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jeudi, 22 septembre 2022

Mattias Desmet et la psychologie du totalitarisme

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Mattias Desmet et la psychologie du totalitarisme

Jan Lievens

Source: Nieuwsbrief Nr 172 - September 2022
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Mattias Desmet est sous le feu des critiques. Ce professeur de psychologie clinique à l'UGent a publié au début de l'année "La psychologie du totalitarisme" (chez Pelckmans), dans lequel il analyse la montée du totalitarisme d'un point de vue psychologique.

Ce livre est un grand succès. Il s'est vendu à 20.000 exemplaires en Flandre. Pourtant, son livre n'a pas fait l'objet d'une seule critique dans nos "médias de qualité" (autoproclamés tels), ni d'interviews dans les journaux, les magazines ou les émissions de radio et de télévision. Ceci, bien sûr, a tout à voir avec sa critique de l'approche de la crise du coronavirus.

Consensus élitiste

En tant que l'un des six éminents critiques de la politique sanitaire, il a participé à la série documentaire "Tegenwind", à laquelle participait également le professeur Lieven Annemans. Le fait que ce documentaire ait été un succès en ligne avec plus de 4 millions de visiteurs il est devenu le lauréat du prix d'audience Ultima (le prix de la culture du gouvernement flamand). On pourrait alors penser que les créateurs ou l'un des six scientifiques seraient invités à un programme très suivi tel que De Afspraak. Mais il n'y a évidemment pas de place pour cela dans les médias flamands dont l'esprit est bien étroit. Au printemps, Tegenwind a été largement diffusé dans l'émission de la VRT mentionnée plus haut, mais il a été rejeté par une foule de bien-pensants, à l'exception de Rik Torfs, qui s'est étonné du manque de tolérance de la part de ceux qui sont encore si fiers d'afficher justement leur "tolérance". C'est ainsi que cela se passe en Flandre en l'année 2022 : toute personne qui ne fait pas partie du consensus élitaire est déclarée persona non grata, et exclue. Noam Chomsky appelle cela la manière habile de garder la population passive et obéissante : le spectre des opinions acceptables est strictement délimité, mais au sein de ce spectre, un débat très animé est autorisé.

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Le succès aux États-Unis

50.000 exemplaires de la traduction anglaise de son livre, The Psychology of Totalitarianism, auraient déjà été vendus. Desmet est actuellement aux États-Unis pour promouvoir son livre et a fait sensation avec son passage dans le talk-show du célèbre penseur "complotiste" Alex Jones. Il y a fait une déclaration malheureuse sur la chirurgie à cœur ouvert sous hypnose, pour laquelle il s'est immédiatement excusé. Beaucoup plus intéressante et approfondie a été son interview avec Tucker Carlson sur Fox News. Le populiste conservateur Carlson est le commentateur politique le plus regardé aux États-Unis, laissant loin derrière lui la concurrence de CNN et MSNBC. Desmet a eu plus d'une heure pour exposer calmement sa théorie sur la formation des masses et le totalitarisme. Dans un article d'opinion au ton paternaliste, le philosophe de l'UGent Ignaas Devisch (De Standaard, 13 septembre 2022) affirme que Desmet s'est laissé utiliser par Carlson: "Car bien sûr, ces interviews ne portent pas sur Desmet lui-même ou sur son livre (...) Ils ne l'interprètent que parce que son titre de professeur donne de l'autorité aux vues insensées du showmaster et correspond à son programme politique". Comme si Carlson, qui touche des millions d'Américains chaque jour, avait besoin d'un universitaire flamand pour "lui prêter de l'autorité". Une telle affirmation est la meilleure preuve que Devisch n'a même pas regardé l'interview. Convainquez-vous : ICI - https://www.bitchute.com/video/7yt5BRImUQdz/

Le totalitarisme technocratique

Pendant ce temps, Desmet fait l'objet d'une campagne orchestrée par les médias habituels alignés sur le régime, avec notamment des témoignages anonymes d'étudiants qualifiant ses cours d'"endoctrinement". Le grand péché de Mattias Desmet est qu'il ne se contente pas de prendre en considération les exemples historiques de totalitarisme. Le national-socialisme du régime hitlérien et le communisme de l'Union soviétique sous Staline sont les principales émanations des systèmes totalitaires du 20ème siècle. Desmet fait référence aux Origines du totalitarisme (1951) de la philosophe juive allemande Hannah Arendt. Elle y expose une vision dystopique du futur selon laquelle, après la chute du nazisme et du stalinisme, un nouveau totalitarisme émergerait, qui ne serait plus dirigé par des "chefs de bande" comme Hitler et Staline, mais par des bureaucrates et des technocrates atones.

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L'isolement social

Nous sommes donc arrivés à l'essentiel de l'argument de Desmet. En Occident, nos libertés sont de plus en plus sous pression. Les voix dissidentes sont de plus en plus censurées et sanctionnées. Les actions intrusives des services de sécurité se multiplient et gagnent en marge de manœuvre, en collaboration avec Big Tech. Le grand récit auto-justificateur de notre société - le récit des Lumières - ne conduit plus à l'optimisme et au positivisme. L'état psychologique de la société se traduit par un isolement social, une augmentation des congés de maladie dus à la souffrance mentale et une utilisation massive de produits psycho-pharmaceutiques. Desmet parle même d'une épidémie : pas moins de 300 millions de doses d'antidépresseurs sont utilisées chaque année en Belgique. Cela place la Belgique à cette première place peu enviable en Europe. Il s'ensuit que de nombreuses personnes ne sont plus en "résonance" avec le monde qui les entoure, mais sont aliénées par rapport à leurs semblables et à la nature.

Formation de la masse

Dans un tel état, beaucoup de gens sont enclins à la formation de masse, ce qui revient à une hypnose de groupe qui prive les individus de toute capacité de distanciation critique et de conscience éthique. Gustave Le Bon a formulé cette idée dès 1895 dans sa Psychologie des foules. La formation de masse est aussi vieille que l'humanité, pensez aux bûchers de sorcières ou à la Révolution française, mais la masse moderne est un phénomène nouveau. Desmet identifie quatre conditions pour la formation de masses à grande échelle : (1) un grand groupe de personnes fait l'expérience de la solitude et de l'isolement social, (2) leur vie n'a pas de sens, il y a un manque de construction de sens, (3) la présence de beaucoup d'anxiété flottante (non liée à une représentation et donc difficile à contrôler) et de malaise psychologique dans la population, et (4) beaucoup de frustration et d'agressivité sans bornes dans la société. Desmet soutient que ces quatre conditions étaient présentes avant la montée du nazisme et du stalinisme et les voit également présentes à notre époque. Le rôle des médias de masse est crucial pour focaliser la peur des masses sur le dissident, le juif, le bourgeois, le non-vacciné. Puis naît la volonté de s'attaquer à l'objet de cette peur et, au stade final, de le détruire.

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Collectivisme

En substance, la formation de masse revient à ce qu'une société saturée d'individualisme et de rationalisme bascule soudainement vers la condition radicalement opposée, vers un collectivisme irrationnel et radical. C'est ainsi que Desmet fait le lien avec la crise sanitaire: ceux qui ne s'inscrivent pas dans le récit dominant rompent la solidarité avec le collectif et se voient reprocher un manque de responsabilité civique et de solidarité. Les masses "croient" au narratif officiel, non pas parce qu'il est juste, mais parce qu'il crée un nouveau sentiment d'appartenance. Selon Desmet, il s'agit de comportements rituels qui ont pour fonction de renforcer la cohésion du groupe. Il ne s'agit pas de la connectivité entre les individus mais du lien entre l'individu et le collectif.

Osez penser et osez parler

Pour contrer la formation de masse, il est nécessaire que les gens continuent à s'exprimer dans les espaces publics. Desmet voit la cause de cette formation de masse dans une idéologie mécaniste-matérialiste qui est dominante aujourd'hui et se manifeste dans un transhumanisme technocratique. Le livre de Mattias Desmet offre beaucoup de matière à réflexion et à débat social. Notre devise : ignorez les médias de masse, lisez ce livre et, surtout, formez votre propre opinion.

mardi, 06 septembre 2022

Environnementalisme systémique contre environnementalisme instrumental

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Environnementalisme systémique contre environnementalisme instrumental

par Andrea Zhok

Source: https://www.ideeazione.com/pillole-programmatiche-4-ambientalismo-sistemico-versus-ambientalismo-strumentale/

La protection de l'environnement est l'une des questions les plus cruciales et les plus facilement instrumentalisées du monde contemporain. Pour comprendre la nature structurelle du problème, il faut commencer par une compréhension de base des mécanismes sous-jacents de la dynamique du capital, caractérisée par le besoin intrinsèque de croissance pérenne et de concurrence entre les agents économiques. Le système de production capitaliste ne tolère pas de rester longtemps sans croissance (en un état stable) et fonctionne selon un système de "rétroaction positive", selon lequel, à chaque cycle, le produit (sortie) doit augmenter l'investissement (entrée). L'état stable pour la société et l'économie décréterait l'effondrement du modèle capitaliste.

Ce fait a une implication immédiate : le modèle de développement capitaliste est incompatible avec l'existence dans le temps sur une planète finie aux ressources finies. Cette incompatibilité, il faut le noter, n'est pas seulement due au conflit structurel entre ressources finies et croissance infinie, mais aussi à la tendance inhérente du développement capitaliste à se développer sous des formes asymétriques, érodant sélectivement certains lieux, certains éléments, certains facteurs, et créant ainsi des déséquilibres toujours nouveaux.

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Ce qu'il faut fixer fermement, c'est que notre forme de vie, façonnée par le système de production capitaliste et la raison libérale, est constitutivement incompatible avec ce qui est la condition essentielle de la santé organique et environnementale, à savoir l'équilibre. La croissance effrénée (le capital), l'affranchissement de toute limite (la raison libérale) et l'exigence permanente de dépasser le donné (le progressisme) sont autant de formes de conflit frontal avec l'équilibre organique et environnemental.

On pourrait penser que le libéralisme capitaliste et l'environnementalisme doivent être des ennemis jurés, mais ce n'est pas vrai : c'est avec l'environnement, et non l'environnementalisme, que le conflit se situe. L'environnementalisme peut facilement devenir un déguisement instrumental pour les besoins du capital. Le capitalisme est cette chose qui peut vous vendre des T-shirts avec Che Guevara et Fidel Castro dessus - fabriqués par le travail des enfants thaïlandais et avec une majoration de mille pour cent - sans sourciller et sans percevoir en cela un quelconque problème de cohérence. Au contraire, elle présentera cette indifférence totale aux moyens de vendre comme une "libéralité". 

La même chose se produit avec toutes les questions environnementales, qui, une fois entrées dans le hachoir à viande libéral-capitaliste, deviennent facilement des opportunités de profit. La seule chose que l'approche libérale ne supporte pas, c'est la vision globale et systémique.

Tant qu'elle peut focaliser sélectivement toute l'attention du public sur un seul problème, sur un slogan magique, sur une solution technique miraculeuse, elle est parfaitement capable de le transformer - quel qu'il soit - en une opportunité de profit. Ainsi, tout en montrant qu'un seul problème est résolu, des dommages sont causés sur d'innombrables autres fronts, qui devront ensuite être corrigés individuellement, créant à leur tour de nouveaux dommages. Et ainsi, d'une solution brillante à une autre, une dégradation systémique illimitée peut en résulter.

Ce mécanisme est à l'œuvre aussi bien dans le cas de l'environnement que dans celui de la santé humaine. Dans le cas de la santé, cela signifiera que les problèmes sont traités comme des clous saillants individuels sur lesquels on peut faire tomber le marteau, en accordant peu ou pas d'attention à l'équilibre de l'organisme sur lequel on travaille. Une idée correcte de la santé suppose qu'il s'agit d'un équilibre organique que des interventions externes (thérapies) peuvent aider à rétablir : l'accent est mis ici sur l'équilibre de l'organisme. En revanche, dans la conception libérale-capitaliste, l'accent est mis sur le moyen (qui est un produit commercial) que l'on imagine atteindre unilatéralement la santé de l'organisme.

On retrouve la même approche avec l'environnement, qui est traité strictement comme une source d'alarmes ou d'urgences sélectives, à manipuler pour favoriser telle ou telle direction de consommation. Le cas de l'alarme climatique actuelle est un exemple manifeste de cette tendance, non pas parce que l'alarme est nécessairement infondée (elle pourrait très bien être fondée, et nous pourrions toujours adopter un principe de précaution), mais parce qu'elle est traitée de manière opportuniste et instrumentale.

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Taxer le carburant des citoyens qui n'ont pas d'autre alternative que le transport privé pour se déplacer (comme l'a fait Macron en France) n'est pas un "sacrifice commun pour le climat", mais une attaque classiste déguisée en noble intention, car elle frappe une partie, la plus faible, de la population, tout en refusant de voir les milliers d'autres cas, touchant des intérêts plus organisés, dans lesquels le même problème devrait être abordé (si l'on veut vraiment l'aborder).

De même, déclarer que l'énergie nucléaire - dans la mesure où elle ne contribue pas aux gaz à effet de serre - est soudainement une "énergie verte" (et peut bénéficier d'innombrables concessions pour cela), est un autre exemple de cet unilatéralisme dans le traitement des questions environnementales. Elle fait disparaître tous les problèmes environnementaux qui n'ont pas été résolus jusqu'à présent dans l'utilisation de l'énergie nucléaire pour ne mettre l'accent que sur l'aspect fonctionnel de ce que les médias de service déclarent être la "question du jour".

Dans cette approche, la disposition sous-jacente est animée par un aveuglement volontaire : on ne veut pas, même de loin, prendre au sérieux la seule chose qui devrait être prise mortellement au sérieux, à savoir l'incompatibilité de ce modèle socio-économique avec les équilibres environnementaux (voire avec toute la naturalité). Une fois cette option systémique exclue, on ne se concentre toujours que sur des pseudo-solutions partielles et instrumentales qui permettent de poursuivre les affaires courantes.

Le libéral suppose par définition que pour tout problème, une solution de marché existe en principe, et que la trouver n'est qu'une question d'incitations. Cette vision le rend aveugle à tout problème systémique, car le système lui-même n'est pas discutable : il n'y a pas d'oxygène en dehors de la bulle d'air libérale-capitaliste. (J'anticipe les objections habituelles en disant que les systèmes de production non capitalistes peuvent EN PRINCIPE éviter le piège de la croissance obligatoire, mais ils ne sont pas obligés de le faire : le progressisme soviétique n'était pas plus gentil avec l'environnement que le progressisme américain).

La vérité simple sur la question environnementale est qu'elle s'harmonise bien avec une attitude "conservatrice" et très mal avec une attitude "progressiste", mais paradoxalement, cette dernière a réussi à se l'approprier en la transformant en un instrument de manipulation sociale et économique.

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La fausse conscience du "progressisme" environnemental contemporain est évidente dans le classisme qui le domine. Se racontant l'histoire abstraite selon laquelle les problèmes environnementaux touchent tout le monde de la même manière, pauvres et riches, le libéral-progressisme s'approprie les revendications écologistes en se croyant porteur d'un bien supérieur, qui lui donne donc aussi le droit d'utiliser des moyens coercitifs sur les récalcitrants.

La combinaison de la prédominance des intérêts commerciaux (qui dirigent le "marché des solutions environnementales") et de l'arrogance habituelle des détenteurs du "bien supérieur" (qui caractérise le progressisme) fait de l'appropriation libérale-progressiste de la question environnementale une démonstration effrontée de classisme.

On fait semblant de ne pas voir l'évidence, à savoir que si l'on veut vraiment s'attaquer de front à la question environnementale, la première chose à faire est de s'attaquer au problème systémique de la croissance obligatoire et de la concurrence entre des positions économiques asymétriques. S'attaquer à ce problème impliquerait en effet un changement qui implique une période de sacrifice, car les attentes antérieures ne peuvent être satisfaites (elles ne le sont d'ailleurs déjà plus pour la plupart des gens).

Mais si l'on entre dans la perspective de changements de formes de vie qui impliquent des sacrifices, il est évident que ces sacrifices DOIVENT commencer par le sommet de la pyramide sociale. Il est impensable qu'alors que les capitalisations d'une petite élite financière mondiale sont les plus élevées de l'histoire, on demande aux gens qui ont du mal à payer leurs factures de se serrer la ceinture. Et de même, il est impensable de demander des sacrifices égaux aux nations dont les taux de consommation et de bien-être sont faibles et aux nations dont les taux de bien-être et de consommation hyperbolique sont élevés (États-Unis en tête).

La question environnementale est une question d'époque et très importante, mais seule la mauvaise foi la plus flagrante peut prétendre ne pas voir comment elle est nécessairement imbriquée avec la question des rapports de force économiques.

Il n'y a pas d'appel au "sacrifice commun" tant que vous êtes appelé à payer une taxe écologique sur la Ferrari et lui sur l'essence pour emmener ses enfants à l'école. Il n'y a pas d'appel à "être tous dans le même bateau", tant que le vôtre est un yacht et le sien un canot de sauvetage.

Tant que l'environnementalisme ne se débarrassera pas sans équivoque de son classisme implicite, il restera un jeu rhétorique destiné à la plèbe, pour permettre à ceux qui sont au sommet de préserver les différences de pouvoir.

Et l'environnementalisme à la sauce libérale-progressiste est structurellement empêché de franchir ce pas.

samedi, 30 juillet 2022

Au-delà de la droite et de la gauche

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Au-delà de la droite et de la gauche

par Andrea Zhok

Source : Andrea Zhok & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/oltre-destra-e-si...

Le nouveau terrain politique qui nous est offert doit partir de la reconnaissance du caractère désormais obsolète et trompeur de l'opposition historique entre la droite et la gauche. Ce rejet ne doit pas être compris comme une mode à suivre, mais comme le fait que nous comprenons bien les enjeux de la fin d'une époque. La droite et la gauche ont toujours été des oppositions sans identité stable : depuis leur origine dans la Révolution française, la droite et la gauche ont eu des rôles et des incarnations très différents. Il existe des identités théoriques telles le socialisme, le communisme, le libéralisme, le traditionalisme, le conservatisme catholique, le naturalisme chrétien, etc. etc., mais il n'y a pas d'identité de "droite" ou de "gauche", sauf dans la contingence d'expressions journalistiques plus ou moins vagues.

Au cours des trente dernières années, tant les partis de droite autoproclamés que les partis de gauche autoproclamés ont contribué à alimenter et à renforcer un modèle de société libéral et mondialiste. Les deux camps ont contribué à l'adoption de stratégies qui ont liquéfié le tissu social, déraciné les individus et sapé le fonctionnement des familles et des communautés territoriales. Tous deux ont contribué aux processus de privatisation des biens et services publics sans tenir compte des intérêts stratégiques nationaux ; tous deux ont soutenu la cession de la souveraineté à des organismes supranationaux ; tous deux ont accompagné l'érosion du bien-être et ont sapé la protection du travail ; tous deux ont soutenu une modernisation cosmétique de l'enseignement public qui a provoqué son effondrement. Tous deux ont soutenu la transition progressive d'un ordre démocratique à un ordre technocratique, où la souveraineté est déléguée à des élites opaques de personnes autoproclamées "compétentes".

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Cette convergence substantielle de la gauche et de la droite, qui a été possible en raison de leurs identités, qui sont in fine intrinsèquement ténues, a été une véritable manœuvre de camouflage, une tromperie pour dissimuler leurs lignes dominantes à l'électorat. Bien sûr, tout ce qui a grandi dans l'ombre de forces qui se considéraient comme de droite ou de gauche n'est pas à rejeter, et tous les protagonistes individuels qui se sont reconnus comme tels n'étaient pas non plus de mauvaise foi. Tant à droite qu'à gauche, il a existé - bien que de manière minoritaire - des lignes critiques à l'endroit du développement du libéralisme, dont les tendances destructrices et autodestructrices ont été reconnues par les uns comme par les autres. Mais cette vigilance critique résiduelle a été dépassée par la logique du "front commun" : contre la droite sur la gauche et contre la gauche sur la droite. Malgré l'interchangeabilité substantielle des politiques, cette astuce rhétorique, cet appel à s'unir contre "l'ennemi" a fonctionné pendant des décennies, permettant à une politique sans idées ni principes, autres que les intérêts des grandes entreprises, de s'imposer sans scrupules.

Ceux qui, à gauche, se méfiaient des impératifs du marché ont fini par soutenir toutes les formes de dissolution des liens humains (familiaux, affectifs, territoriaux, communautaires, traditionnels, naturels, religieux), de manière parfaitement fonctionnelle pour produire des individus isolés à la merci du marché, pour produire des sujets fragiles, liquides, prêts à occuper des postes de rouages dans la machine mondiale.

Ceux qui, à droite, considéraient avec méfiance les processus de dissolution des liens familiaux, territoriaux, traditionnels, etc., ont cependant fini par soutenir des formes de marchandisation généralisée de la société, quand ce n'est pas carrément du darwinisme social, alimentant ainsi les formes sociales mêmes qui dévastaient ces liens qu'ils prétendaient vouloir défendre.

Dans le contexte de ce que l'on appelle "l'effondrement des idéologies", le couplage droite-gauche est donc devenu une astuce cosmétique pour maintenir en selle quelques survivants des anciennes formations idéologiques, alors qu'en fait l'idéologie globale du néolibéralisme a été imposée - déguisée en réalité ultime. Le besoin de mobilité de la main-d'œuvre sur le marché mondial a été dépeint de manière instrumentale comme de la "flexibilité", du "dynamisme", ou même invoqué au nom de l'"accueil" et de l'"hospitalité". Les exigences de fiabilité posées par le grand capital, protégé par la BCE, ont été présentées comme un européisme fier, par opposition à un nationalisme hargneux. La demande d'un capital humain illimité a été présentée comme une "libération des contraintes oppressives de la famille". La tendance libérale-capitaliste à la liquéfaction de tous les liens, qu'il s'agisse de lieux, de personnes, de cultures ou de traditions, a été présentée comme une force émancipatrice, qui permettait enfin aux individus de s'épanouir (tout en créant en fait des générations d'individus de plus en plus solitaires et désorientés).

Ce jeu a fait son temps. Si nous voulons rouvrir l'espace où un espoir politique fertile sera possible, nous devons laisser une fois pour toutes derrière nous l'opposition catégorique entre la gauche et la droite, en brisant l'inertie d'habitudes conceptuelles et verbales qui sont aujourd'hui totalement trompeuses.

jeudi, 08 juillet 2021

La défense des préjugés contre l’universalisme abstrait (Joseph de Maistre)

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La défense des préjugés contre l’universalisme abstrait (Joseph de Maistre)

Dans cette vidéo, nous nous intéresserons à la défense, paradoxale au premier abord, des préjugés par le comte Joseph de Maistre. Loin de n’être qu’un point de détail philosophique en effet, le rejet systématique des préjugés indique en réalité une certaine conception du monde, de la société et de la politique faisant fi de l’histoire et de l’expérience des siècles passés. Or, c’est justement pour rappeler l’importance de l’histoire et de l’expérience des peuples cristallisée dans ce qu’on appelle « les préjugés », qu’il est essentiel d’aborder la pensée de Joseph de Maistre.
 

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Musiques utilisées dans la vidéo :
- Vivaldi : ‘‘La stravaganza’’ Concerto in E minor, op. 4, No. 2 RV279
- Christoph Wilibald Gluck : Orphée et Eurydice, Danse des ombres heureuses (interprété à la harpe par Xavier de Maistre)
- Anton Dvorak : Romance in F major, Op.11
- Vivaldi : Nisi Dominus, IV. « Cum dederit » (Andrea Scholl)
 
Pour lire la constitution française : https://www.conseil-constitutionnel.f...
Pour lire la constitution hongroise (Loi fondamentale) : https://mjp.univ-perp.fr/constit/hu20...

dimanche, 13 juin 2021

Actualité de Carl Schmitt : gouvernance mondiale, Chine, géopolitique, cosmopolitique

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Actualité de Carl Schmitt : gouvernance mondiale, Chine, géopolitique, cosmopolitique

Entretien avec Pierre-Antoine Plaquevent

Xavier Moreau (Stratpol) interroge Pierre-Antoine Plaquevent sur l’actualité de la pensée de Carl Schmitt pour comprendre les relations politiques internationales et la géopolitique contemporaine. Un recours indispensable en ces temps de confusion et d’indistinction généralisée. Entretien réalisé à Moscou, capitale de la métapolitique.

 
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Le premier Carl Schmitt : Weimar et NSDAP 01:45
Carl Schmitt et la géopolitique des grands espaces 10:00
Carl Schmitt et le globalisme 16:20
Carl Schmitt et la Chine 17:13
Carl Scmitt et l'ennemi absolu 19:53
Etudier Carl Schmitt, conseils de lecture 21:00
 

mardi, 20 octobre 2020

Carl Schmitt and the Development of Conservative State Theory in China

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Carl Schmitt and the Development of Conservative State Theory in China

Seminar Series: Greater China Legal History
Organized by: CUHK LAW
 
Speaker: Prof. Ryan Mitchell
Date: 9 October 2020
 
 
Over the last decade or so, China’s Supreme People’s Court and the country’s political leaders have consistently rejected the idea of a “judicialized” Constitution, allowing individual litigation.
 
At the same time, the government has also been more vocal and emphatic than ever before in endorsing the national Constitution’s practical and symbolic importance. Is it really possible to endorse “constitutionalism” without endorsing judicial review? If so, how? Arguably, both Anglo-American liberalism and Marxism fail to provide a model for such an approach to constitutionalism—but other traditions, including German conservative state theory, have helped to fill the gap.
 
In discussing the reception of this body of thought in China, this lecture will focus specifically on the role of Carl Schmitt, the controversial but still influential jurist who argued for Executive “dictatorship” after World War I, was a leading critic of liberalism, and later was disgraced after choosing to collaborate with the Nazi regime.
 
Although Schmitt’s political choices have made him an uncomfortable source of guidance in China as elsewhere, his unique and thorough arguments about public law and politics continue to provide him with global influence. From issues of territorial sovereignty to the balance between different institutions of government, Schmitt’s version of constitutionalism can help to explain various developments in modern China’s legal order, and even some similar trends worldwide.

dimanche, 17 mai 2020

Ortega y Gasset, la philosophie et la vie

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Ortega y Gasset, la philosophie et la vie

Ex: https://www.books.fr

« Toute vie est plus ou moins une ruine dans les décombres de laquelle nous devons découvrir ce que la personne aurait voulu avoir été ». En écrivant cette phrase à propos de Goethe, dans un des textes qu’il a consacrés à ce dernier durant les années 1930 et 1940, le philosophe espagnol José Ortega y Gasset ne songeait-il pas spécialement à lui-même ? Les biographes de Goethe, faisait-il remarquer, ont essentiellement décrit sa vie de l’extérieur, contribuant ce faisant à façonner une statue qui donne de lui une image mensongère. En les invitant et en s’employant lui-même à reconstruire sa vie « de l’intérieur », par la comparaison de ce qu’elle a effectivement été et du rêve qui animait l’écrivain, Ortega ne faisait qu’appliquer l’idée, au cœur de sa philosophie, que toute vie est définie par une « vocation » que chacun parvient plus ou moins à réaliser, dans un combat de tous les jours très difficile à gagner  : « la vie est de manière constitutive un drame, parce qu’elle consiste en la lutte frénétique contre les choses et contre notre propre caractère pour accomplir ce que nous sommes en projet ».

Il est cependant difficile de ne pas faire un lien tout particulier entre la phrase citée et la vie d’Ortega y Gasset lui-même, dont l’histoire est celle « d’une frustration et […] d’un succès insuffisant » déclare Jordi Gracia en ouverture du remarquable livre qu’il vient de lui consacrer. Publié dans la collection « Españoles Eminentes » dans laquelle sont notamment déjà parues des biographies de Miguel de Unamuno et Pío Baroja – deux écrivains par rapport auxquels (et en grande partie contre lesquels), Ortega s’est défini dans sa jeunesse – cet ouvrage se distingue des précédentes biographies du philosophe par la grande attention qui y est portée à sa personnalité.

Une image nuancée et complexe

51H2WYJTFWL._SX319_BO1,204,203,200_.jpgLa littérature sur Ortega y Gasset est extraordinairement abondante. Longtemps, elle s’est limitée à la présentation et l’étude de ses idées philosophiques, sociologiques, politiques et esthétiques. Ce n’est qu’assez récemment que sont apparues les premières biographies en bonne et due forme. Deux des plus fouillées, par Rockwell Gray et Javier Zamora Bonilla, coordinateur de la nouvelle édition des œuvres complètes d’Ortega en dix volumes, sont essentiellement, pour reprendre l’expression utilisée par le premier de ces deux auteurs à propos de son livre, des biographies « intellectuelles ». En filigrane de l’exposé des idées d’Ortega et de leur évolution, un certain nombre d’aspects de sa vie personnelle et de son caractère y étaient toutefois évoqués. Jordi Gracia va plus loin encore dans cette direction, en s’appliquant à mettre en évidence, grâce à l’exploitation de nombreux documents dont certains inédits (notes privées, correspondance), le jeu serré des interactions entre la personnalité d’Ortega, ses idées et les péripéties de sa vie. Dense, touffue, farcie de citations et rédigée sur un ton souvent subjectif, personnel et passionné, épousant les reliefs et les sinuosités de la vie intellectuelle et émotionnelle d’Ortega plutôt que de présenter de manière linéaire, distante et méthodique les événements de son existence et le contenu de ses œuvres, cette biographie, dont la lecture profitera surtout à ceux qui sont déjà un peu familiers des théories du philosophe et de sa trajectoire, jette sur le personnage une lumière nouvelle.

javier-zamora-bonilla-ortega-y-gasset-D_NQ_NP_878042-MCO28655681105_112018-F.jpgL’image qui ressort de ce portrait est nuancée et complexe. C’est celle d’un homme « d’une intelligence insolente […] impérialement sûr de lui et souriant, plaisantin, jovial, fanfaron et séducteur », d’un travailleur forcené et infatigable doté d’une imagination puissante, mais aussi d’un homme anxieux, tourmenté et non sans contradictions, s’efforçant avec opiniâtreté de surmonter des faiblesses dont il était en partie conscient, vulnérable au découragement et qui a traversé plusieurs épisodes de dépression psychologique paralysante. Comme l’indique sans équivoque la première phrase du livre, c’est aussi l’image d’un homme pouvant penser que sa vie avait été, au moins partiellement, un échec. Pour quelles raisons ?

