria que una en el campo externo, político-social. Sería imprescindible formularse el problema de la visión del mundo y de la vida, y uno de los objetos principales de una "contestación total" debería ser el volver a plantear lo que hace de trasfondo y de presupuesto del mundo moderno en general. Habría que considerar un sector sumamente más amplio al que se refiere la mera economía, y entonces el discurso se haría largo. Nos limitaremos a recordar que la perversión de la cultura moderna ha comenzado con el advenimiento de la ciencia, a la cual se han asociado el racionalismo y el materialismo. Y también, a tal respecto, se puede hablar de procesos que se han convertido en autónomos, los cuales han arrastrado al hombre quien, por decirlo así, no puede mantener el rumbo con su misma criatura.

No se trata naturalmente de negaciones prácticas, sino de lo que ha incidido en la visión del mundo, desde hace tiempo, justamente, condicionada por la ciencia: la filosofía y las mismas creencias religiosas en cambio han pasado a un plano secundario y prácticamente irrelevante. Se tendría que combatir pues el "mito" de la ciencia, es decir la idea de que la ciencia conduzca a aquello que es verdaderamente digno de ser conocido, que la misma, en sus aplicaciones, vaya más allá del dominio de simples medios y dé alguna contribución a la solución de los problemas fundamentales de la existencia. Progresismo y cientificismo van, por lo demás, del brazo, y hoy se asiste a un retorno de los olvidados motivos patéticos del tiempo del ballet Excelsior, con la ciencia vencedora del "oscurantismo" e impulsora de un radiante porvenir. Que ideas de este tipo no encuentren eco sólo en mentalidades cursis, hace evidentes diversos síntomas. Demos un solo ejemplo: Hugo Spirito, en su momento fascista y gentiliano, hoy comunista, profesor en la universidad, es como pensador una nulidad, pero es sintomática su actitud de pregonero de un "nuevo humanismo”, en el cual se le da a la ciencia el valor de una metafísica (!) y se indica en ella la base para la verdadera renovación de una humanidad unificada. En esta falsificación, Spirito, por lo demás, se encuentra con el llamado "humanismo socialista" infectado hasta la médula con el cientificismo; tampoco falta en Spirito una simpática alusión a la China maoísta, lo cual marca el límite de su desviación intelectual y de la mistificación. En verdad, lo que se debería plantear en una auténtica contestación total sería efectivamente una "revolución cultural": pero no en el sentido de la de los Guardias Rojas chinos, la cual más bien ha sido una “revolución anticultura”, que no ha percibido que el primer objetivo contra el cual debería haber apuntado es el llamado "marxismo científico" el cual permanece como uno de los dogmas fundamentales inatacables de la doctrina (si se puede llamar así) de Mao Tse-tung.

Junto a una toma de conciencia de aquella crítica de la ciencia que ya posee una seria tradición (partiendo de Poincaré, Le Roy, de Boutroux. del mismo Bergson, etc.) a la cual se han agregado las válidas contribuciones del pensamiento tradicional (Guénon, Schuon, Burckhardt, aunque ya en su momento De Maistre había puesto en su lugar a los “savants” y a los cientificistas de su tiempo), se debería pues asumir una actitud de desapegada frialdad con respecto a todo el mundo de la ciencia y de la misma técnica; las mismas invenciones espaciales deberían ser consideradas como una especie de juegos para niños grandes que pueden impactar sólo a espíritus simples. Por lo tanto, la bandera debe ser la de una desmitificación anticientificista y la lucha por una diferente visión del mundo.

En correlación con esto, el mismo problema de la enseñanza y de la formación de la juventud debería ser enfrentado en términos mucho más serios que ciertas contestaciones universitarias de hoy. que apuntan sólo sobre problemas de estructura y de didáctica. Aquí la verdadera contestación. La “revolución cultural” debería retomar aproximadamente los términos de la polémica desarrollada por W. von Humboldt y su grupo, hace casi un siglo y medio, en el arranque de la industrialización, en contra de todo lo que es especialización mutiladora e instrumentalización práctico-utilitaria del saber. Se deberían exigir formas de una enseñanza que, en vez de tender únicamente a adiestrar a nuevas camadas para insertarlas en la sociedad tecnológica del consumo y de la superproducción, tuviese como fin, no ya un "humanismo", en el sentido descolorido y literario del término, sino una formación del hombre integral, enfatizando los valores espirituales, considerando como agregado y, en un cierto modo, desapegado, a todo el saber especializado que se presta a una instrumentalización en función del “sistema", con los relativos condicionamientos del sujeto: pero lamentablemente no distinto es el móvil que impulsa hoy a la gran mayoría de los jóvenes hacia estudios superiores, asegurarse títulos para insertarse mejor y de la forma más ventajosa posible.

Este sería el único modo serio de concebir hoy una "revolución cultural", la cual tendría consecuencias incalculables y en la cual la palabra "cultura" reencontraría su significado más auténtico. Pero aparte del bajo nivel vocacional y del embotamiento de la mayoría de la juventud actual, ¿dónde encontrar eventualmente a maestros en grado de adecuarse a tales exigencias?

No es necesario decir que éstas son sólo menciones más que sumarias acerca de las direcciones que una seria "contestación total" debería tomar, como una acción severa y sistemática muy distinta de las veleidades de los agitados protestaríos de hoy, los cuales no saben lo que quieren verdaderamente y demasiadas veces dan la impresión de avispas encerradas en un recipiente de vidrio que se atropellan vanamente contra las paredes del mismo.

lundi, 19 janvier 2009

The Legacy of a European Traditionalist: Julius Evola in Perspective

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The Legacy of a European Traditionalist: Julius Evola in Perspective

Guido Stucco

This article is a brief introduction to the life and central ideas of the controversial Italian thinker Julius Evola (1898-1974), one of the leading representatives of the European right and of the “Traditionalist movement” 1 in the twentieth century.  This movement, together with the Theosophical Society, played a leading role in promoting the study of ancient eastern wisdom, esoteric doctrines, and spirituality.  Unlike the Theosophical Society, which championed democratic and egalitarian views,2 an optimistic view of progress, and a belief in spiritual evolution, the Traditionalist movement adopted an elitist and antiegalitarian stance, a pessimistic view of ordinary life and of history, and an uncompromising rejection of the modern world.  The Traditionalist movement began with René Guénon (1886-1951), a French philosopher and mathematician who converted to Islam and moved to Cairo in 1931, following the death of his first wife.  Guénon revived interest in the concept of Tradition, i.e., the teachings and doctrines of ancient civilizations and religions, emphasizing its perennial value over and against the “modern world” and its offshoots: humanistic individualism, relativism, materialism, and scientism. Other important Traditionalists of the past century have included Ananda Coomaraswamy, Frithjof Schuon, and Julius Evola.

This article is addressed, first, to persons who claim to be conservative and of rightist persuasion.  It is my contention that Evola’s political views can help the American right to acquire a greater intellectual relevance and to overcome its provincialism and narrow horizons The criticism most frequently leveled by the European “New Right“ against American conservatives is that the ideological poverty of the American Right lies in its circling its wagons around a conservative agenda, in its inability to see the greater scheme of things.3 By disclosing to his readers the value and worth of the world of Tradition, Evola has shown that to be a rightist entails much more than taking a stance on civic and social issues, such as abortion, capital punishment, a strong military, free enterprise, less taxes, less government, fierce patriotism, and the right to bear arms, but rather assessing more crucial matters involving race, ethnicity, eugenics, immigration, and the nature of the nation-state.

Second, readers with an active interest in spiritual and metaphysical matters may find Evola’s thought insightful and his exposition of ancient esoteric techniques very helpful. Moreover, his views, though at times very discriminatory, have the potential of becoming a catalyst for personal transformation and spiritual growth.

To date, Evola’s work has been subjected to the silent treatment. When Evola is not ignored, he is usually vilified by leftist scholars and intellectuals, who demonize him as a bad teacher, racist, rabid anti-Semite, master mind of right-wing terrorism, fascist guru, or so filthy a racist even to touch him would be repugnant.  The writer Martin Lee, whose knowledge of Evola is of the most superficial sort, called him a “Nazi philosopher” and claimed that “Evola helped compose Italy’s belated racialist laws toward the end of the Fascist rule.4 Others have minimized his contribution altogether.  Walter Laqueur, in his Fascism: Past, Present, Future, did not hesitate to call him a “learned charlatan, an eclecticist, not an innovator,” and suggested “there were elements of pure nonsense also in his later work.”5 Umberto Eco sarcastically nicknamed Evola “Othelma, the Magician.”

The most valuable summaries to date of Evola’s life and work in the English language have been written by Thomas Sheehan and Richard Drake.6  Until either a biography of Evola or his autobiography becomes available to the English-speaking world, these articles remain the best reference sources for his life and work.  Both scholars are well versed in Italian culture, politics, and language.  Although not sympathetic to Evola’s ideas, they were the first to introduce the Italian thinker’s views to the American public.  Unfortunately, their interpretations of Evola’s work are very reductive. Sheehan and Drake succumb to the dominant leftist propaganda according to which Evola is a “bad teacher” because he allegedly supplied ideological justification for a bloody campaign by right wing terrorists in Italy during the 1980s.7  Regrettably, both authors have underestimated Evola’s spissitudo spiritualis as an esotericist and a Traditionalist, and have written about Evola merely as a case study in their fields of competence, i.e., philosophy and history, respectively.8

Despite his many detractors, Evola has enjoyed something of a revival in the past twenty years.  His works have been translated into French, German,9 Spanish, and English, as well as Portuguese, Hungarian, and Russian.  Conferences devoted to the study of this or that aspect of Evola’s thought are mushrooming everywhere in Europe.10 Thus, paraphrasing the title of Edward Albee’s play, we may want to ask: “Who’s afraid of Julius Evola?”  And, most important, why?
Evola’s Life

Julius Evola died of heart failure at his Rome apartment on June 11, 1974, at the age of seventy-six.  Before he died he asked to be seated at his desk in order to face the sun’s light streaming through the open window.  In accordance with his will, his body was cremated and the urn containing his ashes was buried in a crevasse on Monte Rosa, in the Italian Alps.

Evola’s writing career spanned more than half a century.  It is possible to distinguish three periods in his intellectual development.  First came an artistic period (1916-1922), during which he embraced dadaism and futurism, wrote poetry, and painted in the abstract style.  The reader may recall that dadaism was an avant-garde movement founded by Tristan Tzara, characterized by a yearning for absolute freedom and by a revolt against all prevalent logical, ethical, and aesthetic canons.

Evola turned next to the study of philosophy (1923-1927), developing an ingenuous perspective that could be characterized as “transidealistic,” or as a solipsistic development of mainstream idealism. After learning German in order to be able to read the original texts of the main idealist philosophers (Schelling, Fichte, and Hegel), Evola accepted their chief premise, that being is the product of thought. Yet he also attempted to overcome the passivity of the subject toward “reality” typical of idealist philosophy and of its Italian offshoots, represented by Giovanni Gentile and Benedetto Croce, by outlining the path leading to the “Absolute Individual,” to the status enjoyed by one who succeeds in becoming free (ab-solutus) from the conditionings of the empirical world.  During this period Evola wrote Saggi sull’idealismo magico (Essays on magical idealism), Teoria dell’individuo assoluto (Theory of the absolute individual), and Fenomenologia dell’individuo assoluto (Phenomenology of the absolute individual), a massive work in which he employs the values of freedom, will, and power to expound his philosophy of action.  As the Italian philosopher Marcello Veneziani wrote in his doctoral dissertation: “Evola’s absolute I is born out of the ashes of nihilism; with the help of insights derived from magic, theurgy, alchemy and esotericism, it ascends to the highest peaks of knowledge, in the quest for that wisdom that is found on the paths of initiatory doctrines.”11

In the third and final phase of his intellectual formation, Evola became involved in the study of esotericism and occultism (1927-1929).  During this period he cofounded and directed the so-called Ur group, which published monthly monographs devoted to the presentation of esoteric and initiative disciplines and teachings. “Ur” derives from the archaic root of the word “fire”; in German it also means “primordial” or “original.”  In 1955 these monographs were collected and published in three volumes under the title Introduzione alla magia quale scienza dell’Io.12  In the over twenty articles Evola wrote for the Ur group, under the pseudonym “EA” (Ea in ancient Akkadian mythology was the god of water and wisdom) and in the nine articles he wrote for Bylichnis (the name signifies a lamp with two wicks), an Italian Baptist periodical, Evola laid out the spiritual foundations of his world view.

During the 1930s and 1940s Evola wrote for a number of journals and published several books.  During the Fascist era he was somewhat sympathetic to Mussolini and to fascist ideology, but his fierce sense of independence and detachment from human affairs and institutions prevented him from becoming a card-carrying member of the Fascist party.  Because of his belief in the supremacy of ideas over politics and his aristocratic and anti-populist views, which at times conflicted with government policy—as in his opposition to the 1929 Concordat between the Italian state and Vatican and to the “demographic campaign” launched by Mussolini to increase Italy’s population—Evola fell out of favor with influential Fascists, who shut down La Torre (The tower), the biweekly periodical he had founded, after only ten issues (February-June 1930).13

Evola devoted four books to the subject of race, criticizing National Socialist biological racism and developing a doctrine of race on the basis of the teachings of Tradition: Il mito del sangue (The myth of blood); Sintesi di una dottrina della razza (Synthesis of a racial doctrine); Tre aspetti del problema ebraico (Three aspects of the Jewish question); Elementi di una educazione razziale (Elements of a racial education).  In these books the author outlined his tripartite anthropology of body, soul, and spirit.  The spirit is the principle that determines one’s attitude toward the sacred, destiny, life and death.  Thus, according to Evola, the cultivation of the “spiritual race” should take precedence over the selection of the somatic race, which is determined by the laws of genetics and with which the Nazis were obsessed.  Evola’s antimaterialistic and non-biological racial views won Mussolini’s enthusiastic endorsement.  The Nazis, for their part, were suspicious of and even critical of Evola’s “nebulous” theories, accusing him of watering down the empirical, biological element to promote an abstract, spiritualist, and semi-Catholic view of race.

