Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 11 janvier 2021

Entrecroisements transfigurateurs entre le Roman du Début et celui de la Fin

Quiz-quel-dieu-grec-es-tu-thumbnail.png

Entrecroisements transfigurateurs entre le Roman du Début et celui de la Fin

par Laurent James
Ex: https://parousia-parousia.blogspot.com
 
008115746.jpgPubliés à peu près au même moment, la distance temporelle entre L’Epopée des Arvernes de Jean-Paul Bourre et Le Procès des Dieux de Maxence Smaniotto est en réalité d’environ 2300 ans : les Poissons sont littéralement encerclés par ces deux volumes romanesques absolument bouleversants, dont la juxtaposition forme une terrible nasse immergée dans les plus profondes eaux souterraines de l’Europe intérieure.

Des Druides flamboyants aux journalistes névrosés, de l’Arvernie tournoyante à la Nouvelle Notre-Dame de l’Humanité, de Doria la guerrière banshee au visage enduit d’argile verte à Karima la froide universitaire déterminée à en finir avec l’Olympe, la lecture successive – ou même alternée, pourquoi en effet ne pas passer d’un livre à l’autre chapitre après chapitre, pour tomber dans une espèce de grand vertige totémique – de ces deux romans produit dans l’âme du lecteur une vision d’ensemble, à la fois de l’ontologie tout à fait lumineuse de l’espèce humaine spécifiquement européenne, ainsi que de l’ensemble absolument démoniaque de ce qui en constitue l’irréfragable ennemi radical, la vaste collusion de tous ceux qui sont déterminés à annihiler cette espèce en éradiquant ses Dieux, ses morts, ses armes, ses œuvres, ses ferveurs, son histoire, ses invocations, ses joies, sa mélancolie, sa tristesse, son ivresse, ses chants, sa sexualité, son fanatisme et sa haine.

Jean-Paul Bourre est le plus grand romancier français épique actuel, cela finira peut-être par se savoir. Un romancier fiévreux, homérique, médiumnique et « atteint d’une forme de synesthésie subite et sauvage », comme le rappelle Tony Baillargeat dans sa préface. Un romancier, c’est avant tout un meneur de loups ; et Bourre en est tout simplement le dernier.

61P8dewd40L.jpgSujet de rédaction : « Cent mille guerriers gaulois s’installent dans un grand désordre sur la rive droite du Rhône ; après être parvenus à traverser le fleuve, ils affrontent des dizaines de milliers de légionnaires romains qui finissent par lâcher une troupe d’éléphants. Décrivez le tumulte qui s’ensuit ». 

J’aimerais savoir combien d’écrivains contemporains relèveraient le défi… 

L’Epopée des Arvernes est avant tout un roman sur la paternité, tissé suivant une trame flamboyante de filiations paternelles : d’abord le jeune Moran, qui franchit les premières pages du roman en assistant à la destruction totale de son village et la profanation du cairn funéraire de son père Luconios, le « loup des neiges »… héros fougueux que l’écrivain a la cruauté tragique de faire périr à Lutèce, torturé sur le poteau des Nautes … passant ensuite le flambeau à son fils Luern, à l’épaule droite incisée, enfant, par son père Moran pour démultiplier la puissance de la bandaison de l’arc,… Luern le compagnon de combat de Brennos, géniteur – juste avant la prise de Rome – du petit Bituit,… puis Celtill le rebelle, et enfin Vercingétorix, lumineuse guirlande de pères combattant la puissance de Rome, au service de l’Arvernie et du peuple des forêts, de victoire en victoire jusqu’à la défaite.

Un lac volcanique bordé d’aulnes verts, la présence trouble et permanente de guerriers Pictes tatoués sur tout le corps, des cauchemars bariolés d’immondes bestioles, des bardes fiévreux gorgés d’hydromel, des ermites s’entretenant avec des fées au creux de leurs grottes, la déesse Damona étreignant un grand chêne sous la lune, l’enchanteresse Île Verte surgissant d’un rideau de brumes, … Tout, dans ce roman, n’est que fugitives visions du mystère profond de la vie, sans aucun enjolivement d’aucune sorte.

Ca décapite en effet à tour de bras chez Jean-Paul Bourre, aux cris de « Charogne puante ! », avant d’accrocher la tête de l’ennemi au seuil de sa hutte. On y baise également beaucoup sous l’orage, on crache par terre, on éventre des ours, on prépare des soupes de lard arrosée de cervoise, on pleure en évoquant des sentiers perdus qui mènent vers l’Autre Monde, on arrache des viscères à la lance à crochets en riant, on essuie sa moustache pleine de ragoût de porc.

unnamedJPB.jpg

Jean-Paul Bourre.

