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samedi, 17 mai 2008

La Première Rome a abdiqué....

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SYNERGIES EUROPéENNES – AVRIL 2004
INLEIDING IN HET NEDERLANDS INTRODUCTION EN FRANçAIS
INTRODUCTION IN ENGLISH

Francesco BOSCO:
 

La “Première Rome” a abdiqué...
Plaidoyer italien pour l’Union et l’Idée eurasistes
 

ex: http://utenti.lycos.it/progettoeurasia/

NEDERLANDS: Beste vrienden, In Italië werden de beste teksten opgesteld op politiek vlak. De “Eurazische” beweging heeft aldaar  wel goed voet gevat. Bewijs : de webpages van http://utenti.lycos.it/progettoeurasia/  ; De tekst van Francesco Bosco die wij hier voorstellen herinnert ons aan daadwerkelijke feiten : wij zijn niet onafhankelijk, de politieke elites hebben gefaald, zijn volledig onbekwaam de nieuwe geopolitieke dynamieken in de wereld te verstaan. Boco stelt een Eurazische Unie voor, als geostrategisch blok tegen de poging van de VSA de globus de controleren.  Qua “Eurazië”, laat ons hier in Vlaanderen niet vergeten dat de Brusselse afdeling  van de Russische Witte emigratie “Eurazistiche” trends gekend heeft (zie het boek van Prof. Wim COUDENYS, Leven voor de Tsaar. Russische ballingen, samenzweerders en collaborateurs in België, Davidsfonds, Leuven, 2004, ISBN 90-5826-252-9).
 

FRANCAIS: Chers amis, En Italie, indubitablement, nous trouvons les meilleurs textes en matières politiques. Le mouvement “Eurasien” y a pris pied. La preuve? Les  pages sur la grande toile : http://utenti.lycos.it/progettoeurasia/  ;  le texte de Francesco Boco, que nous  vous présentons ici, nous rappelle quelques faits  bien réels : nous ne sommes pas indépendants, les élites politiques ont failli, sont totalement incapables de  comprendre les nouvelles dynamiques géopolitiques à  l’œuvre dans le monde. Boco propose une Union Eurasienne, en tant que bloc géostratégique contre la tentative américaine de contrôler le globe. Pour ce  qui concerne l’Eurasie, n’oublions pas qu’ici, à Bruxelles, la section de l’émigration russe blanche a connu des tendances eurasistes (voir à ce propos le  livre du Prof. Wim COUDENYS, Leven voor de Tsaar. Russische ballingen, samenzweerders en collaborateurs in België, Davidsfonds, Leuven, 2004, ISBN 90-5826-252-9).
 

ENGLISH: Dear Friends, No doubt, in Italy, they produce the best texts in political matters. The Eurasist movement could find a stronger base there as anywhere else in Europe. A proof?  The webpages of http://utenti.lycos.it/progettoeurasia/  ; Francesco Bosco’s text, that we present hereunder, reminds us of some cruel facts : we aren’t independant, the political elites failed, are totally unable to understand the new geopolitical dynamics of the current world affairs. Boco suggests a Eurasian Union, as a strategic block facing the US-American project of global control. What concerns Eurasia, we shouldn’t forget, here in Brussels, that the White Russian emigration here had Eurasian tendencies (see the new book of Prof. Wim COUDENYS, Leven voor de Tsaar. Russische ballingen, samenzweerders en collaborateurs in België, Davidsfonds, Leuven, 2004, ISBN 90-5826-252-9).

La “Première Rome” a abdiqué...
Plaidoyer italien pour l’Union et l’Idée eurasistes
ex: http://utenti.lycos.it/progettoeurasia/
 

Nous nous trouvons au beau milieu d’une époque de grands bouleversements. Aux peuples d’Europe et du monde s’ouvrent des perspectives de longue haleine et de diverses sortes, que l’on peut résumer, en substance, à deux positions principales : les pays collaborateurs seront absorbés par la puissance océanique, afin de former un bloc —la seconde possibilité— contre les pays “non alignés”, c’est-à-dire contre les pays qui cherchent à se soustraire au joug américain et choisissent la voie de l’indépendance.

Depuis quelque temps, face à cette perspective, on parle de la Russie comme de la puissance potentielle capable de guider la résurrection européenne et eurasiatique. Les dernières élections russes donne bon espoir pour l’avenir. Mais il vaut quand même mieux dire que la politique et la géopolitique ne se fondent pas sur des espérances mais sur des faits.

La dure réalité nous contraint de dire, effectivement, que, si, à l’Est la “Troisième Rome” reprend du poil de la bête et que l’ours russe se remet à rugir, le “Première Rome”, elle, la vraie Rome, a abandonné depuis fort longtemps le rôle qui lui revient de droit et qu’elle ne semble plus vouloir assumer.

Le problème, dont question, se pose surtout dans la perspective des scenarii politiques qui se manifesteront dans les prochaines décennies. Inexorablement, l’effondrement du capitalisme est prévisible, prévu par divers observateurs comme inéluctable. Nous devons dès lors prendre conscience de la situation : si, avant que cet effondrement ne soit effectif, nous ne sommes pas prêts, en tant qu’Européens et qu’Italiens, et si nous  ne sommes pas suffisamment indépendants des Etats-Unis sur le plan économique, alors nous risquons de subir une crise très dure, aux aléas peu clairs. Acquérir cette nécessaire indépendance économique ne peut venir que d’une alliance territoriale, économique et militaire avec la Russie et ses  satellites, c’est-à-dire amorcer le processus d’unification stratégique de l’Eurasie. Depuis longtemps déjà les Etats-Unis entreprennent d’encercler le territoire de la Russie, mais, indépendamment de cette stratégie, nous devons prendre en considération le cas de l’Italie, tel qu’il se présente à l’heure actuelle, et tel qu’il se développera  à coup sûr, et avec une intensité accrue, dans le futur.

En admettant qu’il faille d’ores et déjà envisager la possibilité concrète de former le continent-Eurasie, nous devons nous demander quels seront, dans ce contexte, le rôle et la fonction de l’Italie, nous demander si nous sommes prêts ou non pour ce grand bouleversement épocal.

Vu la situation qui prévaut aujourd’hui, la réponse à ces questions est évidemment négative sur toute la ligne.

Si, soudain, le bloc eurasiatique, dont nous espérons l’avènement, venait à se former, l’Italie serait en état d’impréparation totale, surtout à cause de l’absence d’une classe dirigeante qui serait en mesure de devenir un interlocuteur valable pour la Russie et qui pourrait faire valoir les droits et les intérêts de la “Première Rome”. Depuis plusieurs décennies, l’Italie est un pays asservi. Et le restera très probablement même si le “patron” change, à la suite de toute une série de circonstances fortuites.

Le fait majeur qui nous préoccupe est double : d’une part, le projet eurasien est l’unique alternative possible pour échapper à la domination de la puissance d’Outre Atlantique; d’autre part, on s’est jusqu’ici bien trop peu préoccupé de savoir qui devra prendre les rênes du pouvoir dans notre pays quand et si le changement survient. Nous pourrions tenir le même discours en changeant d’échelle, en passant au niveau européen...

Le “Mouvement Panrusse Eurasia” est puissant et influent en Russie; il est devenu un lobby proprement dit, un centre d’influence politique et culturel; il suffit de se rappeler qu’Alexandre Douguine, Président du Mouvement, dirige aujourd’hui une université où les idées eurasistes trouvent un très large écho.

Dans notre pays, nous devons déplorer l’absence d’un lobby eurasiste, d’un groupe de pression qui, au moment opportun, pourra s’imposer par l’action d’une classe dirigeante préparée, capable de mettre en valeur le rôle de l’Italie, un pays dont l’importance est fondamentale pour nouer des contacts avec les pays de la Méditerranée et pour jouer le rôle de médiateur incontournable dans les rapports avec les pays arabes.

Cependant les idées eurasistes en Italie ont pris pied depuis quelques années; elles ont connu une diffusion plutôt satisfaisante, si bien que, désormais, le concept d’”Eurasie” n’est plus inconnu. Toutefois, la lacune que présenterait l’Italie résiderait dans l’absence d’une classe dirigeante qui pourrait devenir un allié valable, et non une caste servile, pour la nouvelle Russie impériale.

Il  existe des maisons d’éditions et des intellectuels italiens qui diffusent inlassablement le message eurasiste; leur présence s’avère fondamentale pour notre avenir, mais elle est évidemment insuffisante. Le problème se pose donc en Italie: il faut donner vie à un Mouvement Eurasiste hypothétique, prêt à coopérer avec un mouvement analogue basé à Moscou, et capable de coordonner les ambitions  d’unification continentale, par le biais d’une activité de propagande bien capillarisée et bien ajustée.

Or, aujourd’hui, le problème premier est de former les futurs cadres dirigeants de ce mouvement appelé à garantir le destin grand-continental de notre peuple et de tous les peuples d’Europe. Le milieu, que l’on qualifie à tort ou à raison de “néo-fasciste”, est, qu’on le veuille ou non, le premier à avoir pris conscience de l’importance du projet “Eurasie” et des potentialités qu’il représente.

La création d’un centre d’influence, d’inspiration eurasiste, passe nécessairement par l’union des forces de tous ceux qui, indépendamment de leur formation politique, se sentent proches des positions eurasistes; mais chez la frange “anti-système” de la nébuleuse dite “néo-fasciste” qui représente, de fait, le principal réservoir d’hommes, d’esprits et de moyen pour réaliser cette tâche de rassemblement général.

Soyons toutefois bien clairs : dans l’appel à l’union que nous formulons ici, nous utilisons l’expression consacrée de “néo-fascisme” surtout pour identifier une aire politico-culturelle qui, finalement, s’avère vaste et variée, où se bousculent des conceptions politiques très diverses, mais que les médiats classent sous cette étiquette, qu’ils veulent infâmante et qu’ils assimilent systématiquement à des dérapages tapageurs, bien visibilisés et mis en scène par les services de désinformation ou de provocations en tous genres. Nous ne prendrons, dans cette aire politico-culturelle, que les éléments de fonds, indispensables à la formation des futures élites eurasistes, c’est-à-dire :

-  Il faut que ces milieux abandonnent tout nostalgisme absurde, cessent de cultiver les clichés incapacitants et mettent en terme à toutes les “führerites” personnelles.

-  Sans renoncer à leur passé politique, sans renoncer aux devoirs qu’ils impliquent, ces milieux devront nécessairement regarder vers l’avenir et se préparer en permanence à comprendre les dynamiques géopolitiques qui animeront la planète demain et après-demain.

-  En premier lieu, il s’agit de consolider le sincère sentiment européiste présent dans ces milieux (ndt :  depuis Drieu La Rochelle) et de le hisser à la dimension supérieure, c’est-à-dire à la dimension “eurasiste”;en Italie, cet européisme et ce passage à l’eurasisme devra s’allier à la conscience que notre pays est le réceptacle de la “Première Rome” et que ce statut l’empêchera d’accepter un rôle servile dans la nouvelle donne, c’est-à-dire dans l’hypothétique union eurasiatique.

-  Ces milieux devront développer les axes idéologiques d’une lutte radicale contre le capitalisme et le néo-libéralisme, que génère toute “démocratie” à la sauce américaine, et qui constituent des menaces mortelles pour tous les peuples d’Europe, car le message politique, historique et génétique, qu’ont légué au fil des siècles, les peuples d’Europe, est celui d’une fusion entre l’idéal communautaire et l’idéal impérial.

Si nous concevons l’aire dite “néo-fasciste” dans cette perspective, et si nous nous adressons à elle, parce qu’elle est la plus idoine pour réceptionner notre message eurasiste, alors, en bout de course, le processus d’union continental euro-russe s’en trouvera facilité et accéléré.

Dans le cas où, dans le processus de formation du bloc eurasiatique, l’Italie ne se serait pas préparée à la nouvelle donne, et si les élites, dont nous entendons favoriser l’avènement, auraient été contrecarrées dans leurs desseins, rien ne changera, ou quasi rien, par rapport à la situation actuelle, comme toujours dans notre pays, la classe dirigeante sera formée d’opportunistes serviles, obséquieux devant le patron du jour, indignes d’assumer la fonction qu’ils occupent, installés au pouvoir par pur intérêt personnel.

Nous devons nous rappeler, ici, les enseignements de Machiavel, qui nous disait que l’aide des armes d’autrui est utile en soi, mais calamiteuse dans ses conséquences, “parce que, si l’on perd, on reste vaincu, si l’on gagne, on demeure leur prisonnier”. Dans les conditions actuelles, donc, qui découlent de la victoire américaine de 1945 en Europe, nous ne pouvons espérer être libres un jour, sauf si nous conquerrons le pouvoir à l’aide de nos seules forces et de notre détermination; nous ne le serons que si nous obtenons une Europe souveraine, indépendante et armée, prélude à une Eurasie impériale, fédérale et armée.

L’Union avec la “Troisième Rome” ne signifie pas une soumission servile aux volontés de Moscou, au contraire, elle signifie la réaffirmation des valeurs et de l’importance de la “Première Rome”  —et pas seulement sur le plan géopolitique— une “Première Rome” dont nous devons nous enorgueillir d’appartenir et dont nous devons nous faire les nouveaux hérauts.

L’Eurasie est un destin, une union continentale à laquelle l’Europe et la Russie ont toujours secrètement aspiré, comme soutenues par un esprit, un moteur invisible. Dans le passé, cette union a échoué. Cet échec nous enjoint à ne plus commettre les erreurs du passé, à nous préparer pour les bouleversements de l’avenir.

Francesco Boco, Belluno, 30 décembre 2003.

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vendredi, 16 mai 2008

G. Faye: La dictature du bien-être

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Guillaume FAYE,

La dictature du bien-être,  mars 1979.

Aldous Huxley pensait avoir fait œuvre de fiction en situant son Brave new world au 3e millénaire. Il est mort en constatant que la société sans souffrances et sans besoins insatisfaits était en passe de devenir la triste réalité de notre temps et que, comme dans son Brave new world, tout individu libre ou faisant preuve de quelque pensée originale était déjà considéré comme malfaisant par des masses conditionnées par ce que le socio-anthropologue Arnold Gehlen a appelé la dictature du bien-être. Car la religion du bien-être est bel et bien devenue dictature.

Cette volonté, partout affirmée, de satisfaire les désirs matériels et la soif de consommation des hommes de notre temps n’est du reste pas choquante en soi : elle est intrinsèquement liée à l’existence même de la fonction de production telle que la connaissent les sociétés d’origine indo-européenne. Mais dans le système de tripartition du monde indo-européen, tel que l’a dégagé Georges Dumézil, la fonction de production demeure impérativement subordonnée à la fonction guerrière et, surtout, à la fonction de souveraineté. Or le drame est que nous assistons à une inversion de ce rapport de subordination, que la société entière se trouve dominée par ces exigences consuméristes, et que l’économie s’est investie du pouvoir de résoudre tous les problèmes humains.

En réduisant tous les facteurs sociaux à l’économie, la société marchande fait de celle-ci l’instrument d’un développement global, motivé par une fausse conception du bonheur, mélange illusoire d’abondance matérielle et de loisirs plus ou moins organisés. Ce qui laisse croire qu’il n’existe que des besoins et des désirs matériels, que ceux-ci ne sont qu’individuels, toujours quantitatifs et toujours susceptibles d’être comblés. Certains patrons n’hésitent d’ailleurs pas affirmer que "l’entreprise fait le monde". Pour Entreprise et progrès, qui se veut le "poil à gratter" du CNPF [NB : ancêtre du MEDEF], les mutations de l’entreprise déterminent les mutations sociales, l’entreprise est le phénomène directeur de la société, phénomène auquel les Français auraient toutefois quelque peine à s’adapter en raison de leurs "tares culturelles" (sic).

Le pire est sans doute que la plupart des gens se laissent prendre à l’apparente générosité de ce totalitarisme économique. Les arguments de bon sens ne manquent pas. Valéry Giscard d’Estaing écrit : "Seules les économies de marché sont réellement au service du consommateur. Si on laisse de côté les idéologies pour ne considérer que les faits, force est de constater celui-ci : les systèmes économiques dont la régulation est assurée par une planification centrale offrent aux consommateurs des satisfactions incomparablement moins grandes en quantité et en qualité que ceux qui reposent sur le libre jeu du marché". Mais au nom de la liberté individuelle d’accéder à la consommation de masse, ce totalitarisme diffuse un individualisme forcené - l’hypersubjectivisme dont parle Arnold Gehlen - qui décompose les groupes humains en détruisant les liens sociaux et organiques de leurs membres, en interdisant tout projet collectif, historique ou national.

Pourtant, à force de promettre le bonheur pour tous et tout de suite, le libéralisme marchand finit par engendrer des espoirs déçus et une ambiance d’insatisfaction collective. Le mythe égalitaire du bonheur obligatoire s’est ici couplé avec celui de la progression indéfinie du niveau de vie individuel, quelle que soit la prospérité des circuits économiques. Paradoxalement, chaque accroissement quantitatif de ce niveau de vie renforce l’insatisfaction psychologique qu’il était censé éliminer, provoquant dans le corps social une dépendance quasi physiologique à l’égard des désirs économiques, avec les multiples conséquences pathologiques qui en découlent. "La fausse libération du bien-être, écrit Pasolini, a créé une situation tout aussi folle et peut-être davantage que celle du temps de la pauvreté" (Écrits corsaires).

L’attente d’un progrès automatique et mécaniquement acquis rend les hommes esclaves du système et les dispense de faire preuve d’imagination et de volonté. La dictature du bien-être use les sensations et finit par user l’homme. Konrad Lorenz écrit : "Dans un passé lointain, les sages de l’humanité avaient déjà reconnu fort justement qu’il n’était pas bon pour l’homme de parvenir trop bien à son aspiration instinctive à atteindre au plaisir et à se soustraire à la peine". Émoussé par l’habitude, le plaisir exige alors une surenchère permanente et entraîne à la perversion. Les consommateurs modernes veulent impatiemment avoir tout et tout de suite, mais cette hypersensibilité à la privation les rend en réalité incapables de goûter les joies de l’acquisition. Konrad Lorenz précise encore : "Le plaisir n’est que l’acte du consommateur. La joie est le plaisir de l’acte créateur".

Arnold Gehlen a nommé pléonexie cette aliénation psychologique par laquelle la satisfaction d’une revendication égalitaire provoque un surcroît de désir égalitaire. Et il a nommé néophilie cette incapacité profonde des mentalités soumises à l’esprit marchand à se satisfaire d’une situation acquise. Ce qui conduit le système à entretenir un état de rebellion permanent, d’autant plus vif que cette insatisfaction paraît toujours plus insupportable. C’est une spirale sans fin. La hausse indéfinie du niveau de vie, promise et revendiquée dans n’importe quelle conjoncture, est un facteur de crise, tant et si bien qu’à la limite, cette dictature du bien-être menace le système même qui l’a engendrée tout en aliénant toujours plus profondément ses sujets.

Asservis au mythe égalitaire du bien-être, les consommateurs sont en effet en voie de domestication rapide. L’éthologie nous a enseigné l’histoire du Sacculina carcini, ce crabe d’apparence normale qui, dès qu’il se fixe en parasite sur un autre crabe, perd ses yeux, ses pattes et ses articulations pour devenir une créature en forme de sac - ou de champignon - dont les tentacules souples plongent dans le corps de l’animal parasité. "Horrible dégénérescence", s’écrit Konrad Lorenz qui ne peut s’empêcher d’observer déjà des "phénomènes de domestication corporelle chez l’homme". Ainsi l’humanité s’est-elle engagée dans une voie qui la laisse survivre mais qui la prive de sensibilité, vers une sorte de Brave new world peuplé de parasites "vulgarisés"...

Cet asservissement mental aux bienfaits illusoires du progrès continu fabrique, selon Raymond Ruyer, des peuples courts-vivants. Repliés dans leur cocon douillet et préservés du monde extérieur, ces peuples s’accrochent à des valeurs à court terme et se contentent d’actes aux conséquences immédiatement et directement mesurables ou quantifiables, exprimées en valeurs économiques convenues. Ce qui conduit nos hommes d’État à se définir comme "de bons gestionnaires de l’affaire France", assimilant ainsi le pays à une sorte de "société anonyme par actions-bulletins de vote".

L’individu court-vivant n’envisage plus son héritage et son après-mort : sa descendance et sa lignée deviennent pour lui des concepts incompréhensibles. Il gère au jour le jour son destin étroit et limité, se contentant de rendre des comptes sur ses activités aux gestionnaires placés plus haut que lui. Il navigue à vue, calculant même - grâce aux nouveaux économistes à qui rien n’est impossible - le prix de son enfant jusqu’à sa majorité. L’affection, non mesurable, est ainsi remplacée par des liens contractuels.

Dans le Manifeste du Parti Communiste (1848), Karl Marx écrit : "La bourgeoisie a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité à quatre sous dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange et, à la place des libertés si chèrement acquises, elle a substitué l’unique et impitoyable liberté du commerce (...) Elle force toutes les nations à adopter le style de production de la bourgeoisie, même si elles ne veulent pas y venir. Elle les force à introduire chez elles la prétendue civilisation, c’est-à-dire à devenir bourgeoises. En un mot, elle forme le monde à son image".

Comment mieux décrire les effets destructeurs, pour les cultures, de l’esprit marchand propagé par la bourgeoisie ? Ces cultures se trouvent ainsi réduites à de simples comportements de consommation et le seul langage admis est celui du pouvoir d’achat, potentiellement égal chez tous les peuples et sur toute la Terre. Cette volonté de diffusion d’un seul mode de vie menace à terme la richesse culturelle de l’humanité. De même que pour les marchands classiques, les frontières et les mœurs variées constituaient des obstacles intolérables, pour la société marchande, les différences ethniques, culturelles, nationales, sociales et même personnelles, doivent être inexorablement résolues. Le rêve universaliste d’un vaste et homogène marché mondial de la consommation annonce l’avènement de l'homo œconomicus.

Dépassant ainsi largement sa fonction de satisfaction des besoins matériels essentiels, l’économie est devenue le fondement même de la nouvelle "culture" universelle. Cette mutation a réduit l’homme à n’être plus que ce qu’il achète : pour employer un mot à la mode, il s’est réifié. Et Valéry Giscard d’Estaing de définir en ces termes son projet politique : "Promouvoir une immense classe moyenne de consommateurs". Dictature du bien-être ? Dès 1927, Drieu La Rochelle nous mettait en garde : "L’étouffement des désirs par la satisfaction des besoins, telle est l’économie sordide, découlant des facilités dont nous accablent les machines, qui viendra à bout de nos races. L’abondance de l’épicerie tue les passions. Bourrée de conserves, il se fait dans la bouche de l’homme une mauvaise chimie qui corrompt les vocables. Plus de religions, plus d’arts, plus de langages. Assommé, l’homme n’exprime plus rien" (Le Jeune Européen).

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Frank Böckelmann over mei 68

Mei ’68 : een eerste benadering


Dr. Frank Böckelmann was samen met Rudi Dutschke, Dieter Kunzelmann en anderen lid van de Subversive Aktion, een van de groepen (1965-1966) die in Duitsland aan het begin van de studentenrevolte stonden.

Hij werd geboren in 1941 in Dresden, studeerde in München filosofie en communicatiewetenschappen en werkte als journalist en mediawetenschapper. Hij publiceerde verschillende boeken, waaronder Die Welt als Ort. Erkundungen im entgrenzten Dasein (Karolinger-Verlag, 2007).
Hij werd naar aanleiding van de 40ste verjaardag van mei ‘68 door het weekblad Junge Freiheit geïnterviewd (nr. 16/08, 11.04.2008).

Enkele uittreksels uit dit merkwaardige interview.

Vraag: Wat was er eigenlijk aan de hand in 1968 ?

Böckelmann: Overtuigd van hun morele superioriteit trokken studenten en scholieren toen ten strijde tegen alle banden, relaties en invloeden, die het individu in zijn wens naar zelfontplooiing hinderden. Men bond de strijd aan met het kapitalisme, maar eigenlijk hielp men zo de volledige economisering van het dagdagelijkse leven en van de samenleving te realiseren.

Vraag: Een negatieve balans dus ?

Böckelmann: 40 jaar na datum moet men inderdaad durven toegeven: Ja. De ontbinding (op alle vlakken) leidde niet tot een nieuw gemeenschapsgevoel of tot een veelheid van rollen. Ongeacht wat we zijn en wat we doen, onze zelfwaardering is gestandaardiseerd, en dit volgens inkomen en volgens openbare waardering.

Bedenkt u ook maar eens, hoe verbluffend eenvoudig de rebellen van toen gelijk kregen. Bijna zonder verzet werden de eisen naar zelfontplooiing en detaboeïsering en gelijkberechtiging van allerlei minderheden openlijk begroet en door bijna alle welmenende burgers ondersteund. Afgezien van de kritiek op het kapitalisme – waar dit eigenlijk slechts een schijngevecht betrof – stampte de protestbeweging eigenlijk open deuren in. Werden de rollen van de geslachten en van de ouders, werd het respect voor autoriteit en voor nationale tradities nog wel door iemand verdedigd?

Vraag: U heeft het niet erg begrepen op zelfontplooiing?

Böckelmann: Eigenlijk is zelfontplooiing slechts de triomf van de onverschilligheid. Zeker als ze doel op zichzelf is. De zelfontplooiing van het individu is de fetisj van onze moderne tijd. Ze verwerpt alle historische, nationale en kulturele banden (…) Vooral een partij als de Grünen komen hiermee met zichzelf in tegenspraak. Immers, willen ze consequent opkomen voor kinderwelzijn en milieubescherming, dan kunnen ze dat niet door geatomiseerde individuen, maar alleen door mensen, die zichzelf zien als leden van plaatsgebonden gemeenschappen.

Vraag: Een min of meer gelijklopende situatie bestond er ook voor de machtsgreep door de nationaalsocialisten. Was 1933 het ’68 van de Weimarrepubliek?

Böckelmann: Wat de revolte van 1968 onderscheidt van de burgerlijke en communistische revoluties en ook van de machtsgreep van de nationaalsocialisten is het feit dat geen nieuwe ordening der dingen ontstaat, en dat de ‘vadermoord’ oneindig herhaald wordt. Steeds opnieuw moeten nieuwe restricties, verboden, grenzen, onderdrukking en verstarring worden ‘ontdekt’ en gedramatiseerd worden, zodat de emancipatie, de breuk met het ‘enge’ van het bestaan, kan opgevoerd worden. Steeds meer figuren uit deze periode, en in elk geval de knapste koppen zoals Maschke, Friedrich, Rabehl en Röhl, keren zich af van deze zogenaamde zelfontplooiing, die uiteindelijk op niets zal uitdraaien.

(vertaling : Peter Logghe)

jeudi, 15 mai 2008

Reflexoes sobre a proclamaçao unilateral de independencia do Kosovo

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Reflexões sobre a proclamação unilateral de independência do Kosovo

A questão coloca-se: deve ou não ser reconhecida a independência do Kosovo? Noutros termos, podemos reconhecer o direito de uma população, dispondo de um parlamento infra-estatal, de proclamar a sua independência, se a maioria dos seus representantes são a favor disso?

Neste questionamento, há dois princípios que se cruzam:

1) O direito dos povos a dispor de si, o direito de toda a identidade, assente em critérios objectivos e bases concretas (étnicas, linguísticas, históricas, etc. …), a dotar-se de um sistema de representação política próprio num quadro espacio-temporal determinado, seja no quadro de um Estado multiétnico (segundo o modelo helvético) ou num Estado que prevê um federalismo, mais ou menos assim entendido, segundo outros modelos, como o federalismo alemão ou o Estado de comunidades autónomas que é actualmente a Espanha. Este direito à autonomia dá o direito à infependencia? A questão pode permanecer aberta no quadro europeu.

2) O direito dos povos europeus a recusar toda a balcanização que enfraquece o continente no seu conjunto, gera no seu seio conflitos exploráveis por potências terceiras, geralmente estrangeiras ao território europeu (segundo a terminologia de Carl Schmitt: des «raumfremde Mächte»).

O primeiro destes princípios é um princípio de direito. O segundo é um princípio de geopolítica. A independência unilateral de independência do Kosovo suscita uma contradição: Opõe, mesmo porque foi declarada unilateralmente, o direito à geopolítica, enquanto que na Europa direito e geopolítica não deveriam opor-se mas antes formar, em concerto, uma unidade indissociável. O direito deve ajudar a consolidar o conjunto territorial, a barrar o caminho a toda a tentativa de deslocamento e não a sancionar práticas que desembocam no enfraquecimento ou desmantelamento.

O direito à autonomia, mesmo o mais alargado, inclusive até à independência estatal, é inalienável na perspectiva anteriormente desenhada por Herder, defensor filosófico das identidades populares, no mundo germânico como nos Balcãs, onde contou, precisamente, com muitos discípulos. Contudo, este jogo dialéctico complexo entre a identidade local e particular, de uma parte, e, de outra parte, a necessidade de assegurar um quadro sólido onde todas estas identidades poderiam desenvolver-se em paz e harmonia, implica construir, todos juntos na Europa, um quadro comum tirado das experiências vividas, muitas vezes tragicamente, pelos povos da Europa ao longo dos séculos. Este quadro deveria ser o avatar contemporâneo de uma unidade inicial comum, que ganhou asas a partir de um território centro-europeu desde o final da pré-história, nas premissas da proto-história. O facto etno-histórico europeu difundiu-se a partir de um centro, principalmente alto-danubiense (território das culturas do Michelsberg, depois das civilizações de La Tène e de Hallstatt) que, seguindo as margens do grande rio, se propagou depois nos Balcãs (culturas de Lipinski-Vir, de Starcevo,etc.). Os Balcãs são nossos, se são o nosso Ergänzungsraum imediato, o nosso trampolim em direcção ao mediterrâneo oriental, o Egipto, a Anatólia, o Crescente Fértil.

Este direito à autonomia é, certamente, um direito, mas unicamente para aqueles que reconhecem plenamente a unidade primordial dos nossos povos antes da sua difusão para as vastas periferias. A albanidade, como a helenidade, a celticidade ou a italianidade, não fogem a esta regra. Reconhecemos, então, totalmente, o princípio de uma albanidade europeia, cujas fronteiras se dirigem para sul, em direcção ao mediterrâneo oriental e ao Egipto (Mehmet Ali era de origem albanesa). Mas o Kosovo, ao tornar-se muçulmano após a conquista otomana, deixa de ser essa albanidade capaz de se projectar em direcção a esse Sul e a esse Oriente para aumentar o espaço europeu. É a traição quando comparada com o espírito do grande herói Skanderbeg, capitão no Adriático no século XV, às portas do mediterrâneo oriental, contra os otomanos. Ao tornar-se otomana e muçulmana, a albanidade volta as suas forças contra o centro da Europa, faz-se ponta de lança de duas direcções geopolíticas estrangeiras e, portanto, inimigas da Europa: a direcção dos povos turco-mongóis (que parte da Mongólia em direcção à puszta húngara e ao Adriático) e a direcção dos povos hamito-semitas (que parte da península arábica em direcção a todos os azimutes).

Independente, o Kosovo tornar-se-á o terceiro Estado muçulmano nos Balcãs depois da Albânia e da Bósnia. Formará, com eles, uma avant-garde panturaniana (turco-mongól) e arabo-muçulmana (hamito-semita) no belo seio de uma região que foi sempre o trampolim da Europa em direcção à sua periferia leste-mediterrânica e egípcia. Uma Europa encerrada nesta mesma região dos Balcãs não teria mais real abertura sobre o mundo, estaria condenada à subjugação e à implosão. Lembremo-nos dos povos pré-helénicos que fizeram a glória da Grécia antiga: transitaram pelos Balcãs, incluindo os macedónios de Filipe e Alexandre. Lembremo-nos de Roma, que teve de controlar os Balcãs antes de passar à ofensiva na Ásia Menor e de se lançar sobre o Egipto. A Europa não pode tolerar corpos estrangeiros nesta região altamente estratégica. Todo o corpo estrangeiro, isto é, todo o corpo que entende pertencer a agregados que não respeitam as direcções geopolíticas tradicionais da Europa, impede o desenvolvimento actual e futuro do nosso continente. Nas lutas planetárias que se desenham nesta alvorada do século XXI, aceitar um tal enfraquecimento é imperdoável da parte dos nossos dirigentes.

Nas querelas que animaram, no curso destes últimos anos, a pequena cena intelectual parisiense, certos polemistas argumentaram que há, ou havia, uma aliança implícita entre o germanismo centro-europeu e o otomanismo, depois entre o germanismo e os independentistas bósnios e albaneses, durante as duas grandes confrontações mundiais de 1914-1918 e 1939-1945. Este argumento ignora evidentemente a mudança dos dados. O maior pólo de potência, que se projectava nestas épocas, situava-se precisamente no centro do nosso continente, nas bacias fluviais paralelas do norte da Europa e na bacia do Danúbio, e arrastava o pólo otomano numa dinâmica dirigida ao sul, ao oceano Índico. No conflito balcânico dos anos 90 do século XX, o centro da Europa já não era de todo um pólo de potência, estava dividido (balcanisado!) e avassalado. A reactivação dos particularismos bósnios e albaneses não resultava já de um pólo de potência europeu à procura de se projectar em direcção à bacia oriental do mediterrâneo ou à mesopotâmia e ao oceano Índico, neutralizando positivamente, por uma política de mão estendida, algumas minorias muçulmanas. Esta nova reactivação, na última década do século XX, foi o resultado da aliança entre Wahabitas sauditas e puritanos do lado de lá do atlântico procurando, concertadamente, criar uma «dorsal islâmica» (segundo a terminologia dos geopolitólogos sérvios, entre os quais o nosso saudoso amigo Dragos Kalajic) cuja função geoestratégica deveria ser dupla: 1) bloquear o Danúbio à altura da capital da sérvia e 2) instalar sobre a linha Belgrado- Salónica um bloco territorial fora da soberania sérvia, porque esta linha é a via terrestre mais curta entre o centro danubiense da Europa e a bacia oriental do mediterrânico.

Um bloco territorial desta natureza, recebendo o apoio wahabita e americano, é inaceitável de um ponto de vista europeu, mesmo se a galeria de traidores, cretinos e cérebros de galinha que se dizem representantes da Europa em Bruxelas ou Estrasburgo, pretende o contrário. Esta galeria de idiotas raciocina dissociando o direito da geopolítica, enquanto que seria necessário pensá-los em fusão e em harmonia.

O Kosovo, que, para além desta posição central que ocupa na linha Belgrado-Salónica, é o antigo «Campo dos Melros», sítio da batalha sangrenta que opôs o exército medieval sérvio aos invasores otomanos. Sobre esse solo sacro, a aristocracia sérvia derramou todo o seu sangue para a salvaguarda da Europa. O «Campo dos Melros» tornou-se, portanto, pelo sacrifício desta cavalaria, um território sagrado, altamente simbólico, não somente para a sérvia e para os outros povos balcânicos em luta contra a barbárie otomana, mas também para os Húngaros, os soldados borgonheses e imperiais, que tentaram cruzadas infrutuosas para anular e impedir a vitória turca do Campo dos Melros. O esquecimento constitui uma outra falha cardinal e imperdoável: é dessacralizar a história, dessacralizar o político, privilegiar o processualismo e o presentismo nos raciocínios e actuações políticas e geopolíticas; é esquecer, num sentido e noutro, o longo prazo em benefício do imediato e do superficial. “Non possumus”: não incidiremos jamais em tais falhas!

Vários países europeus recusam reconhecer a independência do terceiro elo da «dorsal islâmica», como é o caso da Espanha, e os países maioritariamente ortodoxos como a Roménia e a Bulgária. Em França, na sacrossanta «República» apresentada como a parangona inultrapassável de todas as virtudes filosóficas, os dois novos defensores burlescos da política, o universalista mediomano Kouchner e o seu presidente, Sarkozy, denominado o «anão húngaro», apressaram-se a reconhecer desde logo, trompetes ruidosas e tambores retumbantes, a entidade wahabita-americanista que é o Kosovo. Perguntamo-nos como Voltaire ou Robespierre, devotas da Deusa Razão, conciliariam o seu laicismo com o preconceito dos wahabitas e dos seus aliados americanos. Mas o reconhecimento por Sarkozy e Kouchner do Kosovo é ao menos uma boa nova, porque interrogamo-nos sobre o que poderiam retorquir os dois larápios se amanhã uma enfiada de potências europeias ou outras adquirisse bruscamente a vontade de reconhecer uma república corsa, um novo ducado da Bretanha ou um novo Estado insular nas DOM-TOM ou, mais fácil ainda, o regresso à independência da Sabóia, que existe de jure. A independência da Sabóia poderia vir a ser, muito legalmente, a primeira alavanca para reanimar a existência política e estatal de Bresse (na província de Sabóia), da Lorena (grão-ducado imperial), do Franco-Condado, etc. Aos poucos, a velha Lotaríngia tomaria forma, ao longo do Ródano na Provença e no Delfinado, tornando actual o testamento de Carlos V (que nunca deveríamos ter esquecido, nem em Munique, nem em Viena, nem em Roma, nem em Madrid, nem em Bruxelas).

A Rússia, pela sua parte, poderia, através de uma interpretação jurisprudencial da independência do Kosovo, obrigar a aceitação da independência de duas províncias georgianas: a Abecásia e a Ossétia do Sul, desmembrando de um só golpe o principal peão dos EUA e da NATO no Cáucaso.

Qualquer que seja o resultado da independência kosovar na Europa, ele oferece-nos possibilidades de acção:

1) Se ninguém a reconhece ou se fortes resistências se opõem ao seu pleno reconhecimento não haverá «dorsal islâmica» nem bloco territorial a obstruir a linha Belgrado-Salónica.

2) Se todos reconhecem o Kosovo independente surge um pretexto para desmembrar a França e reconstruir o flanco ocidental e romano do defunto Sacro Império, cuja restauração permitiria à Europa dotar-se de uma espinha dorsal político-espiritual. Esta restauração significaria simultaneamente a morte definitiva da ideologia republicana, esse malefício que atinge o cúmulo do ridículo com o binómio Sarközy-Kouchner. O único perigo de um reconhecimento geral do Estado kosovar seria dar pretexto aos muçulmanos de Ceuta e Melilla para reclamarem uma independência análoga, com o beneplácito dos mesmos padrinhos wahabitas e yankees. Razão pela qual a Espanha recusa reconhecer o novo Estado auto-proclamado (para além do caso basco).

Em qualquer dos casos, teremos ocasião de militar em defesa da nossa visão da Europa. De permanecer combatentes, Verdadeiros «zoon politikon». Vestais de um inelutável Grande Retorno da tradição imperial.

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Machiavel le réaliste

Machiavel, le réaliste

Machiavel, le réaliste

Image Hosted by ImageShack.usHonni et vilipendé, injustement calomnié, le Florentin fut un modèle de rigueur dans son analyse des mécanismes politiques. A l’heure du règne tout puissant des « autorités morales » et autres « polices de la pensée », il est salutaire de relire les principes, d’une étonnante franchise, de ce patriote, soucieux de l’unité de son pays.

Dire aujourd’hui de quelqu’un qu’il est machiavélique, à première vue ne parait guère flatteur. La preuve, pour le Larousse, cela équivaut à se montrer « conforme à la doctrine de Machiavel, considérée comme la négation de toute morale », et donc être « perfide, artificieux ». Pour le Petit Robert, c’est être « rusé et perfide », voire « démoniaque, diabolique ». Autant dire que proclamer les vertus de Machiavel en notre époque de « politiquement correct » implique que l’on s’expose à recevoir des volées de bois vert ! Notre société meurt étouffée par les exigences des prétendues « autorités morales » et subit les foudres de mille polices de la pensée. Qu’importe ! Machiavel demeure un modèle de non-conformisme, un historien lucide, un homme d’Etat au sens premier du mot, soucieux que l’Italie n’éclate pas comme un fruit mûr et inquiet de voir les désordres intérieurs risquer de se muer en guerres civiles. En notre fin de vingtième siècle, que de leçons à tirer chez cet écrivain italien qui à l’aube des temps modernes sut comprendre avec clarté et sobriété les rouages politiques !

Nicolas Machiavel est d’abord l’enfant d’une époque troublée, celle de la Renaissance italienne. Son itinéraire n’est pas celui d’un « intellectuel », administrant à tout à chacun des leçons de « morale » du haut de sa tour d’ivoire, mais celui d’un homme d’action soucieux de l’avenir de sa patrie, qu’il entend servir avec détermination. Quatre œuvres majeures jalonnent sa pensée : « Le Prince », bien sûr, le plus connu de ses bréviaires, mais aussi les « Discours sur la Première Décade de Tite-Live », « L’Art de la Guerre », et les « Histoires florentines ». Or, contrairement aux idées reçues, Machiavel n’est pas un politicien au sens étroit du terme. Il s’impose comme un homme complet, comme on en trouve alors en ces temps troublés. Tour à tour poète, dramaturge, historien, conteur, il sait mettre sa sensibilité au service de son peuple. On le peint souvent sous des traits austères, pour ne pas dire inquiétants. L’homme est exactement à l’opposé de cette caricature : fin, cultivé, esthète, admirateur de Dante et de Pétrarque, il apprécie la bonne vie, la bonne chère et les belles femmes. Machiavel sait vivre. Il aime composer des poèmes, écrire des chants, et parfois conter des histoires polissonnes. En un mot, il est l’inverse de Savonarole, ce dominicain qui voulait faire de Florence une cité démocratique, austère et puritaine, et qui en 1497 organisa un gigantesque autodafé où furent brûlés des centaines de livres et de tableaux.

L’Italie doit s’unir

Nicolas Machiavel naît en 1469, au sein d’une vieille famille florentine, noble mais peu fortunée. De sa prime enfance on sait peu de choses, sinon qu’il assiste à des évènements qui le marqueront. Il a 9 ans lorsque sont massacrés les Pazzi, qui ont tenté d’assassiner Laurent de Médicis. Il a 25 ans lorsqu’il voit les Français, avec à leur tête Charles VIII, entrer victorieux dans Florence. A cette époque, si la France est déjà un royaume solide doté d’une unité morale largement dessinée, l’Italie, divisée, est la proie de toutes les convoitises. Pour Machiavel, c’est clair : l’Italie doit s’unir, et seul un Prince est à même de mener à bien cette œuvre de salut public.

Ce Prince, il doit avant tout être réaliste et pragmatique. On ne fait pas de grande politique avec de bons sentiments. Or, une telle perspective dans une époque de fer et de feu ne se fera pas avec des voeux pieux, mais avec rigueur et méthode. La fin justifie les moyens. Au lieu de prodiguer des conseils, Machiavel s’engage. Il garde de ses études une fascination certaine pour la Rome antique. Rien ne se fait sans puissance. Machiavel le sait, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Son Prince doit toujours être aux aguets, se montrer circonspect sur ce qu’on lui rapporte. Il n’est ni prêtre, ni juge et à ce titre, il n’a pas à se soucier de se conformer à ce qui est bien ou mal, mais seulement à ce qui est bon pour sa patrie. En ce sens, il est logique qu’il soit calculateur et qu’il choisisse de se faire craindre quand il le faut. Les hommes étant en général mauvais, et souvent fourbes, cruels et peureux, le Prince doit s’affirmer face à eux comme un chef puissant et respecté. Il lui incombe de se montrer en toutes circonstances déterminé, énergique, sans faille et en même temps habile. Lorsque Machiavel explique que le Prince n’a pas à être jugé à l’aune de la morale ordinaire, parce que la tâche qui les est assignée engage la vie même de son peuple, il choque. C’est sans doute ce qu’on lui reproche le plus, d’avoir « inventé » la « raison d’Etat ». Mais a-t-il vraiment tort ? La renaissance de la Patrie, la sauvegarde de ses intérêts supérieurs, la préservation de son peuple, n’exigent-elles pas du Prince d’être efficace à tout prix, même si une certaine « morale » doit parfois être mise en veilleuse ? C’est cette franchise dans le propos qui heurte les hypocrites.

Chassé par des mercenaires

Machiavel entre en politique en 1498, juste après l’échec de Savonarole. Il a une haute charge, chef d’une chancellerie, s’occupant en particulier d’un Ministère traitant des questions de guerre et de sécurité intérieure. Ses fonctions l’amènent bientôt à voyager. Il doit ainsi conduire des ambassades en pays voisins. Trop de déboires avec les volontaires étrangers font également que l’on compte bientôt sur lui pour réorganiser l’armée de Florence et créer une milice. Perdu dans ses multiples activités, il prend tout de même le temps de se marier et d’avoir six enfants. Chassé par des mercenaires qui appuient les Médicis, Machiavel connaît ensuite des périodes difficiles. Arrêté, torturé, exilé, réduit à vivre modestement, il n’aura cependant de cesse de retrouver sa charge dans les hautes sphères de l’Etat, jusqu’à sa mort en 1527, l’année de la prise de Rome par les troupes de Charles Quint. Désormais et pour des siècles, l’unité de l’Italie que souhaitait Machiavel, ne sera plus qu’un rêve.