Dans son élogieux compte rendu de l’ouvrage de Jordi Gracia, Mario Vargas Llosa, lecteur assidu d’Ortega y Gasset et grand admirateur du philosophe en qui il voit un héraut du libéralisme humaniste, évoque le « grand échec » qu’a représenté pour Ortega l’impossibilité de traduire dans les faits ses idéaux politiques. C’est assurément dans ce domaine que la distance entre ses ambitions et la réalité a été la plus grande et la plus lourde de conséquences. Fils de l’écrivain et journaliste José Ortega Munilla, directeur du supplément littéraire du journal El Imparcial, petit-fils, par sa mère, du fondateur de ce même journal, rejeton, en un mot, de la bourgeoisie intellectuelle, cultivée et progressiste madrilène de la fin du XIXe siècle, Ortega y Gasset a embrassé dès sa jeunesse les idéaux de cette génération dite « de 1914 » dont il  allait devenir la figure la plus notoire. Les représentants de la génération précédente, dite « de 1898 », Unamuno, Baroja et d’autres écrivains comme Azorin et Valle-Inclán, exprimaient dans leurs œuvres une vision tragique, irrationaliste et volontiers pessimiste de la vie et étaient fortement attachée à l’identité espagnole. Les membres de ce nouveau groupe, dont les plus connus et représentatifs, à côté d’Ortega, étaient ses deux amis le médecin lettré Gregorio Marañon et l’écrivain et journaliste Ramón Pérez de Ayala, l’écrivain et politicien Manuel Azaña et le diplomate Salvador de Madariaga, étaient par contre de fervents rationalistes, tournés vers l’action et animés par la volonté de moderniser l’Espagne et de l’ouvrir à l’Europe en s’appuyant sur une élite intellectuelle sensible à l’idéal du progrès et acquise aux valeurs du libéralisme.

Un libéral conservateur

Dans un premier temps, Ortega apparaît avoir identifié cet idéal avec celui du socialisme, un socialisme non marxiste de caractère social-démocrate qui le séduisait au plan intellectuel au moins autant que strictement politique : « Ce qui attirait Ortega dans le socialisme, observe pertinemment Javier Zamora Bonillo, était sa rationalité ». Sa vision politique évoluera assez rapidement. « Dans sa maturité, résume Gracia, [Ortega] a été un libéral conservateur cherchant à redéfinir le libéralisme démocratique, identifiant les deux totalitarismes des années trente comme de néfastes régressions à un état antérieur au libéralisme du XIXe siècle [et cherchant] à protéger ce libéralisme contre les conséquences négatives et les faiblesses des démocraties modernes ». Dans son livre le plus connu et le plus traduit, La Révolte des masses, Ortega se livre ainsi à un plaidoyer pour les valeurs du libéralisme éclairé en mettant en garde, dans un esprit proche des réflexions de Tocqueville au sujet des dérives de la démocratie, contre les dangers liés à la massification des individus, une massification dont il voyait dans le nazisme et le communisme à la fois l’expression extrême et le produit le plus dévastateur.

Mais Ortega n’eut la satisfaction, ni de pouvoir appliquer ses idées politiques lui-même, ni de les voir mettre en œuvre par d’autres. À deux reprises, il s’engagea dans la politique active, pour s’en retirer chaque fois rapidement. La deuxième occasion est la plus connue. Quelques semaines avant la proclamation de la seconde république espagnole, qui mit fin, au mois d’avril 1931, à la dictature du général Primo de Rivera, premier ministre du roi Alphonse XIII durant les dernières années de la restauration monarchique, Ortega avait fondé avec Gregorio Marañon et Ramón Pérez de Ayala un mouvement intellectuel et politique baptisé « Agrupación al Servicio de la República ». Transformé en parti, il remporta aux élections suffisamment de voix pour faire élire Ortega au Parlement. Choqué par les excès du parti républicain, Ortega démissionna de son siège au bout de quelques mois, en déclarant renoncer à toute vie politique active. Peu de temps après, le déclenchement de la guerre d’Espagne allait le placer face à un choix impossible.

Un choix impossible

La position politique d’Ortega pendant et après le conflit a donné lieu à d’innombrables gloses et commentaires. Plus personne, à présent, n’ose affirmer que le silence public qu’il s’est imposé reflétait une stricte neutralité. Homme d’ordre, abhorrant le communisme, Ortega, à l’instar de ses amis libéraux Marañon et Perez de Ayala, souhaitait à titre privé la victoire du camp nationaliste, qu’ils considéraient tous les trois comme un moindre mal face au risque de voir s’établir en Espagne un régime totalitaire. Parce qu’il avait malgré tout signé, dans des circonstances très discutées (peut-être suite à des menaces), un manifeste en faveur des républicains, craignant pour sa vie et sa sécurité, il choisit de s’exiler. À Paris tout d’abord, puis en Argentine où il s’était déjà rendu plusieurs années auparavant et avait eu l’occasion de donner des conférences, à Lisbonne, enfin, où il établit sa résidence et resta domicilié jusqu’à sa mort, en dépit de séjours en Espagne durant les dernières années de sa vie, régulièrement entrecoupés de voyages dans d’autres pays.

18982430389.jpgCes années furent les plus pénibles de l’existence d’Ortega. À Paris, où s’était également réfugié Gregorio Marañon, il souffrit de graves problèmes de santé qui mirent ses jours en danger. En Argentine, la fréquentation de milieux conservateurs lui valut l’opprobre des intellectuels progressistes, avec pour effet de le placer dans une situation de terrible isolement. L’étrange théorie du penseur comme prophète condamné à la solitude qu’il développa à ce moment dans plusieurs articles, à rebours de sa vision de toujours du rôle de l’intellectuel, pourrait être interprétée, suggère judicieusement Eve Giustiniani, comme une tentative d’auto-légitimation de cette solitude forcée – preuve supplémentaire, s’il était nécessaire, de l’impact permanent des épisodes de sa vie sur sa pensée.

De manière générale, les anciens républicains et ceux qui avaient sympathisé avec leur cause accusaient Ortega d’avoir trahi leur idéal. Ils furent confortés dans ce sentiment lorsqu’en 1946, dix ans après la victoire des troupes du général Franco et l’instauration de la dictature militaire, le philosophe décida de réapparaître officiellement en Espagne et de s’y exprimer publiquement. L’initiative était malheureuse, parce qu’elle pouvait être (et a effectivement été) interprétée comme une caution apportée au régime franquiste. « Le drame d’Ortega » résume très bien Andrés Trapiello dans son histoire des écrivains dans la guerre civile espagnole Les Armes et les Lettres, « fut d’être un libéral dans un monde qui n’acceptait pas le libéralisme, d’être obligé, par conséquent, de choisir un camp quand aucun n’était accueillant à ses idées et aucun, bien entendu, ne s’accordait à son tempérament pacifique, érudit et intellectuel ».

Mais Ortega a-t-il réellement été franquiste ? Certains l’ont soutenu et tenté de le démontrer, en premier lieu Gregorio Morán dans El Maestro En El Erial, un livre brillant et à bien des égards très éclairant sur la vie politique et intellectuelle espagnole d’après-guerre et la personnalité d’Ortega, mais dont, dans sa radicalité, la thèse centrale apparait fragile, tant elle implique de solliciter les témoignages et les documents. Jordi Gracia, qui connaît très bien l’histoire des intellectuels sous le franquisme pour l’avoir étudiée dans plusieurs ouvrages, est au contraire d’avis qu’Ortega n’a jamais été franquiste au sens fort et strict du mot. On peut aisément le suivre sur ce point.

91fZQW8xy5L.jpgÀ l’évidence, Ortega n’avait en effet aucune sympathie intellectuelle pour l’idéologie franquiste. Résolument agnostique (par fidélité avec ses convictions sur ce plan, sa famille, à sa mort, refusa les funérailles religieuses qu’envisageaient les autorités), il se sentait à des années-lumière du conservatisme clérical et religieux du parti de Franco. Il est incontestable qu’une partie des phalangistes au pouvoir se sont emparés de certaines de ses idées dans le but de fournir au régime une légitimité intellectuelle. Mais de cela on ne peut le tenir responsable. On ne peut pas non plus vraiment lui reprocher d’avoir naïvement pensé que le régime franquiste pouvait évoluer dans le sens de la démocratie. On peut par contre lui faire grief de s’être laissé aller, par manque de courage ou par opportunisme, à tenir des propos et à prendre des initiatives qu’il aurait pu éviter, ainsi que d’avoir continuellement maintenu autour de sa position politique une ambiguïté troublante. Il la paiera lourdement : regardé avec méfiance par les opposants au régime comme par les responsables de celui-ci, il passera les vingt dernières années de sa vie dans une situation peu claire et inconfortable en Espagne, ne bénéficiant d’une réelle reconnaissance sans réserve et sans arrière-pensées qu’en dehors des frontières du pays.

Des États-Unis d’Europe

Ortega est par ailleurs mort deux années trop tôt pour pouvoir assister au triomphe de l’idée de l’unification européenne dont il avait été un pionnier sous la forme, dans La Révolte des masses, de l’appel à la création des « États-Unis d’Europe ». Cette idée, Ortega la défendait au nom du principe « L’Espagne est le problème, l’Europe la solution », un slogan très révélateur de ses préoccupations profondes. Dans son célèbre portait contrasté d’Unamuno et Ortega y Gasset, Salvador de Madariaga met bien en évidence combien il n’est pas simple de caractériser les deux hommes dans leurs rapports à l’Espagne et l’Europe. Avocat de l’hispanité et férocement attaché à l’université de Salamanque au cœur de l’Espagne la plus hispanique, mais polyglotte et intellectuellement cosmopolite, Unamuno peut cependant être considéré comme un véritable esprit européen et universel. Face à lui, Ortega, peu à l’aise dans d’autres langues en dépit de sa grande maîtrise passive de l’allemand et dont l’œuvre, dit très bien Rockwell Gray, « semble souvent plus résolument programmatique dans son besoin de mesurer tout ce qui est européen aux besoins de l’Espagne », bien qu’à première vue davantage européen, se révèle en réalité plus espagnol que son aîné. C’est ce qu’avait d’ailleurs bien aperçu un des rares penseurs français à s’être intéressés à lui, Albert Camus, qui écrivait à son propos : « [Ortega y Gasset] est  peut-être le plus grand écrivain européen après Nietzsche, et pourtant il est difficile d’être plus espagnol ».

Essayiste, homme de presse et d’édition (il a fondé un quotidien, El Sol, cinq revues, dont El Spectator et laRevista de Occidente et une maison d’édition), commentateur politique, agitateur d’idées, analyste de la société, Ortega se voyait et se présentait avant tout comme un philosophe. Dans ce domaine, ce qu’il a réalisé a-t-il été à la hauteur de ses aspirations ? Rationaliste fervent, Ortega respectait la science. Comme l’a montré l’historien des sciences José Manuel Sanchez Ron, il avait même une assez bonne connaissance (certes de seconde main et approximative) de certaines disciplines et réalisations, par exemple la théorie de la relativité en physique. Pour Ortega, aux yeux de qui la véritable justification de la science moderne n’était pas sa capacité à énoncer des vérités sur la réalité, mais le succès des réalisations techniques auxquelles elle a donné lieu, la connaissance scientifique n’était cependant qu’une expression subalterne de la raison. Dans son esprit, la véritable connaissance était la connaissance philosophique.

« Moi et mes circonstances »

Des milliers de pages ont été écrites sur la philosophie de José Ortega y Gasset, dont il demeure difficile de se faire une image d’ensemble parfaitement cohérente. Bien qu’il ait toujours prétendu avoir conçu un système, Ortega était en effet par tempérament un penseur non-systématique. Ses idées n’ont de surcroît jamais cessé d’évoluer, en conformité avec une des thèses centrales de sa philosophie. C’est ce que lui-même soulignait en commentant en ces termes une de ses affirmations les plus fameuses : « « Je suis moi et mes circonstances ». Cette phrase, qui apparaît dans mon premier livre [Meditaciones del Quijote] et qui condense […] ma pensée philosophique n’est pas simplement l’énoncé de la doctrine que mon œuvre expose et propose, elle est elle-même une illustration de cette doctrine. Mon œuvre est, par essence et dans son existence même, circonstancielle. »

518YDWHJ9ZL.jpgEsprit curieux et lecteur vorace, Ortega a emprunté des idées ou des concepts à de nombreux penseurs, pour les mettre au service d’une intuition centrale : « le socle de toutes mes idées philosophiques, écrira-t-il, est l’intuition du phénomène de la vie humaine ». L’idée que l’objet de la philosophie ne peut être que l’existence humaine dans ce qui fait sa singularité – le fait qu’elle ne se réduit pas à sa réalité biologique et possède une dimension historique au plan individuel et collectif –  Ortega l’a trouvée dans la lecture de penseurs comme Nietzsche, Bergson et surtout Wilhelm Dilthey, psychologue et philosophe allemand qu’il considérait comme « le philosophe le plus important de la seconde moitié du XIXe siècle ».

Dans un ouvrage par ailleurs exceptionnellement intelligent et d’une grande richesse, l’historien John T. Graham s’efforce d’établir l’existence d’une influence déterminante du pragmatisme du psychologue américain William James sur les idées d’Ortega. Il est difficile de l’exclure complètement, mais on a beaucoup de peine à se convaincre qu’elle a eu l’importance que lui attribue Graham. De manière générale, Ortega, qui a étudié à Leipzig, Berlin et Marbourg, mettait au plus haut la philosophie allemande, dont deux écoles de pensée contemporaines, le néo-kantisme d’Hermann Cohen et Paul Natorp, et (surtout) la phénoménologie d’Edmund Husserl et Max Scheler, l’ont significativement marqué. De l’une et l’autre il héritera certaines idées, tout en soulignant rapidement ce qu’il percevait comme leurs limitations. Du néo-kantisme, par exemple, il retiendra l’insistance sur le rôle central de la raison dans la structuration de l’expérience humaine et la volonté de construire une philosophie de la culture et de l’éducation, tout en lui reprochant de manquer par un excès d’intellectualisme la réalité de l’existence humaine. Dans le même esprit, il accusera la phénoménologie de s’en tenir à l’analyse de la conscience. Ces penseurs allemands ne furent toutefois pas ses seules sources d’inspiration. Chez Unamuno, par exemple, dont il dénonçait pourtant avec véhémence l’irrationalisme et le spiritualisme, Ortega a trouvé (à tout le moins retrouvé) une de ses idées fondamentale, celle du caractère foncièrement tragique de la vie.

À partir de tous ces éléments, Ortega réalisera une synthèse très personnelle organisée autour du concept de « raison vitale » qui lui permettait, pour reprendre la belle formule de Fernando Savater, de « combiner lucidité intellectuelle […] et urgence vitale ». Au bout d’un certain temps, cette « raison vitale » sera élargie à la dimension collective de l’Histoire sous la forme de la « raison historique ».  « L’Ortega de la maturité, résume Jordi Gracia,  n’est ni kantien ni néokantien, mais un exemple rare de déserteur de la phénoménologie par l’intermédiaire du néo-nietzschéisme, moins préoccupé par les problèmes du savoir et de la théorie de la connaissance […] que par l’étude des conditions historiques de l’existence humaine ».

Un leitmotiv des remarques d’Ortega au sujet des philosophes du passé et des penseurs contemporains qui l’ont inspiré est qu’ils ne se sont pas montrés assez « radicaux » – « radical » et « radicalité » sont des mots clés de son vocabulaire et de sa pensée – et qu’il convient donc de les « dépasser ». Une des raisons de ceci est qu’il ne trouvait pas chez eux l’écho de son intuition fondamentale de l’existence humaine. Une autre, sans doute plus déterminante, est qu’Ortega, très soucieux d’affirmer son originalité et sa supériorité, ne supportait guère l’idée d’avoir des rivaux. Lorsque les vues de Husserl, dans La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, semblèrent se rapprocher de sa théorie de la raison historique, il ne tarda pas à souligner tout ce qui dans les idées du père de la phénoménologie manquait pour rendre compte de ce que le concept qu’il avait lui-même forgé permettait d’expliquer.

La découverte de Heidegger

CtT2VeeWcAEpakA.jpg large.jpgUn choc considérable à cet égard a été la parution, en 1927, de L’Être et le Temps, l’ouvrage qui a fait connaître Martin Heidegger. À plusieurs endroits de son livre, Jordi Gracia évoque le bouleversement qu’a engendré chez Ortega la découverte de la philosophie de Heidegger, dont la proximité apparente des idées avec les siennes ne pouvait manquer de le perturber. Conformément à son habitude, Ortega prit soin de se distancer de Heidegger en pointant du doigt ce qu’il critiquait comme les faiblesses de sa pensée : dans un premier temps ce qu’il appelait son pessimisme, bien illustré dans son esprit par le rôle dévolu dans L’Être et le Temps à l’angoisse comme révélateur de la condition humaine ; plus tard ce qu’il présentait à juste titre comme la dérive de la pensée de Heidegger vers des considérations de caractère religieux et théologique, lorsque ses préoccupations ont évolué d’une philosophie de l’existence à des réflexions ontologiques (sur la nature de l’être en général).

Un des rares endroits de son œuvre où Ortega s’étend un peu sur la pensée de Heidegger est une longue note de bas de page d’un de ses textes sur Goethe. Significativement, après y avoir qualifié L’Être et le Temps de « livre admirable », il s’empresse de faire remarquer qu’« on peut à peine trouver [dans cet ouvrage] un ou deux concepts importants qui ne préexistaient pas, parfois avec une antériorité de trois ans, dans [ses propres] livres.» Cette question d’antériorité était d’autant plus sensible pour lui que plusieurs de ses élèves et disciples portaient aux nues le philosophe allemand. (Ortega n’aura l’occasion de rencontrer Heidegger qu’en 1951, à la satisfaction apparente des deux hommes qui, semble-t-il, s’apprécièrent beaucoup).

Il est une autre parenté d’esprit encore plus flagrante qui semble avoir échappé à Ortega, vraisemblablement parce qu’il n’a jamais lu très attentivement l’auteur concerné. Dans une réflexion sur le thème d’Ortega et la sagesse, qui est en réalité une plongée au cœur même de sa pensée, le philosophe Jesús Mosterín énumère tous les termes et les expressions qu’il utilise pour faire référence à l’idée centrale et fondamentale de sa philosophie : « Vocation ; vocation inexorable ; vocation vitale ; destin ([employé dans le sens] non de ce qui doit se passer et se passe, mais de ce qui devrait se passer et souvent ne se passe pas) ; destin intime ; destin exclusif ; plan vital ; programme vital ; programme d’existence ; projet vital ; projet d’existence ; projet d’être ; vie-projet ; mission […] ».

À la lecture de cette liste, comme de tout ce qu’Ortega a écrit sur ce thème, il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec les idées d’un philosophe dont le nom n’a curieusement été que rarement associé au sien (essentiellement par Alfred Stern et à sa suite John Graham), celui de Jean-Paul Sartre. « La thèse fondamentale d’Ortega », rappelle Mosterín, « est que chaque vie humaine est caractérisée par une vocation déterminée de manière univoque, indépendante de la volonté [de la personne concernée] et de ses capacités ». On est vraiment très près, ici, du concept de « projet existentiel » au cœur de l’anthropologie philosophique du Sartre d’avant la rencontre avec le marxisme, et au centre des études biographiques qu’il a consacrées à Baudelaire, Genet et Flaubert.

Comme Sartre, rempli de lui-même

Les points communs ne s’arrêtent pas là. Comme chez le premier Sartre, les concepts d’«authenticité » et de « vie authentique » jouent un rôle important dans la pensée d’Ortega. Et entre la « situation » du premier et les « circonstances » du second, la différence n’est pratiquement que de mot. Si manifestes qu’elles soient, ces ressemblances ne témoignent nullement d’une influence directe dans un sens ou un autre. Les idées d’Ortega étaient formées plusieurs années avant que Sartre n’énonce les siennes, et rien n’indique que Sartre ait été significativement influencé par le philosophe espagnol, qu’irritait d’ailleurs de manière générale l’ignorance de son œuvre par les existentialistes français.

51Jyu7IgSEL.jpgLe parallèle pourrait être poussé plus loin encore, jusqu’à inclure un trait psychologique particulier des deux hommes, leur attitude face aux penseurs et aux artistes dont ils traitaient. Ortega analysait la vie de Goethe, Velasquez ou Goya à la lumière de leur « vocation fondamentale » exactement comme Sartre lisait celle des écrivains dont il parlait en référence à leur « projet existentiel ». Mais l’un et l’autre tendaient de surcroît à se projeter dans la vie et la personnalité des créateurs sur qui ils écrivaient, d’une façon qui conférait aux portraits qu’ils livraient d’eux le caractère d’autoportraits implicites et déformés. Comme Sartre, Ortega était rempli de lui-même, même si c’est d’une manière très différente, la forme particulière d’orgueil de Sartre lui interdisant cette vantardise dans laquelle le philosophe espagnol tombait volontiers. Mais, comme lui, il a réussi à faire de cette caractéristique psychologique une force, en développant une vision de la vie qui, tout en nous parlant ostensiblement de lui-même, possède à l’évidence une portée universelle.

Ortega était conscient de la valeur de ses idées, et s’il a pu éprouver un sentiment d’échec et de frustration au plan philosophique, ce n’est pas de n’être pas parvenu à en formuler qui fussent fortes. C’est de ne pas avoir réussi à les présenter sous une forme systématique. « Nous avons la chance », faisait remarquer l’écrivain mexicain Octavio Paz, « qu’Ortega n’ait jamais cédé à la tentation du traité ou de la somme ». Cette affirmation est à la fois exacte et inexacte. Elle est exacte en ce sens qu’il est heureux que les idées d’Ortega nous aient été transmises sous une autre forme, dans laquelle il excellait. Mais il est faux qu’il n’ait jamais tenté de leur conférer une forme plus systématique. Il s’y est au contraire longtemps évertué, mais sans succès. Comme tous les autres biographes d’Ortega, Jordi Gracia évoque le triste feuilleton de deux projets de livres, indéfiniment reportés, dans lesquels Ortega aurait voulu respectivement condenser ses idées sociologiques et sa philosophie de la raison vitale et de la raison historique. Ils ne verront jamais le jour, en tous cas pas de son vivant (le premier, L’homme et les gens, sera publié à titre posthume), parce qu’Ortega, pourtant un travailleur acharné, n’avait pas le type de caractère nécessaire pour mener à bien ce type d’entreprise.

Essais, articles et conférences

« La première chose à dire au sujet de mes livres », reconnaissait-il d’ailleurs volontiers, « est que ce ne sont pas à proprement parler des livres ». De fait, dans les dix mille pages de ses œuvres complètes, on ne peut identifier qu’un seul livre originellement conçu et voulu comme tel, le premier qu’il ait publié, lesMeditaciones del Quijote, qu’on pourrait d’ailleurs en réalité considérer comme l’assemblage de deux textes indépendants. Tous ses autres ouvrages sont des collections réalisées après coup d’articles de journaux ou de revues, de textes de conférences ou de divers essais de circonstances sur un même thème, assortis le cas échéant de textes d’introduction, de préfaces et de postfaces écrits pour les besoins de la cause. C’est notamment le cas de La Révolte des masses, dont, dans l’édition sous lequel nous le connaissons, le corps du texte, directement dérivé d’articles parus dans la presse, est flanqué d’un « Prologue pour les Français » et d’un « Épilogue pour les Anglais » rédigés respectivement huit et neuf ans plus tard à l’occasion de la publication de traductions de l’ouvrage, dans lesquels Ortega introduit un certain nombre de précisions, de nuances et d’idées nouvelles.

oygquikote.jpgSi Ortega a choisi de s’exprimer presque exclusivement de la sorte, c’est certainement pour pouvoir toucher un large public, en conformité avec ce qu’il voyait comme son rôle d’éducateur de l’élite. Mais c’est aussi pour des raisons liées à son caractère et sa personnalité, justement soulignées par son disciple Julian Marias : « Écrire un livre requiert un tempérament bien plus ascétique que celui d’Ortega. […] Le caractère voluptueux des sujets [qu’il traitait], qu’Ortega ressentait intensément d’une manière qui faisait de lui non seulement un intellectuel, mais un écrivain au sens plein du terme, le distrayait très fréquemment et l’entraînait vers des questions secondaires et, surtout, vers de nouveaux sujets […]».

Le nombre très important de textes de conférences dans son œuvre illustre de surcroît ce fait qu’Ortega était avant tout un homme de la parole prononcée plutôt qu’écrite. « Ortega aimait parler, bavarder, converser. Probablement plus qu’écrire » rappelle José Lasaga Medina dans le très utile petit livre qu’il lui a consacré. Dénonçant la « tristesse spectrale de la parole écrite », il trouvait l’expression orale mieux accordée à la fluidité de la pensée, comme à la mobilité foncière de l’objet de la philosophie, la vie humaine. Comme souvent avec lui, cette justification théorique était aussi le reflet de dispositions et de préférences personnelles : au témoignage unanime de ceux qui ont eu l’occasion de l’écouter, Ortega était un orateur et un débatteur exceptionnellement brillant au magnétisme puissant, dont les conférences et les interventions lors des innombrables « tertulias » (réunions intellectuelles) qu’il a animées au cours de sa vie laissaient ses auditeurs et interlocuteurs remplis d’admiration. C’est avec raison que Mario Vargas Llosa fait de ce point de vue le rapprochement avec Isaiah Berlin, auquel Ortega fait songer non seulement par sa conception essentiellement philosophique, politique et éthique (plutôt qu’économique) du libéralisme, mais aussi par des caractéristiques comme son incapacité à mener à bien des projets de livres annoncés de longue date, sa franche prédilection pour l’expression orale et le brio de ses exposés improvisés ou formels.

Canotier et voitures décapotables

Au plan personnel, enfin, la vie de José Ortega y Gasset peut-elle être considérée comme une réussite ? En dépit de son admiration palpable pour l’homme, Jordi Gracia ne cherche nullement à dissimuler les défauts, les faiblesses de caractère et les traits psychologiques les moins plaisants d’Ortega, souvent relevés avec amusement, indulgence, affliction, sévérité ou cruauté selon les cas par ses contemporains et plusieurs de ses biographes, de moins en moins réservés à ce sujet à mesure que le temps passe. Déterminé, sous l’emprise de ses préjugés idéologiques à son égard, à proposer d’Ortega un portrait à charge au plan humain également, Gregorio Morán, par exemple, multiplie les anecdotes qui ne montrent guère le philosophe à son avantage. Son parti pris est évident. Mais sous une forme atténuée, on retrouve sous la plume d’autres commentateurs un certain nombre de ses observations indignées ou sarcastiques sur ses traits de personnalité les moins flatteurs.

cochenueva.jpgAu titre de ceux-ci, l’écrivain Javier Cercas énumère ainsi « [la] pédanterie d’Ortega, son snobisme, sa tendance aux jugements arbitraires, son nationalisme mal dissimulé, son autoritarisme de salon [et] son goût pour les gens prétentieux », caractéristiques dont Jordi Gracia, tout en soulignant à l’envi ses qualités (sa générosité intellectuelle, son courage dans l’adversité, son tempérament combatif et passionné), ne tente pas de faire davantage mystère que des traits physiques et de comportement qui leur sont liés et sont autant de composantes de l’image qu’il voulait donner (et que nous avons) de lui : l’élégance vestimentaire extrême, le canotier et les voitures décapotables décapotées même en hiver, habitude dont la combinaison avec l’assuétude à la cigarette, a-t-on dit, a pu contribuer aux problèmes respiratoires dont il a souffert durant toute sa vie.

Un des aspects les plus embarrassants de la personnalité d’Ortega est son attitude à l’égard des femmes et sa vision du monde féminin. Au moins aussi fasciné par la figure de Don Juan que son ami Marañón, qui lui a consacré un livre, Ortega, qui adorait plaire et séduire en général, aimait tout particulièrement plaire aux femmes et les séduire par son verbe éclatant. Appréciant et recherchant la société des femmes, qu’il affirmait préférer à celle des hommes, il éprouvait un vif plaisir à s’entourer de femmes belles, riches et intelligentes. C’était le cas de deux des trois femmes dont, selon Jordi Gracia, il fût le plus éperdument amoureux au cours de sa vie, la plus fameuse étant l’éditrice et écrivain argentine Victoria Ocampo. En contradiction apparente avec ce goût affiché pour les femmes cultivées, et en dépit du fait que parmi ses plus brillants élèves, collègues et interlocuteurs figuraient des femmes (Maria Zambrano, Rosa Chacel), Ortega défendait toutefois dans ses écrits des opinions sur les femmes, leurs capacités intellectuelles et leur place dans la société qu’on a justement pu qualifier de « préhistoriques », archaïques et particulièrement conservatrices, même pour un homme de sa génération.

À l’instar de Gregorio Marañon, libéral dans beaucoup de domaines mais professant sur ce point des vues terriblement traditionnelles en les appuyant sur la thèse d’un déterminisme hormonal presque absolu de la psychologie masculine et féminine, Ortega, « antiféministe congénital » aux dires de sa fille Soledad, n’envisageait pratiquement pour la femme d’autre fonction dans la société que d’adoucir le caractère belliqueux des hommes et d’offrir à ceux-ci le spectacle de leur beauté et la possibilité de s’élever au-dessus d’eux-mêmes dans l’exaltation de la passion amoureuse.