Dominique de Roux a écrit dans Immédiatement cet aphorisme que tout le monde a oublié : « Les Druides prononçaient des mots si compacts qu’ils trouaient l’air et y restaient immobiles, plantés dans le vide comme des oiseaux surpris dans leur vol ». Ces mots compacts, Jean-Paul Bourre les a patiemment glanés au fil de ses promenades dans les nuées du plateau de Gergovie, pour les restituer ici avec précision.

Tiens ! voici la tête d’un corbeau, fichée sur une pique, devant la hutte de l’épouse de Moran. Je l’avais oubliée… Dans son bel ouvrage Le Grand Monarque et le Souverain Pontife, Rhonan de Bar nous rappelle que décapiter un corbeau, cet animal totem du Roi Brennos qui accompagne aussi bien Lug que Brân le Béni, cela « revient à séparer le Mercure du Caput Mortuum », c’est-à-dire augurer rien de moins que la décollation de Louis XVI.

Le Procès des Dieux est le roman anthropogonique de la Fin du Cycle des Rois. 

Car si certains gnostiques pop revendiquent la victoire des Sans-Rois comme la seule possibilité de retrouver les clefs de la connaissance, nous sommes encore quelques-uns à savoir pertinemment que c’est justement la défaite des Rois, et celle concomitante de l’Eglise, qui nous les a fait perdre définitivement, ces clefs. Alors, bien sûr, maintenant que nous sommes seuls, nous n’avons plus le choix, et nous nous plongeons dans l’œuvre d’Abellio pour activer la transfiguration prophétique du monde par le Christ intérieur.

auton118115-b7a19.jpg

Maxence Smaniotto.

Et j’en profite pour affirmer, de manière péremptoire mais tout à fait assumée, que Le Procès des Dieux constitue le point central du triangle équilatéral formé par Les yeux d’Ezéchiel sont ouverts, La fosse de Babel et Visages immobiles : son point de fuite dynamique vers l’effacement gnostique de l’histoire européenne ; un effacement que l’on espère analogue au détachement – au laisser-être – de Maître Eckhart, « phase dialectique préalable à la déification de l’homme, c’est-à-dire à l’engendrement de Dieu par l’homme et la fusion de l’homme dans la déité de Dieu » (Manifeste de la Nouvelle Gnose, p. 134).

Gabriel est journaliste à News Challenges, média tenu par le dynamique milliardaire saoudien Khaled al-Waaleed qui rêve de « changer le monde ». Car, dans le roman de Smaniotto, et contrairement au Soumission de Houellebecq où la démocratie française devient progressivement musulmane, c’est l’islam qui finit par être majoritairement soumis au progressisme sociétal occidental ; les imams gays ou féminins promus aujourd’hui par Télérama, France Inter et les syndicats de salariés, ont fait tache d’huile. Après tout, il est tout à fait envisageable que ceux qui parviendront à en finir avec l’islam radical ne soient pas Génération Identitaire, ni Riposte laïque ni Gérald Darmanin, mais une alliance dynamique, inclusive et sociétale entre le CFCM, Bill Gates, Philippe Martinez et Marlène Schiappa. Les nationalistes contemporains sont si stupides qu’ils n’ont toujours pas compris que c’est l’islamo-gauchisme qui éteindra toute étincelle vivante au cœur de l’islam, en plaçant les musulmans sous le boisseau de la République. Ne se souviennent-ils pas de ce qui s’est passé avec le catholicisme ?

L’islamo-gauchisme est la plus grande arme de guerre contre l’islam, et une occasion historique de renforcer le gauchisme.

islamo-gauchisme.jpg

Notons que dans le roman, la Chine confucéenne reste la seule et unique force mondiale à pouvoir résister au nihilisme impérialiste occidental. Confucius plus fort que Platon, Bouddha, Jésus et Mahomet réunis face à la Bête ?... C’est à envisager sérieusement.

Maxence Smaniotto montre que ce que nos ennemis nomment « la convergence des luttes » a toutes les chances d’être victorieuse, car – et c’est une autre des spécificités notables de notre époque – le Pouvoir et ses opposants sont fondamentalement d’accord sur l’essentiel. N’oublions pas que l’écriture inclusive, la lutte contre les biais de genre ou contre la transphobie ne sont plus depuis longtemps des revendications de groupes minoritaires mais de rigoureuses obligations administratives émanant du Parlement européen. 