C’est ce service de l’Etat qui hantera son œuvre et sa vie. En ce sens, il est le penseur moderne par excellence. Lucide, réaliste, objectif, il pense la politique de l’Italie d’alors en des termes nouveaux et il fournit au Prince des armes nouvelles. En redonnant au politique sa primauté, en expliquant qu’une grande politique ne peut être fondée que sur la puissance, en se posant en premier défenseur de l’identité nationale italienne, Machiavel se trouve présenté à juste titre dans les manuels de science politique comme le premier des écrivains « nationalitaires ». « Machiavel », écriront les professeurs Prélot et Lécuyer dans leur classique « Histoire des idées politiques », « est l’homme d’une cause et d’une grande cause, puisque c’est celle de l’unité italienne qu’il se donne pour but immédiat ». Contrairement aux clichés communément admis, Machiavel ne s’est pas borné à être un écrivain, un penseur en chambre, un cynique au petit pied. Seuls les sots ou les malhonnêtes le veulent faire accroire. Il fut un homme d’action, confronté aux réalités de son temps, et engagé dans les plus rudes combats pour sa cité. C’est de l’observation rigoureuse des choses qu’il tira ses enseignements. Jean Giono ne s’y est pas trompé, lui qui préfaça la belle édition des œuvres du florentin dans la collection de la Pléiade : « Machiavel écrit des livres rustiques, c’est-à-dire qui peuvent être confrontés avec le plein air »…

Bruno Racouchot

A lire : bien sûr « Le Prince », disponible en livre de poche, tout comme le « Discours sur la première décade de Tite-Live » ; les plus courageux n’hésiteront pas à plonger dans ses « œuvres complètes », publiées chez Gallimard, collection de La Pléiade, où ils liront avec profit « L’art de la guerre », les « Histoires florentines », sans compter quelques proses diverses particulièrement cocasses comme « La mandragore » ou son drôle de « Règlement pour une société de plaisir »…

Il disait…

« Il faut qu’un Prince soit solidement assis : autrement il croulera. Les principaux fondements qu’aient tous les Etats, aussi bien les nouveaux que les anciens et les mixtes, sont les bonnes lois et les bonnes armes ». (« Le Prince »)

« C’est chose certes fort ordinaire et selon nature que le désir de conquérir ; et toutes et quantes fois le feront les hommes qui le peuvent, ils en seront loués, ou pour le moins ils n’en seront pas blâmés. Mais quand ils ne peuvent et le veulent faire face à toute force, là est toute force, là est la faute et le blâme ». (« Le Prince »)

« Ce sont, non les titres qui honorent les hommes, mais les hommes qui honorent les titres ». (« Tite-Live »)

Machiavel et l’art militaire

« Un Prince donc ne doit avoir autre objet ni autre pensée, ni prendre autre matière à cœur que le fait de la guerre et l’organisation et discipline militaires ; car c’est le seul art qui appartienne à ceux qui commandent, ayant une si grande puissance que non seulement il maintient ceux qui de race sont Princes, mais bien souvent fait monter à ce degré les hommes de simple condition ; en revanche, on voit que quand les Princes se sont plus adonnés aux voluptés qu’aux armes, ils ont perdu leurs Etats ». (« Tite-Live »)

« Il ne peut y avoir de bonnes lois sans de bonnes troupes et ces deux éléments de la puissance politique ne vont jamais l’un sans l’autre ». (« Le Prince »)

« Les Princes doivent donc faire de l’art de la guerre leur unique étude et leur seule préoccupation ». (« Le Prince »)

« Une bonne organisation militaire est le fondement de tout Etat ». (« Tite-Live »)

Source : AGIR pour faire front – Novembre 1995


 

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mercredi, 14 mai 2008

Le message de paix de Martin Buber

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Le message de paix de Martin Buber

 

«Mon âme n'est pas près de mon peuple, mais mon âme est mon peuple. Et dans ce même sens, chacun d'entre nous sentira l'avenir de la judéité; il sentira ce qui suit : je veux continuer à vivre, je veux mon avenir, je veux une nouvelle vie entière, une vie pour moi, pour le peuple qui est en moi, pour moi-même qui suis en mon peuple. Car la judéité ne possède pas seulement un passé car je crois qu'en dépit de tout ce qu'elle a créé, elle n'a pas seulement un passé mais aussi un avenir». C'est en ces termes que Martin Buber (1878-1965), philosophe juif de la religion et de la société, décrit les dimensions de l'existence juive et ce sont là des paroles que l'on vou­drait tenir aux Allemands d'aujourd'hui, qui s'empressent trop souvent d'oublier leur propre nation, pour les in­citer à réfléchir, à procéder à une véritable introspection.

 

Avoir vécu une libération

 

Buber est né à Vienne et, après la séparation de ses parents, il a grandi à Lemberg (Lvov/Lviv) en Galicie, dans la maison de son grand-père, qui était directeur de banque et possédait des terres et des mines, vendait des cé­­réales, tout en étant un érudit connaissant à fond le Talmud. A partir de 1896, Buber part étudier à Vienne, à Berlin, à Leipzig, à Zürich et à Florence. Au cours de sa vie étudiante, il adhère au mouvement sioniste, c'est-à-dire national-juif, fondé par Theodor Herzl.

 

Buber décrit sa rencontre avec le sionisme comme une libération vécue : «La première impulsion de ma libé­ra­tion personnelle m'est venue du sionisme. Je ne peut qu'évoquer brièvement ici ce que cela a signifié pour moi: c'était une restauration du lien, un enracinement renouvelé dans la communauté. Aucun être n'a davantage besoin du lien salvateur qui l'attache à son peuple que le jeune homme saisi par une quête spirituelle, enlevé par les forces de l'intellect et emporté dans les empyrées intellectuelles; et parmi les jeunes hommes de cette espèce, qui partagent ce destin, nul n'a autant besoin de ce ré-enracinement que le juif. Les autres conservent en eux peu ou prou l'héritage des siècles, qui leur procure un lien inné et profond à la terre ancestrale et à la tradition populaire, et les préserve de la dissolution; le Juif, lui, est menacé par cette dissolution, même celui qui cultive un sentiment pour la nature, qu'il ne vient d'acquérir que hier, et qui comprend par la médiation de l'entendement ce qu'est l'art populaire et les us et coutumes d'Allemagne; il est menacé directement par la dis­so­lution, il est exposé à elle, s'il ne retrouve par les liens qui doivent l'unir à sa communauté».

 

Buber a esquissé clairement son attitude à l'endroit du sionisme en posant le constat suivant: «Lorsque nous a­vons commencé à servir Israël, notre mot d'ordre était : culture». Tandis que Herzl considérait qu'il fallait éta­blir un Etat national juif en Palestine, pour assurer la renaissance du peuple juif, Buber voulait simplement l'é­ta­blissement de quelques juifs en Palestine, de façon à ce que cette région du globe devienne un centre cultu­rel juif, le point focal d'une renaissance juive. D'après Buber donc, le sionisme culturel juif devait déboucher sur un "humanisme hébraïque". Pour obtenir ce résultat, il fallait fondre en une unité les traditions juives de l'Oc­cident et de l'Orient. La judéité d'Occident, dans cette optique, devait se détourner de tout assimilation aux peuples hôtes, en s'inspirant de l'attitude de la judéité d'Orient et en retrouvant sa propre substance juive: «Tous les éléments qui, pour elle, peuvent contribuer à faire de la Nation une réalité sont manquants: elle n'a ni terre ni langue ni forme de vie… Tous ces éléments ne sont pas ceux de la communauté de son sang, ap­partiennent à d'autres communautés».

 

A partir de 1905, devenu docteur en philosophie, Martin Buber travaille auprès du lectorat d'une maison d'édition de Francfort, puis devient écrivain. En 1919, il entame une carrière d'enseignant auprès de la "Frank­fur­ter Jüdisches Lehrhaus"; en 1923, l'Université de Francfort lui offre une chaire de sciences religieuses et d'é­thique juive, qui se transformera en 1930 en un titre de professeur honoraire. Après la prise du pouvoir par les na­tionaux-socialistes, Buber abandonne ce titre de professeur avant qu'on ne le lui ôte d'office; il crée aussitôt un "office juif pour la formation des adultes".

 

Se lier aux Arabes dans la justice

 

Dans les premières années du III° Reich, les activités de Buber sont entravées par diverses mesures vexatoires com­me l'interdiction d'avoir des activités publiques en 1935; malgré cela, Buber n'a jamais exprimé publique­ment de jugements négatifs contre le régime national-socialiste avant son émigration en Palestine en mars 1938. Buber ne voulait pas mettre en danger les efforts des sionistes pour préparer les Juifs désireux d'émigrer à la vie qui les attendait en Palestine. Cette attitude circonspecte était nécessaire s'il voulait aider effica­ce­ment ses coreligionnaires en danger. Rétrospectivement, Buber se rappelle d'une conversation téléphonique qu'il avait eue avec le "diable-en-chef" à Berlin : «J'ai dû passer par trois antichambres et attendre chaque fois les connexions, qui m'amenaient toujours plus haut dans la hiérarchie, et, finalement, j'ai eu celui que je vou­lais avoir, Goebbels, en chair et en os, au bout du fil. Aux fonctionnaires qui servaient d'intermédiaires, j'avais simplement dit mon nom et exprimé mon souhait de parler au ministre. C'est ainsi que j'ai pu l'atteindre et, après dix minutes, j'ai obtenu son assentiment pour ce que je lui demandais».

 

En 1938, Buber reçoit à Jérusalem une chaire de philosophie sociale à l'Université Hébraïque. Contrairement à la plupart des sionistes, Buber a réclamé l'avènement d'un Etat bi-national, juif et arabe. Dès 1921, il avait dit au Congrès sioniste de Karlsbad : «Nous voulons nous lier aux Arabes dans un esprit de justice, sur une terre que nous habiterons en commun, afin de réaliser une communauté économique et culturelle prospère, de construire celle-ci en permettant à chacun de développer sa composante nationale en pleine autonomie». En aucun cas, pensait Buber, les Arabes ne devaient se retrouver en minorité. En 1938, il a averti ses compatriotes juifs de Palestine: «Nous n'avons rien à gagner par la violence aveugle. Au contraire, en faisant usage d'une tel­le violence, nous perdrons tout».

 

L'«humanisme hébraïque» de Buber a échoué, parce que l'antagonisme entre Juifs et Arabes n'a cessé de croî­tre. Peu avant de mourir, il a encore tenté de lancer un avertissement solennel à ses contemporains : «… les re­pré­sentants spirituels des deux communautés doivent en arriver à dialoguer véritablement, se lier dans la jus­tice et le respect mutuels».

 

Manfred MÜLLER.

(DNZ-München, Nr.33/2002).

 

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mardi, 13 mai 2008

Pour préciser les positions de "Synergies Européennes" (2)

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Robert STEUCKERS: Pour préciser les positions de "Synergies Européennes" (2)

Propos recueillis par Pieter Van Damme

 

Pourquoi Synergies accorde-t-elle tant d'attention à la Russie, outre le fait que ce pays fasse partie de l'ensemble eurasien?

 

L'attention que nous portons à la Russie procède d'une analyse géopolitique de l'histoire européenne. La pre­miè­re intuition qui a mobilisé nos efforts depuis près d'un quart de siècle, c'est que l'Europe, dans laquelle nous étions nés, celle de la division sanctionnée par les conférences de Téhéran, Yalta et Postdam, était invivable, condamnait nos peuples à sortir de l'histoire, à vivre une stagnation historique, économique et politique, ce qui, à terme, signifie la mort. Bloquer l'Europe à hauteur de la frontière entre l'Autriche et la Hongrie, couper l'Elbe à hauteur de Wittenberge et priver Hambourg de son hinterland brandebourgeois, saxon et bohémien, sont autant de stratégies d'étranglement. Le Rideau de Fer coupait l'Europe industrielle de territoires complé­mentaires et de cette Russie, qui, à la fin du XIXième siècle, devenait le fournisseur de matières premières de l'Europe, la prolongation vers le Pacifique de son territoire, le glacis indispensable verrouillant le territoire de l'Europe contre les assauts des peuples de la steppe qu'elle avait subis jusqu'au XVIième siècle. La propagande anglaise décrivait le Tsar comme un monstre en 1905 lors de la guerre russo-japonaise, favorisait les menées sé­ditieuses en Russie, afin de freiner cette synergie euro-russe d'avant le communisme. Le communisme, finan­cé par des banquiers new-yorkais, tout comme la flotte japonaise en 1905, a servi à créer le chaos en Russie et à empêcher des relations économiques optimales entre l'Europe et l'espace russo-sibérien. Exactement comme la révolution française, appuyé par Londres (cf. Olivier Blanc, Les hommes de Londres, Albin Michel), a ruiné la France, a annihilé tous ses efforts pour se constituer une flotte atlantique et se tourner vers le large plutôt que vers nos propres territoires, a fait des masses de conscrits français (et nord-africains) une chaire à canon pour la City, pendant la guerre de Crimée, en 1914-1918 et en 1940-45. Une France tournée vers le large, comme le vou­lait d'ailleurs Louis XVI, aurait engrangé d'immenses bénéfices, aurait assuré une présence solide dans le Nouveau Monde et en Afrique dès le XVIIIième siècle, n'aurait probablement pas perdu ses comptoirs indiens. Une France tournée vers la ligne bleue des Vosges a provoqué sa propre implosion démographique, s'est sui­ci­dée biologiquement. Le ver était dans le fruit: après la perte du Canada en 1763, une maîtresse hissée au rang de marquise a dit: "Bah! Que nous importent ces quelques arpents de neige" et "après nous, le déluge". Grande clairvoyance politique! Qu'on peut comparer à celle d'un métapolitologue du 11ième arrondissement, qui prend de haut les quelques réflexions de Guillaume Faye sur l'“Eurosibérie”! En même temps, cette monarchie fran­çaise sur le déclin s'accrochait à notre Lorraine impé­ria­le, l'ar­ra­chait à sa famille impériale naturelle, scandale auquel le gouverneur des Pays-Bas autrichiens, Charles de Lor­rai­ne n'a pas eu le temps de remédier; Grand Maî­tre de l'Ordre Teutonique, il voulait financer sa re­con­quê­te en pa­yant de sa propre cassette une armée bien en­traînée et bien équipée de 70.000 hommes, triés sur le volet. Sa mort a mis un terme à ce projet. Cela a em­pê­ché les armées européennes de disposer du glacis lor­rain pour venir mettre un terme, quelques années plus tard, à la comédie révolutionnaire qui ensanglantait Pa­ris et allait commettre le génocide vendéen. Pour le grand bénéfice des services de Pitt!

 

Dans l'état actuel de nos recherches, nous constatons d'abord que le projet de reforger une alliance euro-russe in­défectible n'est pas une anomalie, une lubie ou une idée originale. C'est tout le contraire! C'est le souci im­pé­rial récurrent depuis Charlemagne et Othon I! Quarante ans de Guerre Froide, de division Est-Ouest et d'abru­tis­­sement médiatique téléguidé depuis les Etats-Unis ont fait oublier à deux ou trois générations d'Européens les ressorts de leur histoire.

 

Le limes romain sur le Danube

 

Ensuite, nos lectures nous ont amenés à constater que l'Europe, dès l'époque carolingienne, s'est voulue l'hé­ri­tiè­­re de l'Empire romain et a aspiré à restituer celui-ci tout le long de l'ancien limes danubien. Rome avait con­trô­­lé le Danube de sa source à son embouchure dans la Mer Noire, en déployant une flotte fluviale im­por­tante, rigoureusement organisée, en construisant des ouvrages d'art, dont des ponts de dimensions colossales pour l'époque (avec piliers de 45 m de hauteur dans le lit du fleuve), en améliorant la technique des ponts de bateaux pour les traversées offensives de ses légions, en concentrant dans la trouée de Pannonie plusieurs légions fort aguerries et disposant d'un matériel de pointe, de même que dans la province de Scythie, correspondant à la Dobroudja au sud du delta du Danube. L'objectif était de contenir les invasions venues des steppes surtout au niveau des deux points de passage sans relief important que sont justement la plaine hongroise (la "puszta") et cette Dobroudja, à la charnière de la Roumanie et de la Bulgarie actuelles. Un empire ne pouvait éclore en Europe, dans l'antiquité et au haut moyen âge, si ces points de passage n'étaient pas ver­rouil­lés pour les peuples non européens de la steppe. Ensuite, dans le cadre de la Sainte-Alliance du Prince Eu­gè­ne (cf. infra), il fallait les dégager de l'emprise turque ottomane, irruption étrangère à l'européité, venue du Sud-Est. Après les études de l'Américain Edward Luttwak sur la stratégie militaire de l'Empire romain, on con­sta­te que celui-ci n'é­tait pas seulement un empire circum-méditerranéen, centré autour de la Mare Nostrum, mais aussi un em­pi­re danubien, voire rhéno-danubien, avec un fleuve traversant toute l'Europe, où sillonnait non seulement une flot­te militaire, mais aussi une flotte civile et marchande, permettant les échanges avec les tri­bus germa­ni­ques, daces ou slaves du Nord de l'Europe. L'arrivée des Huns dans la trouée de Pannonie bou­le­ver­se cet ordre du monde antique. L'étrangeté des Huns ne permet pas de les transformer en Foederati comme les peuples germaniques ou daces.

 

Les Carolingiens voudront restaurer la libre circulation sur le Danube en avançant leurs pions en direction de la Pan­nonie occupée par les Avars, puis par les Magyars. Charlemagne commence à faire creuser le canal Rhin-Da­nu­be que l'on nommera la Fossa Carolina. On pense qu'elle a été utilisée, pendant un très bref laps de temps, pour acheminer troupes et matériels vers le Noricum et la Pannonie. Charlemagne, en dépit de ses liens privi­lé­giés avec la Papauté romaine, souhaitait ardemment la reconnaissance du Basileus byzantin et envisageait mê­me de lui donner la main d'une de ses filles. Aix-la-Chapelle, capitale de l'Empire germanique, est construite com­me un calque de Byzance, titulaire légitime de la dignité impériale. Le projet de mariage échoue, sans rai­son apparente autre que l'attachement personnel de Charlemagne à ses filles, qu'il désirait garder près de lui, en en faisant les maîtresses des grands abbés carolingiens, sans la moindre pudibonderie. Cet attachement pa­ternel n'a donc pas permis de sceller une alliance dynastique entre l'Empire germanique d'Occident et l'Empire ro­main d'Orient. L'ère carolingienne s'est finalement soldée par un échec, à cause d'une constellation de puis­san­ces qui lui a été néfaste: les rois francs, puis les Carolingiens (et avant eux, les Pippinides), se feront les al­liés, parfois inconditionnels, du Pape romain, ennemis du christianisme irlando-écossais, qui missionne l'Alle­ma­gne du Sud danubienne, et de Byzance, héritière légale de l'impérialité romaine. La papauté va vouloir uti­li­ser les énergies germaniques et franques contre Byzance, sans autre but que d'asseoir sa seule suprématie. Alors qu'il aurait fallu continuer l'œuvre de pénétration pacifique des Irlando-Ecossais vers l'Est danubien, à par­tir de Bregenz et de Salzbourg, favoriser la transition pacifique du paganisme au christianisme irlandais au lieu d'accorder un blanc seing à des zélotes à la solde de Rome comme Boniface, parce que la variante irlando-écossaise du christianisme ne s'opposait pas à l'orthodoxie byzantine et qu'un modus vivendi aurait pu s'établir ainsi de l'Irlande au Caucase. Cette synthèse aurait permis une organisation optimale du continent européen, qui aurait rendu impossible le retour des peuples mongols et les invasions turques des 10ième et 11ième siècles. Ensuite, la reconquista de l'Espagne aurait été avancée de six siècles!

 

[Pour en savoir plus: Robert STEUCKERS, «Mystères pontiques et panthéisme celtique à la source de la spi­ri­tualité européenne», in: Nouvelles de Synergies européennes, n°39, 1999]. 

 

Après Lechfeld en 955, l'organisation de la trouée pannonienne

 

Ces réflexions sur l'échec des Carolingiens, exemplifié par la bigoterie stérile et criminelle de son descendant Louis le Pieux, démontre qu'il n'y a pas de bloc civilisationnel européen cohérent sans une maîtrise et une or­ga­ni­sation du territoire de l'embouchure du Rhin à la Mer Noire. D'ailleurs, fait absolument significatif, Othon I re­çoit la dignité impériale après la bataille de Lechfeld en 955, qui permet de reprendre pied en Pannonie, après l'é­li­mination des partisans du khan magyar Horka Bulcsu, et l'avènement des Arpads, qui promettent de ver­rouil­ler la trouée pannonienne comme l'avaient fait les légions romaines au temps de la gloire de l'Urbs. Grâce à l'armée germanique de l'Empereur Othon I et la fidélité des Hongrois à la promesse des Arpads, le Danube re­de­vient soit germano-romain soit byzantin (à l'Est des "cataractes" de la Porte de Fer). Si la Pannonie n'est plus une voie de passage pour les nomades d'Asie qui peuvent disloquer toute organisation politique continentale en Eu­rope, ipso facto, l'impérialité est géographiquement restaurée.

 

Othon I, époux d'Adelaïde, héritière du royaume lombard d'Italie, entend réorganiser l'Empire en assurant sa main­mise sur la péninsule italique et en négociant avec les Byzantins, en dépit des réticences papales. En 967, dou­ze ans après Lechfeld, cinq ans après son couronnement, Othon reçoit une ambassade du Basileus byzantin Ni­céphore Phocas et propose une alliance conjointe contre les Sarrasins. Elle se réalisera tacitement avec le suc­cesseur de Nicéphore Phocas, plus souple et plus clairvoyant, Ioannes Tzimisces, qui autorise la Princesse by­zantine Théophane à épouser le fils d'Othon I, le futur Othon II en 972. Othon II ne sera pas à la hauteur, es­su­yant une défaite terrible en Calabre en 983 face aux Sarrasins. Othon III, fils de Théophane, qui devient ré­gente en attendant sa majorité, ne parviendra pas à consolider son double héritage, germanique et byzantin.

 

Le règne ultérieur d'un Konrad II sera exemplaire à ce titre. Cet empereur salien vit en bonne intelligence avec By­zance, dont les territoires à l'Est de l'Anatolie commencent à être dangereusement harcelés par les raids sel­djoukides et les rezzou arabes. L'héritage othonien en Pannonie et en Italie ainsi que la paix avec Byzance per­met­tent une véritable renaissance en Europe, confortée par un essor économique remarquable. Grâce à la vic­toi­re d'Othon I et à l'inclusion de la Pannonie des Arpad dans la dynamique impériale européenne, l'économie de notre continent entre dans une phase d'essor, la croissance démographique se poursuit (de l'an 1000 à 1150 la population augmente de 40%), le défrichage des forêts bat son plein, l'Europe s'affirme progressivement sur les rives septentrionales de la Méditerranée et les cités italiennes amorcent leur formidable processus d'é­pa­nouis­sement, les villes rhénanes deviennent des métropoles importantes (Cologne, Mayence, Worms avec sa su­per­be cathédrale romane).

 

Cet essor et le règne paisible mais fort de Konrad II démontrent que l'Europe ne peut connaître la prospérité éco­nomique et l'épanouissement culturel que si l'espace entre la Moravie et l'Adriatique est sécurisé. Dans tous les cas contraires, c'est le déclin et le marasme. Leçon historique cardinale qu'ont retenue les fossoyeurs de l'Eu­rope: à Versailles en 1919, ils veulent morceler le cours du Danube en autant d'Etats antagonistes que pos­si­ble; en 1945, ils veulent établir une césure sur le Danube à hauteur de l'antique frontière entre le Noricum et la Pannonie; entre 1989 et 2000, ils veulent installer une zone de troubles permanents dans le Sud-Est euro­péen afin d'éviter la soudure Est-Ouest et inventent l'idée d'un fossé civilisationnel insurmontable entre un Oc­ci­dent protestant-catholique et un Orient orthodoxe-byzantin (cf. les thèses de Samuel Huntington).

 

Au Moyen Age, c'est la Rome papale qui va torpiller cet essor en contestant le pouvoir temporel des Empereurs ger­maniques et en affaiblissant de la sorte l'édifice européen tout entier, privé d'un bras séculier puissant et bien articulé. Le souhait des empereurs était de coopérer dans l'harmonie et la réciprocité avec Byzance, pour re­staurer l'unité stratégique de l'Empire romain avant la césure Occident/Orient. Mais Rome est l'ennemie de By­zance, avant même d'être l'ennemie des Musulmans. A l'alliance tacite, mais très mal articulée, entre l'Em­pe­reur germanique et le Basileus byzantin, la Papauté opposera l'alliance entre le Saint-Siège, le royaume nor­mand de Sicile et les rois de France, alliance qui appuie aussi tous les mouvements séditieux et les intérêts sec­toriels et bassement matériels en Europe, pourvu qu'ils sabotent les projets impériaux.

 

Le rêve italien des Empereurs germaniques

 

Le rêve italien des Empereurs, d'Othon III à Frédéric II de Hohenstaufen, vise à unir sous une même autorité su­prê­me les deux grandes voies de communication aquatiques en Europe: le Danube au centre des terres et la Mé­diterranée, à la charnière des trois continents. A rebours des interprétations nationales-socialistes ou folci­stes ("völkisch") de Kurt Breysig et d'Adolf Hitler lui-même, qui n'ont eu de cesse de critiquer l'orientation ita­lien­ne des Empereurs germaniques du Haut Moyen Age, force est de constater que l'espace entre Budapest (l'an­tique Aquincum des Romains) et Trieste sur l'Adriatique, avec, pour prolongement, la péninsule italienne et la Sicile, permettent, si ces territoires sont unis par une même volonté politique, de maîtriser le continent et de faire face à toutes les invasions extérieures: celles des nomades de la steppe et du désert arabique. Les Pa­pes contesteront aux Empereurs le droit de gérer pour le bien commun du continent les affaires italiennes et si­ci­liennes, qu'ils considéraient comme des apanages personnels, soustraits à toute logique continentale, politi­que et stratégique: en agissant de la sorte, et avec le concours des Normands de Sicile, ils ont affaibli leur en­ne­mie, Byzance, mais, en même temps, l'Europe toute entière, qui n'a pas pu reprendre pied en Afrique du Nord, ni libérer la péninsule ibérique plus tôt, ni défendre l'Anatolie contre les Seldjoukides, ni aider la Russie qui faisait face aux invasions mongoles. La situation exigeait la fédération de toutes les forces dans un projet commun.

 

Par les menées séditieuses des Papes, des rois de France, des émeutiers lombards, des féodaux sans scrupules, no­tre continent n'a pas pu être "membré" de la Baltique à l'Adriatique, du Danemark à la Sicile (comme l'avait éga­lement voulu un autre esprit clairvoyant du XIIIième siècle, le Roi de Bohème Ottokar II Premysl). L'Europe était dès lors incapable de parfaire de grands desseins en Méditerranée (d'où la lenteur de la reconquista, lais­sée aux seuls peuples hispaniques, et l'échec des croisades). Elle était fragilisée sur son flanc oriental et a fail­li, après les désastres de Liegnitz et de Mohi en 1241, être complètement conquise par les Mongols. Cette fragi­li­té, qui aurait pu lui être fatale, est le résultat de l'affaiblissement de l'institution impériale à cause des mani­gan­ces papales.

 

De la nécessaire alliance des deux impérialités européennes

 

En 1389, les Serbes s'effondrent devant les Turcs lors de la fameuse bataille du Champ des Merles, prélude dra­ma­tique à la chute définitive de Constantinople en 1453. L'Europe est alors acculée, le dos à l'Atlantique et à l'Arctique. La seule réaction sur le continent vient de Russie, pays qui hérite ainsi ipso facto de l'impérialité byzantine à partir du moment où celle-ci cesse d'exister. Moscou devient donc la "Troisième Rome"; elle hérite de Byzance la titulature de l'impérialité orientale. Il y avait deux empires en Europe, l'Empire romain d'Occi­dent et l'Empire romain d'Orient; il y en a toujours deux malgré la chute de Constantinople: le Saint-Empire ro­main germanique et l'Empire russe. Ce dernier passe directement à l'offensive, grignote les terres conquises par les Mongols, détruit les royaumes tatars de la Volga, pousse vers la Caspienne. Par conséquent, tradition et géo­­politique obligent: l'alliance voulue par les empereurs germaniques depuis Charlemagne entre Aix-la-Cha­pel­le et Byzance, doit être poursuivie mais, dorénavant, par une alliance impériale germano-russe. L'Empereur d'Oc­­cident (germanique) et l'Empereur d'Orient (russe) doivent agir de concert pour repousser les ennemis de l'Eu­rope (espace stratégique à deux têtes comme le symbolise l'aigle bicéphale) et dégager nos terres de l'en­cer­clement ot­­toman et musulman, avec l'appui des rois locaux: rois d'Espagne, de Hongrie, etc. Telle est la rai­son his­to­ri­que, métaphysique et géopolitique de toute alliance germano-russe.

 

Cette alliance fonctionnera, en dépit de la trahison française. La France était hostile à Byzance pour le compte des Papes anti-impériaux de Rome. Elle participera à la destruction des glacis de l'Empire à l'Ouest et s'alliera aux Turcs contre le reste de l'Europe. D'où les contradictions insolubles des "nationalistes" français: simulta­né­ment, ils se réclament de Charles Martel (un Austrasien de nos pays d'entre Meuse et Rhin, appelé au secours d'une Neustrie et d'une Aquitaine mal organisées, décadentes et en proie à toutes sortes de dissensions,  qui n'a­vaient pas su faire face à l'invasion arabe) mais ces mêmes nationalistes français avalisent les crimes de trahison des rois, cardinaux et ministres félons: François I, Henri II, Richelieu, Louis XIV, Turenne, voire des séi­des de la Révolution, comme si, justement, Charles Martel l'Austrasien n'avait jamais existé!

 

L'Alliance austro-russe fonctionne avec la Sainte-Alliance mise sur pied par Eugène de Savoie à la fin du XVIIiè­me siècle, qui repousse les Ottomans sur toutes les frontières, de la Bosnie au Caucase. L'intention géopo­liti­que est de consolider la trouée pannonienne, de maître en service une flotte fluviale danubienne, d'organiser une défense en profondeur de la frontière par des unités de paysans-soldats croates, serbes, roumains, appuyés par des colons allemands et lorrains, de libérer les Balkans et, en Russie, de reprendre la Crimée et de con­trô­ler les côtes septentrionales de la Mer Noire, afin d'élargir l'espace européen à son territoire pontique au com­plet. Au XVIIIième siècle, Leibniz réitère cette nécessité d'inclure la Russie dans une grande alliance euro­péen­ne contre la poussée ottomane. Plus tard, la Sainte-Alliance de 1815 et la Pentarchie du début du XIXième sièc­le prolongeront cette même logique. L'alliance des trois empereurs de Bismarck et la politique de concertation avec Saint-Pétersbourg, qu'il n'a cessé de pratiquer, sont des applications modernes du vœu de Charlemagne (non réalisé) et d'Othon I, véritable fondateur de l'Europe. Dès que ces alliances n'ont plus fonctionné, l'Europe est entrée dans une nouvelle phase de déclin, au profit, notamment, des Etats-Unis. Le Traité de Versailles de 1919 vise la neutralisation de l'Allemagne et son pendant, le Traité du Trianon, sanctionne le morcellement de la Hongrie, privée de son extension dans les Tatras (la Slovaquie) et de son union avec la Croatie créée par le roi Tomislav, union instaurée plus tard par la Pacta Conventa en 1102, sous la direction du roi hongrois Ko­lo­man Könyves ("Celui qui aimait les livres jusqu'à la folie"). Versailles détruit ce que les Romains avaient uni, re­staure ce que les troubles des siècles sombres avaient imposé au continent, détruit l'œuvre de la Couronne de Saint-Etienne qui avait harmonieusement restauré l'ordre romain tout en respectant la spécificité croate et dal­mate. Versailles a surtout été un crime contre l'Europe parce que cette nécessaire harmonie hungaro-croate en cette zone géographique clef a été détruite et a précipité à nouveau l'Europe dans une période de troubles inu­tiles, à laquelle un nouvel empereur devra nécessairement, un jour, mettre un terme. Wilson, Clemenceau et Poincaré, la France et les Etats-Unis, portent la responsabilité de ce crime devant l'histoire, de même que les tenants écervelés de cette éthique de la conviction (et, partant, de l'irresponsabilité) portée par le laïcisme de mouture franco-révolutionnaire. Derrière l'hostilité de façade à la re­ligion catholique qu'elle professe, cette idéo­logie pernicieuse a agi exactement comme les papes simonia­ques du Moyen Age: elle a détruit les principes d'organisation optimaux de notre Europe, ses adeptes étant a­veu­glés par des principes fumeux et des intérêts sor­dides, sans profondeur historique et temporelle. Principes et intérêts totalement inaptes à fournir les assi­ses d'une organisation politique, pour ne même pas parler d'un em­pire. 

 

Face à ce désastre, Arthur Moeller van den Bruck, figure de proue de la révolution conservatrice, lance l'idée d'u­ne nouvelle alliance avec la Russie en dépit de l'installation au pouvoir du bolchevisme léniniste, car le prin­ci­­pe de l'alliance des deux Empires doit demeurer envers et contre la désacralisation, l'horizontalisation et la pro­­fanation de la politique. Le Comte von Brockdorff-Rantzau appliquera cette diplomatie, ce qui conduira à l'an­ti-Versailles germano-soviétique: les accords de Rapallo signés entre Rathenau et Tchitcherine en 1922. De là, nous revenons à la problématique du "national-bolchevisme" que j'ai évoquée par ailleurs dans cet entre­tien.

 

Dans les années 80, quand l'évolution des stratégies militaires, des armements et surtout des missiles balisti­ques inter-continentaux, amène au constat qu'aucune guerre nucléaire n'est possible en Europe sans la des­truc­tion totale des pays engagés, il apparaît nécessaire de sortir de l'impasse et de négocier pour ré-impliquer la Rus­sie dans le concert européen.  Après la perestroïka, amorcée en 1985 par Gorbatchev, le dégel s'annonce, l'es­­poir reprend: il sera vite déçu. La succession des conflits inter-yougoslaves va à nouveau bloquer l'Europe en­­tre la trouée pannonienne et l'Adriatique, tandis que les officines de propagande médiatique, CNN en tête, in­ven­tent mille et une raisons pour approfondir le fossé entre Européens et Russes.

 

Blocage des dynamiques européennes entre Bratislava et Trieste

 

Ces explications d'ordre historique doivent nous amener à comprendre que les soi-disant défenseurs d'un Occi­dent sans la Russie (ou contre la Russie) sont en réalité les fossoyeurs papistes ou maçonniques de l'Europe et que leurs agissements condamnent notre continent à la stagnation, au déclin et à la mort, comme il avait sta­gné, décliné et dépéri entre les invasions hunniques et la restauratio imperii d'Othon I, à la suite de la bataille de Lechfeld en 955. Dès la ré-organisation de la plaine hongroise et son inclusion dans l'orbe européenne, l'es­sor écono­mi­que et démographique de l'Europe ne s'est pas fait attendre. C'est une renaissance analogue que l'on a voulu éviter après le dégel qui a suivi la perestroïka de Gorbatchev, car cette règle géopolitique ga­ran­tis­sant la prospérité est toujours valable (par exemple, l'économie autrichienne avait triplé son chiffre d'affaire en l'espace de quelques années après le démantèlement du Rideau de fer le long de la frontière austro-hon­groise en 1989). Nos adversaires connaissent bien les ressorts de l'histoire européenne. Mieux que notre propre per­sonnel politique pusillanime et décadent. Ils savent que c'est toujours là, entre Bratislava et Trieste, qu'il faut nous frapper, nous bloquer, nous étran­gler. Pour éviter une nouvelle union des deux Empires et une nou­vel­le période de paix et de prospérité, qui fe­rait rayonner l'Europe de mille feux et condamnerait ses con­cur­rents à des rôles de seconde zone, tout sim­ple­ment parce qu'ils ne possèdent pas le vaste éventail de nos po­tentialités, fruits de nos différences et de nos spé­cificités.   

 

Quelles sont les positions concrètes de Synergies Européennes sur des institutions comme le Parlement, la représentation populaire, etc.  

 

La vision de "Synergies Européennes" est démocratique mais hostile à toutes les formes de partitocratie, car celle-ci, qui se prétend “démocratique”, est en fait un parfait déni de démocratie. Sur le plan théorique, "Sy­ner­gies Européennes" se réclame d'un libéral russe du début du siècle, militant du Parti des Cadets: Moshe Os­tro­govski. L'analyse que ce libéral russe d'avant la révolution bolchevique nous a laissée repose sur un constat évi­dent: toute démocratie devrait être un système calqué sur la mouvance des choses dans la Cité. Les mé­ca­nismes électoraux visent logiquement à faire représenter les effervescences à l'œuvre dans la société, au jour le jour, sans pour autant bouleverser l'ordre immuable du politique. Par conséquent, les instruments de la re­pré­sentation, c'est-à-dire les partis politiques, doivent, eux aussi, être transitoires, représenter les ef­fer­ves­cences passagères et ne jamais viser à la pérennité. Les dysfonctionnements de la démocratie parlementaire dé­coulent du fait que les partis deviennent des permanences rigides au sein des sociétés, cooptant en leur sein des individus de plus en plus médiocres. Pour pallier à cet inconvénient, Ostrogovski suggère une démocratie re­posant sur des partis "ad hoc", réclamant ponctuellement des réformes urgentes ou des amendements précis, puis proclamant leur propre dissolution pour libérer leur personnel, qui peut alors forger de nouveaux mou­ve­ments pétitionnaires, ce qui permet de redistribuer les cartes et de répartir les militants dans de nouvelles for­ma­tions, qui seront tout aussi provisoires. Les parlements accueilleraient ainsi des citoyens qui ne s'en­croû­te­raient jamais dans le professionnalisme politicien. Les périodes de législature seraient plus courtes ou, comme au début de l'histoire de Belgique ou dans le Royaume-Uni des Pays-Bas de 1815 à 1830, le tiers de l'assemblée serait renouvelé à chaque tiers du temps de la législation, permettant une circulation plus accélérée du per­son­nel politique et une élimination par la sanction des urnes de tous ceux qui s'avèrent incompétents; cette cir­culation n'existe plus aujourd'hui, ce qui, au-delà du problème du vote censitaire, nous donne aujourd'hui une démocratie moins parfaite qu'à l'époque. Le problème est d'éviter des carrières politiciennes chez des in­dividus qui finiraient par ne plus rien connaître de la vie civile réelle.

 

Weber & Minghetti: pour le maintien de la séparation des trois pouvoirs

 

Max Weber aussi avait fait des observations pertinentes: il constatait que les partis socialistes et démocrates-chré­tiens (le "Zentrum" allemand) installaient des personnages sans compétence à des postes clef, qui pre­naient des décisions en dépit du bon sens, étaient animés par des éthiques de la conviction et non plus de la res­­ponsabilité et exigeaient la répartition des postes politiques ou des postes de fonctionnaires au pro rata des voix sans qu'il ne leur soit réclamé des compétences réelles pour l'exercice de leur fonction. Le ministre libéral ita­­lien du XIXième siècle, Minghetti, a perçu très tôt que ce système mettrait vite un terme à la séparation des trois pouvoirs, les partis et leurs militants, armés de leur éthique de la conviction, source de toutes les dé­ma­go­gies, voulant contrôler et manipuler la justice et faire sauter tous les cloisonnements entre législatif et exé­cu­tif. L'équilibre démocratique entre les trois pouvoirs, posés au départ comme étanches pour garantir la liber­té des citoyens, ainsi que l'envisageait Montesquieu, ne peut plus ni fonctionner ni exister, dans un tel contexte d'hy­stérie et de démagogie. Nous en sommes là aujourd'hui.

 

“Synergies Européennes“ ne critique donc pas l'institution parlementaire en soi, mais marque nettement son hostilité à tout dysfonctionnement, à toute intervention privée (les partis sont des associations privées, dans les faits et comme le rappelle Ostrogovski) dans le recrutement du personnel politique, de fonctionnaires, etc., à tout népotisme (cooptation de membres de la famille d'un politicien ou d'un fonctionnaire à un poste poli­tique ou administratif). Seuls les examens réussis devant un jury complètement neutre doivent permettre l'ac­ces­sion à une charge. Tout autre mode de recrutement devrait constituer un délit très grave.

 

Nous pensons également que les parlements ne devraient pas être uniquement des chambres de représentation où ne siègeraient que des élus issus de partis politiques (donc d'associations privées exigeant une discipline n'autorisant aucun droit de tendance ou aucune initiative personnelle du député). Tous les citoyens ne sont pas membres de partis et, de fait, la majorité d'entre eux ne possède pas de carte ou d'affiliation. Par conséquent, les partis ne représentent généralement que 8 à 10% de la population et 100% du parlement! Le poids exagéré des partis doit être corrigé par une représentation issue des associations professionnelles et des syndicats, comme l'envisageait De Gaulle et son équipe quand ils parlaient de “sénat des professions et des régions”. Pour le Professeur Bernard Willms (1931-1991), le modèle constitutionnel qu'il appelait de ses vœux repose sur une assemblée tricamérale (Parlement, Sénat, Chambre économique). Le Parlement se recruterait pour moitié parmi les candidats désignés par des partis et élus personnellement (pas de vote de liste); l'autre moitié étant constituée de représentants des conseils corporatifs et professionnels. Le Sénat serait essentiellement un orga­ne de représentation régionale (comme le Bundesrat allemand ou autrichien). La Chambre économique, égale­ment organisée sur base des régions, représenterait les corps sociaux, parmi lesquels les syndicats.

 

Le problème est de consolider une démocratie appuyée sur les "corps concrets" de la société et non pas seu­lement sur des associations privées de nature idéologique et arbitraire comme les partis. Cette idée rejoint la dé­finition donnée par Carl Schmitt des “corps concrets”. Par ailleurs, toute entité politique repose sur un pa­tri­moine culturel, dont il doit être tenu compte, selon l'analyse faite par un disciple de Carl Schmitt, Ernst Ru­dolf Huber. Pour Huber, l'Etat cohérent est toujours un Kulturstaat et l'appareil étatique a le devoir de main­tenir cette culture, expression d'une Sittlichkeit, dépassant les simples limites de l'éthique pour englober un va­ste de champs de productions artistiques, culturelles, structurelles, agricoles, industrielles, etc., dont il faut main­tenir la fécondité. Une représentation plus diversifiée, et étendue au-delà des 8 à 10% d'affiliés aux partis, per­met justement de mieux garantir cette fécondité, répartie dans l'ensemble du corps social de la nation. La dé­fense des "corps concrets", postule la trilogie “communauté, solidarité, subsidiarité”, réponse conservatrice, dès le 17ième siècle, au projet de Bodin, visant à détruire les “corps intermédiaires” de la société, donc les “corps concrets”, pour ne laisser que le citoyen-individu isolé face au Léviathan étatique. Les idées de Bodin ont été réalisées par la révolution française et son fantasme de géométrisation de la société, qui a justement com­mencé par l'éradication des associations professionnelles par la Loi Le Chapelier de 1791. Aujourd'hui, le re­cours actualisé à la trilogie “communauté, solidarité, subsidiarité” postule de donner un maximum de re­pré­sen­tativité aux associations professionnelles, aux masses non encartées, et de diminuer l'arbitraire des partis et des fonctionnaires. De même, le Professeur Erwin Scheuch (Cologne) propose aujourd'hui une série de mesures con­crètes pour dégager la démocratie parlementaire de tous les dysfonctionnements et corruptions qui l'étouf­fent.

 

[Pour en savoir plus: 1) Ange SAMPIERU, «Démocratie et représentation», in: Orientations, n°10, 1988; 2) Ro­­bert STEUCKERS, «Fondements de la démocratie organique», in: Orientations, n°10, 1988; 3) Robert STEUCKERS, Bernard Willms (1931-1991): Hobbes, la nation allemande, l'idéalisme, la critique politique des “Lumières”, Synergies, Forest, 1996; 4) Robert STEUCKERS, «Du déclin des µours politiques», in: Nou­vel­les de Synergies européennes, n°25, 1997 (sur les thèses du Prof. Erwin Scheuch); 5) Robert STEUCKERS, «Pro­po­sitions pour un renouveau politique», in: Nouvelles de Synergies européennes, n°33, 1998 (en fin d'article, sur les thèses d'Ernst Rudolf Huber); 6) Robert STEUCKERS, «Des effets pervers de la partitocratie», in: Nou­vel­les de Synergies européennes, n°41, 1999].  

 

Bibliographie:

◊ Jean-Pierre CUVILLIER, L'Allemagne médiévale, deux tomes, Payot, tome 1, 1979, tome 2, 1984.

◊ Karin FEUERSTEIN-PRASSER, Europas Urahnen. Vom Untergang des Weströmischen Reiches bis zu Karl dem Grossen, F. Pustet, Regensburg, 1993.

◊ Karl Richard GANZER, Het Rijk als Europeesche Ordeningsmacht, Die Poorten, Antwerpen, 1942.

◊ Wilhelm von GIESEBRECHT, Deutsches Kaisertum im Mittelalter, Verlag Reimar Hobbing, Berlin, s.d.

◊ Eberhard HORST, Friedrich II. Der Staufer. Kaiser - Feldherr - Dichter, W. Heyne, München, 1975-77.

◊ Ricarda HUCH, Römischer Reich Deutscher Nation, Siebenstern, München/Hamburg, 1964.

◊ Edward LUTTWAK, La grande stratégie de l'Empire romain, Economica, 1987.

◊ Michael W. WEITHMANN, Die Donau. Ein europäischer Fluss und seine 3000-jährige Geschichte, F. Pustet/Styria, Regensburg, 2000.

◊ Philippe WOLFF, The Awakening of Europe, Penguin, Harmondsworth, 1968.

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lundi, 12 mai 2008

Pour préciser les positions de "Synergies Européennes"

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Questions à Robert Steuckers: Pour préciser les positions de «Synergies Européennes»

 

Propos receuillis par Pieter Van Damme, dans le cadre d'un mémoire de fin d'études

 

 

Dans quelle mesure le "national-bolchevisme" s'insère-t-il dans la "troisième voie", entre libéralisme et marxisme?