Before and during World War II, Evola traveled and lectured in several European countries, practicing mountain climbing as a spiritual exercise in his spare time. After Mussolini was freed from his Italian captors in a daring German raid led by SS-Hauptsturmführer Otto Skorzeny, Evola was among a handful of faithful followers who met him at Hitler’s headquarters in Rastenburg, East Prussia, on September 14, 1943.  While sympathetic to the newly formed Fascist government in the north of Italy, which continued to fight on the Germans‘ side against the Allies, Evola rejected its republican and socialist agenda, its populist style, and its antimonarchical sentiments.

When the Allies entered Rome in June 1944, their secret services attempted to arrest Evola, who was living there at the time.  As his elderly mother stalled the MPs, Evola slipped out of the door undetected, and made his way to northern Italy, and then to Austria.  While in Vienna, he began to study secret archives confiscated from various European Masonic lodges by the Germans.

One day in 1945, as Evola was walking the deserted streets of the Austrian capital during a Soviet air attack, a bomb exploded a few yards away from him. The blast threw him against a wooden plank.  Evola fell on his back, and awoke in the hospital.  He had suffered a compression of the bone marrow, paralyzing him from the waist down.  Common sense tells one that walking a city’s deserted streets during aerial bombardments is madness, if not suicide.  But Evola was used to courting danger.  Or, as he once put it, to follow “the norm of not avoiding dangers, but on the contrary, to seek them out, [i]s an implicit way of questioning fate.”14 That is not to say that he believed in “blind” fate.  As he once wrote:
There is no question that one is born with certain tendencies, vocations and pre-dispositions, which at times are very obvious and specific, though at other times are hidden and likely to emerge only in particular circumstances or trials. We all have a margin of freedom in regard to this innate, differentiated element. 15

Evola was determined to question his fate, especially at a time when an entire era was coming to an end.16 But what he had anticipated during the air raid was either death or the attainment of a new perspective on life, not paralysis. He struggled for a long time with that particular outcome, trying to make sense of his “karma”:
Remembering why I had willed it [i.e., the paralysis] and to understand its deeper meaning was to me the only thing that ultimately mattered, something far more important than to “recover,“ to which I never really attributed much importance anyway.17

Evola had ventured outdoors during the air raid in order to test his fate, for he firmly believed in the Traditional, classical doctrine that all the major events that occur in our lives are not purely casual or the outcome of our efforts, but rather the deliberate result of a prenatal choice, something that has been willed by “us” before we were born.

Three years prior to his paralysis, Evola wrote:
Life here on earth cannot be viewed as a coincidence. Moreover, it should not be regarded as something we can either accept or reject at will, nor as a reality that imposes itself on us, before which we can only remain passive, or display an attitude of obtuse resignation. Rather, what arises in some people is the sensation that earthly life is something to which, prior to our becoming terrestrial beings, we have committed ourselves, both as an adventure and as a mission or a chosen task, undertaking a whole set of problematic and tragic elements as well.18

There followed a five-year period of inactivity.  First, Evola spent a year and a half in a Vienna hospital. In 1948, thanks to the intervention of a friend with the International Red Cross, he was sent back to Italy.  He stayed in a hospital in Bologna for at least another year, where he underwent an unsuccessful laminectomy (a surgical procedure in which part of a vertebra is removed in order to relieve pressure on the nerves of the spinal cord).  Evola returned to his Roman residence in 1949, where he lived as an invalid for the next twenty-five years.

While in Bologna, Evola was visited by his friend Clemente Rebora, a poet who became a Christian, and then a Catholic priest in the order of the Rosminian Fathers. After reading about their friendship in one of Evola’s works, in 1997 I visited the headquarters of the order and asked to talk to the person in charge of Rebora’s archives, in hopes of discovering a previously unknown correspondence between them.  No correspondence surfaced, but the priest in charge of the archive was kind enough to give me a copy of a couple of letters Rebora wrote to a friend concerning Evola. The following summary of those letters is revealing of Evola’s view of religion, and of Christianity in particular.19

In 1949 a fellow priest, Goffredo Pistoni, solicited Rebora to visit Evola.  Rebora asked permission of his provincial superior, and upon receiving it traveled from Rovereto to Evola's hospital in Bologna.  Rebora was animated by the desire to see Evola embrace the Christian faith and intended to be a good witness of the gospel.  In a letter to Pistoni, Rebora asked for his assistance so that he would not spoil the “most merciful ways of Infinite Love, and, if [my visit was to be] unhelpful, at least not [turn out to be] harmful.” On March 20, 1949, Rebora wrote to his friend Pistoni on the letterhead of the Salesian Institute of Bologna:
I have just returned from our Evola: we talked at great length and left each other in a brotherly mood, though I did not detect any visible change on his part which after all I could not expect. I have felt him to be like one yearning to “join the rest of the army,” as he said himself, waiting to see what will happen to him. . . .  I have sensed in him a thirst for the absolute, which nevertheless eludes Him who said:  “Let anyone who is thirsty come to me and drink.”20

Rebora’s frustration with Evola’s unwillingness to abandon his views and embrace the Christian faith is evident in the comment with which he closes the first half of his letter:
Let us pray that his previous books, which he is about to reprint, and a few new titles that will be published soon, may not chain him down, considering the success they have, and may not damage people’s souls, leading them astray in the direction of a false spirituality, as they “follow false images of the Good.” [Probably a quote from Dante’s Divine Comedy. —G.S.]

Rebora concluded his letter on May 12, 1949, adding:
Having returned to headquarters I am finally concluding this letter by telling you that a supernatural tenderness is growing in my heart for him. He [Evola] told me about an inner event that occurred to him during the bombing of Vienna, which, he added, is still mysterious to him, as he undergoes this present trial. On the contrary, I trust I am able to detect the providential and decisive meaning of this event for his soul.

Rebora wrote again to Evola, asking him if he was willing to travel to Lourdes on a special train on which Rebora served as a spiritual director.  Evola politely refused and the contact between the two eventually ended.  Evola never converted to Christianity. In a 1935 letter written to a friend of his, Girolamo Comi, another poet who had become a Christian, Evola claimed:
As far as I am concerned, in regard to the “conversion” that really matters, and not that which is based on feelings or on a religious faith, I have been all right since thirteen years ago [i.e., 1922, the transition year between the artistic and philosophical periods].21

René Guénon wrote to the convalescent Evola22 suggesting that the latter had been the victim of a curse or magical spell cast by some powerful enemy.  Evola replied that he considered that unlikely, for the circumstances to be summoned (e.g., the exact moment of the bomb’s landing, the place where Evola happened to be at that moment), would have required too powerful a spell.  Mircea Eliade, the renowned historian of religion, who corresponded with Evola throughout his life, once remarked to one of his own students: “Evola was wounded in the third chakra—and don’t you find that significant?”23 Since the corresponding affective forces of the third chakra are anger, violence, and pride, one may wonder whether Eliade meant that the wound sustained by Evola could have had a purifying effect on the Italian thinker, or whether it was the consequence of his hubris.  In any event, Evola rejected the idea that his paralysis was a sort of “punishment” for his “promethean” efforts in the spiritual domain. For the rest of his life he endured his condition with admirable stoicism, in rigorous coherence with his beliefs.24

For the next two decades Evola received visitors, friends, and young people who regarded themselves his disciples. According to Gianfranco de Turris, who met him for the first time in 1967, one could sense that he was a “person of high caliber,” though he did not show off or assume snobbish attitudes.  Evola would wear a monocle and rest his cheek on a clenched fist, observing his visitor with curiosity. He did not like the idea of having “disciples,” and jokingly referred to his admirers as “Evolomani” (“Evola maniacs”). In not seeking to recruit followers, he was probably mindful of Buddha’s injunction to proclaim the truth without attempting to persuade or dissuade: “One should know approval and one should know disapproval, and having known approval, having known disapproval, one should neither approve nor disapprove, one should simply teach dhamma.”25


Central Themes in Evola’s Thought

In Evola’s literary production it is possible to single out three major themes, which are strictly interwoven and mutually dependent.  These themes represent three facets of his philosophy of action.  I have designated these themes with terms borrowed from ancient Greek. The first theme is xeniteia, a word that refers to the condition of living abroad, or of being absent from one’s homeland.  In Evola’s works one can easily detect a sense of alienation, of not belonging to what he called the “modern world.”  According to ancient peoples, xeniteia was not an enviable condition.  To live surrounded by barbarous people and customs, away from one’s polis, when not the result of a personal choice was often the result of a judicial sentence.  We may recall that exile was often meted out to undesirable elements of an ancient society, e.g., the short-lived practice of ostracism in ancient Athens; the fate that befell many ancient Romans, including the Stoic philosopher Seneca; the deportation of entire families or populations, etc.

Throughout his life, Evola never really “fit in.” Whether during his artistic, philosophical, or esoteric phase, he always felt like a straggler, seeking to link up with “the rest of the ‘army.’”  The modern world he denounced in his masterpiece, Revolt against the Modern World, took its revenge on him: at the end of the war he was surrounded by a world of ruins, isolated, avoided, and reviled.  Yet he managed to retain a composed, dignified attitude and to continue in his self-appointed task of night-watchman.

The second theme is apoliteia, or abstention from active participation in the construction of the human polis.  Evola’s recommendation was that while living in exile from the world of Tradition and from the Golden Age, one should avoid the encroaching embrace of the multitudes and refrain from active participation in ordinary human affairs.  Apoliteia, according to Evola, refers essentially to an inner attitude of indifference and detachment, but it does not necessarily entail a practical abstention from politics, as long as one engages in it with a completely detached attitude:  “Apoliteia is the inner, irrevocable distance from this society and its ‘values’: it consists in not accepting being bound to society by any spiritual or moral bond.”26 This attitude is to be commended because, according to Evola, in this day and age there are no ideas, causes, and goals worthy of one’s commitment.

Finally, the third theme is autarkeia, or self-sufficiency.  The quest for spiritual independence led Evola far away from the busy crossroads of human interaction, in order to explore and expound paths of perfection and of asceticism.  He became a student of ancient esoteric and occult teachings on “liberation,” and published his findings in several books and articles.


Xeniteia


The following words, spoken by the Benevolent Spirit to the Destructive Spirit in the Yasna, a Zoroastrian collection of hymns and prayers, may serve to characterize Evola’s attitude toward the modern world: “Neither our thoughts, nor teachings, nor intentions, neither our preferences nor words, neither our actions nor conceptions nor our souls are in accord.”27 Throughout his entire life Evola lived in a consistent and coherent fashion that could be simplistically dismissed as intellectual snobbism or even misanthropy. But the reasons for Evola’s rejection of the socio-political order in which lived must be sought elsewhere, namely in a well-articulated Weltanschauung, or worldview.

To be sure, Evola’s sense of estrangement from the society in which he lived was reciprocated. Anyone who refuses to recognize the legitimacy of  “the System,” or to participate in the life of a community which he does not recognize as his own, professing instead a higher allegiance to and citizenship in another land, world, or ideology, is bound to live like a metic in ancient Greece, surrounded by suspicion and hostility.28  In order to understand the reasons for Evola’s uncompromising attitude, we need first to define the concepts of “Tradition” and “modern world” as employed by Evola in his works.

Generally speaking, the term tradition can be understood in several ways: (1) as an archetypal myth (some members of the political Right in Italy have rejected this view as an “incapacitating myth”); (2) as the way of life of a particular age, e.g., the Middle Ages, feudal Japan, the Roman Empire; (3) as the sum of three principles: “God, Country, Family”; (4) as anamnesis, or historical memory in general; and (5) as a body of religious teachings to be preserved and transmitted to future generations.  Evola understood tradition mainly as an archetypal myth, that is, as the presence of the Absolute in specific historical and political forms.  Evola’s Absolute is not a religious principle or a noumenon, much less the God of theism, but rather a mysterious domain, or dunamis, power.  Evola’s Tradition is characterized by “Being” and stability, while the modern world is characterized by “Becoming.”  In the world of tradition stable socio-political institutions were in place.  The world of Tradition, according to Evola, was exemplified by the ancient Roman, Greek, Indian, Chinese, and Japanese civilizations.  These civilizations upheld a strict caste system; they were ruled by warrior nobilities and waged wars to expand the boundaries of their imperiums.  In Evola’s words:
The traditional world knew divine kingship.  It knew the bridge between the two worlds, namely initiation.  It knew the two great ways of approach to the transcendent, namely heroic action and contemplation.  It knew the mediation, namely rites and faithfulness.  It knew the social foundation, namely the traditional law and the caste system. And it knew the political earthly symbol, namely the empire.29

Evola claims that the traditional world’s underlying belief was the “invisible”:
It held that mere physical existence, or “living,” is meaningless unless it approximates the higher world or that which is “more than life,” and unless one’s highest ambition consists in participating in hyperkosmia and in obtaining an active and final liberation from the bond represented by the human condition.30

Evola upheld a cyclical view of history, a philosophical and religious view with a rich cultural heritage.  Though one may reject it, this view deserves as much respect as the linear view of history upheld by theism, to which I subscribe, or as the progressive view championed by Engels’ “scientific materialism,” or as the hopeful and optimistic view typical of various New Age movements, according to which the universe is undergoing a constant and irreversible spiritual evolution.  According to the cyclical view of history espoused by Hinduism, which Evola adopted and modified to fit his views, we are living in the fourth age of a complete cycle, the so-called Kali-yuga, an era characterized by decadence and disruption. According to Evola, the most remarkable phases of this “Yuga” (era) included the emergence of pre-Socratic philosophy (characterized by rejection of myth and by overemphasis on reason); the birth of Christianity; the Renaissance; Humanism; the Protestant Reformation; the Enlightenment; the French Revolution; the European revolutions of 1848; the advent of the Industrial Revolution; and Bolshevism.  Thus, the “modern world” for Evola did not begin in the 1600s, but rather in the fourth century B.C.