Une société comme Kaufman & Broad est florissante car elle obéit en tous points aux mots d’ordre naguère gauchistes militants, et devenus aujourd’hui des diktats officiels : la parité à toutes les réunions et tous les comités, l’écriture inclusive, les règlements intérieurs pour le bon accueil des juifs, des arabes et des LGBT et la lutte contre le harcèlement sexuel. Et son Président s’appelle Nordine Hachemi, dont la foi musulmane diffère probablement de celle de Ayman al-Zawahiri. Absolument inattaquable du point de vue cégétiste. Et, en plus, Kaufman & Broad lutte efficacement contre l’oppression patriarcale de la religion catholique, en détruisant tranquillement les petites fermes à chapelle de nos quartiers.

En réalité, il s’agit d’une véritable convergence des putes qui se dresse devant nous : syndicalistes, vegans, militants intersectionnels et éco-solidaires, antispécistes, chrétiens téléramesques, musulmans des Lumières, … tous au service intégral de la déconstruction de l’autorité verticale et de la refondation des liens sociaux par la confusion active, l’indiscernabilité généralisée et le nihilisme post-festif. Et, surtout, au service intégral de l’universalisation du nihilisme occidental, et de la super-colonisation mondiale des peuples par l’idéologie du décloisonnement civilisationnel, ce que Smaniotto appelle « le darwinisme inclusif ». 

Le monde d’après les Rois, c’est surtout le monde d’après les Dieux.

Le roman débute avec la capture de Pan dans les marais de la Camargue par la police républicaine. Thierry Rotz, le ministre de l’Intérieur chargé d’arrêter les derniers Dieux encore libres, et de contrer les activités terroristes des salafistes aussi bien que du groupe de réinformation métaphysique Lernaia Hudra, est surnommé « Le Cathare ». Il s’agit là de l’une de ces remarquables illuminations de Maxence Smaniotto qui parsèment le roman, mais que je ne prendrai pas le temps de développer ici même. Le point commun entre tous nos ennemis est en effet une volonté tout à fait avérée de pureté mentale, faite à la fois du refus de la présence de la matière dans l’esprit et de refus de la présence d’esprit dans la matière, une volonté qui prit un temps le nom de catharisme, mais également, suivant les époques, d’arianisme, de dualisme gnostique ou de déisme universaliste (Thomas Paine).

maxence-smaniotto-l-armenie-au-dela-des-cliches.jpgEtonnez-vous après cela que les gnostiques pop que j’évoquais plus haut soient de fervents adeptes des cathares. Ils croient que ceux-ci ont tous été exterminés par les dominicains, alors qu’en réalité, ils ont anéanti l’Eglise, bâti la République américaine et pris le pouvoir en Occident. S’ils sont Sans-Rois, c’est parce qu’ils sont Avec-la-République.

Le journaliste fade et pâlot Gabriel est donc invité à assister au Procès des Dieux, qui se tient au Tribunal International pour les Crimes des Olympiens. Reconstruite après l’incendie d’avril 2019 dans l’optique architecturale d’un idéal universaliste et humaniste, la Nouvelle Notre-Dame de l’Humanité est idéale pour accueillir ce Tribunal. Au-delà du procès de l’Olympe, le lecteur aura compris que c’est un véritable procès de l’Europe qui se tient – au nom des valeurs de Kaufman & Broad, les valeurs de l’Occident.

Au temps des premiers Rois celtes, la femme primordiale revêtait les atours de femme-louve et femme-renard, ou de guerrière experte à la fois dans l’art de la volupté et la prière opérative, mais le monde d’après les Rois décrit par Smaniotto, ce monde de la fin du début de la Fin, n’est peuplé que de présentatrices transgenres à BFMTV, de féministes lesbiennes et voilées, de vigilantes universitaires anti-patriarcales et d’avocates aux cheveux violets.

Un autre genre, effectivement.

« La Femme, son essence, reste la vraie victime de fond de ces pratiques préislamiques », dit Samira à son patron al-Waaleed à propos des récits de Homère. « La guerre racialisée dans l’Iliade, la soumission genrée au patriarcat pour l’Odyssée. Hitler n’aurait pas pu faire mieux avec son Mein Kampf ». 