Le national-bolchevisme ne fait pas référence à une théorie économique ou à un projet de société: on l'oublie trop souvent. Ce vocable composé a été utilisé pour désigner l'alliance, toute temporaire d'ailleurs, entre les cadres traditionnels de la diplomatie allemande, soucieux de dégager le Reich vaincu en 1918 de l'emprise oc­ci­dentale, et les éléments de pointe du communisme allemand, soucieux d'avoir un allié de poids à l'Ouest pour la nouvelle URSS. Avec Niekisch, ancien cadre de la République des Conseils de Munich, écrasée par les Corps Francs nationalistes mais mandatés par le pouvoir social-démocrate de Noske, le national-bolchevisme prend une coloration plus politique, mais s'auto-désigne, dans la plupart des cas par l'étiquette de "nationale-ré­vo­lutionnaire". Le concept de national-bolchevisme est devenu un concept polémique, utilisé par les journalistes pour désigner l'alliance de deux extrêmes dans l'échiquier politique. Niekisch, à l'époque où il était considéré com­me l'une des figures de proue du national-bolchevisme, n'avait plus d'activités politiques proprement dites; il éditait des journaux appelant à la fusion des extrêmes nationales et communistes (les extrêmes du "fer à che­val" politique disait Jean-Pierre Faye, auteur du livre Les langages totalitaires). La notion de "Troisième Voie" est apparue dans cette littérature. Elle a connu des avatars divers, mêlant effectivement le nationalisme au communisme, voire certains éléments libertaires du nationalisme des jeunes du Wandervogel à certaines op­tions communautaires élaborées à gauche, comme, par exemple, chez Gustav Landauer.

 

[Pour en savoir plus: cf. 1) Thierry MUDRY, «Le “socialisme allemand“: analyse du télescopage entre natio­nalisme et socialisme de 1900 à 1933 en Allemagne», in: Orientations, n°7, 1986; 2) Thierry MUDRY, «L'i­tinéraire d'Ernst Niekisch», in: Orientations, n°7, 1986].

 

Ces mixages idéologiques ont d'abord été élaborés dans le débat interne aux factions nationales-révolu­tion­nai­res de l'époque; ensuite, après 1945, où on espérait qu'une troisième voie deviendrait celle de l'Allemagne dé­chirée entre l'Est et l'Ouest, où cette Allemagne n'aurait plus été le lieu de la césure européenne, mais au con­traire le pont entre les deux mondes, géré par un modèle politique alliant les meilleurs atouts des deux systè­mes, garantissant tout à la fois la liberté et la justice sociale. A un autre niveau, on a parfois appelé "troisième voie", les méthodes de gestion économique allemandes qui, au sein même du libéralisme de marché, se dif­fé­ren­ciaient des méthodes anglo-saxonnes. Celles-ci sont considérées comme trop spéculatives dans leurs dé­mar­ches, trop peu soucieuses des continuités sociales structurées par les secteurs non marchands (médecine & sé­cu­rité sociale, enseignement & université). Le libéralisme de marché doit donc être consolidé, dans cette opti­que allemande des années 50 et 60, par un respect et un entretien des "ordres concrets" de la société, pour de­ve­nir un "ordo-libéralisme". Son fonctionnement sera optimal si les secteurs de la sécurité sociale et de l'en­sei­gnement ne battent pas de l'aile, ne génèrent pas dans la société des dysfonctionnements dus à une négligence de ces secteurs non marchands par un pouvoir politique qui serait trop inféodé aux circuits bancaires et finan­ciers.  

 

L'économiste français Michel Albert, dans un ouvrage célèbre, rapidement traduit dans toutes les langues, in­ti­tu­lé Capitalisme contre capitalisme, oppose en fait cet ordo-libéralisme au néo-libéralisme, en vogue depuis l'ac­cession au pouvoir de Thatcher en Grande-Bretagne et de Reagan aux Etats-Unis. Albert appelle l'ordo-libé­ra­lisme le "modèle rhénan", qu'il définit comme un modèle rétif à la spéculation boursière en tant que mode de maximisation du profit sans investissements structurels, et comme un modèle soucieux de conserver des "struc­tu­res" éducatives et un appareil de sécurité sociale, soutenu par un réseau hospitalier solide. Albert, ordo-libé­ral à la mode allemande, revalorise les secteurs non marchands, battus en brèche depuis l'avènement du néo-li­bé­ralisme. La nouvelle droite française, qui travaille davantage dans l'onirique, camouflé derrière l'adjectif "cul­turel", n'a pas pris acte de cette distinction fondamentale opérée par Albert, dans un livre qui a pourtant con­nu une diffusion gigantesque dans tous les pays d'Europe. Si elle avait dû opter pour une stratégie éco­no­mi­que, elle aurait embrayé sur la défense des structures existantes (qui sont aussi des acquis culturels), de con­cert avec les gaullistes, les socialistes et les écologistes qui souhaitaient une défense de celles-ci, et critiqué les politiques qui laissaient la bride sur le cou aux tendances à la spéculation, à la façon néo-libérale (et anglo-sa­xonne). Le néo-libéralisme déstructure les acquis non marchands, acquis culturels pratiques, et toute nou­vel­le droite, préconisant le primat de la culture, devrait se poser en défenderesse de ces secteurs non marchands. Vu la médiocrité du personnel dirigeant de la ND parisienne, ce travail n'a pas été entrepris.

 

[Pour en savoir plus: 1) Robert STEUCKERS, «Repères pour une histoire alternative de l'économie», in: Orien­tations, n°5, 1984; 2) Thierry MUDRY, «Friedrich List: une alternative au libéralisme», in: Orientations, n°5, 1984; 3) Robert STEUCKERS, «Orientations générales pour une histoire alternative de la pensée éco­no­mi­que», in: Vouloir, n°83/86, 1991; 4) Guillaume d'EREBE, «L'Ecole de la Régulation: une hétérodoxie féconde?», in: Vouloir, n°83/86, 1991; 5) Robert STEUCKERS, L'ennemi américain, Synergies, Forest, 1996/2ième éd. (avec des réflexions sur les idées de Michel Albert); 6) Robert STEUCKERS, «Tony Blair et sa “Troisième Voie” ré­pres­sive et thérapeutique», in: Nouvelles de Synergies européennes, n°44, 2000; 7) Aldo DI LELLO, «La “Troi­siè­me Voie” de Tony Blair: une impase idéologique. Ou de l'impossibilité de repenser le “Welfare State” tout en re­venant au libéralisme», in: Nouvelles de Synergies eruopéennes, n°44, 2000]. 

 

Perroux, Veblen, Schumpeter et les hétérodoxes 

 

Par ailleurs, la science économique en France opère, avec Albertini, Silem et Perroux, une distinction entre "or­thodoxie" et "hétérodoxie". Par orthodoxies, au pluriel, elle entend les méthodes économiques appliquées par les pouvoirs en Europe: 1) l'économie planifiée marxiste de facture soviétique, 2) l'économie libre de mar­ché, sans freins, à la mode anglo-saxonne (libéralisme pur, ou libéralisme classique, dérivé d'Adam Smith et dont le néo-libéralisme actuel est un avatar), 3) l'économie visant un certain mixte entre les deux premiers mo­des, économie qui a été théorisée par Keynes au début du 20ième siècle et adoptée par la plupart des gou­vernements sociaux-démocrates (travaillistes britanniques, SPD allemande, SPÖ autrichienne, socialistes scan­dinaves). Par hétérodoxie, la science politique française entend toutes les théories économiques ne dérivant pas de principes purs, c'est-à-dire d'une rationalité désincarnée, mais, au contraire, dérivent d'histoires poli­ti­ques particulières, réelles et concrètes. Les hétérodoxies, dans cette optique, sont les héritières de la fameuse "école historique" allemande du 19ième siècle, de l'institutionnalisme de Thorstein Veblen et des doctrines de Schum­peter. Les hétérodoxies ne croient pas aux modèles universels, contrairement aux trois formes d'or­tho­do­xie dominantes. Elles pensent qu'il y a autant d'économies, de systèmes économiques, qu'il y a d'histoires na­tio­nales ou locales.  Avec Perroux, les hétérodoxes, au-delà de leurs diversités et divergences particulières, pen­sent que l'historicité des structures doit être respectée en tant que telle et que les problèmes économiques doi­vent être résolus en respectant la dynamique propre de ces structures.

 

Plus récemment, la notion de "Troisième Voie" est revenue à l'ordre du jour avec l'accession de Tony Blair au pou­voir en Grande-Bretagne, après une vingtaine d'années de néo-libéralisme thatchérien. En apparence, dans les principes, Blair se rapproche des troisièmes voies à l'allemande, mais, en réalité, tente de faire accepter les acquis du néo-libéralisme à la classe ouvrière britannique. Sa "troisième voie" est un placebo, un ensemble de mesures et d'expédients pour gommer les effets sociaux désagréables du néo-libéralisme, mais ne va pas au fond des choses: elle est simplement un glissement timide vers quelques positions keynésiennes, c'est-à-dire vers une autre orthodoxie, auparavant pratiquée par les travaillistes mais proposée à l'électorat avec un lan­ga­ge jadis plus ouvriériste et musclé. Blair aurait effectivement lancé une troisième voie s'il avait axé sa poli­ti­que vers une défense plus en profondeur des secteurs non marchands de la société britannique et vers des for­mes de protectionnisme (qu'un keynésianisme plus musclé avait favorisées jadis, un keynésianisme à tendances or­do-libérales voire ordo-socialistes ou ordo-travaillistes).

 

[Pour en savoir plus: Guillaume FAYE, «A la découverte de Thorstein Veblen», in: Orientations, n°6, 1985].

 

Quel est le poids du marxisme, ou du bolchevisme, dans cet ensemble?

 

Le marxisme de facture soviétique a fait faillite partout, son poids est désormais nul, même dans les pays qui ont connu l'économie planifiée. La seule nostalgie qui reste, et qui apparaît au grand jour dans chaque dis­cus­sion avec des ressortissants de ces pays, c'est celle de l'excellence du système d'enseignement, capable de com­mu­niquer un corpus classique, et les écoles de danse et de musique, expressions locales du Bolchoï, que l'on retrouvait jusque dans les plus modestes villages. L'idéal serait de coupler un tel réseau d'enseignement, im­­perméable à l'esprit de 68, à un système hétérodoxe d'économie, laissant libre cours à une variété cul­tu­rel­le, sans le contrôle d'une idéologie rigide, empêchant l'éclosion de la nouveauté, tant sur le plan culturel que sur le plan économique.

 

Synergon abandonne-t-elle dès lors le solidarisme organique ou non?

 

Non. Car justement les hétérodoxies, plurielles parce que répondant aux impératifs de contextes autonomes, re­pré­sentent ipso facto des réflexes organiques. Les théories et les pratiques hétérodoxes jaillissent d'un hu­mus organique au contraire des orthodoxies élaborées en vase clos, en chambre, hors de tout contexte. Par leur défense des structures dynamiques générées par les peuples et leurs institutions propres, et par leur dé­fen­se des sec­teurs non marchands et de la sécurité sociale, les hétérodoxies impliquent d'office la solidarité en­tre les mem­bres d'une communauté politique. La troisième voie portée par les doctrines hétérodoxes est for­cé­ment une troisième voie organique et solidariste. Le problème que vous semblez vouloir soulever ici, c'est que bon nom­bre de groupes ou de groupuscules de droite ont utilisé à tort et à travers les termes d'"organique" et de "so­li­dariste", voire de "communauté" sans jamais faire référence aux corpus complexes de la science éco­no­­mi­que hétérodoxe. Pour la critique marxiste, par exemple, il était aisé de traiter les militants de ces mouve­ments de farceurs ou d'escrocs, maniant des mots creux sans signification réelle et concrète.

 

Participation et intéressement au temps de De Gaulle

 

L'exemple concret et actuel auquel la nouvelle droite aurait pu se référer était l'ensemble des tentatives de ré­for­me dans la France de De Gaulle au cours des années 60, avec la "participation" ouvrière dans les entreprises et l'"intéressement" de ceux-ci aux bénéfices engrangés. Participation et intéressement sont les deux piliers de la réforme gaullienne de l'économie libérale de marché. Cette réforme ne va pas dans le sens d'une pla­ni­fi­ca­tion rigide de type soviétique, bien qu'elle ait prévu un Bureau du Plan, mais dans le sens d'un ancrage de l'éco­no­mie au sein d'une population donnée, en l'occurrence la nation française. Parallèlement, cette orientation de l'éco­nomie française vers la participation et l'intéressement se double d'une réforme du système de repré­sen­tation, où l'assemblée nationale  —i. e. le parlement français—  devait être flanquée à terme d'un Sénat où auraient siégé non seulement les représentants élus des partis politiques mais aussi les représentants élus des associations professionnelles et les représentants des régions, élus directement par la population sans le tru­chement de partis. De Gaulle parlait en ce sens de “Sénat des professions et des régions”.

 

Pour la petite histoire, cette réforme de De Gaulle n'a guère été prise en compte par les droites françaises et par la nouvelle droite qui en est partiellement issue, car ces droites s'étaient retrouvées dans le camp des par­ti­sans de l'Algérie française et ont rejeté ensuite, de manière irrationnelle, toutes les émanations du pouvoir gaul­lien. C'est sans nul doute ce qui explique l'absence totale de réflexion sur ces projets sociaux gaulliens dans la littérature néo-droitiste.

 

[Pour en savoir plus: Ange SAMPIERU, «La participation: une idée neuve?», in: Orientations, n°12, 1990-91].

 

Les visions économiques des révolutionnaires conservateurs me semblent assez imprécises et n'ont apparemment qu'un seul dénominateur commun, le rejet du libéralisme…

 

Les idées économiques en général, et les manuels d'introduction à l'histoire des doctrines économiques, laissent peu de place aux filons hétérodoxes. Ces manuels, que l'on impose aux étudiants dans leurs premières années et qui sont destinés à leur donner une sorte de fil d'Ariane pour s'y retrouver dans la succession des idées éco­nomiques, n'abordent quasiment plus les théories de l'école historique allemande et leurs nombreux avatars en Allemagne et ailleurs (en Belgique: Emile de Laveleye, à la fin du 19ième siècle, exposant et vulgarisateur gé­nial des thèses de l'école historique allemande). A la notable exception des manuels d'Albertini et Silem, déjà cités. Une prise en compte des chapitres consacrés aux hétérodoxies vous apporterait la précision que vous ré­clamez dans votre question. De Sismondi à List, et de Rodbertus à Schumpeter, une autre vision de l'économie se dégage, qui met l'accent sur le contexte et accepte la variété infinie des modes de pratiquer l'économie po­li­ti­que. Ces doctrines ne rejettent pas tant le libéralisme, puisque certains de ces exposants se qualifient eux-mêmes de "libéraux", que le refus de prendre acte des différences contextuelles et circonstancielles où l'économie politique est appelée à se concrétiser. Le "libéralisme" pur, rejeté par les révolutionnaires con­ser­va­teurs, est un universalisme. Il croit qu'il peut s'appliquer partout dans le monde sans tenir compte des facteurs variables du climat, de la population, de l'histoire de cette population, des types de culture qui y sont tra­dition­nellement pratiqués, etc. Cette illusion universaliste est partagée par les deux autres piliers (marxiste-soviétique et keynésien-social-démocrate) de l'orthodoxie économique. Les illusions universalistes de l'ortho­doxie ont notamment conduit à la négligence des cultures vivrières dans le tiers monde, à la multiplication des mo­nocultures (qui épuisent les sols et ne couvrent pas l'ensemble des besoins alimentaires et vitaux d'une po­pulation) et, ipso facto, aux famines, dont celles du Sahel et de l'Ethiopie restent ancrées dans les mémoires. Dans le corpus de la ND, l'intérêt pour le contexte en économie s'est traduit par une série d'études sur les travaux du MAUSS (Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales), dont les figures de proue, étique­tées de "gauche", ont exploré un éventail de problématiques intéressantes, approfondit la notion de "don" (c'est-à-dire des formes d'économie traditionnelle non basée sur l'axiomatique de l'intérêt et du profit). Les mo­teurs de cet institut sont notamment Serge Latouche et Alain Caillé. Dans le cadre de la ND, ce sera surtout Charles Champetier qui s'occupera de ces thématiques. Avec un incontestable brio. Cependant, à rebours de ces félicitations qu'on doit lui accorder pour son travail d'exploration, il faut dire qu'une transposition pure et simple du corpus du MAUSS dans celui de la ND était impossible dans la mesure, justement, où la ND n'avait rien préparé de bien précis sur les approches contextualistes en économie, tant celles des doctrines classées à droite que celles classées à gauche. Notamment aucune étude documentaire, visant à réinjecter dans le débat les démarches historiques (donc contextualistes), n'a été faite sur les écoles historiques allemandes et leurs ava­tars, véritable volet économique d'une révolution conservatrice, qui ne se limite pas, évidemment, à l'es­pa­ce-temps qui va de 1918 à 1932 (auquel Armin Mohler, pour ne pas sombrer dans une exhaustivité non maî­trisable, avait dû se limiter). Les racines de la révolution conservatrice remontent au romantisme allemand, dans la mesure où il fut une réaction contre le "géométrisme" universaliste des Lumières et de la révolution fran­çaise: elle englobe par ailleurs tous les travaux des philologues du 19ième siècle qui ont approfondi nos con­naissances sur l'antiquité et les mondes dits "barbares" (soit la périphérie persane, germanique, dace et maure de l'empire romain chez un Franz Altheim), l'école historique en économie et les sociologies qui y sont ap­pa­rentées, la révolution esthétique amorcée par les pré-raphaëlites anglais, par John Ruskin, par le mouvement Arts & Crafts en Angleterre, par les travaux de Pernstorfer en Autriche, par l'architecture de Horta et les mo­biliers de Van de Velde en Belgique, etc. L'erreur des journalistes parisiens qui ont parlé à tort et à travers de la "révolution conservatrice", sans avoir de culture germanique véritable, sans partager véritablement les ressorts de l'âme nord-européenne (ni d'ailleurs ceux de l'âme ibérique ou italienne), est d'avoir réduit cette ré­volution aux expressions qu'elle a prises uniquement en Allemagne dans les années tragiques, dures et éprou­vantes d'après 1918. En ce sens la ND a manqué de profondeur culturelle et temporelle, n'a pas eu l'épaisseur suf­fisante pour s'imposer magistralement à l'inculture dominante.

 

[Pour en savoir plus: Charles CHAMPETIER, «Alain Caillé et le MAUSS: critique de la raison utilitaire», in: Vouloir, n°65/67, 1990]. 

 

Pour revenir plus directement aux questions économiques, disons qu'une révolution conservatrice, est révolu­tion­naire dans la mesure où elle vise à abattre les modèles universalistes calqués sur le géométrisme révo­lu­tionnaire (selon l'expression de Gusdorf), et conservatrice dans la mesure où elle vise un retour aux contextes, à l'histoire qui les a fait émerger et les a dynamisés. De même dans le domaine de l'urbanisme, toute révolution conservatrice vise à gommer les laideurs de l'industrialisme (projet des pré-raphaëlites anglais et de leurs élè­ves autrichiens autour de Pernerstorfer) ou du modernisme géométrique, pour renouer avec des traditions du pas­sé (Arts & Crafts) ou pour faire éclore de nouvelles formes inédites (MacIntosh, Horta, Van de Velde).

 

Le contexte, où se déploie une économie, n'est pas un contexte exclusivement déterminé par l'économie, mais par une quantité d'autres facteurs. D'où la critique néo-droitiste de l'économisme, ou du "tout-économique". Cet­te critique n'a malheureusement pas souligné la parenté philosophique des démarches non économiques (ar­tistiques, culturelles, littéraires) avec la démarche économique de l'école historique.

 

Est-il exact de dire que Synergon, contrairement au GRECE, accorde moins d'attention au travail purement culturel et davantage aux événements politiques concrets?

 

Nous n'accordons pas moins d'attention au travail culturel. Nous en accordons tout autant. Mais nous accordons ef­fectivement, comme vous l'avez remarqué, une attention plus soutenue aux événements du monde. Deux se­maines avant de mourir, le leader spirituel des indépendantistes bretons, Olier Mordrel, qui suivait nos tra­vaux, m'a téléphoné, sachant que sa mort était proche, pour faire le point, pour entendre une dernière fois la voix de ceux dont il se sentait proche intellectuellement, mais sans souffler le moindre mot sur son état de san­té, car, pour lui, il n'était pas de mise de se plaindre ou de se faire plaindre. Il m'a dit: «Ce qui rend vos re­vues indispensables, c'est le recours constant au vécu». J'ai été très flatté de cet hommage d'un aîné, qui était pourtant bien avare de louanges et de flatteries. Votre question indique que vous avez sans doute perçu, à sei­ze ans de distance et par les lectures relatives au thème de votre mémoire, le même état de choses qu'Olier Mor­drel, à la veille de son trépas. Le jugement d'Olier Mordrel me paraît d'autant plus intéressant, rétrospec­ti­ve­ment, qu'il est un témoin privilégié: revenu de son long exil argentin et espagnol, il apprend à connaître as­sez tôt la nouvelle droite, juste avant qu'elle ne soit placée sous les feux de rampe des médias. Il vit ensuite son apogée et le début de son déclin. Et il attribuait ce déclin à une incapacité d'appréhender le réel, le vivant et les dynamiques à l'œuvre dans nos sociétés et dans l'histoire.

 

Le recours à Heidegger

 

Cette volonté de l'appréhender, ou, pour parler comme Heidegger, de l'arraisonner pour opérer le dévoilement de l'Etre et sortir ainsi du nihilisme (de l'oubli de l'Etre), implique toute à la fois de recenser inlassablement les faits de monde présents et passés (mais qui, potentiellement, en dépit de leur sommeil momentané, peuvent tou­jours revenir à l'avant-plan), mais aussi de les solliciter de mille et une manières nouvelles pour faire éclore de nouvelles constellations idéologiques et politiques, et de les mobiliser et de les instrumentaliser pour dé­trui­re et effacer les pesanteurs issues des géométrismes institutionnalisés. Notre démarche procède clairement d'une volonté de concrétiser les visions philosophiques de Heidegger, dont la langue, trop complexe, n'a pas en­co­re généré d'idéologie et de praxis révolutionnaires (et conservatrices!).

 

[Pour en savoir plus: Robert STEUCKERS, «La philosophie de l'argent et la philosophie de la Vie chez Georg Sim­mel (1858-1918)», in: Vouloir, n°11, 1999]. 

 

Est-il exact d'affirmer que Synergies Européennes constituent l'avatar actuel du corpus doctrinal natio­nal-révolutionnaire (dont le national-bolchevisme est une forme)?

 

Je perçois dans votre question une vision un peu trop mécanique de la trajectoire idéologique qui va de la ré­vo­­lution conservatrice et de ses filons nationaux-révolutionnaires (du temps de Weimar) à l'actuelle démarche de "Synergies Européennes". Vous semblez percevoir dans notre mouvance une transposition pure et simple du cor­pus national-révolutionnaire de Weimar dans notre époque. Une telle transposition serait un anachronisme, donc une sottise. Toutefois, dans ce corpus, les idées de Niekisch sont intéressantes à analyser, de même que son itinéraire personnel et ses mémoires. Cependant, le texte le plus intéressant de cette mouvance reste celui co-signé par les frères Jünger, Ernst et surtout Friedrich-Georg, et intitulé Aufstieg des Nationalismus. Pour les frères Jünger, dans cet ouvrage et dans d'autres articles ou courriers importants de l'époque, le "nationalisme" est synonyme de "particularité" ou d'"originalité", particularité et originalité qui doivent rester telles, ne pas se laisser oblitérer par un schéma universaliste ou par une phraséologie creuse que ses utilisateurs prétendent pro­gressiste ou supérieure, valable en tout temps et en tout lieu, discours destiné à remplacer toutes les lan­gues et toutes les poésies, toutes les épopées et toutes les histoires. Poète, Friedrich-Georg Jünger, dans ce tex­­te-manifeste des nationaux-révolutionnaires des années de Weimar, oppose les traits rectilignes, les géo­mé­tries rigides, propres de la phraséologie libérale-positiviste, aux sinuosités, aux méandres, aux labyrinthes et aux tracés serpentants du donné naturel, organique. En ce sens, il préfigure la pensée d'un Gilles Deleuze, avec son rhizome s'insinuant partout dans le plan territorial, dans l'espace, qu'est la Terre. De même, l'hostilité du "nationalisme", tel que le concevaient les frères Jünger, aux formes mortes et pétrifiées de la société libérale et industrielle ne peut se comprendre que parallèlement aux critiques analogues de Heidegger et de Simmel.

 

Dans la plupart des cas, les cercles actuels, dits nationaux-révolutionnaires, souvent dirigés par de faux savants (très prétentieux), de grandes gueules insipides ou des frustrés qui cherchent une manière inhabituelle de se faire valoir, se sont effectivement borné à reproduire, comme des chromos, les phraséologies de l'ère de Wei­mar. C'est à la fois une insuffisance et une pitrerie. Ce discours doit être instrumentalisé, utilisé comme maté­riau, mais de concert avec des matériaux philosophiques ou sociologiques plus scientifiques, plus communé­ment admis dans les institutions scientifiques, et confrontés évidemment avec la réalité mouvante, avec l'ac­tua­lité en marche. Les petites cliques de faux savants et de frustrés atteints de führerite aigüe ont évidem­ment été incapables de parfaire un tel travail.

 

Au-delà de “Aufstieg des Nationalismus”

 

Ensuite, il me semble impossible, aujourd'hui, de renouer de manière a-critique avec les idées contenues dans Auf­stieg des Nationalismus et dans les multiples revues du temps de la République de Weimar (Die Kom­men­den, Widerstand d'Ernst Niekisch, Der Aufbruch, Die Standarte, Arminius, Der Vormarsch, Der Anmarsch, Die deutsche Freiheit, Der deutsche Sozialist, Entscheidung de Niekisch, Der Firn, également de Niekisch, Junge Politik, Politische Post, Das Reich de Friedrich Hielscher, Die sozialistische Nation de Karl Otto Paetel, Der Vor­kämpfer, Der Wehrwolf, etc.). Quand je dis "a-critique", je ne veux pas dire qu'il faut soumettre ce corpus doctrinal à une critique dissolvante, qu'il faut le rejeter irrationnellement comme immoral ou anachronique, comme le font ceux qui tentent de virer leur cuti ou de se dédouaner. Je veux dire qu'il faut le relire attentive­ment mais en tenant bien compte des diverses évolutions ultérieures de leurs auteurs et des dynamiques qu'ils ont suscitées dans d'autres champs que celui, réduit, du nationalisme révolutionnaire. Exemple: Friedrich Georg Jünger édite en 1949 la version finale de son ouvrage Die Perfektion der Technik, qui jette les fon­de­ments de toute la pensée écologique allemande de notre après-guerre, du moins dans ses aspects non politi­ciens qui, en tant que tels, et par là-même, sont galvaudés et stupidement caricaturaux. Plus tard, Friedrich Georg lance une revue de réflexion écologique, Scheidewege, qui continue à paraître après sa mort, survenue en 1977. Il faut donc relire Aufstieg des Nationalismus à la lumière de ces publications ultérieures et coupler le message national-révolutionnaire et soldatique des années 20, où pointaient déjà des intuitions écologiques, aux corpus biologisants, écologiques, organiques commentés en long et en large dans les colonnes de Scheide­wege. En 1958, Ernst Jünger fonde avec Mircea Eliade et avec le concours de Julius Evola et du traditionaliste alle­mand Leopold Ziegler la revue Antaios, dont l'objectif est d'immerger ses lecteurs dans les grandes tra­ditions religieuses du monde. Ensuite, Martin Meyer a étudié l'œuvre d'Ernst Jünger dans tous ses aspects et montré clairement les liens qui unissent cette pensée, qui couvre un siècle tout entier, à quantité d'autres mon­des intellectuels, tels le surréalisme, toujours oublié par les nationaux-révolutionnaires de Nantes ou d'ail­leurs et par les néo-droitistes parisiens qui se prennent pour des oracles infaillibles, mais qui ne savent fina­le­ment pas grand chose, quand on prend la peine de gratter un peu… Par coquetterie parisienne, on tente de se don­ner un look allemand, un look "casque à boulons", qui sied à tous ces zigomars comme un chapeau melon lon­do­nien à un Orang-Outan… Meyer rappelle ainsi l'œuvre picturale de Kubin, le rapport étroit entre Jünger et Wal­ter Benjamin, la distance esthétique et la désinvolture qui lient Jünger aux dandies, aux esthètes et à bon nom­bre de romantiques, l'influence de Léon Bloy sur cet écrivain allemand mort à 102 ans, l'apport de Carl Schmitt dans ses démarches, le dialogue capital avec Heidegger amorcé dans le deuxième après-guerre, l'im­pact de la philosophie de la nature de Gustav Theodor Fechner, etc. En France, les nationaux-révolutionnaires et les néo-droitistes anachroniques et caricaturaux devraient tout de même se rappeler la proximité de Drieu La Rochelle avec les surréalistes de Breton, notamment quand Drieu participait au fameux "Procès Barrès" mis en scène à Paris pendant la première guerre mondiale. La transposition a-critique du discours national-révo­lu­tionnaire allemand des années 20 dans la réalité d'aujourd'hui est un expédiant maladroit, souvent ridicule, qui ignore délibérément l'ampleur incalculable de la trajectoire post-nationale-révolutionnaire des frères Jünger, des mondes qu'ils ont abordés, travaillés, intériorisés. La même remarque vaut notamment pour la mauvaise ré­­ception de Julius Evola, sollicité de manière tout aussi maladroite et ca­ri­caturale par ces nervis pseudo-acti­vistes, ces sectataires du satano-sodomisme saturnaliste basé à l'em­bou­chu­re de la Loire ou ces métapo­lito­lo­gues pataphysiques et porno-vidéomanes, qui ne débouchent généralement que dans le solipsisme, la pantalon­na­de ou la parodie.

 

[Pour en savoir plus: 1) Robert STEUCKERS, «L'itinéraire philosophique et poétique de Friedrich-Georg Jün­ger», in: Vouloir, n°45/46, 1988; 2) Robert STEUCKERS, Friedrich-Georg Jünger, Synergies, Forest, 1996].

 

(A SUIVRE)

dimanche, 11 mai 2008

Vivenza ou la révolution bruitiste

Vivenza ou la révolution bruitiste

par J. M. LOMBART

"Hurle le feu et le souffle du feu, le bruit fils du combat des corps en mouvement s'incarne dans les c¦urs humains".
Ainsi s'achève son sulfureux pamphlet "La Révolution bruitiste". S'il fait grincer quelques dents et hurler quelques sensibilités fragiles, il faut reconnaître à Vi-venza une logique d'un radicalisme hors du commun aujourd'hui.

Après les concerts de l'année 86 en Allemagne, Hol-lande et Italie, le voici de retour. Le cycle français a été introduit par la magistrale soirée (organisation "va-rié-té") donnée à Grenoble en la basilique du Sacré C¦ur. Les gens conviés à cette cérémonie en sont en-core tout retournés, la mystique bruitiste trouva dans ces lieux son grand prêtre.

D'un son chaque fois plus énorme et impressionnant (cela semble d'ailleurs un euphémisme de le répéter), d'une mise en scène encore plus frappante, cette soirée (novembre 86) était le premier concert de Vivenza à Grenoble depuis quatre ans.

L'intransigeance doctrinale de Vivenza ne peut laisser indifférent, sa lucidité lui a permis de dégager de l'hé-ritage futuriste la substantifique moëlle qui génère son travail actuel.

Une cohérence rigoureuse

Sa volonté, sa cohérence en font, il faut bien le recon-naître à présent, l'un des plus puissants représentants du courant industriel. La violence dynamique de ses compositions, liée à une présence scénique déconcer-tante, lui ont permis de se hisser à travers des pâles imitateurs balbutiants et enfantins bricoleurs, au pre-mier rang créatif, écrabouillant comme il aime à le dire, la sclérose électro-acoustique et la frilosité institution-nelle ainsi que l'amateurisme dilettante.

Bien entendu, cette ascension a des risques, et l'un des plus importants reste celui de l'incompréhension. Nombreuses sont les personnes qui préfèrent la fuite devant les évidences politico-culturelles de Vivenza, mê-me s'il ne fait pas dans la dentelle, son cri et son at-titude sont un nécessaire contre-poison pour nos conformismes colonneux. Nos habitudes intellec-tuel-les sont, il est vrai, mises à mal avec lui et, plu-sieurs fois, à la passion qui l'anime, j'ai voulu substi-tuer dans la discussion l'analyse froide mais c'est un ter-rain où il excelle tout aussi bien et c'est ce qui fait sa force et sa cohésion car effectivement chez lui nous ne retrouvons pas tous nos travers répulsifs de cette scène inculte et bruyante. Tout au contraire, ici, le propos est fondé sur une rigueur dépensée, un fondamentalisme bruitiste unique en son genre. Cet aspect particulier peut nous permettre de penser que nous sommes en face d'une réflexion sûrement étudiée et d'une attitude d'une extrême importance.

Sur la ligne qui va des servo-mécanismes aux compo-sitions bruitistes en passant par les textes, disques et concerts, Vivenza nous livre le résultat d'un travail d'une concision qui est remarquable, à plus d'un titre.

Cette détermination dans la démarche depuis plusieurs années ne peut que frapper et c'est pourquoi il est né-cessaire à présent (si l'on ne veut pas se trouver dés-armé face à son propos et à son travail) de lire ce qu'il écrit ou d'écouter très attentivement ce qu'il ne cesse de répéter: "La problématique bruitiste doit être abor-dée d'une manière tout à fait nouvelle, les écoles élec-tro-acoustiques n'ont pas su conserver d'une manière l'aspect révolutionnaire du propos bruitiste tel qu'il nous fut livré par les Italiens; il nous appartient main-tenant de réaliser l'incarnation dynamique de leur vision".

"Le bruit a une exigence dynamique qu'il nous faut développer, même ou surtout violemment, peu importe les craintes, nous devons travailler la matière sonore au corps".

"Fuir les vagues errances anémiées du dilettantisme, qui fait que tout le monde se dit intéressé par le son, mais nul ne songe à savoir si le son s'intéresse à eux. La matérialité objective du bruit est une conception organique vivante, vibrante, mais il ne faut pas plaisanter avec. La position de l'esthète touche-à-tout ne marche pas. Ici, c'est complètement totalitaire au sens psy-cho-logique du mot, c'est-à-dire que cela concerne l'individu en totalité. L'être dans son objectivité et non pas son oreille avec la distance du touriste, le recul de la prudence et du confort. Soit tu décides de t'imposer dans cette discipline et tu te contingentes, soit il vaut mieux continuer à cultiver son néant".

Un "janséniste" sulfureux

Avec de tels propos, il est vrai, rien n'est fait pour dis-siper ce brouillard sulfureux qui semble dissimuler ce personnage hors du commun.

Dans un précédent article, j'avais employé le terme de jansénisme à son sujet et c'est vrai que pour lui le nombre des élus semble fort restreint à l'intérieur du cénacle qui contient "la minorité consciente" luttant avec détermination à la révélation révolutionnaire de la fureur du bruit.

Rigueur d'un autre temps ou ascèse visant l'intégration totale de l'individu dans les structures même du bruit, union furieuse, passionnée et douloureuse rendue vi-si-ble l'espace d'un concert.

Le tellurisme révolutionnaire de Vivenza nous plonge directement dans ces racines profondes: "du plus fort de la matière domestiquée surgit l'immense écho du langage de la terre. Alimentée du sang et de la sueur des hommes de la terre, fécondée, accouche dans la violence du bruit qui est son langage, du bruit qui est son cri, du bruit qui est son sens et sa forme".

Et c'est dans ce bruit que Vivenza s'immerge afin d'y appliquer cette "orchestration méthodique", cette or-ganisation mécaniste et radicale parce que nécessaire et obligatoire sous peine de dérapage. En effet, Vivenza sait qu'il y a un risque et le concert nous livre intégra-lement cette fragilité, ce danger de l'emballement du dépassement, caché par l'agencement précis de la scè-ne et des appareils.

Une cassure historique à colmater

"L'énergie du bruit est une énergie de destruction et de construction". Tout s'articule dans cette dialectique précise, cette relation toujours délicate entre la virtua-lité dynamique des matériaux et leur maîtrise, leur architecture. Nous ne pouvons face à ce travail continuer à reproduire nos schémas catégoriques d'analyse. Vi-venza déroute et c'est très bien, Vivenza dérange et c'est encore mieux, Vivenza déconcerte et nous som-mes désarmés. Sa logique très particulière nous avait déjà surpris lorsqu'il y a quelques années il nous avait expliqué en quoi les propositions théoriques bruitistes formulées par les avant-gardes du début du siècle (futurisme, constructivisme) n'avaient pu s'incarner concrètement, en quoi il y avait une cassure historique qui demandait d'être colmatée, un lien qu'il était né-ces-saire de réaliser. En quoi les écoles acous-tiques qui avaient éclos après-guerre ne pouvaient se dire héri-tiè-res des visions révolutionnaires bruitistes et ce langage effectivement était neuf, particulièrement décapant, nul-le comparasion n'était réellement possible entre le travail savant mais ennuyeux des instituts d'électro-acoustique et celui de Vivenza.

Certains s'étonnent de voir ressortir de l'oubli des théories du début du siècle. Mais Vivenza n'est pas un pâle continuateur qui se contenterait de réactualiser des principes vieux de soixante-dix ans. Vivenza n'est pas un fossile. Il n'est, pour s'en convaincre, que de se pencher un instant sur sa production et ses composi-tions, d'examiner de près ses textes pour voir si le fu-turisme italien est bien la source dont il se réclame (et cela dans une démarche qui combine l'honnêteté intel-lectuelle à la nécessité historique et théorique), il ne se suffit pas de ce rappel, il ne se cantonne pas dans l'attitude de l'historien frileux ou du disciple dévôt.

"Le bruit ne saurait se satisfaire d'une telle attitude. Cette sclérose serait l'antithèse de toute démarche dy-namique". Au contraire, nous sommes ici en présence d'une évidente et concrète action d'une exceptionnelle nouveauté dans ce qu'elle a de profondément novatrice et d'autre part de terriblement enracinée dans son rap-pel historique si particulier qu'il en est presque unique par sa radicalité dans le monde de l'art contemporain.

C'est d'ailleurs ce qui fait dire au journaliste italien Ottavio Casattini: "Représentant la plus pure expres-sion du radicalisme sonore bruitiste mécanique, Vi-ven-za s'affirme comme le plus sérieux propagandiste de l'authenticité industrielle, dans toute son intégralité et toute sa pureté doctrinale".

Porter le bruit à son
maximum de rage et de force

Le jugement de Casattini semble d'une grande justesse d'analyse. Cette authenticité est bien la marque de Vi-ven-za, sa spécificité.Le bruit est, avec lui, porté à son maximum de rage et de force, conservant toute son intégralité essentielle, refusant de l'utiliser en faire-valoir.

Vivenza est bien cet énorme "Souffle des Forges" qui s'affirme à présent avec une intensité d'autant plus dramatique qu'elle est en passe de disparaître de notre paysage industriel européen puisque cette industrie du XIXième siècle est, à plus ou moins court terme, pro-mise à la destruction.

Pour que l'oubli n'afflige pas nos mémoires, Vivenza fait hurler les machines en paraphrasant Dziga Vertov: "Vive la poésie de la machine mue et se mouvant, la poésie des leviers, roues et ailes d'acier, le cri de fer des mouvements, les aveuglantes grimaces des jets in-candescents."

J.-M. LOMBART.
 

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Gilbert Durand sur la chasse

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Entretien avec Gilbert Durand sur la chasse

 

propos recueillis par Xavier Cheneseau

Gilbert Durand est un des grands intellectuels français de ce siècle. Il est l’un des fondateurs -en compagnie de Paul Deschamps et de Léon Cellier- du Centre de recherche sur l’imaginaire. Intellectuel de renommée mondiale, Gilbert Durand a été Membre du Comité national du CNRS et pendant 20 ans des Commissions nationales de recrutement de l’Enseignement supérieur. Commandeur des Palmes académiques, ses travaux sur les symboles, le mythe et l’imaginaire sont traduits en plus de dix langues. Ce grand penseur de cette fin de siècle a aussi un grand résistant et il a même été comme “ Justes parmi les nations. Gilbert Durand est notamment l’auteur de Les structures anthropologiques de l’imaginaire (1992), Dunod ; Les grands textes de la sociologie moderne (1969), Bordas ; L’imaginaire symbolique (1984), PUF ; Science de l’Homme et Tradition (1974), Dunod ; L’âme tigrée, les plurielles de Psyché (1981, Denoël ; La foi du cordonnier (1984), Denoël ; L’imaginaire, essai sur les sciences et la philosophie de l’image (1994), Hatier ; Introduction à la mythodologie. Mythe et Société (1995), Albin Michel…

1-    Pourquoi chassez-vous ? 

J’ai chassé jusqu’en 1995, date à laquelle j’ai “ raccroché le fusil ” devant l’invasion cynégétique du sanglier et de sachasse. Le “ pourquoi chasser ? ” est complexe : amour du plein air automnal en Savoie/Ain, affection pour mes chiens successifs, surprises délicieuses devant le lièvre qui déboîte ou la bécasse qui froufroute… Je partage peu les plaisirs collectifs de la battue cochonnière. J’aime la traque solitaire derrière le chien. La chasse est pour moi cure d’animalité solitaire !

 

2-    Quel est votre rapport avec la nature, et quelles sont les sensations spécifiques que vous procure la chasse ?

 

J’ai toujours été un “ rural ” mal à l’aise dans les villes bien que j’ai été “ visiting professor ” en d’inhumaines mégapoles comme Sao Paulo ou Tokyo. À mon âge, je cultive encore mon potager. Certes, il y a des “ sensations spécifiques ” de la chasse, surtout au chien d’arrêt. Sensation de vigilance attentive, sensations des pisteurs et des aléas de la piste, satisfaction devant le travail du chien, bien être du casse-croûte en plein air par un radieux midi de septembre savoisien…

 

3 - Selon vous, où se trouve le juste milieu entre les propos et attitudes des “extrême chasse” et les propos et attitudes des anti-chasse ?

 

Il me semble facile de trouver un “ juste milieu ” entre la “ viandardise ” et les niaiseries anti-chasse ! Vrais chasseurs et amoureux sincères de la campagne sont tributaires d’une même éthique : la protection du milieu naturel, son entretien et sa gestion. Je milite avec mes amis d’Action paysage contre la pollution publicitaire ! Le concept de “ plein air ” me semble un dogme fondamental pour tous ceux qui rencontrent l’enfermement citadin !

 

4 - Comprenez-vous comment nous en sommes arrivés au climat défavorable ambiant qui plane sur la chasse ?

 

Comme en beaucoup de choses ce sont des “ médias ” mal informés, incultes, qui ont dégradé le climat ! Les mensonges médiatiques, en matière de chasse, comme dans maints domaines (déforestation amazonienne, “ trou ” polaire de la couche d’ozone, holocauste du bétail atteint de fièvre aphteuse ” etc…etc !) ont perverti les réels problèmes. Les médias ”, surtout les plus rapides, et audiovisuels, purs produits urbains, sont loin du journal agricole qui prend son temps pour réfléchir !

 

5 - Comprenez-vous que ce climat fasse qu’un certain nombre de chasseurs en arrivent à êtres gênés d’avouer leurs pratiques ?

 

Oui, bien sûr ! La chasse, comme toute activité humaine exige une mise en ordre disciplinaire, un agencement quasi rituel des gestes et des comportements. Or, trop de “ porte-fusils ” manquent totalement d’éducation, y compris cynégétique !

 

6 - Pourtant, depuis toujours, l’homme a eu besoin de chasser pour se nourrir…

 

Incontestablement. Outre que tout rassemblement humain crée du social (certains disent du sociétal) la société des chasseurs dessine des hiérarchies ( ” rangs d’âge ”, habilité des tireurs, “ flair ” des pisteurs, etc…) ce qui est la marque de toute société humaine ou animale !

 

7 – Par là même, vous reconnaissez-vous un rôle social à la chasse ?  Ne pensez-vous pas qu’à l’instar du service national, la pratique de la chasse participe à un “brassage” important du Peuple Français ?

 

Bien sûr ! Je suis de ceux qui déplorent la catastrophe de la suppression de tout “ service national ” (pas forcément “ militaire ” effectuant le brassage fécond des populations et des stratifications sociales. Comme je viens de le souligner la société cynégétique, par son ample éventail d’âges, par son égalisation fonctionnelle (ce n’est pas le plus riche qui tire le mieux, et un bon bâtard vaut mieux qu’une pure race !) est bien ressentie par tout sociétaire comme un lieu –et même un centre- important de cohésion social…

 

8-- Si je vous dis que la chasse fait partie intégrante de notre culture, vous êtes d’accord avec cette affirmation ?

 

Oui, certes, la chasse est une culture, avec son langage, son vocabulaire, ses rites et ses coutumes. Toutefois l’urbanisation intensive de nos populations européennes contraint la chasse à n’être qu’une “ réaction rurale ” d’où le refuge urbain –et trompeur-- des écologismes. La chasse disparaît bien lorsque disparaît la campagne !

 

9--  Êtes vous d’accord avec moi si je vous dis que l’écologisme prospère faute d’une offre idéologique concurrente qui pour s’élaborer, ne saurait se limiter à “une réaction rurale” dont la base sociologique est en voie d’extinction et qui ne porte aucun projet même si elle ébauche une sensibilité. ?

 

L’écologisme est un palliatif urbain et très fantasmatique à l’extinction d’une population rurale qui vivait dans et par, pour et contre la nature.

 

10-- Vous sentez-vous écologiste ?

 

Bien sûr ! Toutefois il faut bien préciser : être “ écologiste ” c’est-à-dire protéger, conserver, gérer l’environnement naturel de l’espèce humaine n’est pas du tout pratiqué le culte idolâtrique d’une nature qui existerait en soi et pour soi ! Je ne suis pas de ceux qui ici, lors des aménagements hydroélectriques du Haut Rhône par la C.N.R. ont exigé, et obtenu, de cette dernière qu’elle repeigne en vert les lignes bétonnées du nouveau lit du Rhône, dans l’ignorance totale de ce que le ciment prend une “ patine ” rocheuse au bout de 3 à 4 années !

 

11-- Selon-vous, quelle évolution pourrait connaître la chasse française et européenne dans les années à venir ?

 

L’évolution de la chasse, spécialement en France, doit suivre pas à pas les contraintes nouvelles, hélas, qu’imposent les aménagements, trop souvent incontrôlés et anarchiques, de l’environnement… Bétonnages, goudronnages, rectifications des voies de communication qui s’accroissent avec la vitesse de liaison. À la raréfaction des sites naturels, donc cynégétiques, doit correspondre une réglementation de plus en plus contraignante et surtout, surtout, de plus en plus sectorielle et localisée.

Chaque espace naturel et aménagé dicte des exigences propres. Il est totalement absurde de vouloir légiférer pour de trop vastes surfaces européennes… Encore plus absurde de vouloir délimiter politiquement et bureautiquement des sites qui ne se définissent que par leur contenu naturel : écologique, climatique, botanique, etc… C’est par “ massifs ” qualitatifs, régions typiques, habitat botanique et zoologique, que doivent se définir les “ lieux ” européens de la chasse, non par länder, départements, provinces bureaucratiquement administratives. Les fonctions de la nature ne sont pas passibles de l’autorité d’un préfet ou d’un maire !

 

12-- Pour vous, la chasse est donc avant tout un art de vivre…

 

C’est certain ! Or mieux : la chasse entre dans un art de vivre qui dépasse de beaucoup la pire ressource alimentaire et même cynégétique. Elle entre dans une harmonie d’activités humaines variées et même contrastées : labeurs agricoles, jardinage, loisirs et plein air, sports, gastronomie, élevage, etc…

 

13-- La chasse fait donc partie de nos traditions…

 

Incontestablement . Malgré l’industrialisation de l ‘élevage, la chasse persiste en Europe et au Canada, qui ont éradiqué depuis deux siècles disettes et famines…

 

14-- Pour vous, la nature est-elle source d’inspiration ?

 

La “ nature ” a toujours été, pour l’activité humaine, paradigme d’inspiration. Déjà nos ancêtres de Lascaux ou de Cro-Magnon ne se contentaient pas de tuer et manger bisons et aurochs : ils les dessinaient, les peignaient, et probablement les chantaient…

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       1515-- En quoi, selon vous la tradition peut-elle être une nostalgie de l’avenir ?

 

Toute “ tradition ” est commémoration : elle assure, et rassure, que l’avenir aura la sécurité et les stabilités d’hier…

 

16-- Que pensez-vous de l’expression politique qui s’exprime dans le vote CPNT ?

 

La philosophie des “ votations ” CPNT, C et P sont légitimement du côté prédateur de l’animal humain, N et T du côté conservateur. La philosophie de CPNT exige que prédation et conservation soient solidaires sous peine de s’anéantir l’une et l’autre.

 

17-- Quel est votre rapport à l’arme ?

 

Il est bien banal ! Pas plus que je n’ai jamais eu le culte –qui se respecte-- de la “ bagnole ”, je n’ai le culte du beau fusil. Certes, ayant déjà chassé avec des armes haut de gamme (Purden, Holland/Holland…) j’en ai apprécié les commodités, en particulier celle du système “ à platine ”. Mais une commodité presque semblable à la promptitude qu’accorde la platine, je le retrouve dans la grande légèreté du populaire Baby-Bretton.

 

Certes, moi chasseur de “ plume ” et au chien d’arrêt, j’ai quelquefois tué de grosses bêtes : 6 ou 7 sangliers ! 3 ou 4 chevreuils, mais par pure solidarité et civilité pour mon groupe de “ copains ” chasseurs.

 

18 Que répondez-vous à ceux qui affirment que ce plaisir est malsain ?

 

Je vous renvoie la question : Qu’est-ce donc qu’un “ plaisir malsain ” ? Je pense que c’est celui qui peut nuire à autrui… Le gibier, on le sait est “ res nullius ”, il n’appartient à personne. Alors, comment sa mort, par acte de chasse autorisé, sur un terrain privé (c’est -à-dire où est lié le droit de chasser…) pourrait nuire à quelqu’un ? La malséance n’apparaît que si la chasse s’érige en “ solution finale ” destructive tendant à anéantir une population, alors il y a privation de tout “ fruit ” pour autrui, même celui si modeste de contempler l’animal sauvage… Or tout chasseur qui respecte son action cynégétique et son droit se charge au contraire de protéger (j’ai jadis fait interdire totalement le tir de la gelinotte sur notre territoire…) faire croître, multiplier un gibier qu’il prélève de façon précautionneuse.

 

J’ai connu peu de chasseurs qui jouissent du seul meurtre de l’animal. La plupart du temps la joie du “ déduit de chasse ” vient soit de l’habileté satisfaite d’un tir, du pistage et de ses aléas bien accomplis, du travail des chiens récompensant un bon dressage, de la poétique des guérets, de la forêt, du marais, de l’étang à l’automne. Ce n’est jamais le tué qui prime, mais bien le pister, l’arrêter, le lever, le tirer…

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samedi, 10 mai 2008

Citation de Hermann Hesse

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"Le bourgeois (...) cherche à s'installer entre les extrêmes, dans la zone agréable et tempérée, sans orage ni tempête violente, et il y réussit mais aux dépens de cette intensité de vie et de sentiments que donne une existence orientée vers l'extrême et l'absolu. (...) Ainsi, au détriment de l'intensité, il obtient la conservation et la sécurité ; au lieu de la folie en Dieu, il récolte la tranquillité de la conscience ; au lieu de la volupté, le confort ; au lieu de la liberté, l'aisance ; au lieu de l'ardeur mortelle, une température agréable. Le bourgeois, de par sa nature, est un être doué d'une faible vitalité, craintif, effrayé de tout abandon, facile à gouverner. C'est pourquoi, à la place de la puissance, il a mis la majorité ; à la place de la force, la loi ; à la place de la responsabilité, le droit de vote."        

Hermann Hesse, Le Loup des steppes

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Le principe de subsidiarité

 Stéphane Gaudin

ENTRE AUTORITÉ ET LIBERTÉS : LE PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ

"La Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité.

Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent être réalisés de manière satisfaisante par les Etats-membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée être réalisés au niveau communautaire.

L’action de la Communauté n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du présent Traité". (Article 3B du Traité de Maastricht).

Durant l'Antiquité, le subsidium était une méthode d'organisation militaire, une ligne de troupe se tenait en alerte, derrière le front de bataille, prête à prêter secours en cas de défaillance. Avec le temps, cette méthode devint un principe plus large d'ordre philosophique, juridique, social et politique. Ses racines sont donc très anciennes, même si le mot "subsidiarité", à la consonance quelque peu barbare, paraît jeune. Les écrits d'Aristote, de Thomas d'Aquin, d'Althusius, de Proudhon, l'Encyclique Rerum Novarum du Pape Léon XIII (1891), puis le Quadragesimo Anno de Pie XII (1931) s'en inspirent. Plus tard encore, le Pape Pie XII dans son Discours aux Cardinaux, le 20 février 1946, reprécisera que "toute autorité sociale est par nature subsidiaire".

LA SUBSIDIARITÉ A PLUS DE 2000 ANS !

Dans Les Politiques, Aristote décrit une société organique au sein de laquelle s’emboîtent hiérarchiquement des groupes familles-villages-Cité. Chacun de ces groupes essaient d'être au maximum auto-suffisants, mais n'y parviennent jamais totalement, à part bien sûr la Cité, considérée comme une totalité politique. La Cité est l'unique organe autonome, donc parfait, dans lequel le citoyen peut déployer ses potentialités, en vue du bien commun, afin de perfectionner sa vie et celle des autres. Cette société holiste, cette universitas permet aux groupes d'être "capables de se survivre dans le domaine de leurs activités propres" (1), activités qui se superposent mais ne se recoupent pas. La Cité respecte l'autonomie des groupes compétents pour assumer eux-mêmes leurs affaires propres.

Thomas d'Aquin reprendra et christianisera cet antique principe. La personne, substance intellectuelle, succède au citoyen. La personne est à l'image de Dieu, seule, au travers de sa volonté, de sa conscience, de ses actes et de son libre jugement. "L'idée de personne, issue de la pensée chrétienne et à certains égards de la culture scandinave, consacre la dignité de cette 'substance' autonome, à laquelle nulle autorité ne saurait voler l'existence en l'utilisant comme moyen" (1). De par son rapport intime et individuel à Dieu, l'homme transcende la société. "Il est membre de la société en tant qu'être dépendant, obligé de puiser autour de lui dans son milieu social, les éléments de sa vie et de son développement physique, intellectuel et moral. Mais pour autant qu'il est un être spirituel, dont les opérations propres sont immanentes, il transcende le milieu social dans lequel il plonge" (2). Dans la conception chrétienne, le principe de subsidiarité est au service de la personne (appartenant toujours à une collectivité) alors que chez Aristote, elle se trouve au service direct des multiples groupes formant la Cité.

"UNIVERSALIS PUBLICA CONSOCIATIO"

Au début du XVIIe siècle, un juriste germanique et calviniste, Althusius (1557-1638), recteur du Collège de Herborn depuis 1602, sort un ouvrage majeur Politica methodice digesta (1603) qui va le rendre célèbre et faire de lui un des précurseurs de la doctrine fédéraliste. Homme de décision et d'action, il est amené à mettre en pratique ses idées au sein du Syndic de la ville d'Emden, en Frise orientale, afin de lutter contre l'autorité du comte-suzerain Enno. Il restera à ce poste jusqu'à sa mort. Althusius est un homme de son temps, défendant la tradition communaliste et les corps intermédiaires qui sont très nombreux à l'époque (famille, corporations, ligues, guildes, cités, provinces...). Considérant que pour être solidaire, il faut par-dessus tout être libre, Althusius défend farouchement ces communautés, fières de posséder leurs propres lois, respectées par ses membres au travers du pacte juré. Pour lui "la politique est la science qui consiste à unir les hommes entre eux pour les amener à la vie sociale, de sorte que celle-ci soit effective et mieux conservée entre les associés. C'est pourquoi nous l'appelons la symbiotique". Dans cette phrase transparaît l'héritage d'Aristote.

Althusius considère que la société humaine n'est pas formée d'individus mais de communautés s'articulant autour d'un principe architectonnique. Ces communautés organiques, en tant que personnes morales (persona repraesentata) sont sujets de droit, comme chaque citoyen, jouissant des mêmes libertés. Pour subsister, prospérer, se déployer, se projeter, les hommes s'associent volontairement afin de répondre à des besoins que, seuls, ils n'auraient jamais réussi à combler. Si l'association s'avère insuffisante, alors diverses associations prêtent serment de se réunir via un jus foederis (ou confoederationis) pour le bien commun et l'épanouissement de tous les membres. Cette alliance ne tient pas forcément compte de la proximité géographique. Deux communautés éloignées l'une de l'autre peuvent se trouver des intérêts et des idéaux communs. Dans la perspectives d'Althusius, le peuple seul détient la souveraineté "parce qu’il vit dans des sphères déjà souveraines et presque autosuffisantes. La participation au pouvoir ne se justifie que par l'autonomie sociale, qui est d'abord un fait, et devient un droit par sa nécessité naturelle. L'État n'intervient pas à l'intérieur des communautés, il s'occupe des tâches liées à ces compétences : la paix, la défense, la police, la monnaie.

Le principe de subsidiarité étant un instrument, peu importe la forme du régime, qu’il soi ou monarchique, démocratique, oligarchique, républicain. Il est un frein à leurs dérives totalitaires respectives. Chez Althusius, nous imaginons volontiers des hommes qui sont autant de compagnons de cordées, escaladant la haute montagne de la vie sociale : se répartissant des tâches particulières en vue de l'action commune. Chacun sait, d'ailleurs, qu'en cordées, il est plus demandé à chacun que s'il était seul, à cause des conséquences qu'une imprudence ou une faiblesse pourraient avoir pour les autres. La corde matérialise ici le serment juré, le pacte sacré. Cette solidarité active maintient les distances. Elle suppose une pleine harmonisation des forces, une confiance et une connaissance précise des possibilités de chacun. Virilité sans ostentation, capacité d'aider immédiatement, mais entre des hommes qui sont sur le même plan et sur la base d'un objectif librement choisi et voulu de concert. Althusius fut le 1er à concrétiser socialement ce principe qui était resté purement philosophique chez Aristote et Thomas d'Aquin. Cette pensée allait de nouveau se perpétuer à l'époque contemporaine chez Proudhon.

L'UNITÉ PAR LES DIVERSITÉS

Pour Proudhon, le principe de subsidiarité est au centre même de sa théorie. Il équilibre les rapports souvent conflictuels entre l'Autorité et la Liberté. Trop d'autorité conduit au despotisme, trop de liberté à l'anarchie (au sens négatif du terme). Dans son ouvrage Du Principe Fédératif, ce dernier affirme que "le problème politique, ramené à son expression la plus simple, consiste à trouver l'équilibre entre 2 éléments contraires, l'Autorité et la Liberté. Toute fausse balance se traduit immédiatement, pour l'État en désordre et en ruine, pour les citoyens en oppression et en misère. En d'autres termes, les anomalies ou perturbations de l'ordre social résultent de l'antagonisme de ses principes : elles disparaîtront quand les principes seront coordonnés de telle sorte qu'ils ne puissent plus nuire".

Entre ces 2 pôles se trouve l'homme avec ses compétences, au service des communautés simples (familles, ateliers, syndicats) et des communautés plus complexes (communes, cantons, régions, États). Le but recherché à chacun des échelons reste, toujours, l'auto-suffisance. L'homme conserve, à chaque degré, une parcelle de souveraineté qui fait de lui un acteur responsable au sein d’une Cité fédéraliste, non plus naturelle mais contractuelle. La forme du contrat prime sur celle du régime. L’ennemi primordial reste avant tout le centralisme niveleur, qu’il soit démocratique ou monarchique. Un centralisme profitant de "l’incapacité" (critère des plus subjectifs) des citoyens pour s’ingérer dans toutes les affaires sociales privées ou publiques transformant ainsi le citoyen-acteur (perdant peu à peu des pans de sa liberté) en sujet-relais, sans dignité aucune, interchangeable à souhait et domestiquer à se contenter de consommer. La pensée proudhonienne nous avertit que la société doit, dans la mesure du possible (c-à-d. de sa volonté), se passer au maximum de l'État si elle entend vivre bien.

SUBSIDIARITE ET CATHOLICITE

Les Papes s'inspirèrent des écrits de l'italien Taparelli, de l'évêque allemand Ketteler, du français La Tour du Pin, pour ne citer qu'eux, afin de construire la "doctrine sociale de l’Église". Tous 3 ont le point commun de réhabiliter les corps intermédiaires. Pour Ketteler (1848) "tant que la famille, la commune peuvent se suffire, pour atteindre leur but naturel, on doit leur laisser la libre autonomie... Le peuple régit lui-même ses propres affaires : il fait une école pratique de politique dans l'administration communale, où se reproduisent en petit les questions qui sont traitées en grand dans les parlements. C’est ainsi que le peuple acquiert la formation politique et la capacité qui donnent à l'homme le sentiment de son indépendance". Taparelli suggère que : "le tout doit venir en aide à la partie et la partie au tout, c-à-d. que la partie ne disparaît pas dans le tout et que le tout ne doit pas absorber la partie dans son unité". La Tour du Pin, quant a lui, propose de bâtir un ordre organique, naturel et hiérarchisé, fondé en grande partie sur les corporations. Il faut sortir l’homme perverti par la souveraineté de l'argent et l'usure en rétablissant une moralité de la solidarité, en "injectant du Moyen-Age" dans une société de plus en plus industrielle. La nostalgie sociale de La Tour du Pin allait inspirer le régime fortement corporatiste de Salazar, au Portugal, et dans une moindre mesure, de Mussolini, en Italie (cf. RSI de 1943).

L’économiste français François Perroux a bien vu la faille que représentaient ces régimes excessifs, inadaptés pour l'époque car "sans intervention rigoureuse de l'État, un système corporatif conduit en droiture à la formation d'une féodalité économique" (3). Pourtant Perroux proposait un "État neuf", considérant l’État libéral incapable de surmonter les graves crises sociales des années 30. Fondant, en partie, sa théorie sur les communautés de travail, composées d'élus, de patrons, de salariés, Perroux jugeait qu'il fallait avoir un exécutif fort et une décentralisation des fonctions sociales : "de nombreuses tâches présentement confiées à l'État seront assurées aussi correctement, avec autant d'efficacité et à moindre frais dans le cadre de la région, dotée d'une existence, de moyens d'action effectifs et dans celui de la communauté de travail. Ces organes comme les rouages administratifs proprement dits sont en situation d'assurer la régularité et la continuité des échanges entre l'État et la société civile, qui assure leur intégration réciproque... " (3).

RERUM NOVARUM ET QUADRAGESIMO ANNO

La Révolution française détruisit les corps intermédiaires, derniers vestiges de la féodalité. Le 4 août fit table rase des institutions médiévales afin de placer les rouages sanglants de la République par la Terreur. Petit à petit, le jeune citoyen se retrouva seul en face de la toute puissance de l'État de plus en plus centralisateur. Le XIXe siècle vit l'avènement du libéralisme triomphant, responsable de nombreux maux sociaux, dont l'exode vers les villes est le plus marquant. L'homme n'était plus la pierre angulaire, la "clef de voûte", pour reprendre les mots de Saint-Exupéry, de la société, l'argent l'avait remplacé. Pour contrecarrer cette involution, les Papes vont élaborer la "doctrine sociale de l'Église". Oscillant entre l'ingérence et la non-ingérence de l'État, l'Église critique les excès du matérialisme qui dissout la dignité, et donc la liberté de l'homme.

L'encyclique Quadragesimo Anno fait de la subsidiarité le pilier de sa réflexion : "On ne saurait ni changer, ni ébranler ce principe si grave de philosophie sociale : de même qu'on ne peut enlever aux particuliers pour les transférer à la communauté les attributions dont ils sont capables de s'acquitter de leur initiative et par leurs propres moyens, ainsi ce serait commettre une injustice en même temps que troubler d'une manière très dommageable l'ordre social, que de relier aux groupements d'ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d un rang plus élevé les fonctions qu’ils sont en mesure de remplir eux-mêmes (...). L'objet naturel de toute intervention en matière sociale est d'aider les membres du corps social, et non pas de les détruire ni de les absorber". Les Papes, et en particulier Léon XIII, ne voulaient pas un nouveau Moyen-Age utopique, mais proposer un projet chrétien à l'industrialisation d'une société, une nouvelle attitude face au matérialisme et à l'individualisme qui touchaient de plein fouet les classes défavorisées : une "3ème voie" spirituelle entre capitalisme et socialisme au travers d'un humanisme théocentrique, respectueux de la diversité et de la richesse du corps social.

Précédant Rerum Novarum, l'encyclique Hominium Genus (1884) précisait : "comme ils n’ont pas tous les mêmes ressources d'intelligence et qu'ils diffèrent les uns des autres soit par les facultés de l'esprit, soit par les énergies physiques, comme ainsi il existe entre eux mille distinctions, de mœurs, de goûts, de caractères, rien ne répugne tant à la raison que de prétendre les ramener tous à la même mesure et d'introduire dans les instructions de la vie civile une égalité rigoureuse et mathématique. De même, en effet, que la parfaite constitution du corps humain résulte de l'union et de l'assemblage des membres qui n'ont ni les mêmes forces, ni les mêmes fonctions, mais dont l'heureuse association et le concours harmonieux donnent à tout l'organisme sa beauté plastique, sa force et son aptitude à rendre les services nécessaires, de même au sein de la société se trouve une variété presque infinie de parties dissemblables. Si elles étaient toutes égales, rien ne serait plus difforme qu'une telle société. Si au contraire, par une sage hiérarchie des mérites, des goûts, des aptitudes, chacune d'elles concourt au bien général, vous voyez se dresser devant vous l’image d’une société bien ordonnée et conforme à la nature".

PAR LA SUBSIDIARITÉ, NOUS DEVENONS CE QUE NOUS SOMMES

Que peut-on attendre aujourd'hui du principe de subsidiarité ? Obéit-il à un phénomène de mode ? Pourquoi est-il mis en exergue par les tenants du centralisme bruxellois ? Cache-t-il une stratégie de pouvoir à l'échelon européen ? Les interrogations sont nombreuses autour de ce principe. Il est trop tôt pour certains d'y répondre maintenant. L'Europe entre de plus en plus dans une ère de fédération, ou plutôt, de confédération, tant souhaitée par Proudhon. Mais quand les fédérateurs sont des agités de l'alinéa abscons convertis au libéralisme, les citoyens que nous sommes sont en droit de se poser des questions. S'articulant entre l'Europe, les États et les régions (et autres collectivités territoriales), le principe de subsidiarité a pour but de créer une dynamique intracommunautaire. Mais dans le cas de l'État unitaire qu'est la France, où les régions et départements sont tout sauf naturels, et servent de succursales à l'autorité administrative toute puissante, où se trouve cette dynamique ? Dans quelle mesure le citoyen a la possibilité d'y participer ?

Le 1er des impératifs sera, pour nous citoyens, de sortir définitivement de cette société de masse. Il faudra de nouveau constituer des corps intermédiaires au sein d'une société qui devient de plus en plus complexe et de moins en moins ordonnée. Être des porteurs d'ordre, de solidarité, de distance et de sens, tout en défendant nos droits à l'enracinement : le nouveau défi écologique qui pointe en ce XXIe siècle nous obligera à le devenir. Nous allons être confrontés à un "fait" écologique qui ne sera chapeauté par aucun Droit véritable. Devrons-nous l'attendre pour agir ? Robin des Bois a-t-il attendu le retour du roi Richard pour défendre la justice naturelle contre un shérif corrompu ? Nous devons, nous-mêmes, devenir cette ligne de troupe citoyenne en alerte, ce subsidium face à la globalisation et à l'uniformisation des cultures. L'identité ne se décrète pas ; une fois perdue, on ne la retrouve jamais totalement. Une prothèse ne comble jamais le membre perdu.

La subsidiarité est une arme sociale : dans les mains de l'autorité technocratique, elle est un instrument efficace d'ingérence ; dans les mains des corps intermédiaires, un bâton tenant à distance l'autorité envahissante (il faut se rappeler l'exemple du Syndic d'Emden), un bâton auquel peuvent s'accrocher d'autres citoyens en difficulté. Il nous faut redéfinir la société et le rôle de l'État en inventant une citoyenneté ascensionnelle et territoriale suivant le degré de compétence et la sphère de participation du citoyen : un citoyen peut être compétent au sein de sa commune et incompétent dans sa région. Il n'y a que les politiciens soucieux de leur hégémonie électorale pour cumuler les mandats et être à la fois maire, député, conseiller général ou régional et ministre. Bel exemple de subsidiarité ! Quand le citoyen regarde son maire, il ne voit plus le représentant de sa communauté citadine mais l'État en personne. Leur démarche nous fait croire que le peuple appartient à l'État, alors que c'est l'inverse. "L'État est une contrainte au service d'une communion" (François Perroux). Mais "ce n'est pas en récusant l'autorité qu'on devient maître de soi, mais en la cantonnant sous des référents qui font Autorité face aux autorités" (4).

Notes :

  1. C. Millon-Delsol, Le principe de subsidiarité, PUF/Que sais-je ? n°2793.
  2. J. Weydert, Une contribution à l'idée fédéraliste de la pensée sociale catholique : le principe de subsidiarité in Le fédéralisme est-il pensable pour une Europe prochain ?, Kimé, 1994, p 103 à 112.
  3. F. Perroux, Capitalisme et communautés de travail, Sirey, 1938.
  4. C. Millon-Delsol, L'autorité, PUF/Que sais-je ? n°793, p 126.

Bibliographie sommaire :

  • Du principe fédératif, Proudhon. Ch. VI - ch. VII - ch. VIII
  • L’État subsidiaire, C. Million-Delsol, PUF/Léviathan, 1992.
  • Europe, le temps des régions, C. du Granrut, LGDJ, 1994.
  • L’État sans politique (tradition et modernité), M. Bouvier, LGDJ, 1986.
  • Histoire de l’idée fédéraliste (3 vol.), B. Voyenne, Presses d’Europe, 1973/1976/1981.
  • Dictionnaire du fédéralisme, Établissement Émile Bruylant (Bruxelles).

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vendredi, 09 mai 2008

El situacionismo y la revuelta

Infokrisis.

- Lo poco que ha quedado del mayo francés son unas pocas consignas, más o menos espectaculares e impactantes que fueron difundidas a través de serigrafías manuales o pintadas. Tales consignas -"imaginación al poder", por ejemlo- han terminado caracterizando a mayo del 68. Sin embargo, estas consignas eran patrimonio de un pequeño movimiento internacional de intelectuales europeos, la Internacional situacionista, considerad como última vanguardia artística del siglo XX. Algunos miembros del Movimiento de 22 de Marzo estaban influidos por el situacionismo.

El situacionismo europeo

Es un mito más que una presencia. En la revolución de Mayo situacionistas los hubo, pero pocos y no precisamente destacando por su activismo. Se ha querido ver en el Mouvement 22 de Mars de Cohn Bendit y Alain Geissmar, una inspiración situacionista. No es así. O al menos, no exactamente.

A cuarenta años vista, lo que queda del mayo francés son apenas unas cuantas consignas («A medida que la necesidad resulta socialmente soñada, el sueño se hace necesario. El espectáculo es la pesadilla de la sociedad moderna encadenada que, en última instancia, no expresa sino su deseo de dormir. El espectáculo es el guardián de este sueño».). Esas consignas fueran elaboradas por los situacionistas o extraídas de las obras de Raoul Vaneigen o de Guy Debord, jefes de fila del situacionismo.

El Movimiento del 22 de marzo, situacionista pero menos

Lo que sí es cierto es que el M22M era un grupúsculo entre los grupúsculos, acaso mucho más pequeño que otros, mucho más manipulable que otros en tanto que su ideología oficial era el anarquismo y ya se sabe que los anarquistas, por su ausencia de estructuras de organización “autoritarias” (es decir, por su ausencia completa de estructura organizativa) han sido siempre los preferidos de los servicios de Inteligencia para ser penetrados por sus agentes, manipulados en sus actividades y sacrificados en sus resultados. Un informe de los servicios secretos de a OTAN daba a la Internacional Situacionista con sede en Copenhague como teledirigida por la H.V.A., los servicios de seguridad y de inteligencia de Alemania del Este.

El informe en cuestión estaba datado en 1965 cuando los situacionistas iniciaron una campaña contra la presencia de tropas alemanas en territorio danés para unas maniobras conjuntas. La campaña terminó siendo una campaña contra la OTAN y no es raro que la inteligencia de la Alianza Atlántica se fijara en los situacionistas daneses.

Pero ¿realmente podemos creer ese informe? Difícilmente. A primera vista los “situacionistas” eran solamente un pequeño grupo de intelectuales de varios países, que utilizaban un lenguaje retorcido, frecuentemente críptico, para exponer ideas contracorriente que solamente merecían comentarios en muy escasos y reducidos medios intelectuales. Me hubiera gustado conocer de dónde extrajo François Duprat la información sobre la relación entre los situacionistas y la H.V.A. que incluyó en su obra La Comédie de la Revolutión (nº 73 especial de la revista Defense de l’Occident, junio 1968, pag. 45 y sigs, París 1968). El problema es que en mayo de 1977 François Duprat saltó por los aires en una carretera olvidada cuando viajaba de París a Normandía. El crimen, todavía hoy sigue impune. Duprat volverá a salir en estas páginas en varias ocasiones. Sea o no sea cierta la información, lo indudable es que la lectura de las obras de Duprat indica que disponía de información privilegiada aunque en algunos casos se tratara de evidentes intoxicaciones.

Los situacionistas confesos jamás han aceptado una vinculación entre el M22M y su Internacional. El movimiento que tenía a Cohn Bendit y a Geissmar como cabezas visibles, apenas tenía a 40 afiliados al iniciarse los sucesos de mayo, en su mayoría extranjeros. Hoy, ni siquiera merece un hueco en Wikipedia-Francia, como si sus antiguos militantes prefirieran hacerse olvidar. Al iniciarse los incidentes, los periodistas, ávidos de catalogar los grupúsculos que protagonizaban la revuelta se fijaron en el pequeño pero gesticulante M22M y publicaron sus relaciones con la Internacional Situacionista. No eran del todo evidentes, pero es cierto que algunos miembros del M22M conocían los textos situacionistas y habían hecho con ellos una mixtura de anarquismo, marxismo heterodoxo y ribetes situacionistas. Los situacionistas “de verdad” callaron por aquello de que todo lo que la prensa hablara de ellos pertenecía a lo que ellos llamaban “espectáculo” y daba a conocer su grupo hasta entonces enfeudado en los altos muros de la intelectualidad más sofisticada de la época. Pero el asesinado Duprat utiliza para evocar la actitud de los situacionistas la palabre “rechignant” (rechinando).

Y ¿por qué es importante para valorar los sucesos de mayo? Es simple: nuestra tesis es que lo que más ha llamado la atención de la Revolución de Mayo son sus consignas espectaculares (“No morirse de hambre a cambio de morirse de aburrimiento”, “imaginación al poder”, etc.) son de origen situacionista, sin embargo el papel efectivo de los situacionistas fue, poco menos que nulo. Hoy parece que hablar del papel del maoísmo y de trostkysmo en la Revolución de Mayo condene a la banalidad a los hechos de mayo. En 1968, estas dos corrientes del marxismo, a decir verdad, diferían muy poco del marxismo y, por lo demás, éste ya está en el basurero de la historia, mientras lo “libertario” goza aún de cierto aire de romanticismo y da la sensación de una mayor creatividad. Toda la importancia que se ha dado a Mayo del 68, no deriva de ser una sucesión de incidentes protagonizados por grupúsculos marxistas marginales… sino por un formidable movimiento creativo e imaginativo que supuso la “revuelta de la juventud contra el orden establecido”. No hay tal. Esa tesis solamente se apoya en unas cuentas serigrafías y carteles realizados en el taller de Nanterre por los estudiantes del M22M cuya única actividad en esas jornadas, fueron los discursos ampulosos y arrebatados y la difusión de consignas más o menos sonoras y rotundas. Esas consignas fueron la aportación del situacionismo y, de hecho, si es cierto que lograron proyectarse en la historia y es, a fin de cuentas, lo único que resta de mayo del 68, cuarenta años después.

La cuestión siguiente a plantear es ¿qué es el situacionismo?

Una internacional de intelectuales

Hay dos libros y un archivo en Internet en lengua española que vale la pena consultar para entender aquel situacionismo que existió tenuemente y que ya no es. Los dos libros son el Tratado del saber vivir para uso de las jóvenes generaciones de Raoul Vaneigen y, especialmente, La sociedad del espectáculo de Guy Debord.

El 1 de junio de 1959 se publicó el número 1 de la revista Internationale Situationniste” que incluía una especie de manifiesto en el que se explicaba el por qué del nombre: situacionista es todo aquello que contribuye a construir situaciones, y añadían: “Situación construida: Momento de la vida construido concreta y deliberadamente para la organización colectiva de un ambiente unitario y de un juego de acontecimientos.

El movimiento había surgido a mediados de los años 50 a partir de círculos intelectuales agrupados en la Internacional Letrista, grupo que fue una de tantas rupturas de intelectuales con el comunismo al producirse la invasión soviética de Hungría en 1956. Teniendo como clímax los sucesos de mayo que dieron a conocer universalmente el situacionismo, el grupo se disolvió en 1972. Debord la había abandonado en 1970. Jamás debió tener más de 200 adheridos.

Debord (el polemista político rotundo) y Vaneigen (el poeta del situacionismo más sugerente cuyas consignas son los paradigmas del mayo francés), sobre todo, eran intelectuales brillantes que habían bebido en las fuentes del marxismo, pero no de la ortodoxia soviética ni de los dogmatismo trotskystas o maoístas que en los 60 tenían cierto predicamento en los medios de la izquierda, sino de las corrientes “marxistas revolucionarias” que tenían a Rosa Luxemburgo, al consejismo de Pannekoek, a las doctrinas de Amadeo Bordigha y a la Escuela de Frankfurt, especialmente a Georg Lucács.

La utopía situacionista aspiraba a una sociedad sin clases que surgiría de la derrota, no del capitalismo, sino de la dominación capitalista. Buena parte de los escritos situacionistas son críticas al capitalismo e intentos de analizar sus mecanismos de dominación.

La Internacional se junta en Cosio d’Arroscia el 28 de julio de 1957 con la fusión de media docena de grupos de intelectuales: la Internacional Letrista en primer lugar, el Movimiento Internacional por un Bauhaus Imaginista (MIBI), el grupo COBrA (disuelto en 1951 cuyo nombre deriva del acrónimo Copenhague, Bruselas ámsterdam donde radicaban los miembros del movimiento) y el Psychogeographic Comité de Londres. El origen de casi todos ellos era el mismo: intelectuales de izquierda que habían roto con el stalinismo entre finales de los años 40 y mediados de los 50, con una pasada militancia artística en las filas del surrealismo.

Vaneigen se preguntaba en La Revolución de todos los días como afectada el capitalismo y el sistema autoritario que según él generaba, en nuestra vida cotidiana, intelectual y colectivamente. De ahí infiere un tema interesante que trasladará a la “ideología mayo”: que la revolución es fundamentalmente el arte de cambiar la vida.

Tácticas situacionistas

Los situacionistas no se contentaron con realizar una crítica al capitalismo y a sus consecuencias sino que aspiraron a participar en actos de agitación anticapitalista. Para ello establecieron una serie de tácticas. La primera de todas ellas era la “desviación” (detournement) que era posible hacer con “objetos” creados por el capitalismo distorsionando su significado original y convirtiéndolo en un elemento crítico contra el “creador”. Estaba en el espíritu de la época y es fácil suponer que debió ser Warhol quien inspiró esta táctica a partir de su creación de serigrafía reiterativas y obsesivas sobre “objetos” creados por el capitalismo en los EEUU: las imágenes de Elvis Presley, de la sopa Campbell’s, de Marilyn Monroe, etc. Al igual que una palabra mil veces repetida pierde su sentido, todas estas imágenes multiplicadas sin apenas variaciones contribuían a que el objeto representado pierda su sentido originario y se convierta en símbolo de la banalidad capitalista.

El situacionismo aspiraba a integrar distintos elementos revolucionarios en su propia teoría por medio de lo que llamaban “comodificación”, la exposición de las ideas que bastaba por sí misma para ilustrar el objetivo crítico. Tal es la táctica que hizo que los escasos situacionistas presentes en los sucesos de mayo sintetizaran sus ideas en forma de consignas tan escueta como rotundas.

En cierto sentido los situacionistas fueron los precursores del ecologismo (o más bien de una forma ecológica de urbanismo) cuando establecían la noción de “psicogeografía”, que aspiraba a interpretar los efectos del horizonte geográfico en el comportamiento y en el estado anímico de las personas. El marco geográfico generaba una forma de comportamiento y unas rutinas. Frente a las rutinas, los situacionistas planteaban seguir las emociones.

La creación de situaciones

Pero la práctica situacionista tenía como eje central la “creación de situaciones”. La idea partía de la comprobación, casi conspiranoica, de que los acontecimientos son fruto de construcciones minuciosamente preparadas por poderes fácticos. Debord había advertido que algunas de estas construcciones no recibían la bendición de los medios de comunicación por distintos motivos. Estas construcciones, pues, podían ser utilizadas para denunciar al capitalismo. El caso más claro era, sin duda, la guerra del Vietnam y las protesta que podía generar a partir de la actitud adoptada por los medios de comunicación.

La idea de “situación construida” era fundamental en la perspectiva situacionista. El ser humano tiene la posibilidad de construir situaciones -“dado que él es el fruto de su historia”- y, por tanto e asumir su propio destino y ser “responsable del devenir de su existencia”.

También la técnica es denunciada como instrumento del capitalismo. En el nº 1 de Internationale Situationniste (01.06.58) se denunciaba que “La técnica se ha convertido en una terapéutica contra el virus revolucionario”. Las formas de aprendizaje que en aquel momento llamaban la atención –la utilización de magnetófonos mientras se dormía, para aprender determinadas materias- o las técnicas de gestión de grupos –el brainstorming, la “tempestad de ideas”- se consideraban como inventos del capitalismo para rentabilizar al máximo los tiempos muertos (el sueño) o la producción de ideas.

Debord y la sociedad del espectáculo

Sin duda, La Sociedad del Espectáculo, de GuDebord es la obra más imaginativa del situacionismo. Debord de joven se había curtido en las actividades de Socialismo o Barbarie de Castoriadis, disidente de la IV Internacional cuya idea era que las burocracias socialistas reproducían el sistema de dominación del capitalismo. Cuando se separó de Castoriadis, participó en la creación de la Internacional Letrista y de ahí al situacionismo. No era un organizador, sino un teórico y su falta de eficacia en la gestión de un grupo determinó las críticas de Veneigen y su escisión que fue la puntilla que determinó la muerte de la Internacional Situacionista. Debord reconoció en el consumismo el principal elemento de alienación capitalista: consumir es hermoso y seductor, por tanto, alienante en cuando que se deja de ser lo que se es para identificarse en el objeto consumido.

Para Guy Debord el espectáculo es el producto básico de la sociedad moderna. La política se ha convertido en un espectáculo y el ciudadano, en espectador de la teatralización o de la escenificación que inevitablemente han generado los poseedores del capital. El espectáculo es el instrumento del capital para imponer hasta el tuétano modelos culturales. La vida entendida como espectáculo es el eje central de la modernidad. De hecho, el propio mayo francés, si fue algo, fue puro espectáculo. En la sociedad del espectáculo, la política ha desaparecido. Todos somos espectadores que albergamos solamente el deseo de una vida tranquila y pacífica. Y en esto no hay diferencia: tanto los poderosos como los miserables vivimos una vida rutinaria en la que la novedad –o al menos novedades trascendentes- quedan completamente excluidas de nuestra perspectiva de vida. La novedad implica el riesgo y el riesgo es algo que el espectador no busca. El espectáculo termina siendo el “opio del pueblo”. De la misma forma que el espectador de un filme no tiene capacidad de operar sobre ese producto cultural sino que apenas puede aceptarlo o rechazarlo, la sociedad del espectáculo implica una actitud pasiva ante los acontecimientos. Todo escapa de nuestras manos y todo está fuera de nuestro control.

© Ernesto Milà – Infokrisis – Infokrisis@yahoo.es – http://infokrisis.blogia.com

Martes, 15 de Abril de 2008

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Définir la subsidiarité

 

DÉFINIR LA SUBSIDIARITÉ

Intervention de Robert Steuckers à l’université d’été de la F.A.C.E. (juil. 1995), paru dans la revue Nouvelles de Synergies Européennes, n°17 (janv. 1996).

Lors de notre visite au Professeur Gianfranco Miglio, fin avril 1995, celui-ci nous a confié qu'il considérait le terme "subsidiarité" comme un mot ambigu, qui désignait une délégation de pouvoir pouvant conduire à une confiscation des pouvoirs par l'instance centrale (en l'occurrence appelée "fédérale"). Pour G. Miglio, mieux vaut parler de fédéralisme, lequel, selon Chateaubriand, est la forme étatique des peuples germaniques.

On reparle beaucoup de subsidiarité dans le processus d'unification européenne. Lors de la rédaction du Traité de Maastricht, les juristes allemands ont insisté pour que soit inscrit en toutes lettres le terme de "subsidiarité". Mais dans le texte de ce traité, le terme est ambigu sur 5 points au moins, nous signalent bon nombre d'observateurs :

  1. Il peut être interprété comme une arme contre les tendances trop accentuées vers le centralisme (reproche adressé surtout à la Commission) ou b) comme un instrument pour retourner à l’État-Nation conventionnel (Thatcher).
  2. Signifie-t-il une (re)distribution ou une répartition des compétences en exercice ?
  3. S'agit-il d'un transfert de compétences strictement réglementé ou d'une auto-limitation volontaire de la part des pouvoirs publics nationaux ? Ou encore d'un principe vague qui veut avertir le citoyen des risques d'empiètement émanant des instances centrales ?
  4. Comment mesurer la qualité ou l'intensité du transfert des compétences ?
  5. Où se trouve aujourd'hui le principe de subsidiarité dans le discours politique, dans les textes constitutionnels, dans la pratique quotidienne du droit ?

ORIGINE DU TERME "SUBSIDIARITÉ"

Le terme "subsidiarité", expliquent les historiens du droit, fait partie d'une "triade catholique" (personnalité, solidarité, subsidiarité). Mais les théoriciens majeurs de la subsidiarité, les pères fondateurs du concept, sont protestants :

  1. Johann Althusius (longtemps oublié dans les manuels d'histoire des idées politiques et juridiques),
  2. Otto von Gierke (un sociologue et juriste allemand du XIXe siècle qui redécouvrira Althusius en 1880, juste avant le sociologue Tönnies, théoricien de la "communauté").

JOHANN ALTHUSIUS (1557-1638)

Ce fondateur de la science politique organique allemande écrit et est lu au début du XVlle siècle. Ses doctrines constituent l'antithèse de la dominante idéologique de l'époque, soit l'absolutisme théorisé par Bodin. La notion cardinale dans l'œuvre d'Althusius est celle de Gemeinwille (volonté commune), ancrée dans le peuple, perçue et définie comme organisierter Volkskörper (corporéité populaire organisée).

OTTO VON GIERKE

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Ce sera Otto von Gierke (1841-1921) qui redécouvrira Althusius dans les années 1880. Qui est Otto von Gierke ? Un théoricien allemand du "Droit des Genossenschaften" (compagnonnages). Pour Althusius au XVlle et Otto von Gierke au XIXe s., la politique est Konsoziation et Konkordanz (concorde, ou "sympathie", unisson des cœurs). Le fédéralisme et la subsidiarité d'Althusius et d'Otto von Gierke sont un ancrage profond dans le tissu social concret. Cet ancrage permet d’échapper à l'hyper-simplification de l'absolutisme, propre des monarchies déclinantes, et du centralisme (de Philippe II à Richelieu et de Louis XIV à la Révolution). L'accent mis sur les "compagnonnages" et la "communauté" implique un refus de la stricte séparation de la politique et du marché, césure imposée par le libéralisme. Le fédéralisme actuel (USA, Australie, Canada et même la RFA) n'est qu'une variante du centralisme : il s'agit d'un compromis qui s'oriente toujours vers une consolidation du niveau central. Aux États-Unis, les "états" reçoivent la permission du niveau fédéral d'exercer des compétences (des phénomènes analogues s'observent en RFA voire en Suisse). L'objectif de toute centralisation est : que tous doivent finir par vivre selon le même modèle économique ; que les communautés villageoises, claniques ou familiales doivent s'adapter à des règles édictées "d’en-haut" : que les entreprises doivent se conformer à des modèles venus également du "sommet". Le haut ne délègue au bas que ce qui n'est pas jugé important. La compétence n'est jamais qu'octroyée.

LE TRAlTÉ DE MAASTRICHT ET LE CAS FRANÇAIS

Althusius se place résolument en porte-à-faux vis-à-vis de cette mentalité absolutiste et centraliste. Dans son esprit, la subsidiarité sert à façonner le concorde, à souder les communautés, à consolider le tissu social. Elle doit dès lors atteindre 3 objectifs, si on la (re)place dans le contexte actuel de l'Union Européenne :

  1. Susciter chez tous la promptitude à l'aide mutuelle, dans les limites imposées par les budgets respectifs des communautés locales ou professionnelles. Donc la subsidiarité ne saurait être un prétexte à l'isolationnisme comme l'imaginait Madame Thatcher.
  2. Comme il y a ancrage de toute souveraineté dans le Volkskörper (la "corporéité folcique" ou corps social), les États de l'Union Européenne (c-à-d. les États qui ont la qualité de membre) ne peuvent agir - ou leur action n'est valide dans l'esprit d'un droit qui serait entièrement déterminé par la subsidiarité - que s'ils représentent réellement les multiples éléments de ce Volkskörper. Il faut donc qu'il y ait représentation des provinces, communes et associations diverses (les Verbände). Les représentants des divers États ne pourraient exercer leurs fonctions que s'ils ont l'aval des éléments divers du Volkskörper.
  3. Il faut prévoir la représentation de toutes les communautés au sein même des États. Aujourd'hui, la RFA, la Belgique et l'Espagne sont en règle, du moins sur le plan de l'organisation et de la représentation de leurs minorités. Celles-ci y sont protégées et représentées au sein d'assemblées qui leur sont propres. Les langues minoritaires sont pleinement reconnues comme langues nationales ou comme langues administratives locales. Ce n'est pas tout-à-fait le cas en Italie où l'allemand, le slovène, l'albanais et le grec ne sont pas reconnus ni leurs locuteurs représentés dans des assemblées autonomes et homogènes. Ce n'est certainement pas le cas de la France - qui est le cas le plus scandaleux et le plus inadmissible pour les ressortissants des communautés flamande ou germanophone de Belgique - où l'allemand, le néerlandais, le basque, le corse ou le breton n'ont pas droit de cité et où la communauté germanophone d'Alsace et de Lorraine thioise ainsi que la communauté néerlandaise du Westhoek ne disposent pas d'un parlement autonome à l'instar des communautés germanophone de Belgique ou danoise et sorabe d'Allemagne.

À Bruxelles et à Berlin, bon nombre de juristes et de constitutionnalistes estiment dès lors que la France n'est pas pleinement un État de droit démocratique, puisqu'elle n'accorde pas la réciprocité à ses ressortissants de souche flamande ou allemande et, par le truchement de ses préfets (non élus !), fait interdire, en contradiction avec les directives de l'UE, des initiatives culturelles flamandes en Flandre, telles des radios libres ou des messes chantées en dialecte (et expulse manu militari les prêtres de nationalité belge qui ont chanté dans un idiome qui avait l'heur de ne pas plaire au préfet !). En théorie, au fur et à mesure que l'Union Européenne prendra corps, et à condition que les juristes et les ministères belges sortent de leur torpeur et se décident à faire vivre réellement les principes d'autonomie à tous niveaux qui ont toujours été revendiqués par nos populations et leurs élites, les tribunaux belges et allemands pourraient parfaitement s'octroyer un jour le droit de juger tout fonctionnaire français qui écornerait les droits naturels et inaliénables des germanophones ou des néerlandophones vivant sur le territoire français, dans des pays qui sont historiquement leurs. Le non respect du Traité de Maastricht et des accords de Schengen laisse augurer le pire pour ces minorités : il est temps que soit organisée en Europe, à l'échelle européenne, leur défense contre toutes les formes d'arbitraire qu'elles subissent et qui sont contraires aux conventions des droits de l'homme signées par tous les États européens. Et tant pis pour les États parjures !

MONISTES, DUALISTES, PLURALISTES

Mais revenons à l'histoire du principe de subsidiarité. Althusius a mis en forme le débat institutionnel qui a suivi la Nuit de la Saint-Barthélémy (1572). Celui prend forme, chez les adversaires de la subsidiarité et de la subsistance des "corps intermédiaires", dans un ouvrage capital de Jean Bodin, publié en 1576 et intitulé Six livres de la République. Le titre de cet ouvrage est déjà très révélateur en soi : le terme "république" est utilisé au singulier, alors qu'au départ, en langue latine, on parlait toujours des res publicae au pluriel, des choses publiques, soulignant par là même qu'elles étaient diverses et assez souvent contradictoires. Bodin voulait concentrer la souveraineté dans les seules mains du monarque ("L'État c'est moi" affirmera Louis XIV), comme la République, après avoir tait décapiter le roi, et désormais seule incarnation de l'État, a voulu tout centraliser à outrance. Il y a donc une parfaite continuité entre l'ancien Régime en et la République en France.

Pour Bodin, la crise des guerres de religions réclame une solution moniste, c-à-d. une concentration du pouvoir dans une instance centrale, en l’occurrence le monarque. Dans la pratique, ce "monisme" implique la suppression de tous les "pouvoirs intermédiaires", ce qui transforme les États en simples relais administratifs. Et quand Bodin parle de "tolérance", alors qu'il rédige des manuels d'inquisition (!), il envisage simplement de séparer la religion des affaires de l’État.

Face au "monisme" de Bodin, nous trouvons les partisans de la "solution dualiste" ou "monarchomaques", qui considèrent que le monarque ET le peuple sont également responsables du bon fonctionnement de l'appareil étatique et des bonnes mœurs. Devant Dieu, le peuple, dépositaire de ses droits ancestraux, les délègue au monarque, tout en conservant un droit de résistance face aux abus éventuels du roi. Le monarque, lui, dort simplement promettre de ne pas abuser. Dans cette perspective dualiste, seul le monarque dispose d'un droit originel. Le peuple, lui n'a qu'un droit de résistance, tout théorique puisqu'il ne dispose pas de forces armées autonomes.

Face aux monistes et aux dualistes, nous avons la solution pluraliste et fédéraliste, proposée par Althusius. Celui-ci élabore son système dans le contexte d'un Reich allemand affaibli, mais qui a toujours été régi par des logiques du pluriel (pluralité institutionnelle, pluralité ethnique, pluralité linguistique, etc.). Althusius perçoit différemment la dualité peuple/monarque. Pour Althusius, le peuple peut reprendre ses droits et le monarque y renoncer. Entre les différentes composantes du peuple s'instaure une multitude de pactes sociaux, permettant un contrôle effectif. Le pacte social, pour Althusius, est un contrat de gouvernement comme chez Hobbes, mais, chez ce dernier, le contrat n’implique nullement une communication sociale. Hobbes introduit la domination (la coercition) pour échapper à la guerre civile. Le peuple chez lui, délègue ses droits naturels une fois pour toutes. Hobbes n’envisage pas à proprement parler une rupture définitive du dialogue entre le monarque et le peuple, mais, dans ses réflexions, il met l'accent sur l'autorité absolue qui forme un barrage nécessaire à l'anarchie de la guerre civile ou du dissensus permanent, provoquant l’impossibilité de gouverner

UNE OPTIQUE SYMBIOTIQUE

Althusius se place dans une optique "symbiotique". Il évoque un "partenariat horizontal" entre les communautés et les corps (avec pour risque : permanence des conflits d’intérêt ; incapacité à discerner l'essentiel). Le monarque n'exerce que des pouvoirs qui lui ont été explicitement reconnus. La stabilité consiste donc à déléguer le moins de pouvoirs possibles au monarque. Aucune force locale ne peut être étouffée : elles doivent toutes rester disponibles pour construire la "socialité". Chez Althusius, il n'y a pas juxtaposition du pouvoir et du peuple. Le pouvoir ne sert qu'à promouvoir les énergies du peuple. Le principe, c'est que le peuple, legs de l'histoire et de la culture, a toujours la priorité, dans ses variances et ses évolutions, par rapport à la machine étatique et à l’administration. L'État n'est, ne peut être, qu’un instrument au service du peuple.

Dans la pensée d'Althusius, les communautés sont de 3 ordres :

  1. Elles sont publiques et territorialisées, comme les provinces et les villes.
  2. Elles sont privées, nécessaires, volontaires, comme les états (les Stände) ou les guildes (les corporations, les associations professionnelles).
  3. Elles sont privées et naturelles, comme les familles.

En tenant compte des ressorts qui animent toutes ces formes de communauté, Althusius procède a un élargissement maximal du politique, où il n’y a plus de séparation entre l’individu et l'État, ni de séparation entre le public et le privé. Si la politique est exclusivement déterminée d'en haut, comme dans le système de Bodin qui élimine les "corps intermédiaires", nous n'avons plus, dans la société que des individus, complètement atomisés, et des instances collectives, figées et coercitives. En revanche, si la politique est déterminée par le bas, c-à-d. par la pluralité que constitue la "corporéité folcique", comme dans le système symbiotique suggéré par Althusius, il n'y a pas d'individus non imbriqués dans une structure de participation, il y a dès lors "communautarisation permanente", interaction constante entre groupes.

En conclusion, les solutions monistes et dualistes sont rigides. Elles refusent de tenir compte des variations incessantes à l'œuvre dans la société ou la "corporelle folcique". Il arrive toujours un moment où elles entrent en "déphasage". Dans la solution pluraliste, les communautés du Volkskörper sont en interaction constante. Voilà pourquoi elle reste un modèle aujourd'hui comme le laisse sous-entendre Édouard Goldsmith, dans sa vision à la fois contestatrice, écologique et conservatrice, ou Joël de Rosnay dans son ouvrage L'homme symbiotique (Seuil, 1995). Si les systèmes monistes avancent l'aequalitas, où tous sont sommés de devenir identiques, pareils, sans déterminations originales ou circonstances différenciantes, les systèmes pluralistes avancent l’aequabilitas, où tous ont droit à un traitement égal, à de l'aide, à de la sollicitude de la part de la communauté, pour ce qu'ils sont, dans toutes les différences qu'ils incarnent, recèlent, réellement ou virtuellement.

La subsidiarité est donc un projet social qui permet de sortir :

  • de la logique totalitaire (Bodin/Hobbes),
  • de la logique des contrats hypersimplifiés,
  • de la logique individualiste.

Mais dans le Traité de Maastricht, rien de bien précis n'est dit quant au passage à un droit subsidiaire. Les textes du Traité ne sont pas clairs quant au rôle des régions et du Conseil Consultatif des Régions. Rien n'est dit quant à la responsabilité des États et nous assistons à un accroissement constant des compétences de la Commission. Dans ce contexte, le lobbying s'exerce en faveur des grands consortiums et non pas en faveur des petites communautés.

D'où, malgré l’écart historique, l’actualité d’Althusius : il nous lègue une pensée opératoire, dont la fonction est à la fois critique et constructive. Mais le contexte actuel est peu favorable à ce corpus doctrinal pluraliste. La tradition communautaire a été refoulée en Occident au profit de l'individualisme libéral, considéré comme le "seul scientifique". Mais les problèmes collectifs et globaux s'accumulent, not. au niveau écologique, et aucune méthodologie individualiste ne saurait en venir à bout. Locke et Rousseau ont épuisé leurs potentialités. Mais non pas Althusius, von Gierke, Tönnies et Perroux. Le véhicule pour repropulser cet idéal communautaire dans le débat intellectuel et politique aurait pu être les partis verts. Hélas, ils se sont laissés complètement oblitérés par des gauches finalement fidèles aux logiques coercitives de Bodin et des Jacobins, sous prétexte que ces logiques étaient révolutionnaires et donc "progressistes". Les écologistes indépendants en Allemagne, autour de Strelow, les biorégionalistes américains, autour de Kirpatrick Sale, ont perçu cette dérive des Verts belges et français, qui restent prisonniers d'une vieille alternative, désormais dépourvue de toute pertinence : Locke (qu'ils rejettent) ou Rousseau (dont ils épousent sans nuance toutes les contradictions). Nous sommes effectivement dans l'impasse. Raison pour laquelle notre organisation réagit et compte agir par le biais d'associations représentant le tissu social réel, le tissu social de base.

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jeudi, 08 mai 2008

El cine francés y su complejo de culpabilidad

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El cine francés y su complejo de culpabilidad

Infokrisis.

-Durante una semana hemos visto una película de cine francés al día, lo suficiente como para hacernos una idea del estado de esta industria en el vecino país. Resumimos: el cine francés está también en crisis, no tanto de creatividad como de contenidos. Siete películas bastan para advertir esta crisis. El cine francés, dominado por el progresismo, no ha conseguido escapaz de un complejo de cumpabilidad que arrastra desde los tiempos de la guerra de Argelia y que despues de la intifada de noviembre de 2005 aspira solo a hacerse perdonar.

1. El cine francés en crisis

El cine español está en crisis por falta de creatividad y porque el grueso de la industria está acaparado por una camarilla progresista habituada a vivir de subvenciones. No es que el sistema de subsidios sea malo… es que se entrega para hacer las peores películas absolutamente infumables que jamás hubieran encontrado inversores privados.

No es este el problema que tiene el cine francés. Todavía quedan rastros de creatividad y, lo que es mejor, medios técnicos, se percibe un mayor dominio del lenguaje cinematográfico e incluso hay actores con tablas. Ahora bien…

Ambas industrias, tanto en España como en Francia, mueren de “progresismo”. El progresismo se traduce en una vaga orientación “de izquierdas” que comparte unos cuantos mitos, muy simples y una pretendida intelectualidad que, a la postre no es más que superficialismo.

Las siete películas que hemos visionado pertenecen a distintos géneros y, en cierto sentido, la mayoría son incompletas: a todas les falta algo. A algunas como Asterix y los Juegos Olímpicos, las carencias son dramáticas porque lo peor que puede ocurrir con una película de humor es que, precisamente, no tenga absolutamente ningún gag que suscite una sonrisa. Otras son un despropósito de principio a fin, como Escondido, y otras que responden al tradicional género negro en el que el cine francés siempre se ha movido bien, son correctas pero olvidables: Borrachera de poder y Asuntos pendientes. En una palabra: se trata de películas incompletas que, en sí mismas, ya indican un estado de crisis. Cuando se rasca un poco esta primera impresión se ve reforzada.

2. Asterix como Mortadela

La última entrega de Asterix es una película completamente frustrada que recuerda extraordinariamente los dos Mortadelo y Filemón perpetradas por los hermanos Feser. No hay nada peor en el cine que no adecuar una película a un público concreto. Aparentemente, todas estas películas van dirigidas a niños y adolescentes. El cómic de Ibáñez fue ideado para ser leído en la infancia y adolescencia. Uno amigo psiquiatra me comentaba que siempre recomienda la lectura de este cómic a quienes sufren de depresión. Es decir, cuando un adulto lee el Mortadelo y Filemón es, o bien porque no ha madurado suficientemente, o porque tiene un conflicto depresivo y precisa huir de los problemas, o bien para recordar su infancia. Y otro tanto por lo que se refiere a Asterix.

Ahora bien, cuando en Asterix se multiplican los guiños que solamente pueden ser entendidos por mayores de 45-50 años (la aparición del crepuscular Alain Delon en el papel de César, recitando la relación de las películas que ha protagonizado), es que se ha producido un error de enfoque, como cuando llevé a mi hija de 12 años a ver Mortadelo y Filemón lo más sorprendente era el lenguaje absolutamente barriobajero, repleto de tacos y de obscenidades aptos para cualquiera, menos para niños.

Ambas películas tienen también un elemento común, presente sobre todo en el cine americano: el fiarlo todo a los efectos especiales que dominan por encima de cualquier rastro de guión. Hace falta ser un público muy fiel y abnegado de Santiago Segura para poder esbozar un rastro de sonrisa ante su participación en la última entrega de Astérix. Ambas películas, así mismo, tienen como denominador común su falta de sentido del humor y la inexistencia de gags que no sean facilotes y de muy escasa brillantez.

Si este es el último cine de humor que nos llega de Francia, cabe decir que es un cine frustrado.

2. Cine político, cine policíaco

En los años 60 y 70 el cine político francés, el llamado “cine comprometido” tenía cierto empuje, incluso en su vertiente humorística. En el fondo, las mejores muestras de “cine político” de principios de los años 70, La Aventura es la aventura, es un desmadrado film en el que queda denunciada la manipulación del terrorismo, la estupidez de las guerrillas castristas iberoamericanas y la frivolidad del Estado a la hora de tratar los grandes problemas, que visto casi cuarenta años después de ser rodado, conserva todavía un humor frecuentemente propenso, no a la sonrisa sino a la carcajada.

Frente a esta película que, en realidad, constituyó una excepción en el cine político (ya se sabe que para la izquierda progresista, “lo político” es casi sinónimo de lo plúmbeo y trascendental) que acaparó casi en exclusiva Costa Gavras y sus actores de culto: Gian María Volonté e Yves Montand. Hoy todo este cine ha desaparecido. Los primeros en negarse a filmar algo así son los progresistas, en primer lugar porque sus conocimientos políticos son exiguos y en segundo lugar porque denunciar al poder puede cerrar puertas.

Hay que ver películas de otros géneros –especialmente del policíaco- para poder advertir alguna pincelada política. Borrachera de poder es una de esas películas que tienden a denunciar los mecanismos de corrupción como trasfondo de una historia personal. En este caso es la vida privada de una jueza estrella la que constituye lo esencial de la historia. La jueza investiga una trama en la que, a medida que va avanzando, cobra forma una formidable trama de corrupción en la que están ligados representantes del poder políticos (diputados del partido del gobierno), jueces estrella, etc. No es lo esencial, porque la sociedad francesa, como todas las sociedades europeas, está dando progresivamente la espalda a la política y sería absurdo situar en el centro de la trama la corrupción política, algo que se da por hecho y por lo que nadie paga un euro para verlo.

La otra película es, formalmente bastante mejor; se estrenó en España con el nombre de Asuntos Pendientes y cuenta la historia de dos jefes de grupos policiales enfrentados. La película es extremadamente realista en cuanto a los tics que afectan a las policías de toda Europa: corporativismo, no de cuerpo, sino de grupo operativo, permanente contacto con la delincuencia, para detenerlos o para recibir de ellos confidencias, conflictos familiares, una delincuencia cada vez más brutal y vengativa, etc. Hace falta estar pendientes para poder ver en esta cinta un pálido cine político: el fantasma de la corrupción se traslada aquí del medio inmobiliario en el que lo había situado Borrachera de poder, para concentrarlo en la corrupción policial: no asciende el mejor, sino el que hace más perrerías para copar el mando. Como en la sociedad politica.

De todos, éste es, sin duda, el mejor cine francés que se hace hoy.

3. Las grandes películas históricas quedan atrás

Ninguna de estas siete películas que hemos elegido por haber sido filmadas recientemente recogen la temática histórica. Parece que el cine francés ha renunciado a realizar más incursiones en este campo en el que en los últimos quince años había hecho verdaderas maravillas de creatividad. Ahí queda Cyrano de Bergerac, Vidoq o La Reina Margot. Estas tres películas serán recordadas por cierto barroquismo en su ejecución pero con una fluida narración y un montaje sin fisuras. Nada parece que haya aportado en este terreno el cine francés en los últimos cinco años.

Si esto es así es porque cada vez la historia interesa menos a la población que vive en Francia. Somos conscientes de lo que decimos: ¿cómo va a interesar la masacre de San Bartolomé, la obra de Rostand o el París de mediados del XIX a una población que cada vez es menos francesa? El cine francés está cambiando porque está cambiando el sustrato sociológico de Francia. Es así de sencillo. Cuando el 60% de los menos de 18 años en el Gran París son de origen extranjero, está claro que ninguna película situada en otros tiempo y que tenga alguna relación con la historia de Francia, puede interesar a esas nuevas generaciones.

Dentro de poco, en España será imposible filmar un Alatriste en España, porque la historia del Siglo de Oro interesará muy poco a escolares desinteresados completamente por la historia del país que les ha acogido a ellos y a sus padres. Y, realmente, no se lo podemos reprochar. Seguramente nosotros experimentaríamos la misma sensación –incluso de repugnancia- si nos encontráramos en Bolivia o Perú y nos explicaran los sacrificios humanos realizados por los sacerdotes incas. Cada cual tiene una identidad propia, habitualmente la que corresponde al país, sino donde ha nacido, sí al menos con la cultura de sus padres.

4. Hacerse perdonar la colonización

Lo más sorprendente es que sobre siete películas, cuatro tienen que ver con la inmigración argelina en Francia. Es más de un 50% y seguramente no lo es por casualidad. En noviembre de 2005, la mentalidad de los progresistas sufrió un duro golpe que todavía están intentando metabolizar: la intifada de los africanos de origen llegados con la inmigración.

Para un progresista resulta absolutamente imposible que en el paraíso de las libertades que es Francia, se produjera un acontecimiento como la intifada de noviembre. Y si se ha producido solamente puede haber sido porque los franceses hayan hecho algo mal.

Desde la guerra de independencia argelina, la izquierda francesa vive un complejo de inferioridad que jamás ha logrado superar. Esa izquierda defendió entusiásticamente al FLN que asesinaba a franceses de las maneras más horribles, y sostuvo la conveniencia de que Argelia fuera independiente negándose a reconocer que el FLN terminaría asesinando al último francés que quedara sobre su territorio y a los propios argelinos que colaboraron con la administración francesa (los harkis). Cuando ocurrieron las masacres y cuando los pieds noires debieron abandonar su tierra natal, sus viñas, sus industrias y el país que ellos habían construido. Y, aun así, la izquierda francesa siguió manteniendo la justeza de sus posiciones. Ya entonces, la izquierda había sido ganado por la ideología del enemigo: “el colonialismo era la peste”.

En los siguientes cuarenta años, la izquierda francesa, el progresismo ha seguido considerando que el colonialismo supone la peor afrenta y ha seguido asumiendo un complejo de culpabilidad (por el carácter colonizador de Francia) inducido por el antiguo enemigo: “Francia tiene que pagar la colonización” y el pago es recibir sin límite más y más inmigración procedente de Argelia. Este proceso se ha repetido en España con la inmigración andina, alguno de cuyos gallitos peleones a insistido en que ellos tienen todo el derecho a venir aquí y a ser mantenidos por el Estado “a causa de la colonización”.

Cuarenta y cinco años después del abandono de Argelia y de las masacres ocasionadas por el FLN, el progresismo ha comprobado en la intifada de 2005 que Fancia “todavía no había pagado la deuda con los colonizados”. Y la izquierda francesa ha tenido miedo de lo que ha visto. En el fondo 10.000 coches ardiendo en apenas 20 días, no son como para tomárselos a broma. Los propios periodistas políticamente ubicados a la izquierda vieron sorprendidos como los revoltosos de noviembre los golpeaban, les robaban y destrozaban las cámaras y, sobre todo, vieron la violencia irracional de la revuelta. Sólo que la interpretaron al margen de cualquier objetividad: Francia seguía sin dar todo lo que los pobres excolonizados merecían. Por eso reaccionaban violentamente.

Al complejo de culpabilidad que la izquierda francesa siempre había tenido, se sumó el miedo. A partir de ese momento, ya se trataba solamente de pedir perdón de rodillas y si era necesario dejarse sodomizar por el colonizado. Así surgió el “nuevo cine francés”.

En Días de Gloria, se cuenta la historia de una unidad argelina que combate en el ejército francés y que es tratada sin miramientos por sus superiores. Casi todos mueren en combate. Son discriminados, se les exige más y se les alimenta menos… El mensaje de la película es claro: no solamente Francia no ha pagado la colonización sino que se tendrá que rascar el bolsillo porque tampoco ha pagado la contribución de lo argelinos y senegaleses al esfuerzo bélico…

Pero si había una barrera que podía romperse en esta tendencia a victimizar al argelino y culpabilizar al francés, esta se rompe en Escondido. El argumento es extremadamente ilustrativo: una familia feliz y que vive en el lujo empieza a recibir vídeos que indican que son observados. Siguiendo las pistas llegan a uno de los barrios argelinos de París, allí el protagonista encuentra a una persona madura, enferma, acabada, argelino, que había conocido en su infancia en la finca de sus padres. Los padres del argelino, trabajadores en esa factoría, mueren durante una manifestación de apoyo a la independencia de Argelia. El niño argelino es adoptado por los padres del protagonista, pero siente unos celos irracionales, así que se las ingenia para que el argelino sea recluido en un orfanato. Más de cuarenta años después, el argelino aparece como fracasado, con una vida incompleta, rota por la acción innoble del protagonista cuando era niño. El argelino y su hijo resultan detenidos como sospechosos de coaccionar a la familia con los extraños vídeos de vigilancia, son humillados y maltratados en la comisaría. Y finalmente, el desgraciado argelino se suicida delante del protagonista.

Lo sorprendente de la película es que los argelinos que aparecen en la película son calmados, mesurados, pacientes, extremadamente refinados en sus ademanes, en absoluto violentos o agresivos, incluso se evitar mostrar en el atrezzo y en los escenarios sus vínculos con la religión islámica. En contrapartida, todos los franceses que aparecen en la trama son mezquinos, violentos, agresivos, farsantes y mentirosos. Si hay maniqueismo en el cine, está concentrado en esta película.

La película parece incompleta: termina sin que se sepa, a fin de cuentas, quién envía los vídeos que presionan a la familia francesa. En realidad, no es nadie. Los vídeos son una perífrasis simbólica de la conciencia de los franceses que SABE que DEBE algo a los argelinos y que se niega a pagar.

Análogo mensaje se encuentra en una de las historias que componen uno de los retablos incluidos en la película París, je t’aime. Aquí si que está presente la vinculación de los argelinos al Islam. Una chica argelina es insultada por un grupo de jóvenes franceses (¿y por qué no por un grupo de subsaharianos o de vietnamitas?), pero uno que va con ellos le pide disculpas y la sigue hasta la mezquita central de París. Allí le presentan al abuelo de la chica, un piadoso musulmán. Cambian unas palabras. La historia termina ahí. Apenas ha durado 10 minutos, las suficientes como para mostrar a la comunidad argelina como sensata, serena y relajada, fieles moderados de una religión de paz y de fraternidad.

En la película Obras en Casa una especie de remake de Esta casa es una ruina, se suceden distintas brigadas de obreros extranjeros, todos simpáticos y encantadores, muy mejorados en relación a los modelos originales.

Todas estas películas confirman la visión maniquea de los directores progresistas franceses: inmigrantes-buenos, franceses-malos. Da la sensación de que están pidiendo de rodillas perdón: perdón por la colonización, perdón porque los subsidios y las ayudas sociales son inferiores a las que desearían los receptores, perdón por la guerra de Argelia, perdón por no haber entregado la Legión de Honor a todos los magrebíes o subsaharianos que combatieron con los aliados, perdón por haber reprimido la intifada en 2005… Perdón, perdón, perdón. Es como si dijeran: “Dejadnos vivir, estamos con vosotros, os comprendemos, os admiramos, sois los mejores ciudadanos que viven en Francia”. Perdón porque nosotros somos ricos y vosotros pobres.

La izquierda francesa sigue con la misma moral que en el tiempo de la guerra de Argelia cuando el Partido Comunista de Francia, se regocijaba con las emboscadas que los terroristas argelinos realizaban a los soldados de leva franceses.

 

*        *        *

Todas estas películas que hemos comentado aquí están a disposición de nuestros amigos a través de la red edonkey y puede “bajarse” con emule o con cualquier otro programa de P2P. Ya que pagamos canon, cualquier cosa que bajemos es lícito. No creo que la SGAE les pase la parte alícuota del canon digital a las productoras francesas. Probablemente eso será la único bueno que haya hecho la SGAE.

© Ernesto Milà – Infokrisis – Infokrisis@yahoo.es – http://infokrisis.blogia.com

Jueves, 17 de Abril de 2008

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Herder, une autre philosophie de l'histoire

HERDER

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Publié en 1774, l’essai de Herder (1744-1803) sur Une autre philosophie de l’histoire (Auch eine Philosophie der Geschichte) soumet la philosophie des Lumières à une critique radicale qui n’est pas sans rappeler celle de Rousseau. Dénonçant la croyance dogmatique en un progrès continu de l’humanité et l’arrogance d’un rationalisme abstrait qui refuse de faire droit à la différence des cultures, Herder s’efforce d’élaborer une "autre" philosophie de l’histoire articulant plus harmonieusement l’horizon de l’universel et la reconnaissance de la dignité des singularités. C’est dire que la lecture de cet opus philosophique permet de reconduire à leur lieu de naissance de nombreux débats contemporains sur la diversité des cultures, le statut de l’universel face aux accusations d’ethnocentrisme et l’héritage des Lumières.

HERDER, UNE AUTRE PHILOSOPHIE DE L’HISTOIRE

Source : Siegfried Röder, article tiré de la revue germano-russe Russland und Wir n°3/1994, publié dans Nouvelles synergies européennes n°5/1994.

Le philosophe, théologien et linguiste Johann Gottfried von Herder, né à Mohrungen en 1744, était un grand Européen. Son importance, sa signification et son rayonnement n'ont pas cessé depuis sa mort. À Königsberg, il a suivi les cours de théologie et a écouté les leçons de Kant. Plus tard, devenu pasteur et prédicateur luthérien à Riga, sa réputation s’accroît en bien, on vient de loin pour l'entendre mais, en son for intérieur, Herder est travaillé par une inquiétude philosophique, par un questionnement incessant qui le conduit sur la route de France, pays qu'il souhaite explorer. Au cours de ce voyage, un mal le frappa aux yeux et il demeura pendant de longs mois à Strasbourg, où le destin le fit rencontrer le jeune Gœthe qui y étudiait le droit. Les 2 hommes nouèrent une amitié très solide et Gœthe, au faîte de sa gloire, appellera plus tard son aîné à Weimar. Et si Goethe fut davantage l'élu du destin et de la gloire, rien n'efface dans cette liaison amicale l'apport génial de Herder, sans qui Gœthe n'aurait pas été complètement Gœthe. La lecture des œuvres de Herder reste une mine d'or pour le philosophe, le linguiste, l'anthropologue et la praticien de ta littérature comparée. Jugeons-en.

Herder initie le monde philosophique au "sens morphologique" qui permet de saisir toutes les formes d'évolutions humaines. Depuis Herder, existe une véritable philosophie de l'histoire. Grâce à ses réflexions, le pathos moderne de la distance, le sens romantique du vécu et de l’histoire sont devenus des filons féconds de la philosophie parce qu'il les explore et les dépouille des affects trop personnalisés qu'ils présentent généralement d'emblée. Raison pour laquelle on le considère comme le père des sciences humaines en Allemagne. Il est impossible d'embrasser son œuvre tout entière au départ d'un seul de ses livres, même celui qui nous offre la vision la plus complète de sa pensée, Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit (Idées sur la philosophie de l'histoire de l'humanité), ne contient pas toutes les facettes de son génie philosophique. Pour Herder, la connaissance du vivant postule la connaissance d'une évolution, d'un développement. Au départ de ce principe de base, Herder traite d'histoire, d'anthropologie, d'éducation, de théologie, de mythologie, de philosophie, de linguistique et d'art.

L'infinitude des mondes, il la ressentait comme un cosmos animé de divin. Même si, dans sa perspective de pasteur luthérien, l'homme est une créature de la divinité, il dispose d'une fascinante et mystérieuse liberté : l'homme selon Herder est un "être laissé libre" dans l'orbite de la création. Et l'homme est libre, n'est libre, que s'il se montre capable d'assumer cette liberté. C'est donc en tant que Dieu visible et animal parmi les autres animaux que l'homme mène son existence paradoxale : cette polarité lui permet de façonner le monde, de créer des formes en permanence, dans le flux et les mutations du réel. La doctrine herdérienne de l'évolution n'est pas un transcendentalisme, en dépit des parallèles que l'on peut observer entre celle-ci et l'idéalisme de l'école a de Weimar. Herder conçoit les idées comme des forces émanant de sources vivantes, c'est-à-dire comme des entéléchies, à la manière d'Aristote. Herder cherchait dans l’histoire ce même Dieu "qui est en la Nature". Cependant sa démarche philosophique insiste plus intensément sur las dimensions historiques, au sens le plus large. Car dans l’histoire, Herder tentait de suivre pas à pas "la marche de Dieu à travers les formes ‘nations’ " et percevait cette marche comme celle d'un homme qui franchit les différents âges de sa vie ; plus tard, Hegel, dans sa propre philosophie de l'histoire, concevra cette marche de l'Esprit : de manière analogue, en rapport toutefois avec une dialectique objective.

Autre élément fécond dans l'œuvre philosophique de Herder : sa vision du mythe dans la poésie et la littérature. Le mythe émerge de ce miracle qu'est le langage de l'homme, car l'homme est avant toutes choses une "créature dotée du langage". Herder constate : "Le génie de la langue est aussi le génie de la littérature d'une nation" [n.b. : Ipso facto, la liberté de l'homme, qui est son propre dans la création, se manifeste dans la création incessante de formes, toujours plus différentes les unes des autres]. Il faut donc lui laisser cette liberté intacte et permettre l'émergence de formes toujours inédites, venues d'un humus précis. Le comble de l'arbitraire est de bloquer ces émergences fécondes, par ex. en arasant les cultures portées par des langues spécifiques et en imposant des modèles stéréotypés, un peu comme tentent de le faire la "nouvelle inquisition" dans les médias français, ou dans Le Soir en Belgique, ou la marotte du political correctness dans les universités américaines.

Toute langue, dans l'optique de Herder, connaît une phase de gestation, d'éclosion, de floraison et de frémissement. Comme aucun autre, Herder a incarné l’effervescence créatrice dans les brumes du XVIIIe siècle ; aujourd'hui encore, ses visions demeurent fécondes : son rayonnement n'a pas cessé. Son existence est restée au service de la philosophie des peuples, des arts, des poésies, en dépit des maladies qui le minaient et des soucis matériels qui les harcelaient, lui et sa famille qui comptait beaucoup d'enfants : jusqu'à son dernier souffle, il est resté actif. Pendant toute sa vie, il est resté un esprit largement ouvert pour tout ce que l'humanité avait forgé d'impassable, de vrai et de beau. Peu avant sa mort, il a eu encore la force de publier un poème imité de l’épopée espagnole, El Cid.

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mercredi, 07 mai 2008

Georges Sorel: socialisme et violence

Georges Sorel : Socialisme et violence

Source : Ange Sampieru, revue Orientations n°11 (juil. 1989).

Pour la plupart de nos contemporains, l'évocation de Georges Sorel revient le plus souvent à l'analyse du théoricien de la violence. Son ouvrage le plus célèbre, Réflexions sur la violence (1908), constitue une contribution irremplaçable au mythe révolutionnaire. On sait l'importance que constitue pour ce penseur exceptionnel le concept de "mythe". Le mythe révolutionnaire sorélien est inspiré d'une vision polémologique des rapports sociaux. La violence informe l'action révolutionnaire et l'investit d'une conception réaliste de l'histoire. Comme moyen d'agir sur le présent, le mythe prolétarien est un outil au service de la révolution anti-bourgeoise. C'est aussi un outil conceptuel qui doit d'abord s'opposer à la fois à l'utopie socialiste et au conservatisme libéral. Ce discours très original, activiste par excellence, donne une place privilégiée à l'œuvre de Sorel dans notre conception du socialisme.

Avant d'aborder l'analyse proprement dite du mythe de la violence comme idée-force chez Sorel, il est utile de présenter l'homme et son œuvre. C'est à partir de cette connaissance de l'environnement idéologique que nous pourrons, dans une 2nde partie, présenter les caractères de cette "violence" en tant que mythe et des conséquences qui en découlent sur notre propre position.

*** I. Sorel : l'homme et l'œuvre ***

Georges Sorel (1847-1922) commence sa carrière en 1889. C'est l'époque des 1ères traductions françaises des œuvres de Marx. Déjà, on peur trouver en librairie Le Capital et Socialisme utopique et socialisme scientifique ; il faudra en effet attendre 1895 pour que paraisse le fameux Manifeste du parti communiste. En France, il est un fait que le marxisme constitue en 1889 un mouvement idéologique, beaucoup plus qu'un parti révolutionnaire. Et c'est en 1893 que Sorel se convertit au marxisme. Ce rapprochement de Sorel marquera toute son œuvre. Il n'impliquera aucun attachement aveugle aux valeurs marxistes. Le personnage est trop indépendant pour inscrire ses réflexions dans un système total. Mais au fait, qui est Sorel ? Le personnage a été l’objet de nombreuses analyses aussi brillantes que contradictoires. Pour les uns, Sorel est un penseur attaché à l'école rationaliste. Pour d'autres encore, il serait un chantre remarquable de l'irrationnel. Dans ses opinions politiques, il apparaît à certains comme un conservateur révolutionnaire (une espèce rare à son époque) ; pour d'autres, il est un néo-marxiste. Et les ouvrages abondent qui veulent prouver définitivement le bien-fondé de l'une ou l'autre opinion. Pour notre part, nous ne rentrerons pas dans ce débat.

Nous suivrons une analyse chronologique, découpée en phases successives, mais où chaque strate soutient pour une part la pensée suivante. Il est indéniable que Sorel, par ex., a été séduit à un moment de son évolution par la nouveauté radicale des textes marxistes. Comment un intellectuel de son époque, ouvert aux idées neuves, en rapport épistolaire avec de nombreux intellectuels européens de toutes tendances (citons pour mémoire Roberto Michels, Benedetto Croce) n'aurait-il pas été attiré par un discours révolutionnaire proposant une lecture "scientifique" de l'histoire et de la misère. Mais il ne faut pas pour autant croire au "marxisme", orthodoxe ou non, de Sorel. De la même façon, nous ne croyons pas au soi-disant "fascisme" de Sorel, qu'il est difficile de rattacher à l'idée contemporaine (historique) que l'on s'en fait aujourd'hui où 66 années se sont écoulées depuis la prise du pouvoir par Mussolini. L'œuvre de Sorel est beaucoup plus complexe.

Selon Paolo Pastori (Rivoluzione e continuita in Proudhon e Sorel, Giuffre, Roma, 1980, 244 p.), l'œuvre de Sorel constitue "une alternative au conservatisme réactionnaire et au progressisme révolutionnaire". Ce dernier ajoute que la pensée sorélienne est un dépassement des oppositions traditionnelles de la pensée moderne entre, d'une part, les théories du droit naturel et, d'autre part, les théories subjectives du droit, du rationalisme absolu et du volontarisme. La finalité politique de l'idéologie est une révolution "pluraliste", qui restaure une société ouverte, seule à même de contrer la menace par l'entropie sociale du capitalisme. La modernité n’est pas niée, elle est intégrée dans un ensemble communautaire organique. Plus proche de Proudhon que de Marx, Sorel adhère aux fondements idéologiques du penseur socialiste français. C’est-à-dire :

  1. Une conception plurielle de la raison. Le marxisme est un rationalisme moniste et absolu qui, comme le capitalisme, inscrit un projet social desséchant.
  2. Une vision pluridimensionnelle de l'homme. Le marxisme est un réductionnisme dangereux pour l'homme (à cause de son déterminisme économique) et la société (mécanique de la lutte des classes). La prise en compte d'une dialectique sociale qui refuse le dualisme classe ouvrière/entrepreneurs capitalistes et reconnaît un jeu plus riche de rapports sociaux.
  3. Un projet de synthèse sociale, où le sens de l'équilibre (en devenir) des classes sociales souligne la dialectique autorité/liberté, individu/communauté, passé/présent.

Sorel et Proudhon : un rapport de continuité

Il y a sans aucun doute chez Sorel et Proudhon un rapport de continuité. Sorel est un élève de Proudhon, qui actualise sa réflexion, au cours des différentes phases de ses recherches. Pour Pastori, Sorel est d'abord : un conservateur libéral (1889-1892), puis un marxiste de "stricte obédience" (1893-1896) ; cette 2nde phase débouche sur une période de révision du marxisme déterministe et scientiste, pour aboutir en 1905-1908 à un retour à la pensée de Marx, qui sera définitivement abandonné en 1910-1911. Cette dernière phase constitue pour Sorel un point de retour à la pensée de Proudhon. Nous apprendrons donc à mieux connaître Sorel si nous voulons bien nous atteler à la tâche d'une étude sérieuse de l'auteur de La Guerre et la paix et de La capacité politique des classes ouvrières...

Proudhon est un penseur révolutionnaire dans ce XIXe siècle de la raison bourgeoise. Attaché à l'idée, il ne peut être considéré comme un "rationaliste" au sens commun du terme. Proudhon distingue plusieurs catégories du concept de raison : la raison humaine, la raison naturelle, la raison pratique, d'une part et, d'autre part, la raison publique et la raison particulière. La raison humaine est la faculté supérieure de concevoir "l'idéal qui est l'expression du libre pouvoir créateur des groupes historiques et des personnes". Face à la raison raisonnante de la pensée bourgeoise et du marxisme à prétention scientifique, Proudhon revendique avec force l'espace de liberté de la pensée historique des groupes sociaux, et même de l’homme conçu comme un être de culture non-conditionné par des déterminisnes absolus.

Cette 1ère raison est limitée à son tour par la raison dite, dans le langage proudhonien, "raison naturelle" ou "raison des choses". Elle est nécessité objective, qui retient dans certaines limites indépassables, les aspirations démiurgiques de l’homme. La raison pratique est la synthèse finale des 2 précédentes. C'est à travers elle que l'on peut appréhender la confrontation de 2 raisons, celle de l'homme libre non-déterminé par un mécanisme de la matière, et celle du réel qui est la frontière des pouvoirs créatifs humains. Proudhon s'inspire d'une conception pragmatique. La 2nde catégorie se décompose en raison publique ou générale, et raison particulière, reproduction de "l’instance de l'universalité" (la nécessité) et celle de la particularité (la liberté). La non-coïncidence des raisons évoquées implique une critique radicale des systèmes de pensée "absolutistes" en termes contemporains, des pensées totalitaires (marxisme, jacobinisme et rousseauisme démocratique). Proudhon, militant anti-totalitaire, privilégie la raison particulière. Ce "rationalisme pluraliste" informe alors la conception socio-politique de Proudhon.

La dialectique sérielle de Proudhon

La théorie des séries est un élément nécessaire pour comprendre sa pensée. Proudhon distingue dans tout processus 2 moments séparés : le 1er moment est la division-individuation (constitution de séries simples), le 2nd, celui de la recomposition de l'unité-totalité (constitution de séries composées). Proudhon affirme aussi l'indépendance des ordres de séries et l'impossibilité d'une science universelle (De la création de l'ordre dans l'humanité). Paolo Pastori parle de la "dialectique sérielle" de Proudhon, qu'il oppose à la dialectique hégélienne, et rapproche de la dialectique crocienne des instincts. Cette dialectique sérielle confirme Proudhon dans son refus de toute analyse réductionniste. L'existence sociale ne se ramène pas a un référent unique, universel et déterminant. La sociologie proudhonienne, que Sorel reprendra à son compte, est une "sociologie de la composition" (division du travail et organisation, reconnaissance des économies rurales et industrielles, fonctions centrales et décentralisation).

Cet aspect de la pensée Proudhon/Sorel est opposé aux tendances à l'unidimensionnalité de la société capitaliste. L'économie libérale qui est sa forme historique, confond ensuite liberté et libre concurrence, créant "une nouvelle féodalité anti-organique et anti-politique". Proudhon n'est pas ennemi de l'initiative individuelle. Il soumet celle-ci à sa théorie des séries. À savoir : le moment subjectif de l'initiative individuelle, et celui, objectif, de la soumission aux fins collectives du peuple.

L'apologie concomitante du monde rural constitue, chez les socialistes français, une véritable critique de "la réduction économiste de la réalité humaine" (Idée générale de la Révolution). Mais cette apologie ne doit pas être confondue avec un quelconque attachement réactionnaire au monde paysan. L'idéologie socialiste de Proudhon défend la production agricole sans lui coller des valeurs de droite, telles que le fit l'État français entre 1940 et 1944. La terre et l'industrie sont 2 facteurs de travail et de production reliées par un système englobant de fédérations. Et la révolution est "le refus de la réduction d'un ordre social pluridimensionnel à la seule finalité économique" (P. Pastori, op. cit.).

La révolution n'est pas un simple mouvement de destruction et de contestation d'une classe (la Révolution française est le mouvement de la bourgeoisie trop à l'étroit dans une société traditionnelle où les valeurs dominantes sont celles de l'aristocratie - valeurs sociales - et de l'État monarchique - valeurs du politique). Contre cette idée dévoyée de la révolution, les socialistes français (Proudhon et Sorel) ont une conception révolutionnaire de l'équilibre. La synthèse par le haut (le dépassement) de valeurs en apparence seulement contradictoires : individualité et communauté, propriété privée et intérêt public.

En ce qui concerne, par ex., la propriété, le socialisme s'oppose à la fois à son élimination radicale (communisme) et à son maintien en l'état. La bourgeoisie nie la signification sociale de la propriété. La propriété socialiste la reconnaît. D'où, chez ces penseurs, une valorisation constante de la JUSTICE, valeur pivot de la nouvelle société envisagée. Et, chez Proudhon, puis Sorel, le développement d'un discours fédéraliste, antiéconomique et anti-bourgeois (les socialistes parlementaires sont compris dans cette dernière catégorie).

Séduisante discipline marxiste et rigorisme déterministe

On doit remarquer que Sorel reste dans une position critique vis-à-vis de l'œuvre de Proudhon, qu'il accuse de tendances à un "esprit de système". "L'ontologisation" de la Justice est le fondement philosophique de l'apologie de l'équilibre. Au-delà de cette critique, Sorel reste néanmoins un élève fidèle du proudhonisme. Il rejoint Proudhon dans sa réflexion sur la liberté, qui est le nœud gordien de l'éthique socialiste. Il y a chez Sorel un attachement souvent proche de l'inconscience aux valeurs "libertaires" du "socialisme utopique". Cette méfiance et cette inconscience expliquent, pour une part, l'adhésion au socialisme "déterministe" de Sorel. Face à l'individualisme bourgeois, Sorel se tourne vers un socialisme radical, un socialisme de combat. Le marxisme représente alors chez Sorel un germe d'ordre face au chaos créé par le capitalisme de la bourgeoisie. Le monde de la production sous-tend alors cette révolution culturelle réclamée par Sorel. Sorel est partisan d'une raison pratico-politique, doublée d'une conception historiciste.

À partir de 1896, Sorel suit une évolution qui l'éloigne de cette raison déterministe. Sa critique philosophique du positivisme s'étend à un discours politique où la "raison absolue" tient le rôle souverain. Il y a, écrit P. Pastori, "une rupture radicale avec le rigide schéma matérialiste du marxisme orthodoxe". Et, en 1898, Sorel revient plus sérieusement vers Proudhon : il écrit alors L'avenir socialiste des syndicats. La révolution qui instaure la dictature du prolétariat est rejetée par Sorel. Il accuse ce projet de masquer la dictature des intellectuels. Derrière la conception finaliste et proprement "apocalyptique" de la révolution prolétarienne, entendue au sens marxiste, on reconnaît sans peine une tyrannie économico-intellectuelle, une idéocratie despotique. Et Sorel propose au prolétariat un 1er acte révolutionnaire : rejeter définitivement la dictature des intellectuels, qui reproduit la discipline externe du capitalisme. À la place, il faut instaurer une discipline interne, que Sorel qualifiera de "morale". Enfin, en 1903, Sorel, selon l'opinion de Pastori, rejoint une fois pour toutes Proudhon, quittant les terrains dangereux du marxisme orthodoxe. Il écrit alors son Introduction à l'économie moderne.

Sur 2 points surtout, Sorel est proudhonien : il faut conserver la propriété privée, qui est une garantie sérieuse de la liberté des citoyens. Cette propriété sociale est réelle face à la forme bourgeoise de "propriété abstraite" où le propriétaire du moyen de production n'est pas le producteur. 2nd point : restaurer l'idéal qui animait l'antiquité romaine d'une "compénétration harmonieuse des intérêts individuels, familiaux et sociaux". Sorel propose aussi un ordre juridique bien loin de tout "rationalisme politique". Il réclame l'apparition de nouvelles "autorités sociales". Enfin, il donne à l’État un rôle de médiateur et une fonction d'initiative.

Le mythe : outil spirituel de mobilisation

Sorel développe d'autre part une théorie des mythes sociaux. Le mythe est la synthèse nécessaire entre la raison et "ce qui n'est pas rationnel". Le mythe est une traduction symbolique du réel, qui autorise et favorise une mobilisation totale des masses. En ce sens, le mythe est le contraire du rationalisme intellectuel, par ex. celui des marxistes. Sans contester cette "raison des choses" dont parlait Proudhon et les "pesanteurs objectives" qui en découlent, Sorel retient le mythe comme outil spirituel de mobilisation. L'ordre social et ses dépendances idéologiques (comme le droit) sont fondés sur une conception commune du monde, une vision du social et du politique qui ne se réduisent pas à un pur discours rationnel. L'ordre est le résultat conjoint de cet ensemble d'images (le mythe) et d'une volonté populaire (la mobilisation).

