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samedi, 27 novembre 2021

Sur l'essence et les fonctions du pouvoir

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Sur l'essence et les fonctions du pouvoir

Leonid Savin

Source: https://www.geopolitica.ru/article/o-suti-i-funkciyah-vlasti

À l'ère de la modernité, on a tenté de définir scientifiquement et clairement le phénomène du pouvoir et ses diverses manifestations.

Max Weber a affirmé que "le pouvoir est la probabilité qu'un acteur au sein des relations sociales soit en mesure d'atteindre son objectif en dépit de l'opposition" (1). Dans son livre Économie et société, Weber distingue trois types de domination. Le sociologue allemand écrit : "Il existe trois types purs de domination légitime. Leur légitimité peut l'être: 1) de caractère rationnel, c'est-à-dire fondé sur la croyance en la légalité de l'ordre établi et en la légitimité de la domination exercée sur la base de cette légalité; 2) de caractère traditionnel, c'est-à-dire fondée sur la croyance commune dans le caractère sacré des traditions et la croyance dans la légitimité de l'autorité fondée sur ces traditions; ou 3) charismatique, c'est-à-dire fondée sur des manifestations exceptionnelles de sainteté ou de pouvoir héroïque ou de personnalité exemplaire et l'ordre créé par ces manifestations (suprématie charismatique)" (2).

Jacob Burkhardt a proposé un modèle d'interaction entre la société et l'État, fondé sur la dynamique des forces sociales, à partir duquel la hiérarchie des relations est construite. Il a dit que "le pouvoir passe toujours en premier" (3). Dans le même temps, Burkhardt a qualifié l'État d'œuvre d'art.

Le philosophe libéral Raymond Aron a dit: "Le pouvoir est la capacité de faire, de produire ou de détruire" (4).

Les définitions moins abstraites du pouvoir incluent nécessairement un sujet qui dispose du pouvoir. "Dieu, la nature physique et l'homme sont trois êtres exceptionnels auxquels les philosophes ont accordé ou non une suprématie universelle et une domination globale sur le monde", a soutenu le philosophe conservateur espagnol Donoso Cortes (5). De cette trinité, il déduit trois écoles politiques: deux types d'idéalisme (divin et humain) et le matérialisme associé à la nature. Spinoza précise comment le divin peut se manifester dans le pouvoir politique. "Dieu n'a pas de domination particulière sur les hommes, sauf par l'intermédiaire de ceux qui ont le pouvoir" (6). Un autre penseur conservateur français ajoute qu'une grande nation ne peut jamais être gouvernée par le seul gouvernement. Il a toujours besoin de quelqu'un d'autre (quelque chose) (7). Et ce penseur,Joseph de Maistre, donne l'exemple de la Turquie, où la gouvernance se fait à l'aide du Coran, et de la Chine, où les sages paroles et la religion de Confucius sont une sorte d'outils pour influencer les masses.

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Selon Friedrich Nietzsche, le pouvoir est plutôt une attitude qu'une essence. Et il n'y a pas grand chose qu'un homme (un acteur) puisse faire, à part vouloir le pouvoir. Seules les forces spontanées de l'être, personnifiées dans le devenir, sont la forme suprême du pouvoir. Et ses formes sont différentes parce que différentes sont les formes de la volonté de puissance, qui sont la philosophie, la morale, la métaphysique et l'art. Ils se subdivisent également en négatifs et positifs, et ont leurs propres niveaux de gradation (la volonté de liberté, la volonté de justice, etc.).

Heidegger souligne, à propos de la volonté de puissance de Nietzsche, que pour Nietzsche lui-même, "la volonté n'est rien d'autre que la volonté de puissance, et la puissance n'est rien d'autre que l'essence de la volonté" (8). Dans un processus de déconstruction de la formule nietzschéenne, Heidegger parvient à la définition suivante : "la volonté elle-même est domination-au-dessus; la volonté en elle-même est puissance, et la puissance en elle-même est volonté constante" (9). En même temps, il observe que l'idéalisme allemand en tant que tel a conceptualisé l'"être" comme "volonté". C'est là que réside l'effet de Schopenhauer, dû à l'effondrement de l'idéalisme allemand, et Nietzsche a refusé de participer à sa profanation et à une nouvelle subversion.

En résumé, il souligne que le pouvoir signifie simultanément trois phénomènes. Il s'agit de la "puissance prête à l'action" (δύναμις), de "l'accomplissement de la domination" (ἐνέργεια) et de la "réalisation" (ἐντελέχια) (10). Il faut noter qu'en latin, la paire ἐνέργεια καὶ δύναμις a souvent été traduite par actus et potentia, c'est-à-dire "réalité et possibilité".

Il est intéressant de noter que les réflexions de Heidegger sur les termes grecs anciens sont en corrélation avec la notion russe ancienne de pouvoir. Kolesov souligne que "dans la Rus' du 10ème siècle, le mot volost/"pouvoir" a plusieurs significations, il signifie l'opportunité, le pouvoir ou le droit d'agir ; au 11ème siècle, le volost (et le pouvoir) est surtout une "possession" (volost de terre)... Depuis la fin du 11ème siècle, ce concept fusionne à la fois le pouvoir et la possession, et le propriétaire est divisé en deux, selon les conditions et les besoins d'expression des relations féodales, et le volost devient le domaine, et le pouvoir - la force et le droit de possession. La répartition des variantes est très intéressante: le concret (possession foncière) est appelé par le mot russe volost, et l'abstrait (force et pouvoir) par le mot slave vlast. La nouvelle forme vient de l'extérieur et est consacrée par l'Église, elle est appelée par le mot de haut livre "pouvoir"" (11).

Cependant, il faut également se souvenir de la formule de Montesquieu exprimée dans son ouvrage De l'esprit des lois (1748) - "la puissance du climat est la première puissance sur la terre" (12) - cette définition a été la base du déterminisme géographique et du développement ultérieur des idées géopolitiques. Si les conditions météorologiques influençaient l'organisation sociale et le comportement des gens, cela se reflétait dans la psychologie des peuples et l'ordre politique. "La lâcheté des nations dans les climats chauds les a toujours conduites à l'esclavage, tandis que le courage des nations dans les climats froids leur a conservé la liberté" - bien que cette expression de Montesquieu semble trop "manichéenne", il y a une part de vérité dans un sens ou dans l'autre.

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Le juriste russe Nikolaï Korkunov, qui appartenait à l'école positiviste occidentale, considère le pouvoir comme un phénomène dialectique. "Le pouvoir n'exige que la conscience de la dépendance, pas la réalité de celle-ci.... Le pouvoir est un pouvoir conditionné par la conscience de la dépendance du subordonné... Le pouvoir de l'État, par contre, est le pouvoir conditionné par la conscience de la dépendance à l'égard de l'État..." (13).

Selon le sociologue américain James Coleman, "le pouvoir de l'acteur est le contrôle des événements significatifs" (14).

La maîtrise de soi n'est probablement pas moins importante pour le pouvoir. Le célèbre érudit perse et musulman al-Ghazali a déclaré, sous la forme d'une parabole, que les gouvernants sages, bons et justes "avaient plus de pouvoir sur eux-mêmes et de sévérité sur eux-mêmes qu'ils n'en avaient sur les autres" (15) .

Le politologue norvégien Stein Ringer a souligné que "le pouvoir est quelque chose dont dispose une certaine personne...". Le pouvoir existe ou n'existe pas ; vous l'avez ou vous ne l'avez pas ; il ne naît pas lorsque vous commencez à vous comporter d'une certaine manière ; il précède le comportement" (16). Il a toutefois noté qu'en général, une culture politique où le pouvoir est distribué est difficile à expliquer.

Si nous suivons les théories économiques du pouvoir, nous devons mentionner les idées de Friedrich von Wieser, qui était l'un des fondateurs de l'école autrichienne d'économie. Il rejette le libéralisme classique et insiste sur le fait que la liberté doit être contenue dans un système ordonné (17). Si Wieser souligne l'importance du rôle des entrepreneurs dans la vie économique de l'État, qu'il compare à des figures héroïques, son concept met l'accent sur une approche systémique.

Cette proposition est fondamentalement différente de celle de Thomas Hobbes dans son Léviathan.

S'il n'existe pas de définition unique et universellement acceptée du pouvoir, est-il possible d'affirmer que le pouvoir doit fonctionner de la même manière partout ? Même dans les sociétés libérales de type culturel et historique proche, il existe différents types de gouvernance - monarchique en Grande-Bretagne et républicaine aux États-Unis.

De plus, même au sein d'un même pays, des tentatives ont été faites pour différencier les méthodes d'exercice du pouvoir. Ainsi, les concepts de soft power, hard power, smart power, sharp power et sticky power sont apparus aux Etats-Unis (18). Si le concept de pouvoir intelligent de Joseph Nye n'est pas original, le philosophe espagnol José Ortega y Gasset a exprimé cette idée de manière plus succincte dans Espana invertebrada : "Commander et gouverner ne signifie pas seulement persuader ou contraindre quelqu'un. La véritable domination implique la combinaison la plus complexe des deux. La contrainte morale et la contrainte matérielle font partie intégrante de tout acte de pouvoir" (19).

En outre, il est admis qu'il existe trois projections du pouvoir et de l'influence - symbolique, structurelle et instrumentale.

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Mais il y a aussi eu des tentatives de redéfinir le pouvoir non seulement dans ses fonctions, mais aussi dans son essence. Prenons, par exemple, le concept de potestariness. Comme le terme a été introduit par l'ethnologue soviétique Julian Bromley, qui adhérait au paradigme marxiste, sa définition a été soutenue par une idéologie appropriée - l'organisation pré-étatique du pouvoir caractéristique des sociétés de la pré-classe et des premières classes était appelée potestarnost. Cependant, de nombreux spécialistes contemporains des peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine utilisent encore ce terme, bien que la portée de leur analyse soit liée à des États spécifiques. Cela suggère que les mécanismes d'exercice du pouvoir dans ces régions diffèrent considérablement et qu'une taxonomie supplémentaire est nécessaire pour marquer d'une manière ou d'une autre les relations intertribales et introduire des distinctions par rapport aux conceptions séculaires et modernistes du pouvoir qui sont apparues à l'origine en Europe occidentale mais se sont également répandues ailleurs, où il y a eu des superpositions uniques de coutumes traditionnelles, de modèles importés de l'extérieur (par le biais de structures coloniales ou de pratiques postcoloniales) et de droit international. Il est déjà clair qu'au cours des dernières décennies, "le continent africain a vu émerger des modèles très originaux de pouvoir politique et des systèmes bizarres d'organisation étatique et juridique, ainsi qu'une configuration assez complexe de l'espace politique, dans certaines zones duquel les relations de pouvoir ont pris des formes uniques inconnues jusqu'alors" (21). Des métamorphoses similaires se sont produites ou se produisent sur d'autres continents.

Mais il faut aussi tenir compte du fait que dans les conditions de la postmodernité, le pouvoir a changé de caractéristiques. Antonio Negri, se référant à Foucault, a déclaré que le pouvoir n'est jamais une essence cohérente, stable et unitaire, c'est un ensemble de "relations de pouvoir" qui présupposent des conditions historiques complexes et des conséquences multiples : le pouvoir est un champ de pouvoirs (22).

Vilfredo Pareto notait, il y a une centaine d'années, dans son ouvrage La transformation de la démocratie: "Qui se soucie aujourd'hui de l'équilibre des branches du pouvoir ? L'équilibre entre les droits de l'État et de l'individu ? Le vénérable état moral est-il toujours en pleine santé ? L'État hégélien est certainement une magnifique invention de l'imagination, préservée pour les besoins de la sociologie poétique ou métaphysique, mais les travailleurs préfèrent des choses plus tangibles, comme des salaires plus élevés, des impôts progressifs, des semaines de travail plus courtes..." (23).

Les observations sur les forces centripètes et centrifuges qui influencent et modifient la cohésion politique d'un pays ou de régions entières ont amené Pareto à conclure qu'il existe une sorte de loi sociale de rotation des élites. Peut-être que pour les pays laïques, une telle approche serait justifiée, mais qu'en est-il des États où les institutions sacrées du pouvoir existent encore, même si elles ont des fonctions nominales ? Dans ce cas, il reste la présence d'une autre structure hiérarchique qui est placée au-delà des processus de transformation et de perturbation politiques.

Un autre auteur italien, Agostino Lanzillo, soulignait dans l'entre-deux-guerres (24): "Les nations européennes devront relever le défi d'être simultanément militantes et commerciales, démocratiques et militaristes... Nous ne savons pas comment la société s'adaptera en pratique à ces deux exigences également impératives" (25).

Bien que le vingtième siècle ait connu deux guerres mondiales et des luttes entre le libéralisme, le communisme et le fascisme, ces remarques restent valables aujourd'hui, même si l'action et la rhétorique politiques ont connu quelques changements. Les représentants des mouvements de gauche ne se battent plus pour les droits des travailleurs mais prônent la légalisation des drogues et le mariage homosexuel. Pour leur part, les droites de nombreux pays servent les intérêts des États patrons plutôt que ceux de leur propre peuple.

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L'impression est qu'il n'existe pas encore de modèle durable approprié qui pourrait être universel pour tous les pays et tous les peuples, mais qui représenterait non pas un modèle rigide mais un ensemble de possibilités avec les contraintes qui sont déjà inhérentes aux unions politiques avec leurs cultures anciennes ou relativement jeunes.

Bien que les premiers pas dans cette direction soient en train d'être faits. Des théories intéressantes et des aperçus philosophiques se glissent dans les œuvres de divers auteurs - certains issus de la tradition politique occidentale et d'autres représentant des peuples d'autres régions du monde.

Notes:

1 Weber, Max. The Theory of Social and Economic Organization. The Free Press and the Falcon’s Bring Press, 1947, p. 152.

2 Вебер М. Типы господства // Вебер М. Хозяйство и общество.

3 Burckhardt J. Force and Freedom Reflections on History. N.Y., 1943, р. 109.

4 Raymond Aron. Peace and War: A Theory of International Relations, Garden City, N. Y.: Anchor Press, 1973, p. 47.

5 Кортес, Хуан Доносо. Сочинения. СПб: Владимир Даль, 2006, с. 387.

6 Спиноза Б. Краткий трактат о Боге, человеке и его счастье; Богословско-политический трактат. Харьков: Фолио, 2000, с. 357.

7 Местр, Жозеф де. Сочинения. СПб.: Владимир Даль, 2007, с. 40.

8 Мартин Хайдеггер. Ницше. Т. 1. СПб.: Владимир Даль, 2006, с. 39

9 Там же, сс. 43–44.

10 Там же, сс. 65–66.

11 Колесов В. В. Древняя Русь: наследие в слове. Мир человека. СПб: Филологический факультет СПбГУ, 2000, с. 276.

12 Монтескье Ш. О духе законов

https://www.civisbook.ru/files/File/Monteskye_O%20dukhe.pdf

13 Коркунов Н. М. Русское государственное право, Т. 1. СПб: 1901, с. 24

14 Coleman J.S. Foundations of Social Theory. Cambridge, MA: Harvard University Press, 1990, p. 133.

16 Рингер, Стейн. Народ дьяволов. Демократические лидеры и проблема повиновения. М.: Издательский дом Дело, 2016, с. 89.

17 Wieser, Friedrich von. Das Gesetz der Macht, 1926.

18 Armitage, Richard L. Joseph S. Nye, Jr. CSIS Commission on Smart Power: a smarter, more secure America, Washington, CSIS Press, 2007; Mead, Walter Russell. Power, Terror, Peace, and War. America’s Grand Strategy in a World at Risk. New York: Vintage Books, 2004.

19 Ортега-и-Гассет Х. Восстание масс. М.: ООО АСТ, 2001, с. 278.

20 Бромлей Ю. В. Очерки теории этноса. М.: Наука, 1983.

21 Гевелинг Л. В. Контуры трансформирующейся власти // Современная Африка. Метаморфозы политической власти / Отв. ред. А. М. Васильев; Ин-т Африки РАН. – М.: Восточная литература, 2009, с. 447.

22 Негри, Антонио. Труд множества и ткань биополитики // Синий диван, 2008. № 12.

http://www.intelros.ru/pdf/siniy_divan/12/6.pdf

23 Парето, Вильфредо. Трансформация демократии. М.: Территория будущего, 2011, с. 31.

24 Имеется в виду время между Первой и Второй мировыми войнами.

25 Lanzillo A. La disfatta del socialismo: Critica della guerra e del socialismo. Liberia della Voce. Firenze, 1919, р. 270.

dimanche, 27 décembre 2020

Le Soleil d’Outre-temps - Variation sur la puissance et le pouvoir

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Luc-Olivier d'Algange:

Le Soleil d’Outre-temps

Variation sur la puissance et le pouvoir

 

« Est deus in nobis, agitante calescimus illo »

Ovide

« Que je sois - la balle d'or lancée dans le soleil levant. Que je sois - le pendule qui revient au point mort chercher la verticale du soleil »

Stanislas Rodanski.

 

Confondre la puissance et le pouvoir nous expose à maintes erreurs et déroutes. Il n'est rien, quoiqu'en veuillent les moralisateurs, de plus profondément ancré dans le cœur de l'homme que le goût de la puissance, et son malheur est de croire qu'elle lui sera donnée, ou rendue, comme un bien immémorial dont il fut spolié, par l'exercice du pouvoir. Il échange ainsi la présence réelle contre la représentation (tout pouvoir étant toujours de représentation), le feu contre la cendre, la souveraineté du possible contre la servitude d'une condition asservie à d'autres conditions.

La puissance en acte est gaité, et confiance; le pouvoir, lui, sauf au moment de la conquête du pouvoir, lequel n'est alors encore qu'en puissance, est morose et méfiant. Le plus petit pouvoir, celui du guichetier qui nous fait attendre indûment, comme le plus grand, celui du chef d'Etat, subordonne le pouvoir qu'il exerce, ou qu'il croit exercer, sur nous, précisément au guichet ou à l'Etat, - qui n'est rien d'autre qu'un immense guichet. L'idéologie démocratique, loin de nous avoir délivrés du pouvoir, l'a multiplié, accentué, rendu plus sinistre et plus obstiné, jusque dans la sphère privée.

La disparition des hiérarchies traditionnelle fait, certes, de chaque individu un « pouvoir » susceptible de mesurer sa force avec ses voisins et ses proches, mais seulement dans la mesure où ce pouvoir le prive, lui et les siens, de toute promesse de puissance. Cette idéologie, vaguement psychologisante, au service d'une « individualité » dépersonnalisée, se fondant, par surcroît, sur ce qu'il y a de plus vil en nous, la rivalité mesquine et la jalousie, convient au mieux au système de contrôle dont la fonction est de réduire notre entendement aux fonctions « utiles », celles qui « rapportent », au détriment du poïen, et de la puissance.

9782226066008-475x500-1.jpgL'homme de peu de pouvoir, et que ce pouvoir déjà embarrasse et humilie, en viendra ainsi, dans le piège qui lui est tendu, à désirer non pas l'écart, le « recours aux forêts », la souveraineté perdue, mais un « plus de pouvoir », croyant ainsi, par ce pouvoir plus grand, qui est en réalité une plus grande servitude, se délivrer du pouvoir plus petit, sans voir qu'il augmente ce dont il souffre en croyant s'en départir. La puissance, lors, s'éloigne de plus en plus, au point de paraître irréelle, alors qu'elle est le cœur même du réel, la vérité fulgurante de tout acte d'être, « l'éclair dans l'Eclair » dont parlait Angélus Silésius.

Cette puissance lointaine, comme perdue dans quelque brume d'or aux confins de notre conscience et de notre nostalgie, quelle est-elle ? Par quels signes manifeste-t-elle sa présence, de telle sorte que nous la reconnaissions ? Est-il, d'elle en nous, une recouvrance possible ? Lointaine, secrète, entrevue, désirée, pressentie, un chant nous en vient, porté par les ailes de la réminiscence et par le témoignage des œuvres.

Ce qui nous en sépare, mais d'une séparation radicale, est peu de chose, peut-être n'est-ce que la seule conviction, implantée en nous, d'en être séparé ; et que cette séparation, si désolante qu'elle soit dans le cours des jours, n'en est pas moins un « bien moral » ? Or, lorsqu’intervient, comme l'instrument du pouvoir, l'armée des moralisateurs, ceux-ci nous disent aussi, sans le vouloir, que le pouvoir qu'ils étayent est fragile et que, sans notre consentement niais, il ne tiendrait guère. Le pouvoir qui moralise est vincible, voici déjà une bonne nouvelle ! La puissance peut nous être rendue; et la preuve en est qu'en certaines circonstances de la vie, elle l'est, pour quelques-uns, ne fût-ce que dans l'entrevision ou l'instant enchanté sans lesquels nous ne saurions même concevoir la différence entre le pouvoir et la puissance.