La professeure Karima Trong donne une assise universitaire à cette vision durant ses cours publics, en une harangue fleuve que je me permets ici de citer longuement, tant celle-ci synthétise prodigieusement la vision de nos ennemis ontologiques : « Derrière chaque acte fondateur autour duquel se structure une civilisation impérialiste, inégalitaire et patriarcale, se nichent les dieux grecs. Ils ont changé de nom pour mieux perpétuer leur existence, mais ils ont toujours été là. […] Cette nouvelle humanité, débarrassée de l’influence des dieux, est nécessaire. L’histoire nous montre une fois de plus pourquoi. Alexandre dit le Grand était élève d’Aristote, et mènera guerres sur guerres, jusqu’à l’Inde. Plus tard, Rome la latine s’hellénise et met à feu et à sang une grande partie de l’Europe, l’Afrique du Nord et la plupart du Moyen-Orient. Le christianisme succède à Rome, recueille l’héritage hellène et ça donne l’inquisition, les bûchers, l’oppression de la femme qui est assimilée au Diable, les génocides en Amérique du Sud et les croisades. Ensuite c’est au Romantisme de réactualiser les mythes grecs et sa philosophie. Dans leurs poèmes se nichent les germes du nationalisme, et ce n’est pas un hasard si le national-socialisme, avec sa quête de pureté raciale, hissera le Romantisme allemand au rang de culture aryenne. Mais les Olympiens ne se sont pas arrêtés au seul nazisme, ils ont poursuivi, répandant leurs ganglions un peu partout. Dans le fascisme italien, qui entendait ressusciter l’Empire romain, et même en URSS, où les formes classiques de l’architecture étaient remises au goût du jour. Nombre d’édifices des années 1930 et 1940 ne sont rien d’autre qu’une ruse que les dieux grecs avaient trouvée pour ériger de nouveaux temples à leur gloire. »

EHTlgbyWoAAv7QB.jpgHermès se défend particulièrement bien en prenant ses juges à partie, parce qu’il sait qu’en réalité, c’est pour de tout autres raisons que ceux-là s’attaquent à l’Olympe : l’une est iranienne et ne fait que défendre Zoroastre humilié, l’autre est juif talmudique et ne fait que combattre l’helléno-christianisme, un troisième est républicain donc franc-maçon, etc. Apprenant sa condamnation à la prison « jusqu’à l’oubli » dans les entrailles des îles Kerguelen, Hermès prévient alors le jury : « Vous ne vous rendez pas compte. Vous allez libérer les Titans » …

Ne leur pardonnez pas, mon Père, car ils savent très bien qu’ils ne savent pas ce qu’ils font.

Chez eux, chez nos ennemis ontologiques de l’Europe éternelle, la logique du tiers-inclus s’est muée en militantisme non-binaire, la transfiguration de l’humanité par l’émergence du Moi transcendantal s’est pervertie en atomisation confusionnelle, la conscience vive de l’Androgynat primordial a dégénéré en abâtardissement pédérastique… Mais pourquoi diable tous ces gens-là passent-ils leur temps à comprendre systématiquement tout de travers ? Marx avait noté que les événements historiques se produisaient toujours deux fois, d’abord sous forme de tragédie puis sous forme de farce. Je crois bien que l’une des définitions les plus efficaces pour désigner notre post-modernité est que, pour la première fois de notre cycle historique, celui-ci ayant débuté – je le rappelle pour ceux qui découvriraient ce blog ou qui n’auraient jamais lu Jean Phaure – il y a 64 800 ans, et bien pour la première fois c’est la comédie qui précède la tragédie. 

C’est ce que certains appellent « La Grande Parodie ». 

Notez bien qu’en toute logique, cela ne peut qu’être favorable à l’efficacité cosmologique du Grand Nettoyage par le Vide, lequel ne saurait en aucune manière être suivi d’une quelconque comédie, puisque personne n’aurait l’idée même de rigoler après le Grand Fracas, le Knout de la Fin des Temps.

Au-delà de la haine du père, de la filiation, du christianisme grec, et donc des Dieux de l’Olympe, se tient cependant encore autre chose. C’est ce que comprend Karima vers la fin du roman : « les Olympiens étaient dans nos cerveaux bien avant l’émergence de la conscience humaine ». Leur haine est bien plus vaste que ce que vous ne le pensiez, bien plus enracinée. S’il y a bien quelque chose d’enraciné en eux, c’est leur haine envers le Pôle Nord, envers l’Homme de Néandertal. Celui-ci est même la cible privilégiée du Coronavirus ! Serait-il définitivement maudit ?...

lanyon-quoit-145679464-5b0aedbc04d1cf0036b986ee.jpg

Haïr l’Europe, c’est d’abord haïr l’Eglise du Paléolithique si chère à Pierre Gordon, c’est haïr les dolmens de nos campagnes. Le progressiste n’a qu’une passion : pisser et chier contre les menhirs (et mutiler les chevaux). Le progressiste républicain hait le Néolithique, qui ne serait que « l’émergence des inégalités, le début des religions et des dieux, celui des violences de masse ».  

