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mercredi, 17 avril 2013

Le problème kurde: une marge de manoeuvre

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Bernhard TOMASCHITZ:

Le problème kurde: une marge de manoeuvre

 

Le PKK a annoncé une trêve. Cette annonce s’explique par l’importance croissante que revêt le peuple kurde dans le jeu géopolitique et géo-énergétique au Proche-Orient

 

A l’occasion du “Newroz”, la fête du Nouvel An kurde et iranienne, le commandant en chef militaire du PKK (“Parti des Travailleurs du Kurdistan”), Murat Karayilan, a divulgué urbi et orbi  une déclaration du chef historique du PKK, Abdullah Öçalan, emprisonné depuis 1999. Dans cette déclaration, on pouvait lire: “Nous appellons officiellement, et sans ambigüité aucune, à un armistice, qui entrera en vigueur dès le 21 mars”. Par l’effet de cet appel, les guerilleros en lutte pour un Kurdistan libre ne commenceront plus aucune action militaire. Karaliyan ajoutait néanmoins un avertissement: “Mais si nos forces sont attaquées, elles se défendront tout naturellement”.

 

On ne peut donc pas encore dire que la guerre civile turque, commencée en 1984 entre le PKK (que l’UE et les Etats-Unis considèrent comme une organisation terroriste) et l’armée turque, est désormais terminée. Mais les chances de voir s’établir la paix dans les régions kurdes de l’Anatolie orientale sont plus réelles aujourd’hui qu’elles ne l’ont jamais été depuis le début des hostilités il y a près de trente ans. D’une part, le gouvernement d’Ankara a accordé des droits à la minorité kurde; ces droits demeurent toutefois encore fort modestes. D’autre part, Öçalan croit sans doute que s’offre à lui l’occasion unique de rentrer dans l’histoire comme un pacificateur. Mais ce ne sont ni les concessions turques ni les espoirs d’Öçalan qui me semblent déterminants: il y a surtout le fait que les données géopolitiques ont été complètement bouleversées dans la région au cours de ces dernières années.

 

La Turquie veut, elle, se positionner comme une puissance régionale dans le Proche- et Moyen-Orient. Elle ne peut pas jouer ce rôle pleinement si elle doit sans cesse consacrer ses ressources militaires à une “petite guerre”, une guerilla, qui cloue d’office le gros de l’armée sur le territoire anatolien. Ensuite, la Turquie se veut un pays de transit pour les hydrocarbures. Les oléoducs et gazoducs existants, comme ceux qui relient Bakou à Ceyhan, via Tiflis en Géorgie, transportent déjà le pétrole de la région caspienne à la côte méditerranéenne de la Turquie; qui plus est, les Turcs envisagent l’installation d’autres “pipelines” qui transporteront les hydrocarbures de la région kurde du Nord de l’Irak vers l’Europe en passant par la Turquie. Pour sécuriser totalement le transport de ces hydrocarbures, il est impératif, pour Ankara, de pacifier les régions kurdes sous souveraineté turque.

 

C’est là que se rejoignent les intérêts d’Ankara et de Washington. Le partenaire turc des Etats-Unis dans le cadre de l’OTAN a un rôle capital à jouer dans les plans américains: il doit servir à contourner la Russie, rival géopolitique, de façon à ce que le pétrole et le gaz naturel d’Asie centrale et de la région caspienne soient acheminés vers l’Ouest sans passer par des pays sous contrôle russe. La Turquie est indispensable dans cette stratégie de contournement de la Russie. Le 7 août 2012, le journaliste Murat Yetkin écrivait ces lignes dans le quotidien turc de langue anglaise “Hürriyet Daily News”: “Parce que l’Irak menace de se désagréger, Massoud Barzani, le chef du gouvernement régional kurde du Nord du pays, une région voisine de la Turquie, a commencé à signer des accords pétroliers et gaziers avec des géants énergétiques, en dépit du désaccord manifesté par le premier ministre irakien Nouri al-Maliki”. En septembre 2012, l’agence de presse Reuters annonçait que le consortium pétrolier britannique Shell songeait à s’engager dans le Kurdistan irakien. Les champs pétrolifères de cette région sont d’ores et déjà exploités par les consortiums ExxonMobil (Etats-Unis) et Total (France).

 

On ne s’étonnera pas, dès lors, que Yetkin en arrive à cette conclusion: “Les géants énergétiques ont intérêt à livrer aux marchés occidentaux un maximum de gaz et de pétrole, issus de régions qui ne sont pas contrôlées par la Russie ou l’Iran ou qui le sont moins. Dans cette perspective, la Turquie offre une possibilité: sous la protection de l’OTAN, elle pourra servir de transit à des ressources énergétiques venues, d’une part, du Kurdistan irakien et, d’autre part, de l’Azerbaïdjan, pour qu’elles soient acheminées vers l’Ouest. La présence du PKK, interdit et combattu, et les combats qui se déroulent dans l’Est de la Turquie constituent de véritables épines dans la chair de ce projet et un obstacle important à une coopération interétatique de grande ampleur”.

 

On peut donc émettre l’hypothèse que les Etats-Unis ont exercé une pression en coulisses sur les deux protagonistes du conflit turco-kurde. Washington pourrait très bien avoir fait pression 1) sur la Turquie, pour qu’elle octroie aux Kurdes plus de droits de façon à ce qu’ils n’aient plus ni envie ni intérêts à soutenir le PKK et 2) sur les autorités kurdes du Nord de l’Irak pour qu’elles ne protègent plus les combattants du PKK. De fait, les relations entre Ankara et le Kurdistan irakien (de jure, partie de l’Irak; de facto, quasiment indépendant) se sont largement normalisées au cours de ces dernières années. Pour Washington, la valeur stratégique du peuple kurde s’est nettement amplifiée, depuis la deuxième guerre du Golfe (2003), vu que ce peuple kurde vit à cheval sur tous les pays de la région: la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran. A ce propos, dès juin 2011, Meghan L. O’Sullivan évoquait la question kurde. Madame O’Sullivan avait été, sous le règne du Président George W. Bush, membre du “Conseil National de Sécurité”; aujourd’hui, elle est professeur à Harvard. Pour elle, la région peuplée de Kurdes est une région où ceux-ci peuvent exercer une pression politique importante sur les politiques intérieures de l’Irak, de la Syrie et de la Turquie; en tant que “groupe collectif”, ils pourraient détenir un poids économique déterminant et, ainsi, “devenir à coup sûr plus modérés et indispensables aux intérêts américains au Proche-Orient”. Ces arguments de Madame O’Sullivan pourraient très bien induire le gouvernement d’Obama à inclure une “perspective kurde” dans ses stratégies pour le Proche- et le Moyen-Orient.

 

Ensuite, Meghan L. O’Sullivan explique que les Etats-Unis devraient “encourager sotto voce” tout nouveau gouvernement turc “à traiter sa minorité kurde avec magnanimité” et à faire d’une telle politique magnanime la pierre angulaire de toute relation bilatérale. Pour ce qui concerne les Kurdes d’Irak, Washington devrait, d’après Madame O’Sullivan, utiliser les bonnes relations existantes avec la Turquie pour faire avancer le “pragmatisme”. Et comme ces relations turco-kurdes, limitées aux Kurdes d’Irak, sont désormais bien développées, ces Kurdes d’Irak, sous la houlette des Américains, pourraient jouer un rôle clef dans l’ensemble de la communauté ethnique kurde. Mais avant d’en arriver là, les relations turco-kurdes en Anatolie sous souveraineté turque doivent connaître un processus de détente. Il faut surtout qu’Ankara cesse de craindre les revendications territoriales de tout éventuel Etat kurde indépendant.

 

Cependant, les plans concoctés à Washington laissent plutôt entrevoir que le Kurdistan irakien sera tôt ou tard placé sous la souveraineté turque. C’est un projet que l’on devine dans un écrit de Parag Khanna, conseiller d’Obama en matières de politique étrangère lors de sa première course à la Présidence: “La Turquie devrait avoir peu à craindre d’un Kurdistan indépendant car elle a toutes les cartes en main pour décider si, oui ou non, le Kurdistan sera une Bolivie du Machrek, c’est-à-dire un pays riche en matières premières mais géographiquement isolé parce qu’enclavé”. De ce fait, la Turquie peut amorcer une stratégie à long terme face au Kurdistan: en liant les Kurdes à elle, elle les amènera sous sa dépendance.

 

Bernhard TOMASCHITZ.

(Article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°13-14/2013, http://www.zurzeit.at/ ).

La nouvelle entente turco-kurde: un hasard?

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“M.”/” ’t Pallieterke”:

La nouvelle entente turco-kurde: un hasard?

 

C’est une combinatoire de faits nouveaux —tels la lassitude face à un conflit de très longue durée, les changements de donne géopolitique suite aux événements d’Irak et de Syrie— et des intérêts politico-économiques importants qui ont convaincu le premier ministre turc Erdogan qu’il était temps, enfin, de mettre un terme au conflit qui opposait l’Etat turc aux Kurdes depuis plus de trois décennies. Cette volonté de paix n’a rien à voir avec une sympathie subite à l’égard des Kurdes d’Anatolie orientale. Au contraire, cette démarche découle d’un calcul politique bien conçu.

 

Si, dans l’avenir, nous aurons une paix de plus ou moins longue durée entre Turcs et Kurdes, ce n’est certainement pas parce que le premier ministre turc Erdogan est tombé de son cheval, frappé par la foudre, comme le Saint-Paul des Epitres sur le chemin de Damas. L’idéal d’une paix définitive n’est pas tombé du ciel comme la manne du désert sur les Juifs errant dans le Sinaï. Plusieurs glissements d’ordre géopolitique et économique ont contribué à forger un nouveau contexte.

 

Première constatation: après trente ans de conflit, avec au moins mille morts par an, les deux camps se rendent enfin compte qu’une victoire rapide et glorieuse n’est plus envisageable: ni pour les militaires turcs ni pour les guerilleros du PKK. Le gouvernement d’Ankara voit qu’il ne parviendra pas à décapiter la résistance armée kurde; de même, les Kurdes se rendent bien compte désormais qu’un Etat indépendant kurde, viable et digne de ce nom, n’est pas une perspective réaliste. Ces constatations, posées par les uns et par les autres, permettent d’envisager le pragmatisme. Le discours modéré, prononcé récemment par le leader kurde Öçalan, qui croupit depuis 1999 dans une cellule turque, après que des agents turcs l’aient arrêté au Kenya, montre que ce chef de guerre a gardé toute son aura. Il ne prononce plus le mot “indépendance”. Il évoque au contraire l’idée d’une “autonomie locale”, de droits linguistiques et de l’arrêt des répressions turques. Ces revendications sont nettement moins fortes que la volonté préalable des révolutionnaires nationaux kurdes de créer un Etat indépendant kurde, promis à la fin de la première guerre mondiale. La pensée d’Öçalan a donc évolué. Mieux: pour Erdogan, c’est l’ébauche d’un compromis défendable devant le parlement turc.