Contre le pouvoir qui nous avilit, que nous le subissions ou que nous l'exercions, les deux occurrences étant parfaitement interchangeables, des alliés nous sont donnés, qu'il faut apprendre à discerner dans la confusion des apparences. Ces alliés infimes ou immenses, dans l'extrême proximité ou le plus grand lointain, les hommes, jadis, les nommaient les dieux.

Participer de la puissance des dieux en les servant, c'est-à-dire en y étant attentifs, était une façon de s'inscrire dans l'écriture du monde, d'accorder notre chant au plus vaste chant, - afin de s'y perdre, de se détacher des écorces mortes, pour s'y retrouver, en soi. L'Odyssée, l'Enéide, les Argonautiques nous montrent que les dieux, puissances en acte, ont partie liée avec l'imprévisible autant qu'avec le destin. Tant que, dans l'aventure, les dieux et les déesses veillent, rien n'est dit. Les circonstances les plus hostiles ou les plus favorables peuvent tourner et se retourner. Ce « toujours possible » est la puissance même, celle qui nous porte à échapper au monde des planificateurs et des statisticiens. En leurs épiphanies, les dieux sont les alliés de notre puissance. Les hymnes que les hommes dirent en leur honneur sont gratitude, puissance recueillie.

De cette puissance se composent les temples, les chants et les joies humaines, - ce que naguère encore nous pouvions nommer une civilisation avant que son écorce morte, la société, ne vienne à en réduire drastiquement les ressources spirituelles. Nous vivons en ce temps où la société est devenue non seulement l’écorce morte mais l'ennemie déclarée de la civilisation. Tout ce qui « fonctionne », c'est-à-dire tout ce qui contrôle, par l'argent, la technique, la « communication », semble avoir pour fin la destruction, l'oubli, la disparition de notre civilisation, autrement dit la disparition de cette prodigieuse arborescence qui relie Valéry à Virgile, Nerval à Dante, Proust à Saint-Simon, Fénelon à Homère, Shelley à Plotin, Nietzsche à Héraclite, ou encore Dino Campana à Orphée.

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Avec ces arborescences, qui tant offusquent les mentalités linéaires et planificatrices, - ces faux amis de l'ordre qui le ne conçoivent que quadrillé, en catégories, comme autant de cellules carcérales où chacun est réduit à une identité abstraite, - disparaissent aussi les nuances, autrement dit ce qui apparente le mouvement de la pensée à celui des nuages. D'un seul geste nous sont alors ôtés la forme surgie de la terre, l'arbre, mythologique et concret, et le ciel où il se dresse, la puissance tellurique et la puissance ouranienne. Qu'elles nous soient ôtées, dans ce « cauchemar climatisé » qu'est le monde moderne, ne signifient pas qu'elles n'existent plus. Elles existent, magnifiquement, là où nous avons cessés d'exister, là où notre « être-là » n'est plus là, -, là où nous ne sommes plus car nous nous sommes refugiés derrières les écrans et les représentations.

Le propre de l'ordre abstrait que les modernes ont instauré, sous les espèces de la société de contrôle, est d'être anti-musical, littéralement l'ennemi des Muses, le contraire d'un ordre harmonique. Face à l'ordre abstrait nul ne sera jamais assez anarchiste, quand bien même c'est au nom de certains principes et du Logos qu'il refusera le logiciel qui lui est imposé. Cette société, en effet, dès que nous consentons, par faiblesse, à y participer, nous rançonne à l'envi, au bénéfice des plus irresponsables qui, pour ce faire, nous maintiennent dans la stupeur d'un troupeau aveugle, et la question se pose: de quelles ombres, sur les murs de quelle caverne cybernétique, veut-t-elle nous façonner ? A quelle immatérialité d'ombre veut-t-elle nous confondre ?

fdinoCporph.jpgLe dessein est obscur, échappant sans doute, dans ses fins dernières, à ceux-là même qui le promeuvent, mais son mode opératoire, en revanche, est des plus clairs. Nous ne savons pas exactement qui est l'Ennemi, mais nous pouvons voir quels sont les adversaires de cet Ennemi: le sensible et l'intelligible dans leurs variations et leurs pointes extrêmes. On pourrait le dire d'un mot, chargé du sens de ce qui précède: le poème, non certes en tant que « travail du texte » mais comme expérience orphique, telle que la connut, dans son péril, Dino Campana, telle qu'elle s'irise dans les dizains de la Délie de Maurice Scève. Le poème, non comme épiphénomène mais comme la trame secrète sur laquelle reposent la raison et le réel; le poème comme reconnaissance que nous sommes bien là, dans un esprit, une âme et un corps, un dans trois et trois dans un. Le monde binaire, celui des moralisateurs et des informaticiens, en méconnaissant l'âme, nous prive, en les séparant, de l'esprit et du corps, lesquels se réduisent alors, l'un par la pensée calculante, l'autre comme objet publicitaire, à n'être que des enjeux de pouvoir.

La puissance nous reviendra par les ressources d'une civilisation, la nôtre, qui sut faire corps de l'esprit, c'est-à-dire des œuvres, et inventer des corps qui avaient de l'esprit, des corps libres et sensibles, au rebours des puritanismes barbares. Au demeurant, les œuvres sont moins lointaines qu'il n'y paraît. Ces prodigieuses puissances encloses dans certains livres, si tout est fait pour nous en distraire, nous les faire oublier, ou nous en dégoûter par des exégèses universitaires « narratologiques », ou simplement malveillantes, demeurent cependant à notre portée, cachées dans leurs évidences, comme la lettre volée d'Edgar Poe. Le monde moderne, ayant perfectionné la méthodologie totalitaire, ne songe plus guère à brûler les livres, il lui suffit d'en médire, et de multiplier les entendements qui ne pourront plus les comprendre, et en tireront une étrange fierté. La stratégie est au point, flatter l'ignorance, au détriment des méchants « élitistes », - hypnotiser, abrutir, dissiper, avec l'assentiment de la morale commune.

Les pédagogistes, ce petit personnel de la grande entreprise de crétinisation planétaire, avec leurs pauvres arguties bourdieusiennes, n'éloignèrent de tous, précisément pour la réserver aux « héritiers » honnis (qui la plupart du temps ne savent qu'en faire), ces œuvres majeures de la haute culture européenne, de crainte qu'explosant en des âmes ingénues, elles n'en éveillent les puissances, suscitant ainsi des hommes ardents et légers, capables, par exemple de reprendre Fiume, et généralement peu contrôlables.

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Qu'un enthousiasme naisse, dans un jeune esprit, de la lecture de Homère, Virgile ou de Marc Aurèle, cela s'est vu, et celui que rien ne prédestinait, de ces seules puissances encloses dans les mots, peut devenir Vate, fonder un état au service des Muses, qu'il rêva épicentre d'une plus vaste reconquête, à Fiume précisément, et s'il n'y parvint durablement, la politique des gestionnaire ayant repris sa place indue, demeure le ressouvenir de la belle aventure où les arditi se joignirent aux poètes exquis, où l'avant-garde retint les échos d'un soleil latin antérieur, d'un outre-soleil, Logos héliaque, tel que le songea l'Empereur Julien. Oui, ces œuvres sont bien dangereuses, et les pédagogistes savent ce qu'ils font en les tenant à l'écart sous des prétextes fallacieux. Un ressac pourrait en venir, et des âmes bien nées s'en laisser porter, emportant du même mouvement, pour les disperser, ces moroses « superstructures » où l'on prétend nous tenir.  

Plus nous entrons dans une phase critique et plus l'inimitié du pouvoir à l'égard de la puissance, de la société (de ce qu'elle est devenue) pour la civilisation, se fait jour. Ce n'est plus seulement l'indifférence de l'écorce morte pour ce qu'elle enserre mais un effort constant pour éteindre, partout où il risque d'apparaître, le feu sacré. Le beau symbole zoroastrien du feu perpétué d'âge en âge par une attention bienveillante, donne, par ces temps ruineux, l'idée de ce qu'il nous reste à accomplir. La passation du feu contre le parti des éteignoirs, - de la puissance du feu, qui transmute, contre les pouvoirs qui nous assignent au plus petit dénominateur commun.

 A celui qui a fréquenté ses semblables, quelque peu, hors de sa famille et de son travail, - lieux de pouvoir par excellence,-  l'opportunité a parfois été donnée de rencontrer des êtres de puissance, c'est-à-dire des hommes et des femmes qui, ne voulant les restreindre mais au contraire les accroître, et laissant le recours à leur guise, se proposèrent, par l'exemple, par le génie de l'impromptu, voire par une forme de désinvolture heureuse, à brûle-pourpoint, comme une chance d'être.

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Ces chances sont rares, et méconnues. Ces êtres magnifiques, nous passons à leurs côtés sans les voir, sans les discerner, sans les reconnaitre et souvent quelque ressentiment, plus ou moins enfoui, nous gendarme contre eux et nous interdit d'en recevoir les bienfaits. Face à l'homme de puissance, l'homme de pouvoir, ne pouvant l'exercer tel qu'il le songe, est ramené à la vanité de son pouvoir et à l'inutilité de sa servitude et devient ainsi homme de la vengeance et dépit.

L'homme de puissance, au contraire, auquel, selon le mot de Nietzsche, «  il répugne de suivre autant que de guider », déroute les aspirations les plus faciles, à commencer par celles des idéologues qui sont au service du pouvoir, fût-il utopique. Le vingtième siècle, qui fut le grand siècle des idéologues, fut profus de ces discours qui, si contradictoires qu'ils paraissent, n'eurent jamais d'autre but que de nous priver de nos plus innocentes libertés ou de nous en punir. Successeurs des formes religieuses les plus asservissantes, de l'exotérisme dominateur le plus obtus, les idéologues, mus par la haine de tout mouvement libre, autrement dit, de l'âme elle-même, voulurent faire le Paradis ici-bas, mais sur les monceaux de cadavre de ceux qui croyaient l'avoir déjà trouvé humblement. Le propre des idéologies modernes, ce qu'elles ont de commun avec le pire des fondamentalismes religieux, - accordé, comme l'écrivit Ernst Jünger, au règne des Titans -, est, chaque fois, d'expliquer le divers par un seul de ses aspects et de l'y vouloir soumettre. Le multiple n'est plus alors l'émanation de l'Un, mais nié en tant que tel. Rien n'est moins plotinien que cette uniformisation qui méconnait les gradations entre l'Un et le Multiple, l'intelligible et le sensible.

daumier.pngQuoique vous pensiez, l'idéologue, successeur de l'Inquisiteur, sait mieux que vous pourquoi vous le pensez. Vos intuitions, vos aperçus, ne sont pour lui qu'une façon de vous classer dans telle ou telle catégorie plus ou moins répréhensible, selon qu'il vous jugera plus ou moins hostile ou utile à ce qu'il voudrait prévoir, établir, consolider, - le tout aboutissant généralement à de sinistres désastres et des champs de ruines.

N'attendons pas d'un idéologue que l'histoire lui soit de quelque enseignement, ni le réel, ni l'évidence; sa pensée n'est là que pour les nier. Ce qui est donné lui fait horreur; et le don en soi, cette preuve de puissance qui échappe aux logiques du calcul ou de l'utilité. Une forme d'humanité chafouine, abstraite, monomaniaque, contrôlée, punitive, triste, est l'horizon de cette volonté servie par le ressentiment, - ce diaballein. Nous y sommes presque, et de ne pas y être encore entièrement, mais d'en être si proches nous donne, ou devrait nous donner, à comprendre à quel irréparable nous sommes exposés, à quelle solitude effroyable nous serons livrés dans un monde parfaitement collectif et globalisé, et dont la laideur, en proie à la démesure, ne cessera de croître et de se répandre.

La beauté et la laideur, loin de n'intéresser que ceux que l'on nomme, de façon quelque peu condescendante, les « esthètes », sont d'abord des choses qui s'éprouvent. Pour subir l'influence profonde la beauté ou de la laideur, point n'est nécessaire d'avoir la capacité de les considérer ou de les estimer, et moins encore celle de les « expertiser ». On sait les Modernes, qui ratiocinent, ennemis de toutes les évidences. De vagues sophismes relativistes leur suffisent à intervertir la beauté et la laideur, à donner l'une pour l'autre, pour finir par nous dire qu'elles n'existent pas. L'art contemporain est, en grande partie, la spectaculaire représentation de ce relativisme vulgaire qui finit par accorder à la laideur et à l'insignifiance sa préférence, après nous avoir dit que « tout se vaut » et que « tous les hommes sont artistes », - sinon que certains sont plus habiles que d'autres à esbaudir le bourgeois et à capter les subventions publiques. La puissance de la beauté et le pouvoir de la laideur agissent sur l'âme. L'une la fait rayonner et chanter, l'autre l'assombrit, la rabougrit, l'aveulit et la livre au mutisme et au bruit, - ces mondes sans issues où dépérissent les Muses.

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A la puissance de la beauté s'oppose le pouvoir, exercice de la laideur. Celui qui vit dans la beauté d'un paysage ou d'une cité n'a nul besoin de se représenter cette beauté pour en recevoir l'influence bienfaitrice. De même que celui est condamné et livré à la laideur en subit l'influence sans la concevoir. Les poètes en eurent l'intuition: la beauté est antérieure. Elle vient d'avant, d'un outre-temps, ressac et réminiscence d'un monde à la naissance, là où l'Idée se forme et devient forme formatrice. L'antérieure beauté affleure dans la beauté présente; elle opère la passation entre ce qui fut et ce qui demeure; elle s'accomplit dans l'initiation, la naissance nouvelle éclose dans le regard auquel la beauté est offerte, non comme un spectacle mais comme une vérité intérieure.

Voici la puissance même, l'éclat du premier matin du monde, qui est de toujours, voici le temps où elle advint, le temps fécond, et non celui de l'usure, voici les hommes dont elle est favorisée, « les Forts, les Sereins, les Légers », dont parlait Stefan George, et que tout pouvoir vise à faire disparaître, mais qui persistent, vivaces, dans l'amitié fidèle que nous leur portons.

Luc-Olivier d'Algange

 

jeudi, 26 avril 2018

An Introduction To Power Through The Lens Of Bertrand de Jouvenel

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An Introduction To Power Through The Lens Of Bertrand de Jouvenel

In 1945, a remarkable book was published under the title On Power: The Natural History of its Growth[i] which at the time appears to have been well-received. The author, Bertrand de Jouvenel, would go on to become a founding member of the Mount Pelerin society two years later. Since then, it has not fared well, which is surprising when considering the depth and insight of the book.

The political theory of Jouvenel presented in On Power is one which provides an interpretation of human society and the role of power (especially the dominant centralizing power which is termed “Power”) as following certain imperatives dependent on the relative position of the actors in question. This conception of power is one which recognizes both the social nature of power as well as the expansionary nature of power. As Jouvenel writes:

The duality is irreducible. And it is through the interplay of these two antithetical principles that the tendency of Power is towards occupying an ever larger place in society; the various conjunctures of events beckon it on at the same time that its appetite is driving it to fresh pastures. Thus there ensues a growth of Power to which there is no limit, a growth which is fostered by more and more altruistic externals, though the motive-spring is still as always the wish to dominate.[ii]

jouvenel-190x320.pngIt is at this point that we can both thank Jouvenel for the model he provides and also reject his attempts to adapt this system of insights to a defense of mixed governance in book VI.[iii] While it is necessary to acknowledge the debt from Jouvenel, it is also just as important to explain exactly how and where further developments from Jouvenel depart from him in a manner which retains the coherence of his breakthrough while rejecting his adherence to a classical liberalism that in essence is a cultural artefact of the very same power conflict he uncovered.

The model, which we can adopt without the confusion provided by Jouvenel’s political affiliation, is one that shows that Power acts both for its own expansion and security, and also as a social process for the benefit of those who come under the purview of Power. With this rough basis, we can begin to view the development of governance in a more sophisticated manner and view a process which has been concealed by modern liberal theory; concealed by precisely those elements of modernity which demand that we view humans as self-interested agents working for primarily selfish means.

One only has to review the works of the liberal tradition, such as those of Thomas Hobbes, David Hume, or Adam Smith to see that the human agent in the modern liberal tradition is one which operates on an individual basis within a moral framework that takes the human agent as an anti-social entity. It is no surprise, then, that all liberal theory takes governance as at best a necessary evil to be maintained to avoid all out conflict (Hobbes) or as something to be rejected entirely as an immoral entity (various anarchisms). All aspects of modernity are tied together by these very same shared ethical assumptions to which all their theories must accord. If, contrary to the modern liberal tradition, the human agent is not an anti-social agent acting from individually determined self-interest, but is instead a social one, then we should see the actions of the human agent being in accordance not only with the individual’s circumstance based interest, but also with the perceived interest of the society within which the individual resides. This would hold just as much for subjects as it would for rulers. The tyrannical ruler of the modern liberal mind, randomly acting out of cruelty because they are unrestrained by checks and balances, would then prove to be a fiction.

The extended model that can be derived from Jouvenel is both exceptionally simple, yet of devastating importance. It is simply that in any given political configuration if there are multiple centers of power, then conflict will occur as the centers of power seek to both secure their position and pursue expansion, which will be done with the ostensible purpose of the good of society in mind. The dominant power center will become the central Power. This dominant Power will enlarge its remit and power not by direct physical conflict (which would in effect spell outright civil war), but through means presented (and seen by both the actors in power and those who benefit) as being beneficial to society overall.

The example of the expansion of the remit of the monarchs of Europe and its transformation into the modern state is presented by Jouvenel to demonstrate this model, and the picture painted is stark and repeatedly supported by historical record. As Jouvenel makes plainly clear, “It is true, no doubt, that Power could not make this progress but for the very real services which it renders and under cover of the hopes aroused by its displays of the altruistic side of its nature.”[iv]

For example:

To raise contributions, Power must invoke the public interest. It was in this way that the Hundred Years’ War, by multiplying the occasions on which the monarchy was forced to request the cooperation of the people, accustomed them in the end, after a long succession of occasional levies, to a permanent tax, and outcome which outlived the reasons for it. It was in this way, too, that the Revolutionary Wars provided the justification for conscriptions, even though the files of 1789 disclosed a unanimous hostility to its feeble beginning under the monarchy. Conscription achieved fixation. And so it is that times of danger, when Power takes action for the general safety, are worth much to it in accretion to its armoury, and these, when the crisis has passed, it keeps.[v]

Of course, it is not only in times of public danger when Power proceeds under the name of public interest. The direction of the monarch’s competition was not only towards external power centers to which overt war was socially permissible, but also internal competitors in the form of barons and lords to whom overt war was not permissible (generally). To them, a process which can best be described as a coalition of the high and low in society was in action. As Jouvenel notes regarding Power:

The growth of its authority strikes private individuals as being not so much a continual encroachment on their liberty, as an attempt to put down various petty tyrannies to which they have been subject. It looks as though the advance of the state is a means to the advance of the individual.[vi]

jouvenelpouvoirlp.jpgJouvenel further elaborates on this with the following: “the monarchy, through its lawyers, comes between the barons and their subjects; the purpose is to compel the former to limit themselves to the dues which are customary and to abstain from arbitrary taxation.”[vii]

The monarchy, then, engaged in this alliance with the common people due to the imperatives its relatively weak position foisted on it, and also as a means to ostensibly better govern. Monarchy was anything but a despotism which modern liberal propaganda post-enlightenment has presented it as, but rather a political structure under restraints which were genuine–a reality that we are blind to due to the shared assumptions provided by modernity, namely that we have passed from a period of darkness into the enlightenment of liberal governance. These assumptions were perpetuated by Power’s expansion.

It is here that we can move past Jouvenel and reflect further on the issue of personal liberty by refusing to be engaged in advocacy of classical liberalism, and by being aware of these assumptions of self-interest. We can then use his observation of this high-low alliance to make some startling assertions I believe are implicit in his work. The bases of these observations are provided by the following passage:

If the natural tendency of Power is to grow, and if it can extend its authority and increase its resources only at the expense of the notables, it follows that its ally for all times is the common people. The passion for absolutism is, inevitably, in conspiracy with the passion for equality.

History is one continuous proof of this; sometimes, however, as if to clarify this secular process, she concentrates it into a one-act play, such as that of the Doge Marino Falieri. So independent of the Doge were the Venetian nobility that Michel Steno could insult the Doge’s wife and escape punishment which was so derisory as to double the insult. Indeed, so far above the people’s heads was this nobility that Bertuccio Ixarello, a plebeian, was unable, in spite of his naval exploits, to obtain satisfaction for a box on the ear given by Giovanni Dandalo. According to the accepted story, Bertuccio came to the Doge and showed him the wound in his cheek from the patrician’s ring; shaming the Doge out of his inactivity, he said to him: “Let us join forces to destroy this aristocratic authority which thus perpetuates the abasement of my people and limits so narrowly your power.” The annihilation of the nobility would give to each what he wanted—to the common people equality, to Power absolutism. The attempt of Marino Falieri failed and he was put to death.