Evola and Eliade

Evola’s rejection of the modern world can be contrasted with its acceptance, promoted by Mircea Eliade (1907-1986), the renowned historian of religion whom Evola met in person several times, and with whom he corresponded until his death in 1974.  The two men met for the first time in 1937.  By that time, Eliade had compiled an impressive academic record that included a bachelor’s degree in philosophy from the University of Bucharest and an M.A. and a Ph.D. in Sanskrit and Indian philosophy from the University of Calcutta.  Evola was already an accomplished writer and had published some of his most important works, such as The Hermetic Tradition (1931), Revolt against the Modern World (1934), and The Mystery of the Grail (1937).31

Eliade had read Evola’s early philosophical works during the 1920s and “admired his intelligence and, even more, the density and clarity of his prose.”32 An intellectual friendship developed between the young Romanian scholar and the Italian philosopher, who was nine years Eliade’s senior.  Their common interest in yoga led Evola to write L’uomo e la potenza (Man as power) in 1926 (revised in 1949 with the new title The Yoga of Power 33) and Eliade to write the acclaimed scholarly work Yoga: Immortality and Freedom (1933).  As Eliade recalls in his autobiographical journals:
I received letters from him when I was in Calcutta (1928-31) in which he instantly begged me not to speak to him of yoga, or of “magical powers” except to report precise facts to which I had personally been a witness.  In India I also received several publications from him, but I only remember a few issues of the journal Krur.34

Evola and Eliade’s first meeting was in Romania, in conjunction with a luncheon hosted by the philosopher Nae Ionescu. Evola was traveling through Europe at the time, establishing contacts, and giving lectures “in the attempt to coordinate those elements who could represent, to some degree, the [T]raditional thought on the political-cultural plane.”35 Eliade recalled the admiration that Evola expressed for Corneliu Codreanu (1899-1938), the founder of the Romanian nationalist and Christian movement known as the “Iron Guard.” Evola and Codreanu had met the morning of the luncheon.  Codreanu told Evola of the effects that incarceration had had on his soul, and of his discovery of contemplation in the solitude and silence of his prison cell.  In his autobiography Evola described Codreanu as “one of the worthiest and most spiritually oriented persons I ever met in the nationalist movements of that period.36 Eliade wrote that at the luncheon “Evola was still dazzled by him [Codreanu].  I vaguely remember the remarks he made then on the disappearance of contemplative disciplines in the political battle of the West.”37 But the two scholars’ focus was different indeed.  As Eliade wrote in his journal:
One day I received a rather bitter letter from him, in which he reproached me for never citing him, no more than did Guénon. I answered him as best as I could, and I must one day give reasons and explanations that that response called for.  My argument could not have been simpler.  The books I write are intended for today’s audience, and not for initiates.  Unlike Guénon and his emulators, I believe I have nothing to write that would be intended especially for them.38

I must conclude from Eliade’s remarks that he did not like, share, or care for Evola’s esoteric views and leanings.  I believe there are three reasons for Eliade’s aversion.  First, Evola, like all traditionalists, presumed the existence of a higher, solar, royal, and esoteric primordial tradition, and devoted his life to describing, studying, and celebrating it in its many forms and varieties.  He also set this tradition above and against what he dubbed “telluric” modern popular cultures and civilizations (such as Romania’s, to which Eliade belonged). In Revolt against the Modern World one can read many instances of this juxtaposition.

Eliade, for his part, rejected any emphasis on esotericism, because he thought it had a reductive effect on the human spirit.  Eliade claimed that to limit the value of European spiritual creations exclusively to their “esoteric meanings” repeated in reverse the reductionism of the materialistic approach adopted by Marx and Freud.  Nor did he believe in the existence of a primordial tradition: “I was suspicious of its artificial, ahistorical character,” he wrote.39 Second, Eliade rejected the negative or pessimistic view of the world and the human condition that characterized Guénon’s and Evola’s thought.  Unlike Evola, who believed in the ongoing “putrefaction” of contemporary Western culture, Eliade claimed:
[T]o the extent that I . . . believe in the creativity of the human spirit, I cannot despair: culture, even in a crepuscular era, is the only means of conveying certain values and of transmitting a certain spiritual message. In a new Noah’s Ark, by means of which the spiritual creation of the West could be saved, it is not enough for René Guénon’s L’esotérisme de Dante to be included; there must be also the poetic, historic, and philosophical understanding of The Divine Comedy.40

Finally, the socio-cultural milieu that Eliade celebrated was very different from the one favored by Evola.  As India regained its independence, Eliade came to believe that Asia was about to re-enter history and world politics and that his own people, the Romanians, “could fulfill a definite role in the coming dialogue between the [] West, Asia and cultures of the archaic folk type.”41 He celebrated the peasant roots of Romanian culture as they promoted universalism and pluralism, rather than nationalism and provincialism.  Eliade wrote:
It seemed to me that I was beginning to discern elements of unity in all peasant cultures, from China and South-East Asia to the Mediterranean and Portugal. I was finding everywhere what I later called “cosmic religiosity”: that is, the leading role played by symbols and images, the religious respect for earth and life, the belief that the sacred is manifested directly through the mystery of fecundity and cosmic repetition. . . .42

These conclusions could not have been more diametrically opposed to Evola’s views, especially as he formulated them in Revolt against the Modern World.  According to the latter’s doctrine, cosmic religiosity is an inferior and corrupt form of spirituality, or, as he called it, a “lunar spirituality” (the moon, unlike the sun, is not a source of light, and merely reflects the latter’s light, as “lunar spirituality” is contingent upon God, the All, or upon any other metaphysical version of the Absolute) characterized by mystical abandonment.

In his yet untranslated autobiography, Il cammino del cinabro (“The cinnabar’s journey”), Evola describes his spiritual and intellectual journey through alien landscapes: religious (Christianity, theism), philosophical (idealism, nihilism, realism), and political (democracy, Fascism, post-war Italy).  For readers who are not familiar with Hermeticism, we may recall that cinnabar is a red metal representing rubedo, or redness, which is the third and final stage of one’s inner transformation.  Evola explains at the beginning of his autobiography: “My natural sense of detachment from what is human in regard to many things that, especially in the affective domain, are usually regarded as `normal,‘ was manifested in me at a very tender age.”43


Autarkeia

Various religions and philosophies regard the human condition as highly problematic, likening it to a disease and setting forth a cure.  This disease is characterized by many features, including a certain spiritual “heaviness,” or gravitational pull, drawing us “downwards.”  Humans are prisoners of meaningless daily routines; of pernicious habits developed over years, e.g., drinking, smoking, gambling, workaholism, and sexual addictions, in response to external pressures; of an intellectual and spiritual laziness that prevents us from developing our powers and becoming living, vibrant beings; and of inconstancy, as is often painfully obvious from our ever-renewed “New Year’s resolutions.”  How often, when we commit ourselves to practice something on a daily basis over a period of time, does the day soon come that we forget, find an excuse to abandon our commitment, or simply quit!  This is not merely inconsistency or a lack of perseverance on our part: it is a symptom of our inability to master ourselves and our lives.

Moreover, we are by nature unable to keep our minds focused on any object of meditation. We are easily distracted and bored.  We spend our days talking about unimportant, meaningless details. Our conversations, for the most part, are not real dialogues, but rather exchanges of monologues.

We are busy at jobs we do not care about, and earning a living is our utmost concern. We feel bored, empty, and sexually frustrated by our own or our partners’ inability to deliver peak performance.  We want more: more money, more leisure, more “toys,” and more fulfillment, of which we get too little, too seldom.  We succumb to all sorts of indulgences and petty pleasures to soothe our dull and wounded consciousness.  And yet all these things are merely symptoms of the real problem that besets the human condition. Our real problem is not that we are deficient beings, but that we don’t know how to be, and don’t desire to be, different.  We embrace everyday life and call it “the real thing,” slowly but inexorably suffocating the yearning for transcendence buried deep within us.  In the end this proves to be our real undoing; we are not unlike smokers who, after being diagnosed with emphysema, keep on smoking to the bitter end.  The problem is that we deny there is a problem.  We are like a psychotic person who denies he is mentally ill, or like a sociopath who after committing a heinous crime insists that he really has a conscience, producing tears and remorse to prove it.

In the past, movements like Pythagoreanism, Gnosticism, Manichaeism, Mandaeanism, and medieval Catharism claimed that the problem beleaguering human beings is the body itself, or physical matter, to be precise.  These movements held that the soul or spirit is kept prisoner inside the cage of matter, waiting to be freed. (Evola rejected this interpretation as unsophisticated and as the product of a feminine and telluric worldview.)  Buddhism declared a “polluted” or “unenlightened mind” to be the real problem, developing in the course of the centuries a real science of the mind in an attempt to cure the disease at the roots.  Christian theism identified the root of human suffering and evil in sin.  As a remedy, Catholicism and Eastern Orthodoxy propose incorporation into the church through baptism and active participation in her liturgical life.  Many Protestants advocate, instead, a living and personal relationship with Jesus Christ as one’s Lord and Savior, to be cultivated through prayer, Bible studies, and church fellowship.

Evola regarded acceptance of the human condition as the real problem, and autarchy, or self-sufficiency, as the cure.  According to the ancient Cynics, autarkeia is the ability to lead a satisfactory, full life with the least amount of material goods and pleasures.  An autarchic being (the ideal man) is a person who is able to grow spiritually even in the absence of what others consider the necessities of life (e.g., health, wealth, and good human relationships).  The Stoics equated autarchy with virtue (arête, which they regarded as the only thing needed for happiness.  Even the Epicureans, led though they were by a quest for pleasure, regarded autarkeia as a “great good, not with the aim of always getting by with little, but that if much is lacking, we may be satisfied with little.”44

Evola endorsed the notion of autarkeia out of his rejection of the human condition and of the ordinary life that stems from it.  Like Nietzsche before him, Evola claimed that the human condition and everyday life should not be embraced, but overcome: our worth lies in being a “project” (in Latin projectum, “to be cast forward").  Thus, what truly matters for human beings is not who we are but what we can and should become.  Humans are enlightened or unenlightened according to whether or not they grasp this basic metaphysical truth.  It was not snobbism that led Evola to conclude that most human beings are “slaves” trapped in samsara like guinea pigs running on a wheel inside their cage.  According to Evola, sharing this state, among those one encounters each day, are not only persons with low paying jobs, but also one’s coworkers, family members, and especially persons without a formal education.  This is of course difficult to acknowledge.  Evola was consumed by a yearning for what the Germans call mehr als leben (“more than living”), which is unavoidably frustrated by the contingencies of human existence.  We read in a collection of Evola’s essays on the subject of mountain climbing:
At certain existential peaks, just as heat is transformed into light, life becomes free of itself; not in the sense of the death of individuality or some kind of mystical shipwreck, but in the sense of a transcendent affirmation of life, in which anxiety, endless craving, yearning and worrying, the quest for religious faith, human supports and goals, all give way to a dominating state of calm. There is something greater than life, within life itself, and not outside of it. This heroic experience is valuable and good in itself, whereas ordinary life is only driven by interests, external things and human conventions.45

According to Evola the human condition cannot and should not be embraced, but rather overcome. The cure does not consist in more money, more education, or moral uprightness, but in a radical and consistent commitment to pursue spiritual liberation.  The past offers several examples of the distinction between an “ordinary” life and a “differentiated” life.  The ancient Greeks referred to ordinary, material, physical life by the term bios, and used the term zoe to describe spiritual life. Buddhist and Hindu scriptures drew a distinction between samsara, or the life of needs, cravings, passions, and desires, and nirvana, a state, condition or extinction of suffering (dukka).  Christian scriptures distinguish between the “life according to the flesh” and the “life according to the Spirit.”  The Stoics distinguish between a “life according to nature” and a life dominated by passions.   Heidegger distinguished between authentic and inauthentic life.

Kierkegaard talked about the aesthetic life and the ethical life.  Zoroastrians distinguished between Good and Evil.  The Essenes divided mankind into two groups: the followers of the Truth and the followers of the Lie.

The authors who first introduced Evola to the notions of self-sufficiency and of the “absolute individual” (an ideal, unattainable state) were Nietzsche and Carlo Michelstaedter.  The latter was a twenty-three year old Jewish-Italian student who committed suicide in 1910, the day after completing his doctoral dissertation, which was first published in 1913 with the title La persuasione e la retorica (Persuasion and rhetoric).46 In his thesis, Michelstaedter claims that the human condition is dominated by remorse, melancholy, boredom, fear, anger, and suffering.  Man’s actions reveal that he is a passive being.  Because he attributes value to things, man is also distracted by them or by their pursuit.  Thus man seeks outside himself a stable reference point, but fails to find it, remaining the unfortunate prisoner of his illusory individuality.  The two possible ways to live the human condition, according to Michelstaedter, are the way of Persuasion and the way of Rhetoric.  Persuasion is an unachievable goal.  It consists in achieving possession of oneself totally and unconditionally, and in no longer needing anything else.  This amounts to having life in one’s self.  In Michelstaedter’s words:
The way of Persuasion, unlike a bus route, does not have signs that can be read, studied and communicated to others.  However, we all have within ourselves the need to find that; we all must blaze our own trail because each one of us is alone and cannot expect any help from the outside. The way of Persuasion has only this stipulation: do not settle for what has been given you.47

On the contrary, the way of Rhetoric designates the palliatives or substitutes that man adopts in lieu of an authentic Persuasion.  According to Evola, the path of Rhetoric is followed by “those who spurn an actual self-possession, leaning on other things, seeking other people, trusting in others to deliver them, according to a dark necessity and a ceaseless and indefinite yearning.”48  As Nietzsche wrote:
You crowd together with your neighbors and have beautiful words for it.  But I tell you: Your love of your neighbor is your bad love of yourselves. You flee to your neighbor away from yourselves and would like to make a virtue of it: but I see through your selflessness. . . .  I wish rather that you could not endure to be with any kind of neighbor or with your neighbor’s neighbor; then you would have to create your friend and his overflowing heart of yourselves.49

The goal of autarchy appears throughout Evola’s works.  In his quest for this privileged condition, he expounded the paths blazed by various movements in the past, such as Tantrism, Buddhism, Mithraism, and Hermeticism.