Solitude radicale

L’excellente opinion qu’Ortega avait et exprimait de lui-même et cette volonté de singularité si prononcée qu’elle le poussait à refuser l’idée d’avoir des disciples, ont à l’évidence profondément affecté ses relations avec son entourage. Jordi Gracia attire l’attention sur ce fait remarquable que dans la totalité de ses lettres avec presque tous ses correspondants Ortega emploie le vouvoiement : « En dehors des membres de sa famille, la seule personne qu’il tutoie est Victoria Ocampo, et ceci sans doute à l’initiative de cette dernière. Cette incapacité à moduler les relations personnelles, à descendre de son piédestal, est significative. » La solitude radicale dont parlait Ortega, conclut Gracia, n’était pas seulement métaphysique, elle avait aussi un caractère personnel.

« Quand je mourrai », écrivait José Ortega y Gasset à l’âge de vingt-et-un ans, « j’espère que ma vie aura laissé un sillon profond et fécond dans l’histoire de l’Espagne ». Lorsqu’un cancer des voies digestives l’emporta en 1955, à l’âge de soixante-douze ans, pouvait-il avoir le sentiment d’avoir réalisé cette ambition de jeunesse ? À la question « Ortega y Gasset est-il le plus grand philosophe contemporain de langue espagnole ? », Gracia répond par cette autre question, rhétorique : « En existe-t-il un autre ? ». L’absence de réelle concurrence a certainement contribué à la stature acquise par la figure d’Ortega en Espagne. Elle n’explique cependant pas à elle seule qu’il soit presque impossible pour un intellectuel de langue espagnole aujourd’hui d’ignorer Ortega : la vigueur de sa pensée et la qualité littéraire de ses écrits y sont tout de même pour beaucoup.

D’un autre côté, d’être espagnol ne l’a pas toujours servi. S’il avait été français ou anglais, faisait observer Mario Vargas Llosa (mais il n’est pas le seul à s’être exprimé de la sorte), il serait aujourd’hui aussi célèbre que Jean-Paul Sartre ou Bertrand Russel. Il y a du vrai dans cette affirmation, dont il ne faudrait cependant pas conclure que l’œuvre d’Ortega est ignorée en dehors de l’Espagne et, plus généralement, du monde hispanophone. En Allemagne, par exemple, elle fait l’objet d’une grande attention, tout comme aux États-Unis – il n’est pas fortuit que deux des meilleurs ouvrages existant sur Ortega, sa biographie par Rockwell Gray et la discussion de ses idées philosophiques et de leur origine par John Graham, soient dus à des auteurs américains. C’est moins le cas, il est vrai, en Grande-Bretagne, et encore moins en France, où l’œuvre d’Ortega à quelques exceptions près (par exemple Alain Guy, Paul Aubert et Eve Giustiniani pour l’époque récente), n’a guère bénéficié de l’intérêt qu’elle mérite.

978841740820.JPGUne pépinière d’idées

Dans son propre pays, la personne et l’œuvre de Ortega y Gasset, après avoir dominé la vie intellectuelle, ont successivement connu les deux types de périodes de purgatoire qu’un penseur ou un écrivain peut traverser : une  première de son vivant, durant les vingt dernières années de sa vie au cours desquelles sa position ambigüe à l’égard du régime franquiste l’a contraint à mener une vie publique largement exempte de reconnaissance et d’honneurs officiels, sans pour autant bénéficier de l’aura attachée à l’opposition franche à la dictature ; la seconde posthume, au cours des premières décennies qui ont suivi sa mort, en conséquence du désintéressement du monde intellectuel espagnol, tout occupé à découvrir, avec le retour de la démocratie, d’autres horizons que celui de la pensée nationale, pour un auteur trop rapidement perçu comme dépassé. Aujourd’hui, grâce notamment au travail d’archives et d’édition réalisé par la Fondation José Ortega y Gasset dirigée par la fille du philosophe (aujourd’hui Fundación José Ortega y Gasset – Gregorio Marañón), une nouvelle génération d’historiens et de critiques est en train de redécouvrir Ortega, en qui il est presque commun à présent de voir, pour employer l’expression de Jordi Gracia, « un penseur pour le XXIe siècle ».

Après avoir souffert l’indignité de l’oubli, Ortega mérite-t-il ce que certains pourraient appeler un excès d’honneur ? José Ortega y Gasset a énormément écrit et s’intéressait à une étonnante variété de sujets : « Anatomie d’une âme dispersée », cette expression utilisée dans le titre d’un de ses articles de jeunesse consacré à Pío Barojà, fait remarquer Gracia, pourrait tout aussi bien lui être appliquée. Son œuvre abondante et peu structurée est de qualité inégale. Si brillants que soient certains des essais qu’il a rédigés durant ses dernières années (par exemple ses réflexions sur Leibniz et ses portraits de Velasquez et Goya), il est généralement reconnu que c’est dans la première partie de sa vie que se concentre le meilleur de son œuvre. Ortega est par ailleurs resté aveugle ou insensible à beaucoup de choses. Convaincu de la supériorité de la pensée allemande, il a presque totalement ignoré la philosophie analytique anglo-saxonne contemporaine. Et s’il admirait Proust, ses vues sur l’art et la littérature modernes étaient souvent sommaires et dédaigneuses.

Dans l’ensemble, cependant, Ortega est un penseur robuste, puissant et original. Dans son désordre apparent, son œuvre, pour reprendre la jolie métaphore de Fernando Savater à son sujet, est une véritable « pépinière d’idées ». Il n’est guère de page de ses écrits qui ne contienne deux ou trois réflexions stimulantes et autant de formulations heureuses et mémorables. En dépit des facilités d’écriture qu’il s’accordait par intermittence avec indulgence, ces expressions hyperboliques et ces phrases trop somptueusement fleuries que l’écrivain catalan Josep Pla appelait des « orchidées verbales » et le critique Rafael Sánchez Ferlosio des « ortegajos », Ortega était un écrivain de grand talent et un remarquable styliste s’exprimant dans une langue à la fois élégante et précise, musclée, rythmée, expressive et imagée.

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Les obsèques de José Ortega y Gasset (1955).

Quoi qu’il en soit des mérites de son œuvre (et ils sont hors de doute), on ne peut en tout cas qu’être frappé par le degré auquel la vie d’Ortega y Gasset vérifie ses idées sur la vie. Est-ce parce qu’il vivait en conformité avec sa conception de l’existence humaine, objet central de ses réflexions et, à son opinion, de la philosophie ? Parce que ses idées et sa philosophie sont largement le produit et le reflet de sa vie et de la manière dont il l’a vécue ? Ou parce que ces idées sont justes et capturent une caractéristique essentielle de toute vie ? Un peu de ces trois choses à la fois, sans doute, raison pour laquelle, de tous les philosophes, Ortega y Gasset est sans doute un de ceux dont on peut le moins ignorer la vie, dont il était par conséquent le plus nécessaire et utile d’écrire, une nouvelle fois, la biographie.

Michel André

jeudi, 12 mars 2020

Julien Freund e la Talassopolitica

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Julien Freund e la Talassopolitica

Sul numero 02/2018 di Rivista di Politica possiamo leggere un’interessante coppia di articoli: Ernesto C. Sferrazza Papa, Topolitiche del Conflitto. A partire dalla traduzione italiana di La thalassopolitique di Julien Freund e appunto La talassopolitica. Spazio e tempo della politica nell’era tecnologica. Il perché questi saggi siano oggi importanti è presto detto: la politica del XXI secolo è dominata da un mainstream mediatico e accademico in cui dominano temi quali cooperazione, organismi sovranazionali oltre che concetti, come diritti umani e interventi umanitari, che in linea teorica dovrebbero appartenere a tutta l’umanità senza distinzione; la realtà però è che la politica internazionale non può prescindere da due elementi centrali, ovvero il Tempo (la Storia) e lo Spazio (la Geografia). La riflessione di Freund va appunto nella direzione di analizzare il nuovo (il testo è del 1985) spazio politico in connessione con la tecnologia.

Il breve lavoro di Freund nasce come postfazione della traduzione francese di Land und Meer di Carl Schmitt e quindi si inserisce in un dibattito politico e filosofico ben preciso che ruota intorno al concetto di geopolitica. Freund condivide con l’autore tedesco sia la natura conflittuale della politica identificabile nel nesso amico-nemico, sia l’idea che la storia umana possa essere interpretata come una lotta tra due diverse tipologie di potenze: continentali e quindi telluriche i cui elementi centrali sono lo Stato e la sovranità; marittime che sono mobili e più fluide. In questa interpretazione spaziale della politica internazionale Freund pone poi l’accento su due considerazioni centrali: il ruolo degli Oceani e in particolare dell’Oceano Pacifico è centrale; l’emisfero Sud sta aumentando il suo peso relativo. Ne consegue che il ruolo dell’Europa è destinato a declinare sempre più visto che è l’unico dei continenti a non avere uno sbocco sul Pacifico. In questo contesto acquisisce quindi un ruolo centrale la talassopolitica, ovvero il pensare le forme della politica partendo dalle loro manifestazioni su uno spazio oceanico (il che esclude quei casi storici di potenze marittime legate però a mari interni come il Mediterraneo).

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Vi è un altro elemento della riflessione di Freund da prendere in considerazione, ovvero il ruolo della tecnologia. Infatti, se sulla terraferma è possibile muoversi e spostarsi senza l’uso della tecnologia, negli oceani ciò diviene semplicemente impossibile e dunque è il progredire della tecnologia che ha portato l’Oceano ad acquisire il ruolo centrale che Freund gli riconosce. L’autore francese fa però un ulteriore passo in questa direzione, poiché afferma che con il sottomarino nucleare si è rovesciato il tradizionale rapporto tra terra e mare, ovvero ora è la terra alla mercé del mare perché con il sottomarino nucleare, in grado di operare in modo indipendente senza bisogno, quasi, di rifornimenti, viene meno anche la centralità delle basi terresti per il controllo dei mari e soprattutto minaccia direttamente la terra con i suoi missili e con l’elemento sorpresa che è innato nell’arma.


È dunque la talassopolitica, insieme alla tecnologia, a dover essere presa come elemento centrale per lo studio della politica internazionale. La geopolitica rimarrà importante, ma per i rapporti interni alle singole regioni, mentre a livello globale serve ragionare in termini appunto di talassopolitica.

Freund è un autore relativamente poco noto in Italia, anche se sono disponibili in italiano varie opere (qui un interessante trittico scritto da Campi per inquadrare l’autore e il suo pensiero sulla guerra), ma questa sua riflessione seppur appartenente ancora al periodo della Guerra Fredda ci appare molto utile per almeno due ragioni principali. Primo, pone al centro della riflessione politica il problema degli spazi e quindi della geografia. Troppo spesso nella politologia contemporanea e negli studi sulla politica internazionale si concede spazio a statistiche, dati e riflessioni etico-morali senza prendere minimamente in considerazione gli spazi politici e geografici dove le azioni si svolgono. In realtà lo Spazio influenza profondamente la Politica ed è un elemento da prendere sempre in considerazione, specie se, come oggi, quegli spazi politici stanno mutando radicalmente. Secondo, riflette sui grandi mutamenti politici e tecnologici che influenzano il nostro mondo e offre interessanti spunti sul tema dell’irregolare, ovvero il partigiano, rispetto agli oceani e quindi emerge come il terrorista di oggi sia come la figura del pirata più che del corsaro, il quale seguiva direttive di uno Stato.


Una lettura interessante che aiuta a comprendere meglio gli Spazi della politica internazionale del XXI secolo.

 

vendredi, 12 avril 2019

Liberalism: the other God that failed

While Arthur Koestler was awaiting execution after being captured and sentenced to death by Francoist forces as a communist spy during the Spanish Civil War, he had a mystical experience. Formerly a Marxist materialist who believed the universe was governed by “physical laws and social determinants”, he glimpsed another reality. The world now seemed instead as “a text written in invisible ink”.

The experience left him untroubled by the prospect of his imminent death by firing squad. At the last moment, he was traded for a prisoner held by Republican forces. But the epiphany of another order of things that came to him in the prison cell stayed with him for the rest of his days, informing his great novel of communist faith and disillusion, Darkness at Noon (1940), his later writings on the history of science, and a lifelong interest in parapsychology.

Koestler_(1969).jpgKoestler was a pivotal figure in the post-war generation that rejected communism as “the God that failed”— the title of a celebrated book of essays, edited by the Labour politician Richard Crossman and published in 1949, to which Koestler contributed. The ex-communists of this period followed a variety of political trajectories. André Gide, another contributor to the collection, abandoned communism, after a visit to the Soviet Union in 1936, to become a writer on issues of sexuality and personal authenticity.

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The rise of post-truth liberalism

By John Gray

Other ex-communists became social democrats, while a few became militant conservatives or lost interest in politics completely. Stephen Spender, poet and novelist and author of Forward from liberalism (1937), morphed into a cold-war liberal. James Burnham, a friend and disciple of Leon Trotsky, rejected Marxism in 1940 to reappear as a militant conservative, publishing The Suicide of the West: the meaning and destiny of liberalism (1964) and eventually being received into the Catholic Church. All of them became communists in a time when liberalism had failed. All were able to return to functioning liberal societies when they abandoned their communist faith.

When interwar Europe was overrun by fascism, the Soviet experiment seemed to these writers to be the best hope for the future. When the experiment failed, and they renounced communism, they were able to resume their life and work in a recognisably liberal civilisation.

Post-war global geopolitics may have been polarised, with a precarious nuclear stand-off between the Soviet Union and the US and its allies. Liberal societies may have been flawed, with McCarthyism and racial segregation stains on the values western societies claimed to promote. But liberal civilisation was not in crisis. Large communist movements may have existed in France, Italy and other European countries, while Maoism attracted sympathetic interest from alienated intellectuals. But even so, liberal values were sufficiently deep-rooted that in most western countries they could be taken for granted. The West was still home to a liberal way of life.

The situation is rather different today. Liberal freedoms have been eroded from within, and dissidents from a new liberal orthodoxy face exclusion from public institutions. This is not enforced by a totalitarian state, but by professional bodies, colleagues and ever vigilant internet guardians of virtue. In some ways, this soft totalitarianism is more invasive than that in the final years of the Soviet bloc.

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How Thatcherism produced Corbynism

By John Gray

The values imposed under communism were internalised by few among those who were compelled to conform to them. Ordinary citizens and many communist functionaries were a bit like Marranos, the Iberian Jews forced to convert to Christianity in mediaeval and early modern times, who secretly practised their true religion for generations or centuries afterwards. Such fortitude requires rich inner resources and an idea of truth as something independent of subjective emotion and social convention. There are not many Marranos in the post-liberal west.

Some have attempted to revive classical liberalism, an anachronistic project that harks back to a time when western values could command a global hegemony. Others have opted for a hyperbolic version of liberalism in which western civilisation is denounced as being a vehicle for global repression.

In this alt-liberal ideology, the central values of classical liberalism — personal autonomy and the rejection of tradition in favour of critical reason — are radicalised and turned against the liberal way of life. A heretical cult, alt-liberalism is what liberalism becomes when it tears up its roots in Jewish and Christian religion. Today it is the ruling ideology in much of the academy and media.

In these conditions one might suspect self-censorship, since anyone expressing seriously heterodox views risks a rupture in their professional life. Yet it would be a mistake to think alt-liberals are mostly cynical conformists. Since practising cynics realise that the views they are publicly promoting are actually false, cynicism presupposes the capacity to recognise truth. In contrast, alt-liberals appear wholly sincere when they denounce the society that privileges and rewards them. Unlike the Marranos, whose public professions concealed another view of the world, alt-liberals conceal nothing. There is nothing in them to conceal. They are expressing the prevailing western orthodoxy, which identifies western civilization as being uniquely malignant.

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Deluded liberals can't keep clinging to a dead idea

By John Gray

Of course, civilisational self-hatred is a singularly western conceit. Non-western countries — China, India and Russia, for example— are increasingly asserting themselves as civilisation-states. It is only western countries that denounce the civilisation they once represented. But not everything is as it seems. Even as they condemn it, alt-liberals are affirming the superiority of the West over other civilisations. Not only is the West uniquely destructive. It is only the West — or its most advanced section, the alt-liberal elite — that has the critical capacity to transcend itself. But to become what, exactly? Lying behind these intellectual contortions is an insoluble problem.

In his essay in The God that failed Gide wrote: “My faith in communism is like my faith in religion. It is a promise of salvation for mankind.” Here Gide acknowledged that communism was an atheist version of monotheism. But so is liberalism, and when Gide and others gave up faith in communism to become liberals, they were not renouncing the concepts and values that both ideologies had inherited from western religion. They continued to believe that history was a directional process in which humankind was advancing towards universal freedom.

Without this idea, liberal ideology cannot be coherently formulated. That liberal societies have existed, in some parts of the world over the past few centuries, is a fact established by empirical inquiry. That these societies embody the meaning of history is a confession of faith. However much its devotees may deny it, secular liberalism is an oxymoron.

A later generation of ex-communists confirms this conclusion. Trotskyists such as Irving Kristol and Christopher Hitchens who became neo-conservatives or hawkish liberals in the Eighties or Nineties did not relinquish their view of history as the march towards a universal system of government. They simply altered their view as to the nature of the destination.

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You're reaping what you sowed, liberals

By John Gray

Instead of world communism, it was now global democracy. Western interventions in Afghanistan, Iraq and later Libya were wars of liberation backed by the momentum of history. The fiascos that ensued did not shake this belief. The liberalism of these ex-Trotskyists was yet another iteration of monotheistic faith.

Alt-liberals aim to deconstruct monotheism, along with the grand narratives it has inspired in secular thinkers. But what emerges from this process? Once every cultural tradition is demolished, nothing remains. In principle, alt-liberalism is an empty ideology. In practice it defines itself by negation.

Populist currents are advancing throughout the West and supply the necessary antagonist. The old liberalism that prized tolerance no longer survives as a living force. Iconoclasts who smash statues of colonial-era figures are raging at an enemy that has long since surrendered. An impish avatar of a vanished liberal hegemony, alt-liberalism needs populism if it is to survive.

Resistance to populist movements fills what would otherwise be an indeterminacy at the heart of the alt-liberal project. Privileged woke censors of reactionary thinking and incendiary street warriors are mutually reinforcing forces. At times, indeed, they are mirror-images of one another. Both have targeted the state of Israel as the quintessential embodiment of western evil, for example. Not only do alt-liberals and populists need one another. They share the same demonology.

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Today's voguish communists should remember Budapest

By James Bloodworth

Viewing the post-liberal West from a historical standpoint, one might conclude that it will suffer the same fate as communism. Facing advancing authoritarian powers and weakened from within, a liberal way of life must surely vanish from history. True, some traces will remain. Even in societies where denunciation for reactionary thinking is a pervasive practice, fossil-like fragments of ancient freedoms will be found scattered here and there. But surely the global liberal order will finally implode, leaving behind only defaced remnants of a civilisation that once existed.

In fact, any simple analogy between the fall of communism and the decay of liberalism is misleading. The difference is that old-style liberals have nowhere to go. To be sure, they could abandon any universalistic claim for their values and think of them as inhering in a particular form of life — one that is flawed, like every other, but still worthwhile.

Yet this is hardly a viable stance at the present time. For one thing, this way of life is under siege in what were once liberal societies. Yet liberals cannot help but see themselves as carriers of universal values. Otherwise, what would they be? Anxious relics of a foundering civilisation, seeking shelter from a world they no longer understand.

There may be no way forward for liberalism. But neither is the liberal West committing suicide. That requires the ability to form a clear intention, which the West shows no evidence of possessing. Nothing as dramatic or definitive will occur. Koestler and the ex-communists of his generation regarded communism as the God that failed because they once believed it to be the future. Today almost no one any longer expects liberal values to triumph throughout the world, but few are able to admit it — least of all to themselves. So instead they drift.

It is not hard to detect a hint of nostalgia among liberals for the rationalist dictatorships of the past. Soviet communism may have been totalitarian, but at least it was inspired by an Enlightenment ideology. Though it has killed far fewer people, Putin’s Russia is far more threatening to the progressive world-view.

China, on the other hand, is envied as much as it is feared. Its rulers have renounced communism, but in favour of a market economy, globalisation and a high-tech version of Bentham’s Panopticon — all of them imported western models. The liberal west may be on the way out, but illiberal western ideas still have a part in shaping the global scene.

When ex-communists became liberals, they shifted from one secular faith to another. Troubled liberals today have no such option. Fearful of the alternatives, they hang on desperately to a faith in which they no longer believe. Liberalism may be the other God that failed, but for liberals themselves their vision of the future is a deus absconditus, mocking and tormenting them as the old freedoms disappear from the world.

 

lundi, 26 novembre 2018

Georges Feltin-Tracol et la question sociale : la troisième voie solidariste

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Georges Feltin-Tracol et la question sociale : la troisième voie solidariste

par Pierre LE VIGAN

« Notre particularité, c’est la logique de la troisième voie, celle qui réussit la synthèse entre le national et le social », expliquait début 2011 Emmanuel Leroy, alors un des principaux conseillers de Marine Le Pen. La troisième voie, c’est le tercérisme, et c’est ce que l’on a appelé le solidarisme. Il y a là un continent des idées à redécouvrir. C’est ce à quoi contribue un ouvrage récent. Sous un titre militant, Georges Feltin–Tracol ne se contente pas de rendre compte d‘expériences politiques comme celles du Bastion social. Il explore les idées et propositions d’une troisième voie telles qu’elles ont pu être avancées à droite, mais aussi dans des milieux intellectuels inclassables, c’est-à-dire transversaux.

Saluons son travail d’excavation de thèmes et de propositions oubliées bien à tort, comme si les réelles questions de l’identité et de l’écologie avaient fait disparaître la question sociale, et comme si les trois n’étaient pas liées.

D’où parle Georges Feltin–Tracol ? D’une « droite » révolutionnaire, aussi bien éloignée du libéralisme-libertaire (dénoncé très tôt par Michel Clouscard) que du libéralisme-conservateur, qui paraît à Georges Feltin–Tracol une imposture car on ne peut accepter l’accumulation sans limite, ni territoriale ni anthropologique, du capital sans rendre liquide les peuples eux-mêmes par les migrations. Ce que voit très bien Georges Feltin–Tracol, c’est aussi que la logique du système économique est de pousser à la consommation et de rendre impossible toute patrimonialisation. C’est pour cela que le système liquide les classes moyennes. Contre ce processus, il espère en une troisième voie. Et nous donne un aperçu de son contenu.

pierre-leroux.jpgGeorges Feltin–Tracol rappelle d’abord les origines du socialisme avec Pierre Leroux, qui critiquait à la fois les restaurationnistes de la monarchie (une illusion), et le libéralisme exploiteur (une réalité). Un socialisme non marxiste qui préfigure une troisième voie. Puis, Georges Feltin–Tracol souligne ce qu’a pu être le socialisme pour Jean Mabire : une éthique de l’austérité et de la camaraderie, « au fond des mines et en haut des djebels ». Ce fut le contraire de l’esprit bourgeois. Ce fut un idéal de justice et de fraternité afin de dépasser les nationalismes pour entrer dans un socialisme européen. Avec un objectif : « conjoindre tradition et révolution ». Critiquant ce que le communisme peut voir de bourgeois, Jean Mabire lui préférait le « communisme des conseils », libertaire (mais certes pas libéral-libertaire). Pour les mêmes raisons que le tenait éloigné du communisme productiviste et embourgeoisé, Mabire ne s’assimilait aucunement au fascisme, non seulement parce qu’il était mort en 1945, mais parce qu’il n’avait été ni socialiste, ni européen. Il se tenait par contre proche de la nébuleuse qualifiée de « gauche réactionnaire » par Marc Crapez. Une gauche antilibérale et holiste. Georges Feltin–Tracol évoque aussi le curieux « socialisme » modernisateur, technocratique, anti-bourgeois et anti-rentier de Patrie et progrès (1958-60). Dans son chapitre « Positions tercéristes », Georges Feltin–Tracol évoque les mouvements de type troisième voie de l’Amérique latine, du monde arabe, du Moyen-Orient, d’Afrique.

La troisième voie dans le monde a toujours été à la fois une voie économique et sociale nouvelle, mais aussi un projet de non alignement par rapport aux grandes puissances. Dominique de Roux et Jean Parvulesco l’ont bien vu. « On ne peut pas dissocier la troisième voie sociale et économique du tercérisme géopolitique », note GFT.

Une autre voie économique tercériste est celle de Jacques Duboin et de son journal La grande relève. C’est l’abondancisme et le distributisme, avec une monnaie fondante. Il s’agit de transférer la propriété des moyens de production à des structures locales collectives (familles, corporations, etc.). G-K. Chesterton et Hilaire Belloc défendent, comme J. Duboin, un distributisme lié au projet de Crédit social de C.-H. Douglas. Avec le créditisme, la monnaie est créée en fonction de la richesse réelle produite. Hyacinthe Dubreuil, de son côté, défend des idées proches des distributistes et insiste sur l’auto-organisation nécessaire des travailleurs dans de petites unités.

GFT s’attache aussi à la généalogie des solidarismes. Il étudie le cas de la France avec Léon Bourgeois, puis s’intéresse à la Russie avec le NTS, dont l’emblème fut le trident ukrainien (à noter que l’usage du trident « ukrainien » par des Russes signifie pour eux la force des liens entre la Russie et l’Ukraine. C’est aussi, en forme de fourche, un symbole de la colère et de la force du peuple). Le solidarisme russe du NTS de Sergei Levitsky et d’autres intellectuels militants se réclame d’une doctrine à la fois personnaliste et communautaire. Le solidarisme est aussi présent en Allemagne avec un groupe de solidaristes anti-hitlériens, en Belgique flamande avec les nationaux-solidaristes du Verdinaso et Joris van Severen.

En France, cinquante ans après Léon Bourgeois, se revendiquent solidaristes des déçus du nationalisme traditionnel souhaitant repenser la question sociale. C’est le Mouvement Jeune Révolution dans les années 60, puis le Groupe Action Jeunesse, teinté de nationalisme révolutionnaire, puis le Mouvement nationaliste-révolutionnaire de Jean-Gilles Malliarakis, avant le mouvement Troisième Voie, et d’autres petits groupes. Ce sont les nouveaux tercéristes. Qu’il s’agisse du solidarisme de « Troisième Voie » des années 80 ou de « 3e Voie » des années 2010, il s’agit d’un solidarisme nationaliste-révolutionnaire. Le projet est de bâtir une République du peuple tout entier. Le solidarisme de « 3e Voie », vers 2010, « défendait l’idée d’une démocratie directe vivante axée sur le référendum d’initiative populaire. On notera que ce sont des propositions profondément démocratiques – mais il est vrai que les solidaristes se veulent « au-delà de la droite et de la gauche », et libres par rapport aux divisions droite/gauche de plus en plus artificielles et trompeuses. Loin de toute doctrine xénophobe ou suprématiste, le « solidarisme est défini comme l’universalisme des nations en lutte pour leur survie (Serge Ayoub, Doctrine du solidarisme) ». On est loin de la caricature du « nationalisme fauteur de guerre », caricature maniée par Macron à la suite de Mitterrand et de bien d’autres. « Nous sommes des révolutionnaires, mais des révolutionnaires conservateurs », précise encore Serge Ayoub.

loimut.jpgLe gaullisme n’est pas si éloigné de cette conception de l’économie et du social. Pour les gaullistes de conviction, la solution à la question sociale est la participation des ouvriers à la propriété de l’entreprise. C’est le pancapitalisme (ou capitalisme populaire, au sens de « répandu dans le peuple ») de Marcel Loichot. Pour de Gaulle, la participation doit corriger l’arbitraire du capitalisme en associant les salariés à la gestion des entreprises, tandis que le Plan doit corriger les insuffisances et les erreurs du marché du point de vue de l’intérêt de la nation. Participation et planification – ou planisme comme on disait dans les années trente – caractérisent ainsi la pensée du gaulliste Louis Vallon. D’autres personnalités importantes du gaullisme de gauche sont René Capitant, Jacques Debû-Bridel, Léo Hamon, Michel Cazenave (1), Philippe Dechartre, Dominique Gallet… L’objectif du gaullisme, et pas seulement du gaullisme de gauche, mais du gaullisme de projet par opposition au simple gaullisme de gestion, est, non pas de supprimer les conflits d’intérêts mais de supprimer les conflits de classes sociales. La participation n’est pas seulement une participation aux bénéfices, elle est une participation au capital de façon à ce que les ouvriers, employés, techniciens, cadres deviennent copropriétaires de l’entreprise. Le capitalisme populaire, diffusé dans le peuple, ou pancapitalisme, succèderait alors au capitalisme oligarchique. Il pourrait aussi être un remède efficace à la financiarisation de l’économie.

Jacob Sher, juif lituanien issu d’une famille communiste, développe une doctrine dite l’ergonisme (ergon : travail, œuvre, tâche). Il ne s’agit pas d’être entre capitalisme et socialisme mais hors d’eux et contre eux, comme le troisième angle d’un triangle. Jacob Sher propose la propriété des moyens de production par les travailleurs, mais non pas au niveau de la nation, ce qui passe concrètement par l’État et renvoie au modèle soviétique – qu’il a vu de près et rejette – mais au niveau de la collectivité des travailleurs dans les entreprises. L’autogestion se fonde, dans ce projet, sur l’autopropriété de l’entreprise par les travailleurs – c’est le point commun avec Marcel Loichot – et est donc une autogestion très différente de celle de la Yougoslavie de Tito, qui implique une propriété collective, nationale, des grands moyens de production (même si, à partir de 1965, la Yougoslavie de Tito a donné de plus en plus de place au marché et à l’autonomie des entreprises). L’idée de Jacob Sher se rapproche plutôt des coopératives de production. Ce projet de Jacob Sher apparaît aussi proche de celui du Manifeste de Vérone de la République tardivement édifiée par Mussolini, la RSI (République sociale italienne) (2). Jacob Sher propose ainsi une socialisation plus qu’une nationalisation des moyens de production.