A like fate befell Jan van Barneveldt, whose case was the exact converse. In the history of the Netherlands we come across this same conflict between a prince wishing to increase his authority, in this case the Stadtholder of the House of Orange, and social authorities standing in his way, in this case the rich merchants and ship owners of Holland. William, commander-in-chief throughout thirty difficult and glorious years, was nearing the crown and had already refused it once, as did Caesar and Cromwell, when he was struck down by the hand of the assassin. Prince Maurice inherited his father’s prestige, added to it by victories of his own, and seemed about to reach the goal, when Barneveldt, having organised secretly a patrician opposition, put an end to Maurice’s ambitions by putting an end , through the conclusion of peace, to victories which were proving dangerous to the Republic. What did Maurice do then? He allied himself with the most ignorant of the preachers, who were, through fierce intolerance, the aptest to excite the passions of the lower orders: thanks to their efforts, he unleashed the mob at Barneveldt and cut off his head. This intervention by the common people enabled Maurice to execute the leader of the opposition to his own increasing power. That he did not gain the authority he sought was not due to any mistake in his choice of means, as was shown when one of his successors, William III, made himself at last master of the country by means of a popular rising, in which Jean de Witt, the Barneveldt of this period, had his throat cut.[viii]

It is a position without controversy to trace the origins of liberalism, classical liberalism, and modernity in general to Protestantism and the Reformation. If what Jouvenel outlines in the above passage and in the rest of On Power is correct, then it seems quite evident that the origins of Protestantism and its success is a result of these very same conflicts between these various power centers—something Jouvenel points to with his reference to equality being the ally of Power. It would seem that really equality and liberty are both in conspiracy with Power, for just what was the subsequent intellectual descendant of these “most ignorant preachers” but the liberal tradition proper? So, we have a conundrum. Jouvenel is writing in defense of a liberal political position which he is clearly demonstrating was propagated and favored by power actors in conflict with other power actors. The question we can ask ourselves at this juncture is: how does this accord with the accepted narrative of the development of liberalism? Because the radical implications presented by Jouvenel’s model are that this entire political and social paradigm was favored and propelled forward not by reasoned discourse and collective enlightenment, but in actuality as a result of its suitability and beneficial character in relation to the expansion of Power.

jouvelepolpur.jpgIn asking such a question, the focus of our attention must therefore shift from popular considerations of liberalism as a rational discourse conducted over many centuries to which the assent of reasonable and rational agents was won, to instead a consideration of it as being the result of institutional actions. In effect, we go from the Whig theory of history, Progress etc. to one which identifies modernity as the cultural result of institutional conflict.

Luckily, a great deal of work on this new interpretation of the historical development of liberalism has actually already been done, but the authors in question, like Jouvenel, have not fully understood the implications of their observations. Some of the more striking recent examples have included William T Cavanaugh’s The Myth of Religious Violence[ix] and Larry Siedentop’s Inventing the Individual[x] which both deal with the events leading up to the development of modern liberalism and beyond. Cavanaugh in particular is quite forceful in drawing the reader’s attention to the manner in which institutional conflict preceded the development of liberalism and the Reformation and Jouvenel beckons us to go deeper into this.

Citing the examples of Baruch Spinoza,Thomas Hobbes, and John Locke,[xi] who presented religious division as the cause of the conflicts of the Thirty Years War that led to liberalism, Cavanaugh notes that this narrative is without historical basis. More modern liberal thinkers have subsequently traced the birth of liberalism to the so-called religious conflicts of this period, with Cavanaugh citing Quintin Skinner, Jeffrey Stout, Judith Shklar and John Rawls as exemplifying it.[xii] The problem, as Cavanaugh takes pains to point out, is that the institutional changes which were supposed to have been ushered in as a result of the religious conflicts actually presaged them and caused them. To make matters worse, there is no clear division line between the denominations in the conflict. To bolster his argument, he provides ample examples of conflict occurring between states with the same denominations, as well as collaboration between differing denominations (including Catholic and Protestant states). The most trenchant observation is provided by the example of the conflict between Charles V and the Papacy:

As Richard Dunn points out, “Charles V’s soldiers sacked Rome, not Wittenberg, in 1527, and when the papacy belatedly sponsored a reform program, both the Habsburgs and the Valois refused to endorse much of it, rejecting especially those Trentine decrees which encroached on their sovereign authority.” The wars of the 1520s were part of the ongoing struggle between the pope and the emperor for control over Italy and over the church in German territories.[xiii]

Cavanaugh even manages to find a wonderful quote from Pope Julius III complaining of Henry II of France’s actions: “in the end, you are more than Pope in your kingdoms…I know no reason why you should wish to become schismatic.”[xiv] Clearly, those in positions of power had no problem seeing schism as a power play.

As such, we can see clearly the role of Jouvenel’s mechanism of power employing dissenting sects in the process of power expansion. The employment of schismatic sects and the promotion of what Jouvenel called “the most ignorant of the preachers”[xv] becomes an obvious means of extending the power of the power centers in question. This observation is supported by the thesis presented by Cavanaugh that the Reformation failed in those states that were advanced in the state’s absorption of ecclesiastical power:

It is unarguably the case that the reinforcement of ecclesiastical difference in early modern Europe was largely a project of state-building elites. As G. R. Elton bluntly puts it, “The Reformation maintained itself wherever the lay power (prince or magistrates) favoured it; it could not survive wherever the authorities decided to suppress it.”[xvi]

In contrast:

Where the Reformation succeeded was in England, Scandinavia, and many German principalities, where breaking with the Catholic Church meant that the church could be used to augment the power of the civil authorities. To cite one example, King Gustav Vasa welcomed the Reformation to Sweden in 1524 by transferring the receipt of tithes from the church to the Crown. Three years later, he appropriated the entire property of the church. As William Maltby notes, accepting Lutheranism both gave princes an ideological basis for resisting the centralizing efforts of the emperor and gave them the chance to extract considerable wealth from confiscated church properties.[xvii]

jouvelpoilpuiss.jpgAs for Larry Siedentop, his work on the history of the individual constantly gropes at outlining the mechanism Jouvenel provides, which is arguably the cause of the invention of the individual that he traces. There is no reason to assume that the mechanism of using the rhetoric of individualism and equality as a means to undermine competing power centers began with the Reformation, and Siedentop confirms it did not. It appears to be a constant of human political structure. Siedentop provides a point by point history of the process of the development of the concept of the individual as being a moral development driven by Church authorities and then by secular authorities (at which point we have liberalism). Siedentop does this by continually employing an understanding of early Christian European society as being essentially corporatist, with the Church engaging in a process of breaking down this feudal structure using fundamentally anarchist conceptions of society based on the invention of the individual. Siedentop’s account is essentially Jouvenelian without realizing it. We can even catch him making the Jouvenelian observation on ancient developments leading up to the invention of the individual:

The long period of aristocratic ascendancy in Greek and Italian cities, founded on the family and its worship, had already reduced kingship to a religious role, stripping kings of political authority. The reason for this is clear enough. Kings had frequently made common cause with the lower classes. They had formed alliances with clients and the plebs, directed against the power of the aristocracy. Challenged both from without (by a class which had no family worship or gods) and from within (by clients questioning the traditional ordering of the family), the aristocracy of the cities carried through a political revolution to avoid a social revolution.[xviii]

As with Jouvenel, we can see the process of centralization and individualization as a political structure-driven phenomena without the ideological adherence to liberalism; we are not making any moral claims here, merely noting an obvious systemic mechanism. Siedentop himself goes close to doing so himself as, for example, when he notes of early Christian Rome:

However, by the end of the third century one section of the urban elites embarked on a different course for dealing with the emperor and provincial governors, a course which drew on their Christian beliefs and enabled them to become the spokesmen of the lower classes. A new rhetoric served their bid for urban leadership. It was a rhetoric founded on ‘love of the poor’. Drawing on features of the Christian self-image—the church’s social inclusiveness, the simplicity of its message, its distrust of traditional culture and its welfare role—‘love of the poor’ made possible, Brown argues, a regrouping within the urban elites. It was a rhetoric that reflected and served an alliance between upper-class Christians and the bishops of cities, who were themselves often men of culture or paideia.

This new rhetoric was put to use ‘in the never ending task of exercising control within the city and representing its needs to the outside world.[xix]

Siedentop shows that the Bishop of the European cities promoted individualism contra the secular authorities, and that this was then taken forward with what he calls the Papal Revolution. The Papacy began a series of centralizing policies resulting in the creation of a bureaucracy around the papal office, which Siedentop claims was copied by secular authorities. This process brought the Papacy into a conflict with secular authorities that would ultimately lead to the Reformation, and Siedentop himself identifies that it was driven to a large degree by the dynamics of the Church’s position within the power centers of Western Europe:

The second half of the eleventh century saw dramatic change. Determined to define and defend the church as a distinct body within Christendom, and to protect its independence, popes began to make far more ambitious claims. They began to claim legal supremacy for the papacy within the church, what within a few decades would be described as the pope’s plenitude potestatis, his plenitude of power.[xx]

The significance of all of this is made clear by the following passage which brings us back to Cavanaugh:

By the mid-fifteenth century the papacy had – relying on the centralized administration that had been created since the twelfth century – regained control over the Church. The project of reform which the church had failed to carry through did not die, however. The cause of church reform was almost immediately taken up by secular rulers who drew their own conclusions from the series of frustrated general councils and the resurgence of papal pretensions. The French king, in the Pragmatic Sanction of Bourges (1438), and the German empire, at the Diet of Mayence in 1439, introduced greater autonomy and more collegiate government into national churches. But even these national reforms championed by secular rulers were soon abandoned as a result of papal pressure and diplomacy, returning the situation in the church, at least in appearance, to one of papal absolutism.

But it was only an appearance. For the project of reform, which had eluded both the leaders of the church and secular rulers, had now taken root among the people.

Was it mere chance that the fourteenth and fifteenth centuries saw such widespread popular agitation within the church, with Pietist movements in the Netherlands and Germany fostering a distrust of clerical authority, while the Lollards in England and the Hussites in Prague openly criticized the established church hierarchy, especially the papacy? In the eyes of John Wycliffe, leader of the Lollards, the church had lost its way, preoccupied with legal supremacy and the accumulation of wealth rather than the care of souls, its proper role. Wycliffe spoke for many across Europe when he called for translation of the scriptures into popular languages, so that they could be widely read and properly understood, giving people a basis for judging the claims of the clerical  establishment. The understanding of ‘authority’ was taking a dramatic turn, away from aristocracy towards democracy.[xxi]

jouvenelsov.jpgIt clearly wasn’t mere chance that this popular agitation occurred; it was clearly encouraged and allowed space by the secular rulers. It was the result of competing power centers wresting control from one another. The tool of individualizing was taken from the Church’s hands and used against it. Jouvenel implies that these preachers would have had institutional support. And in the case of John Wycliffe, he had the powerful sponsorship of John of Gaunt, the de facto king of England. This has puzzled historians greatly, but it does not puzzle us. As for Jan Hus, we have the Archbishop of Prague Zbyněk Zajíc and then King Wenceslaus IV. It seems to be a general law that all of these anti-clerical reformists were also pro-secular government and under the protection of patrons in the process of centralizing power and in chronic conflict with ecclesiastical authorities. They all ended in confiscation of Church property. Both Martin Luther and William of Ockham provide excellent additional examples.

The startling issue we now must face is that not only does Jouvenel indicate that the role of power in undermining other power centers by encouraging equality and individualism continues back in history, but it also continues forward to the present. Can it be that the history of the West and the history of liberalism is the ever increasing growth of centralizing power and not simply a moral development following reason? Was the later secularizing of this Christian project of ‘individualizing’ that is embodied in the Enlightenment successful in providing a ground from which to account for the ethical value of this development? Or is it largely a rather mindless result of power conflicts with secular authorities selecting the nearest theories, in order to provide a sheen of legitimacy for their actions?

Given this framework in mind, the fundamental issue is: at what point does this process become harmful and outright suicidal? Moreover, now being aware of this process, may we not look on the events currently occurring in our society and not identify which current iterations of this ‘individualizing’ are symptomatic of raw unnecessary conflict? Which are clearly without any reason?

We can then see that this Jouvenelian mechanism raises far-ranging and profound questions. It is neither Marxist, nor liberal, but instead concentrates on the role of power centers, or competing authorities, as being the drivers of cultural developments under their purview. The relations, imperatives, and motives of these centers then become key and from this we can begin to build a whole new political theory which is unlike any currently in existence.

It has profound applications.



Citations:

[i]Bertrand de Jouvenel, On Power: Its Nature and the History of Its Growth, (USA: Beacon Press Boston, 1962).

[ii]Ibid.,119.

[iii]Ibid.,283.

[iv]Ibid.,128.

[v]Ibid.,129.

[vi]Ibid.,130.

[vii]Ibid.,167.

[viii]Ibid.,178-79.

[ix]William T. Cavanaugh,The Myth of Religious Violence: Secular Ideology and the Roots of Modern Conflict (Oxford: Oxford University Press, 2009).

[x]Larry Siedentop, Inventing the Individual: The Origins of Western Liberalism (Cambridge: Belknap Harvard University Press, 2014).

[xi]Cavanaugh, The Myth of Religious Violence, 124-27.

[xii]Ibid.,130.

[xiii]Ibid.,143.

[xiv]Ibid.,167.

[xv]Jouvenel, On Power, 179.

[xvi] Cavanaugh, The Myth of Religious Violence, 168.

[xvii]Ibid.,167.

[xviii]Ibid., 29.

[xix]Siedentop, Inventing the Individual, 82.

[xx]Ibid.,201.

[xxi]Ibid.,330.

vendredi, 29 septembre 2017

Thor v. Waldstein – Macht und Öffentlichkeit

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Thor v. Waldstein – Macht und Öffentlichkeit

Vom 15. bis 17. September 2017 fand in Schnellroda die 18. Sommerakademie des Instituts für Staatspolitik statt. Thema war, passend zur unmittelbar bevorstehenden Bundestagswahl am 24. September, die »Parteienherrschaft«. Rechtsanwalt und Autor Dr. Dr. Thor v. Waldstein sprach über die Frage nach dem Verhältnis zwischen »Macht und Öffentlichkeit«. Beachten Sie auch Thor v. Waldsteins thematisch ergänzenden Vortrag über »Metapolitik und Parteipolitik«!
 
Hier entlang zum Mitschnitt: https://www.youtube.com/watch?v=iQSIT...
 
Weitere Informationen im Netz unter: http://staatspolitik.de
 

vendredi, 04 novembre 2016

Soft power, hard power et smart power: le pouvoir selon Joseph Nye

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Soft power, hard power et smart power: le pouvoir selon Joseph Nye

Recension:
The Future of Power
Éditeur : PublicAffairs
320 pages / 12,97 € sur
 
Résumé : Avec ce nouvel ouvrage, l'internationaliste américain poursuit sa réflexion sur la notion du pouvoir étatique au XXIe siècle. Après avoir défini le soft et le smart power , comment Joseph Nye voit-il le futur du pouvoir ?
 
Ex: http://www.nonfiction.fr

Nye.jpgEn Relations Internationales, rien n'exprime mieux le succès d'une théorie que sa reprise par la sphère politique. Au XXIe siècle, seuls deux exemples ont atteint cet état : le choc des civilisations de Samuel Huntington et le soft power de Joseph Nye. Deux théories américaines, reprises par des administrations américaines. Deux théories qui, de même, ont d'abord été commentées dans les cercles internationalistes, avant de s'ouvrir aux sphères politiques et médiatiques.

Le soft power comme réponse au déclinisme

Joseph Nye, sous-secrétaire d'Etat sous l'administration Carter, puis secrétaire adjoint à la Défense sous celle de Bill Clinton, avance la notion de soft power dès 1990 dans son ouvrage Bound to Lead. Depuis, il ne cesse de l'affiner, en particulier en 2004 avec Soft Power: The Means to Success in World Politics. Initialement, le soft power, tel que pensé par Nye, est une réponse à l'historien britannique Paul Kennedy qui, en 1987, avance que le déclin américain est inéluctable . Pour Nye, la thèse de Kennedy est erronée ne serait-ce que pour une raison conceptuelle : le pouvoir, en cette fin du XXe siècle, a muté. Et il ne peut être analysé de la même manière aujourd'hui qu'en 1500, date choisie par Robert Kennedy comme point de départ de sa réflexion. En forçant le trait, on pourrait dire que l'Etat qui aligne le plus de divisions blindées ou de têtes nucléaires n'est pas forcément le plus puissant. Aucun déclin donc pour le penseur américain, mais plus simplement un changement de paradigme.

Ce basculement de la notion de puissance est rendu possible grâce au concept même de soft power. Le soft, par définition, s'oppose au hard, la force coercitive, militaire le plus généralement, mais aussi économique, qui comprend la détention de ressources naturelles. Le soft, lui, ne se mesure ni en « carottes » ni en « bâtons », pour reprendre une image chère à l'auteur. Stricto sensu, le soft power est la capacité d'un Etat à obtenir ce qu'il souhaite de la part d'un autre Etat sans que celui-ci n'en soit même conscient (« Co-opt people rather than coerce them » ).

Time to get smart ?

Face aux (très nombreuses) critiques, en particulier sur l'efficacité concrète du soft power, mais aussi sur son évaluation, Joseph Nye va faire le choix d'introduire un nouveau concept : le smart power. La puissance étatique ne peut être que soft ou que hard. Théoriquement, un Etat au soft power développé sans capacité de se défendre militairement au besoin ne peut être considéré comme puissant. Tout au plus influent, et encore dans des limites évidentes. A l'inverse, un Etat au hard power important pourra réussir des opérations militaires, éviter certains conflits ou imposer ses vues sur la scène internationales pour un temps, mais aura du mal à capitaliser politiquement sur ces « victoires ». L'idéal selon Nye ? Assez logiquement, un (savant) mélange de soft et de hard. Du pouvoir « intelligent » : le smart power.

Avec son dernier ouvrage, The Future of Power, Joseph Nye ne révolutionne pas sa réflexion sur le pouvoir. On pourrait même dire qu'il se contente de la récapituler et de se livrer à un (intéressant) exercice de prospective... Dans une première partie, il exprime longuement sa vision du pouvoir dans les relations internationales (chapitre 1) et s'attache ensuite à différencier pouvoir militaire (chapitre 2), économique (chapitre 3) et, bien sûr, soft power (chapitre 4). La seconde partie de l'ouvrage porte quant à elle sur le futur du pouvoir (chapitre 5), en particulier à l'aune du « cyber » (internet, cyber war et cyber attaques étatiques ou provenant de la société civile, etc.). Dans son 6e chapitre, Joseph Nye en revient, une fois encore, à la question, obsédante, du déclin américain. La littérature qu'il a déjà rédigée sur le sujet ne lui semblant sûrement pas suffisante, Joseph Nye reprend donc son bâton de pèlerin pour nous expliquer que non, décidément, les Etats-Unis sont loin d'être en déclin.

Vers la fin des hégémonies

Et il n'y va pas par quatre chemins : la fin de l'hégémonie américaine ne signifie en rien l'abrupte déclin de cette grande puissance qui s'affaisserait sous propre poids, voire même chuterait brutalement. La fin de l'hégémonie des Etats-Unis est tout simplement celle du principe hégémonique, même s'il reste mal défini. Il n'y aura plus de Rome, c'est un fait. Cette disparation de ce principe structurant des relations internationales est la conséquence de la revitalisation de la sphère internationale qui a fait émerger de nouveaux pôles de puissance concurrents des Etats-Unis. De puissants Etats commencent désormais à faire entendre leur voix sur la scène mondiale, à l'image du Brésil, du Nigeria ou encore de la Corée du sud, quand d'autres continuent leur marche forcée vers la puissance comme la Chine, le Japon et l'Inde. Malgré cette multipolarité, le statut prééminent des Etats-Unis n'est pas en danger. Pour Joseph Nye, un déclassement sur l'échiquier n'est même pas une possibilité envisageable et les différentes théories du déclin américain nous apprendraient davantage sur la psychologie collective que sur des faits tangibles à venir. « Un brin de pessimisme est simplement très américain » ) ose même ironiser l'auteur.

