Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 09 mai 2015

Les kamikazés à l’UNESCO

Ailes_defaite_photo1-640x425.jpg

Les kamikazés à l’UNESCO : les armes, les lettres et le patrimoine de l’humanité 

par Christian Kessler & Gérard Siary

Ex: http://www.larevuedesressources.org

Au début de 2014, à l’initiative de la ville de Minamikyûshû (préf. de Kagoshima), qui abrite le musée de Chiran dédié aux kamikazés, l’État du Japon soumettait à l’Organisation des Nations-Unies un dossier proposant l’inscription de 333 lettres de kamikazés au patrimoine mondial de l’humanité. Les réactions tombent vite. La Chine, la Corée s’émeuvent de cette proposition qui, par les missives envoyées par les pilotes à la veille leur première et ultime mission, esthétise, voire justifie la guerre [1]. Le Japon n’a donc pu faire entrer jusqu’à nouvel ordre lesdites lettres à l’UNESCO.

Au-delà de l’incident, l’affaire prolonge le contentieux historique entre le Japon et les nations d’Asie Orientale qu’il a soumises à de rudes traitements sans jamais faire amende honorable. Elle pose la question du lien entre les lettres des kamikazés à leurs chères familles, fort émouvantes et non sans style, et l’implication du Japon, massive et ravageuse, durant la guerre d’Asie-Pacifique. Si le contexte martial sous-tend certes le propos épistolaire, cela n’entraîne pas que l’émotion du sujet écrivant justifie peu ou prou la guerre, voire la glorifie. Et il convient d’examiner de près le contenu de ces lettres, au demeurant peu connues.

En 1944, à la veille de la bataille de Leyte, alors que sa logistique militaire se dégrade, l’état-major japonais laisse la voie libre à la formation des tokubetsu.kōgeki.tai / unités spéciales d’assaut, tokkō en abrégé. Ce groupe nominal est parfois précédé de tai.atari / percussion au corps, ou bien de shinpū, vent divin. Tai.atari dénote l’opération où le pilote, pour être sûr de toucher sa cible, va la percuter de son corps, qui ne forme plus qu’un avec l’avion. Shinpū, expression symbolique, est la désignation générique de toute unité, indépendamment de son nom de baptême imagé, martial ou poétique, tels Jinrai / Tonnerre violent ou Kikusui / Chrysanthème flottant sur l’eau. Les deux sinogrammes de shinpū, terme le plus usité durant la guerre, se lisent aussi kami.kazé en lecture japonaise et sont passés en français dans le mot kamikaze. L’appellation courante de « mission-suicide » est déviationniste, qui déforme en suicide, i. e. en acte pathologique pour nous autres Occidentaux, une tactique strictement militaire.

Après une sélection nécessaire – selon le nombre d’avions –, et rigoureuse – les malades, tel Yukio Mishima, futur grand écrivain, sont réformés –, les heureux élus reçoivent une formation sommaire, puis sont affectés à la base où, très encadrés, parfois choyés, ils attendent l’heure de leur mission. Leurs missives écrites avant la sortie censément fatale, plus ou moins soumises à la censure militaire, parfois aussi clandestines, figurent dans les anthologies de soldats morts à la guerre [2], dans certains recueils spécifiques [3] ou dans les vitrines des musées [4]. Classées le plus souvent en lettres, tegami, ou messages ultimes, isho, mais sans distinction générique, elles n’ont jamais fait l’objet d’inventaire, d’édition critique ou de présentation muséale un tant soit peu satisfaisants. Leur traçabilité laisse à désirer. Seules sont publiées les lettres des trépassés, jamais celles de ceux dont la fin de la guerre a annulé la mission sacrée. Force est donc de s’en tenir aux lettres éditées, lestées d’un discours d’escorte idéologique, qui rend hommage aux victimes ou aux héros.

Il convient d’abord de les différencier des lettres écrites par d’autres combattants voués à mourir. Voici trois extraits significatifs de missives d’un résistant français de la Deuxième Guerre mondiale d’un kamikazé nippon, et d’un shahid ou martyr iranien de la guerre Iran-Irak :

(France, 9 mars 1942) Maman, Papa chéris, / Vous saurez la terrible nouvelle déjà, quand vous recevrez ma lettre. / Je meurs avec courage, je ne tremble pas devant la mort. Ce que j’ai fait, je ne le regrette pas si cela peut servir mon pays et la liberté. / Je regrette profondément de quitter la vie parce que je me sentais capable d’être utile. Toute ma volonté a été tendue pour assurer un monde meilleur. J’ai compris combien la structure sociale actuelle était monstrueusement injuste. J’ai compris que la liberté de dire ce que l’on pense n’était qu’un mot et j’ai voulu que cela change. C’est pourquoi je meurs pour la cause du socialisme. (...) / Je suis sûr que vous me comprendrez, papa et maman chérie, que vous ne me blâmerez pas. Soyez forts et courageux : vous me sentirez revivre dans l’œuvre dont j’ai été un des pionniers. (...) / Je pense à vous tous de toute ma puissance, jusqu’au bout, je vous regarderai. / Je pleure ma jeunesse, je ne pleure pas mes actes. Je regrette aussi mes chères études ; j’aurais voulu consacrer ma vie à la Science. [5]

(Japon, 6 avril 1945) Père, Mère, de tous les bons soins que vous lui avez si longtemps prodigués, Seishi vous sait gré. Venu en ce monde il y a plus de vingt ans, il dit son regret de s’en aller sans avoir rien accompli. Depuis les temps jadis, de même qu’on dit : « laisser trace de son ongle sur terre », l’être humain se doit de laisser sa trace. Il regrette vraiment d’avoir péché par impiété filiale. Est-ce à dire que sa vie doive inspirer pitié ? Mais Seishi va laver d’un seul coup tout ce déshonneur. / Père, Seishi est bienheureux. Il a découvert le lieu où mourir. Il est sûr de mourir en cet endroit. Il ne songe qu’à éradiquer l’ennemi, aux dépens de sa propre vie, et il ira jusqu’au bout. Il accomplira ce devoir sans faute. Comme soldat de l’Empire, il tombera superbement en assumant sa charge. / Après ma mort, je vous prie de bien vouloir vous occuper de tout. [6]

(8 février 1983) Au nom d’Allah miséricordieux ! / Mon but en venant au front, c’est de défendre l’Islam, le Coran, la religion sacrée de l’Islam […]. / Si je meurs en martyr, je serai parvenu à réaliser mes vœux. Si je mérite de devenir martyr, vous m’enterrerez au cimetière des martyrs de mon village. Ainsi, je serai auprès de mes parents, de ma femme et de mes enfants, de ma sœur et de mon frère, ainsi que de ma maison, et je serai content. Versez pendant une semaine de l’eau sur ma tombe, car on enterre les martyrs sans les laver. / Mes parents, ma sœur et mon frère, vous ne devez pas pleurer et faire la joie de nos ennemis. Partagez également mes biens entre mon fils, ma fille et mon épouse. Si ma femme ne se remarie pas, donnez-lui mes biens et ceux de mes enfants. Elle a toujours été gentille avec moi […]. / À mon sens, si on meurt sans avoir appliqué les paroles de l’Imam Khomeiny, on mourra comme une bête, faute d’avoir compris l’humanisme et connu l’Islam. Je n’ai qu’un corps, mais si j’avais cents corps, je les sacrifierais pour l’Islam, amen. / À bas l’Amérique, l’Union soviétique, Israël et l’Angleterre ! À l’espoir de la victoire contre l’injustice ! [7]