In the early 1920s, Decio Calvari, president of the Italian Independent Theosophical League, introduced Evola to the study of Tantrism.  Soon Evola began a correspondence with the learned British orientalist and divulger of Tantrism, Sir John Woodroffe (who also wrote with the pseudonym of “Arthur Avalon”), whose works and translations of Tantric texts he amply utilized.  While René Guénon celebrated Vedanta as the quintessence of Hindu wisdom in his L’homme et son devenir selon le Vedanta (Man and his becoming according to the Vedanta) (1925), upholding the primacy of contemplation or of knowledge over action, Evola adopted a different perspective .  Rejecting the view that spiritual authority is worthier than royal power, Evola wrote L’uomo come potenza (Man as power) in 1925.  In the third revised edition (1949), the title was changed to Lo yoga della potenza (The yoga of power).50  This book represents a link between his philosophical works and the rest of his literary production, which focuses on Traditional concerns.

The thesis of The Yoga of Power is that the spiritual and social conditions that characterize the Kali-yuga greatly decrease the effectiveness of purely intellectual, contemplative, and ritual paths.  In this age of decadence, the only way open to those who seek the “great liberation” is one of resolute action.51  Tantrism defined itself as a system based on practice, in which hatha-yoga and kundalini-yoga constitute the psychological and mental training of the followers of Tantrism in their quest for liberation.  While criticizing an old Western prejudice according to which Oriental spiritualities are characterized by an escapist attitude (as opposed to those of the West, which allegedly promote vitalism, activism, and the will to power), Evola reaffirmed his belief in the primacy of action by outlining the path followed in Tantrism.  Several decades later, a renowned member of the French Academy, Marguerite Yourcenar, paid homage to The Yoga of Power.  She wrote of “the immense benefit that a receptive reader may gain from an exposition such as Evola’s,”52 and concluded that “the study of The Yoga of Power is particularly beneficial in a time in which every form of discipline is naively discredited.”53

But Evola’s interest was not confined to yoga.  In 1943 he wrote The Doctrine of the Awakening, dealing with the teachings of early Buddhism.  He regarded Buddha’s original message as an Aryan ascetic path meant for spiritual “warriors” seeking liberation from the conditioned world.  In this book he emphasized the anti-theistic and anti-monistic insights of Buddha.  Buddha taught that devotion to this or that god or goddess, ritualism, and study of the Vedas were not conducive to enlightenment, nor was experience of the identity of one’s soul with the “cosmic All” named Brahman, since, according to Buddha, both “soul” and “Brahman” are figments of our deluded minds.

In The Doctrine of the Awakening Evola meticulously outlines the four “jhanas,” or meditative stages, that are experienced by a serious practitioner on the path leading to nirvana.  Most of the sources Evola drew from are Italian and German translations of the Sutta Pitaka, that part of the ancient Pali canon of Buddhist scriptures in which Buddha’s discourses are recorded.  While extolling the purity and faithfulness of early Buddhism to Buddha’s message, Evola characterized Mahayana Buddhism as a later deviation and corruption of Buddha’s teachings, though he celebrated Zen54 and the doctrine of emptiness (sunyata) as Mahayana’s greatest achievements.  In The Doctrine of the Awakening Evola extols the figure of the ahrat, one who has attained enlightenment.  Such a person is free from the cycle of rebirth, having successfully overcome samsaric existence.  The ahrat’s achievement, according to Evola, can be compared to that of the jivan-mukti of Tantrism, of the Mithraic initiate, of the Gnostic sage, and of the Taoist “immortal.”

This text was one of Evola’s finest.  Partly as a result of reading it, two British members of the OSS became Buddhist monks.  The first was H. G. Musson, who also translated Evola’s book from Italian into English.  The second was Osbert Moore, who became a distinguished scholar of Pali, translating a number of Buddhist texts into English.  On a personal note, I would like to add that Evola’s Doctrine of Awakening sparked my interest in Buddhism, leading me to read the Sutta Pitaka, to seek the company of Theravada monks, and to practice meditation.

In The Metaphysics of Sex (1958) Evola took issue with three views of human sexuality.  The first is naturalism.  According to naturalism the erotic life is conceived as an extension of animal instincts, or merely as a means to perpetuate the species.  This view has recently been advocated by the anthropologist Desmond Morris, both in his books and in his documentary The Human Animal.  The second view Evola called “bourgeois love”: it is characterized by respectability and sanctified by marriage.  The most important features of this type of sexuality are mutual commitment, love, feelings.  The third view of sex is hedonism.  Following this view, people seek pleasure as an end in itself.  This type of sexuality is hopelessly closed to transcendent possibilities intrinsic to sexual intercourse, and thus not worthy of being pursued.  Evola then went on to explain how sexual intercourse can become a path leading to spiritual achievements.


Apoliteia

In 1988 a passionate champion of free speech and democracy, the journalist and author I. F. Stone, wrote a provocative book entitled The Trial of Socrates.  In his book Stone argued that Socrates, contrary to what Xenophon and Plato claimed in their accounts of the life of their beloved teacher, was not unjustly put to death by a corrupt and evil democratic regime.  According to Stone, Socrates was guilty of several questionable attitudes that eventually brought about his own downfall.

First, Socrates personally refrained from, and discouraged others from pursuing, political involvement, in order to cultivate the “perfection of the soul.”  Stone finds this attitude reprehensible, since in a city all citizens have duties as well as rights.  By failing to live up to his civic responsibilities, Socrates was guilty of “civic bankruptcy,” especially during the dictatorship of the Thirty.  At that time, instead of joining the opposition, Socrates maintained a passive attitude: “The most talkative man in Athens fell silent when his voice was most needed.”55

Next, Socrates idealized Sparta, had aristocratic and pro-monarchical views, and despised Athenian democracy, spending a great deal of time in denigrating the common man.  Finally, Socrates might have been acquitted if only he had not antagonized his jury with his amused condescension and invoked the principle of free speech instead.

Evola resembles Socrates in the attitudes toward politics described by Stone.  Evola too professed “apoliteia.”56 He discouraged people from passionate involvement in politics.  He was never a member of a political party, refraining even from joining the Fascist party during its years in power.  Because of that he was turned down when he tried to enlist in the army at the outbreak of the World War II, although he had volunteered to serve on the front.  He also discouraged participation in the “agoric life.”  The ancient agora, or public square, was the place where free Athenians gathered to discuss politics, strike business deals, and cultivate social relationships. As Buddha said:
Indeed Ananda, it is not possible that a bikkhu [monk] who delights in company, who delights in society will ever enter upon and abide in either the deliverance of the mind that is temporary and delectable or in the deliverance of the mind that is perpetual and unshakeable. But it can be expected that when a bikkhu lives alone, withdrawn from society, he will enter upon and abide in the deliverance of mind that is temporal and delectable or in the deliverance of mind that is perpetual and unshakeable . . . . 57

Like Socrates, Evola celebrated the civic values, the spiritual and political achievements, and the metaphysical worth of ancient monarchies, warrior aristocracies, and traditional, non-democratic civilizations.  He had nothing but contempt for the ignorance of ordinary people, for the rebellious masses, for the insignificant common man.

Finally, like Socrates, Evola never appealed to such democratic values as “human rights,” “freedom of speech,” and “equality,” and was “sentenced” to what the Germans call “death by silence.”  In other words, he was relegated to academic oblivion.

Evola’s rejection of involvement in the socio-political arena must also be attributed to his philosophy of inequality.  Norberto Bobbio, an Italian senator and professor emeritus of the philosophy department of the University of Turin, has written a small book entitled Right and Left: The Significance of a Political Distinction.58 In it Bobbio, a committed leftist intellectual, attempts to identify the key element that differentiates the political Right from the Left (a dyad rendered in the non-ideological American political arena by the dichotomy “conservatives and liberal,” or “mainstream and extremist”).  After discussing several objections to the contemporary relevance of the Right-Left dyad following the decline and fall of the major political ideologies, Bobbio concludes that the juxtaposition of Right and Left is still a legitimate and viable one, though one day it will run its course, like other famous dyads of the past: “patricians and plebeians” in ancient Rome, “Guelphs and Ghibellines” during the Middle Ages, and “Crown and Parliament” in seventeenth century England.

At the end of his book Bobbio suggests that, “the main criterion to distinguish between Right and Left is the different attitude they have toward the ideal of equality.”59

Thus, according to Bobbio, the views of Right and Left on “liberty” and “brotherhood” (the other two values in the French revolutionary trio) are not as discordant as their positions on equality.  Bobbio explains:
We may properly call “egalitarians” those who, while being aware that human beings are both equal and unequal, give more relevance, when judging them and recognizing their rights and duties, to that which makes them equal rather than to what makes them un-equal; and “inegalitarians,” those who, starting from the same premise, give more importance to what makes them unequal rather than to what makes them equal.60

Evola, as a representative of the European Right, may be regarded as one of the leading antiegalitarian philosophers of the twentieth century.  Evola’s arguments transcend the age-old debate between those who claim that class, racial, educational, and gender differences between people are due to society’s structural injustices, and those who, on the other hand, believe that these differences are genetic.  According to Evola there are spiritual and ontological reasons that account for differences in people’s lot in life.  In Evola’s writings the social dichotomy is between initiates and “higher beings” on the one hand, and hoi polloi on the other.

The two works that best express Evola’s apoliteia are Men among Ruins (1953) and Riding the Tiger (1961).  In the former he expounds his views on the “organic” State, lamenting the emerging primacy of economics over politics in post-war Europe and America. Evola wrote this book to supply a point of reference for those who, having survived the war, did not hesitate to regard themselves as “reactionaries” deeply hostile to the emerging subversive intellectual and political forces that were re-shaping Europe:
Again, we can see that the various facets of the contemporary social and political chaos are interrelated and that it is impossible to effectively contrast them other than by returning to the origins.  To go back to the origins means, plain and simple, to reject everything that, in every domain, whether social, political and economic, is connected to the “immortal principles” of 1789 in the guise of libertarian, individualistic and egalitarian thought, and to oppose to it a hierarchical view.  It is only in the context of such a view that the value and freedom of man as a person are not mere words or pretexts for a work of destruction and subversion.61

Evola encourages his readers to remain passive spectators in the ongoing process of Europe’s reconstruction, and to seek their citizenship elsewhere:
The Idea, only the Idea must be our true homeland. It is not being born in the same country, speaking the same language or belonging to the same racial stock that matters; rather, sharing the same Idea must be the factor that unites us and differentiates us from everybody else.62

In Riding the Tiger, Evola outlines intellectual and existential strategies for coping with the modern world without being affected by it.  The title is borrowed from a Chinese saying, and it suggests that a way to prevent a tiger from devouring us is to jump on its back and ride it without being thrown off.  Evola argued that lack of involvement in the political and social construction of the human polis on the part of the “differentiated man” can be accompanied by a sense of sympathy toward those who, in various ways, live on the fringe of society, rejecting its dogmas and conventions.


The “differentiated person” feels like an outsider in this society and feels no moral obligation toward society’s request that he joins what he regards as an absurd system.  Such a person can understand not only those who live outside society’s parameters, but even those who are set against such (a) society, or better, this society.63

This is why, in his 1968 book L’arco e la clava (The bow and the club), Evola expressed some appreciation for the “beat generation” and the hippies, all the while arguing that they lacked a proper sense of transcendence as well as firm points of spiritual reference from which they could launch an effective inner, spiritual “revolt” against society.



Guido Stucco has an M.A. in Systematic Theology at Seaton Hall and a Ph.D. in Historical Theology at St. Louis University. He has translated five of Evola’s books into English.

 

End Notes

1. For a good introduction to this movement and its ideas, William Quinn, The Only Tradition, Albany: State University of New York Press, 1997.

2. The first of the Theosophical Society’s three declared objectives was to promote the brotherhood of all men, regardless of race, creed, nationality, and caste.

3. Tomislav Sunic, Against Democracy and Equality: The European New Right, New York: Peter Lang, 1991; Ian B. Warren’s interview with Alain de Benoist, “The European New Right: Defining and Defending Europe’s Heritage,” The Journal of Historical Review, Vol.13, no. 2, March-April 1994, pp. 28-37; and the special issue “The French New Right,” Telos, Winter 1993-Spring 1994.

4.  Martin Lee, The Beast Reawakens, Boston: Little, Brown, 1997.

5. Walter Laqueur, Fascism: Past, Present, Future, New York: Oxford University Press, 1996, pp. 97-98.  Despite his bad press in the U.S., Evola’s works have been favorably reviewed by Joscelyn Godwin, “Evola: Prophet against Modernity,” Gnosis Magazine, Summer 1996, pp. 64-65; and by Robin Waterfield, “Baron Julius Evola and the Hermetic Tradition,” Gnosis Magazine, Winter 1990, pp. 12-17.

6. The first to write about Evola in this country was Thomas Sheehan, in “Myth and Violence: The Fascism of Julius Evola and Alain de Benoist,” Social Research, Vol. 48, Spring 1981, pp. 45-73.  See also Richard Drake, “Julius Evola and the Ideological Origins of the Radical Right in Contemporary Italy,” in Peter Merkl (ed.), Political Violence and Terror: Motifs and Motivations, Berkeley: University of California Press, 1986, pp. 61-89;  “Julius Evola, Radical Fascism, and the Lateran Accords,” The Catholic Historical Review, Vol. 74, 1988, pp. 403-19; and the chapter “The Children of the Sun,” in The Revolutionary Mystique and Terrorism in Contemporary Italy, Bloomington: Indiana University Press, 1989, pp. 116-134.

7. Philip Rees, in his Biographical Dictionary of the Extreme Right since 1890, New York: Simon & Schuster, 1991, devotes a meager page and a half to Evola, and shamelessly concludes, without adducing a shred of evidence, that “ Evolian-inspired violence result[ed] in the Bologna station bombing of 2 August 1980.” Gianfranco De Turris, president of the Julius Evola Foundation in Rome and one of the leading Evola scholars, suggested that, in Evola’s case, rather than “bad teacher” one ought to talk about “bad pupils.”  See his Elogio e difesa di Julius Evola: il barone e i terroristi, Rome: Edizioni Mediterranee, 1997, in which he debunks the unfounded charge that Evola was responsible either directly or indirectly for acts of terrorism committed in Italy.