Même la Chine ne semble pas, selon lui, en mesure d'inquiéter réellement les Etats-Unis. L'Empire du milieu ne s'édifiera pas en puissance hégémonique, à l'instar des immenses empires des siècles passés. Selon lui, la raison principale en est la compétition asiatique interne, principalement avec le Japon. Ainsi, « une Asie unie n'est pas un challenger plausible pour détrôner les Etats-Unis » affirme-t-il ). Les intérêts chinois et japonais, s'ils se recoupent finalement entre les ennemis intimes, ne dépasseront pas les antagonismes historiques entre les deux pays et la Chine ne pourra projeter l'intégralité de sa puissance sur le Pacifique, laissant ainsi une marge de manœuvre aux Etats-Unis. Cette réflexion ne prend cependant pas en compte la dimension involontaire d'une union, par exemple culturelle à travers les cycles d'influence mis en place par la culture mondialisée . Enfin, la Chine devra composer avec d'autres puissances galopantes, telle l'Inde. Et tous ces facteurs ne permettront pas à la Chine, selon Joseph Nye, d'assurer une transition hégémonique à son profit. Elle défiera les Etats-Unis sur le Pacifique, mais ne pourra prétendre porter l'opposition sur la scène internationale.

De la stratégie de puissance au XXIe siècle

Si la fin des alternances hégémoniques, et tout simplement de l'hégémonie, devrait s'affirmer comme une constante nouvelle des relations internationales, le XXIe siècle ne modifiera pas complètement la donne en termes des ressources et formes de la puissance. La fin du XXe siècle a déjà montré la pluralité de ses formes, comme avec le développement considérable du soft power via la culture mondialisée, et les ressources, exceptées énergétiques, sont pour la plupart connues. Désormais, une grande puissance sera de plus en plus définie comme telle par la bonne utilisation, et non la simple possession, de ses ressources et vecteurs d'influence. En effet, « trop de puissance, en termes de ressources, peut être une malédiction plus qu'un bénéfice, si cela mène à une confiance excessive et des stratégies inappropriées de conversion de la puissance » ).

softpoweer14DUBNWQEL.jpgDe là naît la nécessité pour les Etats, et principalement les Etats-Unis, de définir une véritable stratégie de puissance, de smart power. En effet, un Etat ne doit pas faire le choix d'une puissance, mais celui de la puissance dans sa globalité, sous tous ses aspects et englobant l'intégralité de ses vecteurs. Ce choix de maîtriser sa puissance n'exclue pas le recours aux autres nations. L'heure est à la coopération, voire à la copétition, et non plus au raid solitaire sur la sphère internationale. Même les Etats-Unis ne pourront plus projeter pleinement leur puissance sans maîtriser les organisations internationales et régionales, ni même sans recourir aux alliances bilatérales ou multilatérales. Ils sont voués à montrer l'exemple en assurant l'articulation politique de la multipolarité. Pour ce faire, les Etats-Unis devront aller de l'avant en conservant une cohésion nationale, malgré les déboires de la guerre en Irak, et en améliorant le niveau de vie de leur population, notamment par la réduction de la mortalité infantile. Cohésion et niveau de vie sont respectivement vus par l'auteur comme les garants d'un hard et d'un soft power durables. A contrario, l'immigration, décriée par différents observateurs comme une faiblesse américaine, serait une chance pour l'auteur car elle est permettrait à la fois une mixité culturelle et la propagation de l'american dream auprès des populations démunies du monde entier.

En face, la Chine, malgré sa forte population, n'a pas la chance d'avoir de multiples cultures qui s'influencent les unes les autres pour soutenir son influence culturelle. Le soft power américain, lui, a une capacité de renouvellement inhérente à l'immigration de populations, tout en s'appuyant sur « [des] valeurs [qui] sont une part intrinsèque de la politique étrangère américaine »(« values are an intrinsic part of American foreign policy » (p.218))). Ces valeurs serviront notamment à convaincre les « Musulmans mondialisés »  de se ranger du côté de la démocratie, plutôt que d'Etats islamistes. De même, malgré les crises économiques et les ralentissements, l'économie américaine, si elle ne sert pas de modèle, devra rester stable au niveau de sa production, de l'essor de l'esprit d'entreprise et surtout améliorer la redistribution des richesses sur le territoire. Ces enjeux amèneront « les Etats-Unis [à]redécouvrir comment être une puissance intelligente » ).

Le futur du pouvoir selon Joseph Nye

L'ouvrage de Joseph Nye, s'il apporte des éléments nouveaux dans la définition contemporaine de la puissance, permet également d'entrevoir le point de vue d'un Américain - et pas n'importe lequel... - sur le futur des relations internationales. L'auteur a conscience que « le XXIe siècle débute avec une distribution très inégale [et bien évidemment favorable aux Etats-Unis] des ressources de la puissance » ). Pour autant, il se montre critique envers la volonté permanente de contrôle du géant américain. Certes, les forces armées et l'économie restent une nécessité pour la projection du hard power, mais l'époque est à l'influence. Et cette influence, si elle est en partie culturelle, s'avère être aussi politique et multilatérale. Le soft power prend du temps dans sa mise-en-œuvre, notamment lorsqu'il touche aux valeurs politiques, telle la démocratie. Ce temps long est gage de réussite, pour Joseph Nye, à l'inverse des tentatives d'imposition par Georges Bush Junior, qui n'avait pas compris que « les nobles causes peuvent avoir de terribles conséquences » ).

Dans cette quête pour la démocratisation et le partage des valeurs américaines, la coopération interétatique jouera un rôle central. Pour lui, les Etats-Unis sont non seulement un acteur majeur, mais ont surtout une responsabilité directe dans le développement du monde. La puissance doit, en effet, permettre de lutter pour ses intérêts, tout en relevant les grands défis du XXIe siècle communs à tous, comme la gestion de l'Islam politique et la prévention des catastrophes économiques, sanitaires et écologiques. Les Etats-Unis vont ainsi demeurer le coeur du système international et, Joseph Nye d'ajouter, « penser la transition de puissance au XXIe siècle comme la conséquence d'un déclin des Etats-unis est inexact et trompeur [...] L'Amérique n'est pas en absolu déclin, et est vouée à rester plus puissant que n'importe quel autre Etat dans les décennies à venir » ).

Comment dès lors résumer le futur des relations internationales selon Joseph Nye ? Les Etats-Unis ne déclineront pas, la Chine ne les dépassera pas, des Etats s'affirmeront sur la scène mondiale et le XXIe siècle apportera son lot d'enjeux sans pour autant mettre à mal le statut central des Etats-Unis dans la coopération internationale. Dès lors, à en croire l'auteur, le futur de la puissance ne serait-il pas déjà derrière nous ?

 
Théo CORBUCCI, Pierre-William FREGONESE

mercredi, 18 juin 2014

Reprendre le pouvoir selon Pierre Boutang (1977)

Reprendre le pouvoir selon Pierre Boutang (1977)

boutangportrait1.jpg« Une théorie du pou­voir asso­ciée à une foi poli­tique doit prévoir quelle entropie elle peut sup­porter et ris­quer, et quelle « néguen­tropie » elle apporte avec elle, comme toute déci­sion vivante. Il doit — on est tenté de dire il va — y avoir un moment où sur­vivre dans cet état de pour­ri­t­ure appa­raî­tra, dans un éclair comme indigne et impos­si­ble. Cette prévi­sion ne dif­fère de celle des marx­istes que par les sujets de l’impossibilité vécue : là où les marx­istes les délim­i­taient comme pro­lé­tariat vic­time du salariat, nous recon­nais­sons en eux les Français (et les diverses nations d’Europe selon une modal­ité par­ti­c­ulière), en tant qu’hommes empêchés de vivre naturelle­ment, soumis à des objec­tifs étatiques tan­tôt fous, tan­tôt criminels.


Quelques-uns parmi eux, sont capa­bles de guet­ter la con­jonc­tion libéra­trice, mais, à l’instant élu la com­mu­nauté tout entière, par l’effet de l’universelle agres­sion qu’elle a subie, peut être capa­ble de con­sen­tir à la déci­sion d’initier un nou­vel âge héroïque. Il ne sera certes pas celui des philosophes, nou­veaux ni anciens. Les philosophes, s’ils se délivrent de leur préjugé que l’Esprit doit être sans puis­sance et que tout pou­voir est mau­vais y pour­ront jouer un rôle moins absurde, finale­ment que celui de Pla­ton à Syra­cuse. Quant aux spir­ituels, c’est l’un d’eux, Mar­tin Buber, qui prophéti­sait la bonne mod­i­fi­ca­tion du pou­voir en un nou­vel âge :

« Je vois mon­ter à l’horizon avec la lenteur de tous les proces­sus dont se com­pose la vraie his­toire de l’homme, un grand mécon­tente­ment qui ne ressem­ble à aucun de ceux que l’on a con­nus jusqu’ici. On ne s’insurgera plus seule­ment, comme dans le passé, con­tre le règne d’une ten­dance déter­minée, pour faire tri­om­pher d’autres ten­dances. On s’insurgera pour l’amour de l’authenticité dans la réal­i­sa­tion con­tre la fausse manière de réaliser une grande aspi­ra­tion de l’aspiration à la com­mu­nauté. On lut­tera con­tre la dis­tor­sion et pour la pureté de la forme, telle que l’ont vu les généra­tions de la foi et de l’espoir. »

Un « nou­veau Moyen Âge » comme l’ont entrevu Berdia­eff et Chester­ton ? […] Sûre­ment : une manière de ren­dre vaine l’opposition de l’individualisme et du col­lec­tivisme, telle qu’en usent, pour leurs cour­tes ambi­tions, les bar­bares et les fre­lu­quets. L’âge des héros rebâtira un pou­voir ; il n’est pas de grand siè­cle du passé qui ne se soit donné cette tâche même aux âges sim­ple­ment humains, où les familles, lassées de grandeur, con­fi­aient à quelque César leur des­tin, à charge de main­tenir le droit com­mun, le pou­voir recon­struit gar­dait quelque saveur du monde précé­dent. Notre société n’a que des ban­ques pour cathé­drales ; elle n’a rien à trans­met­tre qui jus­ti­fie un nou­vel « appel aux con­ser­va­teurs » ; il n’y a, d’elle pro­pre­ment dite, rien à con­server. Aussi sommes-nous libres de rêver que le pre­mier rebelle, et servi­teur de la légitim­ité révo­lu­tion­naire, sera le Prince chré­tien. »


Repren­dre le pou­voir, Pierre Boutang, 1977.

vendredi, 30 décembre 2011

Secular Theocracy: The Foundations and Folly of Modern Tyranny

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Secular Theocracy: The Foundations and Folly of Modern Tyranny

 by David J. Theroux

 Ex: http://www.attackthesystem.com/

 We live in an increasingly secularized world of massive and pervasive nation states in which traditional religion, especially Christianity, is ruled unwelcome and even a real danger on the basis of a purported history of intolerance and “religious violence.” This is found in most all “public” domains, including the institutions of education, business, government, welfare, transportation, parks and recreation, science, art, foreign affairs, economics, entertainment, and the media. A secularized public square policed by government is viewed as providing a neutral, rational, free, and safe domain that keeps the “irrational” forces of religion from creating conflict and darkness. And we are told that real progress requires expanding this domain by pushing religion ever backward into remote corners of society where it has little or no influence. In short, modern America has become a secular theocracy with a civic religion of national politics (nationalism) occupying the public realm in which government has replaced God.

For the renowned Christian scholar and writer C.S. Lewis, such a view was fatally flawed morally, intellectually, and spiritually, producing the twentieth-century rise of the total state, total war, and mega-genocides. For Lewis, Christianity provided the one true and coherent worldview that applied to all human aspirations and endeavors: “I believe in Christianity as I believe that the sun has risen, not only because I see it, but because by it I see everything else.” (The Weight of Glory)[1]

In his book, The Discarded Image, Lewis revealed that for Medieval Christians, there was no sacred/secular divide and that this unified, theopolitical worldview of hope, joy, liberty, justice, and purpose from the loving grace of God enabled them to discover the objective, natural-law principles of ethics, science, and theology, producing immense human flourishing. [2] Lewis described the natural law as a cohesive and interconnected objective standard of right behavior:

This thing which I have called for convenience the Tao, and which others may call Natural Law or Traditional Morality or the First Principles of Practical Reason or the First Platitudes, is not one among a series of possible systems of value. It is the sole source of all value judgements. If it is rejected, all values are rejected. If any value is retained, it is retained. The effort to refute it and raise a new system of value in its place is self-contradictory. There has never been, and never will be, a radically new judgement of value in the history of the world. What purport to be new systems or (as they now call them) “ideologies,” all consist of fragments from the Tao itself. Arbitrarily wrenched from their context in the whole and then swollen to madness in their isolation, yet still owing to the Tao and to it alone such validity as they possess. If my duty to my parents is a superstition, then so is my duty to posterity. If justice is a superstition, then so is my duty to my country or my race. If the pursuit of scientific knowledge is a real value, then so is conjugal fidelity. (The Abolition of Man)[3]

And in his recent book, The Victory of Reason, Rodney Stark has further shown “How Christianity Led to Freedom, Capitalism, and the Success of the West.”[4] Similarly and prior to the rise of the secular nation-state in America, Alexis de Tocqueville documented in his 1835 volume, Democracy in America, the remarkable flexibility, vitality and cohesion of Christian-rooted liberty in American society with business enterprises, churches and aid societies, covenants and other private institutions and communities.[5]

In his book, The Myth of Religious Violence: Secular Ideology and the Roots of Modern Conflict, William Cavanaugh similarly notes that for Augustine and the ancient world, religion was not a distinct realm separate from the secular. The origin of the term “religion” (religio) came from Ancient Rome (re-ligare, to rebind or relink) as a serious obligation for a person in the natural law (“religio for me”) not only at a shrine, but also in civic oaths and family rituals that most westerners would today consider secular. In the Middle Ages, Aquinas further viewedreligio not as a set of private beliefs but instead a devotion toward moral excellence in all spheres.[6]

However in the Renaissance, religion became viewed as a “private” impulse, distinct from “secular” politics, economics, and science.[7] This “modern” view of religion began the decline of the church as the public, communal practice of the virtue of religio. And by the Enlightenment, John Locke had distinguished between the “outward force” of civil officials and the “inward persuasion” of religion. He believed that civil harmony required a strict division between the state, whose interests are “public,” and the church, whose interests are “private,” thereby clearing the public square for the purely secular. For Locke, the church is a “voluntary society of men,” but obedience to the state is mandatory.[8]

The subsequent rise of the modern state in claiming a monopoly on violence, lawmaking, and public allegiance within a given territory depended upon either absorbing the church into the state or relegating the church to a private realm. As Cavanaugh notes:

Key to this move is the contention that the church’s business is religion. Religion must appear, therefore, not as what the church is left with once it has been stripped of earthly relevance, but as the timeless and essential human endeavor to which the church’s pursuits should always have been confined…. In the wake of the Reformation, princes and kings tended to claim authority over the church in their realms, as in Luther’s Germany and Henry VIII’s England…. The new conception of religion helped to facilitate the shift to state dominance over the church by distinguishing inward religion from the bodily disciplines of the state.[9]

For Enlightenment figures like Jean-Jacques Rousseau who dismissed natural law, “civic religion” as in democratic regimes “is a new creation that confers sacred status on democratic institutions and symbols.”[10]And in their influential writings, Edward Gibbon and Voltaire claimed that the wars of religion in the sixteenth and seventeenth centuries were “the last gasp of medieval barbarism and fanaticism before the darkness was dispelled.”[11] Gibbon and Voltaire believed that after the Reformation divided Christendom along religious grounds, Protestants and Catholics began killing each other for more than a century, demonstrating the inherent danger of “public” religion. The alleged solution was the modern state, in which religious loyalties were upended and the state secured a monopoly of violence. Henceforth, religious fanaticism would be tamed, uniting all in loyalty to the secular state. However, this is an unfounded “myth of religious violence.” The link between state building and war has been well documented, as the historian Charles Tilly noted, “War made the state, and the state made war.”[12] In the actual period of European state building, the most serious cause of violence and the central factor in the growth of the state was the attempt to collect taxes from an unwilling populace with local elites resisting the state-building efforts of kings and emperors. The point is that the rise of the modern state was in no way the solution to the violence of religion. On the contrary, the absorption of church into state that began well before the Reformation was crucial to the rise of the state and the wars of the sixteenth and seventeenth centuries.

Nevertheless, Voltaire distinguished between “state religion” and “theological religion” of which “A state religion can never cause any turmoil. This is not true of theological religion; it is the source of all the follies and turmoils imaginable; it is the mother of fanaticism and civil discord; it is the enemy of mankind.”[13]  What Rousseau proposed instead was to supplement the purely “private” religion of man with a civil or political religion intended to bind the citizen to the state: “As for that man who, having committed himself publicly to the state’s articles of faith, acts on any occasion as if he does not believe them, let his punishment be death. He has committed the greatest of all crimes: he has lied in the presence of the laws.”[14]

As a result, the Enlightenment set in motion what has become today’s secular theocracy that is authoritarian and hypocritical for not just its denial of moral condemnation of secular violence, but its exaltation of such violence as highly praiseworthy.


[1] C.S. Lewis, “Is Theology Poetry?” in The Weight of Glory and Other Addresses (San Francisco: HarperOne, 2001).

[2] C.S. Lewis, The Discarded Image: An Introduction to Medieval and Renaissance Literature (New York, Cambridge University Press, 1994).

[3] C.S. Lewis, The Abolition of Man (San Francisco: HarperOne, 1974), 44.

[4] Rodney Stark, The Victory of Reason: How Christianity Led to Freedom, Capitalism, and Western Success (New York: Random House, 2006).

[5] Alexis de Tocqueville, Democracy in America, trans. Delba Winthrop (Chicago: University of Chicago Press, 2002).

[6] William T. Cavanaugh, The Myth of Religious Violence: Secular Ideology and the Roots of Modern Conflict (Oxford: Oxford University Press, 2009), 62–68.

[7] Ibid, 70.

[8] Ibid, 79–83.

[9] Ibid, 83–84.

[10] Ibid, 113.

[11] Ibid, 127.

[12] Charles Tilly, “Reflections on the History of European State-Making,” in The Formation of National States in Western Europe, ed. Charles Tilly (Princeton, N.J.: Princeton University Press, 1975), 42.

[13] Cavanaugh, 128.

[14] Jean-Jacques Rousseau, The Social Contract, trans. Willmoore Kendall (South Bend, IN: Gateway, 1954), 149.

 


David J. Theroux is the Founder, President and Chief Executive Officer of The Independent Institute and Publisher of The Independent Review.

samedi, 05 juin 2010

Algo sobre el poder y el poderoso

Algo sobre el poder y el poderoso

Alberto Buela (*)

A Germán Spano, que me lo obsequió

 

Se reeditó recientemente el pequeño Diálogo sobre el poder y acceso al poderoso del iusfilósofo alemán Carl Schmitt, que fuera publicado tanto en Alemania como en España en 1954[1], y que naciera como un diálogo radiofónico, que en un principio tendría el autor y el politólogo francés Raymond Arón o el sociólogo Helmut Schelsky o el filósofo Arnold Gehlen, pero los tres se rehusaron. Claro está la demonización mediática que pesaba sobre Schmitt era tal que cuando en el semanario Die Zeit, su jefe de redacción escribe a propósito del Diálogo: “En la República Federal de Alemania, el gran jurísta Carl Schmitt es una figura controvertida. Sin embargo, incluso sus enemigos deberían prestar atención cuando hace observaciones originales y sagaces…Nadie que se proponga escribir sobre el poder debería abordar el tema sin haber leído el texto de Carl Schmitt”(N° 9 del 2/7/54), al jefe de redacción lo echaron del trabajo y le prohibieron la entrada al edificio.

 

La naturaleza del poder

 

Se trata de hablar específicamente del poder que ejercen los hombres sobre otros hombres, pues el poder no procede ni de la naturaleza ni de Dios, al menos para la sociedad desacralizada de nuestro tiempo.

El poder establece una relación de mando-obediencia entre los hombres que cuando desaparece la obediencia, desparece el poder. Se puede obedecer por confianza, por temor, por esperanza, por desesperación que se busca junto al poder, pero “la relación entre protección y obediencia sigue siendo la única explicación para el poder”.

 

El acceso al poderoso

 

Como todo poder directo está sujeto a influencias indirectas, quien presenta un proyecto al poderoso, quien lo informa, quien lo ayuda o asesora ya participa del poder. Esto ha desvelado a los hombres que en el mundo han ejercido poder directo. Existen cientos de anécdotas al respecto, de cómo los poderosos han tratado de romper el círculo de influencias indirectas que los rodeaban. “Delante de cada espacio de poder directo se forma una antesala de influencias y poderes indirectos, un acceso al oído, un pasaje a la psique del poderoso”. Y cuanto más concentrado está ese poder en una cima, más se agudiza la cuestión del acceso a la cima. Más violenta y sorda se vuelve la lucha de aquellos que están en la antesala y controlan el pasaje al poder directo.