Reste que tous ces projets se trouvent confrontés à une difficulté nouvelle. Dans les années 60, l’obstacle au dépassement non communiste du capitalisme était d’abord politique. Comment briser la domination de l’argent-roi qui pèse sur le politique. Comment libérer le politique des grands trusts ? (Ni trusts ni soviets était encore le titre d’un livre brillant de Jean-Gilles Malliarakis en 1985). La situation est très différente. Tous les projets « tercéristes », ou « solidaristes », ou gaullistes de gauche reposent sur la pérennité des collectifs de travail. Or, cette pérennité est mise en péril par la précarisation, l’uberisation (ou « amazonification »), l’éclatement des collectifs de travail (les contrats de projet à la place des contrats de travail). Il faut donc repenser les projets tercéristes. Face à l’isolement des travailleurs, salariés ou auto-entrepreneurs, il faut remettre des projets en commun, des enjeux en commun, des capitaux en commun, des arbitrages en commun, il faut réinventer des corps de métier et des solidarités trans-entreprises, « corporatives » et locales. Il faut changer à la fois les mentalités et les structures. La troisième voie est aussi une démondialisation et un recours aux liens qui libèrent. Vaste programme.

Pierre Le Vigan

Notes

1 : Philosophe, spécialiste de C.-G. Jung, il organisa le fameux Colloque de Cordoue en 1979.

2 : Voir le point 11 du Manifeste de Vérone – « Dans chaque entreprise – privée ou d’État – les représentants des techniciens et des ouvriers coopéreront intimement, à travers une connaissance directe de la gestion, à la répartition égale des intérêts entre le fond de réserve, les dividendes des actions et la participation aux bénéfices par les travailleurs. Dans certaines entreprises, on pourra étendre les prérogatives des commissions de fabrique. Dans d’autres, les Conseils d’administration seront remplacés par des Conseils de gestion composés de techniciens et d’ouvriers et d’un représentant de l’État. Dans d’autres encore une forme de coopérative syndicale s’imposera. »

• Georges Feltin-Tracol, Pour la troisième voie solidariste. Un autre regard sur la question sociale, Éditions Les Bouquins de Synthèse nationale, coll. « Idées », 172 p., 20 €.

• D’abord mis en ligne sur Polémia, le 22 octobre 2018.

jeudi, 06 septembre 2018

Cultuurmarxisme - Essaybundel van Paul Cliteur e.a.

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Cultuurmarxisme

Essaybundel van Paul Cliteur e.a.

door Johan Sanctorum

Ex: https://doorbraak.be

Het is duidelijk dat er een nieuwe intellectuele wind waait in de lage landen, met een reeks denkers/auteurs die het zinkende eiland van de politieke correctheid verlaten hebben. Een aantal van hen ontmoeten we in de nieuwe essaybundel ‘Cultuurmarxisme’, samengesteld door filosoof-jurist Paul Cliteur.

CM-PC.jpgHet probleem van zo’n essaybundel, waarin we naast Cliteur namen terugvinden als Sid Lukkassen, Maarten Boudry, Derk Jan Eppink, en Wim van Rooy, is uiteraard de consistentie en de overlappingen. Soms krijg je wel eens een déjà-lu, ofwel tegenspraken waarvan je denkt: hadden ze dat niet beter eens uitgeklaard. Toch is het een interessante caleidoscoop van meningen en invalshoeken geworden, die ingaat op het fenomeen van de politieke correctheid, met de term cultuurmarxisme als sleutel. Ons artikel van woensdag j.l., ‘Het grote gelijk van links’, was daar een goede aanloop toe: een lectuur van een Knack-column getekend Bert Bultinck, die alle ‘witte’ Vlamingen per definitie als racisten beschouwt, uitgezonderd zichzelf allicht. Wat hem meteen de status geeft van moreel rechter, therapeut, zelfs orakel.

Betutteling van minderheden

Waarover gaat cultuurmarxisme? Over de manier hoe links via de media en de culturele instellingen haar eigen gelijk steeds weer te voorschijn goochelt. Journalisten, schrijvers, artiesten, culturo’s… allen behoren ze tot een nomenklatura die zichzelf in stand houdt als elite die onderdrukt, censureert, terwijl ze beweert voor vrijheid, democratie en emancipatie te gaan.

Niet langer was de klassenstrijd het ordewoord, wel de fameuze Lange Mars door de Instellingen.

Historisch is de term onverbrekelijk verbonden met de theorieën van de Italiaanse communist Antonio Gramsci (1891-1937), die vaststelde hoe links de greep op de arbeiders – die massaal naar de partij van Mussolini overliepen- verloor, en zich genoodzaakt zag het geweer van schouder te veranderen. Sid Lukkassen beschrijft die ommekeer op pittige en goed gedocumenteerde wijze. De nagestreefde culturele hegemonie van het Marxisme 2.0 stelde zich tot doel het volk van zijn vals bewustzijn (sic) te bevrijden door de media en de cultuurwereld te monopoliseren en van daaruit de revolutionaire waarheid te propageren. Niet langer was de klassenstrijd het ordewoord, wel de fameuze Lange Mars door de Instellingen. Een verschuiving van economie naar cultuur dus, via een soort Trojaansepaarden-tactiek.

Daardoor verloor het originele socialisme zijn band met het volk, en tendeerde de linkse doctrine naar een universele slachtoffercultuur: alle mogelijke minderheidsgroepen of benadeelden (vrouwen, allochtonen, holebi’s…) worden het fetisj van een intellectuele minderheid die haar getalmatige minoriteit wil omzetten in morele superioriteit. Of zoals Maarten Boudry het uitdrukt: ‘… de doorgeschoten verheerlijking van ‘diversiteit’ en de betutteling van minderheden, die ontaardt in een soort ‘Olympisch Kampioenschap van Slachtofferschap’. Zo ontstond een ‘surrogaat-proletariaat’ terwijl de werkende klasse massaal naar (centrum-)rechts overliep en de pococratische dogma’s weghoonde, wat de linkse elite nog meer in de rol van eenzame wereldverbeteraar duwde. Het is een vicieuze cirkel, een zelfversterkend mechanisme.

Advertentie

Hoewel wij het cordon hebben, manifesteert politieke correctheid zich in Nederland als sociaal fenomeen misschien nog extremer dan in Vlaanderen. Denk maar aan de jaarlijks terugkerende Zwartepietendiscussie en de spandoeken van groenlinks die de Syriëgangers verwelkomen. Udo Kelderman gaat daarbij specifiek in op die Nederlandse Zwartepietenkwestie en het dwangmatig refereren aan de slavernij: alle kleurlingen die in Nederland rondlopen zijn zogenaamde ex-slaven, wat de autochtoon in de rol van ex-slavendrijver duwt en dus schuldig aan misdaden tegen de menselijkheid. Door die paranoïde stigmatisering, ook gesignaleerd door Sebastien Valkenberg en Puck van der Land, manoeuvreert links zich in de rol van geweten-van-de-natie, waarbij tal van samenlevingsproblemen rond bijvoorbeeld migratie gewoon worden weggeblazen. Wie er toch aandacht aan besteedt, hoort bij fout-rechts en verliest alle intellectuele credibiliteit. Zo heb je natuurlijk altijd gelijk.

Totalitaire tendensen

De uitbouw van een sterke bureaucratie met repressieve tentakels die de burger bij de les moeten houden.

Een consequentie van het cultuurmarxisme, dat zweert bij de bovenbouw en de instellingen, is tevens de uitbouw van een sterke bureaucratie met repressieve tentakels die de burger bij de les moeten houden. Denk maar aan parastatale vzw’s als UNIA. Het fenomeen profileert zich ook via de groene betuttelingsmanie en de stigmatisering van de burger als vervuiler, waar Jan Herman Brinks een bijdrage aan besteedt. Maar ook in het onvoorstelbare waterhoofd dat EU heet, de supranationale schoonmoeder die steeds meer bevoegdheden naar zich toetrekt: het uitverkoren domein van Derk Jan Eppink die stevig van leer trekt tegen de EU als neo-cultuurmarxistisch project. Het verklaart de rabiate eurofilie van oude ‘68ers als Paul Goossens en revolteleider Daniel Cohn-Bendit, deze laatste ook niet toevallig bekeerd tot het groene gedachtegoed. Wat Paul Cliteur doet besluiten dat het cultuurmarxisme fundamenteel een ondemocratische beweging is.

Dat vermoeden van een omfloerste dictatuur wordt gestaafd door de soms discrete, soms manifeste affiniteit van linkse westerse intellectuelen met totalitaire systemen en regimes, met Mao-China uiteraard als model waar de ’68ers zich op verkeken, en het bezoek van J.P. Sartre aan de Sovjet-Unie van de jaren vijftig als archetype. Een affiniteit die Eric C. Hendriks in de verf zet.

De bijdrage van Wim van Rooy mag in dat opzicht ook niet onvermeld blijven, daar waar hij postmoderne theoretici als Derrida en andere ‘68ers of nakomelingen analyseert als uitvoerders van een nihilistisch weg-met-ons-project, een identitaire deconstructie die finaal uitloopt op de masochistische omarming van een anti-democratische geweldcultuur als de islam. Hetzelfde geldt voor de bizarre alliantie tussen feminisme en islamofilie, een fenomeen dat Jesper Jansen belicht.

‘Complotdenken’

De gemeenschappelijke noemer van alle bijdragen is enig cultuurpessimisme waar ik me niet altijd kan in vinden. Met name lijkt me de banvloek over de postmoderne denkers niet helemaal terecht, want hun behoefte aan deconstructie, met Nietzsche als verre stamvader, treft elke vorm van totalitair denken en zeker ook religieuze ideologieën als de islam. Het westerse denken is fundamenteel kritisch en de ironie is nooit ver weg, iets wat we van de antieke Griekse filosofie hebben overgehouden en moeten blijven koesteren. Dat is nu net het kenmerk van het cultuurmarxisme: het mankeert elk gevoel voor humor, evenals de grote monotheïstische systemen trouwens.

Men zou het ook kunnen zien als iets viraals, een kwaadaardig proces dat zich geautomatiseerd heeft en uitwoekert

Het spreekt vanzelf dat links heel de gedachtegang van dit boek zal wegzetten als een ridicule complottheorie. Misschien geeft de ondertitel ‘Er waart een spook door het Westen’ daar ook wel enige aanleiding toe. Is het echt zo dat er ergens in een bunker door topintellectuelen wordt beraadslaagd over de controle van de culturele instellingen, de media en het mainstreamdiscours? Natuurlijk niet, zegt Paul Cliteur, het is veel erger dan dat, want dan konden we het ding makkelijk oprollen. Het gaat daarentegen om een duurzaam paradigma dat zich via netwerking, sociale druk en soms regelrechte chantage of dreiging met broodroof reproduceert. Een fenomeen waar Puck van der Land, Sebastien Valkenberg en Emerson Vermaat bij stilstaan. Men zou het ook kunnen zien als iets viraals, een kwaadaardig proces dat zich geautomatiseerd heeft en uitwoekert, voorbij de generatie van de ‘68ers die vandaag overigens hun pensioensleeftijd hebben bereikt zonder dat we hun erfenis zomaar kunnen dumpen. Perry Pierik heeft het over kneedbaarheid en besmettelijkheid: ‘Het woord cultuurmarxisme is zo beladen, omdat het een proces aangeeft van ideeën en krachten, dat als semtex plakt aan het gereedschap van de progressieve wereld, waarmee de Gutmensch zijn morele gelijk veilig probeert te stellen.’

De remedies?

De rechtstaat dient een breed gedragen wettelijk kader te creëren waarin hij zichzelf beschermt tegen aanvallen van buitenuit

Dat maakt het ook zo hachelijk om er tegenin te gaan, en het discours over cultuurmarxisme voorbij de klaagzang te tillen. Zijn er tegenstrategieën mogelijk, methodes, attitudes, werkmodellen die de cultuurhegemonie van links kunnen doorbreken? Slechts enkele auteurs durven het aan om een alternatief te formuleren. Samensteller Paul Cliteur pleit voor een weerbare democratie: dat is een democratie die zich niet passief-pluralistisch laat vullen met alle mogelijke politieke tendensen of religiën, maar die georiënteerd verloopt, met een duidelijk kompas, gericht op het voortbestaan en de bloei van die democratie. Niet elke levensbeschouwing komt in aanmerking om door de rechtstaat zomaar aanvaard te worden, ze mag zich niet suïcidaal gedragen. Deze toetssteen geldt in de eerste plaats voor de drie grote totalitaire ideologieën van vorige en deze eeuw, namelijk fascisme, communisme, islamisme. De rechtstaat dient een breed gedragen wettelijk kader te creëren waarin hij zichzelf beschermt tegen aanvallen van buitenuit, denk aan de islam die de godsdienstvrijheid inroept om uiteindelijk de sharia te kunnen instellen. Anderzijds zou dit weer kunnen leiden naar een weldenkende consensusdemocratie met cordons etc. – Het debat hierover is zeker nog niet ten einde.

Sid-portret-boekenbeurs-300x300.pngSid Lukkassen komt tot een andere conclusie: de culturele hegemonie van links moeten we laten voor wat ze is. We moeten compleet nieuwe, eigen media, netwerken en instellingen oprichten die niet ‘besmet’ zijn door het virus en voor echte vrijheid gaan: ‘De enige weg voorwaarts is dus het scheppen van een eigen thuishaven, een eigen Nieuwe Zuil met bijbehorende instituties en cultuurdragende organen. Die alternatieve media zijn volop aan het doorschieten, Doorbraak is er een van.

Eric C. Hendriks pleit in het afsluitende essay ten slotte voor een zekere mate van chaos (‘rommeligheid’) en échte diversiteit, niet de geënsceneerde diversiteit van links, maar gebaseerd op individuele mondigheid en autonomisme, bloemen die bloeien vanuit het ‘burgerlijke midden’. Dat is een mooi einde. Zo’n boek, zelfs over het cultuurmarxisme, mag niet eindigen als een klaagzang van een stel querulanten. Er is hoop, er schuilt kracht in de basis, het volk is moe maar niet uitgeteld, niet alle jonge intellectuelen doen in hun broek, er ontluikt een tegendemocratie.

‘Cultuurmarxisme’ is een plaats in uw boekenkast zeker waard, misschien naast ‘De Langste Mars’, want goed gezelschap versterkt elkaar. Op negen november e.k. gaan de auteurs van beide,- Paul Cliteur,  Sid Lukkassen en ondergetekende,- een panelgesprek aan op de Antwerpse boekenbeurs. Nu al noteren.

lundi, 19 mars 2018

L'oeuvre de Carl Schmitt, une théologie politique

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L'oeuvre de Carl Schmitt, une théologie politique

L’auteur examine en quatre chapitres l’impact de celle-ci.

hm-lcs.jpgLa leçon de Carl Schmitt

Heinrich Meier

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L’auteur examine en quatre chapitres l’œuvre de Carl Schmitt, en montrant que ce qui l’unifie, c’est qu’elle constitue une «théologie politique». Toutefois, il faut se reporter à la fin de l’ouvrage pour comprendre ce qu’il faut entendre par ce terme. Dans la dernière partie du livre, l’auteur propose une rétrospective sur «la querelle de la théologie politique», qui permet de mieux comprendre le sens de cette expression utilisée dans le reste de l’ouvrage. Il y montre que si l’on interprète souvent l’expression de «théologie politique», à partir des textes mêmes de l’œuvre de Schmitt, comme «une affirmation relevant de l’histoire des concepts ou plutôt une hypothèse de la sociologie de la connaissance qui traite des «analogies de structures» entre des disciplines et des «transpositions» historiques» (p256), on restreint la portée et l’importance de ce concept que l’auteur estime central dans la pensée de Schmitt. Certes, C. Schmitt, évoquant une «théologie politique» a bien l’idée que des juristes ont transféré les concepts théologiques, comme celui de la toute-puissance de Dieu, sur le souverain temporel, dans les Temps modernes. Mais pour lui, la «théologie politique» désigne aussi, derrière cette opération de transfert, la volonté de ces juristes de répondre en chrétien à l’appel de l’histoire en «montrant le chemin à suivre pour sortir de la guerre civile confessionnelle.» Leur entreprise de sécularisation n’était pas portée par des intentions antichrétiennes, mais, bien au contraire, inspirée chrétiennement. Jean Bodin et Thomas Hobbes par exemple, que Schmitt désigne comme «ses amis», se tinrent, dans l’interprétation qu’il en donne, «solidement à la foi de leurs pères, et cela pas seulement de manière extérieure» (p261). Autrement dit, plus qu’un transfert de fait et historiquement repérable, la théologie politique désignerait pour Schmitt une attitude dans laquelle c’est à la politique de remplir une mission héritée de la religion, dans un monde qui se sécularise ou qui s’est sécularisé. La sécularisation, qui advient de fait, doit être gérée dans une intention qui demeure animée par la foi chrétienne. De là résulte entre autre que le critère du politique manifesté par la distinction entre ami et ennemi renvoie, pour l’auteur, en dernière analyse à l’opposition entre Dieu et Satan.

Chapitre 1: la réflexion schmittienne sur la morale

Dans le premier chapitre, centré sur la réflexion schmittienne sur la morale, l’auteur commence par montrer quel tableau –qui l’indigne– Schmitt dresse de son époque: un monde vivant aux pulsations de l’entreprise commerciale, rongé progressivement par la sécularisation et l’abandon de la foi, la démesure des hommes qui en «substituant à la providence les plans échafaudés par leur volonté et les calculs de leurs intérêts, pensent pouvoir créer de force un paradis terrestre dans lequel ils seraient dispensés d’avoir à décider entre le Bien et le Mal, et duquel l’épreuve décisive serait définitivement bannie.» (p15). La science elle-même n’est pour Schmitt que «l’auto-divination contre Dieu». Et Schmitt rejette ces formes d’auto-habilitation, par lesquelles l’homme prétend s’émanciper du Dieu transcendant.

Or, ce que souligne l’auteur, c’est que c’est chez Bakounine que Schmitt trouve en quelque sorte le paradigme de cette rébellion et de cette défense de la désobéissance, contre le souverain et contre Dieu. Bakounine en effet «conteste l’objet de la conviction la plus intime de Schmitt. Il attaque la révélation et nie l’existence de Dieu; il veut supprimer l’Etat et nie l’universalité revendiquée par le catholicisme romain.» (p19) ( «Dieu étant tout, le monde réel et l’homme ne sont rien. Dieu étant la vérité, la justice, le bien, le beau, la puissance et la vie, l’homme est le mensonge, l’iniquité, le mal, la laideur, l’impuissance et la mort. Dieu étant le maître, l’homme est l’esclave. Incapable de trouver par lui-même la justice, la vérité et la vie éternelle, il ne peut y arriver qu’au moyen d’une révélation divine. Mais qui dit révélation, dit révélateur, messies, prophètes, prêtres et législateurs inspirés par Dieu même; et ceux-là une fois reconnus comme les représentants de la divinité sur terre, comme les saints instituteurs de l’humanité, élus par Dieu même pour la diriger dans la voie du salut, ils doivent nécessairement exercer un pouvoir absolu. Tous les hommes leur doivent une obéissance illimitée et passive, car contre la Raison Divine il n’y a point de raison humaine, et contre la Justice de Dieu, point de justice terrestre qui tienne. Esclaves de Dieu, les hommes doivent l’être aussi de l’Eglise et de l’Etat, en tant que ce dernier est consacré par l’Eglise.» Mikhaïl Bakounine, Dieu et l’Etat). La devise «Ni Dieu ni maître» affiche le rejet de toute forme d’obéissance et détruit les fondements classiques de l’obéissance dans la culture européenne d’après Schmitt. Pour Bakounine, la croyance en Dieu est la cause de l’autorité de l’Etat et de tout le mal politique qui en procède. D’ailleurs Schmitt reprend à Bakounine l’expression de «théologie politique» que ce dernier emploie contre Mazzini. Pour Bakounine, le mal vient des forces religieuses et politiques affirmant la nécessité de l’obéissance et de la soumission de l’homme; alors que pour Schmitt – et dans une certaine tradition chrétienne – le mal provient du refus de l’obéissance et de la revendication de l’autonomie humaine.

cs-car.jpgChez ces deux auteurs, politique et religion sont mises ensemble, dans un même camp, dans une lutte opposant le bien au mal, même si ce qui représente le bien chez l’un représente le mal chez l’autre. Pour Schmitt, dans ce combat, le bourgeois est celui qui ne pense qu’à sa sécurité et qui veut retarder le plus possible son engagement dans ce combat entre bien et mal. Ce que le bourgeois considère comme le plus important, c’est sa sécurité, sécurité physique, sécurité de ses biens, comme de ses actions, «protection contre toute ce qui pourrait perturber l’accumulation et la jouissance de ses possessions» (p22). Il relègue ainsi dans la sphère privée la religion, et se centre ainsi sur lui-même. Or contre cette illusoire sécurité, Schmitt, et c’est là une thèse importante défendue par l’auteur, met au centre de l’existence la certitude de la foi («Seule une certitude qui réduit à néant toutes les sécurités humaines peut satisfaire le besoin de sécurité de Schmitt; seule la certitude d’un pouvoir qui surpasse radicalement tous les pouvoirs dont dispose l’homme peut garantir le centre de gravité morale sans lequel on ne peut mettre un terme à l’arbitraire: la certitude du Dieu qui exige l’obéissance, qui gouverne sans restriction et qui juge en accord avec son propre droit. (…) La source unique à laquelle s’alimentent l’indignation et la polémique de Schmitt est sa résolution à défendre le sérieux de la décision morale. Pour Schmitt, cette résolution est la conséquence et l’expression de sa théologie politique» (p24).). Et c’est dans cette foi que s’origine l’exigence d’obéissance et de décision morale. Schmitt croit aussi, comme il l’affirme dans sa Théologie politique, que «la négation du péché originel détruit tout ordre social».
Chez Schmitt, derrière ce terme de «péché originel», il faut lire la nécessité pour l’homme d’avoir toujours à choisir son camp, de s’efforcer de distinguer le bien du mal («Seule une certitude qui réduit à néant toutes les sécurités humaines peut satisfaire le besoin de sécurité de Schmitt; seule la certitude d’un pouvoir qui surpasse radicalement tous les pouvoirs dont dispose l’homme peut garantir le centre de gravité morale sans lequel on ne peut mettre un terme à l’arbitraire: la certitude du Dieu qui exige l’obéissance, qui gouverne sans restriction et qui juge en accord avec son propre droit. (…) La source unique à laquelle s’alimentent l’indignation et la polémique de Schmitt est sa résolution à défendre le sérieux de la décision morale. Pour Schmitt, cette résolution est la conséquence et l’expression de sa théologie politique» (p24).). L’homme est sommé d’agir dans l’histoire en obéissant à la foi («la théologie politique place au centre cette vertu d’obéissance qui, selon le mot d’un de ses plus illustres représentants, «est dans la créature raisonnable la mère et la gardienne de toutes les vertus» (Augustin, Cité de Dieu XII, 14). Par leur ancrage dans l’obéissance absolue, les vertus morales reçoivent un caractère qui leur manquerait autrement.» (p31-32).), et il doit pour cela avant faire preuve de courage et d’humilité. L’auteur montre ainsi que loin de se réduire à la «politique pure», la pensée schmittienne investit la morale en en proposant un modèle aux contours relativement précis.

Chapitre 2: Réflexion sur la conception politique de Schmitt

Dans chapitre II, H. Meier montre que la conception politique de C. Schmitt ne peut être entièrement détachée d’une réflexion sur la vérité et la connaissance. En effet, Schmitt écrit, dans La notion de politique, que le politique «se trouve dans un comportement commandé par l’éventualité effective d’une guerre, dans le clair discernement de la situation propre qu’elle détermine et dans la tâche de distinguer correctement l’ami et l’ennemi». Cela implique que le politique désigne un comportement, une tâche et une connaissance, comme le met en évidence l’auteur. Pour mener à bien l’exigence d’obéissance mise au jour dans le chapitre précédent, il faut une certaine connaissance. Cela semble relativement clair, mais l’auteur va plus loin et défend la thèse selon laquelle non seulement le politique exige la connaissance, mais il veut montrer que l’appréhension du politique pour Schmitt est «essentiellement connaissance de soi» (p46).

La distinction entre l’ami et l’ennemi s’appuie sur une notion existentielle de l’ennemi. L’ennemi présupposé par le concept de politique est une réalité publique et collective, et non un individu sur lequel on s’acharnerait, mu par une haine personnelle. Comme le précise H. Meier, «il n’est déterminé par aucune «abstraction normative» mais renvoie à une donnée de la «réalité existentielle» (…). Il est l’ennemi qui «doit être repoussé» dans le combat existentiel.» (p49). La figure de l’ennemi sert le critère du politique, mais chez Schmitt, selon l’auteur, elle n’est pas le fruit d’une élaboration théorique, voire idéologique, mais elle est ce en face de quoi je suis toujours amené existentiellement à prendre position et elle sert aussi à me déterminer et à me connaître moi-même, sur la base du postulat que c’est en connaissant son ennemi qu’on se connaît soi-même. Grâce à la distinction entre l’agonal et le politique, qui tous deux mettent en jeu la possibilité de ma mort et celle de l’adversaire ou de l’ennemi, mais qui s’opposent sur le sens de la guerre et la destination de l’homme ( Dans une compréhension politique du monde, l’homme ne peut réaliser pleinement sa destinée et sa vocation qu’en s’engageant entièrement et existentiellement pour l’avènement de la domination, de l’ordre et de la paix, tandis que dans la pensée agonale, ce qui compte, c’est moins le but pour lequel on combat que la façon de combattre et d’inscrire ainsi son existence dans le monde. E. Jünger, qui défend une pensée agonale écrit ainsi: «l’essentiel n’est pas ce pour quoi nous nous battons, c’est notre façon de nous battre. (…) L’esprit combattif, l’engagement de la personne, et quand ce serait pour l’idée la plus infime, pèse plus lourd que toute ratiocination sur le bien et le mal» (La guerre comme expérience intérieure).), Schmitt montre qu’il ne s’agit pas de se battre par principe et pour trouver un sens à vie, mais de lutter pour défendre une cause juste, ou mieux la Justice. Et c’est à ce titre que le politique est ce par quoi l’homme apprend à se connaître, à savoir ce qu’il veut être, ce qu’il est et ce qu’il doit être ( H. Meier développe ainsi un commentaire long et précis sur le sens d’une phrase de Theodor Däubler qui revient souvent chez Schmitt: «l’ennemi est la figure de notre propre question». Nous nous connaissons en connaissant notre ennemi et en même temps nous reconnaissons notre ennemi en celui qui nous met en question. L’ennemi, en quelque sorte, est aussi le garant de notre identité. Notre réponse à la question que l’ennemi nous pose est notre engagement existentiel-par un acte de décision – concret dans l’histoire.).

cs-pol.pngLa confrontation politique apparaît comme constitutive de notre identité. A ce titre, elle ne peut pas être seulement spirituelle ou symbolique. Cette confrontation politique trouve son origine dans la foi, qui nous appelle à la décision («La foi selon laquelle le maître de l’histoire nous a assigné notre place historique et notre tâche historique, et selon laquelle nous participons à une histoire providentielle que nos seules forces humaines ne peuvent pas sonder, une telle foi confère à chacun en particulier un poids qui ne lui est accordé dans aucun autre système: l’affirmation ou la réalisation du «propre» est en elle-même élevée au rang d’une mission métaphysique. Etant donné que le plus important est «toujours déjà accompli» et ancré dans le «propre», nous nous insérons dans la totalité compréhensive qui transcende le Je précisément dans la mesure où nous retournons au «propre» et y persévérons. Nous nous souvenons de l’appel qui nous est lancé lorsque nous nous souvenons de «notre propre question»; nous nous montrons prêts à faire notre part lorsque nous engageons ma confrontation avec «l’autre, l’étranger» sur «le même plan que nous» et ce «pour conquérir notre propre mesure, notre propre limite, notre propre forme.»« (p77-78).).

Aussi les «grands sommets» de la politique sont atteints quand l’ennemi providentiel est reconnu. La politique n’atteint son intensité absolue que lorsqu’elle est combat pour la foi, et pas simple combat, guerre limitée et encadrée par le droit des gens moderne (Les croisades sont ainsi l’exemple pour C. Schmitt d’une hostilité particulièrement profonde, c’est-à-dire pour lui authentiquement politique.). C’est pour une communauté de foi, et plus particulièrement pour une communauté de croyants qui se réclame d’une vérité absolue et dernière, au-delà de la raison, que la politique peut être authentique. C’est d’abord pour défendre la foi qu’on tient pour vraie, une foi existentiellement partagée – et qui éventuellement pourrait être une foi non religieuse – que la politique authentique peut exister. C’est ainsi que Schmitt pense défendre la vraie foi catholique contre ces fausses fois qui la mettent en danger et qui sont le libéralisme et le marxisme. Ce qu’on appelle ordinairement ou quotidiennement la politique n’atteint pas l’intensité décisive des «grands sommets», mais n’en est que le reflet.