8. See for instance Sheehan’s convoluted article “Diventare Dio: Julius Evola and the Metaphysics of Fascism,” Stanford Italian Review, Vol. 6, 1986, pp. 279-92, in which he tries to demonstrate that Nietzsche and Evola mirror each other.  Sheehan should have rather spoken of an overcoming of Nietzsche’s philosophy on the part of Evola. The latter rejected Nietzsche’s notion of “Eternal Recurrence” as “nothing more than a myth”; his vitalism, because closed to transcendence and hopelessly immanentist; his “Will to Power” because: “Power in itself is amorphous and meaningless if it lacks the foundation of a given being, of an inner direction, of an essential unity” (Julius Evola, Cavalcare la tigre [Riding the tiger], Milan: Vanni Scheiwiller, 1971, p. 49); and, finally, Nietzsche’s nihilism, which Evola denounced as a project that had been implemented half-way.

9.  H.T. Hansen, a pseudonym adopted by T. Hakl, is an Austrian scholar who earned a law degree in 1970. He is a partner in the prestigious Swiss publishing house Ansata Verlag and one of the leading Evola scholars in German-speaking countries. Hakl has translated several works by Evola into German and supplied lengthy scholarly introductions to most of them.

10. See for instance the topics of a conference held in France on the occasion of the centenary of his birth: “Julius Evola 1898-1998: Eveil, destin et expériences de terres spirituelles,” on the web site http://perso.wanadoo.fr/collectif.ea/langues/anglais/acteesf.htm. 

11. Marcello Veneziani, Julius Evola tra filosofia e tradizione, Rome: Ciarrapico Editore, 1984, p. 110.

12. This work has been translated into French and German.  My translation of the first volume is scheduled to be published in December 2002 by Inner Traditions, with the title Introduction to Magic: Rituals and Practical Techniques for the Magus.

13. Marco Rossi, a leading Italian authority on Evola, wrote an article on Evola’s alleged antidemocratic anti-Fascism in Storia contemporanea, Vol. 20, 1989, pp. 5-42.

14. Julius Evola, Il cammino del cinabro, Milan: Vanni Scheiwiller, 1972 , p. 162.

15. Julius Evola, Etica aria, Arian ethics, Rome: Europa srl, 1987, p. 28.

16. When Evola and a few friends came to the realization that the war was lost for the Axis, they began to draft plans for the creation of a “Movement for the Rebirth of Italy.” This movement was supposed to organize a right-wing political party capable of stemming the post-war influence of the Left. Nothing came of it, though.

17. Julius Evola, Il Cammino del cinabro, p. 183.

18. Julius Evola, Etica aria, p. 24.

19. In the beginning of his autobiography Evola claimed that reading Nietzsche fostered his opposition to Christianity, a religion which never appealed to him.  He felt theories of sin and redemption, divine love, and grace as “foreign” to his spirit.

20. Rebora was imprecisely quoting from memory a saying by Jesus found in John 7:37.  The exact quote is “Let anyone who is thirsty come to me, and let the one who believes in me drink.” (Revised Standard Version.)

21. Julius Evola, Lettere di Julius Evola a Girolamo Comi, 1934-1962, Rome: Fondazione Julius Evola, 1987, p. 17. In 1922 Evola was on the brink of suicide.  He had experimented with hallucinogenic drugs and was consumed by an intense desire for extinction.  In a letter dated July 2, 1921, Evola wrote to his friend Tristan Tzara: “I am in such a state of inner exhaustion that even thinking and holding a pen requires an effort which I am not often capable of. I live in a state of atony and of immobile stupor, in which every activity and act of the will freeze. . . . Every action repulses me. I endure these feelings like a disease. Also, I am terrified at the thought of time ahead of me, which I do not know how to utilize. In all things I perceive a process of decomposition, as things collapse inwardly, turning into wind and sand.” Lettere di Julius Evola a Tristan Tzara, 1919-1923, Rome: Julius Evola Foundation, 1991, p. 40.  Evola was able to overcome this crisis after reading the Italian translation of the Buddhist text Majjhima-Nikayo, the so-called “middle length discourses of the Buddha.” In one of his discourses Buddha taught the importance of detachment from one’s sensory perceptions and feelings, including one’s yearning for personal extinction.

22. For a brief account of their correspondence, see Julius Evola, René Guénon: A Teacher for Modern Times, trans. by Guido Stucco, Edmonds, WA: Holmes Publishing Group, 1994.

23. Joscelyn Godwin, Arktos: The Polar Myth in Science, Symbolism, and Nazi Survival, Grand Rapids, MI: Phanes Press, 1993, p. 61.

24. In two letters to Comi, Evola wrote: “From a spiritual point of view my situation doesn’t mean more to me than a flat tire on my car”; and: “The small matter of my legs’ condition has only put some limitations on some profane activities, while on the intellectual and spiritual planes I am still following the same path and upholding the same views,” Lettere a Comi, pp. 18, 27.

25. The Middle Length Sayings, vol. III, trans. by I.B. Horner, London: Pali Text Society, 1959, p. 278.

26. Julius Evola, Cavalcare la tigre, p. 175.

27. Yuri Stoyanov, The Hidden Tradition in Europe, New York: Penguin, 1994, p. 8.

28. The Latin word hostis means both “guest” and “enemy.” This is revealing of how ancient Romans regarded foreigners in general.

29. Julius Evola, Revolt against the Modern World, Rochester, VT: Inner Traditions, 1995, p. 6.  The first part of the book deals with the concepts noted in the extract cited. The second part of the book deals with the modern world.

30. Ibid.

31. All of these works have been translated and published in English by Inner Traditions.

32. Mircea Eliade, , Exile’s Odyssey, Chicago: University of Chicago Press, 1988, p. 152.

33. Julius Evola, The Yoga of Power, trans. by Guido Stucco, Rochester, VT: Inner Traditions, 1992.

34. Mircea Eliade, Journal III, 1970-78, Chicago: University of Chicago Press, 1989, p. 161.

35. Julius Evola, Il cammino del cinabro, p. 139.

36. Ibid.

37. Eliade, Journal III,1970-78, p. 162.

38. Ibid., pp. 162-63.

39. Mircea Eliade, Exile’s Odyssey, pp. 152.  See also Alain de Benoist and quote him at length.

40. Ibid.  This criticism was reiterated by S. Nasr in an interview to the periodical Gnosis.

41. Mircea Eliade, Journey East, Journey West, San Francisco: Harper & Row, 1981-88, p. 204.

42. Eliade, Journey East, Journey West, p. 202.

43. Evola, Il cammino del cinabro, p. 12.

44. Epicurus, Letter to Menoeceus, p. 47.

45. Julius Evola, Meditations on the Peaks, trans. by Guido Stucco, Rochester, VT: Inner Traditions, 1998, p. 5.

46. Carlo Michelstaedter, La persuasione e la retorica, Milan: Adelphi Edizioni, 1990.

47. Ibid., p. 104.

48. Il cammino del cinabro, p. 46.

49. F. Nietzsche, Thus Spoke Zarathustra, trans. by R.J. Hollingdale, London: Penguin Books, 1969, p. 86.

50. Evola, The Yoga of Power, trans. by Guido Stucco, Rochester, VT: Inner Traditions, 1992.

51. Evola would probably have liked Jesus’ saying (Luke 16:16): “The law and the prophets lasted until John; but from then on the kingdom of God is proclaimed and everyone who enters does so with violence.”

52. Marguerite Yourcenar, Le temps, ce grand sculpteur, Paris: Gallimard, 1983, p. 201.

53. Ibid., p. 204.

54. Julius Evola, The Doctrine of Awakening, Rochester, VT: Inner Traditions, 1995.

55. I. F. Stone, The Trial of Socrates, New York: Doubleday, 1988, p. 146.

56. Julius Evola, Cavalcare la tigre, pp. 174-78.

57. Mahajjima Nikayo, p. 122.

58. Norberto Bobbio, Destra e sinistra: ragioni e significati di una distinzione politica, Rome: Donzelli Editore, 1994. This book has been published in English as Left and Right: The Significance of a Political Distinction, Cambridge, England: Polity Press, 1996.

59. Ibid., p. 80.

60. Ibid., p. 74.

61. Julius Evola, Gli uomini e le rovine, Rome: Edizioni Settimo Sigillo, 1990, p. 64.

62. Ibid., p. 41.

63. Julius Evola, Cavalcare la tigre, p. 179.

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vendredi, 02 janvier 2009

Julius Evola: Idée d'Empire et universalisme

 

 

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Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES - VOULOIR (Bruxelles) - Avril 1991

Julius EVOLA: Idée d'Empire et universalisme

Quiconque s'interroge sérieusement sur le nouvel ordre européen perçoit de plus en plus nettement l'importance et la force révolutionnaire des idées de "grand-espace" (Grossraum) et d'"espace vital" (Lebensraum). Cependant, au lieu de "grand-espace", nous préférons ici parler d'"espace impérial", d'espace "reichisch", c'est-à-dire déterminé par l'idée de Reich, ou encore d'"espace de Reich". Il s'agit en effet de dissiper l'idée selon laquelle l'ordre nouveau serait essentiellement dicté par des facteurs matériels plutôt que par une idée ou par un droit supérieur qui fonde l'autorité. Bien entendu, l'"espace déterminé par l'idée de Reich" englobe aussi ce que nous appelons "l'espace vital"; mais il peut en dépasser les limites, soit en fonction de considérations militaro-stratégiques, soit en raison d'influences indirectes, de relations affinitaires ou de ces affinités électives qui poussent les petits peuples à se grouper autour d'un "peuple impérial".

Nous ne sonderons pas ici la notion générique de "grand-espace" ou d'espace "déterminé par l'idée de Reich" (reichisch). Nous nous pencherons plutôt sur un de ses aspects particuliers, qui dépasse à la fois le mythe nationaliste et le mythe universaliste.

En ce qui concerne le mythe nationaliste, il connaîtra dans l'avenir une double limitation: d'abord, aucun peuple ne peut assumer et exercer une fonction supérieure de direction s'il ne s'élève pas au dessus des intérêts et des allégeances de type particulariste. Ensuite, les petits peuples devront réapprendre qu'il existe une subordination qui, loin d'être un "esclavage", peut au contraire être source de fierté puisqu'elle permet l'intégration à une communauté culturelle plus vaste et la participation à une autorité plus haute et plus forte. On peut ici songer à des exemples historiques comme le Saint-Empire romain dont les souverains incarnaient une autorité et une fonction dissociées et distinctes de celles qu'ils détenaient en tant que princes d'un peuple particulier. Il pouvait même arriver que des peuples sollicitent d'eux-mêmes l'honneur d'être rattachés à une communauté qui était plus que nationale puisqu'elle se définissait par l'emblème impérial.

En ce qui concerne maintenant le second aspect, par lequel l'espace déterminé par l'idée de Reich apparaît comme le dépassement non seulement du nationalisme étriqué mais du mythe universaliste, il faut préciser que cet espace n'est pas un "espace impérial": il faudrait plutôt penser à des entités distinctes, caractérisées par des idées et des traditions spécifiques, mais agissant conjointement et solidairement. Seule, à l'évidence, cette idée peut dépasser l'universalisme, que ce soit sous sa forme utopique ("le royaume mondial") ou sous sa forme juridico-positiviste qui postule des principes rationnels, universellement valables et obligatoires.

Quant à l'"espace déterminé par l'idée de Reich", il ne faut pas y voir un assemblage plus ou moins lâche, mais un véritable organisme défini par des frontières précises et axé sur une idée centrale imprégnant toutes les forces qu'il rassemble.

Si l'espace déterminé par l'idée de Reich ne constitue pas un tout cohérent puisqu'il se présente sous la forme d'un ordre dynamique, il obéit cependant toujours à une certaine loi d'évolution et s'articule autour de valeurs fondamentales qui constituent son "principium individuationis":

Par son caractère organique, vivant, et par les conditions géopolitiques nécessaires qui sont les siennes, l'idée d'espace déterminé par l'idée de Reich s'oppose notamment à ce que nous appelerions "l'impérialisme qui se cherche" (vortastender Imperialismus) et dont le prototype est l'Angleterre. Pour des raison identiques, il s'oppose également à toute conception abstraite, "spiritualiste", du Reich, qui bien souvent n'est qu'un paravent de l'universalisme. or, en Italie, la compréhension de ce dernier point a été obscurcie par nombre d'idées fausses et de lieux communs désuets.

L'exemple de l'idée romaine

Le grand-espace dont l'Italie peut éventuellement se réclamer est essentiellement méditerranéen. A ce titre, sa référence "impériale" et supranationale ne peut être que l'idée romaine. Or, certains milieux développent à propos de Rome une rhétorique telle que l'on éprouve une sensation de lassitude chaque fois qu'il est question de Rome et de la romanité. Et pourtant, l'Italie n'a pas d'autre choix. Mussolini l'a dit: "Rome est notre point de départ et notre référence: c'est notre symbole et notre mythe".

La difficulté que nous venons de signaler provient de ce que, pour beaucoup, romanité et universalisme sont synonymes. L'"universalisme romain" est un slogan qui, visiblement, sert les ambitions douteuses de certains milieux. D'autres s'eforcent bien de faire une distinction entre le principe universel de Rome et l'universalisme de type démocrate, franc-maçon ou humanitariste, ou encore celui de l'Internationale communiste. Mais cela ne dissipe pas le malentendu.

Est universaliste tout principe qui prétend à la validité générale. Le rationalisme franc-maçon, la démocratie, l'internationalisme et le communisme sont, de fait, des idées qui se répandent dans le monde entier et qui pourraient donc effectivement devenir "universelles" –à condition de déraciner d'emblée et de niveler méthodiquement tous les peuples et toutes les cultures. On retrouve à peu près un projet identique dans les très controversés "Protocoles des Sages de Sion".