Quienes tienen  acceso al poder ya participan del poder y como consecuencia no permiten u obstruyen el acceso de otros al poder. En una palabra, el poder no se comparte, solo se ejerce.

 

Maldad o bondad del poder

 

Si el poder que ejercen los hombres entre sí no procede de la naturaleza ni de Dios sino es una cuestión de relación entre los hombres ¿es bueno, es malo, o qué es?, se pregunta.

Para la mayoría de los hombres el poder es bueno cuando lo ejerce uno y malo cuando lo ejerce su enemigo. El poder no hace a los hombres buenos o malos sino que cuando se ejerce muestra en sus acciones si el poderoso es bueno o malo, que es otra cosa distinta.

Para San Pablo todo poder viene de Dios, y para San Gregorio Magno la voluntad de poder es mala, pero el poder en sí mismo siempre es bueno.

Pero actualmente la mayoría de las personas siguen el criterio expresado por Jacobo Burckhardt que “el poder en sí mismo es malo”. Lo paradójico que esto fue escrito a partir de los gobiernos de Luís XIV, Napoleón y los gobiernos populares revolucionarios surgidos a partir de la Revolución Francesa. Es decir, que en plena época del humanismo laico, de los derechos humanos del hombre y el ciudadano se difunde la universal convicción de que el poder es malo.

 

A que se debe este cambio de ciento ochenta grados en la concepción del poder que pasó de bueno hasta finales del siglo XVIII, a malo hasta nuestros días.

El avance exponencial de la técnica, transformada luego en tecnología y finalmente en tecnocracia ha hecho que sus productos se desprendan del control del hombre y por lo tanto el poderoso no puede asegurar la protección que supone el tener poder sobre aquellos que le obedecen. Se supera así la relación protección obediencia que caracteriza la naturaleza del poder.

El poder es se ha transformado en algo objetivo más fuerte que el hombre que lo emplea.

El concepto de hombre ha cambiado y es vivido como más peligroso que cualquier otro animal, es el homo homini lupus de Hobbes, autor reverenciado por Schmitt.

 

Nota bene:

Sin cuestionar la excelencia de este brevísimo diálogo, quisiéramos observar que aun cuando Schmitt quiere hablar sobre el poder en general, se limita sin quererlo al poder político pues no tiene en cuenta el poder que nace de la autoridad, esto es el poder que nace del saber o conocer algo en profundidad y que pueda ser enseñado. No es por obediencia, al menos primariamente, que un discípulo se acerca a un verdadero maestro, ni por protección que un maestro ejerce su profesión, sino en busca de la transmisión genuina del saber.

Es que la obediencia a la autoridad se funda en el saber de dicha autoridad, y no en la mayor o menor protección que pueda brindar dicha autoridad.

 

(*) arkegueta- UTN(Universidad Tecnológica Nacional)

alberto.buela@gmail.com

 



[1] Revista de estudios políticos N° 78, Madrid, 1954

jeudi, 25 mars 2010

H. de Sy: De middelen van de macht - De machtigen onderdrukken het debat

leviathan_gr1.jpgHubert de Sy:
DE MIDDELEN VAN DE MACHT

De machtigen onderdrukken het debat

Het ligt voor de hand dat een staat die zich bedreigd voelt in zijn bestaan zelf, alle hens aan dek roept voor de verdediging van de positie en belangen van de gegadigde machtshebbers ervan. In eerste instantie van de monarchie en de uitgebreide koninklijke familie, maar tevens van de politieke, maatschappelijke en financiële omgeving ervan. Een elitaire kring die in het journalistiek en sociologisch jargon benoemd wordt als ‘establishment’ of ‘machtsconsortium’.


1.- De Koning Boudewijn Stichting

a- Portret van de KBS

De KBS werd opgericht in 1976 naar aanleiding van de 25ste verjaardag van de troonbestijging van koning Boudewijn. Haar officiële doelstelling is de levensomstandigheden van de bevolking helpen verbeteren. De leiding benoemt die taak als eigentijdse filantropie. (De vroegere bonnes oeuvres). De motor zijn van sociale vernieuwing beschouwt zij als haar opdracht en taak. Met het oog op haar internationale uitstraling – en derhalve die van het koninkrijk België en van de koninklijke familie- heeft de KBS ook een ‘Europese stichting’ opgericht. Zij is zelfs present in de VSA. De Stichting beschikt blijkbaar over vrijwel onbeperkte middelen. De voorzitter is de heer Guy Quaden, ere-voorzitter van de Nationale Bank. Op hun beurt zijn de lokale verantwoordelijken van de Nationale bank voorzitter van de lokale KBS-afdeling. De Nationale Loterij verleent elk jaar een dotatie. Voor 2005 was dat 12.147.581 euro.
In Vlaanderen functioneren daarenboven zgn. Steunfondsen (West-Vlaanderen, Oost-Vlaanderen, Antwerpen en in mindere mate Limburg) die aan systematische fundraising doen. Zij worden geanimeerd door Vlaamse prominenten waaronder Baron Buyse, o.a. voorzitter van Beckaert, de heer Balthazar, ex-gouverneur van Oostvlaanderen en de Brugse zakenman van CVP-signatuur, Van den Abeele.
Elk jaar organiseren de Steunfondsen een galabal. Jaarlijkse aankondiging: “Prins Filip en prinses Mathilde vereren die manifestaties met hun doorluchtige aanwezigheid”.


b- Doelstellingen van de KBS

b.1- De openbaar verkondigde zgn. ‘eigentijdse filantropie’

. Deze grootmoedige doelstelling wordt op onbetwistbare wijze en op brede schaal verwezenlijkt. De KBS is erin geslaagd een het hele land overspannend netwerk uit te bouwen dat zijn gelijke niet kent en om zo te zeggen, het volledige maatschappelijk veld bestrijkt. Zij is ‘alomtegenwoordig’, tot in kleinere dorpen, tot in vele van de lokale verenigingen. Op die wijze onderhoudt zij gestructureerde contacten met honderden vooraanstaande geografische Vlamingen en tienduizenden burgers van het zgn. grote publiek. Via diverse van haar activiteiten beantwoordt zij zonder twijfel aan een aantal reële menselijke behoeftes en noden. Geen zinnig mens kan dit loochenen of ook maar in twijfel trekken.


b.2- Collaterale creatie van aanhorigheid bij deVlaamseonderdanen.

In de context van de uitzichtloze communautaire conflictensituatie stemt het tot nadenken dat - alhoewel er in Wallonië minstens evenveel menselijke nood is als in Vlaanderen - de hoger vermelde steunfondsen enkel in Vlaanderen werden opgericht. Deze steunfondsen zijn in feite propaganda antennes van de Belgische staat ter attentie van de Vlaamse bevolking. Alleen al dit feit geeft kracht aan de mening van sommige waarnemers dat de verklaring/reden daarvoor het bestaan is van die tweede, meer discrete functie van de KBS: de emotionele aanhechting aan de leden van de koninklijke familie - en dus aan de monarchie als dusdanig – van twee categorieën van haar Vlaamse onderdanen. Enerzijds een zo groot mogelijk aantal gewone Vlaamse burgers waarvan de emotionele aanhankelijkheid verondersteld wordt te fungeren als legitimatie van de monarchie. Aan de andere kant een keurgroep van kapitaalkrachtige en invloedrijke Vlaamse prominenten, die rechtstreeks of onrechtstreeks financiële middelen kunnen aanbrengen en/of hun aanzien kunnen doen gelden op lokaal vlak.

Deze strategie leidt tot wat men in huidige journalistieke taal verwoord als inkapseling. Met andere woorden tot een vorm van intellectuele braindrain vanuit de nog enigszins Vlaams bewuste kringen, richting Belgisch machtsconsortium. Met als gevolg een verarming van het economisch en financieel patrimonium en een stuk daaruit voortvloeiende maatschappelijke verzwakking.


c- Strategie van de KBS

De leiders en raadgevers van de KBS zijn zich terdege bewust van het belang van de moderne communicatietechnieken en doen een systematisch beroep op de media. In 2005 heeft de stichting een samenwerking op het getouw gezet met de belangrijkste media van de geschreven pers. Met alle Vlaamse regionale televisiezenders via ’De Pluim’ en via ‘Coup de Chapeau’ met de RTBF. Het strategisch plan 2006-2008 legt nadrukkelijk het accent op “communicatie als hefboom”. De KBS wordt dus blijkbaar beheerd op professionele en efficiënte wijze. Ook vandaar, benevens de geldstromen, haar gestage groei.
Een van de doorslaggevende psychologische wapens van haar actie bestaat in het intelligent inspelen op de natuurlijke menselijke ijdelheid en praalzucht. Wie is ongevoelig voor het feit te mogen ‘samenwerken’ met vooraanstaande vertegenwoordigers van het Hof?
Soms even in de nabijheid te mogen vertoeven van koningen en koninginnen, van prinsen en prinsessen? Vrijwel niemand.
De verwezenlijking van deze diepmenselijke droom, het mede genieten van een soort afgeleide ‘luister’, smeedt hechte banden van aanhankelijkheid t/m sociale afhankelijkheid. Banden die kunnen uitmonden in politiek correcte keuzes.
Een doeltreffend hulpmiddel tot de beoogde inkapseling is de vermenigvuldiging van rechtstreeks gemediatiseerde contacten met leden van het Hof. Dit geldt ook voor de door sommige lokale prominenten begeerde bevestiging van hun belangrijkheid via zgn. ‘onderscheidingen’. Het te bereiken en meestal bereikte doel is zoveel mogelijk onderdanen op te nemen in het maatschappelijke en politieke kamp van de monarchie en van het belgicistisch consortium. Het is in dezelfde geest dat Boudewijn – in vergelijking met de vorige koningen – een uitzonderlijk hoog aantal Vlamingen in de adel verhief.
Die ‘inkapseling’
wordt in de praktijk verwezenlijkt dank zij de zelden of nooit besproken, alhoewel grootschalige en ononderbroken public relations campagne ten gunste van de monarchie, van de leden van de koninklijke familie en van de brede entourage van het Hof. Het is nl. in grote mate het nostalgische opkijken naar de luister van de hogere sferen van het land dat heel wat lokale vooraanstaanden en een niet onaanzienlijk deel van de bevolking aanzet tot actieve medewerking en inzet. Het zijn juist de vermelde massale public relations campagnes die er voor zorgen dat dit ‘opkijken naar’ bestendigd wordt.


d. “Raison garder”

Nu, in een staat die zich democratie aanmatigt mag het feit van een brede positieve waardering over een menselijke activiteit niet beletten een en ander aspect ervan te relativeren. Wel te verstaan op basis van vaststellingen, deze laatste te formuleren en ze te situeren in de bredere context van de permanente conflictsituatie waarin dit land zich sedert decennia bevindt. Elke louter hagiografische benadering van om het even welke persoon, vereniging of menselijke activiteit oogt naar volksverlakkerij en is derhalve in se ondemocratisch. Zeker als het een activiteit betreft die invloed kan uitoefenen op aanzienlijke en diverse lagen van de bevolking.
Het is nl. ook zo dat deze campagnes een belangrijke politieke functie zijn gaan uitoefenen. Zij situeren zich in de breed opgezette contrareformatie tegen de zgn. middelpunt vliedende krachten in België; vooral dan in Vlaanderen.


d. Besluit

Het kan moeilijk ontkend worden dat dus ook de KBS deel uitmaakt van het machtige staatsapparaat en ingeschakeld werd in de assertieve ‘défense et illustration’ van de vigerende Belgische machthebbers.
Het is tevens duidelijk dat de stichting over de middelen, de macht en de adequate relaties beschikt om ook die tweede opdracht - de medewerking aan de Belgische contrareformatie - in goede banen te leiden.
Wat voorafgaat noopt tot ernstig nadenken van Vlaamse kant. En, als het enigszins kan, tot overdacht, concreet en vooral gecoördineerd tegenwerk.


2.- De overheidsmedia

De graad en de wijze waarop die media gebruikt en misbruikt worden neemt vaak burleske vormen aan. De potsierlijkheid ervan is soms zo groot dat zij bij een aantal kijk- en luisteraars afwijzende en dus averechtse reacties uitlokt. Dit schaadt uiteraard aan de geloofwaardigheid van het medium en schept twijfels, ook bij het behandelen van andere thema’s.
Zo brengt de VRT regelmatig dweperige verhaaltjes over het optreden – in de sfeer van de zgn. miraculeuze ‘verschijningen’ - van een of ander lid van de uitgebreide von Saxen-Coburg-familie. Steeds “uitbundig toegejuicht door een enthousiaste massa van koningsgezinde onderdanen”. Waaronder vaak opgetrommelde schoolkinderen die blij wuiven met uitgedeelde vaderlandse vlagjes.
Dit alles in de context van een als spontaan voorgewende ‘diepe verering en onverstoorbare aanhankelijkheid’. Sommige commentatoren excelleren in het melig tot flemerig situeren van de huidige koninklijke familie in een naïef, kinderlijk tot kinderachtig sprookjesverhaal.
Met Sneeuwwitje als model.

De RTBF blijft niet in gebreke. Soms wanen nuchtere waarnemers zich teruggebracht naar de glorieuze tijd van de absolute monarchieën.
Dit belet niet dat er inderdaad nog steeds een tanend maar nog aanzienlijk deel van de bevolking emotioneel koninggezind is. Vooral de meest recente blunders van sommige Saksen-Coburgers hebben er wel voor gezorgd dat de Belgische monarchie geen taboe-thema meer is en dat zij meer en meer in vraag wordt gesteld.


3. De zgn. ‘regime-pers’

”Ik behoor niet tot degenen die achter elke hoek het spook van Albert Frère (Groep Brussel-Lambert) zien opduiken. Toch stel ik objectief vast dat er een soort Frans-Vlaamse mediacoalitie ontstaat rond Frère-Paris-Bas-Cobepa, waarin André Leysen (Gevaert VUM, GBL )de hoofdrol speelt” .Lucas Tessens in Lokalisering van de beslissingscentra over de verankering van de Vlaamse media. (in Brockmans, p.117).



De Vlaamse pers is in de handen van het geografisch Vlaams, per definitie conservatief en dus belgicistisch establishment.
Zij handelt zoals zij hoort te handelen, volgens haar aard en in functie van haar commerciële belangen. Conservatief van een aantal waarden waaronder de monarchie als een van de laatste nog enigszins werkzame bindmiddelen van dit land.

De zgn. vrije pers zit nl. in een economisch en maatschappelijk keurslijf waar ze zich onmogelijk kan uitwringen zonder zelfbeschadiging. De vrijheid van de journalist beperkt zich tot het schrijven van wat moet en mag gepubliceerd worden in de krant die hem tewerkstelt. Kortom, de wezenlijke vrijheid van de pers is een fictie.

Het is de eigenaar van de krant die de grenzen bepaalt van wat men journalistieke vrijheid pleegt te noemen. Vele burgers en de meeste journalisten betreuren dat. Cynici stellen dat zowel de journalisten als de burgers er zich mogen in verheugen dat die vrijheidsbeperking zich afspeelt binnen een ‘democratisch’ regime. In totalitaire regimes – en, wat sommige (s)linkse progressievelingen ook mogen vertellen, zijn dat hoofdzakelijk linkse regimes - stelt de journalist niet enkel zijn broodwinning, maar zijn leven op het spel. Een magere troost voor ons ‘democraten’, maar een troost.

Er is ten slotte geen enkele reden waarom de pers zou ontsnappen aan de vercommercialisering van alle menselijke activiteiten, van alle producten, van alle waarden,

Wat voorafgaat belet niet dat een aanzienlijk deel van de Vlaamse bevolking zich, zoniet verraden dan toch verlaten voelt door een categorie van de Vlaamse bovenlaag waar de eigenaars van de in het Nederlands gestelde kranten toe horen. Zo betreurden vele lezers de beslissing van de huidige directie het vertrouwde AVV-VVK, dat het ijkmerk was van De-Standaard-van-toen -, een onbetwiste kwaliteitskrant - te verwijderen van de frontpagina. Zij ergerden zich dood toen zij op de plaats van het vroegere AVV-VVK, de nationale driekleur zagen prijken. Dit was dan ook een nogal gratuite en laag bij de grondse vorm van provocatie. Nu, Iedereen heeft het recht te leven en te ageren op zijn eigen moreel niveau.

Kanttekening: wat voorafgaat belet niet dat een aantal journalisten standvastig blijk geven van een duidelijke Vlaamse reflex.
Zij volgen echter de Vlaamse beweging, het Vlaams Belang en de N-VA niet in de eis van onafhankelijkheid tout court.
Zij huiveren blijkbaar voor een van de oude en contraproductieve Vlaamse kwalen: wishful thinking. Hun mening is volstrekt achtenswaardig. In sensu strictu behoren ook zij tot de zgn regimepers.
Vanzelfsprekend zonder de gebruikelijke pejoratieve connotatie die aan die term plakt. Een broodschrijver is even eerbaar als een ‘broodarbeider’.


Exit de Financieel Economische TIJD, uit de VEV-schoot.

De FET was ooit het kroonjuweel en het symbool van de Vlaamse economische verrijzenis.
Hij werd opgericht op initiatief van enkele prominenten uit de kringen van het Vlaams Economisch Verbond.
Frans Wildiers, de charismatische afgevaardigd beheerder (1963-1971) van het VEV was de bedenker van, en de drijvende kracht achter het project.
“Hij was er sinds geruime tijd van overtuigd dat de groei van de Vlaamse economie een financiekrant nodig had.” (Gaston Durnez in de Encyclopedie van de Vlaamse beweging).
Onder de bekwame leiding van René De Feyter (later op zijn beurt afgevaardigde beheerder van het VEV) kende de krant een snelle groei. Zij groeide uit tot een geduchte concurrent van L’Echo de la Bourse, een Belgisch monument bij uitstek. In de kringen van het VEV speelden sommigen zelfs met het idee L’Echo over te nemen. (t Kan verkeren….

Vandaag is de FET, thans De Tijd, een uitgave van de vennootschap Mediafin die op haar beurt voor telkens 50 procent in handen is van De Persgroep (de uitgever van onder meer Het Laatste Nieuws en De Morgen) en Rossel (Le Soir). De verhuis naar Brussel is een gevolg van die overname.
De Persgroep en Rossel kochten ook de Franstalige zusterkrant L’Echo. Het besluit viel alle diensten op één plaats samen te brengen, om te komen tot meer efficiëntie en samenwerking.

Er zijn voorlopig geen aanduidingen dat De Tijd zijn vroegere journalistieke onafhankelijkheid en Vlaamse reflex volledig zou verloren hebben; of riskeert te verliezen. Afhankelijkheid van De Persgroep (van uitgesproken belgicistische signatuur) en de inkapseling in de kringen van L’Echo (die vaart onder ultra Belgische vlag) en van Le Soir (journalistiek speerpunt van de Brusselse anti-Vlaamse bourgeoisie en “moniteurke van het Vlaminghatend FDF) stemt toch tot nadenken. En tot enige vrees voor een mogelijke verwaseming van de Vlaamse identiteit.


4.- Het groot-kapitaal

Begrijpelijkerwijze is het groot kapitaal al altijd en principieel tegen verdere regionale bevoegdheden, tegen confederalisme en uiteraard tegen de opsplitsing van België geweest. Die kringen zijn per definitie conservatief.
Het tegenovergestelde zou tegennatuurlijk zijn.
De haute finance is een van de essentiële bestanddelen en steunpilaren van het belgicistisch consortium: Hof, nabije entourage, propaganda organen (KBS, B+, BSP), pers, vakbonden, traditionele partijen en dies meer. En derhalve van het huidige Belgisch jacobijns regime. Zijn invloed op de eventuele verdere evolutie van het beheer van ons land is discreet maar aanzienlijk.



5.- De Vakbonden

“In België groeide de vakbeweging, ontstaan uit gezellenverenigingen ter bevordering van de vakbekwaamheid als van de verzekering tegen ziekte en werkloosheid, vrij spoedig uit tot een verzuilde strijdorganisatie voor het behartigen van de belangen (arbeidsvoorwaarden, de plaats in de maatschappij) van de aangesloten werknemers”. (cf. Winkler Prins).

Laten we duidelijk zijn. De vakbonden zijn een van de meest onontbeerlijke organisaties van de, gisteren geïndustrialiseerde, vandaag hoogtechnologische samenleving en tegen de ‘vluchtige en voortvluchtige’ globalisering. Mochten ze niet bestaan, zouden ze bij hoogdringende prioriteit dienen te worden opgericht. Zij zijn de voornaamste rem tegen de ook vandaag nog niet – noch morgen - uitgestorven uitbuiting van de werknemer door sommige kapitaalkrachtige zakenkringen. Maar…..