Ces différents discours présentent, mutatis mutandis, une forte uniformité. Le plus souvent, la valeur à laquelle adhère le signataire (libéralisme, christianisme, etc.) ne supplante pas la valeur nationale, censée mobiliser le combattant. Il arrive que les deux valeurs se recouvrent, et que le combat pour la foi soit aussi le combat pour la patrie. Cependant, si mourir pour l’empereur équivaut à mourir pour le Japon, mourir pour l’Islam ne se confond pas forcément avec mourir pour la nation, comme dans le cas de la guerre Iran-Irak, car la foi religieuse l’emporte sur tout le reste. Sinon, avec l’imminence du trépas, le sujet va à l’essentiel : consoler sa famille, dont l’avenir le préoccupe ; énoncer la cause pour laquelle il tombe ; marquer son regret de quitter si tôt la vie. Pas de différence notable d’une pièce à l’autre [8].

Chiran_high_school_girls_wave_kamikaze_pilot2.jpg

En quoi dès lors le propos des kamikazés se singularise-t-il ? La seule étude de contenu à ce jour, fondée sur un corpus de 661 lettres, comparé à un autre corpus de 402 lettres d’hommes du rang, et échantillonné sur trois périodes (25.10.44-5.4.45, 6.4-22.6.45, 23.6-8.8.45) selon la courbe d’efficacité décroissante des opérations, a produit les résultats suivants : 71.9% (contre 52.9% pour les hommes du rang) postulent une mort honorable, 28.4% (contre 9.7%) une belle mort ; 26.9% (contre 0.5%) aspirent à fournir un apport crucial à l’effort de guerre, 6.7% (contre 2.7%) à être une source inspirer les autres ; 18.9% (contre 18.4%) expriment leur piété filiale ; 10.0% (contre 11.9%) se donnent rendez-vous au sanctuaire Yasukuni dédié au repos des soldats morts à la guerre, mais aucun ne dit mourir pour ses croyances ; 36.0% (contre 23.4%) disent faire cela pour le Japon (la patrie), 32.5% (contre 25.6%) pour l’Empereur, 0.8% (contre 1.7%) pour le terroir ; 16.8% (contre 8.0%) disent le faire pour la famille confondue avec la patrie ; 0.1% (contre 0%) le font pour l’unité et les camarades ; nul ne fait état de contrainte. Il apparaît, par comparaison avec le propos des hommes du rang, que les kamikazés ne s’en distinguent ni par la piété filiale ni par la motivation religieuse, mais plutôt par le choix d’une mort glorieuse. À mesure que la situation militaire se dégrade, le propos sur l’honneur décline, tandis que croît l’insistance sur le « mourir utile » [9].

Le commentaire qualitatif consonne le plus souvent avec l’analyse quantitative. La lettre-type serait à peu près comme suit. Le pilote écrit donc à sa famille, à sa très chère maman, l’instance matricielle, l’être à sauver du cruel ennemi. Il est d’autant plus reconnaissant de l’éducation reçue que sa mort volontaire est une impiété filiale : au lieu de vivre pour honorer ses parents, lui décide de mourir. L’identité invoquée entre piété filiale et loyauté envers l’empereur n’excuse pas son acte. Mais ses proches sont assurés de sa présence tutélaire après sa fin. La splendeur escomptée de la mort justifie le sacrifice. Mourir bravement, honorablement, pour le grand Japon impérial, en entraînant avec soi un maximum de Yankees, voilà l’idéal : « Le guerrier du Japon mâlement part à la guerre » [10]. Mourir en beauté aussi, telle la fleur de cerisier qui tombe, selon l’image classique. La crainte de mourir en vain, sans avoir touché sa cible ni sauvé le pays, n’en est que plus forte. Notre homme aime la vie, il exprime des désirs qu’il ne réalisera pas. Mais il proclame, impavide, sa sérénité face à la mort. La poupée mascotte, sa fiancée morganatique, ersatz de la vie de couple impossible, l’accompagne en vol et l’aide à passer le cap. Fort est l’espoir de revoir les chers camarades disparus à Yasukuni. Et un poème d’adieu peut ponctuer la lettre, avec en particulier la figure du sakimori, le garde-côte du Japon ancien, le loyal bouclier impérial, réincarné en kamikazé, selon une autre image classique. Voilà, sous une forme recomposée, la vulgate des lettres. Certaines, plus rares, offrent des dissonances apparentes, qui affichent le scepticisme, voire la défiance. On épanche son dépit de partir, on critique l’armée ou la politique, on raille la sérénité affectée de certains, on parodie le stéréotype de la fleur de cerisier, on scrute avec lucidité ce moment juste avant la mort qui annule la comédie de la vie telle qu’on a pu la jouer jusqu’ici [11]. Ces textes-là, autant que les autres, attestent que le sujet ne se cache point la tension entre l’instinct de vie et le devoir de mourir pour la patrie, le regret de quitter ce monde et la satisfaction de connaître le moment, voire le point de sa chute – amor fati.

La tension qui se manifeste ainsi entre sérénité et scepticisme pose la question de la sincérité du sujet. On a objecté que face à la mort insensée ou intempestive à ses yeux, le pilote se rabattait sur des valeurs banales ou des généralités attrape-tout, comme l’amour de la nation [12]. Il est vrai que certains comportements démentent la façade patriotique. Tel rescapé s’étonne parfois de ses écrits de temps de guerre, de leur ferveur nationaliste quand, amené à les réécrire après-guerre, placé dans un contexte autre, il obéit à de nouvelles règles d’écriture et en adoucit le contenu [13]. Il arrive aussi que le pilote, si sa sortie est annulée, retrouve l’amor vitae et peine alors d’autant plus à se reprendre afin de réitérer son acte fatal [14]. L’adhésion affirmée à une autre idéologie qu’à celle de l’empereur, le libéralisme ou le christianisme, manifeste enfin une contradiction ou du moins un paradoxe. Toutes ces réactions relativisent apparemment la foi du guerrier en sa cause.