Le symbole de Rome –s'il ne s'épuise pas dans une rhétorique creuse– implique tout au contraire quelque chose de concret et de défini: nul ne songe sérieusement à unifier tous les continents et tous les peuples sous l'égide de Rom. Telle est pourtant l'intention des utopies antitraditionnelles, niveleuses et collectivistes. Rome, pour nous, peut effectivement signifier quelque chose et si ce "quelque chose" n'est pas "l'universalisme", ce sera l'idée fondamentale, la force qui met-en-forme, la loi inhérente à un certain "espace déterminé par l'idée de Reich"

D'ailleurs, il n'en allait pas autrement dans l'Antiquité, Rome était l'axe sacré d'une communauté soudée de peuples et de cultures, mais en dehors de laquelle il existait d'autres cultures, ce que traduit du reste l'expresion de "barbare" qui, à l'origine, n'avait aucune connotation péjorative et servait simplement à désigner l'étranger.

Dans l'Empire romain finissant, il a pu, certes, exister –dans les limites de cet espace où soufflait l'esprit d'empire– un certain "universalisme": on laissa s'introduire à Rome des éléments hétérogènes et des races inférieures dont on fit abusivement des "Romains". La ville du Tibre intégra sans difficulté des cultes et des mœurs allogènes dont le contraste avec la romanité des origines était parfois stupéfiante, comme le notait Tite-Live. C'est dans cet universalisme-là que réside l'une des pricnipales raisons de l'effondrement de Rome. Voir dans un tel universalisme une caractéristique propre au "principe romain" serait le plus grave des contresens. Le principe romain vrai, c'est-à-dire viril et hiérarchisé, celui qui a fondé notre grandeur, n'a absolument rien à voir avec cet universalisme de la Rome tardive et abâtardie.

Nous vivons une époque de rassemblement, d'organisation et de structuration de forces, où le discours universaliste abstrait n'a pas sa place. Une époque où la dimension spirituelle ne doit pas nous conduire à des déviations ni à des transgressions mais sublimer le sens des forces et des contraintes d'une réalité concrète. Que Rome ait fait don au nom de la "lumière de la culture", que l'esprit romain soit illimité, que tous les peuples doivent à Rome des éléments de culture, voilà qui est bien. Il reste cependant à tester la vitalité actuelle de cet héritage millénaire au regard d'entreprises moins poétiques mais plus précises. Pour celui qui ne se satisfait pas du verbiage, la moindre des choses à exiger de la force de l'idée romaine est qu'elle puisse faire naître, à partir des peuples que rassemblera notre grand-espace, un organisme véritablement déterminé par l'idée d'Empire, un "reichischer Organismus" doté d'une structure solide, d'un visage et d'une culture propre, ce que permettrait, par exemple, un recours à l'idée organique et hiérarchique du Moyen-Age aryen et combattant. Ce n'est que lorsque que cet exemple aura pris consistance que le prestige de l'idée romaine franchira de nouveau les limites de notre espace. Alors, d'autres pays se demanderont si ces idées fondamentales peuvent être adoptées et façonner le réel selon des formes propres au type d'humanité auquel ils appartiennent.

Julius Evola

(traduction: J.L.P.).

 

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jeudi, 06 novembre 2008

L'aristocrate et le baron: parallèles entre Jünger et Evola

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L'aristocrate et le baron: parallèles entre Jünger et Evola

 

Quel effet aurait eu Le recours aux forêts d'Ernst Jünger s'il avait été traduit vingt ans plus tôt, soit en 1970 plutôt qu'en 1990, avec son titre actuel, Traité du Rebelle? On l'aurait sans doute vendu à des dizaines de milliers d'exemplaires et serait devenu l'un des livres de chevet des contestataires, et puis sans doute aussi des terroristes italiens des “années de plomb”, les rouges comme les noirs. Et aujourd'hui, nous verrions sans doute un jeune essayiste ou un fonctionnaire besogneux des services secrets se pencher et théoriser le rapport direct, encore que non mécanique, entre les thèses exposées par Jünger dans ces quelque cent trente pages d'une lecture peu facile, et la lutte armée des Brigades Rouges ou des NAR...

 

Pas de doute là-dessus. En fait, le petit volume de Jünger, publié en 1951, s'adresse explicitement à ses compatriotes, mais aussi à tous ceux qui se trouve dans une situation identique, celle de la soumission physique et spirituelle à des puissances étrangères. Dans cet ouvrage, Jünger fait aussi directement et indirectement référence à la situation mondiale de 1951: division de la planète en deux blocs antagonistes, guerre de Corée, course aux armements, danger d'un conflit nucléaire. Mais en même temps, il nous donne des principes qui valent encore aujourd'hui et qui auraient été intéressants pour les années 70. Enfin, ce livre nous donne également une leçon intéressante sur les plans symboliques et métaphysiques, sans oublier le plan concret (que faire?). En conséquence, le lecteur non informé du contexte court le danger de ne pas comprendre les arguments du livre, vu son ambiguité voulue (je crois que Jünger a voulu effectivement cette ambiguité, à cause du contexte idéologique et international dans lequel il écrivait alors). L'éditeur Adelphi s'est bien gardé d'éclairer la lanterne du lecteur. Il a réduit ses commentaires et ses explications aux quelques lignes de la quatrième de couverture. Les multiples références de Jünger aux faits, événements et personnalités des années 50 restent donc sans explications dans l'édition italienne récente de cet ouvrage important. Dans l'éditorial, on ne trouve pas d'explication sur ce qu'est la figure de l'Arbeiter, à laquelle Jünger se réfère et trace un parallèle. Adelphi a traduit Arbeiter par Lavoratore et non pas Operaio  qui est le terme italien que les jüngeriens ont choisi pour désigner plus spécifiquement l'Arbeiter dans son œuvre. Même chose pour le Waldgänger que l'on traduit simplement par Ribelle.

 

Sua habent fata libelli.  Le destin de ce petit livre fait qu'il n'a été traduit en italien qu'en 1990, ce qui n'a suscité aucun écho ou presque. Il a été pratiquement ignoré. Pourtant, si l'on scrute bien entre les lignes, si l'on extrait correctement le noyau de la pensée jüngerienne au-delà de toutes digressions philosophiques, éthiques, historiques et finalement toutes les chroniques qui émaillent ce livre, on repèrera aisément une “consonance” entre Der Waldgang (1951) et certains ouvrages d'Evola, comme Orientations (1950), Les hommes au milieu des ruines (1953) et Chevaucher le tigre  (1961). On constatera que c'est le passage des années 40 aux années 50 qui conduisent les deux penseurs à proposer des solutions assez similaires. Certes, on sait que les deux hommes avaient beaucoup d'affinités mais que leurs chemins ne se sont séparés sur le plan des idées seulement quand Jünger s'est rapproché de la religion et du christianisme et s'est éloigné de certaines de ses positions des années 30. Tous deux ont développé un regard sur le futur en traînant sur le dos un passé identique (la défaite) qui a rapproché leurs destins personnels et celui de leurs patries respectives, l'Allemagne et l'Italie.

 

Pour commencer, nous avons soit l'Anarque, soit celui qui entre dans la forêt, deux figures de Jünger qui possèdent plusieurs traits communs avec l'apolitieia évolienne. Cette apolitieia  ne signifie pas se retirer de la politique, mais y participer sans en être contaminé et sans devenir sot. Il faut donc rester intimement libre comme celui qui se retire dans une “cellule monacale” ou dans la “forêt” intérieure et symbolique. Il faut rester intimement libre, ne rien concéder au nouveau Léviathan étatique, tout en assumant une position active, en résistant intellectuellement, culturellement. “La forêt est partout” disait Jünger, “même dans les faubourgs d'une métropole”. Il est ainsi sur la même longueur d'onde qu'Evola, qui écrivait, dans Chevaucher le Tigre que l'on pouvait se retirer du monde même dans les endroits les plus bruyants et les plus aliénants de la vie moderne.

 

Face à une époque d'automatismes, dans un monde de machines désincarnées, Evola comme Jünger proposaient au début des années 50 de créer une élite: “des groupes d'élus qui préfèrent le danger à l'esclavage”, précisait l'écrivain allemand. Ces groupes élitaires, d'une part, auront pour tâche de critiquer systématiquement notre époque et, d'autre part, de jeter les bases d'une nouvelle “restauration conservatrice” qui procurera force et inspiration aux “pères” et aux “mères” (au sens goethéen du terme). En outre, le Waldgänger,  le Rebelle, “ne se laissera pas imposer la loi d'aucune forme de pouvoir supérieur”, “il ne trouvera le droit qu'en lui-même”, tout comme la “souveraineté” a abjuré la peur en elle, prenant même des contacts “avec des pouvoirs supérieurs aux forces temporelles”. Tout cela amène le Rebelle de Jünger très près de l'“individu absolu” d'Evola. Etre un “individu absolu”, cela signifie “être une personne humaine qui se maintient solide”. Le concept et le terme valent pour les deux penseurs. Contre qui et contre quoi devront s'opposer les destinataires de ce Traité  et de ces Orientations?  L'ennemi est commun: c'est la tenaille qui enserre l'Europe, à l'Est et à l'Ouest (pour utiliser une image typique d'Evola): «Les ennemis sont aujourd'hui tellement semblables qu'il n'est pas difficile de déceler en eux les divers travestissements d'un même pouvoir», écrivait Jünger. Pour résister à de tels pouvoirs, Jünger envisage l'avènement d'un “nouveau monachisme”, qui rappelle le “nouvel ordre” préconisé par Evola, qui n'a pas de limites nationales; le rebelle doit défendre “la patrie qu'il porte dans son cœur”, patrie à laquelle il veut “restituer l'intégrité quand son extension, ses frontières viennent à être violées”. Ce concept va de paire avec celui de la “patrie qui ne peut jamais être violée” d'Evola, avec son invitation impérative de bien séparer le superflu de l'essentiel, d'abandonner le superflu pour sauver l'essentiel dans les moments dangereux et incertains que vivaient Allemands et Italiens en 1950-51. Mais cette option reste pleinement valide aujourd'hui...

 

Le Zeitgeist,  l'esprit du temps, était tel à l'époque qu'il a conduit les deux penseurs à proposer à leurs contemporains des recettes presque similaires pour résister à la société dans laquelle ils étaient contraints de vivre, pour échapper aux conditionnements, aux mutations et à l'absorption qu'elle imposait (processus toutefois indubitable, malgré Evola, qui, à la fin des années 50, a émis un jugement négatif sur Der Waldgang).  «Entrer en forêt» signifier entrer dans le monde de l'être, en abandonnant celui du devenir. «Chevaucher le Tigre», pour ne pas être retourné par le Zeitgeist; devenir “anarque”, maître de soi-même et de sa propre “clairière” intérieure; pratiquer l'apolitéia  sans aucune compromission. Regarder l'avenir sans oublier le passé. S'immerger dans la foule en renforçant son propre moi. Affronter le monde des machines et du nihilisme en se débarrassant de cette idée qui veut que la fatalité des automatismes conduit nécessairement à la terreur et à l'angoisse. Entreprendre “le voyage dans les ténèbres et l'inconnu” blindé par l'art, la philosophie et la théologie (pour Julius Evola: par le sens du sacré). Tous ces enseignements sont encore utiles aujourd'hui. Mieux: ils sont indispensables.

 

Gianfranco de TURRIS.

(article paru dans Area,  avril 98; trad. franç. : Robert Steuckers).

dimanche, 25 mai 2008

Les mères et la virilité olympienne

LES MERES ET LA VIRILITE OLYMPIENNE

Introduction de Julius Evola

On peut dire de Johann Jakob Bachofen qu'il est une "découverte" de la culture européenne la plus récente. Contemporain de Nietzsche (puisqu'il naquit à Bâle en 1815 et y mourut en 1887), il appartient au même climat spirituel dans lequel La naissance de la tragédie du même Nietzsche, et la Psyché d'E. Rohde virent le jour. De son temps, l'œuvre de Bachofen n'éveilla quasiment aucun écho. Le grand public n'y eut pas accès, tandis que les "spécialistes" en fait d'histoire ancienne et d'archéologie y opposèrent une espèce de conjuration du silence motivée par l'originalité des méthodes et des conceptions de Bachofen par rapport aux leurs.

Aujourd'hui, son œuvre a été reprise par de nombreux auteurs et elle est considérée comme celle d'un précurseur et d'un chef d'école. Une 1ère réédition de morceaux choisis de Bachofen en 3 volumes est parue à Leipzig en 1926 ; due à C.A. Bernouilli, elle porte le titre de Urreligion und antike Symbole. Une 2nde, enrichie d'une ample étude introductive et intitulée Der Mythos von Orient und Okzident, fut assurée par A. Baümler, en 1926 également. Ajoutons qu'une réimpression de l'ensemble des ouvrages de Bachofen, devenus pratiquement introuvables dans l'édition originale, est actuellement en cours.

Maîtrisant parfaitement toutes les connaissances de l'archéologie et de la philologie de son temps, Bachofen s'est consacré à une interprétation originale des symboles, des mythes, des cultes et des formes juridiques des temps les plus reculés, interprétations particulièrement importantes par la quantité des thèmes et des référence qu'elle offre à quiconque entend s'ouvrir à une dimension quasiment insoupçonnée du monde des origines - au point d’apparaître comme une espèce d'histoire spirituelle secrète des civilisations antiques que masque l'histoire officielle, pourtant considérée par l’historiographie dite "critique" comme l'instance suprême.

Le fait que, par ailleurs, chez Bachofen, certaines déductions et certains points de détail soient inexacts, que quelques rapprochements pèchent par excès de simplification et qu’après lui, les historiens de l'Antiquité aient recueilli bien d'autres matériaux - tout ceci ne remet pas en question l'essentiel et n'autorise aucun de nos contemporains à juger "dépassées" ses œuvres maîtresses, fruits d’études approfondies et complexes et d'heureuses intuitions. De nos jours, Bachofen est aussi peu "dépassé" qu'un Fustel de Coulanges, un Max Muller ou un Schelling. Par rapport à ces auteurs, le moins que l'on puisse dire, c'est que ceux qui sont venus après auraient bien besoin de se mettre à la page ; car si leurs lunettes - c-à-d. leurs instruments critiques et analytiques - sont indubitablement plus perfectionnés, intérieu-rement, leur vue semble avoir singulièrement baissé. Quant à leurs recherches, qui sombrent si fréquemment dans une spécialisation opaque et sans âme, elles ne reflètent plus rien du pouvoir de synthèse et de la sûreté d'intuition de certains maîtres de jadis.

Ce qui est particulièrement digne d’intérêt chez Bachofen, c'est avant tout la MÉTHODE. Cette méthode est novatrice, révolutionnaire par rapport à la façon habituelle scolastique et académique, de considérer les anciennes civilisations, leurs cultes et leurs mythes, pour la simple raison qu'elle est "traditionnelle", au sens supérieur de ce terme. Nous voulons dire par là que la manière dont l'homme de toute civilisation traditionnelle, c-à-d. anti-individualiste et antirationaliste, affrontait le monde de la religion, des mythes et des symboles, est, dans ses grandes lignes, identique à celle adoptée par Bachofen pour tenter de découvrir le secret du monde des origines. La prémisse fondamentale de l'œuvre de Bachofen, c'est que le symbole et le mythe sont des témoignages dont toute recherche historique doit tenir sûrement compte. Ce ne sont pas des créations arbitraires, des projections fantaisistes de l'imagination poétique : ce sont, au contraire, des "représentations des expériences d'une race à la lumière de sa religiosité", lesquelles obéissent à une logique et à une loi bien déterminées. Par ailleurs, symboles, traditions et légendes ne doivent pas être considérés et mis en valeur en fonction de leur "historicité", au sens le plus étroit du terme : c'est précisément ici que réside le malentendu qui a empêché l'acquisition de connaissances précieuses. Ce n'est pas leur problématique signification historique, mais leur signification réelle de "faits spirituels" qu'il faut considérer.

À chaque fois que l'événement dûment enregistré et que le document "positif" cessent de nous parler, le mythe, le symbole et la légende s'offrent à nous, prêts à nous faire pénétrer une réalité plus profonde, secrète et essentielle : une réalité dont les traits extérieurs, historiques et tangibles des sociétés, des races et des civilisations passées ne sont qu'une conséquence. Dans cette optique, ceux-ci représentent assez fréquemment les seuls documents positifs que le passé a conservés. Bachofen observe très justement que l'on ne peut jamais se fier aveuglément à l'histoire : un événement peut, certes, laisser des traces, mais sa signification interne se perd, elle est emportée par le courant du temps au point d’être insaisissable et incompréhensible chaque fois que la tradition et le mythe ne l'ont pas fixée.

Dans les développements, les modifications, les oppositions et même les contradictions des divers symboles, mythes et traditions, nous pouvons en effet déceler les forces plus profondes, les "éléments premiers", spirituels et métaphysiques, qui agirent dans le cadre des cycles de civilisation primordiaux et dont ils déterminèrent les bouleversements les plus décisifs. C'est ainsi que s'ouvre devant nous la voie d'une MÉTAPHYSIQUE DE L'HISTOIRE qui, par la suite, n'est autre que l'histoire intégrale, où la dimension la plus importante - la 3ème dimension - est précisément mise en exergue. L'interprétation de l'histoire interne de Rome à laquelle se livre Bachofen, sur la base, justement, des mythes et des légendes de la romanité, est l'un des exemples les plus convaincants de la portée et de la fécondité d'une telle méthode.

En 2nd lieu, l'œuvre de Bachofen revêt une importance toute particulière sur le plan aussi bien d'une "mythologie de la civilisation" que d'une "typologie" et une "science des races de l'esprit". Se fondant sur les diverses formes que revêtirent jadis les rapports entre les sexes, les recherches de Bachofen mettent à jour l'existence de certaines formes, typiques et distinctes, de civilisation qui ramènent à autant d'idées centrales - liées, à leur tour, à des attitudes générales, attestées par autant de conceptions du monde, du destin, de l'au-delà, du droit, de la société. De telles idées ont quasiment valeur d' "archétypes", au sens platonicien : ce sont des forces formatrices riches de rapports analogiques avec les grandes forces des choses. Par la suite, elles se manifestent, chez les individus, sous la forme de divers modes d'être, de divers "styles" de l'âme : dans la façon de sentir, d'agir et de réagir.

C'est à ce type bien particulier de science que Bachofen ouvre la voie. Toutefois, il n'a pas su s'émanciper totalement du préjugé "évolu-tionniste" qui prévalait de son temps. C'est ainsi qu'il a été amené à croire que les diverses formes mises en évidence par lui, dans la direction indiquée plus haut, pouvaient se ranger dans une espèce de succession de stades liée à un "progrès" de la civilisation humaine en général. Si, sur le plan morphologique et typologique, la signification supérieure de ses recherches ne doit pas être remise en cause, une pareille limitation doit, bien entendu, être écartée.

Essentiellement, le monde analysé par Bachofen est celui des antiques civilisations méditerra-néennes. La multiplicité chaotique des cultes, des mythes, des symboles, des formes juridiques, des coutumes, etc., qu'elles nous proposent, se reconstitue dans les ouvrages de Bachofen pour faire finalement apparaître la permanence, sous des formes variées, de 2 idées fondamentales antithétiques : l'idée OLYMPIANO-VIRILE et l'idée TELLURICO-FEMININE. Une telle polarité peut également s'exprimer à travers les oppositions suivantes : civilisation des Héros et civilisation des Mères ; idée solaire et idée chtonico-lunaire ; droit patriarcal et matriarcat ; éthique aristocratique de la différence et promiscuité orgiastico-communautaire ; idéal olympien du "supramonde" et mysticisme panthéiste ; droit positif de l'IMPERIUM et droit naturel.

Bachofen a mis à jour l’ère gynécocratique, c-à-d. l’ère en laquelle le principe féminin est souverain, et à laquelle correspond un stade archaïque de la civilisation méditerranéenne, lié aux populations pélasgiques [= préhelléniques] ainsi qu'à un ensemble d'ethnies du bassin sud-oriental et asiatique de la Méditerranée. Bachofen a très justement relevé qu'aux origines, un ensemble d'éléments, divers mais concordants, renvoie chez ces peuples à l'idée centrale selon laquelle, à la source et à l'apex de toute chose, se tiendrait un principe féminin, une Déesse ou Femme divine incarnant les suprêmes valeurs de l'esprit. En face d'elle, ce n'est pas seulement le principe masculin mais également celui de la personnalité et de la différence qui apparaîtraient secondaires et contingents, soumis à la loi du devenir et de la déchéance - par opposition à l'éternité et à l'immutabilité propres à la Grande Matrice cosmique, à la Mère de la Vie.

Cette Mère est parfois la Terre, parfois la loi naturelle conçue comme un fait auquel les dieux eux-mêmes sont assujettis. Sous d'autres aspects (auxquels nous verrons que correspondent diverses différenciations), celle-ci est aussi bien Déméter, en tant que déesse de l'agriculture et de la terre mise en ordre, qu'Aphrodite-Astarté, en tant que principe d'ex-tases orgiastiques, d'abandons dionysiaques, de dérèglement hétaïrique dont la correspondance analogique est la flore sauvage des marais. Le caractère spécifique de ce cycle de civilisation consiste principalement dans le fait qu'il cantonne au domaine naturaliste et matérialiste tout ce qui est personnalité, virilité, différence : dans le fait, inversement, de mettre sous le signe féminin (féminin au sens le plus large) le domaine spirituel, au point d'en faire souvent, justement, un synonyme de promiscuité panthéiste et l’antithèse de tout ce qui est forme, droit positif, vocation héroïque d'une virilité au sens non matériel.

Extérieurement, l'expression la plus concrète de ce type de civilisation est le matriarcat et, de façon plus générale, la gynécocratie. La gynécocratie, c-à-d. la souveraineté de la femme, reflète la valeur mystique qu'une telle conception du monde lui attribue. Celle-ci peut cependant avoir pour contrepartie (en ses formes les plus basses) l'égalitarisme du droit naturel, l'universalisme et le communisme. Le peu de cas fait de tout ce qui est différencié, l'égalité de tous les individus devant la Matrice cosmique, principe maternel et "tellurique" (de tellus, terre) de la nature dont toute chose et tout être proviennent et en lequel ils se disséminent à nouveau au terme d'une existence éphémère, c'est cela que l'on trouve à la base de la promiscuité communautaire comme de celle, orgiastique, des fêtes lors desquelles on célébrait précisément, jadis, le retour à la Mère et à l'état naturel, et où toutes les distinctions sociales se voyaient temporairement abolies.

Le principe masculin n'a pas d'existence propre, il ne se suffit pas à lui-même. Sur le plan matériel, il n'a de valeur que comme instrument de la génération ; il se soumet au lien de la femme ou bien est tenu dans l'ombre par la luminosité démétrienne de la mère. Sur le plan spirituel, ce n'est qu'à travers une extase dionysiaque, rendue propice par des éléments sensualistes et féminins, qu'il faut recueillir le sens de ce qui est éternel et immuable, qu'il peut pressentir l'immortalité - laquelle n'a cependant rien à voir avec celle, céleste, des Olympiens et des Héros. Et même sur le plan social, l'homme, qui ne connaît rien d'autre que la loi brutale de la force et de la lutte, perçoit à travers la femme l'existence d'un ordre supérieur plus serein et supra-individuel ; il perçoit ce "mystère démétrien" qui, sous une forme ou sous une autre, constitua dans l'Antiquité la base et le soutien de la loi matriarcale et de la gynécocratie.

À ces conceptions s'oppose de façon très nette, dans l'ancien monde méditerranéen, le cycle de la civilisation olympiano-ouranienne. Le centre, ici, n'est plus constitué par les symboles de la Terre ou de la Lune, mais par ceux du Soleil ou des régions célestes ("ouraniens", du mot grec Ouranos) ; par la réalité non pas naturaliste et sensuelle, mais immatérielle ; non par le giron maternel, pas plus que par la virilité phallique qui en est la contrepartie, mais par la virilité ouranienne liée aux symboles du Soleil et de la Lune ; non par le symbolisme de la Nuit et de la Mère, mais par celui du Jour et du Père. Dans une telle civilisation, l'idéal suprême s'incarne précisément dans le monde ouranien, conçu comme celui d'entités lumineuses, immuables, détachées, privées de naissance - par opposition au monde inférieur des êtres qui naissent, deviennent et meurent, au fil d'une existence éphémère car toujours associée à la mort. La religion d'Apollon et de Zeus : tel est le point de référence suprême. C'est la spiritualité olympienne, la virilité immatérielle, le caractère solaire de dieux libérés du lien de la femme et de la mère, dont les attributs sont la paternité et la domination.

Les traces laissées par cette tradition, y compris dans la spéculation grecque, sont connues de tous, ou peu s'en faut : telles qu'elles furent conçues par les philosophes grecs, les notions de noûs et de "sphère intelligible" s'y rattachent directement. Mais Bachofen met en évidence bien d'autres expressions de cette tradition : le patriarcat, notamment en ses formes patriciennes, n'a pas d'autres prémisses. L'impulsion à dépasser la simple virilité "tellurique" (physique et phallique) dans l'optique d'une virilité héroïque ou spirituelle ; l'intégration de tout ce qui est forme et différence, au lieu d'en faire fi ; le mépris de la condition naturaliste ; le dépassement du droit naturel par, un droit positif ; l'idéal d'une formation de soi où l'état de nature, avec sa loi de la Mère et de la Terre, est remplacé par un nouvel ordonnancement, sous le signe du Soleil et des travaux symboliques d'un Héraklès, d'un Persée ou d'autres héros de la Lumière - tout ceci procède d'un type de civilisation identique.

Telle est la conception fondamentale de Bachofen. Et elle fournit la clef d'un type de recherches susceptible d'être étendues à des domaines beaucoup plus vastes que ceux considérés par le penseur bâlois, d'autant plus que, nous y avons fait allusion, Bachofen s'est uniquement servi de tels points de référence pour fixer les grandes lignes des conflits, des bouleversements et des transformations propres à l'histoire secrète de l'antique monde méditerranéen. En Grèce, contrastant avec les formes plus archaïques, aborigènes, liées au culte tellurico-maternel, irradia la lumière de la spiritualité héroïco-olympienne - mais la "civilisation des pères" y connut une brève existence. Minée par des processus d'involution, du fait qu'elle n'avait pas été étayée par une organisation politique solide, elle fut victime de la résurgence de cultes et de forces liés à la période précédente, pélasgico-orientale, qu'elle semblait avoir tout d'abord jugulés. L'idée qui la sous-tendait parvint à se transmettre à Rome où elle connut un développement beaucoup plus prometteur, si l'on se réfère à l'histoire, jusqu'à Auguste. A l'époque d'Auguste, Rome sembla, en effet, sur le point d'instaurer une nouvelle ère universelle qui conduirait à son terme cette mission - selon Bachofen, spécifiquement occidentale - pour laquelle la civilisation de l'Apollon delphique s'était montrée insuffisamment qualifiée.

Tels étant les principaux traits de la métaphysique de Bachofen quant à l'histoire méditerranéenne ancienne, il serait opportun de faire maintenant allusion aux autres possibilités qu'elle offre - une fois dépassé le cadre général "évolutionniste" dont nous parlions plus haut.

Des constatations de Bachofen, il ressort que s'est développée, par opposition aux fondements d'un monde plus archaïque imprégné d'une "civilisation de la Mère", une civilisation virile et paternelle qui la supplanta et la vainquit - même si, dans un 2ème temps et dans certaines régions, elle subit à nouveau des bouleversements au terme d'un cycle donné de civilisation. Tout ceci fut analysé par Bachofen par référence à une espèce de développement automatique advenu au sein d'une même famille ethnique. Il ramène donc essentiellement l'opposition entre ces 2 civilisations à celle existant entre 2 phases progressives et évolutives d'un processus unique - sans se demander COMMENT l'une avait pu procéder de l'autre.