De vakbonden zouden de enigen zijn die ‘de taal spreken van het werkvolk’. In de werkelijkheid spreken de leiders van hun sanhedrins even goed en soms even luid de taal van de machtsgeilheid en van het in hun geval omfloerste kapitalisme. Zij zijn als de dood voor elke beperking van hun exorbitante macht en voor elke vorm van inzage, laat staan toezicht op hun (occulte?) financiële massamiddelen. Zij zijn radicaal wars van al wet zij gemeenlijk en met bewuste vooringenomenheid ‘institutionele avonturen’ noemt. Zij vrezen nl. de opsplitsing van materies die hen aanbelangen. En vooral de opsplitsing van hun macht en kapitaal. En dus van elke verdere afschuiving van bevoegdheden naar de regio’s. Zij ijveren gans in tegendeel voor her-federalisering van sommige bevoegdheden.

Waarnemers verbazen er zich over dat de ‘verdedigers van de arbeider’ in de rangen figureren van de onvoorwaardelijke voorvechters van het neo-unitaire België. Akkoord, op het eerste gezicht horen zij niet thuis bij de oude adel, de haute bourgeoisie, het groot-kapitaal, kortom in de elitaire kringen rond het Hof. Zij vormen er nochtans een van de sterkere steunpilaren van. Ook hun invloed op sommige politieke partijen is enorm, vaak buitensporig. In de periode dat Verhofstadt nog democratische hervormingen predikte, reed hij zich te pletter tegen die muur van macht.

Dergelijke tegennatuurlijke politieke machtspositie hoort echter niet thuis in een regime dat zich democratie aanmatigt.

Zij danken deze machtspositie en hun statuut van onbestaande kapitalistische organisatie aan de exclusiviteit op de uitbetaling van de werklozensteun die hen door de politieke klasse werd verleend. Een wereldwijd unicum.

Exclusiviteit die zij op hun beurt danken aan de macht waarover de zgn. CVP-staat ooit beschikte. (Zie Encyclopedie van de Vlaamse Beweging)
Die exclusiviteit verleent hen een, in se ondemocratisch en immoreel chantage-wapen ten overstaan van talrijke arbeiders en bedienden die geen zin hebben zich aan te sluiten bij een partijpolitiek syndicaat. Wat ten slotte hun democratisch recht is.
Voor die uitbetaling innen de bonden een royale, volgens sommigen exorbitante vergoeding. Dit lijkt erg op een self service operatie vanwege de door de vakbonden naar het parlement en de regering uitgevaardigde militanten. Een unicum in de westerse wereld.
Er is echter meer, zowel op wettelijk als op democratisch vlak. De vakbonden bestaan namelijk niet. Zij hebben geen maatschappelijk statuut. Niemand kan er welke controle dan ook op uitoefenen, noch ze richtlijnen opleggen. Zij zijn onaantastbaar in hun spook-bestaan en in hun gedragingen. Zij nemen wel verdragende beslissingen ten bate of ten koste van bedrijven en van de lokale of nationale economie. Zij hanteren wel fabuleuze geldsommen. En toch bestaan ze niet. Vraag: in hoeverre kunnen ‘onbestaande’ verenigingen legaal zijn? Belgischer, surrealistischer dus, is moeilijk denkbaar.


Onaantastbaarheid , de antithese van democratie

Aangezien zij niet bestaan kan geen enkele instantie controle uitoefenen op hun financiële verrichtingen, noch op hun financiële situatie. Vreemd dat deze ondemocratische anomalie zelden en hoogstens even en terloops wordt vermeld. Zij wordt dus blijkbaar geduid door de opeenvolgende parlementen en regeringen. Ook de pers is ter zake voorzichtig. Een bewijs te meer van hun buitensporige invloed en macht. Zo nemen zij bijv., in staatsbelangrijke materies politieke stellingnemingen in. Zelfs tegen die van de partij van hun zuil; wanneer ook maar een deel,van hun positie in vraag wordt geteld.

In die geest wordt vaak gesteld dat de echte voorzitter van het CD&V niet de officiële voorzitter is. Wel de voorzitters van het ACW en van het ACV. Vroeger was die invloed discreet en op basis van intern overleg tussen beschaafde lui van beide vleugels van de zuil. Vandaag matigen zich zowel Renders (ACV) als Cortebeeck (ACW) publieke, louter politieke stellingnemingen aan. Is dat enkel macho-gedrag? Of hebben zij een verborgen agenda. Die van de onbespreekbare eenheid van het land.

Men moet geen ethische, democratische of andere edele motieven zoeken achter de keuze pro, en de rabiate verdediging van een in essentie unitair gebleven België. De vakbonden danken nl. macht en geld aan het huidig centralistisch bestel.


Besluit:

De vakbonden speelden en spelen een onontbeerlijke en onvervangbare sociale rol. Laat dat duidelijk zijn. Toch zou het vanuit democratisch en moreel oogpunt aangewezen zijn dat de politieke rol van deze juridisch en financieel nebuleuze organisaties uitgeklaard wordt. Maar, zie hierboven.

lundi, 22 février 2010

Bertrand de Jouvenel, analyse du pouvoir, dépassement du système: l'impact de la revue "Futuribles"

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Bertrand de Jouvenel, analyse du pouvoir, dépassement du système: l'impact de la revue Futuribles

Intervention de Laurent Schang lors de la 6ième Université d'été de "Synergies Européennes" (Valsugana/Trento, 1998)

 

BERTRAND_DE_JOUVENEL.jpgSingulier destin que celui de Bertrand de Jouvenel des Ursins, aristocrate républicain, non-conformiste des années de l'entre-deux-guerres et fédéraliste européen fondateur du Club de Rome, titulaire de chaires académiques à Paris mais aussi à Oxford, Manchester. Cambridge, Yale ou Berkeley, auteur d'une trentaine de traités théoriques en politologie et sciences économique et sociale, témoin et acteur de cinquante ans de haute diplomatie mondiale (tour à tour en tant qu'envoyé spécial puis conseiller expert auprès des principales instances dirigeantes, membre de la Commission des Comptes de la Nation et de la Commission au Plan), président-directeur général de la S.E.D.E.I.S. (Société d'Etude et de Documentation Economique, Industrielle et Sociale), directeur de revues de prospective dans lesquelles il mit en équation parmi les premiers la méthodologie de la prospection dans le domaine des ³sciences² sociales (l'art de la conjecture ou stochastique: sagesse du philosophe et prudence du politique) synthétisée en un néologisme, Futuribles, qui devait donner l'intitule d'une revue créée et dirigée par son fils, Hugues de Jouvenel, et qui sur la fin de ses jours dut intenter un procès à l'historien Zeev Sternhell, qui dans sa somme Ni Droite ni Gauche, I'idéologie fasciste en France,I'évoquait en une figure prédominante de l'intelligentsia pro-fasciste française. On se souvient que Denis de Rougemont, à qui bien des convergences doctrinales reliaient Bertrand de Jouvenel, se vit lui aussi obliger de traîner Bernard Henri Lévy devant les tribunaux pour les mêmes accusations publiées dans le livre L'idéologie française.

Singulier destin en effet pour ce fils né le 31 octobre 1903 de Henry de Jouvenel, sénateur et ambassadeur français radical-socialiste mais de tradition familiale catholique et royaliste, et de Sarah Claire Boas, fille d'un riche industriel juif et franc-maçon. Jean Mabire, dans sa bio-bibliographie Bertrand de Jouvenel, la mauvaise réputation, écrit: ³Curieux personnage qui a toujours été décalé, en avance ou en retard sur son temps, jamais en prise sur le réel, mais d'une singulière lucidité sur l'évolution du monde qu'il a regardé toute sa vie avec un mélange de scepticisme et d'enthousiasme, qui l'apparente par plus d'un trait à son vieil ami Emmanuel Berl².
 

De l'économie dirigée aux Futuribles

Solidement appuyé sur ses brillantes études de droit et sciences à l'Université de Paris, Bertrand de Jouvenel se passionne pour la politique internationale et devient reporter auprès de la Société des Nations, cependant qu'il s'attèle très tôt à relever et théoriser l'essence du pouvoir dans ses multiples expressions et échafaude sa pensée-monde. Ses reportages pour La République, un quotidien parisien, lui assure la reconnaissance de ses pairs. L 'Economie Dirigée, formule qu'il crée pour la circonstance, est publiée en 1928, Vers les Etats-Unis d'Europe en 1930. Pacifiste, ardent promoteur de la réconciliation franco-allemande, et conscient de l'étroitesse de la dichotomie Droite-Gauche, il constitue avec Pierre Andreu et Samy Béracha La Lutte des Jeunes, hebdomadaire non-conformiste à la pointe des idées planistes, personnalistes et fédéralistes où l'on peut lire Jean Prévost, Henri De Man ou Pierre Drieu la Rochelle. Peu de temps attiré par l'expérience prolétaro-fasciste du PPF, il s'en eloigne vite, et, résistant, il passe la frontière suisse en 1943, poursuivi par la Gestapo. Il reprendra après guerre ses fonctions de penseur et analyste, enseignera a l'I.N.S.E.A.D. de 1966 à 1973, à partir de quand il professera au C.E.D.E.P.. Professeur honoris causa de l'Université de Glasgow, il crée entre 1954 et 1974 deux périodiques: Analyse et Prévision, Chroniques d'Actualité et ¦uvre au sein du Comité International Futuribles et de I'Association Internationale Futuribles. Bertrand de Jouvenel s'éteint en 1987.

Mais, une fois évoqués ces quelques éléments d'éclaircissement biographique, nous n'avons encore rien dit, et tout reste à définir du monumental travail théorique, analytique et prospectif de Bertrand de Jouvenel. Ainsi sa pensée, englobant la totalité des connaissances issues des sciences humaines, doit-elle être abordée d'un point de vue politologique comme une tentative de mise en relation hiérarchique des trois partenaires de tout mouvement social: I'individu, la société, l'Etat/nation, intégrée dans la vaste perspective d'ensemble du devenir éternel de la civilisation. ³Quelle Europe voulons-nous?², cette question essentielle doit être comprise comme le fil conducteur de sa pensée critique.


L'Etat, Minotaure absolutiste

Guidé par sa volonté de puissance, I'Européen a conquis la planète, et l'histoire de l'Occident est devenue l'histoire du monde.. Comment donc expliquer ³la balkanisation² de l'Europe post-1945, son écartèlement entre les puissances asiatique et américaine, le dépérissement du citoyen libre à la base de la philosophie européenne en producteur/consommateur; comment mesurer, enfin, dans l'optique de dégagement des futurs possibles (sur lesquels nous reviendrons) la dégénérescence des structures sociales dans leur articulation organique en un Tout mécanique parasité par l'Etat, ³Minotaure² absolutiste auquel l'individu-citoyen est jeté en pâture, cellule impuissante devant la mégamachine statocratique? La réponse, pour Bertrand de Jouvenel, se trouve dans cette même volonté de puissance. Pour mobiliser les énergies et rationaliser cet appétit insatiable de supplantation de la nature par la culture, la civilisation s'est dotée de l'arme idéologique, et tout le travail des temps modernes consistera à renforcer la souveraineté nationale et l'autorité illimitée du souverain au détriment du citoyen. Ce que le Pouvoir, minoritaire, exige, la majorité nationale doit s'y soumettre.

Au centre du système, la démocratie, qui, indissociable du principe national, consacre non pas le règne de la personne et de la communauté, expression la plus directe du génie européen, mais celui d'un ³self-government² autocratique, prétendant exprimer la volonté majoritaire et modeler le genre de vie de tous ses ressortissants. Le droit se substitue à l'esprit, la liberté devient axiome.
Avec le gonflement de l'Etat, le Pouvoir s'est affirmé, droit illimité de commander au nom du Tout social par la destruction progressive (le mot a son importance) de tous les corps intermédiaires. Le passage de la monarchie à la démocratie, considéré comme un progrès dans le gouvernement des hommes, est davantage progrès dans le développement des instruments de coercition: centralisation, réglementation, absolutisme. Avec la démocratie, le serpent se mord la queue et la civilisation, de puissance, devient
impuissante, privée de ses ressources légitimes que sont la spiritualité, I'esprit d'entreprise ou l'association libre.

Que le pouvoir soit toujours égal à lui-même, indépendamment des expressions idéologiques dont il se pourvoit, seulement mené par son égoïsme ontologique et usant des forces nationales à cette fin, ne fait aucun doute pour Bertrand de Jouvenel dont l'¦uvre, magistrale et trop ignorée, peut se décomposer comme suit:
-connaissance de la politologie;
-des sociétés aristocratiques à l'avènement de la démocratie, le triomphe du Pouvoir;
-³Quelle Europe?² Thésée contre le Minotaure;
Bertrand de Jouvenel, analyse du pouvoir et dépassement du système:
 

I. Connaissance de la politologie:

La science politique est une discipline hybride,  ‹³instaurée par des immigrants de la philosophie, de la théologie, du droit et, plus tard, de la sociologie et de l'économie, chaque groupe apportant sa propre boîte d'outils et s'en servant²,‹  qui présente deux aspects complémentaires: l'efficacité, qu'incarne Bonaparte sur le pont d'Arcole, debout, prêt à charger, entraîneur exalté; la précision, magnifiée par le roi Saint Louis, assis, serein, conciliateur. (cf. De la Politique Pure, v. aussi De la Souveraineté).

Dans ses Lettres sur l'esprit de patriotisme (Letters on the Spirit of Patriotism, 1926), Bolingbroke indique quatre déterminants du politique:
1) - I'objectif patriotique;
2) - une grande stratégie mise en ¦uvre pour atteindre son but;
3) - une série de man¦uvres actives et souples destinées à mener à bien cette stratégie;
4) - le plaisir intense attaché à son exécution.
 

Dix constantes   invariables en sciences politiques

Cette conception sportive du politique, Bertrand de Jouvenel la reprend mais pour en atténuer sensiblement le caractère de noblesse: ³L'observation nous permet, malheureusement, de craindre que le plaisir de manipuler les hommes ne soit goûté pour lui-même, alors même que l'opération ne s'inspire d'aucun but élevé, ne se consacre à aucune fin salutaire²..
Jouvenel dénombre dix constantes invariables relatives aux sciences politiques:
- I'élément identifiable le plus petit dans tout évènement politique, c'est l'homme faisant agir l'homme.
- est politique, tout ce qui est accompli dans le registre ³du champ social pour entraîner d'autres hommes à la poursuite de quelque dessein chéri par l'auteur². De fait, ³la théorie politique est collection de théories individuelles qui figurent côte à côte, chacune d'elles étant impénétrable à l'apport de nouvelles observations et à l'introduction de nouvelles théories² (richesse des théories normatives et pauvreté en théories représentatives).
- faisant sienne la définition de Leibniz, Bertrand de Jouvenel considère la société comme ³complexe d'individus réunis par un modèle de comportement où l'individu exerce sa liberté².
- il convient de distinguer l' eventus opération préparée et contrôlée tout au long de son déroulement, et l' eventum, sans auteur identifiable, rencontre d'enchaînements créant un phénomène incontrôlable.
- I'Etat comporte dans sa définition deux sens antagonistes: une société organisée avec un gouvernement autonome ou chacun est membre de l'Etat; un appareil qui gouverne hors des membres de cette société.
- le problème politique, du ressort des sciences humaines, n'est pas soluble, ³il peut être réglé, ce qui n'est pas la même chose²,
- pour la même raison, ³il est particulièrement hasardeux de supposer que dans la politique les hommes agissent d'une manière rationnelle².
- I'essence même du Pouvoir tient dans sa dualité, égo-ïsme et socialisme, car le principe égo-ïste fournit au Pouvoir la vigueur de ses fonctions, le socialisme attestant la préservation de l'ascendant des dirigeants.
- par conséquent le pouvoir ne se maintient que par sa vertu à préserver l'obéissance des citoyens, et leur croyance dans sa légitimité.
- les trois valeurs cardinales de tout Pouvoir étant: légitimité, force, bienfaisance.
Il n'existe qu'une finalité au Pouvoir, se maintenir en toujours croissant. Pour ce faire, I'appareil d'Etat use de ses services rendus. Le commandement qui, en dehors de tout altruisme, se prend pour fin, est amené à veiller sur le bien commun, ayant besoin du consentement des forces sociales pour assurer son hégémonie parasitaire. Dans son Pseudo Alcibiade, dialogue entre Socrate et Alcibiade inspiré de Platon, Jouvenel fait dire à Alcibiade ces propos qui résonnent comme une profession de foi:  ³Pour le politicien qui désire obtenir d'un grand nombre de gens et dans un bref délai une certaine décision ou action, il faut absolument faire appel à l'opinion actuelle que les gens ont du bien, accepter cette opinion telle qu'elle est; et c'est elle, précisément que tu as pour but de changer. Ce que les gens considèrent aujourd'hui comme le bien, voilà la donnée sur laquelle se fonde le politicien, celle qu'il emploie pour faire agir les gens comme il le désire. Voilà la façon dont le jeu se joue².
 

Privation des libertés, recul des corps intermédaires

Or, possédant désormais les rouages de l'Etat, les grands dossiers, les représentants du Pouvoir se convainquent de leur souveraineté; de délégués du souverain, ils se muent en ³maîtres du souverain² (cf.. Proudhon, in Théories du mouvement constitutionnel au XIXième siècle). De cette situation se nourrit le dualisme du Pouvoir. Sa croissance apparaît moins aux individus comme une entreprise continuelle de privation des libertés que comme un facteur de libération des contraintes sociales. Ainsi le progrès étatique induit-il le développement de l'individualisme, et vice-versa, la nation livrée au Pouvoir, niant systématiquement toute distinction entre ses intérêts et ceux propres de la société civile.

Comment le progrès de l'intrusion étatique a-t-il coïncidé avec le nivellement de la Nation? Le fait que ce travail de sape soit dans la destinée même de l'Etat ne suffit pas à expliquer ce recul des corps intermédiaires. La raison profonde est à rechercher dans la crise ouverte par le rationalisme, philosophie du progrès qui a accompagné à partir du XVIlième siècle la technicisation de l'Occident. Déjà les rêveries platoniciennes, héritières d'utopies plus anciennes encore, avaient entretenu dans la pensée antique la confusion sur un gouvernement attaché en tout temps aux seules aspirations des gouvernés. Cette dangereuse chimère, méconnaissant la nature humaine, a entravé la constitution d'une science politique véritable et engendré toutes les révolutions qui menacent périodiquement la civilisation. A l'origine du processus, le Contrat Social, vue de l'esprit qui réduit la société à l'état d'un club de célibataires et oublie la nature fondamentalement communautaire de l'Homme, dépendant du groupe (avant d'être homo sapiens, l'individu est d'abord homo docilis), et agissant ³dans un environnement structuré²..

De l'atomisation ainsi provoquée s'impose l'obéissance au Pouvoir, la croyance dans sa légitimité, l'espoir dans sa bienfaisance. La soumission à la souveraineté, ³droit de commander en dernier ressort de la société², introduit la suprématie arbitraire d'un représentant ou groupe de représentants, titulaire de la volonté générale, laquelle est censée participer au débat à travers l'opinion, coquille vide, majorité floue n'obéissant qu'aux passions du moment, guidée par la propagande, incapable de dégager une ligne politique cohérente: ³De simples sentiments ne peuvent rien fonder en politique. Il y faut une pensée, consciente des éléments du problème, qui connaisse les limites dans lesquelles il est susceptible de solution, et les conditions auxquelles il peut être résolu² (extrait de Quelle Europe?). La partitocratie n'agit pas autrement, qui s'adresse non à l'intelligence du militant, mais à son partiotisme prosélyte, sa fidélité servile au centralisme démocratique du parti.
 

Le tandem police/bureaucratie

Pour avoir retiré au droit sa force transcendante, le rationalisme a condamné la législation à n'être plus que convention utilitariste, dénuée de morale, seule expression de la versatile volonté humaine. La Raison érigée en dogme a inauguré l'ère des despotes éclairés, sceptiques, incrédules, et convaincus de devoir corriger le peuple pour le conformer à la Raison au moyen du tandem police bureaucratie.

Ainsi, à chaque Pouvoir nouveau correspond une notion du Bien, du Vrai, du Juste aussi éphémère que lui et indéfiniment modifiable au gré des opinions de l'époque. Rien ne retient plus la machine dès lors, puisque, si l'autorité doit se conformer au droit, le droit n'est que l'ensemble des règles édictées par elle, sous couvert de représentation populaire. L'autorité législatrice ne peut qu'être juste, par définition.
 