Chapitre 3: théologie politique, foi et révélation

Dans le troisième chapitre, H. Meier établit l’inextricable connexion entre théologie politique, foi et révélation. Aussi la théologie politique combat-elle l’incroyance comme son ennemi existentiel. Comme le résume l’auteur: «l’hostilité est posée avec la foi en la révélation. (…) la discrimination entre l’ami et l’ennemi trouverait dans la foi en la révélation non seulement sa justification théorique, mais encore son inévitabilité pratique» (p102). Obéir sérieusement à la foi exige, pour Schmitt, d’agir dans l’histoire, ce qui suppose de choisir son camp, c’est-à-dire de distinguer l’ami de l’ennemi. Politique et théologique ont en commun la distinction entre l’ami et l’ennemi; aussi, note l’auteur, «quand le politique est caractérisé grâce à la distinction ami-ennemi comme étant «le degré extrême d’union ou de désunion» (…), alors il n’y a plus d’obstacle au passage sans heurt du politique à la théologie de la révélation. La nécessité politique de distinguer entre l’ami et l’ennemi permet désormais de remonter jusqu’à la constellation ami-ennemi de la Chute, tandis que se révèle le caractère politique de la décision théologique essentielle entre l’obéissance et la désobéissance, entre l’attachement à Dieu et la perte de la foi.» (p104). L’histoire a à voir avec l’avènement du Salut, les fins politiques et théologiques sont indissociables pour Schmitt. La décision entre Dieu et Satan est aussi bien théologique que politique, et lorsque l’ennemi providentiel est identifié comme tel, le théologique et le politique coïncident dans leur définition de l’unique ennemi. Le reste du temps, politique et théologique peuvent ne pas coïncider, dans la mesure où toute confrontation politique ne met pas en jeu la foi en la révélation et où toute décision théologique ne débouche pas nécessairement sur un conflit politique. Et si Schmitt développe une théologie politique, c’est parce que ce qui est fondamental est le théologique (qui toujours requiert la décision et l’engagement de l’homme («la foi met fin à l’incertitude. Pour la foi, seule la source de la certitude, l’origine de la vérité est décisive. La révélation promet une protection si inébranlable contre l’arbitraire humain que, face à elle, l’ignorance semble être d’une importance secondaire.» (p138).)) qui prend parfois, mais pas toujours nécessairement, la forme du politique pour sommer l’homme de se décider.

Puis l’auteur examine la critique de la conception de l’Etat dans la doctrine de Hobbes (dans Le Léviathan dans la doctrine de l’Etat de Thomas Hobbes. Sens et échec d’un symbolisme politique) qu’il étudie en trois points.

Thomas_Hobbes_(portrait).jpgD’une part, Schmitt reproche à Hobbes d’artificialiser l’Etat, d’en faire un Léviathan, un dieu mortel à partir de postulats individualistes. En effet, ce qui donne la force au Léviathan de Hobbes, c’est une somme d’individualités, ce n’est pas quelque chose de transcendant, ou plus précisément, transcendant d’un point de vue juridique, mais pas métaphysique. A cette critique, il faut ajouter que, créé par l’homme, l’Etat n’a aucune caution divine: créateur et créature sont de même nature, ce sont des hommes. Or ces hommes, véritables individus prométhéens, font croire à l’illusion d’un nouveau dieu, né des hommes, et mortels, dont l’engendrement provient du contrat social. Et cette création à partir d’individus et non d’une communauté au sein d’un ordre voulu par Dieu, comme c’était, selon Hobbes, le cas au moyen-âge, perd par là-même sa légitimité aux yeux d’une théologie politique ( C. Schmitt écrit ainsi que: «ce contrat ne s’applique pas à une communauté déjà existante, créée par Dieu, à un ordre préexistant et naturel, comme le veut la conception médiévale, mais que l’Etat, comme ordre et communauté, est le résultat de l’intelligence humaine et de son pouvoir créateur, et qu’il ne peut naître que par le contrat en général.»).

D’autre part, Schmitt critique le geste par lequel l’Etat hobbesien est à lui-même sa propre fin. Autrement dit, cette œuvre que produisent les hommes par le contrat n’est plus au service d’une fin religieuse, d’une vérité révélée, mais, au contraire, est rendu habilité à définir quelles sont les croyances religieuses que doivent avoir les citoyens, qu’est-ce qui doit être considéré comme vrai. Enfin, Schmitt désapprouve le symbole choisi par Hobbes pour figurer l’Etat, le Léviathan.

Comme le note l’auteur, Schmitt pointe la faiblesse et la fragilité de la construction de Hobbes: «C’est un dieu qui promet aux hommes tranquillité, sécurité et ordre pour leur «existence physique ici-bas», mais qui ne sait pas atteindre leurs âmes et qui laisse insatisfaite leur aspiration la plus profonde; un homme dont l’âme artificielle repose sur une transcendance juridique et non métaphysique; un animal dont le pouvoir terrestre incomparable serait en mesure de tenir en lisière «les enfants de l’orgueil» par la peur, mais qui ne pourrait rien contre cette peur qui vient de l’au-delà et qui est inhérente à l’invisible.» (p167). Autrement dit, chez Hobbes, l’Etat peut se faire obéir par la peur de la mort, ce qui rend l’obéissance des hommes relatives à cette vie terrestre, alors que pour Schmitt, ce qui rend décisif et définitif l’engagement politique, c’est qu’il a à voir avec la fin dernière, le salut. Aussi peut-on être prêt ou décidé à mourir pour lutter contre l’ennemi, ce que nous craignons alors le plus est moins la mort violente que l’enfer post mortem. Et on comprend ainsi bien comment le libéralisme est ce qui veut éviter cet engagement, en niant la dimension proprement politique de l’existence humaine.

Chapitre 4: l'histoire comme lieu de discernement

Dans le dernier chapitre, centré sur l’histoire comme lieu de discernement dans lequel doit toujours se décider l’homme, l’auteur montre comment morale, politique et révélation sont liées à l’histoire pour permettre une orientation concrète («Pour la théologie politique, l’histoire est le lieu de la mise à l’épreuve du jugement. C’est dans l’histoire qu’il faut distinguer entre Dieu et Satan, l’ami et l’ennemi, le Christ et l’Antéchrist. C’est en elle que l’obéissance, le courage et l’espérance doivent faire leurs preuves. Mais c’est en elle aussi qu’est porté le jugement sur la théologie politique qui se conçoit elle-même à partir de l’obéissance comme action dans l’histoire.» (p177).). L’exemple privilégié par Schmitt pour mesurer un penseur qui se décide à l’histoire dans laquelle il se fait condamné à naviguer est celui de Hobbes. En effet, pour Schmitt, Hobbes prend position, avec piété pour l’Etat moderne, dans un cadre historique précis, celui des luttes confessionnelles, et sa décision en faveur de l’Etat qui neutralise les oppositions religieuses et sécularise la vie est liée à ce contexte historique. Si pour Schmitt, l’Etat n’est plus au XXème siècle une bonne réponse politique à la situation historique, au temps de Hobbes, se déterminer en faveur de cet Etat était la bonne réponse, puisque l’Etat «trancha effectivement à un moment historique donné la querelle au sujet du droit, de la vérité et de la finalité en établissant le «calme, la sécurité et l’ordre» quand rien ne semblait plus urgent que l’établissement du «calme, de la sécurité et de l’ordre»« (p183). En revanche, une fois conçu, l’Etat comme machine ou comme appareil à garantir la sécurité, il peut tomber entre les mains du libéralisme, du bolchévisme ou du nazisme qui peuvent s’en servir pour parvenir à leur fin, d’où sa critique de l’Etat au XXème siècle.

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La question que pose alors l’auteur est celle de l’engagement de Schmitt. Il montre que Schmitt dans les années 1920 et au début des années 1930 commence par soutenir le fascisme mussolinien dans lequel il voit le modèle d’un Etat qui s’efforce de maintenir l’unité nationale et la dignité de l’Etat contre le pluralisme des intérêts économiques. Il oppose ce type d’Etat au libéralisme qu’il considère comme un «système ingénieux de méthodes visant à affaiblir l’Etat» et qui tend à dissoudre en son sein le proprement politique. Il critique l’Etat de droit bourgeois et en particulier le parlementarisme ( Il écrit ainsi dans l’article «l’Etat de droit bourgeois»: «les deux principes de l’Etat de droit bourgeois que sont la liberté de l’individu et la séparation des pouvoirs, sont l’un et l’autre apolitiques. Ils ne contiennent aucune forme d’Etat, mais des méthodes pour mettre en place des entraves à l’Etat.»). Il démasque l’imposture des prétendues démocraties qui n’intègrent pas le peuple, qui ne lui permettent pas d’agir en tant que peuple ( Pour Schmitt, le peuple ne peut être que réuni et homogène (c’est-à-dire non scindé en classes distinctes ou divisé culturellement, religieusement, socialement ou «racialement»). Il estime également que seule l’acclamation permet d’exprimer la volonté du peuple, à l’opposé des méthodes libérales qu’il accuse de falsifier la volonté du peuple.) mais l’atomisent, ne serait-ce que parce qu’au moment de la décision politique, les hommes sont isolés pour voter, alors qu’ils devraient être unis: «ils décident en tant qu’individus et en secret, ils ne décident pas en tant que peuple et publiquement.» (p204). Ce qui fait que les démocraties libérales sont pour lui des démocraties sans démos, sans peuple. Schmitt veut fonder la politique sur un mythe puissant et efficace, et dans cette optique, il estime que le mythe national sur lequel se fonde le fascisme est celui qui donne le plus d’intensité à la foi et au courage (plus, par exemple, que le mythe de la lutte des classes). Ce que souligne l’auteur cependant, c’est que pour Schmitt, tout mythe est à placer sur un plan inférieur à la vérité révélée. Il s’agit donc pour le théologien politique de ne pas croire ce mythe, national ou autre, parce qu’il est éloigné de la vraie foi, mais de l’utiliser pour intensifier la dimension politique de l’existence que tend à effacer le libéralisme européen de son époque.

Comment concilier la décision de Schmitt en faveur du nazisme au printemps 1933? Pour Heinrich Meier, il faut considérer avant tout que cet engagement est fait en tant que théologien politique et non en tant que nationaliste. Il faudrait la lire comme l’essai pour sortir de deux positions antagonistes et qu’il rejette toutes les deux: le libéralisme et le communisme, tous deux adversaires du catholicisme et animés par une commune tradition visant un objectif antipolitique (L’auteur écrit ainsi: «Pendant les dix années, de 1923 à 1933, durant lesquelles Schmitt, empli d’admiration, suivit le parcours de Mussolini, sa conviction que le libéralisme et le marxisme s’accordaient sur l’essentiel ou en ce qui concerne leur «métaphysique» ne fit que se renforcer: l’héritage libéral était toujours déterminant pour le marxisme, qui «n’était qu’une mise en pratique de la pensée libérale du XIXème siècle». La réunion du libéralisme et du marxisme dans la «nouvelle croyance» du temps présent (…) disposant d’un fonds de dogmes communs et poursuivant le même objectif final antipolitique, devait faire apparaître le fascisme et le national socialisme comme les antagonismes les plus résolus.» (p212-213).). A cela s’ajoute, selon l’auteur, l’idée que le nazisme s’appuie sur la croyance au destin et à l’importance d’agir dans l’histoire. Mais peu après cette explication des raisons de l’adhésion de Schmitt au national-socialisme, l’auteur s’attache à montrer que des critiques du régime apparaissent dans ses écrits. On peut ainsi selon l’auteur lire de nombreux passages du livre sur Hobbes comme des critiques indirectes du régime nazi qui ne pouvaient pas ne pas être prises comme telles à l’époque (par exemple, des passages dans lesquels il explique que si l’Etat ne protège pas efficacement les citoyens, le devoir d’obéissance disparaît, ou des passages exposant que si un régime relègue la foi à l’intériorité, le «contre-pouvoir du mutisme et du silence croît».) Cependant, l’auteur prend également soin de distinguer d’un côté l’éloignement de Schmitt du pouvoir nazi en place et de l’autre la persistance de son antisémitisme. Ainsi le livre sur Hobbes est foncièrement antisémite – l’antisémitisme de ce livre ne serait pas qu’un fond, un langage destiné à répondre aux critères de l’époque – comme, du reste, dans de nombreux ouvrages. Et pour l’auteur cet antisémitisme a son origine dans la tradition de l’antijudaïsme chrétien, ce qui n’a pas détaché Schmitt de l’antisémitisme nazi. Au contraire, comme le souligne H. Meier, «on est bien obligé de dire que c’est l’hostilité aux «juifs» qui lie le plus durablement Schmitt au national-socialisme (…) Et il restera fidèle, même après l’effondrement du Troisième Reich, à l’antisémitisme» (p220).

Puis l’auteur s’intéresse à l’interprétation que Schmitt fait de l’histoire en mettant au cœur de cette interprétation le katechon, qu’on trouve dans la seconde lettre de Paul aux Thessaloniciens, et qu’il définit comme «la représentation d’une force qui retarde la fin et qui réprime le mal» ( Schmitt écrit ainsi dans Terre et Mer: «Je crois au katéchon; il représente pour moi la seule possibilité, en tant que chrétien, de comprendre l’histoire et de lui trouver un sens.»). Schmitt expose une vision chrétienne de l’histoire (notamment exposée dans une critique de Meaning in History de Karl Löwith) qu’il entend opposer à celle du progrès défendue par les Lumières, le libéralisme et le marxisme. La Providence ne peut être assimilée aux planifications prométhéennes humaines. La notion de katechon permet d’une part de rendre compte du retard de la parousie – et donc de l’existence perse de l’histoire ( C’est d’ailleurs dans cette perspective que Paul en parle.); d’autre part, elle «protège l’action dans l’histoire contre le découragement et le désespoir face à un processus historique, en apparence tout-puissant, qui progresse vers la fin. Enfin, elle arme à l’inverse l’action dans l’histoire contre le mépris de la politique et de l’histoire en l’assurant de la victoire promise.» (p231-232). En effet, sans le katechon, on est conduit à penser que la fin de l’histoire est imminente et que l’histoire n’a qu’une valeur négligeable.

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Ainsi, l’auteur parvient à montrer efficacement comment morale, politique, vérité révélée et histoire sont liées dans la pensée schmittienne, pensée ayant son centre dans la foi catholique de Schmitt. On ne peut comprendre la genèse des concepts schmittiens et leur portée véritable qu’en ayant à l’esprit cette foi expliquant sa pensée est moins une philosophie politique – si la philosophie doit être pensée comme indépendante de la foi en la révélation – qu’une théologie politique, pour ainsi dire totale en ce qu’elle informe tous les aspects de l’existence. La tentative d’H. Meier d’expliquer et de rendre compte et de l’engagement de Schmitt dans le nazisme –sans évidemment l’excuser ou n’en faire qu’une erreur malencontreuse– par l’antagonisme que ce régime pouvait manifester à l’encontre des autres régimes (libéralisme, marxisme) qui luttaient contre le catholicisme est pertinente, d’autant qu’elle ne le disculpe pas et qu’elle prend soin de souligner son indéfendable antisémitisme. Il faut aussi reconnaître à l’auteur une connaissance extrêmement précise des textes de Schmitt, de leur contexte et des adversaires que vise ce dernier même lorsqu’ils ne sont pas nommés, ce qui contribue à la clarification de maintes argumentations de Schmitt parfois équivoques ou elliptiques.

mardi, 06 février 2018

Du dextrisme et de la révolution conservatrice

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Du dextrisme et de la révolution conservatrice

Ex: http://oragesdacier.info

Philosophie magazine titrait sa dernière revue « De quoi la gauche est-elle malade ? ». On pourrait en dresser une longue liste, mais il faut voir plus clairement une névrose multiple. Elle est amnésique, schizophrène et paranoïaque : menteuse, elle voit des choses qui n’existent pas, se crée des peurs paniques, devient colérique et de mauvaise foi. Certains diront qu’elle n’est pas malade mais simplement bête. Nous aimons à penser que les symptômes et la bêtise peuvent largement se cumuler, comme on a pu malheureusement l’observer depuis trop longtemps. Mais qu’en est-il à droite ?
 
Gaël Brustier (ancien collaborateur d’Arnaud Montebourg) a été le premier à parler de « dextrisme » à propos d’une lame de fond de droite, qui a supplanté dorénavant la gauche culturelle, voire la gauche tout court. Non sans quelques erreurs, il a bien vu que la synergie des mouvements contre le Mariage pour tous a donné pour résultat un « Mai 68 conservateur ». Puis, Guillaume Bernard a pris le pas en parlant de mouvement « dextrogyre » pour évoquer la même direction que prenaient les tournures politiques. Enfin, Patrick Buisson, dans son ouvrage revendicatif et revenchard, a repris la notion de Gaël Brustier en parlant de « dextrisme ».

Ces observateurs de la vie politique ne se sont pas trompés. Depuis quelques années déjà, il y a bel et bien une rupture des digues liée à la désillusion d’une société prospère, mondialisée et ouverte sur l’Europe. Nous n’y voyons que précarité, chômage de masse, insécurité et immigration de masse. Vision peut-être pessimiste mais néanmoins réaliste des circonstances présentes.

Est-ce à dire que le Français est un populiste en puissance ? Pour des journalistes vivant au cœur de Paris, se déplaçant en vélib’ ou en métro, et ne connaissant rien du Français moyen hors une vision phantasmée du beauf de province, oui. Pourtant, par principe, le peuple est doué d’une logique implacable. Certes on peut l’influencer, et les hommes politiques et industriels dépensent des fortunes en publicité et marketing pour cela, mais il est loin d’être bête. On peut dire même qu’il est conservateur. Prenez pour exemple des Corses, dont les élections régionales ont tourné en faveur d’une gauche corse, elle reste nationaliste, réfractaire à l’immigration et à la diversité.

Le problème dans tout cela, c’est d’y voir le terme conservateur seulement en ce qu’il veut conserver des acquis. Le conservatisme se doit d’allier des principes fondateurs, des valeurs, telles que l’autonomie et l’enracinement, qui appellent en effet à des sacrifices ou des consentements pour la France. Acheter français, acheter des produits frais cultivés en France, éviter autant que faire ce peut le « made in China » ou le « Hollywood-Disneyland-Apple ». Plus encore, le conservatisme, même présent comme logique et comme sentiment de bon sens, de « common decency » telle que le formulait George Orwell (un anarchiste-conservateur), doit être aujourd’hui transcrit politiquement. Il est bienheureux que la logique populaire française se mette en marche pour des situations ubuesques où l’idéologie de l’homme politique prend le pas sur l’expérience et sur la cohérence !

Il faut désormais transformer le tir, et tout faire pour que ce conservatisme soit dorénavant un facteur de victoire politique. Et non, Fillon est tout sauf conservateur, hormis si on prend pour lui la définition péjorative de celui qui conserve ses acquis (ou ses émoluments, comme sa femme qui a 500 000 euros de biens mal acquis dans une sorte d’emploi fictif d’assistante parlementaire).

9782081333208FS.gifQu’on puisse avoir des doutes ou des réclamations sur un parti comme le Front National est logique, mais la victoire politique doit s’abstenir d’une réaction similaire à celle qui pourrait avoir lieu à la buvette du coin. D’autant plus dans une situation de fait majoritaire où ce parti doit obtenir 50,1% des voix pour réussir. Et cela, aussi bien pour les présidentielles que pour les législatives.

Les dernières élections, départementales, municipales et régionales ont montré que le vent tournait en sa faveur. Il est temps que pour les deux prochaines élections, ce vent favorable continue de souffler. D’ailleurs, un élément en ce sens s’observe avec les primaires. C’est juridiquement un non-sens que d’avoir des primaires. Cette américanisation des élections est bien la preuve d’une altération de la vie politique française. Il y a des primaires aux Etats-Unis que parce que les Américains ne peuvent pas élire directement leur président et doivent passer par des grands électeurs. En France, depuis 1962, les électeurs choisissent directement leur président en deux tours. Les deux tours de la présidentielle, voilà nos primaires. Effectuer des primaires à la droite libérale et chez les socialistes-libéraux montrent un élément fondateur de l’avancée du conservatisme. C’est la désacralisation totale des hommes politiques dans ces partis qui se ressemblent et l’absence de chef naturel, sans compter la victoire de l’ego. Tout le monde veut devenir le calife à la place du calife. Sans pour autant réussir une quelconque unité, car ils ne sont pas légitimes ni compétents pour devenir des chefs. On peut être capitaine, mais il faut le mériter et le prouver, c’est encore plus difficile dans la reconnaissance de devenir un chef de bataillon.

Autre exemple de désacralisation, c’est l’atteinte physique des hommes politiques (mais justifiée). Il semblait improbable pour un de Gaulle, un Chirac ou un Mitterrand d’être pris à parti. A partir du moment où l’absence d’incarnation en tant que chef, où l’esprit vil et mercantile, méprisant à l’égard du peuple a pris le pas, alors toute forme de respect disparaît logiquement. Mais la justice des puissants prend le pas pour condamner les actes de revendication des faibles, à savoir nous.

A nous donc de ne plus être faibles. En premier lieu en évitant de garder un tropisme d’esprit conservateur en famille, mais bien de le revendiquer, comme par exemple aux élections présidentielles et législatives.

Cela s’accompagne d’un point plus important, accoler le terme révolution à celui de conservateur. Nous ne voulons pas garder des acquis, faire comme si de rien n’était. Bouger dans l’immobilisme, cela a été le quinquennat Hollande, ou les législatures avec Angela Merkel. Il est important de refonder le système. Pas de le réformer : quand les fondations d’une maison sont mauvaises, on ne change pas les portes et fenêtres, on détruit pour rebâtir. Cette opportunité de 2017 est un moyen supplémentaire d’avancer pour faire changer les choses. 2017 ne va pas tout changer, mais au moins, elle permettra de meilleures dispositions pour que notre Nation soit épargnée des dégâts idéologiques du libéralisme mondialisé et de ses conséquences (chômage, précarité, immigration). 
 
Le choix vous appartient donc, mais sachez juste que les préceptes liés au Baby-boom et à Mai 68 sont obsolètes. Pour paraphraser les politiciens repus, il faut changer de paradigme. Macron, Fillon, Valls et consorts représentent les deux faces opposées d’une même pièce. Engagez-vous en politique, formez-vous, lisez, réinformez-vous, adhérez, créez des associations. Tous ces éléments si anodins sont aujourd’hui subversifs, parce qu’ils ne sont pas compris dans la liste de l’acceptable exigée par un système soft-totalitaire qui demande la résignation consolée par la consommation.
 

vendredi, 29 septembre 2017

Thor v. Waldstein – Macht und Öffentlichkeit

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Thor v. Waldstein – Macht und Öffentlichkeit

Vom 15. bis 17. September 2017 fand in Schnellroda die 18. Sommerakademie des Instituts für Staatspolitik statt. Thema war, passend zur unmittelbar bevorstehenden Bundestagswahl am 24. September, die »Parteienherrschaft«. Rechtsanwalt und Autor Dr. Dr. Thor v. Waldstein sprach über die Frage nach dem Verhältnis zwischen »Macht und Öffentlichkeit«. Beachten Sie auch Thor v. Waldsteins thematisch ergänzenden Vortrag über »Metapolitik und Parteipolitik«!
 
Hier entlang zum Mitschnitt: https://www.youtube.com/watch?v=iQSIT...
 
Weitere Informationen im Netz unter: http://staatspolitik.de
 

jeudi, 12 janvier 2017

La notion de politique de Carl Schmitt

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La notion de politique de Carl Schmitt

par Karl Peyrade

Ex: http://www.lerougetlenoir.org 

Ex: Publié en 1932, La notion de politique est un des ouvrages les plus connus du juriste catholique allemand Carl Schmitt. A l’origine de ce livre, on trouve une conférence de l’auteur, s’inscrivant dans unCYCLE sur les problèmes de la démocratie, à la Grande École Allemande pour la Politique située à Berlin. La conférence a donné ce texte qui a fait l’objet de nombreux débats au sein de l’intelligentsia allemande. Avant la parution de La notion de politique, les intellectuels allemands assimilaient souvent l’État à la politique. C’est face à ce postulat que Schmitt a entendu réagir.

Selon l’auteur, le concept d’État présuppose le concept de politique. L’État se définit, selon l’acception moderne, comme étant le statut politique d’un peuple organisé légalement sur un territoire donné. Pendant longtemps, les juristes n’ont évoqué que les problématiques liées à la théorie générale de l’État sans se soucier du politique. D’après Max Weber, qui fut le professeur de Carl Schmitt, le pouvoir est un élément caractéristique de la politique. L’Allemagne du XIXe siècle a d’abord placé, l’État au-dessus de la société. Ensuite, la conception libérale a primé en introduisant une dialectique État/société à savoir une opposition entre l’État et la société. Enfin, le début du XXesiècle a accouché de l’État total au sens hégélien c’est-à-dire d’un État compétent dans tous lesDOMAINES. Bien entendu, à l’heure actuelle et depuis la deuxième guerre mondiale, la vision libérale de l’État a repris du galon dans le monde occidental.

L’auteur note que dans de nombreuxDOMAINES, il existe un certain dualisme simplificateur : l’opposition beau/laid en esthétique, l’opposition rentable/non rentable en économie, l’opposition bien/mal en morale etc. En politique, c’est le dualisme ami/ennemi ou union/désunion ou association/dissociation qui est le plus pertinent. L’ennemi est l’étranger générant un conflit non réglable par une norme générale ou un tiers impartial. L’État, en tant que communauté d’intérêt et d’action, va décider si l’ennemi, c’est-à-dire son antithèse, menace son existence.

Le Christ et l’Église catholique à sa suite recommandent d’aimer ses ennemis et de prier pour eux et leur salut. Schmitt rappelle à ce sujet la distinction latine entre inimicus (ennemi personnel) auquel l’Évangile fait référence [1] et hostis (ennemi politique). Pour illustrer son propos, il donne l’exemple suivant :

« Dans la lutte millénaire entre le christianisme et I ’Islam, il ne serait venu à l’idée d’aucun chrétien qu’il fallait, par amour pour les Sarrasins ou pour les Turcs, livrer l’Europe à l’Islam au lieu de la défendre. L’ennemi au sens politique du terme n’implique pas une haine personnelle, et c’est dans la sphère de la vie privée seulement que cela a un sens d’aimer son ennemi, c’est-à-dire son adversaire. »

61S60PfzfrL.jpgCette citation brille par son actualité. Face à l’invasion migratoire et à la place de plus en plusIMPORTANTE que prend la religion mahométane en France, l’Église catholique dans la continuité du Concile Vatican II propose aux chrétiens d’accueillir l’autre sans distinguer l’étranger en tant qu’individu de l’étranger en tant que masse politique. Pourtant, si un chrétien doit aider l’étranger en tant qu’individu lorsque ce dernier lui réclame de l’aide, d’un point de vue politique, l’Église et la sphère étatique doivent se prononcer contre cet afflux considérable d’étrangers qui présente une menace pour le bien commun et l’unité du pays (insécurité culturelle, baisse des salaires, danger pour la foi catholique, violences interethniques etc.). Carl Schmitt le confirme d’un point de vue conceptuel : lorsque l’antagonisme extérieur consistant à distinguer les nationaux des étrangers disparaît, l’État peut perdre son unité politique et l’antagonisme risque alors de se situer à l’intérieur de l’État à travers une guerre civile.

La guerre n’est qu’unINSTRUMENT de la politique. Selon le mot de Clausewitz, « La guerre n’est rien d’autre que la continuation des relations politiques avec l’appoint d’autres moyens [2]. » Même le concept de neutralité découle de l’opposition ami/ennemi car il nécessite l’existence d’un conflit entre amis et ennemis pour qu’une position neutre soit prise. Si la guerre disparaît, l’ennemi et le neutre disparaissent corollairement et, par conséquent, aussi la politique. En effet, un monde sans conflictualité, un monde pacifié est un monde sans distinction ami et ennemi et, par là même, un monde sans politique. La guerre moderne a ceci de spécifique qu’elle ajoute à cette dialectique ami/ennemi un élément moral. Dès lors, l’ennemi n’est plus simplement une catégorie politique, il devient aussi une catégorie morale. En conséquence, l’ennemi étant le mal incarné, il convient de le détruire intégralement par tous les moyens (bombardement des populations civiles, armes atomiques, criminalisation de l’ennemi et fin du statut d’ennemi et de ses droits). Mais la guerre ne peut jamais être religieuse, économique ou morale. Ces motifs peuvent devenir politiques quand ils entraînent la mise en place de la configuration amis et ennemis. La guerre n’est alors que l’actualisation ultime de cette conflictualité.

Qui définit cette opposition entre amis et ennemis ? Celui qui est souverain à savoir celui qui est capable de trancher une situation exceptionnelle, celui qui peut déclencher l’état d’urgence. Cette personne peut être le monarque ou l’État lorsqu’il représente l’unité politique du peuple. Dans le monde moderne, cette décision appartient à l’État. Elle suppose un peuple politiquement uni, prêt à se battre pour son existence et son indépendance en choisissant son propre chef ce qui relève de son indépendance et de sa liberté. Lorsqu’un peuple accepte qu’un tiers ou un étranger lui dicte qui est son ennemi, il cesse d’exister politiquement.

La tâche première de l’État est de pacifier l’intérieur car sinon pas de norme possible. Une communauté n’est politique que si elle est en capacité et en volonté de désigner son ennemi. Cette capacité fonde l’unité politique du groupe en-dessous duquel les entités extérieures sont placées par ce dernier. On retrouve la même idée chez les grecs avec la notion de barbares. Dans la conception libérale de l’économie, chaque agent est libre. Il peut donc décider tout seul des causes pour lesquelles il souhaite agir. Aucune entité collective ne peut rien lui imposer. Dans le monde économique, il est facile d’écarter le gêneur sans user de la violence. On peut le racheter ou le laisser mourir. Il en est de même dans le monde culturel : c’est la norme qui entraîne la mort sociale. Mais en ce qui concerne la politique, des hommes peuvent être obligés de tuer d’autres hommes pour des raisons d’existence.