 

Vraisemblablement les choses bougent depuis octobre 2012. Un va-et-vient diplomatique s’est mis en branle entre les résidences du premier ministre turc et l’île d’Imrali, où le chef kurde est détenu. On avait déjà l’impression que les Kurdes avaient décidé d’un cessez-le-feu unilatéral. En réalité, il y avait plus. Au cours des conversations, tenues à l’abri des regards, les deux parties ébauchaient les contours d’un compromis de grande ampleur. Pour amener les Turcs à céder, les Kurdes ont promis à Erdogan de soutenir ses projets de réforme, allant dans le sens d’un pouvoir présidentiel plus fort, qui serait alors taillé sur mesure pour la propre candidature future du premier ministre.

 

Le facteur syrien

 

Le rapprochement entre le gouvernement d’Erdogan et les Kurdes ne s’explique que par les événements qui affectent la Syrie. Syriens et Kurdes avaient partie liée. La guerre de résistance lancée par le PKK en 1984 a commencé en Syrie. Dès cet instant, le PKK est devenu un instrument aux mains du régime baathiste syrien face à la Turquie, souvent suite à de longues et pénibles négociations pour les eaux du Tigre et de l’Euphrate. Opérons un retour en arrière de trente années. Le régime syrien d’Assad voulait faire des Kurdes ses alliés. Cela s’est, semble-t-il, avéré un faux calcul, car les Kurdes aussi se sont opposés au régime syrien. Les Turcs ont suivi cette évolution avec inquiétude: en effet, pour eux, un scénario apocalyptique —et bien réel— risquait de se dérouler. Certes, c’est tenter de prédire l’avenir dans une boule de cristal que de spéculer sur ce qui adviendra en cas de désagrégation de l’Etat syrien mais, malgré tout, l’émergence d’une entité kurde indépendante sur le territoire de la Syrie actuelle est plausible, tout comme ce fut le cas en Irak. Nous sommes bien sûr fort éloignés d’un grand Etat kurde qui surplomberait toutes les frontières actuelles et engloberait tous les Kurdes ethniques (le plus grand peuple sans Etat!) mais l’apparition potentielle, sur la mosaïque proche-orientale, de deux entités étatiques ou semi-étatiques kurdes inquiète grandement Ankara. Un diplomate remarquait récemment: “Avec ce qui s’est passé en Irak et avec les événements de Syrie, la Turquie est dorénavant confrontée à la pression la plus forte sur ses frontières qui ait jamais existé depuis que Britanniques et Français ont démantelé l’ex-Empire ottoman”.

 

Le rapprochement turco-kurde entre bien dans le cadre de la politique intérieure turque. Erdogan poursuit deux objectifs: il veut éviter tout nouveau coup d’Etat militaire et il veut aussi éliminer les tendances anti-religieuses (dont anti-islamistes) qui avaient structuré l’Etat kémaliste turc, désireux de mettre un terme à toute influence de la religion dans les affaires politiques. Öçalan ne trouve rien à redire à ces deux axes majeurs de la politique erdoganienne. Le premier ministre turc veut aussi un pouvoir présidentiel plus fort. Pour revoir la constitution en ce sens, il faut une majorité des deux tiers. Un bref calcul nous apprend que pour réaliser ce triple projet politique, Erdogan a besoin du soutien de 20% de ses concitoyens kurdophones, que les kémalistes appelaient “Turcs des montagnes”.

 

Sur le plan économique, Erdogan flaire également une plus-value. On sait que la meilleure image de marque de son gouvernement a été de promouvoir un important boom économique. La Turquie peut toutefois faire mieux encore, surtout, justement, dans la partie kurdophone du pays. A cause du conflit de longue durée qui a affecté cette région, son poids économique n’a cessé de décliner. Ensuite, les relations économiques entre la Turquie et l’entité kurde du Nord de l’Irak sont bonnes et très prometteuses. Si une pacification définitive intervient dans cette région jusqu’ici en ébullition, Erdogan pourra tirer grand profit de la nouvelle donne et réaliser ses projets de démantèlement de l’Etat kémaliste.

 

“M.”/” ’t Pallieterke”.

Article paru dans “ ’t Pallieterke”, Anvers, le 10 avril 2013.

mercredi, 13 mars 2013

Kirkouk au cœur de la nouvelle crise irakienne

Kirkouk au cœur de la nouvelle crise irakienne

par Alan Kaval


Ex: http://mediabenews.wordpress.com/

kir.jpgLe 16 janvier 2013, une voiture piégée explosait à Kirkouk, causant la mort de 33 personnes. Cet attentat survenu dans un quartier très fréquenté où se trouve la majeure partie des bâtiments officiels, a marqué le retour de la violence dans cette ville multiethnique, disputée entre Bagdad et le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK). Près de deux semaines plus tard, le 3 février, 36 personnes périssaient à leur tour dans un nouvel attentat à la voiture piégée, combiné à une attaque de kamikazes à pieds contre les locaux de la police. Depuis, des missiles légers s’abattent toutes les semaines sur plusieurs quartiers résidentiels de Kirkouk tandis que des explosions, la découverte régulière de bombes dans des lieux publics et des fusillades sporadiques achèvent de plonger la ville dans une nouvelle période d’incertitude. Le dernier attentat en date, le 5 mars, a frappé à nouveau les forces de police, tuant cinq de leurs membres. Et pourtant, il y a quelques mois seulement, Kirkouk commençait à peine à se remettre d’une décennie de violence et ses habitants pouvaient espérer voir leur sort s’améliorer. Un climat sécuritaire relativement clément permettait alors un début de retour à la prospérité dans l’ancienne capitale pétrolière du nord de l’Irak, dont l’économie végète depuis 2003, tandis qu’à un peu plus d’une heure de route, Erbil, capitale de la Région kurde, grosse bourgade provinciale il y a dix ans, voit sortir de terre gratte-ciels, hôtels de luxe et centre commerciaux.

Ces espoirs de lendemains meilleurs étaient déjà condamnés à l’automne dernier avec l’aggravation du conflit larvé qui oppose Massoud Barzani, Président du GRK, au Premier ministre irakien Nouri al-Maliki. Depuis la fin de l’année 2011, Erbil et Bagdad s’affrontent sur la négociation, par l’entourage de Massoud Barzani, de contrats d’exploitation avec des compagnies pétrolière étrangères de première importance. En signant directement avec Exxon mobil, Chevron, Total ou Gazprom, sans passer par l’aval de l’Etat central irakien, les dirigeants kurdes ouvrent en effet la voie à la constitution d’un secteur énergétique indépendant. Déjà très largement autonome de jure et contrôlant de facto la grande majorité des zones de peuplement kurde, le GRK serait susceptible, grâce aux recettes engrangées, de fonctionner en totale indépendance vis-à-vis de Bagdad. Nouri al-Maliki, l’homme fort de la capitale irakienne, y est naturellement hostile. Ce conflit énergétique se double d’un conflit territorial, Bagdad et Erbil se disputant une large bande de territoire séparant les zones majoritairement arabes des régions kurdes. Prétendant pouvoir rétablir la souveraineté de l’Etat irakien sur l’ensemble de son territoire alors qu’elle ne s’y exerce que partiellement depuis les années 1990, le Premier ministre irakien a mis sur pied une force militaire, le Commandement des opération du Tigre ou Force Dijla, qui n’a pas tardé à être déployée vers le nord, et notamment dans la région de Kirkouk entre octobre et novembre 2012.

La réaction des autorités kurdes a été immédiate. Les peshmergas, qui dépendent uniquement du GRK et pas Bagdad, ont coupé la route aux Irakiens, leur interdisant l’accès à la ville et aux zones kurdes situées à proximité. Les deux forces militaires qui ont déployé des armes lourdes sur leurs positions respectives se font face depuis, dans les environs de Kirkouk, sans que les quelques accrochages enregistrés ne les aient pour l’instant entrainées dans l’engrenage d’une guerre civile. Cette situation de conflit a fait fuir les investisseurs. Des dizaines de compagnies étrangères avait déjà quitté la ville à l’automne et les conditions de vie de la population se détériorent progressivement. L’essence vient à manquer et les prix augmentent. Riche en pétrole, la province de Kirkouk est revendiquée par le mouvement kurde en Irak depuis les années 1970. La ville et sa province font partie des « territoires disputés » entre le GRK et Bagdad, dont le sort est suspendu à l’application de l’article 140 qui prévoit depuis 2005 l’organisation d’un recensement communautaire et d’un référendum censé déterminer le statut de la province. Or, si elle est systématiquement réclamée par les dirigeants du GRK, la mise en œuvre du texte de loi n’a jamais eu lieu, et depuis la chute du régime de Saddam Hussein, Kirkouk est dans les faits aux mains des Kurdes. L’Union patriotique du Kurdistan, la formation du Président irakien Jalal Talabani, actuellement hospitalisé en Allemagne, dont le foyer ne se trouve pas à Erbil mais dans le Kurdistan méridional, à Suleymanieh, y contrôle l’essentiel des leviers sécuritaires, politiques et économiques. S’il est rendu possible par la courte majorité démographique détenue par les kurdes, ce contrôle n’est cependant pas total, et à Kirkouk, qui comporte de très fortes minorités arabe et turkmène, tout dépend des rapports de force entre les communautés.

Chacune d’entre elles est structurée par ses propres institutions, guidées par des chefs rivaux qui aspirent à des desseins divergents et disposent de relais non seulement au sein des instances politiques représentatives mais également des administrations et des services de sécurité. S’ajoutent à cela de nombreuses milices partisanes et communautaires et un port d’arme généralisé au sein de la population, éparpillant encore la possession d’une force qui prime bien souvent sur le droit dans cette zone grise des confins kurdes et arabe. Concourant à ce chaos relatif, les responsables communautaires contractent des alliances avec des acteurs extérieurs, ce qui aboutit à une compénétration généralisée entre les rapports de force les plus locaux et les conflits qui se nouent à l’échelle de l’Irak, voire du Moyen-Orient. La Turquie est singulièrement impliquée sur la scène politique de Kirkouk, disposant de longue date de relais importants dans la communauté turkmène. Initialement, l’action d’Ankara à Kirkouk et son utilisation de certains partis turkmènes avaient pour objectif de contrebalancer l’influence et les ambitions des Kurdes. La donne a cependant changé. Non seulement, l’influence dont disposait la Turquie auprès des Turkmènes de Kirkouk était le fait de réseaux affiliés aux milieux kémalistes et militaires balayés ces dernières années par l’AKP au pouvoir, mais les rapports entre Ankara et les Kurdes d’Irak ont considérablement évolué.