Mise en place de la démocratie totalitaire

D'espace de liberté, le droit devient à son tour sujet du Pouvoir; I'Homme, de réalité physique et spirituelle, devient ³légal².. Consécration du monisme démocratique, ³l'exécrable unité² de Bainville, la centralisation ne connaît plus de limite: ³anéantissement des pouvoirs locaux devant le pouvoir central, développement des exigences du pouvoir central à l'égard des sujets et rassemblement entre ses mains des moyens d'action² (Du Pouvoir). Son contrôle est total: direction de l'économie nationale, direction de la monnaie nationale, contrôle du commerce extérieur, contrôle des changes, monopole de l'éducation, mainmise sur l'information.

La confusion démocratique du pouvoir et de la liberté du peuple est à la source du principe despotique moderne. Armé de l'anonymat que lui confère son identification au peuple, le Pouvoir n'en écrase que mieux l'individu sous le poids de la totalité, opprime l'intérêt particulier au nom de l'intérêt général. Le Tout veut, le Tout agit, le régent a l'autorité du Tout. La démocratie totalitaire est en place.  On le voit, la politologie selon Jouvenel ne tient aucun compte de l'armature idéologique des régimes: ³Les discussions sur la démocratie sont frappées de nullité car on ne sait pas de quoi on parle². Le discours omniprésent des philosophes camoufle à peine leur travail de justification des politiciens en place. Remontant à l'essence du Pouvoir, Jouvenel délivre la science politique de son fardeau de concepts et s'astreint à ne traiter que de Realpolitik au sens le plus pur du terme.

Et où la démocratie entend la marche de l'Histoire au sens marxiste comme un inexorable progrès vers la libération de l'individu aliéné, Jouvenel dresse le panorama de deux mille ans de régression planifiée.


 

II. Des sociétés aristocratiques à l'avènement de la démocratie, le triomphe du Pouvoir

Si la grande mutation de notre civilisation peut être datée au tournant des XVlIIième et XlXième siècles avec l'acquisition toujours accélérée de forces nouvelles qui dégagèrent l'Homme de l'emprise du Créateur, la marche du Pouvoir, elle, lui est bien antérieure, et correspond à l'émergence même d'une autorité constituée et légitimée au sein des sociétés les plus primitives.

D'origine gérontocratique et ritualiste, le Pouvoir primitif, par essence conservateur, est supplanté par l'essor de la classe guerrière, qui répond au besoin d'ébranlement social caractéristique des périodes de trouble.

Le déplacement d'influence observé engendre une nouvelle élite, l'aristocratie regroupée en une pyramide gentilice bientôt mutée en ploutocratie au fil des conquêtes. Noblesse devient synonyme de richesse du temps de la Grèce homérique.

Parallèlement, I'expansion nécessite la nomination d'un chef à l'autorité absolue, concédée par les autres chefs de gentes regroupés dans le Sénat. L'histoire conservera le souvenir de l'lmperium extra muros de Rome, où la fonction politique du dux s'associe au caractère religieux du Rex. Cette dualité historique du pouvoir royal, ³symbole de la communauté (...) sa force cohésive, sa vertu mainteneuse (...) il est aussi ambition pour soi (...) volonté de puissance, utilisation des ressources nationales pour le prestige et l'aventure².
 

Un appareil stable et permanent

Le roi, ainsi nanti, ne tarde pas à s'opposer aux gentes dont la puissance propre l'oblige à composer et pour acquérir l'autorité directe, indiscutable qui lui fait défaut, il se tourne vers les couches plébéiennes. L'appui de la plèbe transforme la royauté en monarchie, comme Alexandre le Grand soutenu par les Perses contre les chefs macédoniens.. Bureaucratie, armée, police, impôt construisent un appareil stable et permanent qui jamais plus ne sera démenti: I'Etat.

L'apport du christianisme à la souveraineté, en lui conférant un droit divin, selon la formule de Saint Paul: ³Tout Pouvoir vient de Dieu², avertit le roi qu'il est serviteur des serviteurs de Dieu, protecteur et non propriétaire du peuple. Le système médiéval fondé sur la Loi divine et la Coutume populaire incite le Pouvoir pendant de longs siècles à la modération. Saint Paul dans ses épîtres ne se réfère-t-il pas à la tradition juridique romaine, laquelle place la souveraineté dans les mains du Peuple!

Il faudra la crise de la Réforme et les plaidoyers de Luther en faveur du pouvoir temporel pour que le Pouvoir se défasse de la tutelle papale et que soit introduite la remise en cause de l'intercession de l'Eglise entre Dieu et le Roi. Au siècle suivant Hobbes déduira le droit illuminé du Pouvoir non de la souveraineté divine mais de la souveraineté du peuple. A sa suite, Spinoza dans son Traité théologico-politique rompt définitivement avec la tradition augustinienne et annonce le souverain despote. Dieu terrestre au pouvoir seulement limité par le droit accordé aux sujets. ³Est esclave celui qui obéit au seul intérêt d'un maître. Est sujet celui qui obéit aux ordres dans son intérêt². Rousseau et Kant assignent pareillement un droit illimité au commandement, mandaté par le peuple empêché de l'exercer par lui-même. Mais, à l'opposé de Montesquieu, il méconnaît la représentativité parlementaire: ³La Souveraineté ne peut être représentée (...) les députés du peuple ne sont donc et ne peuvent pas être représentants (...) Le peuple anglais pense être libre: il se trompe fort; il ne l'est que durant l'élection des membres du Parlement, sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est rien². (in Du Contrat Social).
 

L'Occident: un processus ininterrompu de croissance étatique

L'Occident, depuis sa segmentation en royaumes rivaux, a connu un processus ininterrompu de croissance étatique. La volonté d'agrandissements, la soif d'expansion explique l'organisation d'infrastructures toujours plus efficaces. Les périls extérieurs ont permis de démultiplier les droits de l'Etat se présentant comme étroitement lié aux intérêts du peuple. ³Ainsi la guerre accouche-t-elle de l'absolutisme², ce que magnifia Richelieu: ³ne permettre aucune division à l'intérieur, les entretenir toutes à l'extérieur, ne point souffrir de partisans de l'étranger mais avoir partout les siens².

La Nation se forme autour du Trône. Le Roi incarne les peuples agrégés en un Tout à la seule validité psychologique. Aussi la Révolution ne doit-elle être envisagée qu'en tant que rénovation et renforcement du Pouvoir de la part d'un corps social qui, de spectateur de la monarchie, entend s'approprier le commandement. Bertrand de Jouvenel écrit ³le trône n'a pas été renversé, mais le Tout, le personnage Nation, est montré sur le trône². Et d'ajouter: ³Qu'on cesse donc d'y saluer des réactions de l'esprit de liberté contre un pouvoir oppresseur. Elles le sont si peu qu'on ne peut citer aucune qui ait renversé un despote véritable². La fonction historique de la Révolution n'est pas à rechercher dans la punition morale du despote mais bien plus dans la sanction biologique de son impuissance.

Et dans ce plein essor du sentiment national, Hegel théorise le premier une doctrine cohérente du phénomène nouveau qu'est l'Etat-Nation, ³ce qui commande souverainement à nous et à quoi nous sommes incorporés². Hegel voit dans l'Etat la conception à venir de la société, être collectif, infiniment plus important que les individus, au pouvoir bureaucratique et savant, à la volonté qu'il qualifie non arbitraire mais connaissance de ce qui doit être et doit pousser le peuple dans le but que lui assigne la Raison.
 

Suffrage universel, méritocratie, droits del 'Homme

L'organicisme de Spencer et Durkheim, le positivisme de Comte et les théories transformistes de Lamarck et Darwin, héritiers de l'enthousiasme industriel du XlXième siècle, iront tous dans le sens de l'accroissement indéfini des fonctions et de l'appareil gouvernemental.

Pour se maintenir, le Pouvoir, dont les dimensions actuelle ont pris, avec le développement des moyens de communication, une importance inégalée, dispose de trois armes imparables:
- le recours au suffrage universel, ce qu'avaient déjà compris Napoléon, Bismarck et Disraeli qui consacre le césarisme, la large classe des dépendants se reposant sur l'omnipotence étatique contre l'aristocratie bourgeoise, puissance financière mais sans assise populaire;
- la ³méritocratie², très relatif renouvellement des élites qui facilite beaucoup l'extension du pouvoir en offrant à tous la perspective d'une participation au Pouvoir, complicité spécifique à la démocratie;
- les Droits de l'Homme, qui répandent l'illusion de la garantie des intérêts absolus de l'individu contre la société convention collective, mais que contourne aisément le Pouvoir, qui jouit du prestige de la Souveraineté, et de la collusion tacite liant l'individualisme social avec la philosophie politique absolutiste d'un gouvernement se réclamant des masses.

Le triomphe de la démocratie dans la cohésion opérée entre l'Etat et la Nation prend une tournure téléologique. Bertrand de Jouvenel parle d' ³incubation de la tyrannie².
 

III. Quelle Europe? Thésée contre le Minotaure.

³L'Etat moderne n'est autre chose que le roi des derniers siècles, qui continue triomphalement son labeur acharne, étouffant toutes les libertés locales, nivelant sans relâche, et uniformisant². Régulateur impérieux de toutes les existences individuelles, il ne protège pas les droits locaux, particuliers, mais réalise une ³idée², I'idée nationale et sociale mêlée. Le paradis plané. Le partisanisme agressif, I'étatisme spoliateur, le nationalisme fiévreux, I'idéalisme cynique concourent à son succès. Le pouvoir de faire concentré, ne reste plus à l'individu que celui de consommer, fonction irresponsable, le pouvoir d'achat, qui porte toutefois en germe le ferment possible d'une révolte, provoquée par la paupérisation et l'inégalité quantitative croissante des pouvoirs de consommation, derrière quoi pourrait se profiler de nouvelles revendications sociales, morales et politiques. Quelle ligne adopter? Bertrand de Jouvenel postule cinq fronts à établir en vue de restaurer la civilisation:
- nier et ¦uvrer au démantèlement de l'Etat national unitaire, monstrueuse concentration de pouvoir et unique impulsion à toutes les forces et toutes les vies de la société. ³Le mal serait en voie de guérison si l'Etat cessait d'être un appareil à travers lequel une volonté générale dicte à chacun ce qu'il doit croire, faire et sentir².

- supprimer la dichotomie producteur-citoyen, renouer avec l'antique conception de l'homme libre, I'habitant, le citoyen accompli dans sa capacité à s'affirmer comme personne, comme Etre et Devenir.

- procéder à l'étude critique des penseurs à l'origine de la Civilisation de Puissance: Hobbes, Rousseau, Kant, Bentham, Helvétius et Destutt de Tracy, conceptions fausses et mortelles de la société.

- reprendre conscience que la nation n'est pas sentiment d'association mais d'appartenance commune à une foi, une morale unanimement respectées. Un droit inviolable parce que hors d'atteinte du Pouvoir.

- instaurer une nouvelle charte des peuples, reposant sur les particularismes linguistiques, culturels, traditionnels et coutumiers. Un libertarisme féodal que Jouvenel traduit par ces mots ³le traditionalisme, I'esprit conservateur des gloires et des coutumes propres au groupe, une fierté de corps qui préfère des conduites spécifiques à d'autres qu'on lui propose comme plus rationnelles, une adhésion affective à la localité plutôt que le dévouement à l'idéologie qui transcende le cadre géographique².


 

Un libertarisme de type féodal

Une position non-conformiste éminemment proche du personnalisme, qui met l'accent sur la personne humaine, le fédéralisme, la liberté d'association spontanée, I'appartenance à la communauté contre l'omnipotence du Pouvoir. ³Il faut des hommes internationaux par croyance, comme étaient les clercs du Moyen Age² (in Quelle Europe?). Jouvenel opte pour une autorité internationale ayant une prise morale directe sur les peuples, gouvernement des gouvernements, ³ultramontanisme² fédéral à l'échelle européenne sur le modèle de la ³République chrétienne².

Nécessité historique, ce super-gouvernement européen n'aura aucune prétention à l'universalisme du type O.N.U., dont la vanité ne lui échappe pas: ³Ne commet-on pas une erreur lorsqu'on préfère un édifice universel et théorique, à un édifice plus limité, mais réalisable² (in: Quelle Europe?). C'est de la solidarité des instincts, de l'union des sentiments, du respect commun des coutumes particulières que fécondera la résistance à l'hégémonie nationale étatique, ultime rempart de la civilisation européenne.

Ainsi le régime de l'anonymat consacre-t-il non l'ère libertaire des philosophes mais l'ère sécuritaire des tyrans. L'acquisition de droits sociaux s'est accompagnée de l'abandon correspondant des droits individuels les plus élémentaires. L'envahissement de la protection sociale a pris une telle arnpleur qu'il réclame à son tour qu'on s'en protège. Si l'Utile a pris le pas sur le Bien, la faute en revient d'abord aux philosophes modernes.

³Où est donc votre fleuve que je m'y désaltère? Mirages. Il faut retourner à Aristote, Saint Thomas, Montesquieu. Voilà du tangible et rien d'eux n'est inactuel². Sachons, nous aussi nous montrer réceptifs au message anti-étatique et communautariste de Bertrand de Jouvenel. Pour que vive l'Homme Européen, responsable, citoyen, libre!


* * *

 

Avant de clore cet exposé nécessairement succinct parce que synthèse d'une ¦uvre qui s'est voulue analytique, il convient de parfaire notre connaissance de Bertrand de Jouvenel par quelques éclaircissements sur le concept des Futuribles. Plutôt qu'un historique de la revue du même nom, dirigée par son fils, Hugues de Jouvenel, voyons ensemble ce que recouvre ce terme: ³Futuribles² est un néologisme repris par Bertrand de Jouvenel à un jésuite du XVIième siècle, Molina, théologien espagnol, contraction des mots ³futurs² et ³possibles². Il désigne les différents avenirs possibles selon les différentes manières d'agir. En ce sens, Bertrand de Jouvenel publie en 1964 un essai intitulé L'art de la conjecture, traité théorique où Jouvenel expose le procédé employé par lui dans la réalisation, depuis 1961, de travaux de prospective sur les modifications structurelles du système social et politique. Prévoyance comme action de l'esprit qui considère ce qui peut advenir et non futurologie (pseudo-science proposée par Ossip Flechtheim en 1949 sur la base de la connaissance), ce à quoi il oppose le principe de la ³conjecture raisonnée².
 

Les péchés mortels de la politique

Au sortir de 1945, Jouvenel jetait les bases de cet aspect proleptique de sa réflexion: ³Si terribles qu'aient été leurs conséquences, ces erreurs sont moins coupables dans leur principe que les fautes, véritables péchés mortels de la politique, qui sont causées par l'impuissance des dirigeants à calculer les répercussions lointaines de leurs actes, par le mépris des règles établies et des maximes avérées de l'art de gouverner²..

En préface de L'art de la conjecture, Bertrand de Jouvenel ajoute: "Susciter ou stimuler des efforts de prévision sociale et surtout politique, tel est le propos de l'entreprise Futuribles, formée, grâce à l'appui de la Fondation Ford, par un petit groupe offrant un éventail de nationalités et de spécialités, assemblé par une commune conviction que les sciences sociales doivent s'orienter vers l'avenir (...) Ainsi l'avenir est pour l'homme, en tant que sujet agissant, domaine de liberté et de puissance, et pour l'homme, en tant que sujet connaissant, domaine d'incertitude. Il est domaine de liberté parce que je suis libre de concevoir ce qui n'est pas, pourvu que je le situe dans l'avenir; j'ai quelque pouvoir de valider ce que j'ai conçu (...). Et même il est notre seul domaine de puissance, car nous ne pouvons agir que sur l'avenir: et le sentiment que nous avons de notre capacité d'agir appelle la notion d'un domaine ³agissable²".
 

Les quatre règles des "Futuribles"

 

Quatre règles fondent la démarche:
1) sans représentation, pas d'action.
2) l'action suivie, systématique, s'adresse à la validation d'une représentation projetée dans l'avenir.
3) l'affirmation du futur vaut toutes choses égales d'ailleurs, selon la vigueur de l'intention.
4) l'homme qui agit, avec une intention soutenue, pour réaliser son projet, est créateur d'avenir.

Depuis, colloques, séminaires, projets soumis à la D.A.T.A.R. (Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale) se sont accumulés, que renforcent depuis 1974 la revue Futuribles et la publication régulière d'actes et de livres. ³A mesure que l'avenir devient plus flou et offre une marge de liberté plus grande à nos actions² (cf. La Revue des revues, n°20), Futuribles poursuit le travail initié par Bertrand de Jouvenel et conserve en ligne de mire la mise en garde de Martin Heidegger (in: Le Tournant): Ne pas ³prendre purement et simplement en chasse le futur pour en prévoir et calculer le contour - ce qui revient à faire d'un avenir voilé la simple rallonge d'un présent à peine pensé².
 

jeudi, 28 janvier 2010

Carlo Gambescia - Metapolitica e potere

Carlo Gambescia. Metapolitica e potere

Susanna Dolci

Intervista Carlo Gambescia - Ex: http://www.mirorenzaglia.org/

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È di pochi giorni fa la pubblicazione del suo nuovo volume, Metapolitica. L’altro sguardo sul potere (Il Foglio Letterario Edizioni, 2009) e suo un sito web ben articolato”Carlogambesciametapolitica“ (incipit: “Senza ‘metapolitica’ si finisce sempre per fare cattiva ‘politica’ “). Lui viene definito «studioso di sociologia, propugnatore di un approccio basato sulla “metapolitica”, ovvero capace di andare al di là della dicotomie destra-sinistra e del giudizio politico, affrontando i fatti sociali attraverso una modalità esente da strumentalizzazioni ed etichettature. Il [suo] blog si propone di offrire qualche elemento di riflessione “metapolitica”, cercando di ricondurre il “particolare” (quel che accade) all’ “universale” (le costanti sociali)». Ed ancora: «La metapolitica non è una disciplina accademica. Senza ombra di dubbio il suo campo di studio rinvia alla filosofia politica. Tuttavia di rado se ne parla in enciclopedie e manuali di storia del pensiero politico. Probabilmente perché su di essa pesa tuttora l’accusa di pericoloso dilettantismo romantico dalle tentacolari propaggini totalitarie. Il che per certi versi è vero. Ma è soltanto una parte della storia. Ed è ciò che si propone di mostrare Carlo Gambescia. Per il quale la metapolitica, come altro sguardo sul potere, può rappresentare, oggigiorno, la classica boccata di aria fresca e pulita: un’analisi razionale di quel che viene “dopo” e “oltre” la politica, imperniata sulle scienze sociali e non sull’astratta ricerca dell’ “Ottimo Stato” o sulla sua abolizione rivoluzionaria». “Dove va la politica?” (Edizioni Settimo Sigillo, 2008) è il suo volume-risposta appassionante ed incalzante al disfacimento dell’appunto politica nel puzzle dell’essere degli stati che non sa più né ragionare né avere preciso potere decisionale. Una crisi di valori che rischia un irrimediabile punto di non ritorno. Contattato per un’intervista, il nostro si è subito reso disponibile a confrontarsi sulle pagine de Il Fondo con tematiche e realtà sociopolitiche spesso scomode ai più. Lo ringraziamo per questa sua squisita presenza pensando sempre alle parole di Ezra Pound «Non puoi fare una buona economia con una cattiva etica».

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Di Carlo Gambescia [nella foto] si dice (fonte: archivio900.it): ‘Italia, Sociologo, ha scritto diversi libri. Collabora a un discreto numero di riviste italiane e non. Critico di quella che definisce la «vulgata sviluppista e utilitarista, che ci presenta questo come “il migliore dei mondi possibili”», politicamente trasversale, è sostanzialmente un osservatore, un libero studioso e ricercatore’. Praticamente scomodo a “sinistra” (viene considerato un fascista) ed a “destra ed oltre” (viene considerato un antifascista), Lei non è fascista né tradizionalista. Insomma chi è?

Sono un libertario. Nel senso che se lei all’improvviso mi imponesse di scegliere tra il massimo della libertà senza alcun ordine e il massimo dell’ordine senza alcuna libertà, sceglierei, senza esitare, la libertà senza ordine. O se vuole sconfinante nel disordine. Ma non è tutto. E qui viene il bello, anzi il brutto.  Perché, come sociologo, ritengo sia irrealistico parlare di libertà assoluta: l’uomo vive “in società”;  agisce in un mondo che in buona parte non ha creato, fatto di istituzioni, se vuole, valori, idee, norme, “solidificati” in  comportamenti strutturati; istituzioni che l’uomo trova quando nasce, e che continueranno a esistere dopo la sua morte.  Certo, assumendo significati storici diversi.  Ma il punto è che, pur mutando il contenuto storico, come ogni buon sociologo sa, la forma-istituzione permane, limitando oggettivamente, nei fatti, la libertà dell’uomo. Pertanto, dentro di me si scontrano due figure: l’uomo che aspira al massimo di libertà e il sociologo che frena… E non è un bel vivere.