Cette position sera à nouveau l'objet d'une révision provoquée par la "révolution dreyfusienne" de 1905-1908. Pour Pastori, il y a un retour à une conception "dichotomique" : Sorel est partagé entre la relation continue raison/irrationnel et la rupture révolutionnaire comme explosion totale et irrationnelle. On trouve ce partage dans ses écrits réunis sous le titre de Réflexions sur la violence. Sorel distingue la grève générale syndicaliste (création d'un nouvel ordre) et la grève générale politique (nous préférons dire : politico-partitocratique), c-à-d. exploitée et dirigée par les politicards sociaux-parlementaires. La révolution est un élan créateur, que la grève informe et qui consiste en une critique totale de l'ordre existant. La figure du héros révolutionnaire se dégage : le syndicaliste est le guerrier vertueux de cette révolution, mû par des valeurs de sacrifice, du désir de surpassement. Sorel analyse certaines institutions traditionnelles comme exemplaires d'une structure révolutionnaire : ainsi l'Église catholique, à la fois acteur séculier et dont les membres sont voués à un absolu. Idéalisme transcendant et action directe et permanente sur l'histoire sont les 2 qualités d'un parti de la révolution. En 1910, Sorel écrit de l’Église qu'elle est une élite.

C'est aussi l'époque où Sorel réfléchit sur les questions du droit romain et des institutions historiques qui composèrent l'ordre social antique. À savoir et principalement le patriarcat. Il distingue 3 sources de l'esprit juridique : la guerre, la famille, la propriété. La guerre est une des dimensions de la dialectique des relations sociales. Et la révolution doit utiliser à son profit cette pluralité des relations sociales, non point au nom d'un finalisme catastrophique (révolution finale du marxisme orthodoxe), mais pour le rétablissement de cette "justice supplétive", fondement de l'ordre juridique. Sorel exclut de tout compromis le domaine des relations avec la partie de la bourgeoisie qui "réduit tout à l’utile économique". D'où une certaine fascination pour la révolution bolchévique, qui n'est pas le résidu d'un quelconque attachement idéologique au marxisme, mais une reconnaissance de la révolution totale en actes. Peut-être est-ce aussi un désir de bien démarquer sa pensée de ce social-réformisme qu'il exécrait par dessus tout (Sorel parle du "socialisme hyper-juridique de nos docteurs en haute politique réformiste", in Introduction à l'économie moderne, cité par Marc Rives : À propos de Sorel et Proudhon in Cahiers G. Sorel n°1, 1983).

*** II. Socialisme et violence ***

Sorel est un grand penseur non pas tant pour ses œuvres que par l'originalité de ses réflexions et la "marginalité" de ses positions. Qui fut Sorel ? Un traditionaliste, un marxiste, un dreyfusard, un champion du syndicalisme révolutionnaire, un nationalisme volontariste ou un léniniste de cœur et d'esprit ? Certains hommes sont rétifs à toute classification. Les étiquettes ne parviennent pas à les maintenir dans une case et les maîtres en rangement ont des difficultés insurmontables à "normaliser" ce type d'hommes. Certains chercheurs se sont pourtant essayés à mieux cerner Sorel. Citons pour mémoire : Georges Sorel, Der revolutionäre Konservatismus de Michael Freund (Klostermann, 1972) ; Notre maître G. Sorel de Pierre Andreu (1982) ; enfin : Georges Sorel : het einde van een mythe, J. de Kadt (1938).

Pour Claude Polin, la question est claire : un homme qui fut tout à tour un admirateur de Marx, Péguy, Lénine et Le Play, Proudhon, Nietzsche, Renan, James, Maurras et Bergson, Hegel et Mussolini, etc. fut-il "brouillon" ? Sa réponse est tout aussi directe : il s'agit là d'un chaos apparent qui cache une logique hors des sentiers battus par la pensée universitaire. Sorel est l'homme des intuitions. Il est en même temps celui du refus total des systèmes de pensée, que beaucoup de ses contemporains voulaient imposer comme "horizons indépassables de leur temps" (exemples du comtisme et du marxisme). Cette liberté de pensée, ce désir de ne pas enfermer sa réflexion sur le monde et la société dans un cadre idéologique figé et mécanique, Sorel l’a exprimé dans un de ces ouvrages les plus forts : Réflexions sur la violence (1906).

Dans son ouvrage sur la "droite révolutionnaire", suivi de Ni droite, ni gauche, l'historien Z. Sternhell intitule un de ses chapitres : "La révolution des moralistes". Sorel est donné dans ce chapitre comme l'un des représentants les plus remarquables de ce courant "moraliste". Face au révisionnisme libéral de Bernstein et de Jaurès, attachés aux valeurs libérales traditionnelles (à propos de ces valeurs, Lafargue parlait de "grues métaphysiques", cité par Sternhell p.81), les "moralistes" sont les hommes du refus de tout compromis déshonorant : compromis avec les valeurs de la société bourgeoise, compromis avec le matérialisme sous toutes ses formes, c-à-d. : marxiste, bourgeois (on retrouve ce même sentiment dans d'autres groupements européens de notre époqu e: Congrès de Hoppenheim (1928), Congrès du Parti Ouvrier Belge (manifeste du 3 juillet 1940), où De Man évoque une révolution spirituelle et éthique devant les congressistes). Ce "socialisme éthique", on le retrouve à l'origine de ce mythe de la violence.

Violence, prolétariat et grève générale

Il est tout d'abord utile de ne pas confondre la "violence" sorélienne avec les formes physiques d'agressivité que nos sociétés modernes nous exposent. La notion de violence chez Sorel se conjugue avec 2 autres notions toutes aussi essentielles : celle de "prolétariat" (le monopoleur de cette violence) et celle de "grève générale", qui est l'arme de la révolution. Il y a en effet une liaison intime entre la grève générale et l'exercice de la violence. La grève générale est l'expression privilégiée et unique dans l'histoire contemporaine de la violence du prolétariat. C'est, écrit Sorel, un "acte de guerre", semblable à celui d'une armée en campagne. La grève générale est un acte de guerre, ce qui implique qu'elle en possède les mêmes caractéristiques. Notamment qu'elle se produit sans haine et sans esprit de vengeance. Sorel écrit : "En guerre, on ne tue pas les vaincus".

L'emploi effectif et actualisé de la violence physique n'est pas consubstantiel à la violence de la grève générale. Cette violence est une sorte de "démonstration militaire" de la force prolétarienne. La mort d'autrui n'est qu'un accident de la violence, ce n'est pas son essence. Sorel oppose la violence militaire bourgeoise et la violence guerrière prolétarienne limitée (les travaux des historiens démographes démontrent tout au contraire le caractère beaucoup plus sacrificateur et sanglant des guerres non-conventionnelles, dites "guerres atomiques", par rapport aux guerres traditionnelles). La violence de Sorel est donc une attitude, une attitude de détermination face à l'adversaire. La violence est une idée qui favorise la mobilisation et l'action qui en découle. Sorel écrit aussi : "Nous avons à agir".

Cette optique explique aussi le mépris sorélien de la classe des intellectuels, incapables de toute action offensive, ignorant du terrain des luttes. A contrario, on peut remarquer que ces mêmes intellectuels, qui refusent le contact de la réalité avec le réel, sont des dirigeants sanguinaires. Leur "violence" d'intellectuels au pouvoir (Sorel pense peut-être à la révolution de 1791 et à la répression de 1870) est erratique, cruelle, terroriste. La violence qu'ils exercent est pathologique. Elle traduit leur impuissance à réunir les masses autour de leurs valeurs. La violence sorélienne est tout à l'opposé de cette violence - on pense à la violence des jacobins de 1791, à la violence léniniste de la NEP contre les paysans d'Ukraine, etc. - parce qu'elle a pleine conscience de sa dignité, de sa générosité. Sorel se réfère à une violence guerrière qui, comme chez Clausewitz, est la marque d'une volonté. La violence est une manifestation de détermination, de fermeté dans ses objectifs et son idéal.

Cette idée de "violence créatrice" débouche sur un mythe historique chez Sorel : la grève générale. La violence volontariste est une idée qui doit se poser comme acte historique. L'idée anime une volonté et le mythe médiatise le rapport entre le réel (la grève générale) et l'idée. Le mythe, écrit Sorel, est la réalisation d'espoirs en actions, non pas au service d'une doctrine, parce que les doctrines et les systèmes sont des spéculations intellectuelles hors du champ de faction et de l'intérêt des prolétaires. La violence est la doctrine en actes, elle est volonté pure et non représentation pensée. L'idée de la grève générale est "une organisation d'images", un instinct collectif et un sentiment général qui manifeste la guerre du socialisme moderne contre la société bourgeoise. Et Sorel revient à cette notion d'intuition, qui n'est pas réductible à un classement clair, précis, bref mécanique, d'idées alignées et normalisées. La violence est, chez Sorel, proche de l'idée bergsonienne. Polin écrit : "Dans la violence, le mythe devient ce qu'il est". La notion de confusion entre le devenir et l'intuition joue le même rôle chez nos 2 auteurs.

Le syndicalisme révolutionnaire s'oppose au social-réformisme

La violence est enfin la matrice d'un socialisme prolétarien. Le socialisme de Sorel né de cette violence n'est pas un social-réformisme. Sorel fait confiance au syndicalisme révolutionnaire pour bâtir ce socialisme. Le syndicat est ce faisceau des forces vives du prolétariat. Le socialisme de Sorel refuse le socialisme du rêve ou de l'éloquence parlementaire, celui des partis et des intellectuels qui les mènent à des songeries creuses. Citons encore Sorel : "Le syndicat : tout l'avenir du socialisme réside dans le développement autonome des syndicats ouvriers" (Matériaux pour une théorie du prolétariat). Et Polin note avec justesse que le syndicat est dans l'idée sorélienne le "Cogito du prolétariat".

Sorel considère le syndicat comme la cheville de la révolution. Les groupements naturels du prolétariat sont les syndicats. Ils sont le creuset de sa volonté manifestée de libération. Le syndicat, qui exclut les intellectuels et les parlementaires, est une communauté de combat authentique. Sorel dit d'ailleurs aux marxistes que le vrai marxiste est celui qui comprend que le marxisme est inutile aux masses ouvrières. Le syndicat agit par lui-même, pour ceux qui sont ses membres. Il ne suit pas les programmes des partis et des professionnels de la pensée. Ces derniers, que Sorel appelle "les docteurs de la petite science", eurent à l'égard de ce jugement une réaction corporatiste dont Sorel se moqua. Sorel renvoie dos à dos les intellectuels des partis bourgeois et les intellectuels qui se prétendent prolétaires. Il dénonce leur nature proprement parasitaire. L'utopie de leurs discours est réactionnaire. L'intellectuel bloque le mouvement révolutionnaire et aliène la pensée des travailleurs. La révolution est pensée en actes. La révolution des intellectuels est pure image.

Mais il ne faut pas pour autant confondre "action violente" et "action pour action". Sorel, précise Polin, n'est pas un penseur nihiliste. L'agitation n'est pas la révolution. La violence ne se limite pas à une série de secousses. La violence engendre des actions que Sorel nomme "actions épiques". L'épopée révolutionnaire n'est pas négativiste, elle est une néguentropie sociale. La violence est la forme la plus haute de l'action, parce qu'elle a pour finalité de CRÉER. En ce sens, elle est responsabilisation des acteurs, noblesse des combattants, dépassement de soi-même. Elle éveille "le sentiment du sublime", et "fait apparaître au premier rang l'orgueil de l'homme libre" (Réflexions…). On peut rapprocher cet aspect créateur, proprement faustien de la violence, des valeurs nouvelles du "philosophe au marteau" de Sils-Maria.

La violence est un moyen de créer, elle n'est pas une fin en soi. Cette créativité l'investit d'une valeur sans pareil. Et elle est au service du socialisme puisque celui-ci veut, selon le mot fameux de Marx, transformer le monde et non plus seulement le comprendre. Le socialisme est une idée neuve pense Sorel. Il a cette jeunesse qui refuse les programmes et les idées claires et distinctes. Enserré dans un discours, il perd toute vitalité. Il devient vieux, identique à ses adversaires. Le socialisme est une idée en actes, c'est un produit spontané. Il est évident que ce socialisme-là n'a que peu de rapport avec les partis sociaux-démocrates actuellement existants dans les "démocraties occidentales". Le seul commun dénominateur est ce nom de "socialisme". Quant au reste...

Un socialisme étranger au monde des sophistes, des économistes et des calculateurs

Nous avons rappelé l'hypothèse de Sternhell selon laquelle Sorel est un penseur de la "Révolution moraliste". Polin le rappelle, Sorel est un "pessimiste par tempérament". Ainsi pour lui, le progrès traduit avant tout une notion bourgeoise. Il est contre Hegel et pense que "la nature humaine cherche toujours à s'échapper vers la décadence". L'homme est soumis à la loi éternelle du combat. Il doit éviter les obstacles que lui oppose la nature et sa nature elle-même (veulerie, lâcheté, médiocrité, etc.). Le grand danger de l'entropie guette l'homme. Sorel écrit : "Il est vraisemblable que les collectivités soient attirées vers un magma assez compliqué et dont la base serait le désordre". La violence révèle alors cette énergie créatrice qui combat l'entropie.

Sorel est un philosophe de l'énergie. L'homme, pense Sorel, se satisfait d'un sentiment de lutte. Dans cette optique, l'effort est plus que positif, recherché comme une fin en soi. La violence donne à l'homme une énergie salvatrice qui le retient d'être médiocre (Polin compare l'énergie sorélienne exprimée par la violence au thumos stoïcien). L'homme, par la violence émergée de son individualité créatrice, rejoint ultimement la morale. La violence est la forme permanente de la morale. La morale est donc une lutte contre l'entropie appauvrissante. On peut encore se référer à Nietzsche. La nouvelle table de morale du philosophe allemand est proche des valeurs de lutte et de dépassement que Sorel réclame des ouvriers.

Morale égale chez Sorel à sacrifice de soi, abnégation, héroïsme, désintéressement, effort. L'ouvrier est le guerrier romain, le conquérant du XXe siècle ; il doit posséder les qualités morales qui l'ennoblissent et lui assurent sa supériorité face à la bourgeoisie. Sorel parle avec sympathie de cette race d'hommes "qui considère la vie comme une lutte et non comme un plaisir". Ses maîtres-mots sont : énergie personnelle, énergie créatrice, énergie agissante. Ce type d'homme est élève du guerrier grec. Il refuse le monde des intellectuels qui l'affaiblit. Comme E. Burke, il est étranger au monde des sophistes, des économistes et des calculateurs. Et Sorel va plus loin quand il écrit : "Le sublime est mort dans la bourgeoisie" et ce sublime est l'apanage de la violence dans l'histoire. C'est la source de la morale révolutionnaire. Le syndicat renoue avec un monde de la morale, donc du sublime et de l'héroïsme. C'est un lieu, une école de moralisation collective. Le syndicat est autonome et sa morale est une conception du monde totale.

Mais Sorel est un apôtre de la violence parce qu'il croit dans la figure nouvelle du Travailleur. Sorel identifie pour nous le travail. Il récuse la dichotomie guerre/travail d'Auguste Comte. Le travail est une œuvre créatrice qui ne se plie pas au fond aux calculs sordides des capitalistes. Le travail est désintéressé. Comme la violence. La grève générale est aussi un acte libre de toute recherche de profits matériels. De même, Polin ressent la notion du travail comme une lutte à part entière. Le travail est, dans l'intuition de Sorel, un acte prométhéen. Le travail n'est pas seulement action de transformation sur les choses, il rétro-agit sur soi-même et la collectivité tout entière. La violence ennoblit la conscience du travail ; en d'autres termes, elle donne forme à l'œuvre de création et de transformation.

Le travail, qui n'est pas un simple "facteur de production" comme le prétendent les penseurs (?) et les économistes de l'école libérale, ni une source de profit pour le travailleur et de plus-values pour les entrepreneurs comme le croient les marxistes stricto sensu, est une forme sublimée de création. Il est bien évident que la violence sorélienne est une qualité qui est propre au monde des producteurs ; la réduction de la violence à une domination de l'homme par l'homme est le contraire de cette violence prolétarienne de Sorel. Sorel ajoute même qu'au cœur du travail lui-même, on trouve la violence comme moteur intime. Les notions sont ainsi reliées entre elles : Travail, Violence, Morale. Et le socialisme est ensuite le résultat de cette "vertu qui naît" (Réflexions...). Le travail est une lutte, où le producteur est soulevé par une violence absolue, et dont découle l’acte créateur historiquement.

La violence, antidote aux bassesses d'âme

Pour Sorel, il est évident que cette émergence du socialisme de la violence se fera au détriment du vieux monde bourgeois. Si la violence est une notion positive parce que créatrice, il faut qu'elle s'attende à des oppositions farouches. Sorel se propose de délimiter le territoire du conflit et de situer l'ennemi en face. La civilisation, c'est l'ennemi n°1 du socialisme naissant, ennemi qui s'appuie sur 2 autres instances du vieux monde : la démocratie et l'État. Les troupes qui défendent ces citadelles sont variées et quelquefois ennemies en apparence : c'est le camp de la bourgeoisie (libéraux, radicaux, partisans du capitalisme pur et dur, droite conservatrice) et des pseudo-socialistes (les membres responsables des partis réformistes, la "gauche" démocratique, les progressistes de toutes tendances).

Derrière ces abstractions (démocratie, civilisation, État), Sorel combat inlassablement les mêmes valeurs communes aux idéologies de la médiocrité. Il y a chez Sorel le sens de la guerre culturelle, du combat des valeurs. Il ne croit pas aux étiquettes que le discours bourgeois aime attribuer aux acteurs de son jeu. Les mots dans le jeu politique ne sont souvent que des apparences. Sorel cherche à fouiller les racines des discours. Être "socialiste" ne signifie rien si on n'est pas conscient d'une conception du monde en rupture avec la société marchande. Paresse, bassesse, hypocrisie, incompétence, veulerie, sont des traits communs aux partis officiels.

La violence sorélienne est en effet très consciente de l'enjeu réel et historique de la lutte. Les non-valeurs, qui asservissent les producteurs et lui ôtent toute liberté, sont concentrées dans la conception économique de l'homme, que les maurrassiens ont appelé "l'économisme". Les principes de cet économisme sont au nombre de 2 : la croyance au progrès matériel, la réduction de l'homme à des valeurs matérialistes. L'homme bénéficie en même temps que le confort matériel d’un "confort" intellectuel. L’homme est un énorme estomac, destiné à la soumission sociale et politique. La société de consommation est alors le plus grand camp de normalisation intellectuelle. On peut penser que la violence sorélienne aurait été en en état de rupture avec le monde occidental, et tout ce que ce monde charrie derrière lui. De la même façon, il aurait du mal à se reconnaître dans certaines critiques progressistes de la société de consommation, dont le fondement réside dans une exigence encore plus grande de confort. La philosophie du bonheur est anti-sorélienne et Marcuse serait considéré par Sorel comme un cas typique d'utopisme bourgeois. L'homme qui réclame la fin du travail, qui refuse la lutte, qui conteste la guerre sociale, cet homme que nos philosophes des années 70 appellent de tous leurs vœux, n'a que de très lointains rapports avec le producteur à la mentalité guerrière des Réflexions sur la violence.

Les illusions du progrès

Quant au "progrès", Sorel a senti le besoin de lui consacrer un ouvrage entier tant il lui a semblé que ce concept était un fleuron de la mentalité bourgeoise. Il s'agit des Illusions du progrès. L'illusion suprême d'un paradis terrestre retrouvé à la fin des temps provoque chez Sorel une réaction épidermique. Le pessimisme sorélien est la conclusion d'un constat : l'homme ne change pas fondamentalement. Sorel approuve les actes de progrès matériels mais il s'agit chez lui d'une admiration pour la "créativité" dont ces actes sont les manifestations. De la même façon, il croit au prolétariat non pas comme Marx croyait à la "classe élue de l'histoire" mais parce qu'il constate que la bourgeoisie n'a plus l'énergie de mener la lutte éternelle.

L'histoire est pour Sorel une succession d'énergies manifestées dans des groupes restreints. Le capitaine d'industrie est une figure positive. Ce n'est plus qu'une idée à son époque. En outre, les valeurs marchandes sont des valeurs de dégénérescence. Partir en guerre contre la société moderne (entendez marchande) est un point commun de Sorel et de Maurras. La haine du bourgeois, écrit Polin, est un point de rencontre entre l'Action Française et Sorel. C'est une classe sans volonté, sans honneur, sans dignité. Le régime démocratique lui convient parce qu'il conserve, non parce qu'il est source de création. Sorel parle durement de la bourgeoisie puisqu'il constate chez elle "une dégradation du sentiment de l'honneur".

Cette démocratie, Sorel la vitupère, il écrit : " (la démocratie) est le charlatanisme de chefs ambitieux et avides" (Réflexions…). Peu importe que cette démocratie soit conservatrice ou populaire, elle conserve et favorise la même décadence. Les socialistes démocrates sont des "politiciens épiciers, démagogues, charlatans, industriels de l’intellect". En outre, non contents de maintenir le peuple sous un régime oppressif (où sont les libertés des ouvriers travaillant 16 heures/jour, 6 jours/7 ?). La démocratie établit le règne de l’argent. C’est une tyrannie, une tyrannie ploutocratique, dirigée par des hommes d’argent, qui veulent préserver leurs intérêts propres. Sorel écrit : "Il est probable que leurs intérêts sont les seuls mobiles de leurs actions". Quant aux responsables de l'Internationale Ouvrière, Sorel les dénonce comme des apprentis dictateurs. Leur objectif est l'instauration d'une "dictature démagogique".

Sorel ne veut pas d'un socialisme d'État. Il manifeste dans sa critique de l'État des tendances anarchisantes, fort peu compatibles avec la dictature d'État du prolétariat désirée par les marxistes. L'État (même socialiste) est un "État postiche", porteur d'une "merveilleuse servitude". L'État démocratique s'achève dans l'histoire avec les massacres de septembre. Et ce que C. Polin appelle, comme Sorel, "le cortège idéologique" de la démocratie (droits de l'homme, humanitarisme, charité, pacifisme, etc.) ne change rien au caractère oppressif de ce régime. Sorel est l’auteur d'une phrase célèbre sur la démocratie : "La démocratie est la dictature de l'incapacité" (Réflexions…). Deux mots nous frappent : la dictature, l'incapacité.

La critique anti-démocratique de Sorel ne doit pas être confondue avec l'idéologie réactionnaire du courant autoritaire ni avec le discours conservateur de l'Ordre-pour-l'Ordre. D'ailleurs, on voit bien chez Sorel un rejet des 2 camps : le camp de la bourgeoisie, où la lâcheté domine, et celui du social-réformisme mené par la corruption. Sorel croit en la lutte des classes. Ce qui le rend irréductible aux étiquettes conservatrices et social-démocrates. La violence qui manifeste cette lutte des classes est aussi un facteur d'énergie en action. Comme Pareto, il croit que la lutte des classes accouche de nouvelles élites sur les cadavres des classes déchues. La paix sociale est pour Sorel l'état d'entropie sociale absolu. Pourtant, Sorel ne peut être marxiste parce qu'il n'adhère pas à la vision finaliste du monde de Marx. La lutte est une activité normale de l'humanité. Elle n'a pas de sens, si ce n'est celui de faire circuler les élites dans l'histoire. En résumé, la violence est porteuse d'un projet de création en devenir infini, porteuse d'une conception morale de la vie, source d'une organisation des producteurs.

*** III. Conclusions ***

Dans son introduction aux Réflexions, Sorel écrit : "Je ne suis ni professeur, ni vulgarisateur, ni aspirant chef de parti ; je suis un autodidacte qui présente à quelques personnes les cahiers qui ont servi pour sa propre instruction". Les Réflexions constituent donc un ensemble de constatations pratiques. Sorel le répète : il ne veut pas faire une œuvre universitaire. C'est plutôt une pédagogie à l'usage des syndicalistes libres, qui sont prêts à recevoir un message révolutionnaire.

La violence sorélienne est la dimension purement morale et créatrice du socialisme de Sorel. Le message de Sorel est que le socialisme n'est pas un programme politique, ni non plus un parti politique. Le socialisme est une révolution morale ; en d’autres termes, le socialisme est d'abord un bouleversement des mentalités. On pourrait parler à la limite de "révolution spirituelle". Et la violence informe ce brutal changement dans les âmes. Le socialisme sans la violence n’est pas le socialisme. Seule l'utilisation de la violence assure une révolution positive. Sorel ne reconnaît pas dans les événements de la Révolution française une violence créatrice. Il rejette tout ce qui vise à détruire pour le plaisir de détruire. La violence donne au socialisme la marque de sa noblesse. Elle constitue une valeur essentielle de l’organisation progressive et indépendante des producteurs.

Il est certain que, pour nous, le socialisme n’est pas un discours rigide. Nous ne voulons pas reconnaître dans la social-démocratie un régime ou une idéologie socialiste. Le socialisme n’est pas un ersatz bâtard du libéralisme occidental. Les régimes occidentaux qui se réclament aujourd'hui du socialisme sont, à l'exception peut-être de l'Autriche en matière de politique internationale, des compromis honteux, ou "heureux", de social-libéralisme (à ce sujet, lire dans Le Monde Diplomatique de février 1984, l'article intitulé "Un socialisme français aux couleurs du libéralisme"). Sorel avait pressenti cette involution vers un discours mixte, où socialisme et libéralisme feraient "bon ménage"...

Le socialisme de Sorel n'est pas un compromis. Il se présente comme une révolution culturelle. Son objectif n'est pas de gérer le capitalisme par un nouveau partage du pouvoir (quelles différences entre un technocrate de gauche et de droite ?) mais de poser les vraies valeurs de la révolution. La violence est un garant de la fidélité aux valeurs révolutionnaires. Il ne s'agit pas de casser des vitrines des grands magasins ni de pratiquer une violence terroriste. La vraie violence consiste à renverser les tabous. Il faut dénoncer les blocages intellectuels de l'Occident. Il ne faut pas hésiter à remettre en cause le système. Voilà la vraie violence de Sorel : autonomie intellectuelle... Alors, Sorel, une alternative radicale ?...

00:11 Publié dans Révolution conservatrice | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, socialisme, violence | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 06 mai 2008

P. Tulaev : Lo esencial de la cuarta guerra mundial

Pavel Tulaev
LO ESENCIAL DE LA CUARTA GUERRA MUNDIAL

  

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Una de las dudas principales del Mundo actual es saber qué tipo de lucha se está llevando a cabo globalmente. ¿Se trata realmente de una “Lucha contra el terrorismo”?. ¿O más bien es una continuación de la “Guerra Fría”? ¿Dónde está la frontera entre la Tercera y la Cuarta Guerra Mundial, si es que en realidad empezaron tanto la una como la otra?

  Entre los especialistas en teoría militar y los representantes del mundo político tampoco hay un acuerdo tácito en la naturaleza de este conflicto. Aún se discuten cuáles son sus causas, sus objetivos y cómo se manifiesta.

  Se ha establecido una analogía con las otras grandes conflagraciones mundiales, a saber: la Primera, Segunda y Tercera Guerras Mundiales. Los argumentos son los siguientes: La Primera Guerra Mundial (1914-18) fue una lucha entre potencias imperialistas que acabó con grandes revoluciones que hicieron desaparecer a los Imperios Ruso, Alemán y Austro-Húngaro.

  La Segunda Guerra Mundial (1939-45) fue concebida como una revancha de Alemania a causa de la humillación a la que fue sometida después del Tratado de Versalles. Acabó en un titánico conflicto entre ésta y la URSS, así como contra los Aliados occidentales.

  A partir de la Conferencia de Yalta asistimos al nacimiento de un nuevo orden geopolítico, en el que Rusia recupera sus territorios perdidos a causa de la revolución de 1917, e incluso se anexiona algunos más. A causa de la expansión rusa soviética, los “Occidentales” crearon la OTAN. Es entonces cuando Churchill empieza a hablar de una “guerra fría”, el objetivo de la cual es destruir a la URSS como estado y la idea del Comunismo en sí misma.

  ¿Quién, después de 1991, sería capaz de negar que estos planes fueron finalmente llevados a cabo con éxito?

  La desintegración de la URSS, la caída del Pacto de Varsovia y del COMECON, el desmembramiento de Yugoslavia y Checoslovaquia y la injerencia económica en esos países por parte de las potencias occidentales son una prueba del triunfo del sistema liberal-capitalista en esa “guerra fría” jamás declarada contra el mundo socialista.

  Ciertamente aún existen la “China Roja” y otros grupos de resistencia nacional-comunistas o antiglobalización que pretenden ser un punto de referencia en la lucha contra el Pentágono, pero que, ni mucho menos se pueden comparar con las contradicciones existentes entre las potencias vencedoras de la Segunda Guerra Mundial.

  La clase dirigente occidental y los jefes de la OTAN reconocieron abiertamente haber ganado la “guerra fría”. Desde la Rusia post-soviética también se ha reconocido esta victoria: en el Encuentro de Moscú del 20 de abril de 1996 entre los representantes del G-7 y Rusia se reconoció que “el fin de la guerra fría y las reformas políticas y económicas de Rusia han abierto una nueva era en nuestras relaciones; el Encuentro del Kremlin es un gran paso hacia la realización de nuestros objetivos”.

  Llegamos pues a la conclusión que la “Tercera Guerra Mundial” (llamada también “guerra fría”) acabó con la caída del bloque socialista, y que el conflicto actualmente en marcha sólo puede denominarse “Cuarta Guerra Mundial”.

  Visto desde fuera este conflicto no aparece como “caliente” (caso de las dos primeras guerras mundiales) ni “frío”, sino simplemente “oculto”; no se expresa mediante grandes maniobras ni declaraciones grandilocuentes, pero sin embargo está ahí, se está llevando a cabo con toda minuciosidad.

  Aún a pesar de la rapidez con la que la OTAN, con los Estados Unidos a la cabeza, se infiltró en los estados que una vez fueran aliados de la URSS, nadie se dio cuenta al principio de la magnitud de la infiltración, que causó una hipnosis colectiva en esos países, atrapados por el señuelo de las promesas de bienestar material y “moral” que prometían los mensajeros del Liberalismo occidental. Incluso en la misma Rusia, metida de lleno en el sangriento conflicto de Chechenia, las voces que se alzaron previniendo sobre las nefastas consecuencias de esa infiltración fueron ignoradas por gran parte de la sociedad, incluido el estamento militar, y solamente hallaron eco en algunos sectores minoritarios de la opinión pública.

  Fue únicamente a partir de los criminales bombardeos sobre Belgrado, comparables por su cinismo con los ataques atómicos sobre Hiroshima y Nagasaki, que se empezó a ver que la “guerra fría” había entrado en una nueva fase. Igualmente quedó claro este hecho tras la provocación global que se produjo el 11 de septiembre de 2001, pensada como una farsa pública y un show político-militar.

  A muchos especialistas no les pasó desapercibido que ese “ataque terrorista” que causó la desaparición de las dos Torres Gemelas, no fue más que una diversión. Para la realización de ese atentado se contó con la colaboración existente entre los servicios secretos americanos e israelíes. Bin Laden y los talibanes solamente fueron los “tontos útiles”. La finalidad del atentado era clara: Reforzar la presencia de los Estados Unidos (y la OTAN) en todo el orbe, y debilitar a sus potenciales oponentes, al mismo tiempo que relanzar la estancada economía occidental mediante la infiltración en diferentes mercados y la fabricación de armas ultramodernas.

  La diferencia principal entre la “Cuarta Guerra Mundial” y la anterior “guerra fría” es que la primera es llevada a cabo no por naciones ni estados sino por estructuras transnacionales. Con la ayuda de las nuevas tecnologías se ha expandido por todos los rincones del orbe. Por ejemplo, la empresa Microsoft, se expande por el mundo conquistando nuevos mercados no a causa de la fuerza de los tanques y aviones, sino a través de los canales informativos del ciberespacio.

  Las especificidades de estas agresiones aparecen más claras cuando se observa el mundo no como un “todo”, sino como compuesto de diferentes “realidades”: La Biosfera (naturaleza); la geografía; la historia (memoria); la religión (sistema de valores); la ciencia y la técnica; las comunicaciones; el ciberespacio (mundo virtual) y la esfera financiera. Todas estas realidades juntas constituyen lo que denominamos con una simple palabra: “Mundo”.

  Todas las fuerzas y los sujetos históricos que alguna vez han pretendido jugar un papel importante en tal o cual circunstancia han debido de tener en cuenta todas esas esferas citadas anteriormente. Los conflictos, la diplomacia abierta y secreta y las luchas de los servicios de seguridad, todos forman lo que se ha venido a llamar la “guerra mundial”.

  El resultado es que siempre ganará el que mejor comprenda la realidad del mundo circundante, el que mejor sepa utilizar las armas y recursos en su totalidad. El simple conocimiento solamente de una esfera (por ejemplo, religiosa o geográfica) y la posesión, igualmente, de un solo tipo de arma (de fuego o nuclear, pongamos el caso) no dará nunca como resultado la victoria en una guerra contemporánea.

  Occidente siempre ha sabido utilizar con provecho las viejas armas de sus rivales. La creación de disputas religiosas artificiales en una determinada etnia, por ejemplo, lleva a la destrucción de la nación. La proliferación de sistemas multipartidistas desemboca, igualmente, en la utilización inefectiva de los recursos humanos, a la lucha de clanes y a la división del estado en diferentes esferas de influencia económicas.
 

  Los conflictos nacionales en el interior de un estado multinacional llevan también hacia las luchas religiosas y civiles, hacia el secesionismo y la destrucción de los grandes espacios geopolíticos. La financiación de una u otra fuerza en conflicto dentro de los “puntos calientes” del planeta ayuda a las potencias mundiales a modificar en su provecho el equilibrio regional o global. Ejemplos de esta última táctica serían el apoyo prestado por la OTAN a los musulmanes albaneses o a la “oposición naranja” en Ucrania.

  Para desviar la atención de la opinión mundial de estas maniobras y ocultar sus verdaderos objetivos, el agresor enmascara su agresiva tarea. Con este fin, se recurre a la creación de una imagen demonizada del “sujeto” enemigo (este “sujeto” puede ser una persona concreta, una organización terrorista o un determinado país). En la historia reciente, Hitler, por ejemplo, ha personificado como nadie este miedo al “enemigo”. Con la caída del nacionalsocialismo alemán y del comunismo soviético (con sus Gulags), se ha creado un nuevo enemigo mundial, en este caso el “terrorismo islámico”.

  Pero, ¿quién organiza este juego, denominado “lucha por la paz”, “nuevo orden mundial” y “lucha contra el terrorismo”? Existe en realidad una única fuerza capaz de controlar todo el orbe terrestre?

  De hecho, una fuerza única como tal no existe. Hay, eso sí, una unión de las elites dirigentes, coordinadas para conseguir la dominación mundial. Sus órganos de trabajo son organizaciones internacionales como la OTAN, la Comisión Trilateral o el Club Bilderberg. Igualmente, diferentes iglesias, órdenes y clanes familiares y económicos colaboran en la consecución de estos objetivos.

  El tan utilizado concepto de “Judeo-masonería” no ayuda a explicar, ni mucho menos, quién está detrás de todas estas maniobras. Los judíos y los masones no son lo mismo. Dentro del mismo judaísmo existen luchas internas (por ejemplo, entre los sionistas y los ultraortodoxos). Aparte, fuerzas que parecen no entrar en este esquema, como los japoneses, participan de este juego por la dominación mundial.

  A menudo, en lugar de una visión real del conflicto mundial que se está llevando a cabo, solamente vemos a los dos polos enfrentados; los “judeo-masones” por un lugar, y los “terroristas” por el otro.

  Dejando de un lado los valores ideológicos, religiosos o emocionales, la esfera científico-técnica es una de las más importantes. A lo largo de la historia ha habido intentos de calificar a la Genética de “propaganda burguesa”, a la Cibernética de “invento de los judíos”, a los satélites (Sputnik) de “arma de los comunistas” y a Internet de “red del Anticristo”, pero todas estas denominaciones no aguantan ninguna crítica seria. La ciencia y la técnica son instrumentos útiles en manos de la gente libre. Pueden ayudar y reforzar cualquier ideología. No debe temerse a lo tecnológico; al contrario, debe ser utilizado para los propios fines. De otro modo, se corre el riesgo de quedarse por el camino. Con sables cosacos y popes con cruces en el mejor de los casos llegaremos al paraíso, pero no al Progreso.

  Si el suelo fue el campo de batalla de las guerras de los siglos anteriores y en el siglo XX lo fueron los espacios marítimos y aéreos, la esfera de la guerra actual y de las futuras, será lo que se ha venido a llamar “noosfera”, esto es, la inteligencia humana y los productos técnico-científicos que de ella se derivan. Toda la unión de la técnica moderna, telecomunicaciones, medios de transporte, armas modernas…dependen del ingenio humano, de su talento, y estos, a su vez, de la genética y la salud. De esta forma, los espías occidentales aprovechando la aparición de la “Perestroika”, lo primero que hicieron fue engañar a algunos de nuestros mejores especialistas. No pudieron comprarlos a todos, pero sí a muchos, de tal manera que las pérdidas producidas en nuestro país (1) aún se dejarán sentir bastante tiempo.

  Es por esto que en el centro de todas nuestras maniobras en esta Cuarta Guerra Mundial debemos situar a un nuevo sujeto, un Héroe fundador y libertador. Frente a la degeneración y la robotización que causa esta “guerra oculta” debemos oponer una Guardia Blanca del siglo XXI. Los miembros de ésta deben ser fuertes genéticamente, íntegros e intelectualmente preparados. Tienen que formar una nueva casta, educada en los misterios de nuestros antepasados pero, a la vez capaces de utilizar toda la técnica moderna, sin renunciar nunca a su Herencia. De esta forma nunca caerán en las trampas que, sutilmente, va tejiendo la modernidad.

  Esta es la tarea a la que debe dedicarse nuestro ejército y nuestros servicios secretos. De la llamada “clase media”, formada por “nuevos rusos” (2), antiguos funcionarios y “privatizadores”, así como los inmigrantes del sur y otra fauna que puebla nuestras megápolis, nunca podremos esperar individuos con las cualidades exigidas. Solamente el que ha combatido en la guerra contemporánea lo puede ser, pero no el que ha luchado en las montañas de Chechenia y el Daguestán, sino el que lo ha hecho en los frentes de batalla de la Cuarta Guerra Mundial.

  ¡La Revolución Blanca! La gloria en nombre de los Antepasados; el esfuerzo por el liderazgo en pro de nuevos espacios; la lucha por la Victoria; he aquí los objetivos que debemos enseñar a la juventud para devolver a Rusia su prestigio y gloria.
 

  Moscú, 24 de mayo de 2006. Traducido del ruso por Oriol Ribas
 

NOTAS:

  1 - Evidentemente, el autor se refiere a Rusia, pero este fenómeno (la conocida “Fuga de Cerebros”) se produce también en cualquier otro país (N del traductor).

  2 - La denominación “Nuevos rusos” se aplica a aquellos individuos, antiguos funcionarios soviéticos o miembros de la nueva clase empresarial, que se enriquecieron rápidamente tras la caída de la URSS (N. del traductor).

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Tibet: le "Grand Jeu" et la CIA

Tibet, le « Grand Jeu », et la CIA

 
Etant donné le contexte historique de l'agitation au Tibet, il existe une raison de croire que Beijing a été pris par surprise lors des manifestations récentes pour la simple raison que leur planification a eu lieu en dehors du Tibet et que la direction des manifestants est aussi entre les mains d'organisateurs anti-chinois, qui se trouvent en sécurité et hors de portée, au Népal et en Inde du Nord.

De même, le financement et le contrôle général de l'agitation sont liés au dirigeant spirituel tibétain, le Dalaï Lama, et par voie de conséquence à la CIA, à cause de la coopération rapprochée du Dalaï Lama avec le renseignement US depuis plus de 50 ans.

Effectivement, compte tenu de l'implication profonde de la CIA avec le Mouvement Free Tibet (Mouvement Liberer le Tibet) et son financement de Radio Free Asia suspicieusement bien informée, il semble peu probable que toute révolte puisse avoir été planifiée ou puisse avoir eu lieu sans que le National Clandestine Service ( Service National Clandestin auparavant connu sous le nom de Directorate of Opérations - Directoire des Opérations), qui se trouve aux quartiers généraux de la CIA à Langley, n'en ait eu au préalable connaissance.

L'ex haut responsable des services secrets indou et journaliste respecté, B Raman, a fait le 21 mars le commentaire suivant : « sur la base de preuves disponibles, c'est raisonnablement possible d'affirmer avec conviction que le soulèvement initial à Lhasa le 14 mars a été pré-planifié et bien orchestré. »

Se pourrait-il qu'il y ait une base factuelle suggérant que les principaux bénéficiaires de la mort et de la destruction qui a balayé le Tibet sont à Washington ? L'Histoire suggère que c'est effectivement une possibilité.

La CIA a mené une campagne d'actions clandestines de grande envergure contre la Chine communiste au Tibet et ce dés 1956. Cela a conduit à un désastreux soulèvement sanglant en 1959, faisant des dizaines de milliers de morts parmi les Tibétains, tandis que le Dalaï Lama et environ 100 000 de ses adeptes ont été obligés de fuir au Népal et en Inde en passant par les passages dangereux de l'Himalaya.

La CIA a établi un camp militaire secret d'entraînement pour les combattants de la résistance du Dalaï Lama à Camp Hale près de Leadville au Colorado aux US. Les guérilléros tibétains ont été entraînés et équipés par la CIA pour mener des opérations de guérillas et de sabotage contre les Chinois communistes.

Les guérilléros entraînés par les US ont mené régulièrement des raids à l'intérieur du Tibet, occasionnellement dirigés par des mercenaires sous contrat avec la CIA, et soutenus par des avions de la CIA. Le programme initial d'entraînement s'est terminé en décembre 1961, bien qu'il semble que le camp du Colorado soit resté ouvert au moins jusqu'en 1966.

La Force d'Intervention Tibétaine de la CIA crée par Roger E. McCarthy, parallèlement à l'armée tibétaine de guérilléros a continué à mener des opérations sous le nom de code ST CIRCUS, pour harasser les forces d'occupation chinoises pendant 15 ans jusqu'en 1974, puis l'implication approuvée officiellement s'est arrêtée.

McCarthy, qui a aussi dirigé la Force d'Intervention pour le Tibet lors du pic de ses activités de 1959 jusqu'en 1961, a continué plus tard à mener des opérations identiques au Vietnam et au Laos.

A mi chemin des années 60, la CIA avait remplacé sa stratégie de parachutage de combattants de la guérilla et d'agents des services secrets à l'intérieur du Tibet, par celle de la mise sur pied de l'armée de guérilléros, Chusi Gangdrük, comprenant 2000 combattants d'origine ethnique Khamba, regroupés sur des bases comme celle de Mustang au Népal.

Cette base n'a seulement été fermée par le gouvernement népalais qu'en 1974, après une formidable pression de Beijing.

Après la guerre Indo-Chinoise de 1962, la CIA a développé une relation rapprochée avec les services de renseignements indous, à la fois pour entraîner et fournir des agents au Tibet.

Kenneth Conboy et James Morrison dans leur livre The CIA's secret War in Tibet » révélent que la CIA et les services de renseignements indous ont coopéré dans l'entraînement et pour équiper des agents tibétains et des troupes de forces spéciales et pour former des unités aériennes spéciales de renseignements telles que l'Aviation Research Center (Centre de Recherche pour l'Aviation) et le Spécial Center (Centre Special).

Cette collaboration a continué pendant une grande partie des années 70 et certains des programmes qu'ils ont soutenus, spécialement celui concernant l'Unité des Forces Spéciales des réfugiés tibétains, qui deviendra une partie importante de la Force Frontalière Spéciale Indoue, est toujours présentement actif.

C'est la détérioration des relations avec l'Inde, qui a coïncidé avec celle de l'amélioration Inde - Beijing, qui a mis fin à la plupart des opérations conjointes CIA –Inde.

Bien que Washington est rétrogradé en matière de soutien aux guérilléros tibétains depuis 1968, on pense que la fin du soutien officiel pour la résistance s'est produite lors de rencontres à Beijing en février 1972, entre le président Richard Nixon et la direction communiste chinoise.

Victor Marchetti, un ancien officier de la CIA a décrit l'outrage ressenti par de nombreux agents de terrain quand Washington à effectuer finalement le déconnection, ajoutant qu'un certain nombre « se sont même mis, pour se consoler, aux prières tibétaines, qu'ils avaient apprises pendant ces années passées avec le Dalaï Lama ».

L'ancien chef de la Force d'Intervention Tibétaine de la CIA de 1958 à 1965, John Kenneth Knaus, a été cité disant : « ce n'était pas une opération « trou noir » de la CIA ». Il a ajouté : « l'initiative venait de …tout le gouvernement US. »

Dans son livre, « Orphans of the Cold War « (Orphelins de la Guerre Froide), Knaus décrit le sentiment américain d'obligation concernant la cause de l'indépendance du Tibet de la Chine. Il ajoute, significativement, que sa réalisation « justifierait les motifs les plus défendables que nous ayons eu d'essayer de les aider à réaliser ce but pendant plus de 40 ans. Cela soulagerait également certains de la culpabilité d'avoir participer à ces efforts, qui ont coûtés leurs vies à d'autres, mais qui était le fait d'une aventure menée principalement par nous. »

Malgré le manque de soutien officiel, des rumeurs circulent largement sur l'implication de la CIA, ne serait que par le biais de proxy, lors d'une autre révolte ayant échoué en 1987, l'agitation qui a suivi, et, conséquence, la répression chinoise qui a continué jusqu'à mai 1993.

Le moment choisi pour une autre tentative sérieuse de déstabiliser l'emprise chinoise sur le Tibet, est semble-t-il propice pour la CIA, et Langley gardera certainement toutes les options ouvertes.

La Chine est confrontée à des problèmes significatifs, avec les musulmans Uighur dans la province du Xinjiang, les activités des Falun Gong, parmi de nombreux groupes dissidents, et bien sûr le souci croissant d'assurer la sécurité des jeux olympiques de cet été en août.

La Chine est vue par Washington comme une menace majeure, à la fois économiquement et militairement, non pas seulement en Asie, mais aussi en Afrique et en Amérique Latine.

La CIA voit également la Chine comme « n'aidant pas » dans la « guerre contre le terrorisme », offrant peu ou pas de coopération et aucune action positive menée pour stopper le flux d'armes et d'hommes venant des zones musulmanes de l'Ouest de la Chine en soutien aux mouvements islamistes extrémistes en Afghanistan et dans les états d'Asie Centrale.

Pour beaucoup à Washington cela semble l'opportunité idéale pour déstabiliser le gouvernement de Beijing car le Tibet est toujours considéré comme le point faible potentiel de la Chine.

La CIA s'assurera sans nul doute que ses empreintes ne soient pas trouvées partout sur cette révolte ascendante. Des agents isolés, et des proxy seront utilisés parmi les réfugiés tibétains au Népal et dans les zones frontalières du Nord de l'Inde.

En fait, la CIA peut s'attendre à un niveau significatif de soutien de la part d'un certain nombre d'organisations de sécurité à la fois en Inde et au Népal, et n'aura aucun problème à fournir au mouvement de la résistance, conseil, argent et par-dessus tout, publicité.

Cependant, aucune arme ne sera autorisée à faire surface, tant que l'agitation ne s'accompagnera pas de signes révélateurs d'une révolte ouverte en devenir de la grande masse ethnique des Tibétains contre les Chinois Han et les Musulmans Hui.

D'importantes quantités d'armes légères et d'explosifs venant de l'ancien bloc de l'Est ont été introduites clandestinement au Tibet ces 30 dernières années, mais il y a de fortes chances qu'elles restent cachées, en sécurité, jusqu'à ce que le bon moment se présente pour les sortir.

Les armes ont été acquises sur les marchés mondiaux, ou de stocks sur lesquels les forces armées US et israéliennes ont mis la main. Elles ont été expurgées et ne présentent aucune trace pouvant les faire remonter jusqu'à la CIA.

Des armes de ce type ont également l'avantage d'être interchangeables avec celles utilisées par les forces armées chinoises et bien sûr elles utilisent les mêmes munitions, diminuant le problème de réapprovisionnement lors de tout conflit futur.

Bien que le soutien officiel pour la résistance tibétaine se soit terminé il y a 30 ans, la CIA a conservé ouvertes ses lignes de communication, et continuent de financer en grande partie le Tibetan Freedom Mouvement (Mouvement Liberté pour le Tibet).

Ainsi donc, la CIA est-elle une nouvelle fois entrain de jouer le « Grand Jeu » au Tibet ?

Elle en a certainement la capacité, avec une présence significative des renseignements et de forces paramilitaires dans la région. D'importantes bases existent en Afghanistan, en Irak, au Pakistan, et dans plusieurs états d'Asie Centrale.

On ne peut pas douter du fait que la CIA a un intérêt à saper la Chine, de même que la cible plus visible qu'est l'Iran.

Donc probablement que la réponse est oui, et effectivement, ce serait plutôt surprenant si la CIA ne manifestait qu'un intérêt passager pour le Tibet. C'est après tout ce pour quoi elle est payée.

Depuis le 11 septembre 2001, il y a eu une vague énorme de changement dans les attitudes des renseignements US, leurs exigences et leurs capacités. De vieux plans opérationnels ont été dépoussiérés et mis à jour. D'anciens atouts ont été réactivés. Le Tibet et une faiblesse repérée dans la position de Beijing là bas ont probablement été complètement réévalués.

Pour Washington et la CIA, cela peut apparaître comme une opportunité divine de créer un moyen de pression contre Beijing, sans gros risque pour les intérêts américains, une simple situation de gagnant- gagnant.

Le gouvernement chinois serait, à l'autre bout, celui sujet à une condamnation mondiale pour sa répression continuelle et sa violation des droits de l'homme et ce serait les jeunes tibétains qui mourraient dans les rues de Lhassa plutôt qu'encore plus de gamins américains en uniforme.

Cependant, les conséquences de toute révolte ouverte contre Beijing, sont une nouvelle fois la crainte que des arrestations, tortures et même des éxécutions se propagent à la fois dans tous les coins du Tibet et des provinces voisines où existent d'importantes populations tibétaines, comme le Gansu, Quinghai et le Sichuan.

Et le Mouvement Libérer le Tibet a toujours peu de possibilité, à long terme, de réussir à obtenir une amélioration significative de la part du pouvoir politique central chinois, et absolument aucune chance de faire cesser son contrôle sur Lhasa et son pays.

Une nouvelle fois, il apparaîtra que le peuple tibétain va se retrouver pris au piège entre l'oppresseur Beijing, et un Washington manipulateur.

La crainte que les US, la Grande Bretagne, et d'autres pays occidentaux puissent essayer de montrer le Tibet comme un autre Kosovo, peut en partie expliquer la raison pour laquelle les autorités chinoises ont réagi comme si elles étaient confrontées à de véritables révoltes de masse plutôt que leur description officielle d'un court soulèvement du à des mécontents soutenant le Dalaï Lama.

En effet, Beijing a pris tellement au sérieux la situation qu'une unité spéciale de coordination sécuritaire , le 110 Command Center (Centre 110 de Commande) a été installé à Lhassa, avec comme objectif principal de supprimer les troubles et restaurer complètement l'autorité du gouvernement central.

Ce Centre semble être sous le contrôle direct de Zhang Qingli, le premier secrétaire du Parti du Tibet, et un loyaliste du Président Hu Jintao. Zhang est aussi l'ancien vice secrétaire du parti Xinjiang, avec une expérience considérable en matière d'opérations de contre terrorisme dans la région.

Les autres qui occupent des positions importantes à Lhasa sont Zhang Xinfeng, secrétaire d'état au Ministère de la Securité Publique Centrale, et Zhen Yi, vice commandant des quartiers généraux de la Police Armée du Peuple à Beijing.

Le sérieux avec lequel Beijing traite l'actuelle agitation se retrouve de plus avec le déploiement d'un grand nombre d'unités de l'armée de la Région militaire de Chengdu, dont les brigades de la 149 ème Division d'Infanterie Mécanisée, qui agissent comme force d'intervention rapide de la région.

Selon un article de United Press International, des unités d'élite terrestres de l'Armée de Libération du Peuple ont été impliquées à Lhasa, et les nouveaux véhicules blindés de transports de troupes T-90, et d'autres véhicules blindés y ont été déployés. Selon l'article, la Chine a nié la participation de l'armée à la répression, disant qu'elle avait été menée par des unités de la police armée. « Cependant, de tels équipements tels que mentionnés ci-dessus, n'ont jamais été déployés par la police armée chinoise ».

Le soutien aérien est fourni par le 2ème régiment de l'armée de l'air, basé à Fenghuangshan, Chengdu, et la province de Sichuan. Il opère avec un mélange d'hélicoptères et d'avions de transport STOL, d'une base située sur le front près de Lhasa. Le soutien au combat aérien pourrait être rapidement mis à disposition grâce à des bataillons de combattants de l'infanterie d'attaque basés dans la région du Chengdu. Le District Militaire de Xizang forme la garnison du Tibet, qui a deux unités d'infanterie de montagne : la 52 ème brigade basée à Linzhi, et la 53 ème brigade à Yaoxian Shannxi. Elles sont soutenues par la 8ème Division Motorisée d'Infanterie et une brigade d'artillerie à Shawan, Xinjiang.

Le Tibet n'est plus si éloigné ou difficile à réapprovisionner pour l'armée chinoise. La construction de la première ligne de chemin de fer entre 2001 et 2007, a facilité significativement les problèmes de mouvement d'un nombre important de troupes et d'équipement, de Qunghai jusqu'au plateau accidenté tibétain.

D'autres précautions contre une résurgence des révoltes durables des années précédentes des Tibétains a conduit à une situation d'auto suffisance considérable en matière de logistique et de réparation de véhicules, et à une augmentation du nombre de petits aéroports construits pour permettre à des unités d'intervention rapide d'avoir accès aux zones les plus reculées.

On pense que le Ministère de la Sécurité chinoise et les services de renseignements ont eu une présence suffocante dans la province, et effectivement la capacité de détecter tout mouvement de protestation sérieux et de supprimer la résistance.

notes

Richard M Bennett, consultant en renseignement et sécurité AFI Research.
Copyright 2008 Richard M Bennett
Publié le 26/03/08 sur www.atimes.com
Traduction Mireille Delamarre pour www.planetenonviolence.org

Richard M Bennett

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lundi, 05 mai 2008

Moi !

Moi !

Moi !
Zentropa

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Un des traits les plus étranges, et les plus insupportables, de la psychologie moderne est peut-être la totale confusion entre « avoir de la personnalité » et « exprimer son égoïsme et son égocentrisme ».

En effet, aujourd’hui, tout ce qui peut, de près ou de loin, être assimilé à de l’altruisme, de l’humilité, du don de soi, de l’abnégation discrète, de la reconnaissance silencieuse ou de l’admiration muette est considéré comme de la faiblesse, voir, horresco referens !, de la « soumission ». Et comme chacun sait, toute « soumission » est indigne et infâme, non pas seulement lorsqu’elle est imposée mais même quand elle est choisie… Abjecte par sa nature même qui veut que l’on reconnaisse n’être pas l’individu le plus exceptionnel de l’univers créé, demi-dieu formidable « se suffisant à lui-même », mais un simple héritier doublé d’un serviteur, redevable du passé et débiteur des formes, principes, valeurs, et pourquoi pas personnalités, supérieurs qui entourent ses jours.

Dorénavant, hors de soi, point de salut ! Pour exister et briller socialement il convient de brasser du vent et de faire du bruit afin de s’imposer dans le grand carnaval des relations humaines ! Quel qu’en soit le prix !

Voici venus les temps de l’homme-gyrophare !

Pour capter un peu du regard de cette masse immonde et veule qu’on appelle « les gens », il faut se faire remarquer par tous les moyens possibles, les plus vils étant, bien sûr, privilégiés. Il est ainsi désormais vital de se « distinguer » en crachant à la gueule du monde le petit glaviot de sa « différence » et de son « originalité », évidemment fictives mais que l’on fera exister artificiellement quelques instants par les pitoyables procédés de la « contradiction systématique », du « contre-pied mécanique » ou de la « provocation stérile ».

Cette tendance est notamment abominablement prégnante dans le fonctionnement quotidien d’une foultitude de prétendus couples dont les membres, en apparente concurrence permanente, ne semblent pas avoir d’autre but que d’exhiber aux yeux d’autrui non pas ce qui les rassemble et les unis mais au contraire ce qui les différencie et les sépare, chacun voulant à tout prix prouver que sa formidable (et unique !) personnalité n’a nullement été oblitérée par la vie commune. D’où la grotesque et infinie compétition à laquelle s’adonnent ces paires d’égoïstes incapables de solitude qui ne seront jamais des couples véritables et encore moins des foyers. Rien ne leur tient plus à cœur que de faire la démonstration de leur supposée « indépendance » et de leur position « dominante » dans le « fonctionnement relationnel » auquel se résume leur collage plus ou moins éphémère.

Ainsi les disputes perpétuelles, les désaccords affichés et les sempiternelles contradictions sont-ils peu à peu devenus des preuves de « santé », de « vitalité » et de « caractère passionné » d’une relation conjugale liant « deux fortes personnalités » alors que ce ne sont en réalité que les tristes et piteux prolégomènes de l’échec inéluctable de deux crétins bouffis d’égoïsme et de prétention, incapables se sacrifier la moindre parcelle de leurs egos hypertrophiés pour fonder une entité plus grande et plus digne que la somme de leurs deux médiocrités.

Surtout ne pas simplement « aimer », « servir », « encourager », « aider », « soutenir » ou « suivre » son conjoint mais plutôt le « recadrer », le « remettre à sa place », le « surveiller », le « dénigrer » et le « moquer » (gentiment bien sûr ! la modernité n’est peuplée que de « gentils » !), pour bien montrer « qu’on n’est pas dupe ! » et « qu’on ne se laisse pas faire » ni « avoir ».

Les unions désacralisées étant devenues de vulgaires contrats de type néo-libéral, il est normal, au fond, que les relations qui les sous-tendent soient réduites aux pathétiques gesticulations d’un acheteur d’occasion qui, apeuré à l’idée de passer pour un naïf ou un gogo, expose lui-même, pour s’en gausser avant les autres, les défauts et dysfonctionnements de l’objet de son choix.


 

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Sorel, JÜnger et le mythe

Le mécanisme de l'illusion

Sorel, Jünger et le mythe

Source : Nicolô Zanon, revue Trasgressioni n°2 (1986), tr. fr. A. Coletti in Orientations n°11 (juil. 1989).

Dans son ouvrage Réflexions sur la violence, Georges Sorel écrivait : "Nous savons très bien que les historiens du futur ne manqueront pas de trouver que notre pensée a été pleine d'illusions puisque ils observeront derrière eux un monde déjà révolu. Au contraire, nous devons œuvrer, et personne ne saurait nous dire aujourd'hui ce que les historiens connaîtront ; personne ne pourrait nous fournir le moyen de modifier nos images motrices afin d'éviter leurs critiques".

Aujourd'hui nous pourrions donner de ces quelques lignes une interprétation triomphaliste et nous limiter à admirer la foi profonde et la passion politique qui anime leur auteur. Pourtant il n'y a rien là dedans de cet aveugle fanatisme qui anime les sectaires et rien de cette irritante imperméabilité au doute qui rend médiocres les prophètes. Par contre, on pourrait peut-être percevoir dans ces propos un peu de "cette trempe d'âme qui pourrait supporter même l'effondrement de tout espoir" et qui constitue, pour Max Weber, la caractéristique principale d'un individu très singulier : l'homme qui a la vocation pour la politique.

Les "images motrices" forcent les hommes à l'action

Seul un homme de ce genre, face à une réalité qui refuse tenacement de s'adapter à ses espoirs, face à un mystérieux mécanisme qui fait que chaque action provoque dans le monde des conséquences que celui qui a agi ne voulait (1) et ne prévoyait pas, pourra s'exclamer : "Aucune importance, on continue !". De la même façon, dans le passage cité, Sorel est parfaitement conscient que ces "images motrices", ces mythes, seront, dans l'avenir, considérés comme illusion. Mais malgré cela, il s'approprie la devise "aucune importance, on continue !" et il dit : "aucune importance, même s'il ne s'agit que d'illusions, nous devons œuvrer !

"Nous devons œuvrer politiquement" : les Réflexions sur la violence contribuèrent sûrement et de façon concrète à donner une nouvelle forme et une nouvelle vigueur aux espoirs révolutionnaires du prolétariat. En recevant l'héritage de Bakounine et de Proudhon, et surtout en adhérant avec conviction aux thèses de la philosophie bergsonienne, Sorel s'éloigne du rationalisme de Marx et construit une théorie du mythe qui est en même temps une philosophie de la vie concrète. Pour lui, ce que la vie exprime de plus valable et de plus noble ne dérive pas de la froide dictature de la raison mais se révèle dans les situations exceptionnelles, quand les hommes, possédés par les grandes images mythiques, participent à une lutte. Seuls les peuples ou les groupes sociaux prêts à embrasser vigoureusement la foi par le biais d'un mythe peuvent avoir une mission historique.

C'est dans la disponibilité au mythe que se trouve le secret de l'action, des héroïsmes et de l'enthousiasme. Les exemples de la grandiose efficacité du mythe sont, pour Sorel, l'idée de l'honneur et d'une glorieuse réputation pour le peuple grec, l'attente du Jugement Dernier dans le christianisme primitif, la foi dans la "vertu" et dans la liberté révolutionnaire pendant la révolution française et l'enthousiasme nationaliste dans la lutte des Allemands pour l'indépendance en 1813. Pour ce que Sorel peut observer de son époque, la disponibilité au mythe ne se prête certes pas à une bourgeoisie hantée par l'argent et par la propriété, bâtisseuse d'une société dominée par le scepticisme et le relativisme, à une bourgeoisie qui place une confiance ingénue dans les infinies discussions du parlementarisme.

La "clase discutidora" ne porte pas de mythe en elle

Ce n'est pas la clase discutidora (= la classe parlementaire), comme Donoso Cortès l'avait dénommée, qui peut être porteuse d'un mythe : seules les masses du prolétariat industriel révèlent un pouvoir de mobilisation autour d'un mythe politique. Le mythe ne peut pas être théorisé sur le papier par des intellectuels ou par des hommes de lettres mais est immanent à la vie concrète, à la foi instinctive des masses qui embrassent la cause du socialisme : c'est le mythe de la grève générale. D'après Sorel, ce que la grève générale signifie réellement et objectivement dans la situation politique n'a aucune importance : ce qui compte, c’est la foi que le prolétariat lui accorde, et les effets, provoqués par une telle foi, dans la dynamique de la lutte politique.

Le mythe n'est pas l'utopie

Sorel distingue très clairement le mythe de l'utopie. L'utopie, pour lui, n'est que le produit usé d'une pensée rationaliste et comme telle peut, tout au plus, souhaiter des "réformes" dans un futur plus ou moins proche. L'utopie se laisse décomposer et reconstituer dans ses diverses parties, en démontrant ainsi sa nature de construction mécanique et artificielle. Au contraire, chaque mythe, et par conséquent le mythe de la grève générale, doit être accepté ou refusé dans sa totalité. Il n'alimente pas l'espoir d'une lente et graduelle transformation de "l'instant" ; il ne trace pas non plus, avec une admirable perfection, les caractères d'une société future : le mythe de la grève générale agit au présent et maintient vive chez le prolétariat la tension palpitante pour le combat décisif avec la bourgeoisie, pour l'immense catastrophe finale.

Dans l'interprétation de Carl Schmitt (2), l'affirmation par Sorel de la théorie du mythe démontre que, aux alentours des années vingt, la confiance rationaliste dans le système parlementaire avait perdu de sa force et de son évidence. Dans l'organisation relativiste/libérale, chaque opinion doit avoir le même espace et la même légitimité, et puisqu'il n'existe pas de critère pour décider de manière absolue ce qui est juste et ce qui ne l'est pas, il s'avère nécessaire de discuter chaque problème et, après la discussion, de se soumettre à un compromis.

La faiblesse du relativisme libéral

Comme l'exposait Donoso Cortès vers le milieu du siècle dernier, le "principal intérêt du libéralisme est de ne jamais arriver au jour des négations radicales ou des affirmations souveraines. Et pour que cela n'arrive point, en se servant de la discussion, le libéralisme confond les principes et répand le scepticisme, puisqu'il sait fort bien qu'un peuple, qui écoute continuellement la voix des sophistes, est confronté sans cesse au pour et au contre de toute chose, finit par ne plus savoir en quoi croire et par se demander si la vérité et l'erreur, le juste et l'injuste, l'honnêteté et l'infamie sont des contraires ou bien sont une même chose observée à partir de points de vue différents. Mais une période aussi angoissante, continue Donoso Cortès, est toujours de brève durée. L'homme est né pour agir et la discussion éternelle est contraire à la nature humaine, puisqu'elle est "ennemie des œuvres". Le jour viendra où les peuples, poussés par leur penchant le plus violent, envahiront les rues et les places pour demander résolument Barabbas ou Jésus en précipitant dans la poussière les chaires des sophistes" (in Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme, 1851).

À un siècle de distance, malgré ces paroles, substantiellement prophétiques et dûment confirmées par les faits, Hans Kelsen, dans son essai Absolutisme et relativisme dans la philosophie et dans la politique (1948), répétait que les promesses théorétiques de la démocratie moderne sont inclues dans le relativisme philosophique, tandis que les conceptions antidémocratiques trouvent leur pendant, en philosophie, dans la foi en une valeur absolue ! (3)

Mettons à part la nature problématique et le caractère superficiel d'un tel parallèle entre philosophie et politique, parallèle qui néglige d'emblée toute vraie réflexion sur les caractéristiques qu'une "forme politique bien fondée" doit présenter... Parce que même si l'on en parle à un niveau seulement abstrait, l'idée d'une forme politique qui se vante de son propre relativisme est un peu singulière... Il faut dire, en revanche, que la confiance dans le relativisme, que montre ce grand juriste, ne rend pas un bon service aux conceptions démocratiques qui, à l'ère des sociétés de masse ou des sociétés complexes, se trouvent en difficulté précisément pour concilier, d'une part, le maintien d'une définition minimale de procédure (qui est donc relativiste) de la démocratie, avec, d'autre part, l'exigence désespérée de préserver un minimum d'homogénéité sociale, politique et culturelle qui permette la survie et la stabilité à cette même démocratie (4).

Sorel, le nationalisme russe et le bolchévisme

Selon Sorel, des profondeurs de l'instinct vital authentique d'un groupe animé par la foi dans le mythe, peut surgir une impulsion. Impulsion, qu'à la façon de Carl Schmitt, on peut définir "d'orgueilleuse décision morale", laquelle efface les préoccupations relativistes. Une bonne partie des mouvements politiques qui, pendant les années 20 et 30, déchaînèrent une lutte à outrance contre les démocraties libérales, comptaient sur l'adhésion de masses possédées par des mythes, dont la charge, simultanément destructrice et dévastatrice, fut, sans aucun doute, déterminante.

Il est encore intéressant d'observer cette théorie sorélienne du mythe, analysée par un penseur se proclamant, à l'époque, socialiste et internationaliste tout en désignant le mythe de la grève générale comme multiplicateur des énergies du prolétariat. Cette théorie du mythe peut, en réalité, servir à comprendre les succès de toutes les luttes pour l'affirmation nationale et de tous les mouvements qui ont combattu animés par un sentiment nationaliste ou, du moins, leur extraordinaire énergie.

D'ailleurs, les autres exemples de mythe que Sorel cite, outre celui de la grève générale, paraissent indiquer que le mythe de la nation en particulier possède une extraordinaire efficacité politique. Et, dans l'Appendice, ajouté en 1919 aux Réflexions, Sorel, en faisant l'apologie de Lénine, dit que l'emploi de la violence a porté les Bolchéviques au pouvoir ou, du moins, à redonner à la Russie sa conscience nationale.

Un voyageur français, que Sorel cite, écrivait en 1839 : "Ou la Russie n'accomplira pas ce qui nous paraît sa destinée, ou Moscou redeviendra un jour la capitale de l'empire. Si je voyais jamais le trône de Russie majestueusement replacé sur sa véritable base, je dirais : la nation slave, triomphant, par un juste orgueil, de la vanité de ses guides, vit enfin de sa propre vie". Et voilà que, sous la direction de Lénine, qui réunit en lui les capacités d'homme d'État de Pierre le Grand et le sentiment national de Nicolas I, les Bolchéviques ont redonné à Moscou le titre de capitale de la Russie, conclut Sorel, et leur bolchévisme est russe et moscovite. Avec un certain bien-fondé, Schmitt pouvait souligner que "dans la bouche d'un marxiste internationaliste, ceci est un éloge surprenant puisqu'il démontre que l'énergie du mythe national est plus grande que l'énergie du mythe de la lutte des classes" (in Die geistesgeschichtliche Lage…).

Il est presque superflu de rappeler le fameux discours que Mussolini prononça à Naples en octobre 1922, un peu avant la marche sur Rome, dans lequel le mythe de la nation était exalté et opposé au socialisme, défini comme une mythologie inférieure. Pour les écrivains anarchistes tels que Bakounine ou Proudhon, les péroraisons contre l'uniformité centralisatrice de l'État moderne, contre la bureaucratie, l'armée, contre toute forme d'autorité, tant politique que métaphysique, allaient de pair avec l'exaltation d'une sorte de vitalisme libertaire, dont la plénitude instinctive ne pouvait être sacrifiée à l'autel d'aucun pouvoir.

De l'anarchisme à "l'autorité nouvelle"

Même chez Sorel survivent des influences anarchiques de ce genre. Mais cela ne fait pas de doute que l'adhésion au mythe politique fait surgir, dans cette "plénitude instinctive de la vie concrète", une nouvelle sensibilité à l'ordre, la discipline et la hiérarchie. La prétendue liberté de l'anarchiste, dans l'adhésion fidéiste au mythe, peut se muer en un nouveau lien solide, encore plus fort que les liens anciens de l'Autorité contre laquelle lutte l'anarchiste. L'obéissance aux chefs de celui qui se bat, possédé par un mythe, est à peu près inconditionnelle.

Et la nouvelle forme politique, la nouvelle grande "Autorité", que la lutte installe, obtient d'autant plus de consensus que sont puissantes ses capacités mythopoïétiques (= formation du mythe) ; le recours aux mythes est d'autant plus continu, plus obsessionnel, qu'il faut tenir les masses en état de mobilisation permanente. Voilà un résultat quelque peu paradoxal qui confirme cependant que l'on peut en réalité faire abstraction de certaines lois de la coercition politique.

Georges Sorel participa activement aux luttes politiques de son temps mais il n’œuvra pas seulement en tant qu'agitateur. En analysant la théorie du mythe, en fait, il accomplissait un travail scientifique et décrivait une loi de l'action politique. "Faire de la science veut dire, avant tout, savoir quelles sont les forces existantes dans le monde, écrit-il, et se mettre en condition de les utiliser en raisonnant d'après expérience. C'est pour cette raison que je dis qu'en acceptant l'idée de la grève générale, en sachant parfaitement qu'il s'agit d'un mythe, nous œuvrons exactement à la façon d'un physicien moderne, qui a pleine confiance dans sa science tout en sachant que dans l'avenir elle sera considérée comme dépassée". Il ne s'agit pas ici d'une déclaration de meeting, ni des propos d'un agitateur de foules : Sorel sait que la capacité de mobilisation, due au mythe, est indépendante de tout jugement "objectif" qui porte sur sa valeur heuristique, parce que, en fait, une telle réflexion entraînerait la mort du mythe.

Observateur lucide et fervent participant

Il y a ici une étrange et surprenante synthèse de 2 attitudes qu'il est difficile, en vérité, de concilier : on sait parfaitement que l'idée de grève générale est un mythe, une idée que la postérité jugera "illusoire", mais on n'hésite pas à le faire lourdement valoir dans le déroulement pratique de la lutte politique. "Nous devons opérer", dit Sorel, comme nous l'avons vu au début du présent exposé. Il est un observateur lucide des faits et des théories et sait les décrire avec réalisme. Mais, en même temps, il reste un fervent participant à ces mêmes dynamiques politiques dont il a révélé une des plus importantes arcanes.

Il serait injuste de le considérer comme cynique : Sorel a cru à ses propres mythes en les considérant comme tels. Ce n'est certainement pas chose courante. Ayant désormais dépassé l'âge de 70 ans, il est en mesure de lancer une puissante invocation qui prouve que sa foi est intacte : "maudites soient les démocraties ploutocratiques qui affament la Russie ! Je ne suis qu'un vieillard dont l'existence est à la merci de minimes accidents mais puissé-je, avant de descendre dans la tombe, voir humilier les orgueilleuses démocraties bourgeoises, aujourd'hui cyniquement triomphantes". Il n'y a pas de doute : Sorel avait la "vocation" politique.

L'expérience de Sorel nous paraît en effet singulière, non seulement pour la richesse globale de sa pensée qui constitue une intéressante convergence de tendances et de courants apparemment éloignés les uns des autres et contradictoires, mais aussi pour cette capacité qu'il possède de concilier la connaissance lucide de la réalité politique avec la disponibilité à l'action fidéiste, au cœur de cette même réalité. Presque jamais, si l'on analyse les penseurs décisifs dans l'histoire de la pensée politique, il n'est donné d'observer chez eux une telle absence de problématisation des rapports entre connaissance et action.

Dans le cadre de la politique active, quel individu, ni saint ni héros, peut afficher à la fois une sagesse profonde et une foi profonde ? Une connaissance approfondie des arcanes de la politique, en fait, produit souvent le scepticisme. Ce scepticisme n'arrêtera peut-être pas l'action mais il enlèvera à l'action même son caractère fidéiste, la privera de son élan idéal : parce que, à ce stade, il s'agira seulement de mettre en fonction un mécanisme dont l'efficacité est prouvée déjà par l'expérience. Même le mythe politique peut se révéler comme un mécanisme aux effets suffisamment sûrs. Celui qui en connaît le mode de fonctionnement pourra l'activer et, dans les coulisses de ce beau spectacle, son visage se contractera en un rictus : la grimace douloureuse du cynisme.

Deux routes se tracent, en effet, pour celui qui connaît ou croit connaître les arcanes de la politique : la 1ère route est celle de l'abstention, de la non-action et de la simple observation des faits, désenchantée comme celle d'un entomologiste ou souffrante comme celle du poète qui admire la primitivité instinctive de la vie qui se déroule devant ses yeux, mais qui est conscient d’être trop "savant" pour pouvoir y participer de façon innocente. La 2nde route est celle de la pure politique de puissance, de l'usage sans discrimination de la force et de la ruse pour se maintenir au pouvoir ou pour le conquérir,

Le cynique et le pouvoir

Chez le démagogue et chez l'agitateur de masses, qui luttent pour arriver au pouvoir, on peut observer une disponibilité d'âme cynique et sans scrupules, sinon parfois une bonne dose de cruauté. Celui qui est déjà au pouvoir pourra aussi faire preuve d’une certaine cruauté mais aux degrés les plus hauts de la conscience. Le cynisme du souverain aura ainsi des effets moins sanguinaires, il sera, pour ainsi dire, un cynisme "décadent". La conscience de la relativité et de l'inanité de tout effort est ici trop importante. Au moment de la relève de la garde, le cynique, s'il a sauvé sa vie, s'éloignera du pouvoir avec une certaine tranquillité d'esprit. S'il le pouvait, il dirait à son successeur triomphant que le monde n'est rien d'autre que le lieu où toutes les espérances nés du cœur font naufrage.

Ce profond désespoir intérieur, cette image d'un monde sans lumière, est typique de tous les penseurs qui ont d'abord fréquenté intensément le monde de l'activisme politique puis qui ont analysé froidement et enfin compris sa rude logique. Que l'on pense au Prince de Machiavel et aux durs conseils qu'il contient : des légions de moralistes ont, pendant des siècles, poussé de hauts cris à propos de son "scandaleux cynisme". Mais, comme on peut le noter, Machiavel analyse ici l'individu singulier dans sa situation d'absolue solitude :

"Dans la brève densité du Prince, tout s'échappe, oscille et tremble, écrit G. Capograssi, dans l'absence absolue de tout point à partir duquel l'esprit pratique puisse apaiser ses exigences et se débarrasser de son erreur empirique et utilitaire. C'est une humanité en proie aux diktats épouvantables d'une bataille, avec ses phases offensives et défensives, une humanité qui n'a pas d'autre alternative que de changer sans répit de position et de transformer toute chose en arme. Tous les moyens sont permis : les valeurs humaines et éthiques n'existent pas encore dans le monde de Machiavel, dont la réalité est un ensemble de choses décousues que chacun manie et utilise pour atteindre ses propres buts" (5).

Les passions mènent le monde

Voilà, en apparence, les résultats d'une observation désenchantée du monde de la politique et de la connaissance de ses mystères. Machiavel fut un excellent conseiller : mais serait-il possible de l'imaginer dans le rôle du souverain ou du démagogue ? Vraisemblablement pas, puisque dans cette descente dans l'Abgrund, aux abîmes du nihilisme politique, l'esprit humain paraît encore garder une dernière possibilité de défense : sortir de l'action, comme nous venons de le dire, et se contenter de la simple observation.

"Redoutable paradoxe du diplomatique, écrit Régis Debray dans La puissance et les rêves (Gal., p. 261), comment à la fois se tenir à distance des névroses ambiantes et des passions du jour sans jamais oublier que ‘les passions mènent le monde’ et que les temps forts de l'histoire sont ceux où des hommes meurent pour une idée ?" Dès que l'incrédulité professionnelle du spécialiste le conduit à négliger chez les autres la force motrice des croyances (c-à-d. des appartenances collectives dont elles sont l'empreinte individuelle), le stratège, affirme Debray, déchoit en conférencier et l'agnosticisme des forts se replie vers ce scepticisme mondain, ce relativisme fatigué et frivole qui conduit tant de diplomates et de politiciens à subir comme des aveugles l'histoire se faisant par d'autres aveugles, mais qui ont la foi.

Debray - cela lui arrive souvent - a mis le doigt sur la plaie. Son œuvre est, en France, un excellent exemple de transgression des lieux commun et des schémas idéologiques qu'il repousse pour essayer de nouvelles synthèses et emprunter des chemins inexplorés. Pourtant, sa tentative de concilier la puissance et les rêves va se révéler problématique. La politique de puissance assume la "force motrice des croyances", dans leur signification proprement littérale, à la façon d'un mécanisme que l'on active et dont on peut se servir. Les croyances ne sont plus des "valeurs", leur signification et leur importance résident simplement dans le fait d'être des "moyens" pour atteindre un but. L'usage du mythe reconnu comme arcanum dans la politique, permettra, peut-être, de rejoindre la puissance mais, alors, où sont restés les rêves ?

Les mystères des grandes politiques

Il est bien vrai qu'à chaque grande politique appartient un mystère. Ce n'est guère consolant, parce que l'idée que nous pouvons nous faire aujourd'hui des mystères politiques n'a rien de mystique et encore moins de mythique ou d'irrationnel. La conscience des arcana peut sûrement fonder une hiérarchie puisque toute secte d'initiés aux ésotérismes politiques pourra regarder de haut les "hommes communs", ceux qui "ne savent pas". Mais il s'agira d'une hiérarchie purement matérielle, presque d'un despotisme secret, où il ne survit rien du charisme ni rien de la capacité à se faire une "représentation visuelle" d'une quelconque transcendance (6). Et ceci parce que, depuis le début de l'époque moderne, l'arcanum politique a montré, avec une obscène évidence, son caractère artificiel, sa nature de moyen technique, pratique, pour la conservation ou la conquête du pouvoir. Comme le fait remarquer Schmitt, à l'origine même de l'État moderne, il y une orientation vers le rationalisme et la technicité (in La dictature, Seuil, 2000).

medium_friedrich_meinecke.jpgC'est d'une technique pratique que l'État moderne est né historiquement. Par réflexe théorétique, la doctrine de la "raison d'État" est née. Elle est une maxime sociologique et politique, tirée des nécessités imposées par le maintien et par l'extension du pouvoir politique et elle se situe donc au-dessus de toute considération sur le "juste" et "l'injuste". Dans l'interprétation historique de Meinecke, la "raison d'État" apparaissait encore dans son aspect rassurant de conciliation entre cratos et ethos, entre, d'une part, un agir déterminé par l'instant du pouvoir et, d'autre part, un agir déterminé par une responsabilité morale (in L'idée de raison d'Etat dans l'histoire des temps modernes [1924], Droz, 1973).

Une analyse moins fourvoyante nous dit qu'à un niveau encore plus élevé, au-dessus des conceptions de "raison d'État" et de "salut public", lesquelles se prêtent, à cause de leur obscurité, à des interprétations moralisantes, on trouve dans la littérature politique contemporaine, lorsqu'elle évoque la naissance de l'État moderne, une autre conception : celle de l'arcanum politique. Au départ de cette conception, le politique se développe en tant que science sous l'aspect d'une doctrine secrète. "Mais le concept d'arcanum en politique et en diplomatie, même quand il se rapporte aux secrets d'État, n'est pas plus ou moins mystique que la conception moderne de secret d'entreprise ou d'affaires" (Schmitt, La dictature). L'usage qu'on faisait de ce concept à l'époque, révèle la signification purement technique de l'arcanum : ce n'est qu'un secret de fabrication.

medium_Dr_Roman_Schnur.jpgIl va de soi que l'usage des métaphores mécaniques et techniques, qui renvoient à une artificialité générale et immanente de tout l'univers politique, n'est ni innocent ni fortuit. Il révèle, au contraire, aux origines de l'ère de l'État moderne et de l'État moderne lui-même, un problème philosophique de fond, qui nous apparaît considérable, puisqu'il implique et explique bon nombre de situations que l'on a abordées plus haut. Des études récentes - et on peut rappeler ici les noms de Roman Schnur et, en Italie, d'Emmanuele Castrucci - ont interrogé la situation intellectuelle des XVIe et XVIIe siècles en Europe, en mettant en évidence des filons de pensée, constamment laissés dans l'ombre par l'enquête idéaliste des XIXe et XXe siècles, ancrée dans les dilemmes du jusnaturalisme et de l'historicisme. L'image qui jaillit de ces recherches est celle de l'intellectuel libertin, vu dans une ambiance culturelle et politique que l'on qualifie du mot de "maniérisme".

Le maniérisme

Pourquoi tout ceci nous intéresse-t-il ? Avant tout parce que dans la sensibilité maniériste et baroque prédomine une allégorie désespérée du "vide", de la précarité du monde historicopolitique. Dans cette précarité, l'homme est lié à l'existence terrestre et il est son prisonnier, sans voie de sortie : "la sensibilité européenne du maniérisme et du baroque ne permet aucun signe d'espoir au-delà du profane et ramène constamment à la condition de départ, écrit Castrucci, à la réalité, c'est-à-dire, à un monde réglé par les seuls rapports de force et par la capacité résolutive des décisions politiques du souverain" (7).

L'affirmation de la pensée décisionniste dans la théorie politique des XVIe et XVIIe siècles signale l'avènement de la théorisation nihiliste-libertine : le décisionnisme, en fait, survient seulement là où le "principe espérance" a disparu, où toute tension révolutionnaire généreuse et agitée a manqué et où aucune valeur suprasensible ne donne plus d'illusions à l'homme historique en agitant devant lui l'espoir de la libération.

Mais qui est donc l'intellectuel libertin ? Il fait partie d'une élite qui a pu réfléchir sur l'épouvantable déchaînement des guerres de religion et qui a dû être saisie d'horreur face aux abîmes de chaos et de violence dans lesquels la foi en des valeurs a conduit les hommes. Il a donc mûri un "scepticisme relativiste" qui théorise jusqu'au bout la désillusion vis-à-vis des valeurs mais en même temps se rend compte que les valeurs, même si elles sont rendues indémontrables et sont épurées de toute aura traditionaliste, continuent toujours à faciliter l'intégration sociale, comme autant de mythes politiques. Mais l'ordre qui en découle est un ordre purement conventionnel - c'est exactement la "tentative d'un ordre maniériste", d'après l'expression de Schnur - qui essaie de concilier la suspension subjectiviste des valeurs et la nécessité d'un ordre institutionnel. L'intellectuel libertin s'oriente vers une explication mécaniciste des lois qui président aux catégories du politique.

L'utilisation de l’arcanum

Les élites politiques - auteurs et utilisateurs du savoir/pouvoir qui permet le gouvernement des masses – "devinent la présence, au fond de l’existence de l’existence de l'homme, de forces occultes et très puissantes qui constituent les véritables principes d'origine d’une anthropologie politique. La soif de plaisir, la volonté de puissance, dans l'ensemble de leurs articulations ambiguës et multiples, apparaissent comme un noyau irrationnel, irréductible à toute forme conceptuelle, mais, par contre, riche en renvois vers le territoire inexploré du mythe politique. Cet esprit irrationnel doit être contrôlé et dirigé par des hommes armés de critères d'action rationnels par rapport au but. L'usage du mythe à des fins politiques est d'ailleurs exclusivement instrumental, émancipé par la valeur et dirigé vers la satisfaction de la volonté qui veut la puissance" (7). L'usage de l'arcanum politique est donc un moyen technique/pratique pour essayer d'assurer un ordre conventionnel et artificiel, et le mythe politique est l'instrument le plus efficace pour atteindre ce but. Dans son for intérieur, le maniériste politique vit pourtant de la valeur qu'il a déjà largement dépassée : mais "son sourire est sans joie, car Behemoth peut l'emporter aussi" (7).

Il ne peut en effet ressentir de la joie, celui qui a enlevé sa signification au monde. Beaucoup des "apprentis sorciers" qui se sont dévoués pour atteindre ce but risquent de devoir verser par la suite des larmes amères parce que, au-dessus de cet univers politique artificiel, au-dessus de cette pure mécanique mise en marche uniquement pour des fonctions de contrôle, est suspendue la possibilité - voire la probabilité - de l'auto-dissolution. Et il ne peut y avoir aucune complaisance de la part de celui qui doit prendre acte de cette situation, caractérisée par l'absence radicale de fondement et par l'artificialité inscrite dans les origines mêmes de l'histoire de la modernité politique. Mais aucune connaissance éthique ingénue, aucune "nostalgie humaniste résiduelle", ne sont des refuges possibles, d'autant plus pour l'activiste ou l'homme politique qui projette et espère retrouver un sens dans le monde.

"Nous devons œuvrer", disait Sorel. Si l'on veut répéter ces paroles, et sans être ni des saints ni des héros, en essayant même d'oublier les vociférations et les malhonnêtetés propres à un certain type de "vocation" pour la politique, on doit assumer jusqu'au bout les noyaux cruciaux de "cette" modernité (8).

On vient d'évoquer le maniériste politique. Cette figure vivait dans le contexte historique et politique de l'absolutisme, c-à-d. dans un ordre qui nous paraît profondément lié aux métaphores mécanicistes, qui trouveront par après leur expression accomplie dans la construction hobbesienne du Léviathan. C’est là une donnée intéressante parce qu’un mécanisme ne peut jamais être totalitaire : "C’est quelque chose d’extérieur, que l’on peut utiliser pour obtenir des citoyens une obéissance extérieure, sans que leur intériorité ne soit touchée, sans que leur conscience ne soit éprouvée" (9).

À ce stade de notre exposé apparaît une lecture possible, qui distingue, tant sur le plan historique que sur le plan théorique, l'absolutisme du totalitarisme, puisque ce denier "isme" paraît mû, en général, par une instance unanimisante, qui ne tient pas compte de la libre manifestation de la conscience dans la sphère intérieure. Comme on le devine déjà dans Sorel, le mythe politique, dans sa capacité de mobilisation, imprègne une collectivité de façon globale : avec lui s'évaporent les individualités ; une issue différente ne serait pas possible. Possédant un degré maximal de conscience, le maniériste politique, malgré son désespoir, dispose d'un avantage : une grande liberté intérieure par rapport à ce qu'il a créé lui-même. Il se soumet extérieurement mais sa conscience possède une autonomie totale.

L'Anarque de Jünger

Même sans vouloir forcer de manière excessive le parallèle, il se rapproche sensiblement d'une autre figure, celle de l'Anarque de Jünger. En effet, nous avons jusqu'ici parlé de normes et des tristes impasses auxquelles conduisent les persistances pernicieuses de la norme. Et si l'on cherche maintenant une possibilité de transgression face à toutes les lourdes régularités, face aux lois dont on observe l'immuable répétition dans l'univers politique, l'Anarque présente, peut-être, un formidable exemple de liberté et d'autonomie. Presque sous l'influence d'une conjonction astrale favorable, l'Anarque paraît en mesure de ré-amorcer le jeu, de se projeter vers d'autres solutions, jusqu'alors inconcevables, solutions qui seraient aussi des issues : elles permettraient de sortir des blocages paralysants et désespérants nés du rapport entre conscience et action politique.

"Neutralité intérieure. On y participe quand et si on en a envie. Si dans l'omnibus, il n'y a plus de confort, on descend" (10). L'Anarque connait en profondeur le pouvoir et la politique. Dans la ville imaginaire d'Eumeswil, il dispose même de l'extraordinaire Luminar, pour étudier chaque manifestation de l'histoire, même la plus cachée. L'Anarque, en tant qu'historien, peut analyser le pouvoir et la politique en direct, puisqu'il dépend directement du Condor, le tyran qui a renversé les tribuns et qui règne sur Eumeswil. En tant qu'Anarque, il n'est pas contre l'autorité, même s'il croit ne pas en avoir besoin, puisqu'il a une idée bien précise de la grandeur. Historien, tout l'intéresse, même s'il sait que peu de choses changent. Les drapeaux sont importants pour lui, mais sans signification. "Je les ai déjà vus tantôt hissés, tantôt baissés, dit Martin Venator, comme les feuilles de mai et de novembre (...) On continuera : fêter le 1er Mai, mais avec une interprétation différente. D'autres portraits seront affichés en tête des cortèges".

L'Anarque n'est pas l'adversaire du monarque, il est son pendant

Pour l'Anarque, peu de choses changent. Il porte un uniforme, en partie comme une veste, en partie comme une cape mimétique. Et cet uniforme couvre sa liberté intérieure qu'il saura objectiver dans chaque transition. Tout ceci le différencie de l'anarchiste qui, objectivement privé de liberté, sera l'objet de crises furieuses tant qu'on ne l’enfermera pas dans une camisole de force encore plus rigide. L'anarchiste est l'antagoniste du monarque dont il médite l'anéantissement. Il frappera la personne mais il renforcera la succession. Dans le mot "anarchisme", le suffixe "-isme" a donc une signification restrictive, puisqu'il accroît la volonté mais réduit la substance. L'Anarque, par contre, n'est pas l'antagoniste du monarque mais la personne la plus éloignée de lui. Il n'est pas son adversaire mais son pendant.

"Le monarque veut dominer beaucoup de monde. En fait, il veut dominer tout le monde. L'Anarque ne veut dominer que lui-même. Cela lui permet d'entretenir un rapport objectif, tout empreint de scepticisme, avec le pouvoir, dont il laisse défiler devant lui les images et figures, avec, bien sûr, de l'indifférence dans le cœur. Dans son for intérieur, néanmoins, il n'est ni impassible ni dépourvu de passion stoïque". Martin (ou Manuel) Venator est le serviteur du Condor qui est le tyran : le Condor a sa fonction, comme l'Anarque a la sienne : "Nous avons tous les deux la possibilité de nous retirer à l'intérieur de notre substance qui est l'élément humain dans sa singularité spécifique". L'Anarque se considère comme l'égal du tyran parce qu'il peut le tuer quand il le veut et ceci est la seule et unique forme d'égalité qu'il admet. Le pouvoir de le gracier est naturellement sien aussi.

L'Anarque et le maniériste

La liberté de l'Anarque dépasse aussi celle du maniériste politique. Avant tout, parce que l'Anarque est serein même si sa sérénité est songeuse. Par contre, le maniériste politique est prisonnier de sa conscience désespérée même quand, loin de la malhonnêteté du pouvoir, il pourra se livrer à des méditations où la liberté sera confite dans la mélancolie. Ce qui fait toute la différence, c'est que le scepticisme du maniériste est fatigué et résigné, même s'il n'est pas dépourvu de grandeur tragique. Le scepticisme de l'Anarque, lui, est relié, en fait, à une "disponibilité toujours intacte", ce qui n'est pas simplement une jolie formule mais aussi le signe d'un destin.

"Je suis Anarque dans l'espace ; dans le temps, je suis méta-historien, dit Martin. Donc je ne suis engagé ni avec le présent politique ni avec la tradition, je suis comme une page blanche, je suis puissance et ouvert en toute direction". Comme historien, il est sceptique, mais comme Anarque, il est sur ses gardes. "Ma liberté personnelle est un avantage secondaire, dit-il. Au-delà du temps, je suis prêt à la Grande Rencontre, à l'irruption de l'Absolu dans le temps. C'est là que l'histoire et la science trouvent leur fin".

Le maniériste politique n'est, en toute vraisemblance, concerné que par "son" seul Pouvoir, même si, en certaines circonstances, il peut s'en éloigner. Il disparaîtra avec lui. Pas l'Anarque : chaque lieu n'est, pour lui, qu'un lieu de passage, sa liberté est totale, même face à l'obligation de se donner une limite. Pour le temps d'intervalle, pour les "en attendant", c-à-d. dans les intermèdes entre 2 dominations, il possède un refuge qui n'est pas uniquement intérieur. À la façon du muscadin, l'Anarque a bâti son repaire loin de la ville. Là-bas, il pourra disparaître pendant qu’il faudra.

L'Anarque et le pouvoir

Son rapport avec le pouvoir n'est pas seulement de nature sceptique, mais est aussi ouvert aux suggestions de la magie. Au "bar de nuit", il écoute les dialogues des puissants et, quand l’heure est tardive et que la fatigue s'installe, leurs figures, leurs silhouettes se découpent, hiératiques, plus nettes, dans un maintien presque sacré. "Je voyais leurs visages se durcir comme dans le rite sacrificateur. Il se formait ensuite une aura de mystère". Très certainement, il s'agit ici, comme parfois chez Jünger, d'une pure fascination esthétique. Mais il est vraiment très symptomatique que, dans le calme et l'indifférence absolue de l'Anarque, survient quelquefois une sorte d'impatience nerveuse, une inquiétude fébrile. Tout compte fait, c'est là le contrepoids à sa disponibilité toujours intacte, c'est une sorte de péage qui est dû, mais l'Anarque semble penser que cela en vaut la peine.

L'entrée en scène de l'anarchiste/nihiliste conforte la société et renforce son unité. L'Anarque, lui, reconnaît au fond de son intimité l'imperfection fondamentale de l'État et de la société. C'est pour cela que cette position peut s'avérer plus dangereuse pour lui. L'État et la société suscitent sa répulsion mais il sait toutefois que "des temps et des lieux peuvent se présenter où l'harmonie invisible transparaît dans l'harmonie visible. Cela se constate surtout dans l'œuvre d'art. Dans ce cas, dit l'Anarque, il est encore possible de servir dans la joie". Mais, en général, l'Anarque fait preuve de circonspection et d'une prudence hors pair dans ses rapports avec le pouvoir. Il cultive un penchant instinctif pour les normes, parce qu'elles lui évitent de trop réfléchir, du moins aux choses superflues. Il se fera difficilement apprécier et les puissants seront toujours contents de ses services, mais de façon discrète, modérée.

L'Anarque, les dieux, la religion

L'Anarque peut aussi devenir "excessif" : cela arrive quand l'inquiétude survient à nouveau. Ses prétentions deviennent alors exorbitantes. Par ex. en matière de religion. Certes, pour lui, le terme est usé et corrompu. Religio, comme on le sait, se rattache à "lien" et c'est justement cela que refuse l'Anarque. Il ne veut rien savoir des divinités et des rumeurs qui les concernent, sinon en tant qu'historien. En tant qu'Anarque, il demande davantage. "Le fait que les dieux se soient montrés, non seulement dans la préhistoire, mais aussi à la fin de l'époque historique, explique-t-il, n'est pas à mettre en doute. Ils ont participé à nos banquets et à nos luttes". Mais voilà la requête totale : "Qu'apporte à l'affamé la splendeur des festins d'antan ? Que rapporte au pauvre le tintement des pièces d'or qu'il perçoit à travers le mur du temps ? C'est la présence qu'il faut exiger".

Ce jeu de relance, que joue l'Anarque, nous apparaît parfois surprenant. La cité imaginaire d'Eumeswil advient dans un temps, où toute chose semble être définitivement passée. Passée, l'ère chrétienne. Passé, l'État mondial. Passée, l'époque des "grands incendies". Chaque temps réel et chaque temps possible sont révolus. Historien, Martin le sait bien : "... je suis convaincu de l'inadéquation, ou, mieux, de l'inutilité de tout effort ; j'admets qu'y contribue aussi l'hypersatiété des temps les plus récents. Le catalogue des possibles paraît épuisé. Les grandes idées sont consommées par la répétition : on ne peut plus rien en tirer". C'est là un problème qui renforce la douleur de l'historien : la faillite des idéaux se fracassant contre l'esprit du temps, qui les dégradent en illusions.

De ce point de vue, il faudrait renoncer alors aux exigences excessives, apaiser cette disponibilité faite d'inquiétude. "Dans une telle situation, la tentation d'invoquer les dieux est très forte et il y a alors grand mérite à y résister", reconnaît l'Anarque. Parce qu'Eumeswil semble se poser comme un lieu d'observation privilégiée pour attendre une récapitulation définitive et concluante et ainsi préparer l'opération "fin du temps". L'Anarque suivra les puissants dans le "recours aux forêts". Cette métaphore indique sans doute que la fin est nécessaire ou bien elle suggère la voie des révélations occultes, permettant de rêver à un monde au visage autre, d’y rêver à la façon des dieux. Le "recours à la forêt" indique peut-être aussi ce passage qui est la mort, ou le retour au chaos, ou un simple passage sans limitation. Il est probablement inutile de chercher un "message". Et même, s’il parvenait à le cerner, ce message, l’Anarque l’aurait déjà dépassé. Tandis que nous resterions ici, à chercher comment diable il serait possible d’œuvrer, et sur quel mode.

Notes :

  1. Cf. Jules Monnerot, Les lois du tragique, PUF, 1969. Monnerot écrit, en rappelant Jaspers : "Le type d'action qui ainsi échappe à l'agent alors qu'il importerait qu'elle ne lui échappât point, c'est l'action tragique. L'hétérotélie, lorsque les conséquences des décisions voulues entraînent une catastrophe pour l'agent, et non la plupart du temps pour lui seul, c'est le tragique", p. 10.
  2. C. Schmitt, Die geistesgeschichtliche Lage des heutigen Parlamentarismus : "La théorie du mythe est la manifestation la plus forte qui prouve que le rationalisme relatif de la pensée parlementaire a perdu son évidence". [tr. fr. in Parlementarisme et démocratie, Seuil, 1988]
  3. Pour Kelsen, Ponce Pilate eut la figure pouvant le mieux symboliser l'attitude relativiste qui est à la base de la démocratie. Face au Christ qui se présente "pour rendre témoignage à la vérité", Ponce Pilate demande "Qu’est-ce que la vérité ?". Et parce que lui, Pilate, le sceptique relativiste, ne sait ce qu'est la vérité, l'absolue vérité en laquelle croit l'homme qui est devant lui, il s'en remet, en toute bonne conscience, à la procédure démocratique et laisse la décision au vote populaire. Cf. aussi La polémique entre H. Kelsen et C. Schmitt sur la justice constitutionnelle, N. Zanon, in Annuaire international de justice constitutionnelle n°V, 1989, p. 177 sq.
  4. Il m'apparaît assez imprudent de résumer en quelques lignes une question aussi décisive et fondamentale. Récemment est parue une défense de la "démocratie sans valeurs" : c'est l'ouvrage de Norberto Bobbio, Il futuro della democrazia. Una difesa delle regole del gioco, Einaudi, Torino, 1984. La démocratie est perçue ici comme modalité structurelle et réglementation procédurière : elle trouve sa justification en un relativisme politique radical qui ne connaît aucun absolu mais seulement des formes entre lesquelles les diverses valeurs admises peuvent louvoyer. On peut ajouter que la "démocratie sans valeurs" est conceptuellement liée au développement du Rechtsstaat, c-à-d. d'un État qui vit dans le droit mais ne reconnaît aucun droit ou, mieux, d'un État qui ne peut lui donner aucune définition matérielle ni aucun contenu et ne peut que lui attribuer des connotations en termes de mécanisme juridique. Ainsi, la "démocratie sans valeurs" et l'État de droit acceptent le principe de n'être que le cadre juridique qui cherche à déterminer et à circonscrire un champ de rencontre, un terrain de contradiction et de contraste. La "démocratie sans valeurs" et l'État de droit se posent, en d'autres mots, comme les règles du jeu. Aux antipodes de cette conception, se trouve le Carl Schmitt qui écrit la Verfassungslehre : pour lui, la démocratie signifie essentiellement l'homogénéité politique du peuple, dont la cohésion fonde un organisme politique basé sur l'exclusion de l'autre, de tout ce qui, politiquement, ne relève pas de tel peuple. L'antithèse formel/substantiel qui se trouve sous-jacente dans le rapport entre, d'une part, la démocratie comprise comme ensemble de règles de jeu et, d'autre part, la démocratie comprise comme homogénéité politique, peut être parfaitement considérée comme un problème encore actuel.
  5. Cité par E. Castrucci, Ordine convenzionale e pensiero decisionista, Giuffrè, Milano, 1981, p. 37.
  6. Sur le concept de Repräsentation, voir C. Schmitt, Römischer Katholizismus und politische Form, Theatiner Verlag, München, 1925. Dans cet essai, [réédité chez Klett Cotta, Stuttgart, 1984], l’A. soutient la thèse que l'Eglise est forma politica au sens le plus éminent, c-à-d. est un ordre dans lequel la souveraineté apparaît visible, "représentée", comme complexio oppositorum, comme institution (aussi au sens juridique) qui donne forme aux contraires et conserve inaltéré la racine théologique de la transcendance.
  7. in Storia delle idee e dottrina decisionistica, essai d’introduction à : R. Schnur, Individualismo e assolutismo, Giuffrè, 1979, p. IV.
  8. Cf. Peppe Nanni, Destini del politico in Diorama Letterario n°76, nov. 1984, p.11-16.
  9. R. Schnur, Individualismo e assolutismo, p. 87. Tr. it. de Individualismus und Absolutismus. Zur politischen Theorie vor Thomas Hobbes, Berlin 1963.
  10. E. Jünger, Eumeswil. Toutes les citations qui suivent sont tirées de ce livre. Les pages n’ont pas été mentionnées non seulement pour ne pas alourdir la lecture mais surtout parce que c’est inopportun. Certaines phrases de cet auteur n’appartiennent en effet pas à telle ou telle page mais bien plutôt à des états particuliers de la conscience, accessibles uniquement à ceux s’en montrant disponibles.

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dimanche, 04 mai 2008

La fin de la mondialisation heureuse

La fin de la « mondialisation heureuse » : un retour vers des économies plus autocentrées ?

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Les mois de mars et d'avril 2008 ont été marqués par un tumulte médiatique sur des sujets anecdotiques : les heurs et malheurs d’Ingrid Betancourt, la perturbation du parcours de la flamme olympique, les banderoles de mauvais goût du PSG, les profanations de cimetières ou les agonies télévisées : un programme de divertissement et d'ahurissement de l'opinion qui a permis d'occulter les sujets majeurs. Notamment l'ampleur de la crise économique – 1.000 milliards de dollars de pertes annoncés par le FMI – qui marque la fin de la « mondialisation heureuse ». Heureuse pour certains, sans doute. Mais malheureuse pour beaucoup.

Explications :

Le libre-échangisme mondial

Durant la campagne électorale présidentielle française de 2007, Dominique Strauss-Kahn (DSK) se présenta comme le candidat de la « mondialisation heureuse ». Jolie formule qui ne lui permit pas de devenir président de la République mais qui en a fait un président du Fonds monétaire international (FMI) acceptable pour les Américains.

La « mondialisation heureuse » est l'expression médiatique utilisée pour désigner le libre-échangisme mondial, courant de pensée qui a imposé, au cours des trois dernières décennies, la disparition de tout obstacle à la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des hommes. Selon cette doctrine, la suppression des frontières, en permettant l'allocation optimale des ressources à l'échelle mondiale, déboucherait sur l'amélioration de la situation dans chaque pays et pour chaque groupe social.

Cette doctrine s’est d’autant mieux imposée qu’elle a assis sa domination par un processus de « ringardisation » et de diabolisation de ses adversaires ; s'y opposer c’était prendre le risque de se placer à l'écart de la modernité et de la rationalité économique et par conséquent d’être déconsidéré.

La mondialisation a été « heureuse » pour la superclasse mondiale

Dans « Qui sommes nous », Samuel Huntington décrit l'existence d'une superclasse mondiale : les « cosmocrates », les « transnationaux économiques », qui mettent l'accent sur la mondialisation, les échanges sans frontières et font carrière en se déplaçant d'un pays à l'autre.
http://www.polemia.com/contenu.php?iddoc=1392&cat_id=...

Huntington estime cette population à 20 millions, dont 40% d'Américains, en 2003, avec la perspective qu'elle atteigne 40 millions en 2010.

Ces « transnationaux » ont été les grands bénéficiaires de la mondialisation : aux Etats-Unis, la croissance enregistrée depuis 1996 a bénéficié à moins de 10% de la population, les revenus des autres Américains stagnant. A titre d'exemple et pour la seule année 2006, les bénéfices des cinq plus grandes banques d'affaires new-yorkaises (Goldman Sachs, Lehman Brothers, Bearn Stearns, Morgan Stanley et Merrill Lynch) ont porté sur 28 milliards de dollars. Et 170.000 banquiers et courtiers d'établissements new-yorkais ont reçu cette même année 2006 en moyenne 212.000 euros de bonus annuel. Des sommes qui, comme le dit Madame El Karoui, professeur de mathématiques financières à l'école Polytechnique, aurait dû alerter (1). La crise de 2007 n'a pas modifié ces pratiques puisque les 100 courtiers les mieux payés du monde ont gagné en moyenne 304 millions de dollars, cinq d'entre eux dépassant le milliard de dollars de gains personnels !

En Chine, en 2006, le nombre de Rolls Royce vendues a, lui, augmenté de 60%.

En France, les 3.500 foyers les plus riches ont vu leurs revenus réels progresser de 43% de 1998 à 2005.

Ces évolutions ne reflètent évidemment pas la croissance générale.

 

L'ouverture des frontières européennes s'est accompagnée du ralentissement de la croissance française

De 1947 à 1957 puis de 1957 à 1967 l'économie française a vécu dans une ambiance protectionniste, stricto française d'abord, européenne ensuite avec le tarif extérieur commun ; durant cette période, la croissance moyenne annuelle a été de 5,4% (2).

L'aboutissement des négociations Kennedy et de celles de Tokyo, puis les enchaînements libre-échangistes qui ont suivi ont abouti à une suppression progressive des frontières ; parallèlement le taux annuel de croissance a reculé à 3,3% durant la période 1967/1980, puis à 2,12% de 1979 à 2005.

Le taux de chômage initialement à 2% s'est installé autour de 10% bien que la mise en place de préretraites, d'un côté, du RMI et des minima sociaux, de l'autre, contribue à le minorer.

Encore faut-il nuancer ce taux de 2,12% de croissance annuelle puisqu'il tombe à 0,52% pour le revenu moyen disponible des ménages, la croissance nominale étant à partager entre un plus grand nombre de bénéficiaires du fait de l'immigration, d'une part, du vieillissement de la population, de l'autre ; le vieillissement s'accompagnant par ailleurs de la marchandisation de tâches familiales et domestiques qui n'entraient pas jusqu'ici dans le cadre de la comptabilité nationale et contribuant ainsi indirectement à une augmentation du PIB en partie artificieuse.

Ajoutons que de 1998 à 2005 les revenus déclarés par 31,5 millions de foyers fiscaux, soit 90% de la population fiscale, n'ont augmenté que de 4,6% (3).

Enfin, la mondialisation et la financiarisation se sont accompagnées d'une amélioration de la situation des détenteurs de capitaux (rentes et fonds de retraites notamment) au détriment des producteurs et des jeunes.

En France, l'écart entre les jeunes et les vieux actifs, notamment pour les cadres, s'est accru pour la génération née entre 1970/1980 par rapport à la situation connue par la génération née de 1950 à 1970. Ce sont les classes d'âge jeune et en âge de constituer les familles qui se sont trouvées financièrement pénalisées, ce qui contribue à la baisse du taux de fécondité et au déclin démographique des populations européennes.

 

Libre échange et financiarisation : l'augmentation des coûts de friction économiques et sociaux

Le libre-échange international et la financiarisation de l'économie n'ont cessé de pousser les entreprises à améliorer leur compétitivité.

Des efforts considérables ont été accomplis en France et en Europe pour diminuer les coûts de production ; ils ont porté sur l'amélioration de la productivité des industries et des services et souvent débouché sur la délocalisation d'une partie de la production (4).

Si une partie de ces efforts ont bénéficié aux consommateurs, d'un côté, et à ceux des travailleurs qui ont pu garder leur emploi, de l'autre, ils n'ont pas été, non plus, sans augmenter les coûts de friction économiques, sociaux et psychologiques.

D'abord, le courtermisme et la versatilité des marchés (notamment des devises et des matières premières) n’ont cessé de rendre difficile, voire impossible, l'allocation optimale des ressources. D'autant que les changements rapides de stratégies et les chocs brutaux des prix ne sont pas absorbables sans dommages ni gaspillages. Tout cela fragilise l'inscription dans la durée des projets de vie professionnels et personnels.

Enfin, la sortie de l'emploi – de manière provisoire ou définitive – de nombreux agents économiques engendre un coût social élevé pour la collectivité, les gains économiques en termes de productivité étant souvent compensés par des charges sociales et fiscales supplémentaires. En termes de revenus le jeu risque alors d'être à somme nulle tout en étant à somme négative en termes d'équilibre social et psychologique.

C'est ce qui a conduit Giulio Tremonti, vice-président de Forza Italia, à rompre avec le libéralisme mondialiste dans son livre « Crainte et Espoir ». Il y dénonce la vélocité et la violence dans le processus de compétitivité et voit dans la précarité de l'emploi et la chute du pouvoir d'achat la conséquence de la « folie de la mondialisation ». Dénonçant à l'origine de ce phénomène (5) « un groupe de fous, d'illuminés ayant décidé dans les vingt dernières années de diviser le monde en deux : production à bas coût en Asie et consommation aux Etats-Unis et en Europe. Et au final la situation a empiré pour nous comme en Asie ».

 

Libre-échange et spéculation : l'émergence d'une crise alimentaire mondiale

L'ouverture générale des frontières tout comme la spéculation débouche aujourd'hui sur le retour d'une crise alimentaire dans certains pays d'Afrique ou d'Asie.

D'abord, l'accès à la richesse de centaines de millions d'Indiens et de Chinois modifie leurs habitudes alimentaires. La viande qu'ils consomment désormais, poulets ou porcs, augmente la demande en céréales et oléagineux qu'il faut produire pour nourrir le bétail ou les volailles, ce qui crée une tension dans l'économie réelle entre l'offre et la demande, conduisant à une hausse des prix. Celle-ci est amplifiée par les mouvements spéculatifs, la crise boursière et l'éclatement de la bulle immobilière conduisant les détenteurs de capitaux et les acteurs des marchés à terme à rechercher d'autres placements.

En se portant sur les matières premières et les produits alimentaires, l'économie casino déclenche leur renchérissement. Cela nourrit les craintes légitimes sur le pouvoir d'achat dans les pays développés et se traduit par des révoltes frumentaires dans de nombreux pays d'Afrique, comme la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Cameroun, l'Egypte ou les Caraïbes comme Haïti, voire d'Asie du Sud (Bengladesh).

Enfin certains producteurs de riz comme le Vietnam, la Thaïlande ou l'Inde ont choisi de protéger la consommation de leurs nationaux en limitant leurs exportations.

Vers un retour à des économies réelles plus autocentrées

Selon de nombreux analystes, la crise actuelle est la plus profonde depuis la grande dépression de 1929. Son ampleur doit conduire à une complète réorientation de l'économie mondiale :

– d'abord par l'arrêt de la fabrication artificielle de monnaie, la limitation de l'endettement des acteurs financiers et une meilleure couverture des risques qu'ils prennent par l'existence d'actifs réels pour les garantir ;

– ensuite par une meilleure maîtrise des autorités nationales sur les grands échanges économiques ; sauf à dénier toute souveraineté aux Etats – et à vider la démocratie de tout sens dans les pays qui la pratiquent encore – il faut rapprocher les centres de décisions politiques et les centres de décisions économiques ; ce que la mondialisation ne permet pas ;

– les pays les moins développés seront d'ailleurs conduits à agir dans le sens de la recherche de l’autosuffisance pour des raisons sociales : garantir l'accès aux produits alimentaires de première nécessité (céréales, oléagineux) à leur population ;

– les pays les plus avancés seront, eux, conduits aux mêmes nécessités pour protéger la rareté de leurs espaces et la qualité de leur environnement ; des règles strictes dans ces domaines étant difficilement compatibles avec la mise en compétition des entreprises européennes avec celles des pays aux normes beaucoup moins exigeantes.

Il faut reconstruire l'ordre économique des nations, selon les perspectives tracées depuis plus de 10 ans déjà par le prix Nobel français d'économie Maurice Allais, politiquement incorrect mais économiquement lucide !

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/messages_recus/La_c...
et :
http://www.polemia.com/contenu.php?cat_id=37&iddoc=16...

Polémia

NOTES :
(1)     Dans « Le Monde » du 29 mars 2008. La Lettre de Polémia de janvier 2007 avait signalé le caractère exorbitant de ces chiffres.
(2)     Pierre Milloz, « Les frontières ou le chômage », Editions nationales.
(3)     Camille Landais, « Les hauts revenus en France (1988/2006) », Paris School of economics, 2007.
(4)     Voir le dossier de Polémia sur « Les stratégies possibles pour les entreprises industrielles dans la mondialisation » :
http://www.polemia.com/campagne.php?iddoc=1494&cat_id...
(5)     Le 6 mars 2008 sur la 2e chaîne de télévision de la RAI.

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Elitair socialisme

Elitair Socialisme

Elitair Socialisme
Heimdallr, Schepper van de Germaanse kasten en daarom esoterisch metafoor voor elitarisme.

Image Hosted by ImageShack.usHet interbellum zorgde voor een enorme toevloed van ideeën op zowat alle vlakken. De humanist Lord Boyd Orr noemde de naoorlogse periode niet zonder reden ‘de grootste en snelste overgangsfase in de menselijke beschaving’ (1). Vooral Duitsland was een bijzonder vruchtbare regio op vlak van politieke ideeën, hoewel we dichterbij uiteraard ook genoeg interessante figuren kunnen vinden. Het interbellum bewees op politiek-filosofisch vlak vooral dat de grenzen tussen socialisme, marxisme en nationalisme helemaal niet zo abstract zijn als men zou denken. ‘Les extrèmes se touchent’. Een open geest is dus noodzakelijk.

De Eerste Wereldoorlog had zo’n effect, dat de ellende ervoor zorgde dat het rechtsradicale spectrum een culturele regeneratie wilde teweegbrengen. Het sterk geloof dat een geestesaristocratie deze regeneratie zou teweegbrengen leefde sterk bij denkers zoals Ernst Jünger, Stefan George, Ernst Niekisch en vele andere denkers van die periode. De pleidooien van de vergeestelijking van de staat en maatschappij waren van het begin tot de laatste dagen van de Weimarrepubliek te horen. Zo was de linkse activist Kurt Hiller er vroeg bij door de ‘Rat geistiger Arbeiter’ tot een ‘Herrschaft des Geistes’ uit te roepen en werkte een programma uit dat veel bijval kende maar weinig teweegbracht. Dit artikel is uiteraard te kort om genoeg nuances aan te brengen, maar het raakt wel genoeg interessante elementen om nader onderzoek te verdienen.

Ernst Niekisch noemde de massa onbekwaam en vond de rol van de elites onmisbaar om zo de stem van de massa te kunnen vertolken. Waar in het verleden deze rol werd vervuld door de feodale heren, zou een ‘Elite des Geistes’ deze rol binnenkort overnemen. ‘Het is die elite die het zelfbewustzijn van de massa tot ontwikkeling zal brengen en voor een handzame wereld- en maatschappijbeschouwing kan zorgen’ (2). Niekisch behoorde tot de socialistische vleugel van de ‘Conservatieve Revolutie’. Het elitisme van de proponenten van deze Revolutie en het rechts-radicale socialisme van sommige leden maakte veel furore en werd volgens J.A.A. Doorn door velen als het enige Duitse toekomstperspectief gezien. Het autoritarisme en de neiging tot een plangerichte economie zorgde er dan ook voor dat er met angst en bewondering werd gekeken naar de Sovjetunie. Niekisch, die bekend stond als nationaal-bolsjewist, pleitte voor een Duits-Russisch verbond, gericht tegen het verachte democratische en kapitalistische westen. Ook bracht Niekisch in 1935 in het tijdschrift Der Tat een hommage aan Lenin en de Sovjetplaneconomie.

Uiteraard vormde deze Conservatieve Revolutie geen homogeen blok, zoals dat meestal is in gevallen waar het aantal politieke denkers het aantal politieke dieren overstijgt. Niekisch klaagde vaak de ‘socialistische verkleedpartij’ van de burgerij aan. Er werden zoveel modellen van ‘socialisme’ ontwikkeld, waardoor de oppervlakkigheid ervan enkel maar is toegenomen terwijl de diepgang werd ontnomen. Ook met het marxisme had Niekisch, zelf volleerd marxist, een eitje te pellen: ‘[…] de marxisten hadden ooit de bedoeling de bourgeoisie materieel te onteigenen, maar lang voordat ze daarin slaagden, werden ze door burgerlijke struikrovers geestelijk onteigend’ (3). Oswald Spengler, zelf aangeklaagd door Niekisch als zo’n ‘onnodige verruimer’, voegt in heel deze kwestie nog een interessante dimensie toe. In zijn politiek essay ‘Preußentum und Sozialismus’ herdefinieerde hij het socialisme als typisch Pruisisch erfgoed. Hij keerde af van het marxistische materialisme en propageerde het ‘ware Pruisische socialisme’, dat idealistisch gericht was. “Es gibt für den Arbeiter nur den preußischen Sozialismus oder nichts”. Hier ging de arbeider op in de natie, en was er geen arbeiderscultus. Lapidair gesteld zei Spengler dat elke echte Duitser een arbeider is, waaruit hij concludeerde dat Duitsers socialisten zijn.

Zowel het veteranennationalisme van Jünger als het Spengleriaanse Pruisische socialisme reflecteerden het beeld van de arbeider als een politieke soldaat, een zogenaamde militieman van het socialisme. In het boek ‘Der Arbeiter’ meldde Jünger zelfs dat de arbeider wordt verheven boven de burger als de nieuwe mens van de toekomst. Spengler ziet het Arbeitertum de waardige erfgenaam van het Preußentum. In ieder geval waren de Conservatieve Revolutionairen het er allen roerend overeen over de positie van de politiek en staat tegenover de economie. Arthur Moeller van den Broeck oreerde, naar de geest van het integrale nationalisme dat wij huldigen, dat het materiële moment het subalterne is. Hierdoor werd de marxistische verdeling omgekeerd: ideeën, macht, recht en staat vormen de basis en dragen de economie. Via een wat wonderlijke logica kon daarmee het marxisme in dezelfde categorie geplaatst worden als het kapitalisme: twee kanten van de ‘materialistische’ medaille’ (4). De geestesaristocratie kan daar tegenover gesteld worden, en trapt niet in de verraderlijke val van het materialisme.

Heimdallr
Scriptor NSV!-Antwerpen 2007-2008
[Heimdallr is Commilito en medewerker aan de Nationalistische Vormingscel. De meningen geuit in dit opiniestuk weerspiegelen echter niet noodzakelijk deze van de NSV!]

_________

Noten

(1) BUGGENHOUT, J. van, Enkele aspecten van de pedagogiek in verband met de Vlaamse openbare lagere school, periode 1919-1940, Gent, 1961, 7
(2) DOORN, J.A.A., Duits socialisme, Mets & Schilt, Amsterdam, 159-160
(3) Ibidem, 160
(4) Ibidem, 165


 

Article printed from :: Novopress.info Flandre: http://flandre.novopress.info

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La OTAN: de Marruecos a Chechenia

Enrique Ravello
LA OTAN COMO ESTRUCTURA MILITAR ANTITÉTICA
A LOS INTERESES EURO-RUSOS:
DE MARRUECOS A CHECHENIA

 

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 LA OTAN: GÉNESIS DE UNA ORGANIZACIÓN DE OCUPACIÓN MILITAR

  Si hacemos memoria recordaremos que la Organización del Tratado del Atlántico Norte (OTAN) es una organización internacional establecida en 1949 con el objetivo de colaborar en la defensa en los campos político, económico y militar. Nació a raíz de un acuerdo denominado Tratado del Atlántico Norte que fue firmado en Washintong D.C el 4 de abril de 1949.

  Teóricamente destinada a ser una garantía de seguridad de los estados de Europa occidental ante la Unión Soviética y sus aliados. Como era propio de la guerra fría la OTAN actuó sólo como fuerza disuasoria.

  …. Y AHORA, ¿DE QUÉ NOS DEFIENDE LA OTAN?

  Tras la desintegración de la Unión Soviética, la OTAN ha reformulado sus objetivos y actividades hasta apropiarse del control político y militar de la Europa central y occidental. En este marco se desarrolló la única operación de ataque a un país por parte de la OTAN, el criminal ataque a Yugoslavia en 1999, causando una gran cantidad de víctimas entre la población civil y usado como un campo de pruebas para nuevos armamentos. No olvidemos que el ataque a Yugoslavia se produce pocas fechas después de que Polonia y Hungría entraran en la Alianza Atlántica y fuera entonces, el yugoslavo, el único ejército con capacidad militar que quedaba entre la OTAN y la antigua frontera de la URSS: ése fue el motivo real del ataque.

  Una vez disuelto el Pacto de Varsovia, ¿se puede seguir hablando de función defensiva?, ¿contra quién? Aquí son los servicios de inteligencia norteamericanos los que dan la respuesta, creando enemigos fantasmagóricos que puntualmente justifican intervenciones aquí y allí con la excusa del terrorismo internacional

  Y son los servicios de propaganda americanos los que esgrimiendo el concepto de “Choque de Civilizaciones” pretenden involucrar a Europa centrooccidental con la coarta de la “lucha contra el Islam”, mientras que objetivamente usa al mundo árabe-islámico como punta de lanza contra Euro-Rusia, el potencial competidor de los EE. UU. por la hegemonía mundial La realidad es que la OTAN ha contribuido a crear un “cinturón verde” desde Pakistán, en el extremo oriental, pasando por Chechenia (con la ayuda del régimen wahabita de Arabia Saudita) hasta Bosnia y Kosovo (donde la guerrilla narcoterrorista de la UCK suele dar sus ruedas de prensa con la bandera de Albania flanqueada por la de EE.UU y de la OTAN) por un lado, y Marruecos por otro, en el extremo occidental.

  Uno de los puntos de fricción entre Eurosiberia y el mundo islámico se sitúa en la zona suroccidental de nuestro Continente, precisamente en la frontera entre Marruecos (África) y España (Europa). Un caso quizás menos conocido, pero al que como español quiero dedicar un momento de atención y denuncia como ejemplo paradigmático de la sinergia EE.UU-Islam contra Europa y de la falsedad de la OTAN como estructura de defensa militar de sus miembros

  Para empezar recordemos que teóricamente España es parte de la OTAN y Maruecos no, aunque tenga un tratado de cooperación bilateral con los EE. UU en el que se le reconoce como “aliado preferencial”.

  Como es sabido por todos en este momento las zonas de mayor fricción, al ser reivindicadas por Marruecos son Islas Canarias (españolas desde el siglo XVI), Ceuta y Melilla, que no son restos de ninguna presencia colonial sino ciudades españolas desde inicios de la Edad Moderna, es decir varios siglos antes de que Marruecos existiera como Estado.

  La presión marroquí en estos territorios, poblados hasta hace poco por españoles de estirpe europea como una minoría áraboislámica en las ciudades de Ceuta y Melilla, es en una primera fase demográfica: continuo desembarco de Pateras en Canarias, en Ceuta y Melilla donde de cada cuatro nacimientos, tres son musulmanes. En sólo 15 años la mayoría de la mayoría de población en Ceuta y Melilla será árabo-musulmana. Un dato revelador, los bancos españoles no dan a sus ciudadanos créditos a más de 10 años para adquirir viviendas en esas dos ciudades, seguramente porque saben que después de esa fecha habrán dejado de ser españolas.

  Siempre quedaría la posibilidad de una defensa militar por parte de la OTAN a la integridad territorial de uno de sus miembros (España) frente al ataque de un estado ajeno (Marruecos), pero es sabido que en las negociaciones para la incorporación de España a la OTAN, la Alianza atlántica exigió que las ciudad de Ceuta y Melilla quedaran fuera del territorio OTAN y la Alianza quedara eximida del compromiso de defenderlas frente a una posible invasión marroquí.

  Como ejemplo paradigmático de la actitud norteamericana en un posible conflicto hispano-marroquí sería muy conveniente recordar los sucesos de la isla Perejil sucedidos durante julio de 2002:

  La isla de Perejil es un diminuto islote en el mar que separa España y Marruecos. Hasta julio de 2002 era territorio español y la bandera roja y amarilla ondeaba allí.

  11 de julio, Marruecos invade la isla con el desembarco de 12 gendarmes e iza la bandera marroquí. Luego llegarán numerosos refuerzos para asegurar el control

  18 de julio, después de varias advertencias diplomáticas, 28 soldados españoles desalojan la isla de marroquíes en pocas horas, una rápida operación sin víctimas. Se iza de nuevo la bandera española. La legión española se despliega para asegurar la defensa del islote. El gobierno marroquí declara que esa acción equivale a una declaración de guerra por parte española.

  19 de julio, Colin Powell se “ofrece” como intermediario.

  20 de julio tras la intervención de Colin Powell se cierra la crisis, el presidente español del momento, José María Aznar ordena retirar los soldados y afirma que se vuelve al “status quo” previo a la intervención marroquí. Nada más falso, el acuerdo alcanzado establece que –al contrario del status quo anterior- además de las tropas, España, conservaba teóricamente la soberanía del islote pero no podía en ningún caso izar la bandera española lo que sería entendido como una “provocación”, también se comprometía y juraba no volver a usar la isla como base de apoyo policial en sus operaciones contra los traficantes de droga –prácticamente todos vinculados al haschis marroquí- que utilizan el estrecho de Gibraltar como vía de introducción de la droga en España y Europa.

  Evidentemente la negociación americana favoreció a Marruecos (no miembro de la OTAN) y perjudicó a España (miembro de la Alianza). La pregunta surge de inmediato, ¿de qué le sirve a España estar en la OTAN?, ¿de qué nos defiende?

  Señalar que existe un cuerpo del ejército español con base en Ceuta y Melilla llamados los “regulares”, actualmente está compuesto en un 40% por musulmanes, ninguno de ellos acudió a la llamada de sus oficiales durante el conflicto del Perejil, por no enfrentarse a “sus hermanos marroquíes”. El gobierno español no tomó las pertinentes medidas que todos los Códigos militares establecen para la deserción, de hecho, no tomó ninguna media coercitiva ni correctora concreta.
 

EL ESCUDO ANTIMISLES:
ENTRE LA HIPOCRESÍA Y LA PROVOCACIÓN
1.

  La creación del escudo antimisiles fue una de las promesas electorales de George Bush en su campaña de 2000, siendo una evolución del antiguo proyecto conocido como “Guerra de las Galaxias”. El sistema que los EE. UU pretenden instalar en Chequia y Polonia para 2012, técnicamente apenas sirve para neutralizar un ataque balístico bastante limitado, en ningún caso para neutralizar los sofisticados misiles rusos. Como máximo sí estaría en condiciones de neutralizar pequeños ataques desde los países árabes a Israel, lo que es cuanto menos curioso.

  Eso sí, el escudo tiene un elevadísimo presupuesto que sanearía las cuentas de la industria aeronáutica norteamericana hoy afectada por la competencia del Airbus europeo. El proyecto es una simple confirmación del “matrimonio” entre el gobierno de los EE.UU y la industria armamentística.

  Los EE.UU sólo pueden inquietarse con la potencia militar de Rusia y China y ninguno ha mostrado la menor intención ofensiva. Por lo que la justificación del Escudo es de otro tipo.

  a) Económica: beneficios para la industria militar.

  b) Geopolítica: presencia militar en Europa occidental y central, coacción en Europa oriental (Rusia, Serbia).

  c) Política: EE.UU ya ve a la UE como presente y futuro competidor, si el competidor se aleja de su esfera de influencia y comienza su natural acercamiento a Rusia, su hegemonía terminaría. Es necesario prestar atención a un proceso reciente, en Europa occidental ya muy pocos creen en la OTAN, la mayor potencia militar de esta zona, Francia, aboga cada vez más por una política militar europea independiente de EE.UU; hoy los máximos valedores de los EE.UU, dentro de la UE, son precisamente los antiguos países comunistas: Polonia, Chequia, Rumanía, es precisamente ahí donde EE. UU pretende instalar su escudo por tres motivos:

  1) Por entender que la zona de control geoestratégico del continente ha pasado de la Europa occidental a la centro-oriental más cercana a Rusia.

  2) Por crear tensiones internas en Europa entre los países más pro-americanos (Rusia, Chequía, Rumanía) y los más críticos con la OTAN-EE.UU (Francia, España y Alemania).

  3) Para aumentar la tensión/provocación a Rusia instalando el nuevo sistema militar de “defensa” en el territorio del antiguo Pacto de Varsovia, excesivamente cercano a la frontera de rusa. La enérgica reacción del gobierno ruso da a entender que el rearme y recuperación de la capacidad militar de la gran potencia europea –Rusia- es un hecho con el que los EE. UU tendrá que empezar a contar.

  Retomando el tema anterior del conflicto entre Marruecos y España, hay que decir que España, país de la OTAN, queda fuera del territorio de cobertura del escudo antimisiles, evidenciando que los EE.UU no tienen el meno interés en la defensa de Europa del mundo árabeislámico (Marruecos, Argelia, etc.) y sólo ve enemigos en el Este (Rusia).

  Por el contrario, a los EE. UU., sí le interesa la defensa del Estado de Israel, que, paradójicamente sin ser miembro de la OTAN sí que queda bajo el área de defensa del escudo. Repito la pregunta, ¿para que le sirva a España estar en la OTAN?
 

POR UNA OFENSIVA EURO-RUSA

  Denunciando sus insuficiencias y sus verdaderos objetivos, se trata ahora de demostrar la real naturaleza de la OTAN, su antítesis con los objetivos militares, y también políticos y económicos de Europa occidental y al mismo tiempo, defender una alianza Europa-Rusia como embrión de la futura confederación de la primera potencia mundial, como nos acaba de hablar Guillaume Faye.

  La desconfianza hacia los EE.UU. y la OTAN crece en los países de Europa occidental, cuyas opiniones públicas se muestran cada vez más críticas y contrarias a la sumisión de sus gobiernos ante la política estadounidense. Estamos en el momento preciso –y entiendo que ése es uno de los objetivos de esta reunión- de lanzar una contraofensiva propagandística y mediática que no se limite a la función “destructiva” de crítica sino que trascienda a la función constructiva de “propuesta”. Una campaña que debía estar sincronizada y coordinada entre:

  a) Los identitarios de Europa occidental, hoy los mayores defensores de Serbia y Rusia. Sólo como anécdota recordemos que fue el europarlamentario del partido italiano Fiamma Tricolore, Luca Romagnoli, el primero en proponer en esa institución que la negativa de la entrada de Turquía a la UE estuviese acompañada del ofrecimiento a Rusia y Ucrania para hacerlo.

  b) Y los identitarios de Europa occidental, con espacial énfasis en los rusos, quienes con la fuerza de sus instituciones y organizaciones serían capaces de dar una intensidad realmente efectiva.

  El mensaje a transmitir debería definir un lema principal y varios argumentos complementarios de ese lema principal.
 

  -Lema principal:
  “La única opción para una autonomía política, económica, energética y militar de Europa occidental para por terminar con la actual situación de colonización de baja intensidad por parte del entramado EE.UU-OTAN es iniciar inmediatamente una política de acercamiento a Rusia.
  La única opción para Rusia de terminar con la amenaza militar norteamericana y de establecer una entente política estable y beneficiosa para ambas partes, es hacerlo con Europa occidental buscando instaurar el eje París-Berlín-Moscú, o más ampliamente el eje Lisboa-Madrid-París-Roma-Berlín-Estocolmo-Moscú./p>

  Argumento básico y distintivo del tema principal: El acercamiento euro-ruso y la futura confederación Eurosiberiana traerían beneficios desde le punto de vista económico, político y militar, pero la “ultima ratio” está en la comunidad cultural, histórica y étnica de los pueblos que comprende. No se debe simplemente a beneficios o situaciones coyunturales, sino a principios esenciales: la comunidad de sangre y destino de todos los pueblos europeos de origen boreal.

  Argumentos complementarios:

  1) El periodo de la Guerra Fría (1948-1989) debe considerarse como una excepción negativa en la historia de Europa occidental.

  Sólo en ese periodo se sintió la amenaza de una invasión desde el este de Europa acompañada con la expansión de una ideología destructiva como fue el comunismo. Muerta esta ideología también hay que matar el temor a un acercamiento a la Europa oriental y más concretamente a Rusia

 

  Sólo durante este anómalo período Europa occidental hizo dejación de su autonomía política para permitir situarse bajo el “paraguas americano”

 

  2) La nueva sinergia euro rusa está muy lejos de pretender sustituir un imperialismo (americano) por otro (ruso). Se difundirá la idea de un confederación paritaria, y descentralizada.

  3) Las instituciones europeas deberán de ser marionetas de intereses americanos. La UE (mientras exista) deberá oponerse a la entrada de Turquía y comenzará a establecer tratos de relación económica privilegiada con Rusia, Serbia, y demás países europeos ajenos a la UE.

  4) Rusia deberá entender a Europa occidental como el gran aliado presente y futuro, a la que exigirá trato de privilegio económico, pero con la que también tendrá una relación privilegiada a la hora en cuestiones energéticas y militares, en detrimento de los países asiáticos (Eurosiberia frente a Eurasia)
  La unión entre la potente economía de la Europa occidental, y los recursos energéticos y potencia militar rusa, constituirían, con mucha diferencia, la primera potencia planetaria.

  5) Denuncia de la cultura-parvulario norteamericana como algo ajeno a la complejidad y riqueza del pensamiento europeo. Especial empeño en la difusión de las grandes obras culturales de la historia europea, con el objetivo de demostrar la similitud existente a lo largo de los siglos del arte y cultura rusa con la europea occidental.

  6) Presentación de la alianza euro-rusa como la única posibilidad de defensa no sólo de Europa sino también de todo el mundo blanco (de Australia a Argentina, pasando por la pronto minoría blanca de Norteamérica) denunciado la función destructiva que, en ese sentido, tiene el gobierno de los Estados Unidos.

  Para terminar quiero agradecer al señor Tualev y a su magnífica revista Ateney, al señor Ivanov y al resto de camaradas rusos, la organización de este II encuentro del Mundo Blanco y animo a organizadores y participantes a acudir puntualmente a nuestra cita en esta hermosa capital europea que es Moscú, y mantenernos unidos y coordinados en nuestra común defensa de Eurosiberia, Euro-Rusia y de todo el Mundo Blanco.
 


  1 Para ampliar información cfr. http://infokrisis.blogia.com, la página personal de Ernesto Milá. “El escudo antimisiles no protege, “enriquece”.

00:05 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : défense, questions militaires | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 03 mai 2008

Les renseignements occidentaux en Tchétchénie

Tchétchénie: le renseignement occidental soutenait les séparatistes (TV)

 

MOSCOU, 22 avril - RIA Novosti. Les services secrets occidentaux ont mis au point dans les années 1990 un plan visant à rendre effective l'indépendance de la Tchétchénie vis-à-vis de la Russie, affirme un documentaire intitulé "Plan Caucase" qui sera diffusé mardi soir sur la chaîne publique russe Pervi Kanal.

Selon un communiqué publié par la chaîne, la France imprimait des passeports d'Itchkérie (le nom donné à la république par les séparatistes), et des armements étaient acheminés vers la république à travers la Géorgie dans le cadre de cette opération.

Le citoyen turc d'origine tchétchène Aboubakar, connu depuis 40 ans sous le pseudonyme de Berkan Iachar, à la suite d'un contrat signé avec la CIA, raconte l'organisation dans les années 1990 d'une plateforme politique visant à obtenir la sécession de la république russe.

Selon lui, ce projet était financé par plusieurs Etats. Les passeports destinés à la République d'Itchkérie étaient imprimés par la France, la monnaie était fondue en Allemagne.

"Dans les années 1990, Aboubakar devient en quelque sorte l'éminence grise à travers laquelle on réalise les transactions financières plus ou moins juteuses destinées aux combattants du Caucase du Nord", affirment les réalisateurs du documentaire.

Selon eux, une des affaires les plus secrètes remonte au temps du leader séparatiste Djokhar Doudaïev dans les années 1990. M. Iachar participe alors à la mise au point d'un plan visant à acheminer illégalement des pierres précieuses à l'aéroport de Grozny.

"Le bénéfice dégagé servait à acheter des armes. Il ne s'agissait pas de sommes très importantes, entre 10 et 20 millions de dollars à chaque convoi", a confié Aboubakar, selon lequel cette filière n'a été découverte que plusieurs années plus tard.

"Ce ne sont que quelques exemples du soutien fourni par les services secrets étrangers à la sécession de la Tchétchénie", affirme le documentaire.

RIA NOVOSTI

http://fr.rian.ru/russia/20080422/105603573.html<......