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L’émergence d’une entité kurde autonome à ses portes a longtemps été perçue par la Turquie comme une menace directe pour sa sécurité intérieure, Ankara craignant qu’un Kurdistan institutionnalisé accroisse les revendications irrédentistes des 20 à 25 millions de Kurdes qui habitent derrières ses frontières. Depuis de la fin des années 2000 cependant, la Turquie commence à percevoir l’autonomie kurde en Irak comme une opportunité. Le Kurdistan irakien est un marché prometteur pour ses entreprises et il recèle surtout des richesses en gaz et de pétrole dont elle a besoin pour répondre aux besoins de sa croissance. Par ailleurs, la dégradation des relations entre Ankara et Bagdad, où dominent les groupes chiites alliés de l’Iran, a conduit la diplomatie turque à favoriser les ambitions des Kurdes en reconnaissant la légitimité de Massoud Barzani à qui elle réserve les égards dus à un chef d’Etat et à soutenir les Arabes sunnites avec qui elle entretient par ailleurs des liens anciens. Déjà dominante sur le plan économique et de plus en plus influente politiquement dans les régions kurdes, Ankara perçoit les territoires disputés, où se trouvent d’importants gisements d’hydrocarbures, comme le débouché naturel de son influence. En août 2012, la visite à Kirkouk du ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, avait déjà suscité la colère de Bagdad. Nouri al-Maliki avait alors accusé le chef de la diplomatie turque de ne pas avoir effectué sa demande de visa à l’ambassade irakienne à Ankara et d’être passé par la route, à travers la Région kurde, comme si celle-ci était indépendante et que Kirkouk en faisait partie.

Dans cette configuration nouvelle, les Turkmènes tendent à infléchir leur position vis-à-vis des Kurdes. Historiquement conflictuels, marqués par le souvenir des émeutes de 1959 au cours desquelles des milices kurdes s’étaient livrées à des massacres sur la population turkmène, les rapports entre les deux communautés pourraient s’améliorer sous le patronage de la Turquie. Les Turkmènes peuvent même profiter, à court terme, de la rivalité entre Massoud Barzani et Nouri al-Maliki pour accorder leur allégeance aux plus offrants. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la création, en février, par Nouri al-Maliki, de 3000 postes relevant du ministère de l’Intérieur irakien et réservés aux Turkmènes de Kirkuk. L’annonce de cette mesure a conduit certains responsables politiques de la communauté à réclamer en retour à Massoud Barzani la formation d’une milice turkmène liée aux Peshmergas. Les Turkmènes n’ont en effet pas intérêt à se rapprocher d’un Premier ministre irakien qui considère leur puissance protectrice, la Turquie, comme un ennemi potentiel. Aussi, des représentants de cette communauté commencent à évoquer l’éventualité d’une inclusion de Kirkouk dans le Kurdistan autonome et posent leurs conditions, tandis qu’Ankara demeure attentive à la situation qui prévaut dans la ville malgré les pressions de Bagdad. À la mi février, Ahmet Davutoglu disait qu’Ankara avait vocation à intervenir à chaque fois que Kirkouk était la cible d’un attentat, notamment sur le plan humanitaire, par le transfert et le traitement des blessés dans des hôpitaux turcs.

Les conflits entre Massoud Barzani et Nouri al-Maliki aboutissent de fait à une situation paradoxale. Les Kurdes, alliés traditionnels des chiites en Irak, conservent des liens suivis avec Moqtada al-Sadr mais se rapprochent progressivement de leurs ennemis héréditaires. Les convergences qui commencent à se faire jour entre Kurdes et Turkmènes n’en sont d’ailleurs pas la seule illustration. Malgré le souvenir du régime de Saddam Hussein, dominé par des clans sunnites, ainsi que les politiques d’arabisation de Kirkouk visant à éliminer sa composante kurde, Nouri al-Maliki a associé contre sa personne les Kurdes et les Arabes sunnites. Politiquement marginalisés après 2003, ces derniers protestent contre le pouvoir central depuis le début de l’année et sont soutenu dans leurs revendications par les dirigeants du GRK. Or, dans un contexte régional déterminé par la guerre civile syrienne, leurs manifestations laissent planer la menace d’affrontements confessionnels renouvelés, et c’est notamment le cas à Kirkouk. Si les manifestations menées par les Arabes sunnites de la ville ont été ciblées par des attaques ponctuelles, ce climat de tensions intercommunautaires aurait favorisé le retour dans la ville de l’Etat islamique d’Irak, branche d’Al-Qaïda dans le pays. Lié au groupe djihadiste montant en Syrie, Jabhat al-Nosra, l’Etat islamique d’Irak serait en effet responsable des multiples attaques survenues depuis le début de l’année.

Le climat d’instabilité favorise cependant toutes les provocations, toutes les attaques sous faux drapeau, car Kirkuk est en proie à une crise multiple, au niveau de complexité infini. Chaque conflit, chaque clivage en cache un autre. L’avidité, la quête de pouvoir des chefs locaux s’articulent aux ambitions des puissances régionales dans un climat délétère. Les rues de Kirkouk sont imprégnées par des haines tenaces, entretenues par des souvenirs de massacres et des récits identitaires affrontés, chacun revendiquant l’appartenance historique de la ville à sa communauté. Les trois principales composantes de la population ne sont pourtant pas séparées depuis longtemps par des limites claires, n’ayant cessé de s’interpénétrer à travers l’histoire. Dans l’état actuel de l’Irak et de la région, on voit mal cependant comment Kirkouk pourrait retrouver la paix. Dans les campagnes qui environnent la ville, les troupes kurdes et les combattants de la Force Dijla s’installent le long d’une ligne de front de plus en plus prégnante. Dans les faubourgs, on creuse un fossé censé arrêter les poseurs de bombes. Et pourtant, que ceux-ci soient affiliés ou non à al-Qaïda, leurs relais dans les services de sécurité leur permettent toujours de pénétrer dans la ville et d’y semer une terreur aveugle, susceptible de frapper à tout moment. Début mars, un engin explosif était ainsi retrouvé dans la cour de récréation d’un jardin d’enfant de la ville. Si une dégénérescence militaire de la situation s’apparenterait à un suicide collectif, aucune solution politique ne peut être envisagée. Prévue pour avril 2013 dans le reste de l’Irak en dehors du GRK, les élections locales ne se tiendront pas dans la province de Kirkuk. Tout concourt en fait à la persistance d’un paradoxal statu quo instable avec lequel les habitants ont appris à composer.

 

Alan Kaval

samedi, 10 novembre 2012

Histoire : le Kurdistan et les Kurdes

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Histoire : le Kurdistan et les Kurdes

Ex: http://mediabenews.wordpress.com/

1) Heurts et malheurs de l’Histoire kurde

Avant le 16ème siècle, le Kurdistan tel qu’il est connu et reconnu aujourd’hui, avec son découpage en quatre parties, était une des régions de l’Iran. Il fut abandonné par les rois safavides à l’empire Ottoman en 1514, lors de la bataille de Tchâldorân, avant d’être partagé entre l’Iran, la Syrie, la Turquie et l’Iran à la fin de la Première Guerre Mondiale. Malgré les hauts et les bas de leur histoire, les Kurdes continuent cependant à pratiquer une langue commune qui témoigne de leur unité culturelle. Jusqu’à présent, et malgré l’adversité, ces derniers sont parvenus à conserver leur union, leur solidarité, et leur identité transnationale. Durant l’Antiquité, les Kurdes habitaient les régions orientales de la Mésopotamie et l’Iran-vitch. Leur territoire n’a jamais cessé de changer d’appellation au cours de l’histoire. Il fut nommé Kura Gutium par les Sumériens, Kurdasu par les Elamites, Qardu par les Babyloniens et Carduchoi par les Grecs. Sous les Seldjoukides, à l’époque du Sultân Sandjar, le nom de Kurdistan fut définitivement choisi pour cette région.

Au 7ème siècle av. J.-C le Kurdistan irakien d’aujourd’hui constituait une partie de l’empire assyrien. Lorsqu’Assurbanipal, l’empereur assyrien, mourut en 633 av. J.-C, Cyaxare le roi mède s’allia aux Babyloniens contre les Assyriens. En 614 av. J.-C, Cyaxare traversa les chaînes montagneuses du Zagros et assiégea la capitale assyrienne, Assur, en 614 av. J.-C. Après s’être emparé des autres villes assyriennes (dont Ninive, en 613 av. J.-C. où s’était caché le dernier roi assyrien), Cyaxare accepta le pacte de paix babylonien et parvint de la sorte à asseoir fermement son royaume. Désormais, cette région occupée allait devenir partie intégrante de la Perse, sous les Achéménides, les Séleucides, les Arsacides et les Sassanides. D’après Xénophon [1], les habitants kurdes de Zagros furent recrutés par l’armée achéménide pour soutenir le conflit engagé contre Alexandre le macédonien. Strabon [2] et Eratosthène [3] ont également évoqué la troupe kurde de Xerxès III qui fut en lutte contre l’armée d’Alexandre.


Certaines sources comme Noldke (1897) considèrent que les tribus kurdes du sud et du centre de l’Iran, nommés les Martis, ont émigré à la suite des conquêtes sassanides vers le nord-ouest de l’actuel Iran, dans la région de Kurdu, et qu’ils ont assimilé la culture et les noms des habitants kurdes de cette région. Ce furent eux qui participèrent aux guerres, aux côtés des Sassanides et les Arsacides contre les Romains byzantins. Pendant cette période, les Romains appelaient les Kurdes iraniens Kardukh ou Kardikh en rappelant ainsi le nom de leur région. Sous les Sassanides, l’actuel Irak se nommait Assurestân ou Irânchahr (« la ville d’Iran »). Ce pays était partagé en douze provinces et la région kurde d’Irak formait la province de Châd-pirouz. Les villes kurdes les plus importantes de l’époque étaient Garmiân (l’actuelle Karkouk) et Achap (actuellement Emâdieh).