Le monde est une pluralité politique. En effet, une unité politique définit un ennemi qui constitue alors lui aussi une unité politique. Il n’existe pas d’État universel. Le jour où il n’y aurait plus d’ennemis sur terre, il n’y aurait plus non plus de politique et d’État. Sans État, il ne reste plus que l’économie et la technique. L’auteur précise :

« Le concept d’humanité est un instrument idéologique particulièrement utile aux expansions impérialistes, il est un véhicule spécifique de l’impérialisme économique. On peut appliquer à ce cas, avec la modification qui s’impose, un mot de Proudhon : " Qui dit humanité veut tromper ". »

Un ennemi de cette humanité n’est donc plus humain. Il devient alors possible de l’exterminer totalement. La notion d’humanité est apparue au XIXe siècle pour contrer l’ordre ancien et lui substituer des concepts individualistes, comme le droit naturel, applicables à tout le genre humain. La Société des Nations de 1919 n’est ni universelle, ni internationale. L’adjectif international, se définissant comme la négation des barrières étatiques, est à distinguer de l’adjectif interétatique qui suppose des relations entre États sans nier leur délimitation. La Troisième Internationale a une connotation internationale. La Société des Nations serait plutôt une alliance de nations contre d’autres.

Le libéralisme se fonde sur une vision anthropologique optimiste de l’homme : l’homme est bon et sa raison produit la société qui est à opposer à l’État. Pour Schmitt, les vrais penseurs politiques comme Taine, Machiavel, Fichte, Hegel, De Maistre ou Donoso Cortes adoptent une position inverse. Les hommes sont par nature mauvais, l’État les transcende. Hegel définissait le bourgeois comme « cet homme qui refuse de quitter sa sphère privée non-politique, protégé du risque, et qui, établi dans la propriété et dans la justice qui régit la propriété privée, se comporte en individu face au tout, qui trouve une compensation à sa nullité politique dans les fruits de la paix et du négoce, qui la trouve surtout dans la sécurité totale de cette jouissance, qui prétend par conséquent demeuré dispensé de courage et exempt du danger de mort violente ». Dans un monde où les hommes sont bons, il n’est plus besoin de prêtres pour guérir du péché, ni de politiciens pour combattre l’ennemi. La société libérale s’en remet au Droit comme norme supérieure ce qui est illusoire car le Droit n’est que le produit de ceux qui l’établissent et l’appliquent.

L’essence du libéralisme est antipolitique. Il existe une critique libérale de la politique mais pas de vision libérale de la politique. Le libéralisme suppose un abaissement du rôle de l’État le limitant à concilier les libertés individuelles. Il substitue à l’État et à la politique la morale et l’économie, l’esprit et les affaires, la culture et la richesse. Cette idéologie commence et s’arrête à l’individu. Rien ne peut contraindre un individu à se battre pour le groupe ou pour l’État. Dans l’optique libérale, l’État n’a pour unique but que de permettre l’accomplissement de la liberté humaine mais certainement pas de la contraindre. La lutte politique devient une concurrence économique (les affaires) et une joute verbale (l’esprit). La fixité de la paix et de la guerre est remplacée par l’éternel concurrence des capitaux et des égos. L’État devient la Société vue comme le reflet de l’Humanité. La société correspond à une unité technique et économique d’un système uniforme de production et de communication.

Les libéraux se sont indéniablement trompés. Le monde n’est pas rationalisable, réductible à une formule mathématique et le commerce n’a pas permis la paix. La science et la technique n’ont pas remplacé la violence et le rapport de forces. Hegel avait placé l’État au-dessus de la société. C’est désormais la société qui domine l’État. L’économique et la technique ont pris l’ascendant sur toutes les autres sphères mais rien ne pourra jamais définitivement annihiler le politique.

Carl Schmitt conclut son ouvrage sur le constat suivant :

« Nous sommes à même de percer aujourd’hui le brouillard des noms et des mots qui alimentent la machinerie psychotechnique servant à suggestionner les masses. Nous connaissons jusqu’à la loi secrète de ce vocabulaire et nous savons qu’aujourd’hui c’est toujours au nom de la paix qu’est menée la guerre la plus effroyable, que l’oppression la plus terrible s’exerce au nom de la liberté et l’inhumanité la plus atroce au nom de l’humanité […] Nous reconnaissons le pluralisme de la vie de l’esprit et nous savons que le secteur dominant de notre existence spirituelle ne peut pas être unDOMAINE neutre […] Celui qui ne se connaît d’autre ennemi que la mort […] est plus proche de la mort que de la vie […] Car la vie n’affronte pas la mort, ni l’esprit le néant de l’esprit. L’esprit lutte contre l’esprit et la vie contre la vie, et c’est de la vertu d’un savoir intègre que naît l’ordre des choses humaines. »

A travers cet ouvrage court, exigeant et précis, Carl Schmitt, dans son style habituel, très éloigné de la prose juridique, donne des clés de lecture intéressantes du monde moderne. Sa vision de la politique est utile pour comprendre à quel point notre monde est dépolitisé. De nos jours, les cartes sont brouillées par les dirigeants politiques. L’indistinction généralisée règne. On ne distingue plus l’ami de l’ennemi, le citoyen du migrant, l’homme de la femme, l’homme de l’animal, le catholique du musulman ou du juif ou encore le bien du mal. Face ce délitement de l’État et de la société, lire Carl Schmitt permet de mieux comprendre les dessous conceptuels de l’effondrement du monde contemporain.

Karl Peyrade.
 

[1Math. 5, 44

[2De la guerre (1955)

lundi, 30 mai 2016

El principio solidarista de José Antonio Primo de Rivera y de Leon Duguit

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El principio solidarista de José Antonio Primo de Rivera y de Leon Duguit

Por José Ignacio Moreno Gómez
Ex: http://linkis.com/falange-autentica.es

No se ha destacado suficientemente la enorme influencia de la nueva Sociología del Derecho, especialmente la del Sindicalismo solidarista de Durkheim y, sobre todo, de Léon Duguit, en la formación del pensamiento del fundador de la Falange. Salvando la pretensión antimetafísica del pensador francés, que pone en riesgo de ser malinterpretada su negación de los derechos subjetivos, y en contraste con la fundamentación teológica que el líder falangista hace de la libertad y la dignidad de la persona humana, el paralelismo entre las propuestas de uno y otro son evidentes, tal y como pretendo exponer a continuación.

dandy.jpgDerecho y Política

Hay que insistir, para entender en profundidad a José Antonio Primo de Rivera y a su pensamiento, que la  vocación primigenia del jefe falangista no fue la política, sino el Derecho. Es por medio del estudio de juristas y filósofos, que inicia en su etapa de estudiante y continúa posteriormente, como llega el fundador de la Falange a construir el andamiaje de estructura firme y constante desde el que realizará su construcción política. José Antonio estudia las reflexiones de juristas como Stammler, Ihering, Kelsen, Jellinek, Hauriou, Durkheim o Duguit acerca de la regulación de los derechos reales como  objeto de la ciencia jurídica, y se plantea, siguiendo a filósofos y teólogos como S. Agustín, Santo Tomás, Platón, Kant, Hegel o el positivista Comte, si existe alguna relación de éstos derechos con aquellos otros principios meta-jurídicos que encarnan un ideal de Justicia y que, por ello, no son  objeto del Derecho, sino de la Política. José Antonio se aparta del positivismo cuando nos advierte en su conferencia sobre Derecho y Política, pronunciada en la inauguración de curso del Sindicato Español Universitario de 1935, que todo jurista tiene la necesidad de ser político, pues no es honesto, nos dice, incitar al fraude diciendo profesar, como único criterio organizador de la sociedad, la juridicidad. Pero, al mismo tiempo, una vez abrazado un ideal (político) de Justicia, habrá que cuidar de procurarse una “técnica limpia y exacta, pues en el Derecho toda construcción confusa lleva agazapada una injusticia”. Se puede afirmar que la aproximación a la política del falangista fue, ante todo, una exigencia de enfoque jurídico. José Antonio admitió, siguiendo a Stammler, que los fenómenos jurídicos se habían de referir a la ordenación de ciertos medios para conseguir unos fines pretendidos – la vieja ordinatio rationis de Santo Tomás, añadiendo la distinción kantiana entre contenido y forma– y defendió, meta-jurídicamente, la capacidad de los hechos revolucionarios para producir una legitimidad jurídica de origen; principio que aplicaría a la defensa de la Dictadura de su padre, así como a la aceptación del hecho revolucionario del 14 de Abril como legitimador de la II República española, que nació rompiendo el ordenamiento constitucional anterior.

dug8132406.jpg¿Fascismo o solidarismo?

Cuando, más tarde, José Antonio publica en El Fascio su artículo “Orientaciones hacia un nuevo Estado”, no nos habla un seguidor de aquellos que, desde coordenadas hegelianas, propugnaban un Estado totalitario de soberanía plena. Su planteamiento tiene un enfoque, jurídico y político, que en nada recuerda a la posición mussoliniana que identificaba al pueblo con el cuerpo del Estado y al Estado con el espíritu del pueblo, y que reservaba todo el poder, sin divisiones ni restricciones, para el Estado – actitud próxima, por paradójico que pueda parecer, a la de los defensores del mito de la soberanía popular–. La crítica de Primo de Rivera a esta idea de soberanía, que luego repetirá en el mitin de La Comedia y  en numerosos escritos posteriores, es la misma que expone Léon Duguit en sus lecciones acerca de Soberanía y Libertad. En José Antonio no existe esa sumisión de la razón a la voluntad tan característica del fascismo y de los adictos a la soberanía nacional. El discurso de José Antonio no es fascista. ¿Es solidarista?

La soberanía y el principio de solidaridad

El principio sobre el que habrán de vertebrarse los sistemas jurídicos de los Estados futuros, según la nueva sociología francesa del Derecho, habrá de ser un principio de solidaridad. Duguit proclamaba que estaba en camino de alumbrarse una nueva sociedad basada en el rechazo del derecho subjetivo como noción básica del sistema político. Sería el derecho objetivo la regla fundamental de la sociedad nueva. Para Duguit el fundamento de la norma permanente del Estado se encontraba en el concepto solidario de libertad y en la división del trabajo; es decir, en las distintas funciones a realizar en una sociedad unida por lazos de solidaridad y cooperación. La libertad es concebida como un deber, no como una especie de soberanía individual, sino, más bien, como una función. Para Duguit, la doctrina de la soberanía es, en la teoría y en la práctica, una doctrina absolutista. Rousseau sacralizaba el sofisma de la dictadura de la mayoría, de un sufragio universal que imponía tiranías en nombre de la democracia parlamentaria.  El sistema jurídico-político al que Duguit aspiraba no podía fundarse sobre el concepto de soberanía, sino sobre la dependencia recíproca que une a los individuos; es decir sobre la solidaridad y la interdependencia.

Libertad y servicio

La autonomía individual  es un servicio; la actividad de los gobernantes es el servicio público, afirma Duguit. José Antonio, en la conferencia que pronuncia en 1935 sobre Estado, individuo y libertad, avisa que si el Estado se encastilla en su soberanía y el individuo en la suya, el pleito no tiene solución. La única salida, justa y fecunda, para el líder falangista, es que no se plantee el problema de la relación entre el individuo y el Estado como una competencia de poderes y derechos, sino como un cumplimiento de fines y de destinos:”Aceptada esta definición del ser-portador de una misión…florece la noble, grande y robusta concepción del servicio…Se alcanza la personalidad, la unidad y la libertad propias sirviendo en la armonía total. Primo de Rivera está formulando los mismos principios solidaristas de Léon Dugit enlazándolos con la doctrina de Santo Tomás y de la escuela de Salamanca.

El Estado descentralizado sindicalista

En el terreno político, el Estado no justifica su conducta, como no la justifica un individuo, ni una clase, sino en tanto no se amolda en cada instante a una norma permanente, explica el falangista a quienes lo acusan de divinizar al Estado. Así es como el hombre puede fundar todo el sistema político-social sobre el postulado de una regla de conducta que se impone a todos. Existe una “ley orgánica de la sociedad”, objetiva y positiva, por encima de la voluntad de los individuos y de la colectividad, nos dice Duguit. Sobre esta regla se realiza la transformación del Estado, a través de una organización social que debe basarse en la descentralización o federalismo sindical. El sindicato se convierte, pues, en la corporación elemental de la estructura jurídica ideada por el jurista francés, y pasa de ser un “movimiento clasista” a desempeñar funciones concretas capaces de limitar la acción del gobierno central.

Léon Duguit en La représentation sindicale au Parlement (1911) concretó, finalmente, esta idea de un nuevo régimen político erigido sobre la representación funcional del sindicalismo que, tras la Revolución rusa, se convertía en el único medio de asegurar las libertades propias de la civilización occidental (Souveraineté et liberté, 1922). José Antonio es ya un sindicalista, en este mismo sentido, antes de conocer a Ledesma, y es ésta la idea de sindicalismo que permanece  en su pensamiento, también tras haberse fusionado con el grupo de las JONS, aunque profundice más en ella y la radicalice tras leer a Sorel.

autour-de-leon-duguit-9782802729891.jpgEconomía solidaria

Algo similar a la transmutación solidarista del contrato social, ocurre con la propiedad privada. En el terreno de la economía, Duguit rechazaba tanto la lucha de clases como el derecho absoluto a la propiedad: nadie tiene “derechos subjetivos” para imponer su voluntad de manera absoluta. La propiedad es el producto del trabajo y nadie tiene derecho a dejarla improductiva. La propiedad sobre el capital no es un derecho, sino una función, dirá el francés, para el que la propiedad privada adquiere una función social al transmutarse de propiedad-derecho a propiedad-función. Para José Antonio, la propiedad es un atributo humano distinto al capital, que es un mero instrumento.

El Estado de Bienestar

Bajo la inspiración del principio solidarista, se pasa de una concepción negativa del orden público, como la que se tenía en el Estado liberal-individualista, a la necesidad de ajustar la idea del contrato social al postulado del bien común (ad bonum commune), y a entender que las libertades individuales vienen limitadas por el principio solidario de la función social. Cuando Duguit anuncia la superación del Estado liberal, que desaparecería aquel día en que la evolución social llevase a los gobernados a pedir a sus gobernantes algo más que los servicios de defensa,  policía y administración de justicia, está sentando los fundamentos del Estado del Bienestar, que vendría tras la II Guerra Mundial y que hoy encontramos casi en trance de desaparecer. José Antonio va más allá, pues la finalidad del Estado que él defiende no se limita a procurar un bienestar puramente materialista, sino que tiene como objetivo supremo asegurar unas condiciones que permitan a los pueblos volver a la supremacía de lo espiritual.

Hacia un nuevo Estado

Duguit fue acusado de antiestatismo y de anarquizante. Desde el realismo político, Carl Schmitt lo situó entre los precursores del “pluralismo disgregador”. José Antonio, defendiendo ideas parecidas, ha sido calificado de fascista, de totalitario y de defensor del panestatismo.

Pero asistimos hoy a la crisis de los Estados nacionales y de las organizaciones internacionales, cada vez con menor margen de maniobra para garantizar el bienestar de los ciudadanos; presenciamos el auge de un neoliberalismo (sobre todo en Economía), que extiende su oscura sombra de desconfianza hacia la capacidad del Estado para ordenar la sociedad, y que pretende recortar cada vez más las funciones de éste; intentan inculcarnos una renovada fe en la quimérica y fracasada mano invisible de Adam Smith, que  se nos vuelve a proponer como mágica panacea para alcanzar el bien de todos mediante el equilibrio mecánico de egoísmos contrapuestos; comprobamos el poder enorme de los grandes trust multinacionales y transnacionales, y de los grupos de presión, con una libertad de acción cada vez menos limitada en los mercados globalizados.

La ausencia de un armazón verdaderamente fraterno y humano en la vertebración de las sociedades nos invitan también a considerar que el principio solidarista de Duguit y, sobre todo, el de José Antonio Primo de Rivera necesitan, con prontitud, ser  repensados y vueltos a calibrar, para que esa solidaridad orgánica que ellos consideraban como la regla fundamental, sea emplazada como piedra angular en un nuevo concepto de Estado y como pilar de una nueva sociedad.

José Ignacio Moreno Gómez.

vendredi, 26 décembre 2014

Le meilleur régime: une querelle millénaire

 

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Le meilleur régime: une querelle millénaire

Proposer ou imposer un chef à sa Nation ne se fait jamais sans conséquences. Mais alors, quel système politique doit-on mettre en œuvre pour assurer la pérennité de ce (nouveau) Régime ? Et quel est le plus préférable ?

Dans son « Enquête » au sein du livre 3, Hérodote rapporte un dialogue entre trois « mages » au lendemain de la mort du roi de Perse, Smerdis, pour trouver quel serait le meilleur régime afin de gouverner le territoire. En réalité, ces « mages » ou encore appelés « servants » selon les textes, représentent les trois principaux régimes politiques.

  • Otanes, faisant l’apogée de la démocratie, commence par attaquer la monarchie par ces mots : « Je crois que l’on ne doit plus désormais confier l’administration de l’État à un seul homme, le gouvernement monarchique n’étant ni agréable ni bon ». En réalité, Otanes s’insurge sur le fait que ce « monarque » n’agirait qu’à sa guise, selon l’impulsion donnée par son caractère capricieux, tout lui étant alors permis. Otanes préconise un gouvernement choisi par le peuple ce qui régirait le « principe d’isonomie ». Ce principe consiste en une soumission à une même loi pour tous. L’isonomie est concrétisée sur l’égalité des droits civiques avec l’idée de partage effectif du pouvoir.
  • Mégabyse, favorable au système aristocratique, témoigne de son accord avec Otanes sur les dérives de la monarchie, régime tyrannique selon lui. Mais la démocratie ne vaut pas mieux en y regardant de plus près ! Mégabyse dira même que le système démocratique est bien pire que son opposant monarchique pour la simple et bonne raison que le tyran monarque sait ce qu’il fait, alors que la masse populaire ne le sait pas ! Pour lui, seul un gouvernement composé des hommes de savoir et d’éducation, peut se maintenir ! « Pour nous, faisons le choix des hommes les plus vertueux ; mettons-leur la puissance entre les mains : nous serons nous-même de ce nombre ; et, suivant toutes les apparences, des hommes sages et éclairés et ne donneront que d’excellents conseils ».
  • Darius quant à lui se positionne pour la monarchie. Prenant la parole en dernier, et ayant soigneusement écouté ses comparses, il critique immédiatement Otanes et Mégabyse : Pour lui, le meilleur gouvernement ne peut être autre que celui du meilleur homme seul ! « Il est constant qu’il n’y a rien de meilleur que le gouvernement d’un seul homme, quand il est homme de bien ». L’oligarchie n’est pour lui que l’étape précédent la monarchie, d’où sa faiblesse : « Chacun veut primer, chacun veut que son opinion prévale » de sorte que les nobles se battraient pour gouverner. Cette situation ne déboucherait que sur le recours à un roi pour rétablir l’ordre social. Mais la démocratie ne vaut pas mieux selon le « mage » ! « Quand le peuple commande, il est impossible qu’il ne s’introduise beaucoup de désordre dans un État ». Cela ne conduirait qu’à une tyrannie – justement – pour rétablir brutalement l’ordre. Pour Darius, la monarchie apparait comme seul régime valable, ou du moins comme le moins mauvais.

Cette introduction nous permet d’enchaîner sur l’étude desdits systèmes politiques, non pas pour vanter les mérites de l’un sur les autres, mais pour en comprendre leurs fondements, leurs principes et leurs idéaux.

La démocratie

aristotelessdgh.jpgL’une des meilleurs définitions a été donné par Aristote : « La liberté – ou démocratie – consiste dans le fait d’être tour à tour gouverné et gouvernant… »
La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Idéalement, la démocratie instaure une identité entre les gouvernants et les gouvernés. Les conditions nécessaires sont les suivantes :

  • L’égalité : C’est l’idée que tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de religion, sont égaux en droit. Les mêmes règles doivent s’appliquer aux citoyens qui sont placés dans une situation identique.
  • La légalité : C’est l’idée d’une obéissance aux règles de droit. Les rapports entre les citoyens doivent être régis par des règles de droit qui, adoptées par tous, s’appliquent à tous.
  • La liberté : C’est l’idée de la liberté de participation aux affaires publiques. Tous les citoyens sont libres de participer au gouvernement soit par la désignation des gouvernants – élection – soit par la prise directe de décision – référendum. C’est également l’idée d’une liberté d’opinion, ce qui induit le respect de plusieurs courants politiques.

Outre Otanès que nous avons évoqué en introduction, Périclès fait également l’éloge de la démocratie où l’égalité serait son fondement. Dans ce régime il ne doit y avoir aucune différence entre les citoyens ni dans leur vie publique ni dans leur vie privée. Aucune considération ne doit s’attacher à la naissance ou à la richesse, mais uniquement au mérite !

La démocratie est un régime de générosité et de fraternité, reposant sur la philanthropie (du grec ancien φίλος / phílos « amoureux » et ἄνθρωπος / ánthrôpos « homme », « genre humain ») est la philosophie ou doctrine de vie qui met l’humanité au premier plan de ses priorités. Un philanthrope cherche à améliorer le sort de ses semblables par de multiples moyens.

Cependant et après étude de ces éléments, nous sommes en droit de nous poser la question suivante : l’élection démocratique d’un dirigeant le force t-il nécessairement à être philanthrope ? À moins que la réponse ne soit déjà dans la question…

L’Oligarchie

L’oligarchie est le gouvernement d’un petit nombre de personnes, le pouvoir étant détenu par une minorité. L’oligarchie est également une catégorie générique qui recouvre plusieurs formes de gouvernement.

La forme oligarchique la plus répandue est l’aristocratie. C’est un gouvernement réservé à une classe sociale censée regrouper les meilleurs. L’aristocratie repose ainsi sur une conception élitiste du pouvoir.

Outre les institutions de la république romaine, rappelons que le système politique spartiate était bel et bien orienté vers l’oligarchie notamment avec la gérousie.
La gérousie est une assemblée composée de 28 hommes élus à vie et âgés de plus de 60 ans. Ces derniers sont choisis en fonction de leur vertu militaire mais force est de constater qu’ils appartiennent pour la plupart aux grandes familles de Sparte.

Il est intéressant de noter que dans cet exemple que seuls les membres de cette assemblée possèdent l’initiative des lois. Dans un système oligarchique on ne laisse que peu de place à l’aléatoire puisque seuls les « meilleurs » accèdent aux fonctions législatives, encore faut-il convenablement définir ce que sont « les meilleurs » dans un régime politique.

La monarchie

La monarchie est la forme de gouvernement dans laquelle le pouvoir est exercé par un seul homme (roi, empereur, dictateur).
La monarchie absolue est un courant de la monarchie qui, elle-même est un courant de la monocratie. La monarchie absolue donc, est le gouvernement d’un seul homme fondée sur l’hérédité et détenant en sa personne tous les pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire). La souveraineté du monarque est très souvent de droit divin.

Outre Darius, Isocrate défend cette idée de monarchie comme forme d’organisation du pouvoir. Il pense trouver le chef dans Philippe de Macédoine (père d’Alexandre le Grand), car il y voit le règne de l’efficacité et l’avènement de la modernité.

xenophon05.jpgXénophon a réellement été l’initiateur du régime monarchique. « Ce qui fait les rois ou les chefs (…) c’est la science du commandement ». Le roi est comparable au pilote qui guide le navire. Xénophon décrit un homme qui détient une supériorité sur tous les autres, car il « sait ». On ne naît pas roi, on ne l’est pas non plus par le fait, ni encore par l’élection : on le devient ! La monarchie est un art qui, comme tous les autres arts, suppose un apprentissage, la connaissance des lois et des maîtres pour les enseigner.

L’éducation fait acquérir au roi un ensemble de talents et de qualités qui le rendront véritablement apte à exercer ses fonctions. Il ne doit pas imposer son pouvoir par la force, sinon il ne serait qu’un tyran, ce que Xénophon réprouve. Le roi devra être capable de susciter le consentement du peuple en se fondant sur la justice et la raison. Le chef est donc au service de ceux qu’il commande. « Un bon chef ne diffère en rien d’un bon père de famille ». Héritage grec oblige, Xénophon n’oublie pas de mentionner que le roi ne fera régner la justice qu’en respectant la primauté de la loi.

***

À l’étude de ces différents régimes proposant une gouvernance différente du territoire, sommes-nous en capacité de répondre à l’intitulé de cet article à savoir « Quel est le meilleur Régime politique ? » Chacun se fera son avis, chacun se fera son opinion ! Tout réside naturellement dans la capacité du « chef » à gouverner, mais aussi et surtout dans sa conception du pouvoir.

Napoléon Bonaparte a été très certainement l’un des empereurs les plus prestigieux de l’Histoire. Cependant était-il d’avantage un démocrate qu’un monarque ? Ou a-t-il réussi à faire ressortir une nouvelle façon d’exercer le pouvoir ? Pour approfondir le sujet, je vous invite à lire les articles de Christopher Lings et David Saforcada aux adresses suivantes :

Christopher Destailleurs

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jeudi, 17 avril 2014

La Révolution conservatrice allemande...

La Révolution conservatrice allemande...

Les éditions du Lore ont publié début avril un recueil de Robert Steuckers intitulé La Révolution conservatrice allemande - Biographie de ses principaux acteurs et textes choisis. Figure de ce qu'il est convenu d'appeler la Nouvelle Droite, Robert Steuckers a, à côté de ses activités de traducteur, animé plusieurs revues de qualité comme Orientations et Vouloir , et est un de ceux qui, avec Louis Dupeux, Giorgio Locchi, Thierry Mudry et Edouard Rix, a le plus contribué à faire connaître dans l'aire francophone cette galaxie d'auteurs, de groupes et de revues, actifs dans l'Allemagne de Weimar, qu'Armin Mohler a englobé sous l'appellation de Révolution conservatrice. Un ouvrage indispensable, et depuis longtemps attendu ! ...

L'ouvrage est disponible sur le site des éditions du Lore : Editions du Lore

 

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" Si la vulgate considère la Révolution conservatrice allemande comme un « laboratoire d’idées », il n’en demeure pas moins que cette dernière représente une extraordinaire aventure métapolitique qui inspire encore beaucoup d’idéologues, de philosophes et d’artistes aujourd’hui à travers le monde.

L’une de ses grandes figures, Arthur Moeller van den Bruck, proposa en son temps de penser un système politique qui succéderait au IIe Reich bismarko-wilhelminien au-delà des clivages gauche/droite, où les oppositions entre socialisme et nationalisme seraient sublimées en une synthèse nouvelle.

Dans ce recueil de grande densité, Robert Steuckers (ex-G.RE.C.E, Vouloir, Synergies Européennes) a regroupé la majorité de ses textes sur le sujet. Le lecteur y découvrira notamment les conférences pointues données par l’auteur entre 1994 et 2013 ainsi que diverses notices biographiques d’acteurs, illustres et moins connus, de la Révolution conservatrice allemande. "

 

dimanche, 23 mars 2014

Völkerrechtliche Großraumordnung statt multikriminelle Gesellschaft

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Völkerrechtliche Großraumordnung statt multikriminelle Gesellschaft

Eine Kolumne von Jürgen Schwab aus dem Jahr 2005

Ex: http://sachedesvolkes.wordpress.com

Wenn die Vorstadtproleten einmal augestickt sind, kann nur noch die Staatsmacht helfen. Das zeigt sich jetzt in Paris und anderen Städten Frankreichs. Das Problem ist nur, daß der in Europa seit 1945 herrschende Liberalismus überhaupt keine “Staatsmacht” kennt. Deshalb sollten Nationalisten grundsätzlich zwischen “Nationalstaat” und “System” zu unterscheiden wissen.

In den Vororten von Paris sind die randalierenden Proleten zumeist afrikanischen Herkunft und der liberale Nachtwächterstaat läßt witzigerweise seine Polizei mit Gummigeschossen auf die Brandstifter schießen. Dies kommt einer Aufforderung gleich, einfach die nächsten Nächte weiter zu randalieren. Ganz anders in den spanischen Enklaven an der marokkanischen Küste, wo an die Grenztruppen bereits scharfe Munition ausgegeben wurde – mit dem durchschlagenden Erfolg. Zumindest vorerst. Die Einwanderer aus Afrika, die aus dem Maghreb (arabisch “Westen”, also Tunesien, Algerien und Marokko) oder gleich unterhalb der Sahara herstammen, wo die Hauptfarbe finster wie Nacht ist, proben den Aufstand. “Souverän ist, wer über den Ausnahmezustand entscheidet”, schrieb einmal der Staatsphilosoph Carl Schmitt. Nach der Logik Schmitts ist nur ein Staat souverän, der fähig und willens ist, seinen äußeren und inneren Feind (Krieg, Bürgerkrieg) zu töten. Allerdings mit Gummigeschossen und Gummiknüppeln und dem Versprechen, demnächst die Gießkanne des Sozialstaats über die Multikulturellen der Vororte regnen zu lassen, ist Souveränität im Sinne eines französischen Staats freilich dauerhaft nicht herzustellen. Unterdessen nutzen türkische Verbände in Berlin die Gunst der Stunde, um auch die soziale Gießkanne vom BRD-”Staat” einzufordern. Das soll wohl heißen, wenn die soziale Gießkanne nichts mehr hergibt, dann gibt’s Randale .

voelkerrechtliche-grossraumordnung-mit-072301885.jpgDie französische Regierung möchte nun jungen Afrikanern erlauben, die Schule bereits mit 14 anstatt mit 16 Jahren verlassen zu dürfen, da viele Afrikaner auf französisches Schulwesen ohnehin keinen Bock haben. Auf dem Arbeitsmarkt sollen sie sich dann bereits mit 14 unter die vielen anderen Arbeitslosen tummeln. Daß Arbeitsplätze – gerade im Zeitalter der Automatisierung – beliebig zu vermehren seien, gehört zum Lügengebäude des Liberalismus. Sozial ist deshalb nicht nur, was Arbeitsplätze schafft, sondern was raumfremde Arbeitskräfte – gesetzlich und friedlich – des Landes verweist. Die Lösung kann natürlich nur lauten: Die derzeit ausufernde Entwicklungshilfe ist an die Heimreise junger Afrikaner mit samt ihren Familien zu knüpfen. Schulen und Arbeitsplätze sind für Algerier in Algerien zu schaffen, da macht das Lernen – mit arabischer Unterrichtssprache! – erst richtig Spaß.

Als ich vor ziemlich genau drei Jahren in Nordfrankreich unterwegs gewesen war, hatte ich mit den Afrikanern – auf rein privater Ebene – überhaupt keine Probleme. Niemand von denen versuchte mein Auto anzuzünden. Ganz im Gegenteil: Ein junger Maghrebiner wies mir bei anbrechender Dunkelheit den Weg in Cambrai, wo mich ein Kamerad erwartete. Ein paar Tage später beendete eine Schwarzafrikanerin meine Irrfahrt mit dem Auto durch eine Stadt südöstlich von Paris, indem sie mir zusätzliche Infos zu meinem zu ungenauen Kartenausschnitt gab. Hätten die beiden Afrikaner gewußt, daß ich französische “Rassisten” besuchen möchte, hätten sie mir vielleicht den Weg nicht gewiesen .

Der Kamerad südöstlich von Paris warnte mich schon vor meiner Abreise, daß ich mich auf dem Weg zu ihm “in Afrika” befinden würde. Als ich zur Hauptverkehrszeit am Spätnachmittag mitten durch Paris fuhr, hatte ich im Stau Zeit, mir die Bushaltestellen anzusehen. Mein Kamerad hatte recht: Von etwa 20 Personen, die da jeweils standen, waren ungefähr 8 Franzosen und 12 Afrikaner, von den letzten die eine Hälfte braun, die andere Hälfte schwarz.

Die bürgerlichen Kräfte, nicht nur in Frankreich, sondern auch in Deutschland, vor allem in Bayern, schüren insbesondere seit dem 11. September 2001 die Hysterie gegen den Islam – so als ob es “den Islam” gäbe und nicht vielmehr Völker, die dem islamischen Kulturkreis angehören und sich oftmals so spinnefeind untereinander sind wie Spanier und Basken und Südtiroler und Italiener. Die Nationalisten in Frankreich und Deutschland sollten diesen proamerikanischen Verlockungen der Innenminister Nicolas Sarkozy und Günther Beckstein sehr kritisch gegenüberstehen. Der Islam widerspricht natürlich den Kulturen europäischer Völker (Ausnahmen in Bosnien und Albanien bestätigen die Regel), weshalb Missionierungen dieser Religion in unseren Breiten strikt zu unterbinden sind. Am besten kann dies nur durch ein Gesetz zur Ausländerrückführung funktionieren. Die Propagandafloskel des Herrn Beckstein vom “Euro-Islam” im Rahmen von Parallelgesellschaften ist als Irreführung des Stimmviehs zu erkennen.

Der Morgen danach – Pariser Geschäft nach Randale

Die Nationalisten sollten bei allen Interessensgegensätzen Araber, Türken und andere Ausländer mit Würde und Respekt behandeln – soweit dies die Verhältnisse zulassen und man nicht selbst angegriffen wird. Viel wichtig ist es, auf die Ursachen der Überfremdung hinzuweisen, die da wären:

1. Die Landung alliierter Truppen 1944 in der Normandie, in deren Marschgepäck die multikulturelle Gesellschaft für das gesamte Westeuropa mit dabei gewesen war;

2. Das Interesse des internationalen Kapitals, das durch die Anwerbung raumfremder Lohndrücker eine Aufblähung der Reservearmee an Arbeitslosen betreibt, wodurch sich die kapitalistische Ausbeutung heimischer und fremder Arbeitskräfte besser gestalten läßt;

3. Zudem ist darauf hinzuweisen, daß sich die europäischen Vasallen des US-Imperialismus in muslimischen Ländern als Steigbügelhalter der Unterdrückung betätigen. Dies allein wäre der Grund für Araber in Paris und für Türken in Berlin auf die Barrikaden zu gehen.

Nationalisten sollten gerade heute Carl Schmitts bereits 1941 erhobenes Konzept von der “Völkerrechtlichen Großraumordnung – mit Interventionsverbot für raumfremde Mächte” verfechten. Das heißt: Deutsche sollen in Deutschland arbeiten, Franzosen in Frankreich, Türken in der Türkei und Algerier in Algerien; die Bundeswehr ist wehrhaft in Mitteleuropa zu machen und läßt die Amerikaner in Afghanistan alleine Imperialist spielen. Dafür werden dann die Zinksärge von Afghanistan ausschließlich in die USA verschickt und nicht nach Deutschland.

Hingegen steht die Menschenrechtspolitik des Herrn Beckstein für “Euro-Islam” in Deutschland und US-Imperialismus aus deutscher Hand in Afghanistan. Und während die große Koalition aus Union und SPD sicherlich bald Gewehr bei Fuß stehen wird, wenn George W. Bush demnächst den Iran überfallen wird, werden deutsche Nationalisten nicht protestieren, wenn sich der Iran atomar bewaffnen möchte und der neue starke Mann in Teheran, Mahmoud Ahmadinejad, das zionistische Schlangennest im Orient von der Landkarte streichen möchte.

Jürgen Schwab

samedi, 02 février 2013

Imaginer une société libérale...

Imaginer une société libérale...

dereglementation-liberalisme-300x283.jpg« On pourrait ainsi, dans l’absolu, imaginer une société libérale dont l’économie serait entièrement tournée vers l’exportation et dont la consommation intérieure serait donc réduite au minimum (sauf, bien sûr, pour la bourgeoisie exportatrice et les catégories sociales qui lui seraient liées). Une coexistence relativement pacifique entre cette forme d’économie de marché et un pouvoir fondamentalement autoritaire (voire « conservateur ») serait alors théoriquement possible (notons que c’est d’ailleurs encore partiellement le cas en Chine « communiste », puisque la consommation privée n’y représente que 37% du PIB contre -par exemple- 71% aux Etats-Unis). En revanche, sitôt que la consommation intérieure ostentatoire (c’est-à-dire le développement d’un mode de vie capitaliste fondé sur la mode, le spectacle et la movida) commence à dépasser un certain pourcentage du PIB, il est inévitable -à plus ou moins long terme- que les « mœurs » évoluent dans un sens individualiste, narcissique et libéral (autrement dit, « de gauche », au sens contemporain du terme) et que le contrôle strictement totalitaire de la population devienne progressivement problématique, voire définitivement impossible. C’est alors que, dans l’intérêt même de l’élite au pouvoir, le vieux système du parti unique doit peu à peu céder sa place à une forme ou une autre de « régime représentatif », adoubé par la « communauté internationale » et désormais fondé -comme tous ses semblables- sur le principe de l’alternance unique (autrement dit, du « combat » savamment mis en scène par les médias officiels -sur le modèle « TF1 contre Canal Plus »- entre une gauche « citoyenne » et moderniste, chargée de reprendre systématiquement à son compte toutes les transformations morales et culturelles engendrées par la dynamique capitaliste, et une droite libérale qui doit, à l’inverse, feindre en permanence d’être conservatrice et de défendre les valeurs éthiques anticapitalistes auxquelles les classes populaires sont encore massivement attachées). Cette division du travail entre les deux faces opposées du ruban de Möbius libéral s’est toujours avérée incomparablement plus efficace que le vieux système du parti unique (et l’on comprend que la gauche et la droite libérales aient désormais un intérêt commun à présenter leur « antagonisme » électoral comme indépassable).

vendredi, 22 juin 2012

Au-delà du vote individuel

Au-delà du vote individuel

par Georges FELTIN-TRACOL

 

Modalites-de-vote--differents-types-de-majori.jpgParmi les nombreuses promesses électorales du socialiste François Hollande, il y a le droit de vote aux élections locales des étrangers extra-communautaires qui seraient victimes d’une soi-disant discrimination alors qu’ils paient leurs impôts (les braves gens !). Avant d’étendre ce droit politique majeur à des non-citoyens, il serait approprié de l’accorder aux nouvelles générations de racines européennes.

 

Avec La famille doit voter, Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti  retracent l’histoire d’un enjeu politique qui fit longtemps débat, mais qui pourrait resurgir : le vote plural familial. Le « vote plural » se pratique dans les systèmes censitaires pour désigner l’attribution à un même électeur de plusieurs suffrages. Il se distingue du vote familial qui revendique une autre forme de représentativité.

 

L’ouvrage retrace en détail les débats sur le rôle politique des familles sous la IIIe République, l’État français et aux débuts de la IVe République. Ce thème, méconnu et intéressant, méritait un meilleur traitement. Malheureusement, Le Naour et Valenti se montrent partiaux. S’inscrivant dans le conformisme intellectuel de la gauche bien-pensante, ils étudient leur sujet avec un parti-pris défavorable. Pour eux, le suffrage familial est une tentative inacceptable de remise en cause du suffrage universel d’essence égalitaire. Un mineur pouvant, dès sa naissance, hériter ou posséder un bien sous la tutelle de ses représentants légaux, pourquoi ne pourrait-il pas être électeur par délégation ?

 

Certes, les partisans du vote familial qui se recrutent dans la droite conservatrice invoquent l’ordre supposé des pères de famille. Mais ils ne sont pas les seuls à en réclamer l’instauration. La Belgique (État fasciste ?) l’applique de 1893 à 1919. En décembre 1923, 440 députés de la Chambre bleu-horizon (en chemises brunes ?) en votent le principe. En 1945 – 1946, d’anciens résistants démocrates-chrétiens défendent en vain l’idée d’une « République familiale » contre un Sénat à majorité radicale. Et, dans les années 1970, l’ancien Premier ministre gaulliste Michel Debré qui ne passe pas pour un nostalgique de l’alliance du Trône et de l’Autel, ne reprend-il pas le combat en faveur du vote familial ? Bien entendu, les auteurs ont beau jeu de noter que le Front national s’y est montré favorable, surtout pour des motifs démographiques (1). En 1988, Bruno Gollnisch, alors député du Rhône, observait dans une proposition de loi que « les familles de trois enfants et plus, qui représentent 11 % de la population, et qui assurent à elles seules 27 % du renouvellement des générations, ne représentent que 5,3 % du corps électoral (2) ».

 

Le vote familial eut cependant des alliés surprenants, comme les militantes du vote féminin ou les partisans de « l’approbation des morts ». À l’exception de quelques pétroleuses suffragettes extrémistes, les  organisations féministes ont souvent collaboré avec les partisans du vote familial, car elles y voyaient une avancée notable dans la réalisation de leur objectif final. Quant au vote des morts tombés pour la France proposé par Maurice Barrès dans sa chronique du 1er février 1916 (et reprise vers la fin de la Seconde Guerre mondiale par le communiste Jacques Duclos !), il fait resurgir les débats autour de la citoyenneté accordée aux femmes et du suffrage multiple, l’académicien suggérant que les épouses ou les pères des disparus en deviennent les mandataires.

 

De leur côté, les promoteurs du vote familial se divisent en natalistes et en familialistes. Pour le courant nataliste, « le dénombrement intégral des membres de la famille répond […] à une logique individualiste qui reconnaît à l’épouse et aux enfants le droit d’être représentés » alors que la tendance familialiste considère que la famille est la « cellule sociale fondamentale et repose sur la fonction supérieure du père de famille par rapport au célibataire ». Nourris par les travaux de Frédéric Le Play et de René de La Tour du Pin qui associent familialisme et corporatisme, les seconds accusent les premiers d’aménager et donc d’accepter la dérive individualiste. En revanche, les deux parties s’inquiètent de la dépopulation de la France. Soucieux de la faible natalité persistante après 1918, ils réclament une grande politique familiale nataliste et lorgnent, dans les années 1930, du côté des régimes autoritaires voisins, avec toutefois d’importantes nuances. « Si les natalistes admirent les politiques démographiques menées par les fascismes, les familialistes se méfient de l’omnipotence de l’État qui écrase l’autorité paternelle et finalement nuit aux familles. L’étatisme est pour eux un péril au moins aussi redoutable que l’individualisme », leur préférence allant pour le régime portugais de Salazar.

 

Soulagés par une décision du Conseil constitutionnel du 17 janvier 1979 qui proscrit tout vote plural, Le Naour et Valenti pensent que le vote familial se trouve désormais dans les « poubelles de l’histoire », car « la réforme du suffrage universel est maintenant complètement inintelligible aux Français. La famille ne votera pas », concluent-ils. Pourquoi cette assurance fate ? Ignorent-ils que l’histoire est toujours ouverte ? Longtemps, on a estimé que la famille était une structure vieillotte, ringarde, dépassée. Et à quoi assiste-t-on maintenant ? À une intense propagande en faveur du mariage homosexuel, de l’homoparentalité et de la famille homosexuée. Pour peu que les couples de même sexe obtiennent le droit à l’enfantement (la maternité étant l’ultime discrimination à bannir), des groupes activistes exigeront ensuite l’extension du suffrage à leur progéniture…

 

En dépit de la multiplication des familles monoparentales et des familles recomposées, l’enjeu du vote familial reste d’actualité. En 2004, des parlementaires conservateurs autrichiens demandèrent son introduction rapide. Et en 2005, ce sont trente députés allemands du Bundestag qui déposèrent une proposition de loi similaire. Dans une Europe touchée par l’« hiver des berceaux », la « Peste blanche » et le Papy Boom, la reconnaissance du vote familial s’interpréterait comme le signal fort d’une relance volontariste de la fécondité autochtone. Mais cette mesure politique de salut public doit impérativement s’accompagner d’une révision draconienne des naturalisations et de la réforme radicale du code de la nationalité. Le droit du sang remplacerait avantageusement le droit du sol sous peine d’obtenir le contraire de ce que l’on souhaite. L’application du vote familial suppose enfin une remise en cause des dogmes égalitaires et universalistes actuellement dominants, en clair, entreprendre une gigantesque révolution intellectuelle. « Mais après tout, écrivait Marc Dem, pourquoi la gauche aurait-elle le monopole de la révolution ? (3) » Loin d’être dépassé, le suffrage familial ou plural a de l’avenir et la grande supériorité d’être pré-moderne, anti-moderne et post-moderne.

 

Georges Feltin-Tracol

 

Notes

 

1 : Cette proposition qui figurait dans le programme présidentiel de Jean-Marie Le Pen de 1988 à 2007 semble avoir été abandonnée en 2012, car très incorrecte au regard des gras médias.

 

2 : Proposition de loi cité par Marc Dem, « Que deviendra la France quand il n’y aura plus de Français ? », Le Choc du Mois, n° 5, avril 1988, p. 26.

 

3 : Idem.

 

• Jean-Yves Le Naour (avec la collaboration de Catherine Valenti), La famille doit voter. Le suffrage familial contre le vote individuel, Hachette, coll. « Littératures », 2005, 266 p., 20,50 €.

 

• Article d’abord paru dans la revue Liberté politique, n° 31, octobre – novembre 2005 – 2006, et largement modifié pour la présente mise en ligne.

 


 

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samedi, 28 janvier 2012

Armin Mohler: discípulo de Sorel e teórico da vida concreta

Armin Mohler: discípulo de Sorel e teórico da vida concreta

amb715fd1078.jpgO “mito”, como a “representação de uma batalha”, surge espontaneamente e exerce um efeito mobilizador sobre as massas, incute-lhes uma “fé” e torna-as capazes de actos heróicos, funda uma nova ética: essas são as pedras angulares do pensamento de Georges Sorel (1847-1922). Este teórico político, pelos seus artigos e pelos seus livros, publicados antes da primeira guerra mundial, exerceu uma influência perturbante tanto sobre os socialistas como sobre os nacionalistas.

Contudo, o seu interesse pelo mito e a sua fé numa moral ascética foram sempre – e continuam a sê-lo apesar do tempo que passa – um embaraço para a esquerda, da qual ele se declarava. Podemos ainda observar esta reticência nas obras publicadas sobre Sorel no fim dos anos 60. Enquanto algumas correntes da nova esquerda assumiram expressamente Sorel e consideravam que a sua apologia da acção directa e as suas concepções anarquizantes, que reclamavam o surgimento de pequenas comunidades de “produtores livres”, eram antecipações das suas próprias visões, a maioria dos grupos de esquerda não via em Sorel mais que um louco que se afirmava influenciado por Marx inconscientemente e que trazia à esquerda, no seu conjunto, mais dissabores que vantagens. Jean-Paul Sartre contava-se assim, evidentemente, entre os adversários de Sorel, trazendo-lhes a caução da sua notoriedade e dando, ipso facto, peso aos seus argumentos.

Quando Armin Mohler, inteiramente fora dos debates que agitavam as esquerdas, afirmou o seu grande interesse pela obra de Sorel, não foi porque via nele o “profeta dos bombistas” (Ernst Wilhelm Eschmann) nem porque acreditava, como Sorel esperara no contexto da sua época, que o proletariado detivesse uma força de regeneração, nem porque estimava que esta visão messiânica do proletariado tivesse ainda qualquer função. Para Mohler, Sorel era um exemplo sobre o qual meditar na luta contra os efeitos e os vectores da decadência. Mohler queria utilizar o “pessimismo potente” de Sorel contra um “pessimismo debilitante” disseminado nas fileiras da burguesia.

Rapidamente Mohler criticou a “concepção idílica do conservantismo”. Ao reler Sorel percebeu que é perfeitamente absurdo querer tudo “conservar” quando as situações mudaram por todo o lado. A direita intelectual não deve contentar-se em pregar simplesmente o bom-senso contra os excessos de uma certa esquerda, nem em pregar a luz aos partidários da ideologia das Luzes; não, ela deve mostrar-se capaz de forjar a sua própria ideologia, de compreender os processos de decadência que se desenvolvem no seu seio e de se desembaraçar deles, antes de abrir verdadeiramente a via a uma tradução concreta das suas posições.

Uma aversão comum aos excessos da ética da convicção

Quando Mohler esboça o seu primeiro retrato de Sorel, nas colunas da revista Criticón, em 1973, escreve sem ambiguidades que os conservadores alemães deveriam tomar esse francês fora do comum como modelo para organizar a resistência contra a “desorganização pelo idealismo”. Mohler partilhava a aversão de Sorel contra os excessos da ética da convicção. Vimo-la exercer a sua devastação na França de 1890 a 1910, com o triunfo dos dreyfusards e a incompreensão dos Radicais pelos verdadeiros fundamentos da Cidade e do Bem Comum, vimo-la também no final dos anos 60 na República Federal, depois da grande febre “emancipadora”, combinada com a vontade de jogar abaixo todo o continuum histórico, criminalizando sistematicamente o passado alemão, tudo taras que tocaram igualmente o “centro” do tabuleiro político.

Para além destas necessidades do momento, Mohler tinha outras razões, mais essenciais, para redescobrir Sorel. O anti-liberalismo e o decisionismo de Sorel haviam impressionado Mohler, mais ainda do que a ausência de clareza que recriminamos no pensamento soreliano. Mohler pensava, ao contrário, que esta ausência de clareza era o reflexo exacto das próprias coisas, reflexo que nunca é conseguido quando usamos uma linguagem demasiado descritiva e demasiado analítica. Sobretudo “quando se trata de entender elementos ou acontecimentos muito divergentes uns dos outros ou de captar correntes contrárias, subterrâneas e depositárias”. Sorel formulou pela primeira vez uma ideia que muito dificilmente se deixa conceptualizar: as pulsões do homem, sobretudo as mais nobres, dificilmente se explicam, porque as soluções conceptuais, todas feitas e todas apropriadas, que propomos geralmente, falham na sua aplicação, os modelos explicativos do mundo, que têm a pretensão de ser absolutamente completos, não impulsionam os homens em frente mas, pelo contrário, têm um efeito paralisante.

Ernst Jünger, discípulo alemão de Georges Sorel

Mohler sentiu-se igualmente atraído pelo estilo do pensamento de Sorel devido à potencialidade associativa das suas explicações. Também estava convencido que este estilo era inseparável da “coisa” mencionada. Tentou definir este pensamento soreliano com mais precisão com a ajuda de conceitos como “construção orgânica” ou “realismo heróico”. Estes dois novos conceitos revelam a influência de Ernst Jünger, que Mohler conta entre os discípulos alemães de Sorel. Em Sorel, Mohler reencontra o que havia anteriormente descoberto no Jünger dos manifestos nacionalistas e da primeira versão do Coração Aventureiro (1929): a determinação em superar as perdas sofridas e, ao mesmo tempo, a ousar qualquer coisa de novo, a confiar na força da decisão criadora e da vontade de dar forma ao informal, contrariamente às utopias das esquerdas. Num tal estado de espírito, apesar do entusiasmo transbordante dos actores, estes permanecem conscientes das condições espacio-temporais concretas e opõem ao informal aquilo que a sua criatividade formou.

O “afecto nominalista”

O que actuava em filigrana, tanto em Sorel como em Jünger, Mohler denominou “afecto nominalista”, isto é, a hostilidade a todas as “generalidades”, a todo esse universalismo bacoco que quer sempre ser recompensado pelas suas boas intenções, a hostilidade a todas as retóricas enfáticas e burlescas que nada têm a ver com a realidade concreta. É portanto o “afecto nominalista” que despertou o interesse de Mohler por Sorel. Mohler não mais parou de se interessar pelas teorias e ideias de Sorel.

Em 1975 Mohler faz aparecer uma pequena obra sucinta, considerada como uma “bio-bibliografia” de Sorel, mas contendo também um curto ensaio sobre o teórico socialista francês. Mohler utilizou a edição de um fino volume numa colecção privada da Fundação Siemens, consagrado a Sorel e devida à pluma de Julien Freund, para fazer aparecer essas trinta páginas (imprimidas de maneira tão cerrada que são difíceis de ler!) apresentando pela primeira vez ao público alemão uma lista quase completa dos escritos de Sorel e da literatura secundária que lhe é consagrada. A esta lista juntava-se um esboço da sua vida e do seu pensamento.

Nesse texto, Mohler quis em primeiro lugar apresentar uma sinopse das fases sucessivas da evolução intelectual e política de Sorel, para poder destacar bem a posição ideológica diversificada deste autor. Esse texto havia sido concebido originalmente para uma monografia de Sorel, onde Mohler poria em ordem a enorme documentação que havia reunido e trabalhado. Infelizmente nunca a pôde terminar. Finalmente, Mohler decidiu formalizar o resultado das suas investigações num trabalho bastante completo que apareceu em três partes nas colunas da Criticón em 1997. Os resultados da análise mohleriana podem resumir-se em 5 pontos:

Uma nova cultura que não é nem de direita nem de esquerda

1. Quando falamos de Sorel como um dos pais fundadores da Revolução Conservadora reconhecemos o seu papel de primeiro plano na génese deste movimento intelectual que, como indica claramente o seu nome, não é “nem de direita nem de esquerda” mas tenta forjar uma “nova cultura” que tomará o lugar das ideologias usadas e estragadas do século XIX. Pelas suas origens este movimento revolucionário-conservador é essencialmente intelectual: não pode ser compreendido como simples rejeição do liberalismo e da ideologia das Luzes.

2. Em princípio, consideramos que os fascismos românicos ou o nacional-socialismo alemão tentaram realizar este conceito, mas estas ideologias são heresias que se esquecem de levar em consideração um dos aspectos mais fundamentais da Revolução Conservadora: a desconfiança em relação às ideias que evocam a bondade natural do homem ou crêem na “viabilidade” do mundo. Esta desconfiança da RC é uma herança proveniente do velho fundo da direita clássica.

3. A função de Sorel era em primeiro lugar uma função catalítica, mas no seu pensamento encontramos tudo o que foi trabalhado posteriormente nas distintas famílias da Revolução Conservadora: o desprezo pela “pequena ciência” e a extrema valorização das pulsões irracionais do homem, o cepticismo em relação a todas as abstracções e o entusiasmo pelo concreto, a consciência de que não existe nada de idílico, o gosto pela decisão, a concepção de que a vida tranquila nada vale e a necessidade de “monumentalidade”.

Não há “sentido” que exista por si mesmo.

4. Nesta mesma ordem de ideias encontramos também esta convicção de que a existência é desprovida de sentido (sinnlos), ou melhor: a convicção de que é impossível reconhecer com certeza o sentido da existência. Desta convicção deriva a ideia de que nunca fazemos mais que “encontrar” o sentido da existência forjando-o gradualmente nós próprios, sob a pressão das circunstâncias e dos acasos da vida ou da História, e que não o “descobrimos” como se ele sempre tivesse estado ali, escondido por detrás do ecrã dos fenómenos ou epifenómenos. Depois, o sentido não existe por si mesmo porque só algumas raras e fortes personalidades são capazes de o fundar, e somente em raras épocas de transição da História. O “mito”, esse, constitui sempre o núcleo central de uma cultura e compenetra-a inteiramente.

5. Tudo depende, por fim, da concepção que Sorel faz da decadência – e todas as correntes da direita, por diferentes que sejam umas das outras, têm disso unanimemente consciência – concepção que difere dos modelos habituais; nele é a ideia de entropia ou a do tempo cíclico, a doutrina clássica da sucessão constitucional ou a afirmação do declínio orgânico de toda a cultura. Em «Les Illusions du progrès» Sorel afirma: “É charlatanice ou ingenuidade falar de um determinismo histórico”. A decadência equivale sempre à perda da estruturação interior, ao abandono de toda a vontade de regeneração. Sem qualquer dúvida, a apresentação de Sorel que nos deu Mohler foi tornada mais mordaz pelo seu espírito crítico.

Uma teoria da vida concreta imediata

Contudo, algumas partes do pensamento soreliano nunca interessaram Mohler. Nomeadamente as lacunas do pensamento soreliano, todavia patentes, sobretudo quando se tratou de definir os processos que deveriam ter animado a nova sociedade proletária trazida pelo “mito”. Mohler absteve-se igualmente de investigar a ambiguidade de bom número de conceitos utilizados por Sorel. Mas Mohler descobriu em Sorel ideias que o haviam preocupado a ele também: não se pode, pois, negar o paralelo entre os dois autores. As afinidades intelectuais existem entre os dois homens, porque Mohler como Sorel, buscaram uma “teoria da vida concreta imediata” (recuperando as palavras de Carl Schmitt).

Karlheinz Weissmann

traduzido por Rodrigo Nunes

causanacional.net

mardi, 01 novembre 2011

Piet Tommissen, gardien des sources

Robert Steuckers:

Piet Tommissen, gardien des sources

La communauté académique connait Pïet Tommissen comme un grand spécialiste de Vilfredo Pareto et surtout de Carl Schmitt, depuis la parution régulière de la collection “Schmittiana” chez Duncker & Humblot à Berlin. Comment l’oeuvre précise et minutieuse de cet homme a-t-elle pu voir le jour, comment a-t-elle émergé idiosyncratiquement? De son cheminement personnel, Piet Tommissen nous livre un récit émouvant, tendre, autobiographique en une langue néerlandaise naturelle et spontanée. Malheureusement, ce beau récit sera trop souvent négligé par la communauté scientifique, qui suivra ses traces, car les écrits en néerlandais ne sont que rarement pris en compte par ceux qui ne maîtrisent pas cette langue. A la fin de sa vie, dans son charmant petit appartement d’Uccle, près de Bruxelles, Piet Tommissen a rédigé deux courts volumes de souvenirs, intitulés “Een leven vol buitenissigheden” (= “Une vie pleine d’extravagances”). Ils nous livre la clef de l’oeuvre, le fil d’Ariane d’une quête que notre professeur disparu a menée jusqu’à son dernier souffle. La première de ces plaquettes évoque une jeunesse sans histoire, passée à Turnhout en Campine, une région de landes de bruyère, assez aride, en lisière de la frontière néerlandaise, où son père était fonctionnaire des douanes et accises. Il y terminera pendant la seconde guerre mondiale ses études secondaires au Collège Saint Victor. Après la guerre, il occupe un premier emploi dans la petite localité de Baulers, près de la belle ville de Nivelles en Brabant wallon. C’est une époque où il se rend fréquemment à Bruxelles pour visiter libraires et bouquinistes et pour acquérir les principales revues intellectuelles françaises de l’époque, comme “Les temps modernes” ou “Synthèses”.

“La petite fleur en papier doré”

Au cours d’une de ces promenades bibliophiliques dans le Bruxelles de la fin des années quarante, en 1947 plus précisément (car la mémoire des dates est proverbiale chez Tommissen), il pousse la porte d’un des plus charmants estaminets de la ville, qui porte encore et toujours aujourd’hui le nom poétique de “La petite fleur en papier doré”, rue des Alexiens. Cet estaminet était le lieu de rendez-vous des surréalistes bruxellois autour de Magritte, Scutenaire, Mariën et les autres. L’exploitant de l’époque était collectionneur d’art et tenait une galerie: il se nommait Geert van Bruaene. Quand Tommissen entre dans le local sombre et agréable de cet extraordinaire bistrot, chauffé par un poêle de charbon, c’est van Bruaene qui sert les bières aux clients: dans la conversation qu’il entame, il parle au nouveau venu du théoricien avant-gardiste flamand Paul Van Ostaijen. Quasi inconnu en dehors des Flandres et des Pays-Bas, ce jeune révolutionnaire des années 20 avait rédigé un manifeste avant-gardiste, où il préconisait, outre une certaine écriture automatique (comme le fera plus tard Henry Michaux, côté wallon), un retour aux sources de toutes les formes de mystique religieuse dans les cadres nationaux et linguistiques: pour rompre avec la modernité positiviste et rationaliste, il faut retourner, disait Van Ostaijen, aux pensées mystiques que les peuples avaient développées aux stades antérieurs de leur histoire. Ce recours aux formes mystiques n’était pas une simple nostalgie ni une volonté passéiste de revenir à une sorte de moyen âge intellectuel car, pour Van Ostaijen, la mystique est “anarque” par excellence: elle balaie par la hauteur, la fraîcheur, la simplicité et la puissance de sa pensée les lourdeurs des systèmes et les banalités des périodes triviales dans l’histoire des peuples et des sociétés. Les Flamands, pour Van Ostaijen, doivent revenir à leurs mystiques médiévales, avec le mouvement des béguines, Soeur Hadewych et surtout Ruusbroec l’Admirable, dont Maurice Maeterlinck, Prix Nobel de littérature en 1911, avait réalisé une traduction française, tout en indiquant que ce mystique médiéval, retiré à Groenendael dans la Forêt de Soignes en lisière de Bruxelles, représentait la quintessence des aspirations mystiques flamandes et brabançonnes, tout comme, sans nul doute, Maître Eckhart représentait en Rhénanie la quintessence des aspirations mystiques allemandes. Piet Tommissen venait de découvrir le monde des “avant-gardes”, qui restera toujours présents chez lui, derrière sa façade officielle de “Schmittien”. Un monde d’avant-gardes qui n’était toutefois pas fermé aux aspirations religieuses.