Per quale ragione?

Perché spesso chi ti legge e frettolosamente, come capita soprattutto in Rete, non percepisce il “dramma”. O meglio forse non vuole percepire la combattuta onestà di chi scrive… Per dirla tutta, se mi passa l’espressione, sotto questo profilo la Rete -  non mi faccia fare nomi -  è il peggio del peggio…  Presenta gli stessi vizi (invidia, perfidia, conformismo, cordate, guerra per bande, eccetera) della cosiddetta “società letteraria”,  che, pure scrivendo professionalmente, conosco molto bene.  Senza però godere della qualità e della professionalità, che tutto sommato, distingue, la “società letteraria”.  Con un’altra differenza, ovvero che “quelli” della Rete si ritengono “gli ultimi puri”. Roba da piangere o ridere. Faccia lei. Spesso penso veramente di essere un masochista perché mi ostino a tenere  ancora  “acceso” il mio blog.

Oltre all’economia anche la sociologia. Finalmente sorella tra le per me arti conoscitive o ancora brutto anatroccolo degli studi di questo mondo?

“Arte conoscitiva”… Bellissima espressione, complimenti.  Ricordo un prezioso libro di Robert Nisbet dove più o meno si sosteneva il valore dell’intuizione artistica anche nell’ambito dell’analisi sociologia. Da una parte i dati empirici e le costanti interpretative nel senso di quel che si ripete nel sociale: la “forma” sempre uguale a se stessa. Dall’altra l’intuizione bruciante, sempre diversa come capacità di vedere nell’effervescenza dei “contenuti”, ciò che sia sfuggito agli altri scienziati sociali quali politologi, economisti, eccetera.  Guardi, il più bel complimento, me lo fece qualche anno fa un amico filosofo, un appuntito “marxologo”, che a cena  mi disse: “Carlo, nei tuoi libri, si ritrova sempre quell’immaginazione sociologica, teorizzata, da Charles Wright Mills,  che va oltre i fatti sociali, pur partendo da essi”… E, purtroppo,  oggi la sociologia ha rinunciato all’immaginazione, per “certificare”  il presente, indossando abiti notarili. Come trent’anni fa,  invece, si baloccava in eskimo con l’idea di “rivoluzione”. Resta ancora tanta strada da fare.

Quanti libri al suo attivo?

Non mi piace fare della pubblica contabilità librario-culturale… Chi mi apprezza, già sa. O comunque sia, la faranno i posteri… Se ne avranno voglia… Ricordo un collega trombone, ancora in circolazione, che molti  anni fa,  in treno,  ammaestrava noi giovani leve sul fatto, che lui aveva scritto venti libri bla bla,  e che dunque era il più grande sociologo, eccetera, eccetera. Ecco, pensai: un comportamento, in futuro, da evitare…

Come non detto. Quali allora  gli argomenti trattati?

La mia ricerca, si muove lungo due filoni principali. Il primo riguarda la sociologia della cultura, con particolare riferimento all’economia come processo culturale. Il secondo concerne le relazioni, sempre sociologiche, tra economia, cultura e politica, ricerca che dovrebbe sfociare, più avanti, in una vera e propria teoria complessiva del politico.  Ne potrei aggiungere un terzo, carsico: quello dello studio storico-critico di alcune figure di sociologi e filosofi aperti al sociale che possono aiutarci ad affinare i concetti sociologici, come dire ” di pronto impiego”, per la ricerca. E qui penso, tra gli altri, a Sorokin,  Polanyi, Del Noce.

E a quale volume tiene di più?

Non ne ho uno in particolare. Diciamo che mi muovo  “metodicamente” -  e chi mi segue se ne sarà accorto – nell’alveo dei tre filoni indicati. Poi, guardi, io prima che “scrittore”, sono “lettore” accanito. Di qui una grande umiltà… Non pretendo di dire nulla di definitivo… E conosco i miei limiti.  A differenza di altri…

“Metapolitica. L’altro sguardo sul potere”, Il Foglio Letterario edizioni.  Questa la sua nuova fatica letteraria. Ce ne vuole parlare?

Diciamo subito che il libro è uno “spicchio” di quella teoria generale del politico, verso la quale in prospettiva dovrebbero confluire i diversi filoni della mia ricerca.  Ma il libro è nato anche da una constatazione: in certi ambienti non conformisti, soprattutto a destra, da decenni si parla di metapolitica, senza aver mai dato prima alcuna definizione… E soprattutto senza aver mai imparato a distinguere tra metapolitica, come ricerca filosofica o ideologica intorno allo stato ottimo, e metapolitica, come studio positivo della politica, basato sulle scienze sociali e sull’individuazione e l’uso di alcune fondamentali regolarità sociologiche. O peggio ancora: senza distinguere, tra metapolitica, come teoria (dal punto di vista chi osserva), e metapolitica come azione  (dal punto di vista di chi la pratica). Ecco il mio libro si muove intorno a queste intuizioni.

Politica e Metapolitica, per capire. Dove vanno da sole od insieme?

Dopo quanto ho detto, dovrebbe essere chiaro, per dirla telegraficamente – e come del resto lei stessa ha fatto notare nella sua introduzione – che senza metapolitica si rischia sempre  di fare cattiva politica.

Lancio dei sassi nello stagno dell’attualità italiana:

Nel 2008 ed a seguire in questo anno, il 20% delle famiglie si trovano sotto la soglia della povertà; stipendi bassi, salari da fame. L’Italia si attesta dopo la Grecia e la Spagna; da poco la decisione delle banche di bloccare i mutui per un anno alle categorie sociali in difficoltà; dubbio amletico nel lavoro: posto fisso o mobilità di assunzione; ancora la crisi economica è nera o si intravede un pur minimo spiraglio di fiduciosa ripresa?

Domande interessanti. Se però mi consente preferisco dare una risposta di metodo. Lasciando a lei e ai lettori la possibilità poi di “rispondersi da soli”. Anche questa è metapolitica… La forza del capitalismo è nel fatto che si fa al tempo stesso odiare e amare. È una via di mezzo tra il Dio dell’Antico e del Nuovo Testamento: atterrisce e consola al tempo stesso… Pertanto quei dati che lei ricorda, sono sempre suscettibili di peggiorare (il Dio che atterrisce), ma anche di migliorare (il Dio che consola). A differenza di altri sistemi storici a economia centralizzata o autarchica, il capitalismo ha una capacità di autoriformarsi, finora sconosciuta. Ma anche una capacità economica e politico-militare considerevole. Pensi, per così dire, alle battute finali dei totalitarismi, dei diversi totalitarismi che pur con sfumature diverse atterrivano senza consolare… Quelli  nazionalsocialista e  fascista sconfitti dal capitalismo sul campo, con la forza delle armi. E quello comunista, come qualcuno all’epoca scrisse, schierando invece stereo e frigoriferi… Si tratta di una plasticità, dalla forza pressoché sconosciuta, che ripeto atterrisce e consola al tempo stesso, con la quale ogni serio studioso dei sistemi socio-economici in generale, e del capitalismo in particolare, deve fare i conti.

D’accordo, ma sull’immediato?

Credo che per ora la forza sistemica del capitalismo sia tale che, anche questa volta, ce la farà… Tuttavia nessun sistema è eterno. E i due punti deboli del capitalismo attuale sono nella possibile crescita delle distanze sociali e nel degrado ambientale del pianeta. Al primo problema, si può rispondere con il welfare. Al secondo, puntando su uno sviluppo più attento all’ambiente. Tuttavia il problema è che la sicurezza sociale costa e richiede una crescita economica progressiva, in grado di garantire un altrettanto costante prelievo fiscale per coprire le finalità sociali del sistema. Ma la crescita progressiva – ecco il punto – non può andare tanto per il sottile. Di qui la possibilità, per alcuni la certezza, di sempre più gravi problemi ambientali.

Alcuni sostengono che la decrescita risolverebbe tutto…

Può darsi. Il vero problema resta però quello di trovare come conciliare la decrescita con la democrazia, in un mondo che temporalmente non potrà mai trasformarsi, tutto insieme e nello stesso momento, da capitalista in “decrescista”. Detto in altri termini: come convincere razionalmente e pacificamente i possibili refrattari interni ed esterni alla nazione o al “blocco di nazioni” decresciste ?   La tragica esperienza dei socialismi reali dovrebbe aver insegnato, una volta per tutte, che una  “riconversione economica”  non può essere una passeggiata, soprattutto in un mondo ostile.  Pensi, ad esempio, alla necessità di difendersi, dagli eventuali “nemici esterni” della decrescita… E allora che fare? Applicare la decrescita anche all’industria bellica? Un punto questo, che i “decrescisti”, almeno, a parole, pacifisti convinti, sembrano purtroppo sottovalutare.

Capisco benissimo che l’attualità italiana le  interessa fino a un certo punto…  Ma  Bruno Tremonti e Mario Draghi. Maestri, allievi o discoli?

No. Direi mestieranti… Ben pagati, però.

Confindustria e sindacati del lavoro. Pensano ai lavoratori ed al bene socialmente inteso o discettano del nulla?

Come sopra… Scherzo…Mi offre invece l’opportunità di spiegare come “funziona” la logica sociale delle istituzioni. Dal punto di vista sociologico la storia del sindacato può essere riletta come un continuo alternarsi tra movimento e istituzione. Nel XIX il sindacato era un movimento. Nel XX si è trasformato in istituzione. Di qui quel comportamento da routinier che oggi distingue il sindacato.  Ma fino alla prossima “scossa” storica e sociale. Chissà il XXI secolo potrebbe essere quello del ritorno a un comportamento movimentista. Tenga infine presente che la costante o regolarità “movimento-istituzione” contraddistingue l’agire sociale dei gruppi più diversi: dalle chiese ai partiti, dai sindacati alla coppia.  Sotto questo aspetto Trotsky aveva torto marcio:  non esistono rivoluzioni permanenti. Anche il potere rivoluzionario, proprio per un umano e innato bisogno di sicurezza, tende a istituzionalizzarsi.  Il che non significa che gli uomini non si ribellino mai. E che l’istituzionalizzazione possa andare, anche qui, oltre quel limite rappresentato dall’umana sopportazione delle ingiustizie. Insomma, neppure Stalin, teorico del socialismo in un solo paese, aveva ragione… Ma  solo che, una volta raggiunta la vittoria,  gli uomini si siedono e chiedono “normalità”… E il gioco ricomincia.

Destra e Sinistra? Destra o Sinistra? Destra vs Sinistra? Altro ed ulteriore? “Dove vanno le ideologie”, citando Enzo Erra ed Enzo Cipriano?

Destra e sinistra parlamentari possono essere anche superate. È un secolo che se ne parla… Ma il vero problema è quello di trovare un forma di rappresentanza alternativa. Come rappresentare gli interessi e i valori? Come fare in modo che tutte le posizioni vengano rappresentate? E democraticamente? Mi permetto sommessamente di ricordare che, nonostante alcuni ritengano – ed a ragione – “politicamente” sorpassate le ideologie di destra e sinistra scaturite dalla Rivoluzione Francese, in realtà all’interno di tutti i gruppi sociali tendono sempre a riproporsi “psicologicamente” e “socialmente”, le divisioni tra coloro che difendono lo status quo e quelli che vogliono cambiarlo. E infine tra questi ultimi e quelli che vogliono il ritorno allo status quo ante… Nell’ ordine: conservatori, progressisti e reazionari. Quindi, sì, fine delle dicotomie “classiche” o quasi, ma con juicio

A conclusione, qualche formula magica da proporre? Riti sciamanici? Profezie maya o curandere?

No. Per quel che mi riguarda cercherò di “applicarmi di più”. Insomma: studiare, studiare, studiare. Tutto qui.

vendredi, 27 novembre 2009

Panajotis Kondylis: Pouvoir et décision

kondy13k.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Panajotis Kondylis: Pouvoir et décision

 

Les livres les plus intéressants de Panajotis Kondylis, décédé en juillet dernier, sont: Geschichte des Konservativismus, Theorie des Krieges, Der Niedergang der bürgerlichen Lebensform  et Macht und Entscheidung  (= Histoire du conservatisme, Théorie de la guerre, Le déclin de la forme vitale bourgeoise  et Pouvoir et décision). Dans Pouvoir et décision,  Kondylis plaide pour une forme de la pensée qui a été copieusement décriée au cours des dernières décennies, et qui est le fondement de la démarche philosophique de Carl Schmitt. Kondylis justifie l’option de Schmitt en défendant le décisionnisme, tombé dans le discrédit depuis que les penseurs “héroïques” de la “révolution conservatrice” s’en sont emparé. Dans son ouvrage sur la décision, Kondylis démontre, appuyé sur ses innombrables connaissances, que toutes nos identités collectives et individuelles, y compris leurs expressions philosophiques ou rationnelles les plus élevées, reposent sur un fondement inaliénable qui est toujours une décision initiale, irrationnelle en dernière instance, révélant un rapport ami/ennemi.

 

Les idées sont dès lors des armes, qui servent l’objectif biologique de la lutte pour la survie ou pour l’accroissement de ses propres forces. La croissance et l’augmentation volontaire de ses potentialités dépendent étroitement, en fin de compte, de l’impératif de survie, auquel on ne peut se soustraire. Justement, c’est dans les périodes de crise que les individualités et les collectivités reviennent aux racines de leur propre identité, pour se renforcer et maintenir leurs forces. De ce fait, dans la formation des systèmes de pensée identitaires, la logique est un moyen parmi d’autres moyens, mais auquel on peut finalement renoncer.

 

Dans les systèmes théologiques, les principes de l’homme-créé-àl’image-de-Dieu et la faillibilité humaine constituent des contradictions sur le plan logique; de même, dans l’anthropologie de l’émancipation (Aufklärung), on trouve une contradiction: l’homme est une fraction de la nature, et, en même temps, les normes culturelles conditionnent le libre exercice de la volonté. Mais ces contradictions s’évanouissent dès qu’on les considèrent comme l’expression d’une volonté de pouvoir légitime. Les idées et les formes du savoir ne cherchent pas à “reflèter” la réalité: elles sont bien plutôt des constructions et des interprétations qui servent d’armes dans la confrontation ami/ennemi.

 

Comme Odo Marquard l’a remarqué: vouloir exprimer des vérités éternelles soustraites au temps est l’illusion majeure de la classe bourgeoise, qui pense qu’elle est au-dessus de toutes les autres classes. Les mythes, les religions et les idéologies sont donc des décisions au niveau de la Weltanschauung, qui assurent la permanence et la stabilité des identités. Souvent, la situation historique fait qu’il devient nécessaire de faire subir aux identités des mutations complètes, parce que la communauté politique ou nationale doit survivre. Le maintien de l’identité est un impératif existentiel que l’on ne peut toutefois pas détacher des circonstances spatio-temporelles. Même si l’identité est une fiction, elle demeure un impératif inaliénable. Si une individualité se rencontrait elle-même en temps que personne, mais dans un état antérieur à celui qu’elle revêt aujourd’hui, elle ne s’identifierait pas nécessairement à elle.

 

Holger von DOBENECK.

(article paru dans Junge Freiheit,  n°34/1998; trad. franç.: Robert Steuckers).

 

mercredi, 27 mai 2009

El poder y la resistencia intelligentes

El poder y la resistencia inteligentes

En su condición de superpotencia el gobierno norteamericano dispone de una fuerza militar y de un potencial económico que excepto la Unión Soviética, ninguno de sus adversarios ni todos juntos han podido retar. Ese poder es la base de una enorme influencia política; sin embargo, salvo excepciones, a la mayoría de las administraciones estadounidenses les ha faltado talento para convertir su musculatura en liderazgo autentico y para conducir constructivamente la política exterior con el Tercer Mundo, particularmente con América Latina.

En los nuevos escenarios internacionales, la astucia y la sutileza que asoman en la administración de Barack Obama pueden hacer la diferencia. A esa combinación de poder y racionalidad, en las audiencias en el Senado para su confirmación, Hillary Clinton llamó “poder inteligente”. De aplicarse esa doctrina, es probable que, en parte, la inteligencia condicione la confrontación. Talento contra talento pudieran ser los términos de una nueva ecuación en las relaciones políticas internacionales.


Hillary Clinton, que no fue incluida en la fórmula presidencial y se  pintó sola para Secretaria de Estado, el segundo cargo ejecutivo más importante, es la encargada de bordar a mano una política latinoamericana basada en el “poder inteligente” que no renuncia al empleo de la fuerza ni a ninguno de los objetivos estratégicos del imperio americano, aunque probablemente se propone cambiar brutalidad por la sutileza y en lugar de confrontar los cambios, se suma a ellos como una vez intentó hacer Kennedy con la Alianza para el Progreso.

Por primera vez la presencia de los ejecutivos norteamericanos en las capitales latinoamericanas no ha estado caracterizada por un clima de violento rechazo, sino todo lo contrario. En México y en Puerto España, Estados Unidos avanzó en su proyecto de lavado de imagen, dejando una zaga entre confusa y favorable. Es cierto que fuerzas políticas avanzadas se han percatado de la trampa pero también lo es que esas fuerzas, eficaces para la alerta temprana y la denuncia, carecen de capacidad decisoria.

Piezas claves en esa estrategia cuyos contornos no son todavía totalmente visibles, son Cuba y Venezuela y en otra dimensión menos protagónica Bolivia, donde Estados Unidos no adelanta compromisos, tal vez porque todavía no está seguro de poder controlar a la violenta oligarquía vernácula que no se resigna a la perdida de sus privilegios y rechaza como el diablo a la cruz el protagonismo de los pueblos originarios.

Ante los esfuerzos de Estados Unidos para reconstruir su disminuida influencia política en América Latina y reestructurar sus mecanismos de dominación en la región, Cuba se levanta como un obstáculo. No se trata de que la Isla desee o pueda oponer una resistencia física a las maniobras imperiales, sino de una capacidad de convocatoria que opera de oficio y actúa como catalizador de una cohesión que jamás había sido alcanzada. Esas circunstancias explican ciertos matices en el discurso de Obama y en el de los miembros pensantes de su administración respecto a: “Un nuevo comienzo en las relaciones con Cuba”.

Con sólo atenuar la brutalidad de la retórica de Bush basada en la arrogancia y la fuerza bruta, Obama y la Clinton lograron un clima que en gran medida desmontó la confrontación anunciada para la Cumbre de las Américas en Puerto España. Ello se debió a su enfoque inteligente del diferendo con Cuba.

Es cierto que Obama no pudo evitar los pronunciamientos de varios gobernantes latinoamericanos, algunos tan radicales como los de Daniel Ortega, aunque también es verdad que al evadir la confrontación dejó todo el asunto en una “zona de duda”

Hasta aquí se evidencia lo que pudiéramos llamar un ejercicio de relaciones públicas que, para ser instalado como política y estrategia, necesita pasar de las palabras a los hechos. La próxima visita de la Secretaria de Estado a Centroamérica y su coincidencia con la mayor parte de los mandatarios latinoamericanos, en la próxima toma de posesión de Mauricio Funes como presidente de El Salvador, será otro round.

Tal vez Hillary sepa que, para afianzar su “New Deal” latinoamericano, Estados Unidos no sólo no puede evadir el tema cubano, sino que está obligado a pasar de las palabras a los hechos. No obstante, nadie debe esperar acciones espectaculares ni cambios definitivos, tampoco aspirar a que Norteamérica se desmienta ideológica o políticamente.

Respecto a Cuba, cabe esperar que Estados Unidos se mueva en un “programa mínimo”, no exactamente avanzando, sino desmontando a cuentagotas acciones agresivas e injustificadas. El modo como la dirección cubana y los procesos avanzados de América Latina maniobren para sacar ventajas de giros que a veces pueden ser imperceptibles para los profanos, influirá en los saldos definitivos.

En cualquier caso, en ciertos aspectos el escenario está creado. La capacidad de resistencia de Cuba y la determinación de su pueblo, así como la comprensión y la solidaridad con que sus demandas son apoyadas por los gobiernos y los pueblos latinoamericanos, son un blindaje al que se suma la calidad de los argumentos y la altura del actual  liderazgo político en el continente.

Si en verdad, la nueva fase de la lucha política se convirtiera en una genuina batalla de ideas y la confrontación fuera de talento contra talento, se puede asegurar que al valor no le faltará inteligencia ni a la inteligencia valor.

Jorge Gómez Barata

Extraído de Visiones Alternativas.

~ por LaBanderaNegra en Mayo 19, 2009.