Cela ne signifie pourtant pas que le membre des tokkōtai se mente à lui-même. Les lettres invitent à dépasser ce débat sur la sincérité. En fait, quitte à recourir à la doxa et aux topoi, l’intéressé ne cesse de se mobiliser pour concilier le deuil de soi avec le devoir de guerrier, de s’encourager à agir avec et sous le regard de toute la communauté. L’écriture l’aide à déterminer sa substance éthique [15]. D’une part, il se construit comme sujet moral de sa propre conduite, c’est-à-dire en guerrier résolu à faire son devoir (sacrifice à l’empereur, défense de la patrie, salut de la famille, etc.). D’autre part, il fait son deuil de soi pour arriver à la phase ultime d’acceptation de la mort [16]. Dans ce bricolage de l’ethos guerrier, il est sincère en situation. [17] De ce qu’il puisse craquer ou ne pas se reconnaître, il ne s’ensuit pas qu’il se mente à lui-même dans le moment où il profère son credo. Mais il suffit que le contexte change pour que le sujet évolue de même. Rien que de très banal, à vrai dire, mais c’est ce travail sur soi qui fait la force émouvante de ces lettres et qui rend compte – bien au-delà de l’effet de propagande – de l’investissement individuel et collectif du soldat.

Quoi qu’il en soit, indépendamment des raisons qui sous-tendent la réaction chinoise à l’inscription des lettres des kamikazés au patrimoine de l’humanité et qui peuvent mériter considération dans un autre débat, le contenu des pièces en question ne tranche ni par la ferveur belliciste – pas plus en tout cas que dans les missives émanant d’autres morituri – ni par leur émulation esthétique, de sorte que l’argument de l’esthétisation de la guerre à des fins idéologiques en devient douteux. En revanche, la détermination de sa substance éthique de guerrier par un sujet qui ne l’est pas, et qui est d’autant plus déchiré entre ses attaches sentimentales et son engagement absolu de soldat, l’émotion qui se dégage de ce heurt entre le devoir de mourir et la passion de vivre, cela mérite bien, oui, d’entrer un jour dans quelque patrimoine de l’humanité [18].

Gérard Siary, professeur à l’université de Montpellier III, traducteur, spécialiste du Japon. Dernier livre paru : Ferando Morais, Olga, Allemande, Juive, Révolutionnaire, Revue, Préfacée et Annotée par Gérard Siary, Chandeigne, janvier 2015

Christian Kessler, historien, professeur détaché à l’Athénée Français de Tokyo, enseignant aux universités. Dernier livre paru en collaboration : Le Japon, Des samourais à Fukushima, Fayard/Pluriel, octobre 2011.

 
 
 

Notes

[1] Voir Kill Yoon-hyung, « Nihon jisatsu tokkōtaiin isho Yunesko isan suishin » [La promotion des messages ultimes des membres des unités spéciales d’assaut au patrimoine de l’UNESCO], The Hankyoreh Japan, 5 février 2014, japan.hani.co.kr/arti/international/16225/html

[2] Exemple : Nihon.senbotsu.gakusei.kinen.kai / Société japonaise commémorative des étudiants morts à la guerre (éd.), Kike Wadatsumi no koe / Écoute la voix de Wadatsumi [dieu marin], Tokyo, Iwanami, 157-1, 1995 (1950), 157-2, 2010 (2003).

[3] Exemple : Shōko Nagasaki (éd.), Gunjō – Chirantokkôkichi yori – Chirankōjonadeshikokaihen [Bleu outremer à partir de la base d’attaques spéciales de Chiran], Kagoshima, 1996 ; Tokkōtai.senbotsusha.irei.heiwa.kinen.kyōkai / Association commémorative pour la paix et la consolation des esprits des membres des unités spéciales d’assaut morts à la guerre, Tokkōtai.ieishū [Poèmes d’adieu des unités spéciales d’assaut], Tokyo, PHP, 1999.

[4] Sur les musées du Japon (et d’ailleurs), consulter le site « Kamikaze Images », rubrique « Museums », kamikazeimages.net, qui cite parmi les lieux d’exposition le Yasukuni Jinja Yūshūkan, ainsi que les musées de Chiran, de la base aéronavale de Kanoya, du Kaiten [torpille sous-marine] et de la base aérienne de Tokushima, mais omet le chaleureux petit musée Wadatsumi no koe de Tokyo.

[5] Lettre de Tony Bloncourt, citée dans Guy Krivopissko (éd.), A vous et à la vie. Lettres de fusillés du Mont-Valérien (1940-1944), Tallandier, 2010, p. 121.

[6] Lettre d’Ōhira Seishi, citée dans S. Nagasaki (éd.), Gunjō – Chirantokkōkichi yori – Chirankôjonadeshikokaihen, 1996, p. 28-30.

[7] Lettre de Mohammad Hossein, citée dans Fahmi Sayed Mahdi, Mehrabadi Mohssen (éd.), Les testaments, culture du front, Ministère de la Culture et de la Conduite Islamique, Téhéran, Farhang Gostar, 2002 (1381), p. 153.

[8] Gérard Siary, Christian Kessler,« Kamikaze’s Letters », The Oriental Economist, vol. 82, 3:2014, p. 15.

[9] John Orbell, Tomonori Morikawa, « An Evolutionary Account of Suicide Attacks. The Kamikaze Case », Political Psychology, 32, 2:2011, p. 297-322.

[10] Lettre de Minoshima Takeichi, citée dans S. Nagasaki (éd.), Gunjō – Chirantokkōkichi yori – Chirankôjonadeshikokaihen, 1996, p. 56-57. Dans la phrase Ooshiku iku Nihonbushi, ooshiku dit la bravoure virile, iku l’acte d’aller se battre, et Nihonbushi, le samouraï national.

[11] Pour une déconstruction de l’approche du trépas par les kamikazes, voir Kaiko Miyazaki, « Début de la mort. Derniers écrits et travail d’acceptation de « la mort volontaire » au sein du Kamikaze Tokkôtai », Textuel, 48:2005, p. 139-156, et « Derniers écrits des membres du kamikaze tokkôtai : au-delà de l’écriture stéréotypée » in Yves Cadot (éd.), Japon Pluriel 10, Picquier, 2015, p. 327-335.

[12] Amélie Blom, « Les “martyrs” jihadistes veulent-ils forcément mourir ? », Revue française de science politique, 61, 5/2011, p. 890.

[13] Aaron William Moore, « The Chimera of Privacy : Reading Self-Discipline in Japanese Diaries from the Second World War (1937-1945) », The Journal of Asian Studies, v. 68, 1:2009, p. 165-98.

[14] Ellen Schattschneider, « Violence and the Gift in Wartime Japan », Journal of Japanese Studies, v. 31, 2:2005, pp. 329-356 ; « The Work of Sacrifice in the Age of Mechanical Reproduction : Bride Dolls and Ritual Appropriation at Yasukuni Shrine”, in Allan Tansman (éd.), The Culture of Japanese Fascism, Duke U. P., 2009, p. 296-317.

[15] Michel Foucault, Histoire de la sexualité 2 L’usage des plaisirs, Gallimard, 1984, p. 36-40.

[16] Elisabeth Kübler-Ross, On Death and Dying, Londres, Routledge, 2009 (1969), “VII. Fifth Stage : Acceptance”.

[17] Voir Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire. Economie des échanges linguistiques, Fayard, 1982, ou, mieux encore, Platon, Hippias mineur, 371d-e, avec l’exemple d’Achille, qui dit toujours vrai en situation même s’il change d’avis par la suite.

[18] Voir Gérard Siary, Christian Kessler, Les Kamikazés, entre Armes et Lettres, Tallandier, à paraître.

samedi, 07 mars 2015

Les kamikazes japonais

Ailes_defaite_photo1-640x425.jpg

Les kamikazes japonais

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

« Je me suis levé à 6 heures ce matin pour respirer l’air pur de la montagne. Et tout ce que je ferai aujourd’hui le sera pour la dernière fois. » Tsuka Akio, avant de s’envoler pour une mission kamikaze au large d’Okinawa, le 28 avril 1945.

Les éditions Flammarion viennent de publier Kamikazes, une étude historique signée par Constance Sereni et Pierre Souyri. Les deux auteurs sont universitaires et spécialistes de la culture japonaise. On doit notamment à Pierre Souyri Une Histoire du Japon médiéval (Tempus, 2013).

Kamikazes.jpg

 

Kamikazes, ou la chronique d’une mort ordonnée

Automne 1944. Le sort du Japon en guerre semble désormais scellé face à la déferlante militaire américaine. Le pays résiste encore mais il faudrait maintenant un vrai miracle pour vaincre l’Amérique. Dépourvu d’armes miracle, l’état-major nippon met alors sur pied des unités spéciales d’attaque.
Des  pilotes choisis et entraînés pour aller se jeter contre des cibles militaires américaines.  Des pilotes baptisés kamikazes (vent divin) transformés en bombes humaines. Dans la propagande japonaise, ces hommes, volontaires pour mourir pour la gloire du Japon, sont présentés «comme la réincarnation des samouraïs qui perdaient la vie par fidélité, tels des pétales de cerisier qui se dispersent au vent

Mais la réalité était-elle conforme à la légende, véhiculée par les écrits et le cinéma? Une question qui sert de fil rouge à ce document historique publié chez Flammarion et rédigé par Constance Sereni et Pierre-François Souyri, deux enseignants spécialistes de la culture japonaise. Deux auteurs qui retracent l’historique de cette arme désespérée, bien loin de l’image d’Epinal du pilote obéissant, fier de donner sa vie. Comme ils le rappellent, la mission des kamikazes est unique dans l’histoire militaire, car dépourvue de cet élément présent dans les missions les plus dangereuses : l’espoir, même ténu, de revenir vivant.
«Ce n’était pas une mission avec une chance sur dix d’en revenir. C’était une mission zéro sur dix

Bien documenté, l’essai n’est pas un livre de guerre. Il constitue plutôt un ouvrage qui voyage entre histoire et sociologie. Il retrace en bref toute la campagne du Pacifique, certes, mais pour expliquer la folle motivation des créateurs de cette arme. On s’attarde davantage sur le gros chapitre lié à l’endoctrinement de ces pilotes qui ne furent pas tous, loin de là, des soldats fanatisés.

Des pilotes qui furent entraînés, endoctrinés en sept jours. Ni plus, ni moins. Peu formés, ils vont souvent manquer leurs cibles par erreur de pilotage ou par confusion des objectifs. Les navires de transport alliés seront souvent confondus avec des navires militaires. Déjà fortement diminuée par le «grand tir aux pigeons des Mariannes», une bataille disputée en août 1944 et dans laquelle le Japon a perdu le tiers de ses porte-avions, l’aviation japonaise va ponctionner plusieurs milliers de pilotes supplémentaires pour les utiliser comme kamikazes, lors de missions sans retour. Prévue comme une solution temporaire, cette arme du pauvre sera utilisée jusqu’en août 1945. Soit 10 mois de sacrifices.

Avec quel bilan ? Côté japonais, on estime les pertes à plus de 3.800 pilotes tués, pour 60 navires américains coulés et 6.830 soldats alliés tués. Des chiffres toujours imprécis aujourd’hui.
Mais force est de constater que cette tactique, absente de la philosophie occidentale, a provoqué une sacrée psychose à bord des navires américains.
Quand la DCA échouait à abattre le kamikaze, il ne restait plus que le miracle pour sauver sa peau. Si les marins américains considéraient les Japonais comme des tueurs et des imbéciles, les analystes de l’US Navy avaient un avis bien différent. «L’avion suicide était de loin l’arme la plus efficace inventée par les Japonais contre les vaisseaux de surface. Alors qu’ils n’ont été utilisés que sur une période de 10 mois, les avions suicide ont été responsables de 48,1% de tous les dégâts infligés à des navires de guerre américains, et de 21,3% des bâtiments coulés pendant la guerre» soulignent-ils.

Créée pour retarder la fin de la guerre, cette «détermination suicidaire des Japonais» a, au contraire, précipité la fin du conflit avec l’usage du feu nucléaire, les 6 et 9 août 1945. À noter, enfin, le cahier photographique qui permet de mettre un visage sur ces kamikazes, parfois très jeunes. Comme ce pilote, âgé d’à peine 17 ans et envoyé à la mort, sans regret. Comme bien d’autres, et dont on peut lire les dernières lettres en guise d’épilogue à ce document qui ouvre un large pan sur la culture japonaise.  Dans laquelle domine notamment la culture de la mort et la notion de sacrifice.  «Comment imaginer, explique le duo d’auteurs, que, lancés dans leur machine folle, certains d’entre eux devaient hurler en appelant leur mère, ou tout simplement fermer les yeux lors du dernier instant avant le choc. Ce furent des victimes du système autant que des héros, qui sont morts, le corps broyé dans leurs machines

Kamikaze. Un terme toujours d’actualité mais galvaudé par les médias. Comme l’explique une petite parenthèse qui remet fort justement les pendules à l’heure. Dans les attentats au Moyen-Orient ou ailleurs, les journalistes baptisent, à tort, les terroristes de kamikazes car ils se suicident dans leur action. Un usage erroné du terme qui énerve les Japonais, qui parlent plutôt de jibaku (ceux qui se font exploser). Les kamikazes, à l’inverse des terroristes, n’ont quant à eux jamais attaqué de cibles civiles, sans défenses. Ils ont, par ailleurs, obéi à un ordre en temps de guerre. Une précision bien nécessaire pour saluer la mémoire de ces pilotes envoyés à la mort dans leurs cercueils volants. «Il est difficile d’imaginer pire gâchis d’une jeunesse sacrifiée

Philippe Degouy (L'Echo, 19 février 2015)

 

dimanche, 15 juin 2014

Kamikazes

L’opposition entre la culture occidentale prônant le libre arbitre et l’obligation de se donner la mort en mission commandée a ouvert la porte à l’irrationalité et au romantisme. Leur dernière nuit était un déchirement, mais tous ont su trouver la force de sourire avant le dernier vol. Kasuga Takeo (86 ans), dans une lettre au docteur Umeazo Shôzô, apporte un témoignage exceptionnel sur les dernières heures des kamikazes : « Dans le hall où se tenait leur soirée d’adieu la nuit précédant leur départ, les jeunes étudiants officiers buvaient du saké froid. Certains avalaient le saké en une gorgée, d’autres en engloutissaient une grande quantité. Ce fut vite le chaos. Il y en avait qui cassaient des ampoules suspendues avec leurs sabres. D’autres qui soulevaient les chaises pour casser les fenêtres et déchiraient les nappes blanches. Un mélange de chansons militaires et de jurons emplissaient l’air. Pendant que certains hurlaient de rage, d’autres pleuraient bruyamment. C’était leur dernière nuit de vie. Ils pensaient à leurs parents et à la femme qu’ils aimaient….Bien qu’ils fussent censés être prêts à sacrifier leur précieuse jeunesse pour l’empire japonais et l’empereur le lendemain matin, ils étaient tiraillés au-delà de toute expression possible…Tous ont décollé au petit matin avec le bandeau du soleil levant autour de la tête. Mais cette scène de profond désespoir a rarement été rapportée. »

Emiko Ohnuki-Tierney, Kamikazes, Fleurs de cerisier et Nationalismes, éditions Hermann, 2013, 580 p., 38 euros.

Ex: http://zentropaville.tumblr.com

lundi, 11 avril 2011

El viente divino o la muerte voluntaria

El viento divino o la muerte voluntaria

[Artículo de Isidro Juan Palacios]

Ex: http://antecedentes.wordpress.com/

kamikaze.jpg“Nuestra sombría discusión fue interrumpida por la llegada de un automóvil negro que venía por la carretera, rodeado de las primeras sombras del crepúsculo”.

Rikihei Inoguchi, oficial del estado mayor y asesor del grupo Aéreo 201 japonés, charlaba con el comandante Tamai sobre el giro adverso que había tomado la guerra. Aquel día, 19 de octubre de 1944, había brillado el Sol en Malacabat, un pequeño pueblo de la isla de Luzón, en unas Filipinas todavía ocupadas por los ejércitos de Su Majestad Imperial, Hiro-Hito. “Pronto -recuerda Inoguchi- reconocimos en el interior del coche al almirante Takijiro Ohnishi…” Era el nuevo comandante de la fuerzas aeronavales japonesas en aquel archipiélago. “He venido aquí -dijo Ohnishi- para discutir con ustedes algo de suma importancia. ¿Podemos ir al Cuartel General?”

El almirante, antes de comenzar a hablar, miró en silencio al rostro de los seis oficiales que se habían sentado alrededor de la mesa. “Como ustedes saben, la situación de la guerra es muy grave. La aparición de la escuadra americana en el Golfo de Leyte ha sido confirmada (…) Para frenarla -continuó Ohnishi- debemos alcanzar a los portaviones enemigos y mantenerlos neutralizados durante al menos una semana”. Sin una mueca, sentados con la espalda recta, los militares de las fuerzas combinandas seguían el curso de las palabras del almirante. Y entones vino la sorpresa.

“En mi opinión, sólo hay una manera de asegurar la máxima eficiencia de nuestras escasas fuerzas: organizar unidades de ataque suicidas compuestas por cazas Zero armados con bombas de 250 kilogramos. Cada avión tendría que lanzarse en picado contra un portaviones enemigo… Espero su opinión al respecto”.

Tamai tuvo que tomar la decisión. Fue así como el Grupo Aéreo 201 de las Filipinas se puso al frente de todo un contingente de pilotos que enseguida le seguirían, extendiéndose el gesto de Manila a las Marianas, de Borneo a Formosa, de Okinawa al resto de las islas del Imperio del Sol Naciente, el Dai Nippon, sin detenerse hasta el día de la rendición.

Tras celebrar una reunión con todos los jefes de escuadrilla, Tamai habló al resto de los hombres del Grupo Aéreo 201; veintitrés brazos jóvenes, adolescentes, “se alzaron al unísono anunciando un total acuerdo en un frenesí de emoción y de alegría”. Eran los primeros de la muerte voluntaria. Pero, ¿quién les mandaría e iría con ellos a la cabeza, por el cielo, y caer sobre los objetivos en el mar? El teniente Yukio Seki, el más destacado, se ofreció al comandante Tamai para reclamar el honor. Aquel grupo inicial se dividiría en cuatro secciones bautizadas con nombres evocadores: “Shikishima” (apelación poética del Japón), “Yamato” (antigua designación del país), “Asahi” (Sol naciente) y “Yamazukura” (cerezo en flor de las montañas).

Configurado de este modo el Cuerpo de Ataque Especial, sólo restaba buscarle una identidad también muy especial, como indicó oportunamente Inoguchi; y fue así como se bautizó a la “Unidad Shimpu”. Shimpu, una palabra repleta de la filosofía del Zen. En realidad no tiene ningún sentido, es una mera onomatopeya, pero es otra de las formas de leer los ideogramas que forman la palabra KAMIKAZE, “Viento de los Dioses”.

“Está bien -asintió Tamai-. Después de todo, tenemos que poner en acción un Kamikaze”. El comandante Tamai dio el nombre a las unidades suicidas japonesas, llamando a sus componentes los “pilotos del Viento Divino”.

La escuadrilla Shikishima, al frente de la cual se hallaba el teniente Seki, salió, para ya no regresar, el 25 de octubre de 1944, desde Malacabat, a las siete y veinticinco de la mañana. Sobre las once del día, los cinco aparatos destinados divisaron al enemigo en las aguas de las Filipinas. El primero en entrar en picado y romperse súbitamente, como un cristal, fue el teniente Seki, seguido de otro kamikaze a corta distancia, hundiendo el portaviones “St.Lo”, de la armada norteamericana. Ante los ojos incrédulos de los yanquis, los restantes tres pilotos se lanzaron a toda velocidad en su último vuelo, a 325 kilómetros por hora en un ángulo de 65 grados, hundiendo el portaviones “Kalinin Bay” y dejando fuera de combate los destructores “Kitkun” y “White Plains”. Siguiendo su ejemplo, la unidad Yamato emprendió vuelo un día después, el 26 de octubre, al encuentro certero con la muerte, después de brindar con sake y entonar una canción guerrera por aquel entonces muy popular entre los soldados:

“Si voy al mar, volveré cadáver sobre las olas.

Si mi deber me llama a las montañas,

la hierba verde será mi mortaja .

Por mi emperador no quiero morir en la paz del hogar”.

Tras el primer asombro, un soplo gélido de terror sacudió las almas del enemigo, los soldados de la Tierra del Dólar.

Lo asombroso del Cuerpo Kamikaze de Ataque Especial no fue su novedad, ni siquiera durante la Segunda Guerra Mundial. Fue su especial espíritu y sus numerosísimos voluntarios lo que les distinguió de otras actitudes heroicas semejantes, de igual o superior valor. La invocación del nombre del Kamikaze despertaba en los japoneses la vieja alma del Shinto, los milenarios mitos inmortales anclados en la suprahistoria, y recordaba que cada hombre podía convertirse en un “Kami”, un dios viviente, por la asunción enérgica de la muerte voluntaria como sacrificio, y alcanzar así la “vida que es más que la vida”.

De hecho, la táctica del bombardeo suicida (”tai-atari”) ya había sido utilizada por las escuadrillas navales en sus combates de impacto aéreo contra los grandes bombarderos norteamericanos. Pero aisladamente. Asímismo, otros casos singulares de enorme heroísmo encarando una muerte segura tuvieron lugar durante esa guerra. Yukio Mishima, en sus “Lecciones espirituales para los jóvenes samurai“, nos narra una anécdota entre un millón que, por su particular belleza, merece ser aquí recordada. Y dice de este modo: “Se ha contado que durante la guerra uno de nuestros submarinos emergió frente a la costa australiana y se arrojó contra una nave enemiga desafiando el fuego de sus cañones. Mientras la Luna brillaba en la noche serena, se abrió la escotilla y apareció un oficial blandiendo su espada catana y que murió acribillado a balazos mientras se enfrentaba de este modo al poderoso enemigo“.

Más lejos y mucho antes, también entre nosotros, tan acostumbrados a la tragedia de antaño, de siempre, en la España medieval, se produjo un caso parecido a este del Kamikaze, salvando, claro está, las distancias. Con los musulmanes dominando el sur de la Península, surgieron entre los cristianos mozárabes, sometidos al poder del Islam, unos que comenzaron a llamarse a sí mismos los “Iactatio Martirii”, los “lanzados”, los “arrojados al martirio”, es decir, a la muerte. Los guiaba e inspiraba el santo Eulogio de Córdoba, y actuaron durante ocho años bajo el mandato de los califas, entre el año 851 y el 859. Su modo de proceder era el siguiente: penetraban en la mezquita de manera insolente, siempre de uno en uno, y entonces, a sabiendas de que con ello se granjeaban una muerte sin paliativos, abominaban del Islam e insultaban a Mahoma. No tardaban en morir por degollamiento. Hubo por este camino cuarenta y nueve muertes voluntarias. El sello lo puso Eulogio con la suya propia el último año.

Tampoco se encuentra exenta la Naturaleza de brindarnos algún que otro ejemplo claro de lo que es un kamikaze. De ello, el símbolo concluyente es el de la abeja, ese insecto solar y regio que vive en y por las flores, las únicas que saben caer gloriosas y radiantes, jóvenes, en el esplendor de su belleza, apenas han comenzado a vivir por primavera. Igual que la abeja, que liba el néctar más dulce y está siempre dispuesta para morir, así actúa también el kamikaze, cayendo en a una muerte segura frente al intruso que pretende hollar las tierras del Dai Nippon. El marco tiene todos los ingredientes para encarnar el misterio litúrgico o el acto del sacrificio, del oficio sacro.

En “El pabellón de oro“, Yukio Mishima describe una misión simbólica. Una abeja vela en torno a la rueda amarilla de un crisantemo de verano (el crisantemo, la flor simbólica del Imperio Japonés); en un determinado instante -escribe Mishima- “la abeja se arrojó a lo más profundo del corazón de la flor y se embadurnó de su polen, ahogándose en la embriaguez, y el crisantemo, que en su seno había acogido al insecto, se transformó, asimismo, en una abeja amarilla de suntuosa armadura, en la que pude contemplar frenéticos sobresaltos, como si ella intentase echarse a volar, lejos de su tallo“. ¿Hay una imagen más perfecta para adivinar la creencia shintoísta de la transformación del guerrero, del artesano, del príncipe, del que se ofrenda en el seno del Emperador, a su vez fortalecido por el sacrificio de sus servidores? Desde hace más de dos mil seiscientos años, el Trono del Crisantemo (una línea jamás ininterrumpida) es de naturaleza divina: ellos son descendientes directos de la diosa del Sol, Amaterasu-omi-Kami; los “Tennos”, los emperadores japoneses, son las primeras manifestaciones vivientes de los dioses invisibles creadores, en los orígenes, de las islas del Japón. No son los representantes de Dios, son dioses… por ello, Mishima, en su obra “Caballos desbocados“, define así, con absoluta fidelidad a la moral shintoísta, el principio de la lealtad a la Vía Imperial (el “Kodo”): “Lealtad es abandono brusco de la vida en un acto de reverencia ante la Voluntad Imperial. Es el precipitarse en pleno núcleo de la Voluntad Imperial“.

Corría el siglo XIII, segunda mitad. El budismo no había conseguido todavía apaciguar a los mongoles, cosa de lo que más tarde se ha ufanado. Kublai-Khan, el nieto de Temujin, conocido entre los suyos como Gengis-Khan, acababa de sumar el reino de Corea al Imperio del Medio. Sus planes incluían el Japón como próxima conquista. Por dos veces, una en 1274 y otra en 1281, Kublai-Khan intentó llegar a las tierras del Dai Nippon con poderosos navíos y extraordinarios efectos psíquicos y materiales; y por dos veces fue rechazado por fuerzas misteriosas sobrehumanas. Primero, una tempestad y después un tifón desencadenados por los kami deshicieron los planes del Emperador de los mongoles. Ningún japonés olvidaría en adelante aquel portentoso milagro, que fue recordado en la memoria colectiva con su propio nombre: “Kamikaze”, viento de los kami, Viento Divino.

El descubrimiento del país de Yamato, al que Cristobal Colón llamaba Cipango, y que fue conocido así también por los portugueses y después por los jesuitas españoles, por los holandeses e ingleses que les siguieron en el siglo XVI, no fue del todo mal recibido por los shogunes del Japón. Sin embargo, un poco antes de mediados de la siguiente centuria, el shogunado de Tokugawa Ieyashu había empezado a desconfiar de los “bárbaros” occidentales, por lo que decide la expulsión de los extranjeros, impide las nuevas entradas y prohibe la salida de las islas a todos los súbditos del Japón. En 1647 se promulga el “Decreto de Reclusión”, por el cual el Dai Nippon se convertiría de nuevo en un mundo interiorizado, en un país anacoreta. Japón se cerró al comercio exterior y a las influencias ideológicas de Occidente, ya tocado irreversiblemente por el espíritu de la modernidad. De esta forma es como se vivió en aquellas tierras hasta bien entrado el siglo XIX, de espaldas a los llamados “progresos”. Japón ignorará también el nacimiento de una nueva nación que para su desgracia no tardará en ser, con el tiempo, la expresión más cabal de su destino fatídico, como le sucedería igualmente a otros pueblos de formación tradicional. La nueva nación se autodenominará “América”, pretendiendo asumir para sí el destino de todo un continente. Intolerable le resultará al Congreso y al presidente Filemore la existencia de un pueblo insolente, fiel a sí mismo, obstinado en seguir cerrado por propia voluntad al comercio y a las “buenas relaciones”. Japón debía ser abierto, y, si fuera preciso, a fuerza de cañonazos. Todo muy democráticamente. Todavía hoy, en el Japón moderno y americanizado, los barcos negros del almirante Perry son de infausta memoria.

Los estruendos de la pólvora y el hierro hicieron despertar bruscamente a muchos japoneses, para quienes la presencia norteamericana indicaba con claridad que la Tierra del Sol Naciente había descendido a los mismos niveles que las naciones decadentes, de los que antes estuvieron preservados. Muchos pensaron que la causa de tal desgracia le venía al Dai Nippon por haberse olvidado de los descendientes de Amaterasu, del Emperador, recluido desde hacía centurias en su palacio de Kioto. Por ello se alzó enseguida una revuelta a los gritos de “¡Joy, joy!” (¡fuera, fuera!, referido a los extranjeros) y de “¡Sonno Tenno!” (¡venerad al Emperador!). La restauración Meiji de 1868 se apuntaló bajo el lema del “fukko”, el retorno al pasado. Pero la tierra de Yamato tuvo que aceptar por la fuerza la nueva situación y ponerse a rivalizar con el mundo moderno, pero sin perder de vista su espíritu invisible, al que siguió siendo fiel. Cuando Yukio Mishima escribe sobre esa época, piensa lo que otros también pensaron como él. Y, así, anota: “Si los hombres fuesen puros, reverenciarían al Emperador por encima de todo. El Viento Divino (el Kamikaze) se levantaría de inmediato, como ocurrió durante la invasión mongola, y los bárbaros serían expulsados“.

Año de 1944. Mes de octubre. El Japón se encuentra en guerra frente a las potencias anglonorteamericanas. La escuadra yanqui está cercando las islas Filipinas, y en sus aguas orientales se aproxima, golpe tras golpe, hacia el mismo corazón del Imperio… El almirante Onhisi concibe la idea de lanzar a los pilotos kamikaze…

El mismo día en que el Emperador Hiro-Hito decide anunciar la rendición incondicional de las armas japonesas y se lo comunica al pueblo entero por radio (¡era la primera vez que un Tenno hablaba directamente!), el comandante supremo de la flota, vicealmirante Matome Ugaki, había ordenado preparar los aviones bombarderos de Oita con el fin de lanzarse en vuelo kamikaze sobre el enemigo anclado en Okinawa. Era el 15 de agosto de 1945. En su último informe, incluyó sus reflexiones finales…: “Sólo yo, Majestad, soy responsable de nuestro fracaso en defender la Patria y destruir al ensoberbecido enemigo. He decidido lanzarme en ataque sobre Okinawa, donde mis valerosos muchachos han caído como cerezos en flor. Allí embestiré y destruiré al engreído enemigo. Soy un bushi, mi alma es el reflejo del Bushido. Me lanzaré portando el kamikaze con firme convicción y fe en la eternidad del Japón Imperial. ¡Banzai!”. Veintidós aviadores voluntarios salieron con él, sólo por seguirle en el ejemplo de su última ofrenda. No estaban obligados. La guerra había concluido. Pero… no obstante, tampoco podían desobedecer las órdenes del Emperador, que mandaba no golpear más al adversario. Se estrellaron en las mismas narices de los norteamericanos, que contemplaron atónitos un espectáculo que no podían comprender… Ugaki hablaba del Bushido -el código de honor de los guerreros japoneses-. ¿Acaso no es el kamikaze, por esencia y por sentencia, un samurai?

En los botones de sus uniformes, los aviadores suicidas llevaban impresas flores de cerezo de tres pétalos, conforme al sentido del viejo haiku (poema japonés de dieciséis sílabas) del poeta Karumatu:

“La flor por excelencia es la del cerezo,

el hombre perfecto es el caballero”

El cerezo es una flor simbólica en las tierras japonesas, nace antes que ninguna otra, antes de iniciarse la primavera, para, en la plenitud de su gloria, caer radiante; es la flor de más corta juventud, que muere en el frescor de su belleza. Siempre fue el distintivo de los samurai.

Al encenderse los motores, los pilotos kamikaze se ajustaban el “hashimaki”, la banda de tela blanca que rodea la cabeza con el disco rojo del Sol Naciente impreso junto a algunas palabras caligrafiadas con pincel y tinta negra, al modo como antaño lo usaron los samurai antes de entrar en batalla, al modo como cayeron los últimos guerreros japoneses del siglo XIX con sus espadas catana siguiendo al caudillo Saigo Takamori frente a los “marines” del almirante Perry. En la mente fresca y clara, iluminada por el Sol, no había sitio para las turbulencias. Sobre todos, unos ideogramas se repetían hasta la saciedad: “Shichisei Hokoku” (”Siete vidas quisiera tener para darlas a la Patria“). Eran los mismos ideogramas que por primera vez puso sobre su frente Masashige Kusonoki cuando se lanzó a morir a caballo, en un combate sin esperanzas, allá por el siglo XIV; los mismos ideogramas que se colocó alrededor de la cabeza Yukio Mishima en el día de su muerte ritual.

Yukio Mishima, obsesionado por la muerte ya desde su niñez y adolescencia, estuvo a punto de ser enrolado en el Cuerpo Kamikaze de Ataque Especial. Se deleitaba pensando románticamente que si un día se le diera la oportunidad se ser un soldado, pronto tendría una ocasión segura para morir. Sin embargo, cuando fue llamado a filas y se vio libre de ser incorporado al tomársele erróneamente por un enfermo de tuberculosis, el mejor escritor japonés de los tiempos modernos no hizo nada por deshacer el engaño del oficial médico, saliendo a la carrera de la oficina de reclutamiento. Aquello, pese a todo, le pareció a Mishima un acto de infamante cobardía, como lo confesará más tarde en repetidas ocasiones. El desprecio de su propia actitud fue uno de los factores de menor importancia en el día de su “seppuku” (el “hara-kiri”, el suicidio ritual), pero que le llevó a meditar durante años sobre la condición interior del kamikaze. Para Mishima no cabía la menor duda: aquellos pilotos que hicieron ofrenda de sus vidas, con sus aparatos, eran verdaderos samurai. En “El loco morir”, afirma que el kamikaze se encuentra religado al Hagakure, un texto escrito entre los siglos XVII y XVIII por Yocho Yamamoto, legendario samurai que tras la muerte de su señor se hizo ermitaño. El Hagakure llegó a ser el libro de cabecera de los samurai, el texto que sintetizó la esencia del Bushido. En cinco puntos finales, venía a decir:

- El Bushido es la muerte.

- Entre dos caminos, el samurai debe siempre elegir aquél en el que se

muere más deprisa.

- Desde el momento en que se ha elegido morir, no importa si la muerte

se produce o no en vano. La muerte nunca se produce en vano.

- La muerte sin causa y sin objeto llega a ser la más pura y segura,

porque si para morir necesitamos una causa poderosa, al lado

encontraremos otra tan fuerte y atractiva como ésta que nos impulse a vivir.

- La profesión del samurai es el misterio del morir.

Para el hombre que guarda la semilla de lo sagrado, la muerte es siempre el rito de paso hacia la trascendencia, hacia lo absoluto, hacia la Divinidad; por esa razón suenan, incluso hoy, sin extrañezas, las primeras palabras del almirante Ohnisi en su discurso de despedida al primer grupo de pilotos kamikaze constituido por el teniente Seki:

“Vosotros ya sois kami (dioses), sin deseos terrenales…”

Ya eran dioses vivientes, y como tales se les veneraba, aunque todavía “no hubieran muerto”; porque, sencillamente, “ya estaban muertos”. Los resultados de sus acciones pasaban al último plano de las consideraciones a evaluar. No importaban demasiado… Aunque realmente los hubo: durante el año y medio que duraron los ataques kamikaze, fueron hundidos un total de 322 barcos aliados, entre portaviones, acorazados, destructores, cruceros, cargueros, torpederos, remolcadores, e, incluso, barcazas de desembarco; ¡la mitad de todos los barcos hundidos en la guerra!

Para Mishima, el caza Zero era semejante a una espada catana que descendía como un rayo desde el cielo azul, desde lo alto de las nubes blancas, desde el mismo corazón del Sol, todos ellos símbolos inequívocos de la muerte donde el hombre terreno, que respira, no puede vivir, y por los que paradójicamente todos esos hombres suspiran en ansias de vida inmortal, eterna. “Hi-Ri-Ho-Ken-Ten” fue la insignia de una unidad kamikaze de la base de Konoya. Era la forma abreviada de cuatro lemas engarzados: “La Injusticia no puede vencer al Principio. El Principio no puede vencer a la Ley. La Ley no puede vencer al Poder. El Poder no puede vencer al Cielo“.

Aquel 15 de agosto de 1945, cuando el Japón se rendía al invasor, el almirante Takijiro Ohnishi se reunió por última vez con varios oficiales del Estado mayor, a quienes había invitado a su residencia oficial. ¿Una despedida? Los oficiales se retiraron hacia la medianoche. Ya a solas, en silencio, el inspirador principal del Cuerpo Kamikaze de Ataque Especial se dirigió a su despacho, situado en el segundo piso de la casa. Allí se abrió el vientre conforme al ritual sagrado del seppuku. No tuvo a su lado un kaishakunin, el asistente encargado de dar el corte de gracia separándole la cabeza del cuerpo cuando el dolor se hace ya extremadamente insoportable… Al amanecer fue descubierto por su secretario, quien le encontró todavía con vida, sentado en la postura tradicional de la meditación Zen. Una sola mirada bastó para que el oficial permaneciera quieto y no hiciera nada para aliviar o aligerar su sufrimiento. Ohnishi permaneció, por propia voluntad, muriendo durante dieciocho horas de atroz agonía. Igonaki, Inoguchi y otros militares que le conocían que el almirante, desde el mismo instante en que concibiera la idea de los ataques kamikaze, había decidido darse la muerte voluntaria por sacrificio al estilo de los antiguos samurai, incluso aunque las fuerzas del Japón hubieses alcanzado finalmente la victoria. En la pared, colgaba un viejo haiku anónimo:

“La vida se asemeja a una flor de cerezo.

Su fragancia no puede perdurar en la eternidad”.

Poco antes de la partida, los jóvenes kamikaze componían sus tradicionales poemas de abandono del mundo, emulando con ello a los antiguos guerreros samurai de las epopeyas tradicionales. La inmensa mayoría de ellos también enviaron cartas a sus padres, novias, familiares o amigos, despidiéndose pocas horas antes de la partida sin retorno. Ichiro Omi se dedicó, después de la guerra, a peregrinar de casa en casa, pidiendo leer aquellas cartas. su intención era publicar un libro que recogiese todo aquel material atesorado por las familias y los camaradas, y fue así como muchas de aquellas cartas salieron a la luz. Bastantes de éstas y otras fueron a parar a la base naval japonesa de Etaji. Allí también peregrinó Yukio Mishima, poco antes de practicarse el seppuku, releyéndolas y meditándolas. Una, sobre las otras, le conmovió, actuando en su interior como un verdadero koan (el “koan” es, en la práctica del budismo Zen, la meditación sobre una frase que logra desatar el “satori”, la iluminación espiritual). Mishima tuvo la tentación de escribir una obra sobre los pilotos del Viento Divino, y así apareció su obra “Sol y Acero“. Un breve párrafo de estas cartas y algunos otros de las tomadas por Omi son las fuentes de esta antología:

En este momento estoy lleno de vida. Todo mi cuerpo desborda juventud y fuerza. Parece imposible que dentro de unas horas deba morir (…) La forma de vivir japonesa es realmente bella y de ello me siento orgullo, como también de la historia y de la mitología japonesas, que reflejan la pureza de nuestros antepasados y su creencia en el pasado, sea o no cierta esa creencia (…) Es un honor indescriptible el poder dar mi vida en defensa de todo en lo creo, de todas estas cosas tan bellas y eminentes. Padre, elevo mis plegarias para que tenga usted una larga y feliz vida. Estoy seguro que el Japón surgirá de nuevo“.

Teruo Yamaguchi.

Queridos padres: Les escribo desde Manila. Este es el último día de mi vida. Deben felicitarme. Seré un escudo para Su Majestad el Emperador y moriré limpiamente, junto con mis camaradas de escuadrilla. Volveré en espíritu. Espero con ansias sus visitas al santuario de Kishenai, donde coloquen una estela en mi memoria “.

Isao Matsuo.

Elevándonos hacia los cielos de los Mares del Sur, nuestra gloriosa misión es morir como escudos de Su Majestad. Las flores del cerezo se abren, resplandecen y caen (…) Uno de los cadetes fue eliminado de la lista de los asignados para la salida del no-retorno. Siento mucha lástima por él. Esta es una situación donde se encuentran distintas emociones. El hombre es sólo mortal; la muerte, como la vida, es cuestión de probabilidad. Pero el destino también juega su papel. Estoy seguro de mi valor para la acción que debo realizar mañana, donde haré todo lo posible por estrellarme contra un barco de guerra enemigo, para así cumplir mi destino en defensa de la Patria. Ikao, querida mía, mi querida amante, recuérdame, tal como estoy ahora, en tus oraciones“.

Yuso Nakanishi

Ha llegado la hora de que mi amigo Nakanishi y yo partamos. No hay remordimiento. Cada hombre debe seguir su camino individualmente (…) En sus últimas instrucciones, el oficial de comando nos advirtió de no ser imprudentes a la hora de morir. Todo depende del Cielo. Estoy resuelto a perseguir la meta que el destino me ha trazado. Ustedes siempre han sido muy buenos conmigo y les estoy muy agradecido. Quince años de escuela y adiestramiento están a punto de rendir frutos. Siento una gran alegría por haber nacido en el Japón. No hay nada especial digno de mención, pero quiero que sepan que disfruto de buena salud en estos momentos. Los primeros aviones de mi grupo ya están en el aire. Espero que este último gesto de descargar un golpe sobre el enemigo sirva para compensar, en muy reducida medida, todo lo que ustedes han hecho por mí. La primavera ha llegado adelantada al sur de Kyushu. Aquí los capullos de las flores son muy bellos. Hay paz y tranquilidad en la base, en pleno campo de batalla incluso. Les suplico que se acuerden de mí cuando vayan al templo de Kyoto, donde reposan nuestros antepasados“.