Il convient, au contraire, de se poser cette question en faisant appel, pour y répondre, à l'ethnologie. Il ressort d'un ensemble de recherches ultérieures dans d'autres domaines, avec une marge de crédibilité suffisante, l'idée selon laquelle la civilisation méditerranéenne la plus archaïque, préhellénique, caractérisée par le culte de la Femme, du matriarcat, de la gynécocratie sociale ou spirituelle, serait liée à des influences pré-aryennes ou non aryennes - alors que la vision opposée du monde héroïque, solaire et olympien aurait une origine proprement aryenne. Au reste, ceci avait même été pressenti par Bachofen lorsqu'il mit en relation la 1ère civilisation avec les populations pélasgiques et qu'il observa que le culte le plus caractéristique du cycle héroïco-solaire, celui de l'Apollon de Delphes, avait des origines "hyperboréennes et thraces" - ce qui revient à dire nordico-aryennes. Ses préjugés évolu-tionnistes l'ont toutefois empêché d'approfondir ces données. Alors qu'il a accompli une œuvre géniale en ramenant les vestiges de la civilisation gynécocratique, parvenus jusqu'à nous, à l'unité archaïque à laquelle ils appartenaient, il a négligé de procéder de façon analogue en ce qui concerne les éléments solaires et olympiens qui avaient affleuré et s'étaient affirmés dans l'ancien monde méditerranéen. Ceci l'aurait amené à constater l'existence d'une civilisation olympienne et paternelle tout aussi archaïque, mais d'origine ethnique différente. Dans le bassin méditerranéen, les formes les plus pures de cette civilisation sont, par rapport à l'autre, plus récentes : mais "plus récentes" au sens relatif, du fait qu'elles apparurent seulement à un moment donné - et non pas au sens absolu, c'est-à-dire au sens qu'auparavant elles n'existèrent ou n'apparurent nulle part, sinon comme les ultérieurs "stades évolutifs" d'un même groupe ethnique. Le contraire pourrait être tout aussi vrai, à savoir que de nombreuses formes, rattachées par Bachofen au cycle de la Mère (à ses aspects supérieurs : lunaires et démétriens), pourraient être considérées, plutôt que réellement propres à une telle civilisation, comme les formes involutives de certains rameaux de la traditon solaire (ce qui correspondrait, entre autres, aux enseignements concernant les "quatre âges" que nous a transmis Hésiode), ou encore comme le produit d'interférences entre elle et la Tradition opposée.

Mais nous ne pouvons nous attarder davantage sur cette question dans la mesure où elle sort du cadre des recherches proprement dites de Bachofen et où, d'autre part, nous l'avons déjà traitée dans d'autres ouvrages (1). Quoiqu'il en soit, le travail effectué par Bachofen se révélera extrêmement utile, à titre préparatoire, pour celui qui souhaiterait, sur la base des traces constituées par les symboles, les rites, les institutions, les coutumes et les formes juridiques dérivant respectivement de la civilisation de la Mère et de la civilisation héroïco-solaire, identifier les influences spirituelles et les "races de l'es prit" antithétiques qui agirent dans l'ancien monde méditerranéen, l'Hellade et Rome comprises. Du fait des nouveaux matériaux recueillis entre-temps, une telle recherche pourrait obtenir des résultats absolument passionnants. En outre, il serait toujours possible de l'entreprendre, en partant des mêmes prémisses, vis-à-vis d'autres civilisations, européennes ou non européennes.

En ce qui concerne l'utilisation des conceptions de Bachofen sur le plan proprement morphologique et typologique, il conviendrait de noter que cet auteur ne s'est pas contenté de considérer les 2 seuls termes de l’antithèse - c-à-d. solaire et tellurique, principe viril ouranien-paternel et principe tellurico-maternel ; il s'est également penché sur des formes intermédiaires auxquelles correspondent les termes de démétrien (ou lunaire), d’amazonien, d'héroïque et de dionysien. Nous disposons donc, en tout, de 6 points de référence en fonction desquels on pourrait définir non seulement des types de civilisation, mais également des modes d'être spécifiques - au point de pouvoir parler d'un type d'homme solaire, lunaire, tellurique, amazonien, héroïque ou dionysien. Nous-mêmes, notamment dans l'ouvrage évoqué plus haut, nous avons cherché à développer, sur ces bases, une typologie particulière. Une fois encore, il s'agit là d'un nouveau domaine des sciences de l'esprit aux explorations desquels les conceptions de Bachofen peuvent fournir des points de référence précieux.

Enfin, il convient d'ajouter que ce type de recherches n'a pas seulement un intérêt rétrospectif dans le cadre de l'élaboration d'une histoire secrète du monde antique : il pourrait également s'avérer très utile à tous ceux qui s'efforcent de découvrir le véritable visage de l'époque que nous vivons et de formuler à la fois un diagnostic et un pronostic sur la civilisation occidentale dans son ensemble. Ici et là, dans ses ouvrages, Bachofen a pressenti l'existence de lois cycliques sous le poids desquelles, au terme d'un développement donné, certaines formes involutives et dégénérescentes représentent quasiment un retour de stades positifs jadis laissés derrière lui par le processus de développement général. Or, plus d'un auteur a relevé, dans le sillage de Bachofen, combien la civilisation occidentale contemporaine présente et reproduit de façon inquiétante les traits distinctifs d'une époque de la Mère, d'une époque tellurique et aphrodisienne, avec toutes les conséquences que cela implique.

Voici, par ex., ce qu'écrit Alfred Baümler dans l'introduction déjà citée à des morceaux choisis de Bachofen : "Un seul regard jeté, dans les rues de Berlin, Paris ou Londres, sur le visage d'un homme ou d'une femme moderne, suffit à se convaincre qu'aujourd'hui le culte d'Aphrodite est celui devant lequel Zeus ou Apollon doit laisser la place (...). C'est un fait patent que le monde contemporain présente tous les traits d'une époque gynécocratique. Au cœur d'une civilisation épuisée et décadente surgissent de nouveaux temples d'Isis et d'Astarté, de ces divinités maternelles asiatiques que l'on servait par l'orgie et le dérèglement, avec le sentiment d'un abandon sans espoir dans la jouissance. Le type de la femme fascinante est l'idole de notre temps et, les lèvres fardées, elle hante les villes d'Europe comme jadis Babylone. Et comme si elle voulait confirmer la profonde intuition de Bachofen, la dominatrice moderne de l'homme, ne cachant rien de ses charmes, porte dans ses bras un chien, symbole de la promiscuité sexuelle sans limites et des forces d'en-bas". Mais ce type d'analogie pourrait donner lieu à de bien plus vastes développements.

L'époque moderne est "tellurique" non seulement en ses aspects mécanicistes et matérialistes, mais encore, essentiellement, en, ses divers aspects activistes, dans son fatras de religions de la Vie, de l'Irrationnel et du Devenir - exactes antithèses de toute conception classique ou "olympienne" du monde. Un Keyserling, par ex., a cru pouvoir parler du caractère "tellurique" - c-à-d. irrationaliste, lié essentiellement à des formes de courage, de sacrifice, d'élan et de don de soi privées de toute référence vraiment transcendante - présenté par ce moderne mouvement de masse que l'on a appelé, de façon générale, le "révolution mondiale". Avec la démocratie, 1e marxisme et le communisme, l'Occident a fini par exhumer, sous des formes sécularisées et matérialisées, l'antique droit naturel, la loi égalitariste et anti-aristocratique de la Mère chthonienne qui stigmatise l’ "injustice" de toute différence : et le pouvoir si souvent accordé, sur cette base, à l'élément collectiviste semble proprement remettre en honneur l'ancien discrédit de l'individu propre à la conception tellurique.

Avec le romantisme moderne, voici que renaît Dionysos : il a la même passion pour l'informe, le confus, l'illimité ; on y trouve la même confusion entre sensation et esprit, la même opposition à l'idéal viril et apollinien de la clarté, de la forme de la limite. Nietzsche lui-même, grand admirateur de Dionysos, est une preuve vivante et tragique de l'incompréhension moderne pour un tel idéal et l'aspect tellurique de nombre de ses conceptions le montre bien. Par ailleurs, après avoir lu Bachofen, il n'est pas difficile de constater le caractère lunaire propre au type le plus répandu de la culture moderne : à savoir la culture basée sur un blafard et vide intellectualisme, la culture stérile, coupée de la vie, s'épuisant dans la critique, la spéculation abstraite et la vaine créativité esthétisante - culture qui, ici encore, est à mettre en relation étroite avec une civilisation qui a porté le raffinement de la vie matérielle à des formes extrêmes (selon la terminologie proprement bachofenienne, on dirait aphrodisiennes) et où la femme et la sensualité deviennent souvent des thèmes prédominants - au point de devenir quasiment pathologiques et obsessionnels.

Et là où la femme ne devient pas la nouvelle idole des masses sous 1a forme moderne, non plus des déesses mais des "divas" cinématographiques et autres apparitions aphrodisiennes envoûtantes, elle affirme fréquemment sa primauté sous de nouvelles formes amazoniennes. C'est ainsi qu'apparaît la femme moderne, masculinisée, sportive et garçonne - la femme qui se consacre exclusivement à l'épanouissement de son corps (trahissant ainsi la mission qui l'attend normalement dans une civilisation de type viril), qui s'émancipe, qui se rend indispensable et va jusqu'à faire irruption dans l’arène politique. Mais, cela non plus ne lui suffit pas.

Dans les sociétés anglo-saxonnes et surtout en Amérique, l'homme qui épuise sa vie et son temps dans l'abrutissement des affaires et la poursuite des richesses - richesses qui servent, pour une bonne part, à payer le luxe, les caprices, les vices et les "raffinements" féminins -, un tel homme, qui s'intéresse tout au plus au sport, a volontiers laissé à la femme le privilège, sinon le monopole, de s'occuper des "choses spirituelles". C'est pourquoi l'on voit surtout pulluler, dans ce type de société, les sectes "spiritualistes", spirites et occultistes où le fait que prédomine l'élément féminin est déjà en soi significatif (ce sont, par ex., 2 femmes, Madame Blavatsky et Madame Besant, qui ont fondé et dirigé ce qui prit le nom de Société Théosophique). Mais c'est pour bien d'autres raisons que cette simple circonstance que le néo-spiritualisme nous apparaît comme une espèce de réincarnation des vieux Mystères féminins : l'informe évasion de l'âme dans de nébuleuses expériences suprasensibles, la confusion entre médiumnité et spiritualité, l'évocation inconsciente d'influences réellement "infernales" et l'importance accordée à des doctrines telles que la réincarnation tendent à confirmer, dans ces courants pseudo-spiritualistes, la correspondance déjà évoquée et à démontrer que, dans ces aspirations déviées de dépasser le "matérialisme", le monde moderne n'a rien su trouver qui le remette en contact avec des traditions supérieures de caractère olympien et "solaire" (2).

Quant à la psychanalyse, avec la prééminence qu’elle accorde à l’inconscient par rapport au conscient, au côté "nocturne", souterrain, atavique, instinctif et sexuel de l’être humain par rapport à l'existence de veille, à la volonté, à la véritable personnalité, elle semble se référer proprement à la vieille doctrine de la Nuit sur le Jour, de l'obscurité des Mères sur les formes, supposées caduques et sans intérêt, qui émanent d'elle.

On doit reconnaître que de telles analogies ne sont ni extravagantes ni le fait de dilettantes ; elles ont une base considérable et sérieuse qui leur donne un caractère inquiétant, dans la mesure où, selon nous, la réapparition d'une ère gynécocratique ne peut signifier que la fin d'un cycle et l'écroulement des civilisations fondées sur une race d'ordre supérieur. Mais, nombre de conceptions de Bachofen, au même titre qu'elles nous permettent de mettre en évidence ces symptômes de décadence, nous indiquent également des points de référence en vue d'une réaction et d'une restauration éventuelles. Ils ne peuvent être constitués que par les valeurs "olympiennes" d'une nouvelle civilisation, anti-gynécocratique et virile. Tel est, pour Bachofen lui-même, le "mythe de l'Occident" - c'est-à-dire l'idée formatrice, l'idéal qui définirait ce qu'il y a de plus spécifiquement "occidental" dans l'histoire de la civilisation.

Pour Bachofen, nous l'avons vu, c'est Rome qui, au terme de la tentative de l'Hellade apollinienne, aurait assumé un tel idéal, aurait affirmé une "société du père" sur des bases universelles, au long d'une lutte tragique contre des forces qui, peu à peu, devaient à nouveau réaffleurer, puis se réaffirmer, dans tel ou tel domaine de la vie et de la société romaines. Celui qui est capable de pressentir la profonde vérité de cette vue de Bachofen voit s'ouvrir à lui un champ de recherches aussi vaste que passionnant : celui du repérage et de la découverte d'une romanité olympiano-paternelle, au sens supérieur. Cependant, après le massacre qu'une insipide et prétentieuse rhétorique a fait du nom de Rome, après ce qu'une érudition et ce qu'une historiographie académiques, plates et sans âme ont accompli pour nous faire ignorer tout ce que la romanité des origines possédait de lumineux, d'éternel et qui constituait sa véritable mission, comment mettre sérieusement en évidence l'importance qu'aurait, selon nous, une telle recherche et celle que revêt, dans cette optique, l'œuvre même de Bachofen de façon générale ?

Mais ce qui, pour un ensemble de facteurs en partie contingents, n'est peut-être pas possible aujourd'hui, il peut se faire que cela le soit demain, à une époque moins troublée. Avoir bien mis en évidence la dignité de la société virile et olympienne, c'est là l'un des plus grands mérites de l'œuvre de Bachofen - utile correctif à tant de déviations idéologiques et de vocations faussées propres aux temps modernes.

  1. Essentiellement dans Révolte contre le monde moderne

00:52 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : evola, bachofen, matriarcat, philosophie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook