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lundi, 19 mai 2025

Traoré. Une voix d’Afrique

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Traoré. Une voix d’Afrique

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/traore-una-voce-dallafrica/

Ibrahim Traoré est jeune. Et il est le leader du Burkina Faso. Le chef de la junte révolutionnaire qui cherche à changer, et à changer radicalement, le petit pays africain. En reprenant les idées qui avaient été celles de Sankara, le président assassiné en 1987, il y a déjà longtemps. 

Jeune, Traoré a 37 ans, il est le plus jeune chef d’État africain. Un passé intense, avec la formation islamiste, le marxisme juvénile… mais surtout, les idées qui étaient propres à Thomas Sankara (photo, ci-dessous). Le leader du Burkina Faso qui a été éliminé précisément parce qu’il poursuivait une vision différente du rôle international de l’Afrique. Un sujet qui agit sur la scène internationale, et non plus un mosaïque de colonies, plus ou moins déguisées, exploitées par les Européens et d’autres. 

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Et Traoré prend des risques, il en a conscience. Comme Sankara. Pourtant, il continue sur la voie qu’il a choisie. De nombreux tentatives, de la part de l’extérieur, pour le renverser, ont déjà été faites. Et sa sécurité, sa vie, ont été plusieurs fois mises en danger. 

Il a chassé les Français, les anciens « maîtres ». Et il a trouvé le soutien militaire de la Russie, avec les milices « privées » de Wagner. 

Et celui de la Corée du Nord. Mais aussi celui de la Turquie d’Erdogan. 

Ce ne sont pas là des alliances dictées par une idéologie ou un choix de camp comme cela pouvait l’être autrefois. Lui, il poursuit l’indépendance de son pays et, plus généralement, de l’Afrique. 

C’est pourquoi il s’est mis à la tête d’une nouvelle et inédite coalition d’États. Au-delà de son Burkina Faso, il y a le Mali et le Niger. La dite "Alliance du Sahel", qui veut être une première esquisse d’une coalition beaucoup plus vaste, capable de faire de cette zone de l’Afrique une puissance autonome, un sujet agissant sur la scène internationale. 

Et Traoré a écrit… au Pape. Au nouveau Pontife romain, Léon XIV, l’Américain Prevost. Une longue lettre, qui doit toutefois être lue avec une extrême attention. 

Une lettre dans laquelle il demande au Pape romain s’il souhaite encore, comme son prédécesseur, servir les puissances occidentales. Ou s’il choisira de se ranger du côté des exclus, de ceux qui ont été contraints de subir, en marge de l’histoire. 

Une lettre qui devient un outil pour revendiquer le nouveau rôle de son Afrique. Et qui se fait manifeste, au-delà des confessions religieuses et des idéologies politiques, de ce qui vibre dans ce qui, pendant trop longtemps, a été considéré comme le Tiers Monde. Exploité et dévalorisé, derrière la façade hypocrite de la charité. 

Une lettre absolument à lire. Parce qu’elle ouvre des brèches sur le futur qui se profile. En Afrique, bien sûr. Et dans le monde entier.

Brasillach et les souvenirs de la vie transfigurée

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Brasillach et les souvenirs de la vie transfigurée

par Frédéric Andreu

La magie de l'œuvre de Brasillach tient sans doute au fait qu'elle vient éclairer en nous le matin profond de notre mémoire. Tout se passe comme si les personnages des romans de Brasillach restent assez flou, assez peu précis pour que nous puissions les faire nôtres. Les intégrer à notre étymologie intime.

L'œuvre de Brasillach agit par "attouchements", non par argumentations ; elle ne prouve rien, mais fait éprouver. C'est pourquoi le ressort intime de Brasillach est la nostalgie, notamment de l'enfance.

L'existence d'un "monde auroral" relève aussi de cette beauté à partir de laquelle le sentiment du beau nous apparaît. Martin Heidegger dit que si une chose est belle, elle l'est encore plus à sa naissance. Sans doute que cette proposition philosophique nous aide un peu à mieux apercevoir, sans trop être ébloui par lui, ce mystère auroral qui rode, telle une aura, autour de l'œuvre de Robert Brasillach.

Mais il est encore une autre manière de situer les choses. Un autre octave.

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Nous connaissons tous la nostalgie qui nait en nous devant un beau coucher de soleil. Je pense que celle-ci ne pourrait pas naître en nous sans l'existence d'"un soleil qui ne se couche jamais", un astre qui éclaire un monde radicalement différent du nôtre et qui se tient en marge du nôtre tel que l'infra-rouge et l'ultraviolet se tiennent en marge du spectre des couleurs.

L'aurore et le crépuscule, expressions de la dialectique du monde, seraient le reflet brisé d'un autre soleil littéraire, unitaire et merveilleux, qui, lui, ne se couche jamais.

Ce soleil éclairerait un univers où le drame de la vie et de la mort, du soi et des autres, du laid et du beau n'auraient pas lieu. En d'autres termes, une réalité non-dialectique.

Pour être d'essence métaphysique, ce monde n'est pour autant pas posé sur un nuage. Il n'a rien à voir avec une de ses promesses de libération sous "bonne conduite" telle qu'on en trouve dans le catéchisme des religions cléricales. Ce salut là est en l'Homme. Inscrit dans le secret du coeur, dans l'"Immédiatement" (pour reprendre le titre d'un ouvrage de Dominique de Roux) de la vie intime. C'est à dire sans médiation (mécanique, cléricale ou encore conceptuelle). Il est fait pour les vivants, pas pour les morts. Pour les émerveillés et pas forcement pour les ascètes et les fous de Dieu. "Le surnaturel n'est rien d'autre que le naturel dévoilé" nous rappelle Émilie Dickinson. Tel est exactement le sens de mon propos.

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Dans les conceptions anciennes du monde dont les mythologies sont les vestiges, l'univers était perçue comme épiphanie d'un monde parfait. Le monde était perçu comme un "reflet" d'un autre monde. Il semble que le Dieu unique "cause première" des philosophes nous maintienne à distance de ce dévoilement suprême. Qu'il a ouvert dans notre culture comme une sorte de "fausse fenêtre" qui nous empêche de voir le monde comme le projet même de sa propre transfiguration en nous enfermant dans un théâtre neuronal. D'éminents penseurs considèrent même que la théologie chrétienne contiendrait le germe de ce processus de désenchantement du monde.

Je ne sais que penser de cette affirmation peut être un peu péremptoire. Comme peut être péremptoire aussi l'idée que cette fausse fenêtre sert en définitive les intérêts de pouvoirs oligarchiques.

Tout cela relève de l'excès. Qu'une religion contienne un dispositif est certes une chose démontrée depuis Agamben, mais affirmer que la série des religions, doctrines et universalismes philosophiques d'essence biblique serviraient in fini un dispositif oligarchique tient sans doute du complotisme.

Mais il y a plus que cela. Le monde transfigurique dont le légendaire brasillachien contiendrait une sorte de "reliquat", nous est devenu étranger car nous ne le pensons plus par rapport à une société de type organique. L'organique peut encore avoir l'intuition du trans-organique, source de nos religions natives et du matin profond de notre âme européenne.

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La société de type mécanique qui est la nôtre, de plus en plus réduite à une société d' "individus" atomisés où l'individualisme est la règle, est incapable de penser autre chose que l'individu et l'économie. Elle ne peut donc comprendre qu'elle fut d'abord transorganique avant de devenir organique, puis enfin mécanique. Elle n'a aucune intuition de sa chute. Il n'y en que dans les lisières dorées de notre compréhension ordinaire que l'on peut comprendre que le souvenir d'un beau moment de notre enfance est un reflet d'une nostalgie d'un niveau plus fondamentale de l'être, la nostalgie d'un monde non déchu, ce "royaume qui n'est pas de ce monde" annoncé par Jésus-Christ à Ponce Pilate.

La société de type mécanique, globalisée, métissée de force, entame aujourd'hui sa phase de décomposition cadavérique. Elle est trop absente à elle-même, trop individuo-centrée pour parvenir à produire autre chose que des expériences du grand laboratoire économique.

Pays où ces sciences exactes sont reines, la France m'apparaît en outre celui où le système de gouvernement est le plus mécanique du monde. La république centralisatrice est pour moi celui qui est parvenu le plus à éradiquer les nappes phréatiques de la vie réelle. Ce système importé des Etats-Unis a érigé une fausse fenêtre, les droits de l'homme abstrait, en dogme. Deux cents ans après son arraisonnement du continent européen par sa face ouest (la France) le laïcisme, le droitdelhommisme révèlent aujourd'hui ce pourquoi il a été fondé : promouvoir ouvertement le mélange des races, le melting-pot au profit d'un petite caste de nantis, qui elle, ne se métisse pas.

La société mécanique et conflictuelle qu'elle est en voie de créer rend la société sourde et aveugle au monde trans-organique. Elle a été crée pour cela. Pour nous transformer en anesthésistes-anesthésiés. En consommateurs-producteurs incapables de nostalgie. Ce n'est pas un hasard si les "contes merveilleux" tel que Cendrillon ou Blanche Neige et les Sept Nains sont des récits aujourd'hui réservés à la prime enfance.

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Lorsque les frères Grimm parcouraient les campagnes de la Thuringe entre 1800 et 1815, ces contes étaient encore, dans certaines vallées transmis à toute la communauté et non aux enfants. Ils étaient transmis comme des contes initiatiques et non de vulgaires superstitions. A noter qu'en 1945, les forces d'occupation alliées interdirent la publication des contes de Grimm invoquant la violence qu'ils contiendraient. Il est sûr que les forces qui écrasèrent des millions de citoyens sans défense sous des tapis de bombes, avaient eut le culot de désigner quelques légendes comme responsables de violence.

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Dans le roman Comme le temps passe, Brasillach n'est pas loin de ce "matin profond" de notre conscience quand il intuitionne qu'"il y eut un temps les animaux parlaient aux hommes". Il évoque ce merveilleux des contes où les grenouilles parlent aux princesses.

De tels passages, étrangers à toute emprise théorique, ne sont pas rares chez Brasillach. Dans les Sept Couleurs (autre roman de Brasillach), la rencontre entre le réel et le suréel éclate au grand jour. Au début du récit, Catherine et son compagnon visitent un cimetière situé dans un ville parisienne, Charonne. Lorsqu'ils rencontrent de manière totalement inopinée, leur "double légendaire"... Ceux ci les surprend en train de lire l'épitaphe d'une tombe. Il n'est peut être pas un hasard si cette tombe est celle du secrétaire de Robespierre.

Les deux protagonistes essayent de déchiffrer les inscriptions de cette tombe lorsqu'un petit garçon les accoste.

Lecteurs ! comment mieux faire résonner ensemble l'histoire et le légendaire ? Sinon en organisant la rencontre de la froideur de l'historique la plus guillotinante qui soit (une tombe, en lien avec Robespierre) avec le "petit garçon de la légende".

Évidement, tant que nous croyons que le monde des fées et des princesses est issu de l'imaginaire comme si l'imagination était la folle du logis, nous n'avons aucune chance de comprendre l'importance crucial de l'œuvre de Brasillach.

C'est à peine si l'auteur de cette oeuvre peut à la rigueur servir de bannière de ralliement afin se s'opposer symboliquement à des groupuscules qui s'en servent, eux, généralement sans l'avoir lu, à un épouvantail idéologique. Il vaut mieux faire parti des premiers que des seconds, mais il faut mieux encore garder à l'esprit que ce bas-monde des oppositions contradictoires n'existent que par rapport à leur "transfiguration".