Avec les invasions arabes (dirigée par le calife Omar) entre les années 634 et 642, les régions kurdes de l’Iran, et notamment Arbil, Mosel et Nassibine, tombèrent aux mains des Arabes. Après la mort d’Omar, son successeur Osman envahit de nouveau les régions kurdes du nord. Mais les Iraniens, et bien entendu les Kurdes, s’insurgèrent à plusieurs reprises contre le gouvernement arabe pour libérer leur région et regagner leur autonomie. Mohammad-ibn-e Tabari [4] se souvient de l’une de ces rebellions : « …le même jour on entendit dire qu’à Mosel, les kurdes s’étaient révoltés. Mossayebn-e Zohaïr, le gouverneur de Koufa, proposa à Mansour, calife abbasside, d’y envoyer son ami Khaled pour réprimer les insurgés. Mansour accepta et Khaled devint le gouverneur de Mosel. » (Histoire de Tabari, 11ème tome, p. 4977) En 1910, lors des fouilles archéologiques dans la province de Souleymanieh, les archéologues ont trouvé une peau de bête sur laquelle on pouvait lire en langue kurde et en écriture pehlevi un poème constitué de quatre vers. Ce poème qui fut plus tard nommé « Hormozgân », rappelle l’invasion arabe et le triste souvenir des destructions commises à cette époque. Selon les archéologues, ce poème fut composé aux premiers jours de l’occupation arabe. La traduction qui suit est tout d’abord issue du pehlevi, avant d’être traduit du persan vers le français (par l’auteure de ces lignes) :

Les temples sont détruits et les feux sont éteints
Les grand mo’bed [5] se sont cachés
Le cruel arabe a ruiné
Les villages ouvriers, jusqu’à la ville de Sour
Ils ont capturé les femmes et les enfants pour l’esclavage
Les hommes braves s’éteignent dans leur sang
Le culte de Zarathoustra resta sans tuteur
Ahoura-Mazda n’a plus de pitié pour personne

Sous les Abbassides, le pouvoir du gouvernement central ne cessa de diminuer, offrant ainsi une bonne occasion aux gouvernements non-alignés de se révolter et de réclamer leur autonomie à l’est et à l’ouest de l’Iran. Les Tâhirides, les Samanides et les Saffârides s’emparèrent de l’est de l’Iran tandis que les Hassanouyehs, les Bani-Ayyârâns, les Buyides, les Hézâr-Aspiâns, les Mavânides et les Ayyubides occupèrent l’ouest du pays. Durant cette période, le terme « kurde » s’appliquait à une tribu iranienne sous l’emprise arabe.

Au 11ème siècle, avec l’arrivée au pouvoir des turcomans Seldjoukides, sous le règne du Sultân Sandjar en 1090, les Kurdes fondèrent pour la première fois de leur histoire, un Etat à proprement parler kurde, qui prit le nom de Kurdistan. Hamdollâh Mostowfi fut le premier, en 1319, à mentionner dans son livre Nezha-t ol-Gholoub le nom du Kurdistan et de ses seize régions : « …le Kurdistan et ses seize régions, Alâni, Alichtar, Bahâr, Khaftiân, Darband, Tâj-khâtoun, Darband-Rangi, Dezbil, Dinvar, Soltân-Abâd, Tchamtchamâl, Cahrouz, Kermânchâh, Hersin, Vastâm sont limités aux Etats arabes, au Khûzistân, à l’Irak et à l’Azerbaïdjan… ». Les atabegs turcomans gouvernèrent également le territoire kurde pendant une très longue période. Les descendants de Saboktakin prirent en main les affaires de la ville et de la région d’Arbil entre 1144 et 1232, et les Ourtukides régnèrent à Halab et à Mardine entre 1101 et 1312.

Pendant l’invasion mongole et suite à sa défaite, le roi Jalâl-eddin Khârezmchah, poursuivi par les mongols, s’enfuit vers les territoires kurdes. Ces derniers détruisirent toutes les provinces kurdes afin de débusquer le roi iranien. Ce qui ne l’empêcha pas de régner pendant un certain temps à l’ouest de l’Iran, mais aussi, d’être finalement assassiné en 1213. Houlâkou-khân le Mongol, après avoir conquis les régions centrales de l’Iran, prit le chemin de Hamedân et de Kermânchâh à destination de Baghdâd. Une fois de plus en 1259, en chemin pour conquérir l’Arménie, les Mongols assiégèrent les régions kurdes de l’Iran. Sous le règne des Ilkhanides (branche mongole constituée de convertis à l’Islam) les Kurdes s’emparèrent d’Arbil en 1297. Progressivement, après la mort du roi mongol Mohammad Khodâbandeh, le pouvoir des Kurdes s’intensifia, et ce, jusqu’à la chute des Mongols en 1349. Malgré leurs efforts, les Kurdes ne parvinrent pas à former un gouvernement autonome. A peine libérés de l’emprise mongole, ils se retrouvèrent sous la coupe des Turcomans Gharâ-ghoyunlous qui cédèrent leur place aux Agh-ghoyunlous. Avec l’arrivée de Tamerlan en Iran, les régions kurdes ne tardèrent pas à tomber, et cette fois, en obligeant les Kurdes à s’enfuirent à travers monts et vaux, simplement pour préserver leur vie.

Sous les Safavides, le roi Chah Ismaël propagea le chiisme partout en Iran. Les Kurdes, sunnites, devinrent méfiants envers le roi et adhérèrent à l’empire Ottoman, ennemi sunnite des Safavides. Après la défaite de Chah Ismaël face au Sultan Selim au cours de la bataille de Tchâldorân en 1514, vingt-cinq gouverneurs kurdes rallièrent l’empire Ottoman en ouvrant ainsi un nouveau chapitre de l’histoire des Kurdes. L’Iran perdit de ce fait, l’essentiel de ses régions kurdes. Désormais, le problème territorial rendait les Kurdes conscients de leur importance politique dans la région. Pendant de longues années, l’empire Ottoman gouverna la majorité des contrées kurdes (jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale et jusqu’à la chute des Ottomans en 1918, qui rendit l’autonomie et la liberté à la région de Kurdistan, aux territoires arabes, à l’Asie mineure et aux Balkans).

Quant à la région du Kurdistan, bien qu’un jour elle ait appartenue à l’Iran dans sa totalité, elle se retrouva partagée entre quatre pays, l’Iran, la Syrie, la Turquie et l’Irak mais, également, entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie.

Le Kurdistan n’est jamais parvenu à proclamer son autonomie, et jusqu’à présent, le peuple kurde reste aux prises avec les problèmes politiques. Aujourd’hui, le nombre des habitants kurdes dans les quatre pays est de vingt-cinq millions, dont sept millions sont de nationalité iranienne. En Iran, les régions où l’on communique en langue kurde comprennent les provinces de l’Azerbaïdjan de l’est, l’Ilâm, le Kurdistan, Kermânchâh et le Khorâssân du nord. Pourtant, d’autres provinces de l’Iran comprennent des populations kurdes qui ne constituent cependant qu’une minorité, à l’exemple des provinces du Guilân, des villes de Ghazvin et de Qom, de la région de Fars, du Mazandarân, de Hamedân et du Baloutchistan.

2) Géographie historique du Kurdistan

Les tribus kurdes sont parmi les tribus aryennes ayant émigré sur le plateau iranien il y a quelques millénaires. L’histoire pré islamique de ce peuple n’est pas connue avec précision. Le poète Ferdowsi les considérait comme les descendants des jeunes hommes ayant échappé au mythologique roi Zahâk, qui s’étant réfugiés dans la montagne, n’en étaient jamais redescendus. La langue persane moderne des premiers siècles de l’Hégire quant à elle, donne le sens pasteur et montagnard au mot « kurde ». On a retrouvé dans des documents sumériens, akkadiens, babéliens et assyriens, des noms de peuples qui rappellent les noms kurdes. Le plus proche d’entre ces noms de peuples, dont la situation géographique et la description justifient également l’origine kurde, est le nom des « Kordoukhoy », nom que l’on croise également dans l’ouvrage de Xénophon. Ce peuple vivait dans les montagnes situées entre l’Irak et l’Arménie, en particulier en un lieu aujourd’hui appelé « Zekhou », situé à soixante kilomètres au nord-ouest de Mossoul en Irak.

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Montagnes du Kurdistan situées en Irak

Polybius (200-120 av. J.-C.) parle également de peuples vivant dans le sud de l’actuel Azerbaïdjan, nommés les « Kourtivi » ou « Kortii ». Strabon et Tite-Live précisaient que certaines tribus appartenant à ce peuple vivaient également dans la province du Fars. Effectivement, depuis l’époque antique jusqu’à aujourd’hui, des nomades kurdes vivent dans les Fârs.

L’histoire kurde préislamique n’est pas connue avec précision mais après l’islam, les géographes et historiens musulmans qui ont compilé l’histoire du monde islamique n’ont pas manqué de citer les Kurdes. Cela dit, les Kurdes étant considéré comme un peuple parmi d’autres, les détails historiques ou une histoire uniquement focalisée sur ce peuple n’existent pas. Et c’est uniquement à l’époque safavide qu’un premier livre historique, de langue persane, le Sharaf nâmeh de Badlisi, se concentre uniquement sur le peuple kurde.

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Pont safavide, Sanandadj

Au moment de l’invasion arabe, c’est en l’an 637 ou 641 que les Arabes occupèrent les fortifications kurdes. En l’an 643, au moment de la conquête du Fârs, les Kurdes de cette province participèrent à la défense des villes de Fasâ et de Dârâbjerd. La conquête des villes de Zour et de Dârâbâd, villes kurdes de la région, se fit en l’an 642. Abou Moussa Ash’ari vainquit les Kurdes en l’an 645, et en l’an 658, les Kurdes de la région d’Ahwâz dans le sud participèrent à la révolte de Khariat Ibn Râshed contre l’Imâm Ali et après la mort de Khariat, nombre d’entre eux furent également tués.

En l’an 708, les Kurdes du Fârs se soulevèrent et cette révolte fut réprimée dans le sang par le cruel gouverneur Hojjâj Ibn Youssef. En l’an 765, les Kurdes de Mossoul se soulevèrent à leur tour et le calife abbasside Mansour envoya Khâled Barmaki les réprimer encore une fois durement. En l’an 838, l’un des chefs kurdes des alentours de Mossoul, Ja’far Ibn Fahrjis se révolta contre le calife abbasside Mu’tasim et le calife envoya son célèbre chef de guerre Aytâkh pour l’écraser. Aytâkh, après une violente guerre, tua Ja’far, ainsi que beaucoup de ses hommes et prit en esclavage de nombreux Kurdes, emportant avec lui les chefs tribaux et les femmes. L’un de capitaines turcs du calife, au nom de Vassif qui avait participé à cette guerre, se réserva à lui seul pour tribut 500 Kurdes. En l’an 894, sous la direction du chef Hamdan Ibn Hamdoun, les bédouins arabes passèrent une alliance avec les Kurdes des régions de Mossoul et Mardin et déclarèrent la guerre à Mu’tadid, le calife abbasside de l’époque, ce qui conduisit à la mort et à la défaite de nombre d’entre eux.

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Pont de Gheshlâgh, Sanandadj

En l’an 926, sous le califat d’Al-Muqtadir bi-llah et l’émirat de Nâsser-o-Dowleh Hamdâni, les Kurdes de Mossoul se révoltèrent de nouveau. Entre les années 938 et 956, un dénommé Deyssâm, membre des kharijites, de père arabe et de mère kurde, rassembla sous son égide les Kurdes de l’Azerbaïdjan et déclara la guerre aux Al-e Mosâfer et autres émirs locaux de la région. Sa révolte fut réprimée et il mourut en prison. Aux Xe, XIe et XIIe siècles, les Shaddâdian, dynastie kurde, régnèrent en tant que suzerains locaux sur la plupart des régions kurdes. Cette dynastie appartenait à la grande tribu kurde des Ravardi, également tribu d’origine des dynasties ayyoubides, fondée par Saladin, lui-même kurde, qui régnèrent en Syrie, dans le Croissant fertile et en Egypte.

En l’an 1004, Azed-o-Dowleh Deylami, fatigué des raids kurdes sur son territoire, déclara la guerre aux Kurdes de Mossoul et après les avoir vaincus, ordonna la destruction de leurs fortifications et l’exécution de la majorité des chefs kurdes. En l’an 983, dans la région de Ghom, Mohammad Ibn Ghânem se rallia aux Kurdes Barzakani et se révolta contre le roi Fakhr-o-Dowleh Deylami. Ce dernier envoya d’abord Badr Ibn Hosnouyeh en mission de paix, mais les négociations traînèrent en longueur et la révolte fut finalement réprimée. Mohammad Ibn Ghânem mourut donc en captivité. L’un des importants événements du règne de Sharaf-o-Dowleh Deylami (982-989) fut sa bataille contre Badr Ibn Hosnouyeh à Kermânshâh qui se termina par la victoire de Badr, qui prit alors le contrôle d’une grande partie de l’ouest iranien. Il fut tué en 1014 par la tribu kurde des Jowraghân. Shams-o-Dowleh, le fils de Sharaf-o-Dowleh profita de cette occasion pour annexer l’ensemble des territoires que son père avait perdu. Il y avait les régions Shâpourkhâst (actuelle ville de Khorramâbâd), Dinvar, Boroujerd, Nahâvand, Asad Abâd et une partie d’Ahwâz.

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Vue générale de la ville de Bâneh

Il semble que l’expression Kurdistan fut pour la première fois utilisée par les Seldjoukides pour distinguer les régions kurdes de la région du Jebâl qui comprenait l’Azerbaïdjan, le Lorestân, et une partie des montagnes du Zagros dont le centre était à l’époque la région de Bahâr, situé à dix huit kilomètres au nord-ouest de Hamedân, puis Tchamtchamâl, près de l’actuelle ville de Kermânshâh. Le Kurdistan n’échappa pas non plus aux massacres et aux ravages de l’invasion mongole. Cette région fut ravagée une autre fois à l’époque des Tatars et de Tamerlan.

Shâh Esmâïl, premier roi de la dynastie chiite safavide, n’essaya guère de se rapprocher des Kurdes, sunnites. Les Ottomans sunnites tentèrent ainsi de s’allier aux Kurdes. Sous le règne safavide, la majorité des territoires kurdes appartenaient à l’Iran.

Après les Safavides, avec la prise de pouvoir par les Zend, famille aux racines kurdes, pour la première fois les Kurdes devinrent les dirigeants de l’Iran. Vers la fin du règne des Zend, la tribu des Donbali, grande tribu kurde, régnait sur une bonne partie de l’Azerbaïdjan de l’Ouest. Leur capitale était la ville de Khoy. Au XIXe siècle, les Kurdes vivant sur le territoire ottoman exprimèrent plusieurs fois leur désir d’indépendance au travers la création des gouvernements locaux kurdes. En 1878, le Sheikh Obbeydollâh Naghshbandi eut l’idée de créer un Etat indépendant kurde sous l’égide de l’Empire ottoman. En 1880, ses partisans occupèrent les régions des alentours d’Oroumieh, Sâvojbolâgh, Marâgheh et Miândoâb et l’armée iranienne eut à les repousser hors des frontières. En 1946, Ghâzi Mohammad profita de l’occupation alliée en Iran et avec l’appui de l’armée soviétique, – qui occupait la moitié nord de l’Iran -, annonça la création de la République Populaire du Kurdistan, avec pour capitale Mahâbâd. Cette république éphémère tomba après le retrait des Forces Alliées.

 Afsâneh Pourmazâheri (1) Heurts et malheurs de l’Histoire kurde

et Arefeh Hedjazi 2) Géographie historique du Kurdistan

Bibliographie :
- MINORSKII Vladimir Fedorovich, trad. TABANI Habibollâh, le Kurde, Kord, ed. Gostareh, Téhéran, 2000
- MOHAMMADI, Ayat, Survol de l’histoire politique kurde, Seyri dar târikh-e siâsi kord, ed. Porsémân, Téhéran, 2007
- RINGGENBERG Patrick, Guide culturel de l’Iran, Iran, ed. Rozaneh, Téhéran, 2005

Notes

[1] Historien, essayiste et chef militaire grec (430-352 av. J.C.) il naquit dans une famille riche et reçut les enseignements d’Isocrate et de Socrate.

[2] Géographe grec (58- 25 av. J.-C.) ses mémoires historiques ne nous sont guère parvenues, mais sa géographie fut en grande partie conservée. Il y pose certaines questions relatives à l’origine des peuples, à leurs migrations, à la fondation des empires et aux relations de l’homme et de son milieu naturel.

[3] Astronome, mathématicien et géographe grec (276-196 av. J.-C) auteur de travaux en littérature, en philosophie, en grammaire et en chronologie, directeur de la bibliothèque d’Alexandrie, il est surtout connu par son « crible » une méthode pour trouver les nombres premiers et par l’invention d’un instrument de calcul, le « mésolabe ».

[4] Historien et théologien arabe (838-923) il passa l’essentiel de sa vie à Baghdâd et fut ensuite professeur de droit et de Hadith. Il écrivit une histoire universelle de la Création jusqu’à 915. Sa deuxième grande œuvre est son commentaire du Coran.

[5] Prêtre zoroastrien.

mercredi, 11 avril 2012

Syrie: la lutte entre le clan El-Assad et l’opposition réactive la question kurde

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Günther DESCHNER:
Syrie: la lutte entre le clan El-Assad et l’opposition réactive la question kurde

A cause d’une querelle à propos de comptes toujours ouverts, la région autonome du Kurdistan a arrêté ses exportations de pétrole vers Bagdad. En Turquie, le chef du gouvernement , Erdogan, et son parti, l’AKP, ont gelé tous les pourparlers précédemment engagés avec les Kurdes de Turquie. Et voilà que la lutte pour le pouvoir à Damas remet sous tension la question des Kurdes de Syrie. Le problème kurde, prêt à éclater mais en phase de latence depuis plusieurs décennies, réémerge sur la scène politique.

L’opposition syrienne parie sur l’identité arabe

Quand, il y a un an, les premières manifestations contre Bachar El-Assad et contre la domination du “Parti Arabe Socialiste Baath” s’organisaient, les Kurdes, première minorité ethnique non arabe de Syrie, avaient toutes les raisons de se joindre à ce soulèvement populaire. En effet, depuis la prise du pouvoir par le parti Baath panarabe en 1961, la Syrie se définit comme strictement “arabe”, et n’a plus laissé à l’identité kurde la moindre marge de manoeuvre. Dès le départ, le régime considérait les Kurdes du pays comme un danger potentiel. En 1962, 150.000 Kurdes furent privés de la nationalité syrienne. Un train de lois particulières interdit notamment d’utiliser officiellement la langue kurde.

Il est dés lors bien évident que les hommes politiques kurdes de Syrie aient toujours réagi avec scepticisme vis-à-vis de la révolution baathiste hier, tout comme ils réagissent avec autant de scepticisme aux troubles qui agitent actuellement la Syrie. Pourquoi? “Le régime baathiste a toujours tenté de présenter les Kurdes comme des séparatistes et des ennemis de l’intérieur. Si nous avions participé tout de suite aux manifestations d’il y a quelques mois, le régime d’El-Assad aurait pris ce t engagement comme prétexte pour prendre de nouvelles mesures d’oppression à notre égard”, explique l’homme politique kurde Abadul baki Youssef.

La méfiance des Kurdes vaut également pour l’opposition arabe-syrienne au régime d’El-Assad car ces insurgés anti-baathistes n’ont jamais évoqué le problème ethnique kurde dans leurs proclamations, alors même que les Kurdes représentent une masse de deux à trois millions de citoyens dans une Syrie qui compte 23 millions d’habitants. Jamais leurs droits n’ont été évoqués par les opposants syriens. Lorsque Burhan Ghaliun, le président du “Conseil National Syrien”, organe central des oppositions à El-Assad, a affirmé récemment que la Syrie n’avait qu’une “identité arabe”, les Kurdes n’ont pas tardé à réagir. Surtout quand Ghaliun a comparé leur position en Syrie à celles des immigrants en France. “Le Professeur Ghaliun devrait tout de même savoir que, jusqu’aux accords franco-britanniques de 1916, dits de ‘Sykes-Picot’, il n’existait pas encore de Syrie dans ses frontières actuelles”: tel fut le commentaire d’un journaliste kurde qui entendait rappeler que le tracé des frontières dans la région est purement arbitraire et résulte d’accords entre puissances coloniales; celles-ci ont partagé le territoire habité par les Kurdes entre la Turquie, la Syrie et l’Irak.

Pas d’atomes crochus avec les Frères musulmans

On sait que le “Conseil National Syrien” compte bon nombre de Frères musulmans parmi ses membres influents. Or les Kurdes, traditionnellement, ne s’entendent pas avec eux. Pourquoi? Parce que ces musulmans radicaux mettent l’accent sur la religion commune, qu’ils considèrent comme le seul fondement de l’identité, et ne veulent pas s’occuper de facteurs ethniques. Les Kurdes, en revanche, insistent pour que leur identité ethnique soit reconnue comme telle, ainsi que leurs droits culturels et leurs spécificités nationales. Pour eux, c’est tout cela qui constitue la priorité. Ces positions expliquent aussi pourquoi les Kurdes de Syrie, qui, pour la plupart sont des Sunnites modérés, n’ont jamais, du moins jusqu’ici, créé de parti kurde-islamique.

Pour que soient respectés les intérêts de l’ethnie kurde en Syrie, les Kurdes ont fondé, fin 2011, un “Kurdish National Council of Syria” (KNCS) à Kamishli (Qamishli), une ville du Nord-Est du pays, dans une région peuplée de Kurdes. Ce “Conseil” entend représenter la grande majorité de la population kurde. Près d’une douzaine d’organisations kurdes et de nombreuses personnalités indépendantes y sont représentées. Avec ce “Conseil”, les Kurdes veulent exprimer leur unité et imposer à toute future “nouvelle Syrie” de tenir compte de leurs intérêts.

En dépit de ses positions claires et de sa volonté de devenir la représentation légitime des Kurdes de Syrie, le KNCS s’est efforcé, dès le départ, de montrer et de prouver qu’il était ouvert à tout dialogue et prêt à entrer de plein pied dans une coalition: le “Conseil” a déjà pris langue avec la Ligue Arabe et déploie bon nombre d’efforts sur le plan international pour que soient reconnus les intérêts élémentaires des Kurdes de Syrie. A la mi-mars 2012, quelques porte-paroles du KNCS ont rencontré des représentants de la commission des affaires étrangères du Bundestag allemand à Berlin.

Le “Conseil” a choisi Kamishli/Qamishli comme site de sa fondation parce que cette ville est proche des régions kurdes de Turquie et d’Irak, ce qui lui confère une forte valeur symbolique. En effet, la question kurde demeure irrésolue, non seulement en Syrie, mais aussi ailleurs. Les 30 millions de Kurdes de la région possèdent un puissant sentiment d’appartenance commune, par-delà les frontières étatiques qui les séparent. L’exemple le plus récent: le KNCS, début février 2012, a tenu son premier colloque, avec 250 délégués de Syrie et trente-et-un d’autres pays à Erbil, capitale de la Région Autonome du Kurdistan irakien, sous le haut patronage du Président de cette Région, Massoud Barzani. “Nous allons pouvoir vous apporter notre soutien si vous agissez de manière unitaire” a déclaré Barzani dans son discours aux Kurdes de Syrie, “et si vous ne vous contentez pas de faire de la politique de partis, si vous vous engagez en Syrie pour le peuple kurde tout entier et si vous adoptez une politique de non violence. Les Kurdes sont séparés contre leur gré mais personne ne pourra jamais les empêcher de se considérer comme une unité dans leurs pensées et dans leurs sentiments”.

Günther DESCHNER.
(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°15/2012; http://www.jungefreiheit.de/ ).


vendredi, 22 octobre 2010

The Yezidis: The History of a Community, Culture and Religion

The Yezidis: The History of a Community, Culture and Religion
 

Birgul Acikyildiz (author)

Hardback, £49.50

Yezidism is a fascinating part of the rich cultural mosaic of the Middle East. Yezidis emerged for the first time in the 12th century in the Kurdish mountains of northern Iraq. Their religion, which has become notorious for its associations with 'devil worship', is in fact an intricate syncretic system of belief, incorporating elements from proto-Indo-European religions, early Persian faiths like Zoroastrianism and Manichaeism, Sufism and regional paganism like Mithraism. Birgul Acikyildiz offers a comprehensive appraisal of Yezidi religion, society and culture. Written without presupposing any prior knowledge about Yezidism, and in an accessible and readable style, her book examines Yezidis not only from a religious point of view but as a historical and social phenomenon. She throws light on the origins of Yezidism, and charts its historical development - from its beginnings to the present - as part of the general history of the Kurds.

The author describes the Yezidi belief system (which considers Melek Taus - the 'Peacock Angel' - to be ruler of the earth) and its religious practices and observances, analysing the most important facets of Yezidi religious art and architecture and their relationship to their neighbours throughout the Middle East. Richly illustrated, with accompanying maps, photographs and illustrations, the book will have strong appeal to all those with an interest in the culture of the Kurds, as well as the wider region.

 

List of Illustrations 
Acknowledgements 
Abbreviations 
Introduction 

Chapter I: Origins, History and Development 

  •  
    • Yezidis in Mesopotamia and Anatolia 
    • Yezidis in Syria 
    • Yezidis in Transcaucasia 

Chapter II: Religious Belief System 

1. God, Angels and the Trinity 

  •  
    • God (Xwedê)
    • Angels 
    • The Peacock Angel (Tawûsî Melek) 
    • Sultan Êzi 
    • Sheikh ‘Ad? 

2. Yezidi Mythology 

  •  
    • Creation of Cosmos and Universe 
    • Creation of Human Being 
    • The Flood 

3. Holy Books 

4. Religious Hierarchy 

Chapter III: Religious Practices, Observances and Rituals 

  •  
    • Haircut, Baptism, Circumcision, Brother of the Hereafter, Marriage, Death 
    • Prayer
    • Fast 
    • Pilgrimage 
    • Festivals and Ceremonies 
    • Taboos 

Chapter IV: Material Culture 

  •  
    • Homeland, Landscape, Sacred Places 
    • Places of Worship 
    • The Sanctuary 
    • Mausoleums 
    • Shrines 
    • The Baptistery 
    • Caves 
    • Tombstones 

Conclusion 
Appendixes 
Glossary 
Notes



Birgul Acikyildiz is a Research Fellow at the Khalili Research Centre for the Art and Material Culture of the Middle East, Faculty of Oriental Studies, University of Oxford.



This is a major, innovative study of one of the least known religious communities of the Middle East…[it will] probably long remain the definitive work on Yezidi material culture.
– Martin van Bruinessen, Professor of the Comparative Study of Contemporary Muslim Societies, Utrecht University

A fascinating narrative and photographic journey through Yezidi religion, society and material culture.
– Nelida Fuccaro, Lecturer in Modern History of the Arab Middle East, School of Oriental and African Studies, University of London

It is particularly gratifying to see the publication of a scholarly work that takes into account both the living tradition and the archaeological and architectural aspects of the Yezidi heritage...A book that makes a real contribution to Yezidi studies.
– Philip G Kreyenbroek, Professor of Iranian Studies, Georg-August University, Göttingen

An invaluable introduction to Yezidi architectural and spiritual history…An indispensable reference book.
– Sebastian Maisel, Assistant Professor for Arabic and Middle East Studies, Grand Valley State University, Allendale

A remarkable and original interdisciplinary work on Yezidi history, religion and material culture.
– Khalil Jindy Rashow, Consular at the Ministry of Iraqi Foreign Affairs, Baghdad

Imprint: I.B.Tauris
Publisher: I.B.Tauris & Co Ltd

Hardback
ISBN: 9781848852747
Publication Date: 30 Sep 2010
Number of Pages: 304

 

 

jeudi, 11 mars 2010

België voert Turkse agenda uit

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België voert Turkse agenda uit

Ex: http://yvespernet.wordpress.com/

Een paar dagen geleden viel de Belgische politie binnen bij Koerdische organisaties die al dan niet banden zouden hebben met de PKK, onder andere in mijn eigen geliefde Borgerhout. Tijdens 28 huiszoekingen werden 22 mensen opgepakt, waaronder 2 ex-parlementairen van een pro-Koerdische partij die momenteel verboden is in Turkije wegens het pro-Koerdische karakter van die partij. Ook de Koerdische zender ROJ TV, die al jaren perfect in orde is qua wetgeving e.d., zag hoe hun lokalen overhoop werden gehaald door de politie. Volgens Amed Dilce, directeur van ROJ TV, waren er zelfs Turkse agenten aanwezig bij deze huiszoekingen.

Het is duidelijk dat België hiermee een charmeoffensief voert naar Turkije. In de Turkse pers werden dan ook in de dagen na de huiszoekingen triomfantelijke berichten geplaatst over hoe “die vuile Koerden” eindelijk eens aangepakt werden door de Belgische politie. Dat België geen democratie is en geen bal geeft om vrijheid en vrije meningsuiting wordt hier nu nogmaals bewezen. Het is heus niet zo dat België hier de prachtige Turkse democratie verdedigt, laten we immers eens in herinnering brengen waar Turkije zoal voor staat:

De DTP, de grootste Koerdische partij van Turkije, is door de hoogste rechtbank van Turkije verboden. De partij wordt ervan beschuldigd banden te hebben hebben met de PKK, de separatistische gewapende groepering die opkomt voor de politieke rechten van Koerden in het land. [...] De Europese Unie, waar Turkije maar al te graag lid van zou worden, had eerder al laten weten dat een verbod van de DTP de rechten van de Koerdische minderheid zou schenden. Gevreesd wordt dat de uitspraak tot nieuwe spanningen tussen Turken en Koerden zal leiden.

Bron: http://www.gva.be/nieuws/buitenland/aid886329/turkse-rechtbank-verbiedt-grootste-koerdische-partij.aspx

En laten we ook niet vergeten:

Terwijl de Turkse regering haar programma van “democratische opening” verder zet en bepaalde rechten toekent aan etnische Koerden in Turkije, drijft ze de druk en de censuur op ten opzichte van pro-Koerdische kranten. Minder dan een maand nadat de overheid de krant Günlüksloot, ziet ook Demokratik Açilim zich vandaag gedwongen om de publicatie te stoppen.

Bron: http://www.gva.be/nieuws/buitenland/aid865699/turkse-censuur-tegen-pro-koerdische-kranten.aspx

Elke pro-Koerdische organisatie of partij zal in Turkije vroeger of later geconfronteerd worden met de beschuldiging dat zij banden heeft met de PKK. Het is een feit dat de PKK een gewapende organisatie is die aanslagen pleegt, maar welk alternatief hebben de Koerden nog? Elke keer als zij hun rechten op een parlementair-democratische manier willen verdedigen, dan worden ze in de cel gesmeten of gebombardeerd met rechtszaken. Dat daarna de Koerdische gemeenschap zich met geweld weert tegen de politie is dan ook 100% begrijpbaar. Het is dan ook de Belgische politie die de agenda uitvoert van Turkije en zo een wapen is in de handen van de volksonderdrukkers waar ook ter wereld.

De antifascistische dwazen zouden zich beter eens bezig houden met de rol van de Grijze Wolven en de Turkse politieke druk in de onderdrukking van de Koerdische diaspora. Daar zitten immers de echte fascisten en onderdrukkers. Maar dan zouden ze misschien wel ruzie kunnen krijgen met de allochtone Turkse gemeenschap en het zou niet lang duren of zij ook worden racisten.

Voor wie interesse heeft in de Koerdische strijd en wilt weten hoe de situatie daar momenteel is, kan ik de volgende lezing van de Vlaams-Socialistische Beweging aanraden: “Wanneer komt de Koerdische lente?“. Zelf zal ik helaas wel niet aanwezig zijn wegens andere verplichtingen.

Vlaanderen & Koerdistan: één strijd!

samedi, 26 décembre 2009

Réflexions sur l'interdiction du parti kurde DTP

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Andreas Mölzer :

Réflexions sur l’interdiction du parti kurde DTP

 

Une fois de plus, les provinces kurdes de l’Est de l’Anatolie sont entrées en ébullition. Le motif de cette agitation est l’interdiction du parti kurde DTP, qui était pourtant représenté au parlement d’Ankara. Ainsi en a décidé la Cour constitutionnelle turque. Le verdict des juges de cette Cour constitutionnelle nous montre, encore une fois, que la Turquie, pays d’Asie Mineure, est bien éloignée de l’Europe. D’abord, il faut rappeler que le parti kurde a été interdit uniquement parce qu’il était un parti qui défendait une minorité, opprimée depuis des siècles, et qu’une telle démarche est impensable en Europe. Ensuite, force est de constater que la lutte pour le pouvoir entre islamistes et kémalistes revient tout à l’avant-plan de la politique intérieure turque. La Cour constitutionnelle est, avec l’armée, le dernier bastion kémaliste : elle a donc tenté d’indiquer au gouvernement d’Erdogan quelles limites il ne pouvait pas franchir, en interdisant le DTP.

 

Tous ces événements récents sont symptomatiques de l’état actuel de la Turquie. On y fait de temps en temps un tout petit pas en avant, qui est bien vite suivi d’un grand pas en arrière. Dans un premier temps, le Premier Ministre Erdogan avait annoncé, en grande pompe, en faisant sonner trompettes et buccins, son plan en quinze points pour résoudre la question kurde et voilà que maintenant la plus grande minorité ethnique du pays se voit confisquer toute représentation politique ! D’abord, ce jeu du chat et de la souris au détriment des Kurdes est indigne, ensuite, cette interdiction du DTP démontre que la Turquie n’est pas un Etat européen.

 

Dans ce jeu, la « communauté des valeurs » qu’entend être l’Union Européenne, joue un bien triste rôle. Parce que des forces politiques importantes et dominantes veulent absolument faire adhérer la Turquie à l’UE, Euro-Bruxelles se dissimule lâchement derrière les belles paroles diplomatiques habituelles et exprime son « souci »… Le comportement inacceptable de la Turquie n’amène pas les responsables de l’UE à tirer les conclusions qui s’imposent : l’interdiction du DTP aurait dû conduire à une rupture immédiate de toutes les négociations en vue de l’adhésion turque. Mais pour oser cela, il manque à l’UE, qui rêve pourtant de devenir un « acteur global », une solide dose de courage.

 

Mais il n’y a pas que l’interdiction du DTP kurde : il y aurait encore beaucoup d’autres raisons pour mettre un terme rapidement à cette folie de vouloir élargir l’Europe en direction de l’Orient : ne mentionnons, à titre d’exemple, que les discriminations auxquelles les chrétiens de Turquie sont soumis, ou encore le refus d’Ankara de reconnaître Chypre, Etat membre de l’UE, ou, enfin, les nombreuses entorses à la liberté d’opinion que commet l’Etat turc.

 

Andres MÖLZER.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°51/2009)

mercredi, 23 décembre 2009

Erdogans neue Finte

erdogan_1203110466.jpgErdogans neue Finte

Der Premier will von den Mißständen in der Türkei ablenken

Von Andreas Mölzer

Ex: http://www.zurzeit.at

Vergangene Woche hat der türkische Ministerpräsident Erdogan seinen 15-Punkte-Plan zur Lösung der Kurdenfrage vorgestellt. Unter anderem soll es künftig erlaubt sein, daß in Schulen Kurdisch als Wahlfach angeboten wird, und Dörfer sollen ihre alten kurdischen Namen zurückbekommen – also Dinge, die eigentlich selbstverständlich sein sollten. Daher ist Erdogans Plan vor allem das Eingeständnis, daß die Türkei die Rechte ihrer größten ethnischen Minderheit bislang mit Füßen getreten hat.

Eigentlicher Adressat sind aber nicht die Kurden, sondern ist die Europäische Union. Denn mit seiner medial inszenierten Ankündigung beabsichtigt Erdogan, Brüssel von all den Mißständen abzulenken, welche in der Türkei den Alltag prägen. Die kleine christliche Minderheit etwa wird weiterhin diskriminiert, und es ist nicht davon auszugehen, daß der islamistische Premier medienwirksam einen Plan zur Verbesserung ihrer Lage vorstellen wird. Außerdem liegen im Bereich der Menschenrechte, vor allem bei der Meinungs- und Pressefreiheit, die Dinge nach wie vor im Argen, und Ankara weigert sich stur, das EU-Mitglied Zypern endlich anzuerkennen.

Insgeamt ist es mehr als fraglich, ob es tatsächlich zu einem Ende der Diskriminierung der kurdischen Minderheit durch Ankara kommen wird. Bekanntlich kann man ja vieles ankündigen, aber nur auf die Umsetzung kommt es an. Bestes Beispiel dafür ist die angebliche Annäherung der Türkei an Armenien, die vor wenigen Wochen die internationalen Schlagzeilen beherrscht hatte. Heute aber steht fest, daß die Aufnahme diplomatischer Beziehungen zwischen Ankara und Eriwan alles andere als sicher ist. Denn die Türkei versucht mit allen Mitteln, Armenien die Bedingungen zu diktieren, und im Parlament in Ankara regt sich heftiger Widerstand gegen den angekündigten Vertrag mit dem Nachbarland.

Ähnlich verhält es sich mit Erdogans Plan, von dem der Regierungschef nur allzu gut wußte, welche unüberwindbaren innenpolitischen Hürden warten. Denn einerseits laufen die türkischen Oppositionsparteien gegen eine Ausweitung der Rechte für die Kurden Sturm und andererseits befindet sich Erdogans Regierungspartei im Sinkflug. Meinungsumfragen bescheinigen ihr 32 Prozent, das sind um 15 Prozent weniger als beim Wahlsieg vor zwei Jahren. Und sollte sich diese Entwicklung fortsetzen und die Opposition weiter an Boden gutmachen, dann wird es Erdogan nicht schwerfallen, die Kurden zu opfern.

Andreas Mölzer ist fraktionsloser Abgeordneter des Europäischen Parlaments. Die hier zum Ausdruck gebrachte Meinung liegt in der alleinigen Verantwortung des Verfassers und gibt nicht unbedingt den offiziellen Standpunkt des Europäischen Parlaments wieder.

mercredi, 27 mai 2009

G. Deschner: Die Kurden - Volk ohne Staat

 

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Günther Deschner: Die Kurden. Volk ohne Staat

Ex: http://www.fes.de/


 
       
     
       
  München 2003
Herbig-Verlag, 349 S.
   
 

Nach Arabern, Türken und Persern sind die Kurden das viertgrößte Volk des Nahen Ostens. Ein 30 Millionen-Volk mit einer Jahrtausende alten Geschichte und Kultur, aber ohne eigenen Staat. Kurdistan findet sich auf keiner Landkarte. "Kurdistanim ka?" - "Wo ist mein Kurdistan?" singt der berühmte kurdische Barde Sivan Perwer und rüttelt damit die Kurden immer wieder auf zum Kampf für Freiheit und nationales Selbstbestimmungsrecht, den sie gleichwohl erfolglos führen, seit ihr Land nach dem ersten Weltkrieg zerstückelt und unter den Staaten Türkei, Iran, Syrien und Irak aufgeteilt wurde.

In "Die Kurden. Volk ohne Staat" analysiert der Publizist und Nah-Ost-Experte Günther Deschner Gründe und Zusammenhänge für die Unterdrückung eines Volkes, dessen Ziel es einzig ist, sein politisches, wirtschaftliches, kulturelles und soziales Leben nach eigenen Vorstellungen zu gestalten. Herausgekommen ist dabei eine ebenso fundierte wie spannend geschriebene politisch-historische Darstellung des Kurdenproblems - unter Einbeziehung aktueller Entwicklungen im Irak-Konflikt. Nicht zuletzt setzt die vorliegende Monographie Maßstäbe für spätere Arbeiten zum Thema Kurden/Kurdistan.

Deschner versteht sich expressis verbis als Anwalt der Kurden. Seit 1972 hat er Kurdistan mehrfach bereist, den Kampf der Kurden um Unabhängigkeit hautnah mitverfolgt und Gespräche geführt mit wichtigen Kurdenführern wie dem kurdischen Mythos Mustafa Barsani, dem Chef der Patriotischen Union Kurdistan (PUK) Dschalal Talabani sowie dem gescheiterten PKK-Führer Abdullah Öczalan. Stets wurden und werden, so seine nüchterne Bilanz, die Kurden als Bauern auf dem Schachbrett der regionalen wie auch internationalen Machtpolitik hin- und hergeschoben.

Detail- und faktenreich schildert der Autor anhand einer Fülle von Beispielen, wie Verträge, die den Kurden das Recht auf Unabhängigkeit versprachen, gebrochen wurden. Dabei spannt das Buch einen weiten Bogen von der ersten Aufteilung Kurdistans zwischen Osmanen und Persern 1639 bis hin zum "Dolchstoß aus Teheran und dem zweifachen Verrat durch Amerika" 1975 und 1991.

Vor allem die neuere Geschichte der Kurden ist reich an Aufständen und Befreiungskriegen, in denen die Kurden sich gegen Umsiedlung, Assimilierung und Vernichtung wehren und für ihre geschichtliche und politische Identität kämpfen. Deschner spricht hier von einem bis in unsere Zeit in wechselnder Intensität anhaltenden Völkermord, von der Welt kaum registriert und kritisiert. Erst die Aufhebung des Ausnahmezustands Ende 2002 bedeutete für das kurdische Südostanatolien das Ende eines 15-jährigen, blutigen Bürgerkriegs. Zwar hat das türkische Parlament auf Drängen der Europäischen Union eine Reihe von Reformen auch hinsichtlich der kulturellen Freiheiten der Kurden eingeleitet. Gleichwohl harren noch viele Gesetze ihrer administrativen Umsetzung.

Unterdessen rückt der Krieg im Irak den jahrzehnte währenden Kampf der Kurden um Freiheit und Unabhängigkeit in den Blickwinkel der internationalen Politik. Zwar leben die Kurden im Nordirak seit dem Golfkrieg 1991 faktisch unter einem Autonomiestatut, mit eigenem Parlament und internationalen Kontakten - fast ein eigener Staat, wie Deschner feststellt. Allerdings hängt dieser, wie sich jetzt zeigt, am seidenen Faden. Die Kurden erhoffen sich in einem neuen föderalen System eine Ausweitung ihrer Autonomiezone, nicht zuletzt als Belohnung für ihre Koalitionstreue im Kampf gegen Saddam Hussein. Es geht ihnen hierbei auch um ihr historisch angestammtes Recht auf die 3000 Jahre alte - auf Ölfeldern liegende - Stadt Kirkuk, dem "kurdischen Jerusalem", als künftige Hauptstadt Irakisch-Kurdistans. Doch auch diesmal, wie schon so oft in der Vergangenheit, fürchten die Kurden, verraten und im Stich gelassen zu werden.

Überhaupt spielt Kirkuk, von den Kurden als "das Herz Kurdistans" verehrt, eine zentrale Rolle für die weitere Entwicklung in Irakisch-Kurdistan. Kirkuk ist ein Schmelztiegel unterschiedlicher Volksgruppen. Neben den Kurden, die bereits jetzt wieder eine große Mehrheit bilden, leben hier vor allem die großen und kleinen Minderheiten der Turkmenen, der Araber und der christlichen Assyrer. Während die zentralen Positionen in der Stadt inzwischen von Kurden besetzt sind - so ist der Bürgermeister seit Juni 2003 wieder ein Kurde und die Stadtpolizei besteht zu 80 Prozent aus Kurden - nehmen die Spannungen zwischen den Volksgruppen zu, vor allem zwischen Kurden und Turkmenen. Die Turkmenen fühlen sich mittlerweile als Iraker und befürworten einen irakischen Zentralstaat. Ob und inwieweit die kurdische Wiederbesiedlung der Region unterdessen zu einer Beschneidung der Rechte von Minderheiten geführt hat, dieser Frage geht das Buch allerdings nicht nach.