Jean-Paul Demoule (sic !) est un exemple absolument lumineux de scientifique qui passe sa vie à faire le Procès des Dieux, de tous nos Dieux qui précédèrent le règne de Zeus – et à nier toute existence d’un peuple indo-européen. Un scientifique rigoureusement, radicalement, plénièrement et – j’ose l’écrire – fanatiquement anti-abellien.

La présence de Jean-Paul Demoule en France en ce début de vingt-et-unième siècle, c’est le contraire rigoureux du deuxième Concerto pour piano de Rachmaninov. Cette œuvre musicale bouleversante ne décrit rien de moins que l’écriture du concerto même, depuis les affres troubles du réveil du musicien jusqu’à l’émergence extatique de l’œuvre à la fin du troisième mouvement. Et c’est lorsque l’œuvre émerge que le Concerto se termine.

A contrario, la civilisation européenne a d’abord émergé des abords solaires du cercle polaire, s’est progressivement dégradée de par la lente pourriture de son peuple, puis de ses élites, jusqu’à son extinction à la fin du Quatrième Âge. Et c’est lorsque l’Europe coule que Jean-Paul Demoule surgit, brandissant l’affirmation éminemment paradoxale de l’inexistence de la Dame qui lui a donné la vie.

Un jour prochain, nous retrouverons dans les ordures la bague de Luconios sertie d’une pierre noire apte à éveiller les esprits du Lac des Anciens.

Et les âmes tièdes ne pourront alors rien opposer à notre ultra-violence retrouvée.

18:32 Publié dans Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, maxence smaniotto, jean-paul bourre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Qui se préoccupe encore de l’Arménie?

1349653-94a64909e5d9d4846f9e4-50659jpg.jpg

Qui se préoccupe encore de l’Arménie?

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Entre le 28 septembre et le 10 novembre 2020, l’Azerbaïdjan agressa l’Arménie et sa république-sœur, l’Artsakh. Le cessez-le-feu obtenu par la médiation russe entérine la défaite cinglante des valeureuses forces arméniennes. Le texte efface plus que trois décennies de présence chrétienne au Haut-Karabakh.

L’argent des hydrocarbures de la Caspienne a permis à l’Azerbaïdjan d’acquérir au cours de toutes ces années un matériel de guerre sophistiqué, en particulier de redoutables drones de combat d’origine israélienne et turque, ainsi qu’un savoir-faire militaire transmis par des conseillers là encore turcs et israéliens. Avant l’arrêt des combats, au mépris des traités internationaux, la coalition turco-azérie n’hésita pas à employer des armes à sous-munitions, des bombes au phosphore et des gaz de combat.

armenie_1005.jpg

Supérieures sur les plans numérique et technique, les troupes azéries ont repris le contrôle de plusieurs zones-tampons dont les districts d’Agdam et de Kelbadjar. La débâcle arménienne prouve par ailleurs l’absence flagrante de réactivité du gouvernement d’Erevan plus soucieux de contenir préventivement la légitime colère populaire que de passer à la contre-offensive générale.

Les hostilités dans le Caucase concerne tous les Albo-Européens en général et les Français en premier lieu. Le succès militaire azéri marque le troisième triomphe en quelques mois du président turc Recep Tayyip Erdogan. Fort de l’élection de son poulain, Ersin Tatar, à la présidence de la République turque de Chypre du Nord et de son soutien armé décisif au Gouvernement de transition d’Al-Sarraj en Libye, le chef d’État turc réalise une presque continuité territoriale du Bosphore, voire des bords de l’Adriatique via l’Albanie, aux frontières de la Mongolie en passant par l’ancien Turkestan centrasiatique grâce au corridor de Meghri garanti par Moscou. Le président Erdogan dévoile progressivement sa vision du monde, un dépassement synthétique des héritages ottoman, islamiste et pantouranien.

phpRbcu8Y_1.jpg

Force est de constater que, toujours prompte à condamner les incendies forestiers en Amazonie ou à protester des vexations faites aux Rohingyas au Myanmar, la fausse Union européenne se tait. Elle craint l’éventuelle agitation de plusieurs centaines de milliers de résidents d’origine turque. Anticipant l’épuration ethnique qui s’annonce, les chrétiens de l’Artsakh fuient les régions reconquises, brûlent leurs maisons, emportent avec eux les restes de leurs défunts et se réfugient dans une Arménie économiquement exsangue. Le fiasco est complet pour l’Union soi-disant européenne et la « Ripoublique » hexagonale.

Certes, la France et la Grèce ont apporté un soutien moral et humanitaire au peuple arménien. Était-ce suffisant ? Les avions de combat français Rafale n’auraient-ils pas dû maîtriser l’espace aérien caucasien ? Pourquoi des soldats français meurent-ils au Sahel dans une relative indifférence hexagonale sans oublier l’incompréhension grandissante des autres États membres d’une Union européenne fantoche alors qu’ils devraient se battre aux côtés des résistants arméniens en Artsakh ? L’absence de tout gisement minier et pétrolier expliquerait-elle cette scandaleuse inaction ? À la fin du XIXe siècle, les massacres ottomans contre les Arméniens et d’autres minorités chrétiennes unirent dans la même indignation le socialiste Jean Jaurès et le nationaliste Maurice Barrès. Aujourd’hui, on attend toujours la réaction de l’« Intouchable » histrion cinématographique expatrié fiscal en Californie et du bouffon tricolore des terrains de football, plus sensible, il est vrai, à la cause des Ouïghours en Chine.

eurocorps.jpg

Ce conflit anciennement gelé confirme enfin l’inanité de tout projet d’« Europe de la défense » peu ou prou lié à l’OTAN à laquelle appartient toujours la Turquie. L’un de ses plus importants membres, la Grande-Bretagne, a osé voter au Conseil de sécurité de l’ONU contre la résolution de cessez-le-feu. Les services secrets de Londres seraient à l’initiative du déclenchement des hostilités. L’abomination anglo-saxonne entrave toujours la volonté des peuples. Londres a partagé l’Empire des Indes et rejeté autant le « Miatsum » (l’union de tous les Arméniens) que l’« Énosis » gréco-chypriote. Outre l’Union non-européenne, l’Alliance Atlantique n’est donc pas la seule à être en « mort cérébrale ». L’Occident l’est aussi.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 196, mise en ligne sur TVLibertés, le 5 janvier 2020.

Les rapports de force entre les Five Eyes et des sociétés du numérique

5eyes.jpg

Les rapports de force entre les Five Eyes et des sociétés du numérique

par Marion Rey

Ex: https://www.ege.fr

Depuis les années 2000, le développement de la société de l’information et du monde immatériel facilite les échanges internationaux. Les géants du numérique ont su exploiter la vague de l’Internet et de l’informatique pour accroître leur influence et la dépendance des usagers. Toutefois, ce développement exponentiel comporte un volet transgressif, largement exploité par les services de renseignement dans les opérations cyber, à des fins d’espionnage en masse. Malgré de nouvelles législations depuis les révélations de l’affaire Snowden, les choses ont-elles réellement changé ? Dans le bras de fer entre géants du numérique et services de renseignement, lesquels sortiront finalement vainqueurs de l’affrontement ?

Le droit, bras armé des Five-Eyes

Signé en 1946 dans le contexte de la guerre froide, le UKUSA Agreement[1] est un accord passé entre les services de renseignement britanniques et américains en matière de coopération autour du renseignement électromagnétique, dit SIGINT (Signals intelligence). En 1955 cet accord a été étendu[2] au Canada, à l’Australie et à la Nouvelle-Zélande. Cette organisation anglo-saxonne du renseignement est plus connue sous le terme Five-Eyes (FVEY).

À la suite du traumatisme du 11 septembre 2001, l’administration de Georges W. Bush déclare la guerre au terrorisme en signant l’USA Patriot Act moins de deux mois après les attentats[3]. Premièrement, cette loi autorise l’usage des nouvelles technologies pour effectuer une surveillance itinérante et une interception des communications électroniques, orales et filaires relatives au terrorisme, à l’immigration, aux infractions de fraude et d'abus informatiques (Sections 201 et 202). Deuxièmement, la loi impose le partage d'informations et la coopération entre les agences gouvernementales en matière de renseignement, de renseignement extérieur et de contre-espionnage (Section 203).

522856-0581b466-fb78-11e3-8184-7d8b4f4697c9.jpg

Sont concernés les 17 agences de la communauté du renseignement (dont la CIA, la NSA et le FBI), les départements de la défense (DOD), de la sécurité intérieure (DHS) et de la justice (DOJ). Initialement, la section 203 devait être valable pour une durée de 4 ans mais a été reconduite pendant près de 15 ans par l’application du USA Patriot Improvement and Reauthorization Act of 2006[4]. Le partage d’informations a été élargi aux agences fédérales, aux États, aux collectivités territoriales, aux entités locales et tribales, et au secteur privé (dont les sociétés du numérique) par deux autres textes (Homeland Security Act of 2002 et l’Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act of 2004). Enfin, la loi prévoit l’accès aux « dossiers et autres éléments » (Section 215), sans autorisation d’un juge, en vertu de la loi sur la surveillance des services de renseignement étrangers, la FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act).

5-eyes-1.png

De son côté, le Royaume-Uni n’est pas en reste. Également conçue pour lutter contre le terrorisme, la loi RIPA 2000 (Regulation of Investigatory Powers Act 2000) autorise les services de renseignement (GCHQ, MI5, SIS), la défense (MoD), les services de la sécurité intérieure et les douanes à intercepter toute information ou communication relative à la sauvegarde du « well-being » de l’économie du Royaume-Uni contre les intérêts des puissances étrangères[5].

En matière de coopération, Américains et Britanniques sont sur la même longueur d’ondes.

Dans le rapport du faible au fort, un lanceur d’alerte peut inverser la tendance

Entre 2010 et 2013, l’ancien agent de la CIA et contractuel de la NSA Edward Snowden, révèle au monde entier l’abus et la déviance de la section 215 du Patriot Act par la méthode SIGINT, sous l’administration de Barack Obama. À ce titre, les services de renseignement américains via la NSA ont mis en place un outil central redoutable du nom de XKEYSCORE[6] utilisant le programme PRISM[7] qui a pour objectif de surveiller massivement la population, les gouvernements ennemis mais aussi alliés, les dirigeants de grandes entreprises ; et d’exploiter les métadonnées collectées (géolocalisation, historique de navigation, historiques d’appels …). Les services de renseignement américains ont obtenu la coopération (contrainte ou consentie) des opérateurs téléphoniques, des géants du numérique et de la Silicon Valley, sous couvert de l’immunité de la FISA offerte par la section 225 du Patriot Act. Par géants du numérique, sont concernés les sociétés de télécommunication comme Verizon, les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) et autres entreprises de la Tech californienne, Snap Inc (Snapchat), Twitter ou encore Reddit.

1425759547288.jpg

Dans ses révélations, Edward Snowden n’épargne pas le Royaume-Uni, agissant dans le cadre de l’organisation FVEY, de la loi RIPA 2000 et de XKEYSCORE. Au travers du programme TEMPORA, le GCHQ a installé un système d’interceptions électroniques sur les câbles sous-marins et réseaux de fibres optiques entrants et sortants de Grande-Bretagne. Sachant que 99% des communications mondiales affluent au travers des câbles sous-marins et que la Grande-Bretagne est le principal point d’entrée pour le continent eurasiatique, les Britanniques sont capables de capter près d’un quart des communications mondiales. Tout comme PRISM, TEMPORA collectait et stockait de grandes quantités d’informations (emails, réseaux sociaux, historiques et appels sur Internet …).[8]

La médiatisation des révélations du lanceur d’alerte a un retentissement mondial, l’opinion publique est scandalisée, les sociétés du numérique sont décrédibilisées et les services de renseignement des FVEY sont humiliés.

Une nouvelle législation impulsée par la société civile

Il aura fallu attendre 2015 après d’âpres débats entre la société civile et l’appareil législatif pour que soit signé l’USA Freedom Act[9] en remplacement du Patriot Act. Cette nouvelle loi met fin à la controversée et abusive section 215 concernant la collecte d’informations en masse. La collecte doit désormais être justifiée, interdisant le ciblage par zone géographique, par service de communication électronique ou par service informatique (Section 201). La loi impose à la FISA la désignation de personnes indépendantes, les « amicus curiae », pour examiner les demandes d’ordonnance présentant une interprétation nouvelle ou significative du droit (Section 401). De plus, le Freedom Act impose plus de transparence de la part de la FISA, qui doit fournir certaines informations au gouvernement au travers d’un reporting régulier, telles que le nombre total d’ordonnances de la FISA rendues pour la surveillance électronique, le ciblage de personnes à l'extérieur des États-Unis, les dispositifs de traçage ou les registres des détails des appels (Section 602). Enfin, la loi donne au secteur privé, les possibilités de communiquer publiquement le nombre d’ordonnances reçues de la part de la FISA (Section 603).

RttDN3h.jpgCependant, les organisations de la société civile, à l’image de l’ACLU (American Civil Liberties Union)[10] estiment que cette nouvelle législation n’est pas suffisamment aboutie, dénonçant des failles à propos des fouilles clandestines et des méthodes de déchiffrement des services de renseignement autorisés par la FISA (Section 702). Alors qu’une révision du Freedom Act[11] a été engagée en octobre 2020, l’EFF (Electronic Frontier Foundation)[12] craint que les dispositions expirées (comme la section 215) ou arrivant à expiration, ne soient ré-autorisées ou prolongées par le Congrès, comme cela a déjà pu être le cas par le passé.