Le monde merveilleux des légendes que Brasillach fait miroiter dans nos yeux de lecteurs n'est pas qu'un simple carré de sable pour enfant. Il pourrait bien contenir les balises vivantes conduisant à un autre monde. Cette promesse que l'univers physique n'existe qu'en vue de sa transfiguration. Cette révolution là est la moins sanglante du monde.

Frédéric Andreu.

L'UE se nourrit de la peur. D'abord Co vid, maintenant la Russie

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L'UE se nourrit de la peur. D'abord Co vid, maintenant la Russie

par Thomas Fazi

Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/30485-thom...

« Tout cela suggère que les élites occidentales ont tiré une leçon importante de la pandémie : la peur est efficace. Si une population est suffisamment angoissée - que ce soit par la maladie, la guerre, les catastrophes naturelles ou un cocktail "polycrises" englobant tout ce qui précède - elle peut être amenée à accepter presque n'importe quoi. »

Ces dernières semaines, un léger sentiment de panique s'est emparé de l'Union européenne, les citoyens étant invités à se préparer à la catastrophe imminente. Remplissez vos placards ! Préparez des plans d'urgence ! Non, il ne s'agit pas du début d'un médiocre roman dystopique : il s'agit de la nouvelle « Stratégie de l'Union pour la préparation » de l'UE. Cette initiative grandiose est apparemment conçue pour protéger les Européens des inondations, des incendies, des pandémies et, bien sûr, d'une invasion russe de grande ampleur.

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La stratégie s'inspire de la Pologne, où les constructeurs sont désormais légalement tenus d'inclure des abris antiaériens dans les nouveaux immeubles, et de l'Allemagne, qui fait revivre les programmes de défense civile de l'époque de la guerre froide grâce à une application de géolocalisation des bunkers. De son côté, la Norvège conseille à ses citoyens de faire des réserves de comprimés d'iode en cas d'attaque nucléaire.

L'Union européenne souhaite que ses citoyens soient autosuffisants pendant au moins 72 heures et recommande aux familles de faire des réserves de nourriture, d'eau, de médicaments et, pourquoi pas, de cartes à jouer et de banques d'alimentation en énergie. Car, bien sûr, si une guerre nucléaire devait éclater, une bonne partie de poker et un téléphone entièrement chargé suffiraient.

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Pourtant, aussi ridicules que ces préparatifs puissent paraître, ils devraient tous nous concerner. La stratégie de l'Union de préparation n'est que la dernière couche d'une architecture de contrôle en construction depuis des décennies. Elle s'appuie fermement sur la récente relance de la politique de défense de l'UE, « ReArm Europe », rebaptisée de manière moins inquiétante « Readiness 2030 ».

L'idée de base qui sous-tend cette initiative est simple et répétée à l'infini : la Russie est susceptible de lancer une attaque de grande envergure contre l'Europe dans les années à venir, en particulier si Poutine n'est pas stoppé en Ukraine. La résolution du Parlement européen en faveur du programme ReArm Europe prévient que « si l'UE devait retirer son soutien et que l'Ukraine était contrainte de se rendre, la Russie se retournerait contre d'autres pays, y compris peut-être des États membres de l'UE ». Comme l'a récemment déclaré M. Macron, la Russie est un pays « impérialiste » qui « ne connaît pas de frontières [...] il représente une menace existentielle pour nous, non seulement pour l'Ukraine, non seulement pour ses voisins, mais pour l'ensemble de l'Europe».

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Mais l'idée que les Russes se massent aux frontières, avec en ligne de mire Paris ou Berlin, relève du fantasme. En effet, lorsqu'on nous dit de nous préparer à la guerre en emportant un bloc d'alimentation en énergie et une mallette étanche pour nos documents d'identité, il est difficile de ne pas se souvenir des absurdités de la guerre froide comme « Duck and Cover », la « stratégie de préparation » de l'époque, conçue pour protéger les individus des effets d'une explosion nucléaire en leur ordonnant de s'accroupir sur le sol et de se couvrir la tête. Cette campagne vendait également l'illusion de la sécurité face à l'anéantissement. Sous le vernis clownesque de cette campagne se cache un objectif calculé : la tentative de l'UE de consolider davantage son pouvoir au niveau supranational en élevant le rôle de la Commission en matière de sécurité et de réponse aux crises, des domaines traditionnellement sous contrôle national.

Le plan de préparation de l'UE est basé sur les recommandations d'un rapport de l'ancien président finlandais Sauli Niinistö, qui appelle à la création d'une « plaque tournante » centrale pour les opérations de crise au sein de la Commission européenne, au renforcement de la coopération civile/militaire, notamment par l'organisation d'exercices réguliers à l'échelle de l'UE réunissant les forces armées, la protection civile, la police, la sécurité, les travailleurs de la santé et les pompiers, ainsi qu'à l'élaboration de protocoles d'urgence communs à l'UE et à l'OTAN.

Conjugué aux plans de réarmement de l'UE, il suggère une militarisation globale et sociétale, qui deviendra le paradigme dominant en Europe dans les années à venir: toutes les sphères de la vie - politique, économique, sociale, culturelle et scientifique - seront subordonnées à l'objectif supposé de la sécurité nationale, ou plutôt supranationale. Sous couvert de protection des citoyens, cette démarche conduira en pratique à davantage de censure, de surveillance et d'érosion des libertés civiles, le tout justifié par l'omniprésence du spectre de l'ingérence russe.

Les gouvernements occidentaux ont depuis longtemps recours à la peur comme moyen de contrôle. Le fait que l'annonce de l'UE coïncide avec le cinquième anniversaire des confinements covidesques, qui ont inauguré l'expérience la plus radicale jamais tentée en matière d'élaboration de politiques fondées sur la peur, est d'ailleurs une coïncidence significative.

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La réponse à la pandémie s'est appuyée sur un récit totalisant qui a exagéré la menace du virus pour justifier des politiques sans précédent dans l'histoire. Comme l'a déclaré le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, il était du devoir moral de chacun de « s'unir contre un ennemi commun » et de « déclarer la guerre au virus ». Dans cette lutte pour le bien commun - la santé publique - pratiquement toute action était justifiée.

Du point de vue de la « politique de crise », l'utilisation généralisée de la métaphore de la guerre pour encadrer la pandémie de Covid n'était pas accidentelle: la guerre est, après tout, la situation d'urgence par excellence. Partout dans le monde, nous avons assisté à un tournant autoritaire, les gouvernements utilisant « l'urgence de santé publique » pour balayer les procédures démocratiques et les contraintes constitutionnelles, militariser les sociétés, réprimer les libertés civiles et mettre en œuvre des mesures de contrôle social sans précédent.

Pendant la pandémie, nous avons assisté - et la population l'a largement acceptée - à l'imposition de mesures qui auraient été impensables jusque-là: la fermeture d'économies entières, la mise en quarantaine massive (et la vaccination forcée) de millions de personnes en bonne santé, et la normalisation des passeports numériques Cov id en tant qu'exigence réglementée pour participer à la vie sociale.

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Tout cela a préparé le terrain pour la réaction collective des sociétés occidentales à l'invasion russe de l'Ukraine - une guerre enfin réelle, après des années de tentatives de guerre métaphorique. En termes de communication, nous avons immédiatement assisté à l'émergence d'un récit tout aussi totalisant : il était du devoir moral des sociétés occidentales de soutenir la lutte des Ukrainiens pour la liberté et la démocratie contre la Russie et son président maléfique.

Cependant, alors qu'il devient de plus en plus clair que l'Ukraine est en train de perdre la guerre, et que le monde est aux prises avec la tentative de Trump de négocier la paix, les élites européennes sont en train de recalibrer leur récit : ce n'est pas seulement la survie de l'Ukraine qui est en jeu, mais celle de l'Europe dans son ensemble. La menace n'est plus là-bas, mais chez nous : non seulement la Russie se prépare à attaquer l'Europe, mais, nous dit-on, elle mène déjà un large éventail d'attaques hybrides contre l'Europe, allant des cyberattaques aux campagnes de désinformation en passant par l'ingérence électorale.

Tout cela suggère que les élites occidentales ont tiré une leçon importante de la pandémie : la peur est efficace. Si une population est suffisamment angoissée - qu'il s'agisse d'une maladie, d'une guerre, d'une catastrophe naturelle ou d'un cocktail de polycrises comprenant tous ces éléments - elle peut être amenée à accepter presque n'importe quoi.

La stratégie de l'UE en matière de préparation aux situations d'urgence pourrait donc être lue dans ce contexte plus large. Il ne s'agit pas tant de bouteilles d'eau et de blocs d'alimentation énergétique. Il s'agit d'une continuation du paradigme de l'ère Co vid : une méthode de gouvernance qui mélange la manipulation psychologique, la militarisation de la vie civile et la normalisation de l'état d'urgence. En fait, l'UE parle explicitement de la nécessité d'adopter la même approche de « gouvernance » et de « société » que celle initiée lors de la pandémie pour les crises futures.

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Cette fois-ci, cependant, la tentative de fomenter une nouvelle psychose de masse semble avoir échoué. A en juger par la réaction des médias sociaux à une vidéo embarrassante de Hadja Lahbib, commissaire européenne chargée de l'égalité, de la préparation et de la gestion des crises, la propagande alarmiste de l'Union européenne semble faire l'objet d'un scepticisme généralisé. Mais si c'est une bonne nouvelle, le problème est qu'avec le fiasco de la propagande, le pouvoir a de plus en plus recours à des tactiques répressives pour faire taire ses rivaux politiques, comme le montre l'interdiction d'élection imposée à Mme Le Pen. Cette stratégie de renforcement de l'autoritarisme n'est toutefois pas viable à long terme: la peur et la répression ne peuvent remplacer un consentement effectif, et de nouvelles formes de résistance ne manqueront pas d'émerger dans le vide laissé par ce dernier.

Thomas Fazi est chroniqueur et traducteur pour UnHerd . Son dernier livre est « The Covid Consensus », coécrit avec Toby Green.

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La nouvelle ère de l'économie mondiale

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La nouvelle ère de l'économie mondiale

par Giuseppe Masala

Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/30452-gius...  

Selon le Fonds monétaire, l'innovation technologique fait entrer l'économie mondiale dans une nouvelle ère. Et les mesures protectionnistes...

Un billet de blog du Fonds monétaire international, rédigé par Pierre-Olivier Gourinchas, directeur du bureau de recherche du FMI, a suscité l'émoi des économistes, dans lequel il parle ouvertement du début d'une nouvelle ère pour l'économie mondiale. Gourinchas s'appuie sur l'imposition de droits de douane décidée par l'administration Trump et annoncée le 2 avril pour étayer sa thèse de l'énorme bouleversement de l'économie mondiale qui s'annonce.

Il est certain que le point de vue de l'économiste de premier plan est correct et accompagné d'une quantité considérable de données qui lui confèrent une validité incontestable. L'économie mondiale risque d'entrer dans une phase d'incertitude qui provoquera presque certainement une forte baisse de la croissance, ce qui pourrait nuire aux parties les plus fragiles de la société, à la fois en termes de hausse du chômage et de hausse des prix des biens et des services.

Le point le plus intéressant de cette analyse est cependant lié à une thèse intéressante exprimée par Gourinchas que je cite textuellement : « la part de l'emploi manufacturier dans les économies avancées a connu un déclin séculaire dans les pays enregistrant des excédents commerciaux, comme l'Allemagne, ou des déficits, comme les États-Unis. La force la plus profonde derrière ce déclin est le progrès technologique et l'automatisation, et non la mondialisation ».

En d'autres termes, selon l'économiste du FMI, il serait erroné de croire qu'il suffit d'imposer des droits de douane pour résoudre le grave problème de la pénurie d'emplois : ce problème existe aussi bien dans les pays à fort déficit commercial (et donc importateurs nets de l'étranger) que dans les pays à fort excédent commercial (et donc exportateurs nets vers l'étranger).

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US Bureau of Economic Analysis : valeur ajoutée réelle et emploi en Allemagne et aux États-Unis depuis les années 1970.

Personnellement, je ne peux pas dire s'il suffit de regarder les courbes du taux d'emploi et de la valeur ajoutée réelle dans les pays à déficit commercial et de les comparer à celles des pays à excédent commercial (comme Gourinchas l'a fait avec celles des États-Unis et de l'Allemagne) pour soutenir la thèse selon laquelle ce ne sont pas les déséquilibres commerciaux qui déterminent le taux d'emploi d'une nation ; mais je soutiens certainement la thèse selon laquelle l'explosion de l'innovation technique dans les domaines de l'informatique, de l'automatisation et de l'intelligence artificielle ne ramènera probablement pas la prospérité et l'emploi dans les pays à déficit commercial, même si les droits de douane parviennent miraculeusement à « guérir » les déséquilibres entre les pays.

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Je pense que cette thèse peut être considérée comme partageable même si elle n'est qu'une hypothèse « empirique » : en effet, les niveaux d'automatisation atteints, notamment en Chine populaire, sont impressionnants et risquent - en perspective - de détruire des millions d'emplois. Il suffit de penser, par exemple, à l'usine de Xiaomi pour la production de smartphones (elle en produira un par seconde) sans employer un seul travailleur, à tel point que dans les immenses espaces de travail de l'usine, les lumières seront éteintes alors qu'aucun être humain n'y opère ! Il en va de même lorsqu'on observe les images des rues de Wuhan où circulent des taxis autonomes, ou les autoroutes russes où circulent des camions de marchandises autonomes. Des innovations, certes stupéfiantes, qui témoignent de l'énorme progrès de la technologie créée par l'homme, mais qui ont un inconvénient évident: elles rendent le travail humain superflu par rapport à la production de biens et de services.

La vérité choquante (que l'économiste en chef du Fonds monétaire international, M. Gourinchas, a laissé entendre) est que le capital est en train de supplanter de plus en plus le travail. En d'autres termes, le capital dévore le travail en le rendant de plus en plus marginal. Or, tout cela entraîne des effets secondaires non négligeables.

Par exemple, si les gens ne trouvent pas de travail satisfaisant pour satisfaire leur consommation, il faut comprendre pour qui ces usines entièrement automatisées produiront. Il est clair qu'il faudra - si cette voie de développement est poursuivie - trouver une nouvelle façon de distribuer les « revenus » produits. Un défi d'une ampleur considérable qui remettra en cause les principes fondamentaux de la civilisation humaine.

Une question plus concrète et plus immédiate sera celle du rééquilibrage macroéconomique entre les nations à déficit commercial et les nations à excédent commercial.

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Si la raison du déséquilibre n'est pas le déficit commercial en soi, comme voudrait le suggérer l'économiste en chef du Fonds monétaire international, mais la course à l'innovation technologique entre pays concurrents, où le perdant sera inévitablement condamné au sous-développement et à la pauvreté, les droits de douane ne résoudront que très peu la crise financière « latente » qui frappe les États-Unis. Le vrai problème est la supériorité technologique de la Chine sur le reste du monde, qui, selon de nombreux observateurs, est déjà un fait et qui rend la fabrication dans l'Empire du Milieu moins chère que dans n'importe quel autre pays, quelles que soient les politiques commerciales adoptées par ses concurrents.

Il s'agit d'un problème de concurrence technologique qui, s'il n'est pas résolu immédiatement, pourrait pousser les pays perdants à chercher des solutions bien plus traumatisantes qu'une guerre commerciale. Une issue que seuls les auteurs de romans dystopiques avaient esquissée. Aujourd'hui, c'est aussi le Fonds monétaire international qui y fait allusion.

13:06 Publié dans Actualité, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, économie mondiale | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook