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samedi, 06 août 2022

Observations anti-impérialistes sur le « Pays du matin calme » septentrional

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Observations anti-impérialistes sur le « Pays du matin calme » septentrional

par Georges FELTIN-TRACOL

La civilisation coréenne a le vent en poupe en Occident. Dans l’hebdomadaire féministe gratuit Version femina (du 25 au 31 juillet 2022), Brigitte Valotto explique pourquoi « Des mangas à la K-Pop, la Corée du Sud fait un carton ». La série de Netflix, Squid Game, connaît un succès planétaire. De nombreux adolescents pratiquent le taekwondo, l’art martial local. Ils écoutent des groupes (autant féminins que masculins) de la K-Pop (les variétés musicales venues de Séoul). Malgré sa difficulté, l’apprentissage du coréen est à la mode. Bien des étudiants européens souhaitent s’inscrire dans les universités de la République de Corée.

Cet engouement ne devrait pas leur valoir l’attention toute particulière des services de renseignement à la différence de Benoît Quennedey. Haut-fonctionnaire au Sénat, administrateur de la direction de l’architecture, du patrimoine et des jardins de la Chambre haute du Parlement français, responsable de la division administrative et financière, Benoît Quennedey vient d’obtenir un non-lieu judiciaire après quatre années éprouvantes au cours desquelles la DGSI l’a suspecté d’espionnage et de « trahison » en faveur de la Corée du Nord ! Pendant ce temps, de vrais traîtres  continuent à œuvrer au cœur de l’Hexagone pour la Subversion liquide. La victime n’appartient pourtant pas à La France insoumise. Secrétaire national du Parti radical de gauche avant d’en être exclu dès sa mise en examen en 2018, président de l’Association d’amitié franco-coréenne et auteur en 2017 de La Corée du Nord, cette inconnue. Un essai de décryptage de la République populaire démocratique de Corée (Delga), Benoît Quennedey a effectué huit voyages à Pyongyang. Cette régularité ne pouvait qu’inquiéter les chiens de garde d’un monde occidental – atlantiste dégénéré.

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L’actualité nord-coréenne

La Corée du Sud mime, voire singe, l’Occident au point que sa langue recèle de plus en plus d’américanismes. D’un point de vue plus spirituel, le christianisme dans ses différentes variantes protestantes concerne presque un tiers de la population dont plus de 40 % est athée. Cependant, déplore dans l’article de Brigitte Valotto, une certaine Rihana, fan trentenaire de la pop culture sud-coréenne, « les Sud-Coréens sont très fermés aux questions LGTB et au féminisme, ils ont beaucoup de problèmes de société!». Comme quoi, la perfection n’est point de ce monde…

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C’est dans ce contexte de « sud-coréophilie » avérée qu’il importe de mentionner Comment peut-on être Coréen (du Nord) ? de Robert Charvin. Soutien de la Russie depuis l’intervention militaire en Ukraine, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a reconnu, le 13 juillet 2022, les républiques populaires de Lougansk et de Donetsk dans le Donbass, d’où la rupture immédiate des relations diplomatiques de Kyiv avec Pyongyang. Robert Charvin expose un point de vue original qui tranche avec les clichés habituels sur l’« État-ermite ».

Professeur de droit international et en droit des relations internationales, figure altermondialiste et ancien conseiller général du Parti communiste français (PCF) dans les Alpes-Maritimes, Robert Charvin avait publié la première mouture de ce livre en 2006 aux éditions du Losange installées à Marseille. Une version revue et mise à jour est parue aux Éditions Delga qui s’occupent des écrits du philosophe et sociologue marxiste Michel Clouscard (1928 – 2009). L’orientation politique de cette maison d’édition se place clairement à la gauche de Karl Marx sans pour autant verser dans l’ultra-gauche puisqu’elles ont répliqué À nos amis (2014) du Comité invisible par une virulente critique sous forme de pastiche, Je sens que ça vient, signé « Comité translucide »...

Comment peut-on être Coréen (du Nord) ? est moins profond et plus « impressionniste » que Corée du Nord. Un État-guérilla en mutation de Philippe Pons (Gallimard, 2016) ou La Corée du Nord en 100 questions (Tallandier, 2016) ou Le monde selon Kim Jung Un (Robert Laffont, 2018) de Juliette Morillot et de Dorian Malovic. L’essai du professeur Charvin, vice-président de l'Association d'amitié franco-coréenne, s’ouvre sur une longue préface de Jean Salem, signataire chez Delga de La démocratie de caserne. Après les attentats, Hollande s’en va-t-en guerre (2016) ou de Rideau de fer sur le Boul’Mich. Formatage et désinformation dans le « monde libre » (2009). Professeur de philosophie à l’université Paris Panthéon – Sorbonne, cet adhérent au PCF est le fils d’Henri Alleg. Il ne cache pas un virulent anti-impérialisme. Ainsi prévient-il qu’« en Europe et aux États-Unis prévaut, sur cette région du monde, et sur la Corée, particulièrement, une méconnaissance quasi unanime. Pour ne pas dire une crasse ignorance ».

Robert Charvin entend pour sa part « briser le consensus insupportable des anti-Corée du Nord, convaincus malgré leur ignorance du bien-fondé de leur militance négative, [qui] est œuvre de salubrité intellectuelle ».

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Vérité sur la Corée du Nord

Robert Charvin note plus loin qu’« il y a tant de méconnaissance de la Corée et d’agressivité contre la partie Nord que la tentation est grande d’y répondre par un discours apologétique visant à convaincre que la RPDC a résolu tous ses problèmes ! Mais l’État nord-coréen, comme tout État, et la société nord-coréenne, comme toute société, connaissent des contradictions, des difficultés et des crises : ils ne constituent pas la fin de l’histoire de la Corée millénaire. Mais la Corée du Nord n’est pas cette caricature qu’en donne un Occident malade de lui-même et dont la logique absurde menace la planète entière ».

L’auteur retrace à grands traits l’histoire tourmentée, voire « maltraitée » d’un peuple et d’une nation toujours divisées en dépit d’une présence très ancienne dans la péninsule. En outre, « la proximité des grandes puissances armées et souvent ennemies fait logiquement de l’indépendance une valeur fondamentale ». Ces circonstances historiques expliquent l’audacieux programme nucléaire de Pyongyang qui « a pour objectif de survivre, ce qui ne peut lui être contesté, en vertu de la Charte des Nations unies elle-même, et ce qui implique des moyens énergétiques et des garanties de non agression ». À l’aune des précédentes déstabilisations de la Serbie, de la Libye, de la Syrie et même de l’Ukraine, la possession d’ogives nucléaires sanctuarise le territoire national comme l’avaient estimé les penseurs français de la dissuasion.

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La lente et minutieuse formation d’une force atomique est un acquis incontestable du « socialisme à la coréenne » et de sa clé de voûte fondamentale, le « Djoutché ». Basée sur la dialectique, cette théorie originale pour l’ancien « bloc de l’Est » « fait la critique de “ l’économicisme “ omniprésent dans le marxisme dogmatique comme dans le libéralisme, évoluant en une véritable “ superstition “ fétichisant le progrès technique, la croissance, etc. ». Robert Charvin voit dans le Djoutché « une idéologie tonique et motrice » dont « l’un des facteurs décisifs du développement est le “ Djadjounseung “, c’est-à-dire l’esprit de créativité, basé sur la connaissance, qui renouvelle l’angle d’approche de l’économie et de l’histoire : les mouvements historiques ne sont pas le fruit des contradictions sociales résultant des rapports de production, mais des réactions de l’homme créateur à ces contradictions sociales. Le monde matériel n’est pas nié, mais la connaissance des lois de son évolution permet à l’homme de se transformer lui-même en transformant la réalité. Il est donc possible non seulement de transformer le monde mais de le transformer vite et globalement, sans priorité ni étape ». Il s’agit ici d’une formulation philosophique proche de la sensibilité prométhéenne. Ne peut-on pas y incriminer une très lointaine et très ancienne influence indo-européenne ? Pour Robert Charvin, grâce au Djoutché,                                « “ l’homme est le ciel “, c’est-à-dire que l’homme est le maître de tout ».

Un État souverain national-populaire ?

La Corée du Nord présente le rare exemple de confondre en termes ethniques et géographiques les notions d’État, de peuple, de patrie et de nation. Cette homogénéité réelle ne peut qu’agacer les tenants d’un Occident-monde multiculturalisé, c’est-à-dire uniformément marchandisé. Robert Charvin insiste sur « le caractère “ total “ de la révolution coréenne ». Le Djoutché implique la mobilisation complète de toute la population dans tous les domaines et secteurs tant publics que privés. Cet engagement permanent tous azimuts contribue au renforcement de la pleine souveraineté de la RPDC qui bénéficie par ailleurs de l’aide ponctuelle de la Chine, de la Russie et de l’Iran.

L’auteur conclut par un plaidoyer qui prend assez paradoxalement de la part d’un communiste une résonance ethno-différencialiste certaine. « C’est à partir des choix réels faits par les peuples en fonction de leur héritage national, de leurs valeurs spécifiques, que pourront se constituer simultanément des démocraties ajustées à leur réalité et un développement conforme à leurs besoins. » Se détournant de la déplorable démocratie libérale individualiste, l’État coréen du Nord pourrait-il dans les prochaines décennies passer de la démocratie populaire en cours à une démocratie organique à imaginer ? Robert Charvin ne répond pas. Il aurait toutefois pu préciser que le Parti du travail de Corée participe avec deux autres mouvements politiques autorisés à la grande organisation sociale et politico-civique que demeure le Front démocratique pour la réunification de la patrie. La première formation se nomme le Parti social-démocrate de Corée. La seconde allie politique, religion et patriotisme exacerbé. Le Parti Chondogyo Chong U (ci-dessous, drapeau) regroupe en effet les paysans qui pratiquent encore le culte animiste – chamaniste du Chondo fondé au début du XXe siècle dans une perspective ouvertement nationaliste et agrarienne (völkisch dirait-on sous d’autres latitudes).  

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Avec Comment peut-on être Coréen (du Nord) ?, Robert Charvin signe donc un livre détonant qui va à l’encontre des poncifs convenus. Souhaitons que l’auteur ne devienne pas la cible tout désignée de quelques officines de barbouzes aux ordres des ploutocraties de la City, de Wall Street et du Berlaymont… 

Georges Feltin-Tracol

  • Robert Charvin, Comment peut-on être Coréen (du Nord) ?, préface de Jean Salem, Éditions Delga, coll. « Histoire », 2017, 137 p., 16 €.

lundi, 06 janvier 2020

Sur la Corée du Nord

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Sur la Corée du Nord

par Georges FELTIN-TRACOL

Quand paraît en février 2018 cet ouvrage, les auteurs, spécialistes réputés de la péninsule coréenne, de la Chine et des questions nucléaires, ne cachaient pas leurs inquiétudes à propos d’une éventuelle confrontation armée entre la Corée du Nord et les États-Unis. Ils ne pouvaient pas imaginer que cinq mois plus tard, Donald Trump rencontrerait Kim Jong Un à Singapour. Encouragée par la médiation du président sud-coréen Moon Jae-in, cette réunion exceptionnelle fit tomber la tension. Loin d’être fou ou d’agir d’une façon irrationnelle comme l’affirment à la longueur de journée des médiats stipendiés par les bellicistes yankees, le jeune dirigeant nord-coréen se révèle être un fin politique qui applique autant les conseils de Sun Tzu que les enseignements de Machiavel.

CN-livre.jpgCertes, depuis une seconde rencontre à Hanoï en février 2019 qui fut un échec et une brève entrevue sur la ligne de démarcation de Panmunjom en juin dernier qui fit néanmoins de Donald Trump le premier président des États-Unis à fouler un instant le sol de la République populaire et démocratique de Corée (RPDC), les tensions reprennent entre Washington et Pyongyang en raison de la suffisance des États-Unis incapables de conclure le moindre compromis.

Le traumatisme de la Guerre de Corée

Le monde selon Kim Jong-un est un ouvrage passionnant, fruit du travail des auteurs sur le terrain : Juliette Morillot parle le coréen, se rend régulièrement en Corée du Nord, munie d’un visa officiel de chercheur. En effet, « jouer la carte de la transparence avec Pyongyang est un préalable indispensable afin de comprendre la logique et la démarche du régime. Et non [le] défendre. Il ne sert à rien de jouer au plus malin avec les Nord-Coréens. Ils demandent avant tout du respect et de la reconnaissance (p. 15) ». Cette approche psychologique est capitale pour bien cerner les ressorts intimes d’un peuple qui se souvient, génération après génération, du rôle néfaste des puissances occidentales dans la division inacceptable de la péninsule, de la violente colonisation japonaise et des ravages de la Guerre de Corée (1950 – 1953). Fidèles à leur crapulerie congénitale et à leur couardise légendaire, les Yankees ont bombardé en masse au phosphore et au napalm tous les centres urbains coréens du Nord sans oublier les nombreux crimes de guerre et contre l’humanité perpétrés par les soudards de l’Oncle Sam.

L’accumulation de ces traumatismes successifs explique l’ardeur farouche des Coréens du Nord à conserver leur juche, la politique d’indépendance nationale et d’autosuffisance économique. Certes, « les contraintes géographiques et climatiques limitent naturellement le développement agricole, à moins de lancer un grand programme de mécanisation (p. 49) ». Les auteurs soulignent cependant la nette mutation économique de Pyongyang qui s’apparente maintenant aux villes du littoral chinois avec cette soif de consommation exprimée par « cette nouvelle classe embryonnaire mais puissante des donju (littéralement “ maîtres de l’argent ”, qui à l’origine changeaient des devises et prêtaient de l’argent), composée d’hommes et de femmes d’affaires, d’entrepreneurs, de commerçants (p. 24) ». Ils remarquent en outre la multiplication de « lampadaires à énergie solaire (p. 29) » ainsi que de nombreux panneaux photovoltaïques dans les entreprises et chez les particuliers.

Un État résilient

Que l’Occident l’accepte ou pas, la RPDC est dorénavant une indéniable puissance nucléaire. On oublie que c’est par ailleurs une redoutable puissance informatique avec des hackers bien formés et motivés. « Une cyber-guerre secrète et implacable se déroule entre les États-Unis et la Corée du Nord avec la Corée du Sud en tant que cible intermédiaire (p. 247). » Grâce à un solide maillage diplomatique en Asie et en Afrique, les Coréens du Nord parviennent enfin à contourner les sanctions imposées par le « Machin » onusien toujours incapable de sanctionner à l’identique un petit État proche-oriental qui viole depuis 70 ans le fumeux « droit international ».

Habituée à survivre dans un milieu international hostile, la Corée du Nord montre une belle résilience. Juliette Morillot et Dorian Malovic en profitent pour tacler experts auto-proclamés et journalistes occidentaux paresseux qui ne font que répercuter des mots d’ordre belliqueux lancés par différentes officines d’outre-Pacifique. Le monde selon Kim Jong-un est par conséquent une excellente enquête qui témoigne des changements profonds survenus en Corée du Nord, des transformations matérielles et techniques qui ne modifient en rien son incontestable caractère socialiste et national.

Georges Feltin-Tracol

• Juliette Morillo et Dorian Malovic, Le monde selon Kim Jong-un, Robert Laffont, 2018, 268 p., 18,50 €.

samedi, 10 mars 2018

Rapprochement entre les Corées. Echec majeur pour Washington

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Rapprochement entre les Corées. Echec majeur pour Washington

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La Corée du Sud et la Corée du Nord se sont entendues sur la tenue d'un sommet entre les deux pays à la fin du mois d'avril, a annoncé le 6 mars un émissaire sud-coréen, reçu à Pyongyang par le leader nord-coréen Kim Jong-Un. Leurs discussions ont duré plus de quatre heures.

https://francais.rt.com/international/48519-rapprochement...

"Le Sud et le Nord sont d'accord pour une ligne de communication d'urgence entre les dirigeants pour désamorcer les tensions militaires et se coordonner étroitement", a déclaré l'émissaire de Séoul, le chef du Bureau de la sécurité nationale Chung Eui-yong. La Corée du Nord pour sa part a promis de suspendre ses essais nucléaires et de missiles pour la durée du dialogue inter coréen, a ajouté Chung Eui-yong, qui est conseiller pour la sécurité du président Moon Jae-in. Il a confirmé que la Corée du Nord avait exprimé la volonté de se dénucléariser à condition que sa sécurité soit garantie. Les Nord-Coréens ont également dit être ouverts à des discussions avec Washington concernant la dénucléarisation et la normalisation des relations bilatérales,

Le sommet aura lieu symboliquement dans le village de Pan-mun-jom, au milieu de la zone démilitarisée qui sépare la Corée du Nord de la Corée du Sud. Il sera précédé d'une conversation téléphonique entre Kim Jong-Un et Moon Jae-in. Chung Eui-yong et les diplomates sud-coréens qui l'ont accompagné à Pyongyang sont les plus hauts responsables du Sud à se rendre en Corée du Nord depuis plus de dix ans, dans la suite d'un début très remarqué de rapprochement occasionné par les jeux Olympiques d'hiver à Pyeongchang qui se sont achevés le 25 février. Ils ont été marqués, entre autres, par un défilé des deux Corées réunies sous une même bannière.

La Corée du Sud n'oublie pas cependant que sa marge de manœuvre reste limitée, tant qu'elle demeure une plate forme militaire avancée des Etats-Unis, non seulement face à la Corée du Nord, mais aussi à la Chine, pour ne pas mentionner la Russie orientale très proche. De plus, ses puissantes mais fragiles industries ne peuvent se passer de coopération avec les Etats-Unis et l'Europe. Aussi Séoul a-t-il annoncé qu'il rendra compte très rapidement à Washington de ce voyage. Des émissaires s'y trouvent actuellement. 

Donald Trump persiste

Mais manifestement, Donald Trump ne veut pas accepter le moindre rapprochement. L'administration américaine vient d'imposer de nouvelles sanctions unilatérales au Nord, les plus dures à ce jour selon Trump.

Plus puérilement, si l'on peut dire, la diplomatie américaine, qui ne recule devant aucun effort pour compromettre un rapprochement entre les deux Corées, vient de faire savoir qu'aucune discussion avec Kim Jong-Un ne sera possible tant que celui-ci n'aura pas reconnu et dit regretter l'assassinat de son demi-frère Kim Jong-Nam survenu en Malaisie en 2010 par un nord-Coréen appréhendé ensuite comme espion.

Il est évident que Kim Jong-Un ne renoncera pas durablement au développement d'armes atomiques et balistiques. Il s'agit de sa seule garantie contre un attaque de première frappe américaine, qui sinon aurait eu lieu depuis longtemps. Mais il est évident aussi qu'il ne s'en servira pas lui-même en première frappe, ce qui serait un suicide pour la Corée du Nord, accompagné de la destruction de la Corée du Sud. En cela, Kim tient le même propos que celui de Vladimir Poutine, dans sa révélation début mars des nouvelles armes russes.

Beaucoup de citoyens américains réalistes commencent à souhaiter que les Etats-Unis reconnaissent loyalement qu'ils ont perdu la guerre visant à conserver la domination unilatérale du monde. Les Etats-Unis devraient tenir compte du fait que le pouvoir devra être partagé de façon multilatérale avec d'autres puissances, la Russie et la Chine notamment.

L'actuel recul de l'influence américaine face aux deux Corées leur donnera sans doute de nouveaux arguments. Malheureusement aucun homme politique d'envergure, à Washington, ne paraît prêt à reconnaître cette réalité.

Note
Sur la question des deux Corées, voir notre article du 13/02
http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=2906...

mercredi, 01 novembre 2017

Pour comprendre vraiment la Corée du Nord

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Pour comprendre vraiment la Corée du Nord

par Georges FELTIN-TRACOL

Le voyage d’Alain Soral en juillet 2017 en Corée du Nord (officiellement appelée République démocratique populaire de Corée ou RPDC) a électrisé les réseaux sociaux et suscité les nombreux commentaires de la « Dissidence ». Certains se félicitaient de ce séjour tandis que d’autres s’élevaient contre une nouvelle apologie du national-bolchevisme. Si Alain Soral pense y voir un modèle national et socialiste, on peut se demander s’il n’aurait pas pris connaissance auparavant de La Corée du Nord en 100 questions de Juliette Morillot et Dorian Malovic.

Composé de cent réponses regroupées en sept parties (« Histoire », « Politique », « Géopolitique », « Réalités », « Économie », « Société et culture » et « Propagandes »), cet ouvrage est probablement le meilleur disponible sur le sujet en langue française. Il se complète parfaitement avec le remarquable essai du correspondant du Monde au Japon, Philippe Pons, Corée du Nord. Un État-guérilla en mutation (1). Parfois sollicitée par les médiats dominants, Juliette Morillot présente l’avantage déterminant de lire, de parler et de comprendre le coréen.

Quelques vérités dérangeantes

À l’heure où l’entité yankee d’un Donald Trump aux abois et quasiment soumis à certaines coteries bellicistes de l’« État profond » US menace l’intégrité territoriale d’un État en légitime défense, La Corée du Nord en 100 questions apporte un éclairage lucide et objectif sur cet État supposé voyou. « Pays mystérieux pour les Occidentaux, la Corée du Nord est davantage une énigme que la caricature à laquelle les médias étrangers la réduisent depuis des années. De l’ignorance naissent les fantasmes (pp. 15 – 16). » Abomination pour les uns, « nouvelle Sparte » si possible nationale-bolchevique pour les autres, la RPDC sert de prétexte pour toutes les fantasmagories possibles et imaginables, peut-être parce que le coréen serait l’une des langues les plus difficiles au monde (avec le français…). Instructif et plaisant, l’ouvrage de Morillot et Malovic présente le grand mérite de lever des équivoques.

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Les auteurs remarquent que « la République populaire de Corée est sans doute l’un des rares pays pour lesquels faire fi de toute déontologie, affabuler ou ne pas vérifier ses sources est couramment accepté, même dans les grands titres de presse. C’est aussi l’un des rares pays au monde où l’on ressuscite régulièrement (pp. 343 – 344) ». Des victimes purgées supposées éliminées réapparaissent en public quelques temps plus tard… Ils abordent des sujets dérangeants peu connus en Occident qui, triturés dans un certain sens, relèvent de la désinformation. Par exemple, « comment les réfugiés nord-coréens sont-ils manipulés ? (p. 347) » Ils expliquent « qu’un véritable commerce lucratif du témoignage a vu le jour en Corée du Sud : depuis quelques années, les témoignages auprès des journalistes ou des chercheurs sont rétribués (ce qui n’était pas le cas encore au début des années 2000). Selon un principe : plus les témoignages sont terrifiants, plus ils sont chers. Ce commerce du poids de l’horreur est entretenu à la fois par les journalistes avides de spectaculaire et par des organisations humanitaires, souvent chrétiennes, voulant financer des opérations de “ sauvetage ”. En outre, le ministère sud-coréen de l’Unification a institutionnalisé le procédé. Fin 2015, une heure d’entretien coûtait entre 60 et 600 dollars (pp. 352 – 353) ». Il faut par conséquent plus que jamais se méfier d’une littérature misérabiliste soi-disant rédigée par des réfugiés qui submerge l’Europe. Les auteurs qualifient ces productions d’« indigestes (p. 219) », truffés « d’incohérences (p. 219) ». Un certain Bandi y fait un réquisitoire virulent contre la RPDC, « à ceci près que le livre ne tient pas la route pour qui lit le coréen (p. 219) ».

Ignorant les us et coutumes du confucianisme, les Occidentaux excellent en outre dans les interprétations erronées ou fallacieuses. « Au palais-mémorial de Kumsusan à Pyongyang, où se trouvent les dépouilles de Kim Il Sung et de Kim Jong Il, s’incliner n’est pas une marque d’allégeance mais simplement de politesse et de respect, pour les défunts tout autant que pour le pays hôte (p. 358). » En visite officielle à Paris, l’invité de la République française ne s’incline-t-il pas devant la tombe du Soldat inconnu ? Et s’il se rend en Israël, ne rallume-t-il pas la flamme à Yad Vashem ?

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Les Occidentaux s’indignent de l’absence de liberté d’expression en Corée du Nord qui se montre sourcilleuse sur ce point. C’est compréhensible. « Bien sûr, n’est pas le bienvenu un visiteur s’adressant à un passant ou à une serveuse de restaurant pour critiquer le régime ou pour poser de but en blanc, au nom de la liberté de parole, des questions jugées personnelles (p. 357). » Est-ce si différent en Allemagne, dans l’Hexagone ou aux États-Unis où des nationalistes blancs présents à Charlottesville en août 2017 ont perdu leur emploi ? Essayez donc dans un restaurant parisien branché de critiquer Macron, d’approuver Dieudonné ou, pis, d’évoquer certains thèmes interdits de l’histoire contemporaine. « Aux yeux du régime, il n’y a pas de “ prisonniers politiques ” (p. 208) » comme dans l’Hexagone républicain. Si la justice hexagonale ne condamne pas aux camps de travail, elle peut prononcer des stages de citoyenneté qui sont une forme douce (et insidieuse) de rééducation mentale. La mort sociale rôde sous Marianne, mais plus silencieusement (et avec l’hypocrisie des droits de l’homme, de la femme, de l’humain et du trans…).

Tradition et patriotisme

Les Coréens du Nord assimilent dans un syncrétisme propre à leur esprit bouddhisme, confucianisme et même chamanisme bien qu’officiellement interdit. Ils en ont gardé une vraie curiosité pour certaines pratiques. La grave crise des années 1990 l’a même relancé au sein des familles et en particulier auprès des femmes. Bien qu’ouverte aux vents de l’ultra-modernité, la Corée du Sud fortement christianisée a elle aussi recours à de tels actes animistes comme en témoigne l’entourage de la présidente destituée Park Geun-hye. Toutefois, depuis 1945, les deux Corées divergent de plus en plus et rendent toute réunification effective impossible. Ce constat se vérifie par la langue. Aujourd’hui tant dans le vocabulaire que par la grammaire, le coréen du sud correspond moins au coréen du nord même si les locuteurs se comprennent toujours. La différence d’ordre anthropologique concerne le triomphe au Sud de l’individualisme. Les auteurs soulignent en revanche la primauté du cadre holiste sur le désir individualiste. « Le “ nous ” (uri) et l’intérêt de la collectivité (famille, clan, société) priment l’individu, le “ je ” (na) (p. 319). » Le contraste sociologique, voire anthropologique, entre les deux Corées est si saisissant que de nombreux exilés nord-coréens préfèrent finalement quitter leur nouveau foyer hyper-sophistiquée et ses reproches malveillants envers leurs habitudes estimées trop « ringardes ».

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Ce qui irrite l’Occident dégénéré à l’heure des sociétés ouvertes est le caractère clos de la partie septentrionale de la nation coréenne. « L’homogénéité du peuple coréen a toujours été considérée comme une qualité intrinsèque, intimement liée à l’histoire de la péninsule (p. 299). » Ce vigoureux sentiment national repose sur une histoire tragique. « Au cours des âges, une bonne demi-douzaine de troupes étrangères piétinèrent les terres coréennes : khitan, liao, jurchet, mongoles, japonaises, mandchoues et même françaises en 1866, lors d’une malheureuse expédition militaire conduite par l’amiral Roze en représailles du martyre de missionnaires français, qui se termina par la débâcle des soldats de Napoléon III (p. 29). » Se succèdent ensuite les Chinois, les Russes, les Japonais, les Soviétiques et les Étatsuniens. L’acquisition d’armes nucléaires grâce à la collaboration fructueuse des ingénieurs pakistanais résulte de ces tourments tragiques. Pyongyang se souvient toujours qu’en 1951 et en 1953, le général MacArthur proposa des frappes nucléaires préventives. « Le chantage que la Corée du Nord exerce, loin d’être le fruit de dirigeants paranoïaques, est au contraire le résultat d’une réflexion construite pour servir des objectifs stratégiques clairs. Se voiler la face en qualifiant les leaders nord-coréens de “ fous ” est une illusion aux allures de stratégie d’évitement… (p. 153). »

Conseillés par le général Étienne Copel, les auteurs qui n’évoquent pas le programme spatial de la Corée du Nord, préviennent que « les armes nord-coréennes ne sont pas offensives mais dissuasives avant tout, elles ont pour but d’éviter toute intervention (américaine surtout) sur le territoire national. Il s’agit de la doctrine classique de dissuasion nucléaire, défendue par les grandes puissances elles-mêmes (p. 158) ». Pyongyang applique la dissuasion nucléaire théorisée par les généraux français des années 1960. Ils insistent encore que « dans le storytelling occidental, on oublie de rappeler que le programme nucléaire vise également à légitimer le régime et son leader aux yeux du peuple nord-coréen à qui il est demandé de grands sacrifices en échange (p. 158) ». Le nationalisme atomique coréen du Nord se doute que « personne […] ne serait assez fou pour affecter son arsenal nucléaire à la protection d’un pays tiers, écrit le romancier “ à clef ? ” Slobodan Despot. C’était, dans son implacable logique, une épée qu’on ne tirait du fourreau que pour se protéger soi-même, en dernier recours. Tout autre utilisation vous exposerait au risque d’un contre-feu apocalyptique. Les nations non atomiques ne pouvaient donc que compter sur elles-mêmes et se plier au chantage des puissants (2) » Par conséquent, face aux sanctions imposées par une pseudo-« Communauté internationale », véritable mafia d’authentiques États voyous, « la résilience de la Corée du Nord vient d’une réalité simple : elle a si peu qu’elle n’a rien à perdre et elle s’est adaptée pour supporter les privations au point que le régime exploite ces votes de l’ONU pour cimenter le peuple contre les “ agresseurs extérieurs ”. Au fond, les sanctions sont inefficaces car personne ne souhaite vraiment qu’elles le soient (p. 193) ». La Corée du Nord n’entend pas obtempérer aux injonctions de la grotesque CPI (Cour pénal international) et suit le précédent édifiant des États-Unis d’Amérique.

La force nucléaire nord-coréenne dorénavant constitutionnalisée est clairement un moyen de pression pour que Washington négocie avec Pyongyang dont les « exigences » ne sont pas insurmontables : reconnaissance par Washington de la RPDC, établissement d’une ambassade US, signature d’un pacte de non-agression avec les États-Unis, levée de toutes les sanctions de l’ONU, signature d’un traité de paix avec Séoul et « assurance de pouvoir poursuivre librement son programme nucléaire civil (p. 148) ». Les États-Unis craignent de tels pourparlers d’autant que compétents, polyglottes et cultivés, les diplomates nord-coréens suscitent l’effroi de leurs homologues yankees plus habitués à éructer des ordres qu’à discuter sereinement…

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Pourquoi cette haine envers un peuple qui n’occupe aucun autre État de la planète et qui n’a aucune responsabilité dans les « camions fous » à Nice, Berlin et Londres ? « Avant d’être dirigée par un régime autoritaire, la Corée du Nord est une nation peuplée d’êtres humains avec une sensibilité, une culture et une inébranlable fierté d’appartenir à un pays, qu’envers et contre toute logique ils aiment profondément (p. 17). » L’individualiste égoïste et exhibitionniste numérique occidental a oublié que l’homo hierarchicus naguère étudié par Louis Dumont (3) persiste en Corée du Nord. Le holisme organise la société en « 25 niveaux de songbun […] et 55 niveaux de kaechung […] eux-mêmes regroupés en trois sous-catégories (p. 293) ». À cette stratification complexe s’intègrent les inminban (groupes du peuple), c’est-à-dire des associations de quartier d’une trentaine de foyers supervisées par des femmes qui assurent la surveillance de proximité. Faut-il pour autant parler d’un « régime d’extrême droite » comme l’affirme Brian Reynolds Myers (4) ? Certes, « les mariages avec des étrangers sont interdits (p. 299) ». En 2006, l’organe officiel du Parti des travailleurs de Corée (PTC), le Rodong Shinmun, titrait : « Une société multinationale et multiraciale est une menace pour la nation ». Or cette sortie très politiquement incorrecte n’a jamais été reprise. Juliette Morillot et Dorian Malovic soulignent plutôt que la RPDC a toujours soutenu Nelson Mandela et le combat de l’ANC contre l’apartheid en Afrique du Sud. Membre du Mouvement des non-alignés, la Corée du Nord défend la cause palestinienne, récuse le mondialisme du FMI et de la Banque mondiale et apporte un soutien moral à la République arabe syrienne du président Bachar al-Assad. Toutefois, le Premier ministre nord-coréen fut invité à une séance du Forum de Davos avant que l’invitation soit décommandée au lendemain du cinquième essai nucléaire.

Une économie balbutiante

« Contrairement à tout ce qui peut s’écrire sur ce pays supposé socialiste et collectiviste, l’économie nord-coréenne vit depuis une dizaine d’années une véritable métamorphose (p. 269). » Désormais, « l’économie d’État ne peut plus garantir du travail pour tous et les exclus du système socialiste sont à disposition pour le secteur privé (p. 270) ». L’« État le plus fermé de la planète » s’ouvre enfin au monde en dépit des sanctions onusiennes qui ne frappent jamais un autre petit État lui aussi détenteur de la bombe atomique, violeur permanent des résolutions du Conseil de sécurité et oppresseur depuis plus de soixante-dix ans d’un autre peuple… Le VIIIe Congrès du PTC en mai 2016 a entériné un plan quinquennal 2016 – 2020, « le premier lancé depuis les années 1980 (p. 265) ». Parallèlement émerge une proto-bourgeoisie, une « classe d’affaires », les donju (ou « maîtres de l’argent », souvent liés à différents cercles du pouvoir.

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Ceux-ci s’adaptent au gouvernement de Kim Jung Un (prononcez « Œune ») depuis 2011, un dirigeant dépeint par les médiats occidentaux d’une manière toujours très négative. « De même que pendant des années le monde occidental a entretenu à propos de Kim Jong Il le mythe trompeur d’un pantin excentrique aux confins de la folie, le portrait que dressent les médias de son fils, se limitant à sa coupe de cheveux ou à son embonpoint, est tronqué (p. 106). » Sous sa direction, le PTC a retrouvé son rôle moteur perdue au temps de Kim Jung Il qui s’en méfiait, si bien que la stratocratie portée par le songung redevient une partitocratie que le Parti anime dans le cadre du Front démocratique pour la réunification de la patrie aux côtés du Parti social-démocrate de Corée et du Parti Chondogyo-Chong-u issu d’une révolte populaire, nationaliste, religieuse et xénophobe au XIXe siècle.

C’est un fait patent et assumé : le nationalisme imprègne toute la société coréenne ainsi que toutes les générations. « Le nationalisme atteindra en RPDC un degré inconnu ailleurs dans le monde communiste, explique Philippe Pons. Il trouve son origine dans le patriotisme radical né en réaction à la colonisation japonaise dans la première moitié du XIXe siècle : une revendication identitaire forgée par des historiens coréens qui firent de la nation, pensée en tant qu’ethnie (minjok), le sujet du grand récit national, que le régime reprit à son compte (5). » De ce fort sentiment national découle le fameux concept de juche. Remontant au XIXe siècle, le terme est « employé pour la première fois le 18 mai 1955 par Kim Il Sung, qui, lors d’une réunion de l’une des cellules du Parti des travailleurs, appela à réfléchir sur l’idéologie de façon à réinterpréter de façon créative le marxisme-léninisme en luttant contre le dogmatisme et le formalisme (pp. 74 – 75) ». « D’abord placée sur le même plan que le marxisme-léninisme, poursuit Philippe Pons, la doctrine juche allait supplanter celui-ci en instaurant une “ voie coréenne vers le socialisme ” qui fait de la nation, et non plus du prolétariat, le sujet de l’histoire (6). » Il est dès lors assez comique (et triste) qu’en France, des souverainistes acharnés et des nationalistes-révolutionnaires convaincus, farouchement sociaux et radicaux, maintiennent dans leur tête un autre Mur de Berlin, s’acoquinent avec les va-t-en guerre atlantistes et dénigrent un État lointain qui ne les gêne en rien. La Corée du Nord porte-t-elle une quelconque responsabilité dans l’élection de Macron ou dans la présente déferlante migratoire ?

L’ultime État souverain du monde ?

Conscient de la vulnérabilité de son État, Kim Il Sung a très tôt adopté – et bien avant le Roumain Nicolae Ceausescu – une démarche souverainiste et décisionniste. « Trois concepts, piliers du juche, sont indissociables de la doctrine : tout d’abord, le chaju, l’indépendance politique et diplomatique (égalité totale avec les nations étrangères, respect de l’intégrité territoriale, non-intervention et indépendance nationale). Toutefois, ce chaju ne peut être atteint que si au préalable l’autosuffisance économique (charip) a été réalisée. Vient enfin l’autonomie militaire (chawi), elles-même garante du chaju (p. 75). » En mai 2016, le VIIIe Congrès a réaffirmé « l’indépendance du pays vis-à-vis des grandes puissances (chaju), grâce aux développements de l’économie (charip) et de l’arme nucléaire (chawi) permettant un dialogue d’égal à égal envers les grandes puissances (chaju) (p. 76) » au nom de la nouvelle doctrine du byongjin, la « double poussée » économique et stratégique, qui remplace le songun (« priorité à l’armée »), d’où des changements institutionnels majeurs.

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Organe suprême depuis 1999, la Commission de la Défense nationale est remplacée par une Commission des affaires de l’État. Nouvelle instance présidée par Kim Jung Un, par ailleurs président (et non secrétaire général) du PTC, ce nouvel organisme constitutionnel « coiffe l’armée, le Parti et le gouvernement (p. 109) ». Cette modification institutionnelle propre à l’idiosyncrasie politique de la Corée du Nord confirme les analyses de Carl Schmitt dans son État, mouvement, peuple (7) parce que « Armée, Parti, État et peuple sont désormais confondus (p. 90) » (8). En 1982, Alain de Benoist jugeait pour sa part que « c’est à l’Est que se maintiennent avec le plus de force – une force parfois pathologique – des notions positives telles que la conception polémologique de l’existence, le désir de conquête, le sens de l’effort, la discipline, etc. Les sociétés communistes sont à la fois les plus hiératiques et les plus hiérarchiques (du grec hiéros, “ sacré ”) du monde, tandis que les sociétés occidentales réalisent, par le moyen du libéralisme bourgeois et de l’individualisme égalitaire, cela même que voulait Marx – et que le communisme institué s’est avéré incapable de faire passer dans les faits. Formidable exemple d’hétérotélie ! (9)».

Les bruits de bottes yankees s’entendent tout au long de la Zone démilitarisée sur le 38e parallèle le plus surmilitarisé de l’histoire. Washington s’agace d’un État qui ose lui résister, ce qui déplaît aux vils détritus pourris de la colline du Capitole. Suite à une attaque préventive de son fait, Washington pourrait fort bien exiger des autres membres de l’OTAN l’application de l’article 5, ce qui ferait des troupes européennes de la chair à canon appréciable. On ne peut pas renvoyer dos à dos un État assiégé et une superpuissance sur le déclin. La paix en Asie du Nord-Est est menacée par une bande de cow boys trop sûrs d’eux. En cas de conflit, souhaitons seulement qu’un excellent missile nord-coréen coule l’USS Harvey Milk du nom de ce politicard californien qui avait déjà au cours de sa vie l’habitude de recevoir de gros calibres…

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Philippe Pons, Corée du Nord. Un État-guérilla en mutation, Gallimard, 2016. Pour ce texte, nous appliquons comme cet auteur et à la différence de Juliette Morillot et Dorian Malovic « l’ordre coréen et la transcription du Nord (où nom et prénom s’écrivent avec trois majuscules) (p. 9) ».

2 : Slobodan Despot, Le rayon bleu, Gallimard – NRF, 2017, pp. 67 – 68.

3 : Louis Dumont, Homo hierarchicus. Le Système des castes et ses implications, Gallimard, coll. « Tel », 1979.

4 : Brian Reynolds Myers, La Race des purs. Comment les Nord-Coréens se voient, Éditions Saint-Simon, 2011.

5 : Philippe Pons, « Au pays du nationalisme farouche », dans Le Monde des 10 et 11 septembre 2017.

6 : Idem.

7 : Carl Schmitt, État, mouvement, peuple. L’organisation triadique de l’unité politique (1933), Kimé, 1997.

8 : On retrouve ce triptyque, devenu ici une intéressante quadripartie politique, dans les écrits du penseur nationaliste-révolutionnaire argentin Norberto Ceresole (1943 – 2003), en particulier dans Caudillo, Ejército, Pueblo. La Venezuela del Comandante Chávez (1999), Ediciones Sieghels, 2015, non traduit en français.

9 : Alain de Benoist, Orientations pour des années décisives, Le Labyrinthe, 1982, pp. 69 – 70, souligné par l’auteur.

• Juliette Morillot et Dorian Malovic, La Corée du Nord en 100 questions, coll. « En 100 questions », Tallandier, 2016, 381 p., 15,90 €.

mardi, 30 décembre 2014

Piratage de Sony, Opération false flag parfaite?

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Piratage de Sony, Opération false flag parfaite?

par Jean Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Les opérations sous fausse bannière (ou false flag) sont des actions menées avec utilisation des marques de reconnaissance de l'ennemi, dans le cadre d'opérations clandestines.

C'est à peu de choses près ce qui semble s'être passé il y a quelques jours, Un piratage de Sony, menée par des hackers prétendument situés en Corée du Nord, ou pilotés par ce pays, ont donné à Barack Obama et à la toute puissante National Security Agency et services rattachés, l'occasion de déclarations offensives à l'encontre de la dite Corée du Nord. Washington a refusé l'enquête internationale demandée par le régime de King Jong Un. Il a au contraire menacé ce dernier de mesures de représailles « appropriées ».

Ces représailles n'ont pas tardé. Le 22 décembre, la Corée du Nord a perdu la totalité de ses connections à Internet pendant plusieurs heures, après de longues périodes d'instabilité. La Maison Blanche a plaidé l'innocence, attribuant ce phénomène à des hackers incontrôlés. Mais les spécialistes de l'Internet, aux Etats-Unis mêmes, comme le montre l'article du WSWS, ne cachent pas qu'une opération de cette ampleur n'aurait pas pu être engagée sans l'appui de services très spéciaux, c'est-à-dire bien outillés.

Les naïfs diront que la Corée du Nord n'a eu que ce qu'elle méritait. Il ne fallait pas commencer, en attaquant Sony. On ne s'en prend pas à l'Empire américain sans retours de bâtons. Mais un peu d'attention montre que l'attaque contre Sony était très probablement une opération false flag menée par les services américains. Dans quel but? Faire peur à la Corée du Nord, sans doute, mais l'objectif aurait été un peu limité. Derrière l'opération, il fallait montrer à la Chine considérée comme l'ennemi majeur en Asie, que les services américains pouvaient monter des actions de cyber-terrorisme capables de faire beaucoup de mal. A tort ou à raison, la Chine dans ces derniers mois avait été accusée de mener de telles actions, sans d'ailleurs de preuves bien évidentes. Dans l'immédiat, ce sont les Américains qui font valoir à la Chine leur suprématie en ce domaine.

La démonstration s'adresse aussi à tous ceux, adversaires ou « alliés » qui prétendraient mieux contrôler leurs accès à l'Internet, lequel a toujours été et doit rester sous le contrôle de Washington. Que la Russie, le Brésil ou les pays européens se le tiennent pour dit.

Quant à la NSA et à la CIA, elles verront leurs moyens déjà constamment renforcés depuis quelques années être encore augmentés, comme il vient d'être décidé en réponse à l'attentat prétendu de la Corée du Nord. De plus, l'affaire permettra à Obama de signer la nouvelle Loi de Défense pour 2015, dont les journalistes n'ont eu guère eu de temps pour commenter les dispositions.

Comme le montrent les sources citées dans les deux articles ci-dessous, une partie de l'opinion technologique américaine a bien compris tout ce qui précède. Mais ces gens qui font honneur à la presse libre n'ont aucune influence politique sérieuse.

Références

* Stephane Trano, dans Marianne:  Obama veut défendre la liberté d'expression tandis que la chasse aux lanceurs d'alerte fait rage

http://www.marianne.net/obj-washington/Obama-veut-defendre-la-liberte-d-expression-tandis-que-la-chasse-aux-lanceurs-d-alerte-fait-rage_a162.html


WSWS North Korea's Internet connections cut off

http://www.wsws.org/en/articles/2014/12/23/nkor-d23.html

 

mercredi, 24 avril 2013

The Doctrine of Kimilsungism

 

Toward Inter-Korean Cooperation

The Doctrine of Kimilsungism

by NILE BOWIE
 
Ex: http://www.counterpunch.org/

Each year on April 15th, North Koreans pay homage to the founder of their nation, Kim il-Sung – the most revered figure in the North Korean psyche. Despite the tense state of affairs on the Korean peninsula and war-like rhetoric emanating from the North, the mood in the country is one of patriotic celebration as citizens of Pyongyang take part in communal dancing and other festivities to remember their departed leader. Kim il-Sung was a guerilla fighter who fought for Korean independence against the Japanese, who occupied the peninsula prior to the Korean War. He was installed into power by the Soviet Union, which bankrolled the North’s post-war reconstruction efforts and shaped its economic policy. After a turbulent history of being under the thumb of larger regional powers, Kim il-Sung is credited with freeing Korea from the yoke of colonialism, even earning him sympathy from some of the elderly generations living in the South. North Korea’s reverence for Kim il-Sung appears wholly Stalinistic to the Western eye, but there are complex reasons why the North Korean ruling family continues to be venerated unquestionably, part of which deals with North Korea’s race-based brand of nationalism that few analysts take into account.

Imperial Japan ruled the Korean peninsula for thirty-five years beginning in 1910, and historians claim that Koreans of the time had little patriotic or nationalistic sensibilities and paid no loyalty toward the concept of a distinct Korean race or nation-state. The Japanese asserted that their Korean subjects shared a common bloodline and were products of the same racial stock in an attempt to imbue Koreans with a strong sense of national pride, suggesting the common ancestry of a superior Yamato race. Following the independence of the DPRK, its leaders channeled the same brand of race-centric nationalism. Domestic propaganda channeled rhetoric of racial superiority different from that of the Aryan mythology of Nazi Germany; mythmakers in Pyongyang focused on the unique homogeneity of the Korean race and with that, the idea that its people are born blemish-free, with a heightened sense of virtuousness and ethics. The characteristic virginal innocence of the Korean people is stressed incessantly in North Korean propaganda, obliging the guidance of an unchallenged parental overseer to protect the race – that’s where the Kim family comes in.

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Both Kim il-Sung and his son Kim Jong-il, who ruled North Korea from 1994 to 2011, are credited with super-human feats that North Korean school children learn about from the cradle. The domestic portrayal of Kim il-Sung and Kim Jong-il is that of a firm parental entity who espouses both maternal concern and paternalistic authority. The personality cult around the Kim family is itself is built into the story of racial superiority, mythicizing Kim il Sung into a messianic entity destined to lead the Korean people to independence through a self-reliance philosophy known as the Juche idea. The Juche ideology channels vague humanistic undertones while trumpeting autonomy and self-reliance. Analysts argue that the Juche idea and the volumes of books allegedly written by the leaders on a broad series of Juche-based social sciences is essentially window dressing designed more for foreign consumption. Foreign visitors are lectured about Juche thought and kept away from the central ideology, which is that of a militant race-based ultra-nationalism.

Defectors also claim that there is a stronger effort on indoctrinating the masses internally with the official fantasy biographies of the leaders to further their messianic character, rather than a serious application of teachings such as Juche thought. In North Korea, the leader is never seen exerting authority onto his people; he is instead depicted as caring for injured children in hospitals and nurturing soldiers on the front lines. State media has once described Kim Jong-il as “the loving parent who holds and nurtures all Korean children at his breast.” The Democratic People’s Republic of Korea may have a communist exterior, however it bares little resemblance to a Marxist-Leninist state in its commitment to improve material living standards; economics are nowhere near a central priority in contrast to the importance placed on the military. Domestic propaganda encourages its subjects to remain in their natural state of intellectual juvenescence and innocence, under the watch of the great parent. Kim il-Sung, given the title of “Parent Leader” in state media, was portrayed as a nurturing maternal figure, fussing over the food his soldiers consumed and making sure they had warm clothing.

Much like the mysticism around Japan’s Mount Fuji during the time of the Imperial Japanese occupation, Korea’s highest peak, Mount Paektu, was designated a sacred place and given a central role in official mythology. Kim Jong-il’s birth supposedly took place on the peaks of Mt. Paektu beneath twin rainbows in a log cabin during the armed struggle against the Japanese occupiers. His biography reads, “Wishing him to be the lodestar that would brighten the future of Korea, they hailed him as the Bright Star of Mount Paektu.” Images of fresh snowfall and snow-capped peaks of Mount Paektu are conjured to exemplify the pristine quality of Korean racial stock, and state media often refers to the DPRK as the “Mount Paektu Nation” and Kim Jong-un as the “Brilliant Commander of Mount Paektu.” Pyongyang is often depicted under snow, symbolizing the purity of the race, described by state media as “a city steeped in the five thousand year old, jade-like spirit of the race, imbued with proudly lonely life-breath of the world’s cleanest, most civilized people – free of the slightest blemish.”

Nearly all of the North’s domestic propaganda maintains a derogatory depiction of foreigners, especially of Americans, who are unanimously viewed as products of polluted racial stock. Six decades of ethno-centric propaganda has reinforced the North’s xenophobia and unwillingness to interact with the outside world. In his book ‘The Cleanest Race,’ DPRK expert B.R. Meyers cites a conversation between North and South Korean personnel discussing the increasing presence of foreigners in the South, to which the North Korean general replied, “Not even one drop of ink must be allowed.” Domestic propaganda reinforces the trauma and devastation experienced during the Korean war, when nearly a third of the North Korean population were killed in US led aerial bombardments, flattening seventy eight cities and showering over fourteen million gallons of napalm on densely populated areas over a three year period, killing more civilian causalities than the atomic bombing of Hiroshima and Nagasaki. Credible threats to the DPRK’s national security have allowed the ruling family to consolidate power, while legitimizing the ‘Songun Policy’ or military-first policy.

North Korea’s most unstable period came after the death of Kim il-Sung in 1994, as economic difficulties deepened following the fall of the Soviet Union and severe environmental conditions that resulted in a period of the famine from 1995 to 1997, killing nearly one million people. As the economy collapsed, social discipline and internal security began to breakdown outside of Pyongyang. Defectors reported seeing streets littered with famished corpses of the starving. Instances of soldiers robbing civilians in search of food and cases of cannibalism in rural areas were prevalent. Kim Jung-il maintained in this period that the US-led economic blockade against Korea was the dominant cause of the famine and economic stagnation. Kim Jong-il realized that having the backing of military generals was crucial to maintaining his power and authority, so as to quell the possibility of an ambitious general staging a military coup. The introduction of ‘Songun Policy’ gave members of the army preferential treatment with respect to receiving food rations, in addition to granting more authority to hardline generals. Much of the food aid received from abroad was redistributed directly to the military.

Kim Jong-il, having overseen the most arduous and economically stagnate period of North Korean history, sought to legitimize his rule through the procurement of nuclear weapons. “In 2006 the Dear General successfully saw the acquisition of a nuclear deterrent that would protect the Korean race forever. Truly, the son had proven himself worthy of his great father,” as described by state media. The state propaganda apparatus had done much to equate this accomplishment as the pride of the nation, depicting it as integral to the national defense of the country and the race. Understanding the role of the DPRK’s nuclear weapons is crucial for policymakers in the US and South Korea, who have placed the North’s denuclearization as a prerequisite for dialogue. North Korea cannot be expected to commit political suicide, nor can it be made to forfeit its main source of pride, legitimacy and defense in exchange for only thin assurances of security and prosperity from the US.

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The North Korean regime is complicated, and its doctrine of race-based militant ultra-nationalism bares more resemblance to National Socialism than to Communism. The DPRK is a product of brutal occupation, subsequent isolation, and decades of failed rapprochement policies on the part of South Korea and the US. It will take decades of interaction with the outside world to undo the social conditioning that North Koreans have lived under for six decades, something that can only be accomplished with delicate diplomacy and the incremental normalization of inter-Korean relations. Kim Jong-un has revolutionary credentials, and eventually the old guard of generals and advisors that surround him will pass, and he will exert total control over the nation and its direction. At its current pace of military development, the North will have the technology to act on its many threats in the coming years. If the current crisis tells the world anything, its that the approach of the US and South Korea is not conducive to peace, and further calls for the North to denuclearize will not yield results any different from what the world has already seen. While Kim Jong-un’s actions in the present scenario are grounded in building his domestic appeal, the underlying message is that North Korea is a nuclear state, and it wishes to be recognized as one for the purposes of defense and national security.

The policies of conservative President Lee Myung-bak deeply strained inter-Korean relations, and incumbent President Park Geun-hye has picked up where he left off. Although it would be described as unrealistic by South Korea’s conservative establishment, the only possible method for rapprochement that could actually work would come in the form of South Korea distancing itself from the United States. Given the unique paranoia and xenophobia of North Korea’s regime and how they’ve managed the country in near-isolation since its independence, the only hope of changing the regime’s behavior is accepting it in its current form, increasing inter-Korean cooperation in areas of trade and tourism through the construction of special industrial zones in the North. The Sunshine Policy years spearheaded by South Korean President Kim Dae-jung showed that inter-Korean relations faired far better under a policy of openness and economic exchange over the conservative approach of the South Korean right.

Sanctions, demands of denuclearization, and backing the North into a corner will only yield the same familiar results – an ugly stalemate that throws the Korea peninsula into a serious security crisis every so often. South Korea has a better chance of convincing the North to denuclearize only after trust and normalized relations are established, and that can only happen if the South is willing to scale back its military partnership with the US and acknowledge Pyongyang’s right to defend itself. Although Seoul would be viewed as giving into Pyongyang’s threats, a revival of the Sunshine policy is the only way to mend relations between the two Koreas. Regardless of Pyongyang’s nuclear policy, the establishment of inter-Korean industrial zones and economic spaces will herald greater opportunity for civilians from both Koreas to come into contact, allowing opportunities for North Koreans to be exposed to outsiders and to become familiarized with modern industrial technologies and work methods.

North Korea’s approach in the current scenario is widely viewed as irrational, and it has behaved in a way that undermines its legitimate security concerns. The only way to deradicalize the North’s xenophobic ethno-militarism is through economic exchange and the normalization of relations, and that can only happen if the South incrementally scales back its military exercises and recognizes the North as a nuclear state. There is no reason for tension on the Korean peninsula today, and if new policy directions were taken by the administration in Seoul, such instability would not have to occur. Being part of the same race, a neutral-Seoul could have much greater influence over Pyongyang than China ever could, and the normalization of relations would yield mutually beneficial economic growth that would stabilize the North and reduce the long-term insecurities that Kim Jong-un would face – inter-Korean cooperation is in the interests of all countries in the region. The current standoff on the Korean peninsula is much like a fork in the road of inter-Korean relations; pride should be pushed aside because its either sunshine or war.

Nile Bowie is an independent political analyst and photographer based in Kuala Lumpur, Malaysia. He can be reached at nilebowie@gmail.com

lundi, 06 décembre 2010

The Hermit Kingdom

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The Hermit Kingdom

Matt PARROTT

Ex: http://www.counter-currents.com/

North Korea is perhaps more than any other nation on Earth, completely out of step with our global cosmopolitan overlords. On some level, the fascination in racialist circles is understandable, as the regime is defiantly rejecting foreign influence, celebrating their shared identity, and (most importantly for us) embracing their racial heritage. It’s certainly presented in a distorted light by our government and media.

But North Korea really sucks. Kim Jong-il is hardly a fascist ruler in the Western tradition, with habits and hobbies more reminiscent of Mugabe than Mussolini. He’s a terrible steward of his people, indulging in the sort of material excess that Puff Daddy’s entourage would find embarrassing. For instance, when traveling through Russia on his own private train, he takes breaks for airlifted lobster dinners.

For all the talk of rejecting modernity, he’s a basketball fanboy who delighted in receiving a basketball signed by Michael Jordan on a state visit from Madeleine Albright. He’s seen more mainstream American movies than any of us have. His family’s attempt to replace his country’s traditional beliefs with a bizarre “cult of personality” is about as far from any Tradition as one can get.

However, as awful as North Korea is, and it’s about as awful as it gets, it has managed to retain its ethnic identity intact. It’s hard to say how much of this is actually due to ideology (his cultural tastes leave me skeptical). I suspect it’s for the same reason that my hometown has remained ethnically homogeneous: poverty.

Just as God strikes his favored females with ugliness to protect their virginity, he strikes his favored communities with poverty to protect their racial purity. Had the good people of Michigan chased Henry Ford out of the state with pitchforks and burned their factories to the ground, the state would still be a safe and solvent replica of its original settlers’ Nordic homeland.

South Korea, Japan, Taiwan, and China are increasingly under pressure to solve their “demographic problem” of growing old by swallowing the spider of third world immigration. North Korea has been under no such pressure. Even African war refugees would rather starve in a tent city in a tropical climate among their own than starve in North Korea.

As awful as North Korea is, the rising tide of color will part like the Red Sea around it. As awful as North Korea is and as maniacal as Kim Jong-il is, a nation that doesn’t do away with itself can redeem itself later. It can have a future. Fortunately, there’s no dichotomy here. We can borrow the one thing that North Korea’s doing right, then abandon our colonial holdings in Japan, South Korea, and Taiwan so the Chinese won’t feel the need to prop up this madman and his buffer state.

dimanche, 17 octobre 2010

Confrontation en Mer Jaune

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Albrecht ROTHACHER :

Confrontation en Mer Jaune

 Forte tension entre la Chine et le Japon : l’Empire du Milieu renonce à ses réticences en politique étrangère

 

Spratly_Is_since_NalGeoMaps.pngPendant deux ans, la Chine et le Japon s’étaient efforcés de provoquer un dégel dans leurs relations auparavant fort chargées de contentieux. Cette période connaît désormais sa fin. Il y a à peu près trois semaines, un bateau de pêcheurs chinois en train de prendre du thon a heurté deux patrouilleurs côtiers japonais à proximité des petites îles rocheuses Sentaku (en chinois : Diaoyu), dont les eaux avoisinantes sont revendiquées tant par la Chine que par le Japon. Les Japonais ont rapidement relâché les quatorze marins de l’équipage mais maintenu en détention le capitaine vindicatif, un certain Zhang Qixiong. Début octobre, il se trouvait encore en détention préventive.

 Ce genre d’incident n’est pas rare vu les nombreuses frontières maritimes contestées de la région et la Chine aime les monter en affaires d’Etat. L’ambassadeur du Japon a été convoqué cinq fois. Tous les contacts de haut niveau ont été interrompus. Habituellement calme et pondéré, le premier ministre chinois Wen Jiabao n’a pas « trouvé le temps », lors d’un sommet de l’ONU à New York, de rencontrer son homologue japonais Naoto Kan.

Pourtant, il y a deux ans, à la suite de la visite du Président Hu Jintao à Tokyo, on pouvait imaginer que les deux protagonistes d’aujourd’hui allaient enfin mettre leurs contentieux territoriaux entre parenthèses et concentrer leurs efforts sur l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz dans la zone litigieuse. La société chinoise d’exploitation offshore CNOOC avait rapidement commencé à forer et à édifier, dans la foulée, une plateforme pour pomper les hydrocarbures. Le Japon n’a pas obtenu grand chose du gaz extrait du sol marin ni du partage des bénéfices, pourtant dûment promis.

Pour la Chine, ces îles rocheuses, inhabitées et situées entre Okinawa et Taiwan, font partie du socle continental chinois et constituent un fragment du « sol sacré » de l’Empire du Milieu. Pour le Japon, elles font partie depuis 1885 des terres contrôlées par l’Empire du Soleil Levant et donc du territoire souverain nippon. En 1971, les Etats-Unis les avaient rendues au Japon, en même temps qu’Okinawa, l’île dont la conquête avait coûté tant de vie en 1945. Okinawa et les Iles Sentaku avaient, du coup, cessé d’être un protectorat américain. Lors de la visite de Wen Jiabao à Tokyo en mai 2010, les Chinois avaient manifesté de la bonne volonté. Pourquoi ce changement brusque d’attitude ?

Premier facteur à prendre en compte : la lutte pour le pouvoir entre dans une nouvelle phase d’intensité à Pékin actuellement, avec pour objet la succession en 2012 du Président Hu Jintao. Deuxième facteur : les partisans de la ligne dure, dans l’armée et dans la marine, ont aujourd’hui le vent en poupe. Troisième facteur : les réformateurs modérés autour du premier ministre Wen ne veulent pas avoir l’air de « poules mouillées » devant l’ennemi héréditaire japonais. Quoi qu’il en soit, la Chine se montre toujours très agressive quand il s’agit de conflits frontaliers. Ainsi, la Russie du Président Poutine avait rendu en 2004 les îles du fleuve Oussouri, prises par les troupes soviétiques à la suite d’une bataille sanglante en 1969. Ce fut un geste d’apaisement à l’endroit de la Chine, alors très amie de la nouvelle Russie. Le Kirghizistan, lui aussi, avait « volontairement » rendu à la Chine quelques chaines de montagnes qu’elle revendiquait. Face à l’Inde, la Chine revendique l’ensemble de la province frontalière de l’Arunachal Pradesh, peuplée d’un million de Tibétains et de ressortissants de tribus birmanes. Cette province est constituée de montagnes et de forêts vierges. Elle se situe sur le flanc sud de l’Himalaya et les Chinois la nomment « Tibet méridional ». Dans la Mer de Chine Méridionale, la Chine cherche à obtenir une frontière maritime jusqu’à l’Equateur, en englobant les îles indonésiennes de Natuna, ce qui heurte les intérêts de tous les pays riverains de cette mer : le Vietnam, les Philippines, Brunei, l’Indonésie et la Malaisie. La Chine est en train de construire, sur son flanc sud, c’est-à-dire sur l’Ile d’Hainan, une énorme base de sous-marins qui devrait appuyer ses revendications en Mer de Chine Méridionale. Sur le plan militaire, il n’y aura pas que ces sous-marins : la Chine aligne désormais une flotte de haute mer, nouvellement équipée et parfaitement apte à faire face à certaines éventualités. Face à l’Inde, les Chinois construisent une base navale sur le territoire de l’ennemi héréditaire, le Pakistan. De même, en Birmanie (Myanmar). Elle « drague » à fond le Sri Lanka, tombé en disgrâce dans la sphère occidentale à cause des entorses aux droits de l’homme qui s’y pratiquent.

Hillary Clinton, ministre américaine des affaires étrangères, a rassuré Naoto Kan à New York que les Etats-Unis considèreront toute violence contre les îles Sentaku comme un cas pouvant faire jouer le pacte d’assistance, scellant l’alliance nippo-américaine. Aux pays de l’ASEAN, inquiets, Hillary Clinton a proposé les bons offices des Etats-Unis dans toutes les questions relatives aux matières premières abondantes en Mer de Chine Méridionale. Elle a également suggéré une conférence multilatérale pour résoudre les problèmes.  Or c’est bien là la dernière chose que veulent les Chinois, sûrs de leur puissance. Ils préfèrent intimider les petits pays de l’Asie du Sud-Est en les ciblant un à un, lors de pourparlers bilatéraux. Toutes les formes de bons offices proposées par les Etats-Unis sont carrément rejetées et considérées par les Chinois comme partisanes, surtout qu’elles émanent d’une puissance extérieure à l’espace asiatique, qui veut la liberté des mers et des voies maritimes et est bien présente dans le Pacifique avec sa 7ème Flotte. La nouvelle doctrine chinoise part du principe que la Mer de Chine Méridionale fait tout autant partie du noyau territorial chinois que le Tibet ou Taiwan. En clair, cela signifie que les prétentions chinoises sur la Mer de Chine Méridionale ne sont pas négociables. Sur le plan historique pourtant, la Chine ne peut pas vraiment justifier ses revendications, mis à part quelques cartes maritimes imprécises ou quelques tombes de pêcheurs échoués sur des îles inhabitées.

Bientôt, la marine américaine organisera des manœuvres communes avec la Corée du Sud dans une partie de la Mer Jaune, que la Chine considère comme faisant partie de sa propre zone maritime. Cette démonstration de force servira surtout à intimider la satrapie prochinoise qu’est la Corée du Nord qui, au printemps dernier, avait coulé une corvette sud-coréenne. Mais en intimidant la Corée du Nord, on cherche évidemment à intimider la grande puissance protectrice de l’Etat « voyou ». Même la Russie, jusqu’ici l’allié le plus fidèle de la Chine et son principal fournisseur d’armes, se sent menacée par les flots d’immigrants chinois en Sibérie, terre faiblement peuplée. Elle adopte du coup une attitude pro-occidentale et prend ses distances.

Le grand réformateur Deng Xiaoping n’avait eu de cesse d’avertir ses camarades de parti : il fallait attendre l’année 2020, quand la Chine serait suffisamment forte pour résoudre ses problèmes territoriaux, sans craindre une coalition ennemie qui aurait procédé au préalable à son encerclement. L’impatience impériale a été fatale à l’Allemagne en 1914 et au Japon en 1941, car les grandes puissances établies avaient décidé de juguler les velléités expansionnistes des puissances chalengeuses et indésirables. Il semble que les héritiers du Bismarck chinois devront bientôt méditer ses leçons.

Albrecht ROTHACHER.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°40/2010 ; http://www.zurzeit.at/ ).