L’impact du Freedom Act est davantage retentissant médiatiquement que révolutionnaire dans la réforme du renseignement. En outre, étant donné que cette réforme concerne uniquement la collecte d’informations sur le territoire américain, les FVEY peuvent ainsi poursuivre leur surveillance dans le reste du monde.

Les sociétés du numérique sur la défensive et les FVEY en stratégie de contournement

Alors que les géants du numérique ont activement participé à la fourniture massive de données, ces derniers tentent de redorer leur blason face à la défiance des utilisateurs. Les sociétés du numérique recourent désormais au chiffrement des communications via les applications (telle que WhatsApp de Facebook) et les systèmes d’exploitation des smartphones (comme l’Android de Google ou l’iOS d’Apple). Depuis le scandale, de nouvelles sociétés se sont insérées sur le marché des messageries et des applications chiffrées, à l’image de Telegram, Signal ou encore Wiebo.

Toutefois, malgré l’adoption du Freedom Act, les services de renseignement s’adaptent et contournent le système de chiffrement des géants du numérique. En 2017, un ancien employé du gouvernement américain transmet à Wikileaks[13] (dossier Vault 7) une série de documents confidentiels révélant l’étendue des capacités de piratage et d’écoutes clandestines opérées par la CIA, en collaboration avec le MI5/BTSS (British Security Service) et le GCHQ. En effet, les FVEY ont développé des logiciels malveillants (backdoors, vers, virus, chevaux de Troie) capables de s’introduire dans les smartphones du monde entier en interceptant le trafic de données avant que le chiffrement ne soit appliqué. Principales cibles : Apple, Android et Samsung. Les smartphones infectés transmettent directement à la CIA les données de géolocalisation, les données texte, vidéo et audio.

raw.jpg

En adaptant les logiciels malveillants aux appareils ciblés, la collecte de données en masse n’est finalement pas réellement abolie. En effet, en ciblant Apple et donc une certaine élite de la société mondiale mais aussi Android, plus accessible et plus populaire, les FVEY continuent d’espionner une part massive de la population mondiale. Enfin, les FVEY ont mené une opération clandestine d’attaques sur des téléviseurs intelligents Samsung. Cette intrusion permettait d’utiliser les appareils comme des mouchards transmettant les écoutes des conversations enregistrées à l’insu des propriétaires.

Ainsi, les services de renseignement contournent non seulement le Freedom Act et son système d’ordonnances FISA à destination des géants du numérique, mais aussi les solutions de chiffrement mises en œuvre par ces derniers. De plus, le développement des technologies connectées, souvent plus vulnérables en matière de cybersécurité, ouvre de nouvelles perspectives et de nouvelles opportunités aux FVEY dans leur stratégie de contournement. Dans ce bras de fer, le rapport de force semble perdu d’avance pour les géants du numérique, puisqu’en l’absence de législation contraignante pour les services de renseignement, ces derniers ne cesseront de développer de nouveaux systèmes de contournement, des « cyber armes », pour arriver à leurs fins. L’enjeu sous-jacent de ces opérations est de mettre à disposition des acteurs économiques américains, les données utiles leur procurant des avantages concurrentiels dans la guerre économique qui se joue au niveau mondial.

Marion Rey.

[1] UKUSA agreement of 1946.

[2] 4ème amendement UKUSA agreement of 1955.

[3] USA Patriot Act, 2001. Uniting and strengthening America by providing appropriate tools required to intercept and obstruct terrorism.

[4] Sénat, Février 2016.

[5] 2012 Annual Report of the Interception of Communications Commissioner.  

[6] Le Monde, 2013, 2019, publié le 27 août 2013 et mis à jour le 04 juillet 2019.

[7] Wikileaks, 2015. WikiLeaks release : June 29, 2015.

[8] The Guardian, 2013. E. MacAskill, J. Borger, N. Hopkins, N. Davies et J. Ball, GCHQ taps fibre-optic cables for secret access to world's communications, 21 juin 2013.

[9] Uniting and strengthening America by fulfilling rights and ensuring effective discipline over monitoring Act of 2015.

[10] Lettre au Washington Legislative Office, 29 avril 2015.

[11] USA Freedom Reauthorization Act of 2020

[12] EFF, 16 avril 2015.

[13] Wikileaks, Vault 7: CIA Hacking Tools Revealed, 7 mars 2017.

Marion REY

Promotion SIE 24

Formation Initiale MBA Stratégie et Intelligence Economique - SIE