Indes: Der erweiterte Autonomieanspruch der Kurden ist nicht nur den USA ein Dorn im Auge, die ob ihrer jüngst wieder bezeugten strategischen Allianz mit der Türkei für einen ungeteilten Irak eintreten, sondern weckt auch Ängste in Ankara und Damaskus. Und das zu Recht, so Deschner. Denn ein erfolgreicher Kurdenstaat im Irak würde zweifelsohne mobilisierend auf die Kurden der angrenzenden Regionen wirken. In diesem Zusammenhang verweist der Autor auf die engen Kontakte zwischen den verschiedenen Volksteilen, die bis zum Ersten Weltkrieg kaum reale Grenzen kannten. Die guten Verbindungen zwischen irakischen, türkischen und iranischen Kurden, spielen "eine das kurdische Bewusstsein stark beschleunigende Rolle". Aber auch die europäische "Diaspora" spielt eine besondere Rolle, wenn es um den schnellen Austausch von Nachrichten, Meinungen und Stimmungen via Presse, Rundfunk, Internet und bislang drei Satelliten-TV-Sender geht. Das aus der Türkei verdrängte kurdische Landproletariat finde dabei häufig erst in Deutschland, Belgien und Frankreich seine kurdische Kultur. "Die Kurden sind wohl vor der werdenden politischen zuerst eine Kulturnation", so Deschner.

Gleichwohl, so mahnt der Autor, bestehe jederzeit die Gefahr des Ausbruchs der alten "kurdischen Krankheit", der notorischen Uneinigkeit untereinander. "Die Kurdenstämme", so zitiert Deschner eine alte Chronik, "halten untereinander nicht zusammen; keiner will dem anderen gehorchen und untertan sein." Wenn es jetzt in Irakisch-Kurdistan zu Konflikten zwischen Kurden komme, so Deschner, dann gehe es dabei aber weniger um hehre politische Ziele, sondern vielmehr um Macht, Ansehen und Eitelkeit einzelner Parteifunktionäre, Stammesfürsten und Familienclans. Die beiden wichtigsten Kurdenführer des Irak indessen, Massud Barsani, der Vorsitzende der Kurdistan Democratic Party (KDP), und Dschalal Talabani, Chef der Patriotischen Union Kurdistans (PUK), sind zwar nicht "immer ein Herz und eine Seele", wie Deschner betont, doch eint sie bei aller Rivalität das zusammen ausgearbeitete Konzept zur Verteidigung der Autonomie. Sowohl die territoriale Aufteilung in PUK- und KDP-Regionen als auch die gemeinsam von beiden Parteiführern gesteuerte kurdische Regionalregierung und das Parlament in Erbil, tragen nach Deschner ebenso zum derzeit herrschenden Burgfrieden bei.

Ausführlich diskutiert der Autor die grundsätzlich unter den Kurden umstrittene Frage, inwieweit ein föderales, national begrenztes Autonomiekonzept den Menschen zwar etwas mehr Freiheit bringt, letztlich jedoch die Spaltung des kurdischen Volkes zementiert und den Traum eines kurdischen Einheitsstaates in weite Ferne rückt. Für Deschner freilich geht dieser alte, neue Traum an der politischen Realität der dem Nahen Osten immanenten nationalen, religiösen und wirtschaftlichen Spannungen völlig vorbei. Vielmehr appelliert er an die Führer und Politiker der irakischen Kurden, auf dem "gewachsenen kurdischen Potential" aufzubauen, um so zwischen Träumen und Realpolitik, zwischen Geschichte und Hoffnung, die kurdische Realität zu gestalten: Eine Realität von Freiheit und Unabhängigkeit zunächst im Irak, wegbereitend für die Kurden in der Türkei, im Iran und in Syrien.

Günther Frieß
Riegelsberg

         
       

lundi, 27 octobre 2008

Les Etats-Unis, puissance du chaos

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ARCHIVES DE "SYNERGIES EUROPEENNES" - 1993

LES ETATS-UNIS, PUISSANCE DU CHAOS

 

Les analystes ont abondamment commenté le nouvel épisode de la vendetta menée par la Présidence des Etats-Unis à l'encontre de Saddam Hussein. Les troupes irakiennes ont en effet appuyé l'offensive du PDK (Parti Démocratique du Kurdistan) de Massoud Barzani sur Erbil, jusqu'alors aux mains de l'UPK (Union Patriotique du Kurdistan) de Jalal Talabani. Bagdad entendait ainsi, via son allié kurde, assurer la sécurité de l'oléoduc débouchant en Turquie —l'hypothétique mise en oeuvre de la résolution 986 de l'ONU, dite "pétrole contre nourriture", permettrait à l'Irak de redevenir un exportateur d'hydrocarbures— , et réaffirmer sa souveraineté sur la partie irakienne du Kurdistan.

 

Cet épisode est une des conséquences de la guerre du Golfe (1990-1991). L'opération “Tempête du Désert” conduite par les Etats-Unis ayant pris fin une fois l'Irak ramené à 40% de ses capacités, Bagdad s'était alors retourné contre les minorités chiites du Sud et kurdes du Nord, dont les tendances centrifuges avaient été soigneusement attisées par Washington. Aussi les zones de peuplement kurde et chiite, au nord du 36° parallèle et au sud du 32° parallèle avaient-elles été interdites à l'aviation irakienne, une force américano-franco-britannique assurant l'effectivit de cette mesure (résolution de l'ONU d'avril 1991 et août 1992). C'est pour faire respecter ces résolutions, qui ne concernent pas les actions militaires terrestres, que les Etats-Unis ont unilatéralement riposté à l'offensive sur Erbil, au nord du 36° parallèle: vingt-sept missiles de croisière le 3 septembre, dix-sept autres le lendemain, ont frappé le Sud de l'Irak. Ce qui n'a en rien modifié l'équation militaire au Kurdistan, le PDK mettant à profit son alliance avec le pouvoir central pour refouler l'UPK. Son dernier bastion, la ville de Souleimaniyé, est tombé le 9 septembre et Jalal Talabani s'est réfugié en Iran. Saddam Hussein peut maintenant rafler la mise.

 

Restent à interpréter ces évènements. A juste titre, les analystes ont stigmatisé l'incohérence et les contradictions de la politique des Etats-Unis dans la région. D'une part, le Département d'Etat affirme que les EtatsUnis ne souhaitent pas le démembrement de l'Irak au profit d'un Etat kurde indépendant. D'autre part, la création d'une enclave kurde autonome par la diplomatie américaine revenait bel et bien à créer un embryon d'Etat doté d'un parlement élu en 1992, d'une administration, de services publics et d'une milice (1). Ce Kurdistan autonome assurait à l'opposition irakienne, regroupée tant bien que mal par les Etats-Unis au sein du Conseil national irakien, une base géographique pour la conquête du pouvoir central. Aujourd'hui, cette illusion a vécu c'est en vain que l'administration Clinton et la CIA auront investi 130 millions de dollars -, et les derniers rebondissements d'une longue lutte entre le PDK et l'UPK ont démontré l'inexistence d'une conscience nationale kurde. Indubitablement, l'opération est un fiasco.

 

Mais il faut aller plus loin. Contrairement à ce qu'affirme Robert Dole, le candidat républicain à la Maison Blanche, ce fiasco ne saurait s'expliquer par les seuls cafouillages de l'administration Clinton. De même, la prise en considération par Washington des intérêts de l'allié turc  —on sait Ankara profondément hostile à l'autonomisme kurde—  ne suffit à expliquer 1'attentisme de Clinton. Si les Etats-Unis n'ont pas véritablement voulu s'investir dans la création d'un Etat kurde pleinement souverain, c'est en raison de la nature même de leur puissance.

 

Le stratégiste François Géré l'a bien vu, les Etats-Unis sont la “Puissance du Flux”: flux de populations migrantes, flux de marchandises et de capitaux, flux d'informations, d'images et de sons (2). Les Américains perçoivent leur territoire non pas comme un espace d'enracinement, mais comme une surface de déplacement, et leur position dans la hiérarchie internationale du pouvoir repose sur la manipulation de flux de toute nature. Dès lors ont-ils pour objectif de faire respecter leur libre-circulation à la surface de la Terre. Gare à l'Etat souverain qui, à l'instar de l'Irak, entendrait définir une zone d'influence et fixer des règles pour tenter de gouverner ces flux. Au moyen d'un navalisme futuriste combinant Sea Power, Air Power et Space Power, ils arasent l'obstacle! Précisons les choses. Ils ne "débarquent" pas pour fonder un nouvel ordre politique régional, mais alternent frappes rapides et retour aux bases ("Hit and run").

 

Les Etats-Unis refusent donc les responsabilités globales qui sont celles d'un empire  —faire prévaloir la Civilisation sur le Chaos—  pour se contenter de garantir par un interventionnisme musclé le “bon” fonctionnement des mécanismes du marché. En d'autres termes, les Etats-Unis ne sont plus une puissance hégémonique; faute d'assurer sécurité et prospérité à leurs alliés, leur domination a cessé d'être légitime. Depuis le naufrage du monde communiste, l'Amérique est devenue un système exclusivement prédateur à la recherche d'avantages unilatéraux, et le contrat quasi-féodal qui liait les nations du monde dit libre à leur suzerain, obéissance contre protection, est aujourd'hui caduc, Washington ne daignant plus remplir ses obligations impèriales. Les Kurdes en font aujourd'hui la triste expérience.

 

Mieux. Loin de nous préserver du chaos, ce système prédateur le généralise. Son libre-échangisme tous azimuts implique le démantèlement des souverainetés à même de territorialiser les flux multiples et désordonnés qui agitent le monde. Faute d'“obstacles” pour cloisonner l'espace mondial, ces flux sont à tout moment susceptibles de se muer en ouragans planétaires, et de disloquer les communautés humaines les plus enracinées. Les sautes d'humeur du méga-marché financier mondial en témoignent.

 

L'échec du Kurdistan autonome est donc plein d'enseignements. Au delà des erreurs politiques commises par l'Administration Clinton et des calculs à courte vue, il doit être clair que les Etats-Unis ne font jamais que ce qu'ils sont. Par là-même, la Puissance du Flux est aussi la Puissance du Chaos. Et le Nouvel Ordre Mondial américano-centré prophétisé par Georges Bush en 1990 est une fiction. Faute d'“hegemon” couplant sens et puissance, capable d'inscrire un nouveau Telos (une finalité) à l'horizon, le Monde n'est pas unipolaire mais a-polaire.

 

Louis SOREL.

 

(1) De manière à assurer la parité entre l'UPK et le PDK, les élections de1992 ont été truquées. De facto, cet accord a débouché sur le partage géographique du Kurdistan irakien, l'UPK contrôlant les villes et le PDK la frontière avec la Turquie.

(2) Cf. Dr. François Géré (Dr), Les lauriers incertains. Stratégie et politique militaire des Etats-Unis 1980/2000, Fondation des études de défense nationale, 1991.