Urbain Van de Voorde, Leo Picard, Wies Moens

En fréquentant van Bruaene et les joyeux convives de “La petite fleur en papier doré”, Piet Tommissen finit par faire connaissance avec Urbain Van de Voorde, responsable des pages littéraires du quotidien flamand “De Standaard”. Il écrit: “Les conversations que j’ai eues avec Van de Voorde, à cette époque et plus tard, ont été enrichissantes à tous points de vue. J’ai entendu pour la première fois prononcer les noms de Gottfried Benn, d’August Stramm, de Guillaume Apollinaire, d’André Breton, de Michel de Ghelderode, etc. D’où, je puis dire avec sérénié que Van de Voorde et quelques autres, ..., sont à la base de mon intérêt pour les ‘ismes’ de l’histoire de l’art, qui se sont déployés en Europe avant et après la première guerre mondiale”(p. 32). Piet Tommissen devint ainsi collaborateur occasionnel des pages littéraires du “Standaard”. Il prend le goût d’écrire, le goût de la recherche aussi, du détail piquant qui explique la genèse d’une oeuvre, d’un poème ou d’une toile, d’une esquisse ou d’une somme philosophique. Dans le cadre de ses activités au “Standaard”, il rencontre l’historien flamand Leo Picard (qu’on ne confondra pas avec le leader socialiste belge Edmond Picard). Leo Picard avait été le disciple préféré de Henri Pirenne, dont on se souvient partout en Europe pour ses thèses sur l’histoire médiévale et sur l’époque carolingienne. Mais Pirenne opte pour une vision “nationale” de l’histoire belge. Pour cette vision pirennienne, la Belgique est née, du moins sur le plan territorial, de la reconquête des Pays-Bas du Sud par les armées royales espagnoles; elle est, depuis 1598, affirme-t-il, détachée de ses environnements septentrional (la Hollande calviniste devenue indépendante) et oriental (l’Allemagne en tant que Saint Empire fragmenté par la Kleinstaaterei). Leo Picard critique cette vision, estime que les liens avec le Nord et l’Est ont toujours subsisté et que la Belgique indépendante de 1830 a été dominée par une bourgeoisie sans autre idéologie qu’un mixte confus de positivisme et de cosmopolitisme, une bourgeoisie qui a coupé tous liens organiques avec le peuple, surtout avec sa composante flamande. La dimension socio-économique de la vision flamande de Picard mérite toujours le détour en Flandre et nourrit sans doute secrètement, ou par les multiples avataras qu’elle a suscités, les contestations radicales de l’établissement économique belge dans les cercles du patronat et des PME (= “petites et moyennes entreprises”) en Flandre, parmi lesquels sans doute le “Marnixkring”, dont Tommissen fut longtemps le zélé secrétaire. Notons qu’il y a passerelle entre l’écriture positiviste de l’historien Leo Picard, formé par Pirenne, et l’idéal organique et “expressionniste” d’un autre poète avant-gardiste flamand, Wies Moens, auquel Tommissen consacrera plusieurs études. Picard examine les structures du pouvoir et constate qu’il y a “placage” d’un pouvoir inorganique sur l’organisme national flamand; Wies Moens exalte pour sa part (et dans le sillage de Camille Lemonnier) la vigueur d’un peuple flamand appelé à secouer le joug de l’établissement. L’idéal que se forge Piet Tommissen à la fin des années 40 repose sur ce double pilier intellectuel: d’une part, l’analyse organique et positiviste de Picard, un homme formé par Pirenne; d’autre part, les idéaux vigoureux, expressionistes et mystiques (Moens et Van Ostaijen) des avant-gardes flamandes, réclamant l’avènement d’un populisme révolutionnaire et organique, traduction politique d’un certain expressionnisme.

Vesperkring, Erasmusgenootschap, Aristo-Groep

En dépit de cette marque très particulière, très vernaculaire flamande, difficilement communicable en dehors de l’espace linguistique néerlandais, Tommissen ne demeure nullement sourd, bien sûr, aux grands courants intellectuels qui traversent l’Europe en général et la France en particulier. La fin des années 40 et le début des années 50 sont marqués à Paris par l’existentialisme des Sartre, Camus et de Beauvoir, dont Tommissen suit les avatars via la revue “Les Temps modernes” mais le bon petit virus qui est en lui et qui lui a été communiqué par van Bruaene, lui-même “contaminé” par le manifeste de Van Ostaijen, a créé des garde-fous contre toutes les dérives abstraites et extrémistes, contre toutes les bouffoneries de l’existentialisme parisien/sartrien. Dans ses mémoires, Tommissen confesse avoir été marqué par la lecture des écrits existentialistes français mais conclut en disant que, pour lui, et pour ses compagnons des avant-gardes flamandes et de l’équipe du “Standaard” autour d’Urbain Van de Voorde, il était impossible de dissocier l’essence de l’existence, le corps de l’âme. Le personnalisme d’Emmanuel Mounier et de la revue “Esprit” rencontre sans doute davantage d’approbation, catholicisme oblige, mais c’est dans des cercles flamands ou néerlandais aujourd’hui disparus ou oubliés par les historiographes que Tommissen va parfaire sa formation intellectuelle et spirituelle: il cite, dans ses mémoires, le “Vesperkring” (= “Cercle Vesper”) du Père Kallist Fimmers de l’Abbaye de Tongerloo, l’ “Erasmusgenootschap” (= “Le Compagnonnage Erasme”) animé à Gand par le poète Johan van Mechelen et l’ “Aristo-Groep” (= Le “Groupe Aristo”) du fascinant prêtre hollandais Wouter Lutkie. Celui-ci, fils de négociant en peaux, est au départ un militant espérantiste, qui consacre son temps à toutes sortes d’oeuvres caritatives complètement dépolitisées, puis devient un prêtre “démocrate chrétien” animé par le principe de charité et par les encycliques de Léon XIII, pour lesquelles il faut agir avec dévouement et humilité sans développer d’idées politiques abstraites et séditieuses. Disciple des Français Léon Bloy et Ernest Hello, Lutkie en vient, dans une phase ultérieure de son itinéraire, à dénoncer, comme eux, les hypocrisies de la démocratie bourgeoise: celle-ci n’a rien à voir avec les vertus morales (qu’elle proclame bruyamment), avec les efforts en matières éthiques et caritatives préconisés par l’Evangile ou avec la religion tout court. La démocratie bourgeoise, disent Bloy et Lutkie, a basculé dans le mensonge, s’est muée en une “idéolâtrie du nombre”. Lutkie fait alors du zèle à la Bloy, fustige le “démocratisme” avec une langue au vitriol: l’évêque de ’s Hertogenbosch le démet de ses fonctions de chanoine. Il s’installe alors dans un “cottage” du village de Nuland, où il oeuvrera comme “prêtre-publiciste”, activité qui conduira à la création de l’Aristo-Groep. Deux autres prêtres philosophes, les frères Walgrave, influenceront l’itinéraire intellectuel de Tommissen; rappellons aussi que J. H. Walgrave fut en Flandre le seul grand hispaniste qui nous ait laissé une étude magistrale sur José Ortega y Gasset (tout en étant un grand spécialiste de l’oeuvre du Cardinal Newman). Cette errance fructueuse dans les cercles intellectuels flamands permettent à Tommissen d’amorcer son oeuvre: pour le compte de ces cercles, il écrit dans diverses publications à modestes tirages mais de haute voltige intellectuelle. Nous avions, à la charnière des années 40 et 50, un catholicisme exceptionnel, d’une densité intellectuelle inégalée, aujourd’hui disparu sous les coups du consumérisme et de l’américanisme généralisés, d’une vulgate démocratiste chrétienne marquée d’anti-intellectualisme, des positions démissionnaires de Vatican II et de ses multiples avatars “modernistes”.

Avec Armin Mohler à Bâle et à Zürich

Mais c’est la rencontre avec l’oeuvre d’Ernst Jünger qui sortira Tommissen d’un ancrage exclusivement flamand. Fidèle à sa mémoire des dates, Tommissen nous rappelle que c’est le 30 janvier 1949 qu’il acquiert à Anvers, chez le bouquiniste Moorthaemers, un exemplaire de “Der Krieg als inneres Erlebnis” (= “La guerre comme expérience intérieure”). Sur le trajet Anvers/Baulers, notre homme lit ce livre d’une seule traite. Enthousiasmé et bouleversé par la lecture de cet ouvrage, il veut impérativement rencontrer l’auteur. Via Van de Voorde et la rédaction du “Standaard”, il apprend qu’Ernst Jünger vit dans le Würtemberg. Tommissen écrit: il jette sa petite bouteille à la mer... Armin Mohler, alors secrétaire d’Ernst Jünger, lui répond. Le contact est pris. Et le 25 octobre 1950, Tommissen monte dans le train de nuit pour Bâle. Arrivé au petit matin dans la métropole alémanique, il est reçu par la chère Edith Weiland, la future épouse d’Armin Mohler. Le lendemain, il s’embarque pour Zürich, où Mohler avait organisé une causerie sur Oswald Spengler. Dans les débats qui s’ensuivirent, un des participants évoque la figure de Carl Schmitt. Tommissen avait entendu parler de ces deux géants de la “Konservative Revolution” allemande dans les monographies que leur avaient consacré le Professeur Victor Leemans et d’autres exposants de la “Politieke Akademie” de Louvain. Piet Tommissen a rendu hommage à maintes reprises au travail de cette “Politieke Akademie”, dont il entendait pérenniser ou ressusciter l’esprit.

C’est à la suite de ce voyage à Zürich que Piet Tommissen entamera sa longue quête schmittienne. Il quitte au même moment l’entreprise qui l’employait à Baulers. Pendant de longues journées, au fil des semaines, Piet Tommissen va travailler à la Bibliothèque Royale de Bruxelles pour extraire toutes les informations possibles et imaginables sur l’oeuvre et la personnalité de Carl Schmitt, méritant, dès cette étape de sa vie, le surnom dont l’affublait avec tendresse Armin Mohler: “l’écureuil des Flandres”, qui glâne avec fébrilité des notes, recense des articles, cherche dates de naissance et de décès, comme le rongeur roux de nos chênaies ramasse glands ou noisettes. Chaque découverte est aussitôt envoyée à Carl Schmitt, qui, heureux que l’on fasse ce travail pour lui, le proscrit de la nouvelle Allemagne, répond toujours chaleureusement et finit par inviter Tommissen et son épouse Agnes à Plettenberg dans le Sauerland. Le couple y restera deux semaines. Le destin de Tommissen est scellé. Il deviendra et demeurera le fidèle disciple.

A Plettenberg pour le premier “Liber Amicorum” des amis de Carl Schmitt

Cette double expérience suisse et allemande fait de lui le porte-paroles en Flandre de ce qui subsiste de la “Révolution Conservatrice” dans les pays germanophones. C’est au sein de la revue “De Tafelronde” d’Ivo Nelissen (un ancien du “Vesperkring”) qu’il s’exprimera sur ces sujets. Les discussions avec l’abondante rédaction de la revue, et surtout, rappelle Tommissen, avec Koen Van den Bossche, portaient sur tous les thèmes de cette “Révolution Conservatrice”. En juillet 1953, l’ “Academia Moralis”, qui regroupe les amis de Carl Schmitt, ceux qui entendent l’aider dans le besoin et la détresse de l’immédiat après-guerre, décide de publier un “Liber Amicorum”, à l’occasion des 65 ans du grand juriste. Pour marquer le coup au jour de cet anniversaire, l’ “Academia Moralis” sort également de presse une première bibliographie de Carl Schmitt, fruit du travail de Tommissen à la Bibliothèque Royale de Bruxelles. Le jour de la remise officielle du “Liber Amicorum” à Schmitt, chaque participant, face à un Tommissen rouge de confusion et de bonheur, reçoit un exemplaire de cette bibliographie. Victor Leemans est présent, avec l’éditeur anversois Albert Pelckmans; il dit à Tommissen: “Ta bibliographie est plus précieuse pour la recherche ultérieure que le Liber Amicorum lui-même”. Leemans présente alors à Tommissen le philosophe “révolutionnaire-conservateur” Hans Freyer auquel le professeur louvaniste avait consacré avant-guerre une courte monographie dans le cadre de la “Politieke Akademie”. C’est ainsi que l’on a pu dire, qu’après la disparition de Leemans, Piet Tommissen a été le véritable vulgarisateur des thèses de la “révolution conservatrice” allemande en Flandre.

Force est de dire que l’esprit politique schmittien n’a pas trop imprégné la pensée politique flamande contemporaine, même dans ses marges censées demeurer germanophiles: en effet, les modes de pensée en sociologie et en sciences politiques sont désormais calquées sur leurs équivalents anglo-saxons, notamment à cause du recul général de l’enseignement de l’allemand et de l’omniprésence de l’anglais (le même phénomène s’observe en philosophie et en théorie littéraire). Plusieurs étudiants flamands m’ont déclaré que de jeunes assistants en sciences politiques à Louvain, dans les années 90, ignoraient jusqu’au nom de Carl Schmitt! Cette ignorance doit certes être en recul aujourd’hui, vu l’abondance de publications sur Schmitt en français et en anglais. En revanche, il est exact que les nombreux articles de Tommissen, qui introduisaient le lecteur flamand aux thèmes et aux figures de la “Révolution Conservatrice”, publiés dès le début des années 50, ont permis de maintenir un intérêt général pour ces thématiques. Mais l’exemple que nous lègue Tommissen, son inlassable engagement pour défendre et illustrer l’oeuvre de Carl Schmitt ou pour rappeler l’excellence des travaux de la “Politieke Akademie” de Victor Leemans, est celui d’une fidélité. Mais d’une fidélité à quoi? Aux “sources”.

Sources politiques et sources mystiques

Reste à déterminer quelles sont ces sources pour Piet Tommissen. Elles se répartissent en deux catégories: d’une part, les idées et les lectures que fait naître dans l’esprit d’un jeune adulte le sentiment de vivre dans un Etat qui n’est pas harmonieux, qui constitue une sorte de “cacocratie” en dysfonctionnement permanent et ne tient pas compte des aspirations profondes du peuple ou d’une majorité du peuple, objectivement discernable par l’appartenance ethno-linguistique; pour mettre un terme à la domination de cette forme “cacocratique”, il faut oeuvrer à proposer sans relâche des formes nouvelles et positives, qui n’ont pas la négativité des idéaux habituellement classés comme “révolutionnaires” (les oeuvres d’Orwell et de Koestler nous indiquent clairement quels sont les vices rédhibitoires voire criminels du totalitarisme “révolutionnaire” des gauches européennes de l’entre-deux-guerres). D’autre part, les individualités inclassables, qui peuplent le monde sympathique des avant-gardes, proposent des provocations qui se veulent dissolvantes de l’ordre établi; mais toute dissolution volontaire d’un ordre établi postule de ne pas tomber ou retomber dans les schémas froids du révolutionnisme des gauches: dans l’aventure du surréalisme belge (et surtout bruxellois), l’équipe dominante, autour de Scutenaire, Mariën et Magritte, ajoutait à ses provocations avant-gardistes une adhésion a-critique et provocatrice au communisme, affichée bruyamment sans être concomittante d’une réflexion profonde et véritablement politique. Par le fait de cette lacune, cette posture du groupe surréaliste bruxellois est parfaitement qualifiable de “poncif”, selon la terminologie même adoptée par les surréalistes qui s’inscrivaient dans le sillage d’André Breton. Paul Van Ostaijen, lui, propose une nouvelle immersion dans l’héritage mystique, sans doute suite aux travaux de Maerterlinck sur le mystique médiéval brabançon, Ruusbroec l’Admirable: il n’aura qu’un disciple parmi la première équipe des surréalistes de Bruxelles, l’ami de Tommissen, le peintre Marc. Eemans. Dans ses travaux philosophiques, celui-ci réhabilitera d’abord la mystique flamande Soeur Hadewych, provoquant l’ire des surréalistes engoncés dans leurs poncifs rationalistes et “révolutionnistes”: pour eux, Eemans sombrait dans les bondieuseries et s’excluait ipso facto du cercle des “vrais révolutionnaires”.

Au cours des années 30, Marc. Eemans et son compagnon René Baert éditeront la revue philosophique “Hermès” qui suggèrera, par la publication de premiers textes introductifs, de réamorcer une étude systématique de l’héritage mystique médiéval de Flandre et de Rhénanie. Aujourd’hui, le “Davidsfonds”, fondation culturelle flamande de très haut niveau liée à l’Université Catholique de Louvain (KUL), propose à ses lecteurs diverses études sur Ruusbroec, dues à la plume de philosophes et de médiévistes patentés, comme Paul Verdeyen. Aux Pays-Bas, Geert Warnar a publié chez l’éditeur Athenaeum/Polak-Van Gennep, un ouvrage très pointu sur Ruusbroec: ce sont là des études bien plus fouillées que les textes pionniers de la revue “Hermès”. De même, Jacqueline Kelen, en France, vient de publier un premier ouvrage sur Soeur Hadewych. Une lacune a été comblée, mais, hélas, dans le désintérêt général de la culture aujourd’hui dominante.

Hugo Ball et Ruusbroec l’Admirable

L’intérêt de Tommissen pour les avant-gardes, ou pour des peintres comme Propser De Troyer, Edgard Tytgat ou Alfred Kubin, relève évidemment d’un intérêt esthétique général, que l’on comparera utilement au rapport qui a existé entre Carl Schmitt et Hugo Ball. On sait que l’ancien dadaïste allemand Hugo Ball, pacifiste pendant la première guerre mondiale parce qu’il critiquait l’évolution négative qu’avait suivie l’Allemagne depuis Luther jusqu’au militarisme post-prussien du Kaiser Guillaume II, à l’instar des cabarettistes bavarois d’avant 1914. Sa critique du complexe protestantisme/prussianisme, qui n’avait pas l’aval de Carl Schmitt qui y voyait un “occasionalisme” sans aucune rigueur, l’avait amené à se replonger dans un catholicisme vigoureux (comparable à celui de Bloy) et à briser quelques bonnes lances pour défendre, d’une manière fort originale, les positions théologico-politiques du Schmitt du début des années 20. Eemans, lui, partira de la mystique flamande, à l’instigation du manifeste de Van Ostaijen, pour déboucher, à la fin des années 70 dans l’étude de l’oeuvre de Julius Evola, lui aussi ancien dadaïste dans l’entourage de Tristan Tzara. Tommissen s’intéressera également à Evola, dont il analysera surtout la vision de la décadence, au moment où son ami Julien Freund consacrait un livre entier, et solidement charpenté, à ce sujet.

Pour Tommissen, la fusion entre les notions politiques schmittiennes ou “révolutionnaires-conservatrices” (surtout Spengler et Freyer) et l’héritage religieux (catholique en l’occurrence) se trouvait toute entière dans les travaux de la “Politieke Akademie”, également édités par le “Davidsfonds” avant 1940. La “Politieke Akademie” du Prof. Victor Leemans n’avait pas voulu suivre une tendance fâcheuse, observable dans le corps académique après 1918: celle d’abandonner tout contact avec la pensée allemande pour lui substituer des modes françaises ou anglo-saxonnes. Elle avait résolument pris le parti d’étudier et de vulgariser, à l’intention des étudiants de première année, les grands thèmes de la pensée non libérale et non marxiste qui germaient en Allemagne. Victor Leemans, pour résumer ses thèses de manière didactique et pour léguer une sorte de manifeste, avait publié en 1938 un opuscule intitulé “Hoogland”, qui se voulait sans doute une sorte de calque flamand de la revue catholique allemande “Hochland” (celle-là même où Hugo Ball avait publié son maître-article sur Schmitt en 1925). Le texte de ce manifeste fourmille de phrases clefs pour comprendre le milieu dans lequel Tommissen s’est inséré après la seconde guerre mondiale. Victor Leemans plaide pour que la priorité soit sans cesse donnée aux hommes (et aux peuples dont ils émanent) et non aux idéologies, pures constructions intellectuelles procédant de l’esprit de fabrication (Joseph de Maistre), déplore la “politisation” —au sens trivial du terme— de la vie sociale en Belgique, exhorte les intellectuels et les universitaires à communier avec le peuple, pour l’élever moralement, en passant d’un socialisme de société à un socialisme de communauté (Tönnies). Rien de ce texte, 73 ans après sa publication ne pourrait être incriminé ni rejeté: il est un témoignage de sérénité et de charité, un véritable code de déontologie pour le candidat à la vie politique. Et là, nous revenons à Ruusbroec, maître spirituel qui enseigne la sérénité; en parlant des apôtres, Ruusbroec écrivait: “Ils vivent dans l’esprit sans crainte, sans peur ni souci, sans chagrin. Ils savent en leur esprit, qui procède de l’esprit de Dieu, qu’ils sont les fils choisis de Dieu. Cette assurance, personne ne peut la leur ôter. Car ils sentent la vie éternelle en leur esprit” (cf. G. Warnar, p. 278). Piet Tommissen a géré les matières jugées explosives des doctrines “révolutionnaires-conservatrices” et schmittiennes avec cette sérénité exprimée par Ruusbroec. En quelque sorte, la boucle, qui va de Van Ostaijen à Schmitt, est bouclée: la matière schmittienne a été traitée avec la sérénité préconisée par Ruusbroec. Ou pour oser une hypothèse: avec la quiétude que recherchait Ball après les tumultes et soubresauts de sa vie agitée d’avant-gardiste?

Le doctorat sur Pareto

Sans diplôme autre que celui de ses études secondaires à Saint Victor de Turnhout, Tommissen ne pouvait faire valoir à fond le fruit de ses innombrables recherches. Son entourage l’exhorte à passer tous les examens requis pour ensuite présenter une thèse de doctorat. C’est le Professeur Ernst Nolte qui induira directement Piet Tommissen à franchir le Rubicon; de Berlin, il ne cessait de lui envoyer des doctorants (sur le rexisme, sur Pierre Drieu La Rochelle, etc.). Pour gagner en crédibilité, Tommissen avait besoin d’un diplôme universitaire: il commence par suivre un cours de langues anciennes (latin et grec) puis par s’inscrire à la “Handelshogeschool Sint-Aloysius” (“Haute Ecole Saint Aloïs”) à Bruxelles, où il obtiendra avec brio, au bout de cinq ans, le titre belge de “Licencié” (équivalant à quatre ou cinq ans d’études universitaires). Tommissen, âgé de près de quarante ans, travaillait le jour et suivait les cours après 17 heures, avec la bénédiction et les encouragements de son épouse Agnès: on admirera au passage le courage, l’opiniâtreté et l’abnégation de notre homme. Il sera ensuite le premier docteur reçu par la nouvelle Université d’Anvers, l’UFSIA, avec sa thèse sur “l’épistémologie économique de Vilfredo Pareto”. Piet Tommissen pouvait commencer sa carrière universitaire.

De 1973 à 1976, il publie une revue en français avec Marc. Eemans, “Espaces”, qui consacrera notamment un numéro entier à la figure de Paul Van Ostaijen. Piet Tommissen, en dépit de ces cinq années d’isolement universitaire et du travail considérable qu’avait exigé sa thèse de doctorat, demeurait fidèle à son engouement pour les avant-gardes.

“Gardien des sources”

Dans ses “Verfassungsrechtliche Aufsätze”, Schmitt rend hommage à Savigny et appelle à la défense d’un droit comme expression d’un “ordre concret”, inséparable de l’histoire en laquelle il a émergé, s’est déployé et dont il procède. Il conteste simultanément le “monopole de légalité” que s’arroge l’Etat légaliste (ou nomocratique), fustige aussi les “Setzungs-Orgien” (les “orgies légiférantes” ou la multiplication anarchique des réglements) qui sont le propre des “pouvoirs législatifs déchaînés”. Schmitt évoque alors Jacob Bachofen (dont on connaît l’influence sur Julius Evola et sur quantité d’autres auteurs dont Ludwig Klages) et écrit cette phrase capitale à mes yeux: “Il ne s’agit pas aujourd’hui de donner un tour de vis de nature réactionnaire (en lisant Bachofen et ses émules, ndt) mais de conquérir une richesse incroyable de connaissances nouvelles, qui pourraient s’avérer fécondes pour les sciences juridiques actuelles et dont nous devons nous emparer en les travaillant et les façonnant. En vue de cette tâche à accomplir, nous pouvons laisser le positivisme mort du 19ème siècle enterrer ses morts” (p. 416). Et Schmitt conclut: “Savigny argumente en évoquant l’enfance, la jeunesse et la maturité des peuples. Il perçoit comme signe de la jeunesse d’un peuple le fait que la science (des sources, des racines, ndt) guide la vie du droit et garde les sources. Savigny pose cette science du droit comme autonome, tant contre la théologie et la philosophie que contre le pur artisanat qu’est cet art de fabriquer des lois. C’est là que réside le sens de sa démarche ‘historique’ et de son retour au droit romain et aux sources pures” (p. 420). Ne peut-on pas inscrire la démarche de nos avant-gardistes (Van Ostaijen, Eemans, etc.) et celle de nos “académiciens politiques” (Leemans, Tommissen, etc.) dans le cadre que posent implicitement ces citations de Schmitt? C’est en ce sens que Tommissen, à la suite de Leemans et d’Eemans, a été un “gardien des sources”.

Après le décès prématuré de son épouse Agnès, Piet Tommissen se retirera dans un appartement à Uccle, au sud de Bruxelles, où il rédigera plusieurs opuscules et plaquettes, notamment sur bon nombre de sujets que nous avons évoqués dans le présent hommage, ainsi que les deux précieux petits volumes autobiographiques, qui abondent en renseignements divers sur la vie culturelle flamande entre 1945 et 1965, dans le sillage de Victor Leemans. Nous mesurons par là tout ce que les générations ultérieures, dont la mienne, ont perdu en intensité et en qualité. Mais dans ce récit autobiographique, qui rend hommage aux maîtres et aux compagnons de jadis, je crois déceler un appel un peu angoissé: ces matières, ces revues et cercles, ces hommes, ces prêtres de la trempe des frères Walgrave ou de Lutkie, seront-ils oubliés, définitivement, sans qu’un “Master” (en langage de Bologne) ou un doctorant ne se penche jamais sur leurs oeuvres? La part de travail de Tommissen est achevée. Celle des autres doit commencer. Tout de suite.

Robert Steuckers,

Forest-Flotzenberg, 29 octobre 2011.

Sources:

Piet TOMMISSEN, Een leven vol buitenissigheden, I, APSIS, La Hulpe, 2009.

Piet TOMMISSEN, Een leven vol buitenissigheden, II, APSIS, La Hulpe, 2010.

Adresse des éditions APSIS:  koenraad.tommissen@2bhunt.eu

 

mardi, 27 septembre 2011

Clausewitz como pensador politico

Clausewitz como pensador politico

Por Sergio Prince C.

http://geviert.wordpress.com/

Los estudios sobre Clausewitz son abundantes en cantidad y calidad, por lo tanto, es aventurado escribir sobre este maestro de la estrategia y no caer en repeticiones y lugares comunes. Entre los más destacados estudiosos, podemos citar a Peter Paret, Profesor de Historia en la Universidad de Stanford y autor de una amplia gama de trabajos sobre temas militares y estratégico, entre los que destaca su trabajo titulado Clausewitz and the State (Paret, 1979); Michael Howard, historiador de la Universidad de Oxford (Howard, 1983) y Bernard Brodie, profesor de Ciencia Política en la Universidad de California, autor de varias obras de gran influencia en el pensamiento estratégico moderno. En el año 2005, se realizó una renovada  reflexión sobre Clausewitz en el congreso Clausewitz in the 21st Century organizado por la Universidad de Oxford, cuyos resultados fueron publicados el año 2007 (Strachan & Herberg – Rothe, 2007). En lo que va corrido de 2010, han aparecido cientos de trabajos que tratan de Clausewitz o que, a partir de él, estudian el fenómeno de la guerra y las relaciones internacionales. Así, Castro se ocupa de la guerra, la vida y la muerte reflexionando sobre Clausewitz a partir del psicoanálisis (Castro, 2010), Kaldor evalúa la vigencia de Clausewitz en tiempos de globalización (Kaldo, 2010), Sibertin-Blanc y  Richter (2010) visualizan a Deleuze y Guattari como lectores de Clausewitz (Sibertin-Blanc & Richter, 2010), Guha realiza un estudio sobre la guerra desde Clausewitz a la guerra de redes del siglo XXI (Guha, 2010) y Diniz realiza una comparación epistemológica entre Clausewitz y Keegan (Diniz, 2010), entre otras tantas obras que se pueden mencionar.

Ante este panorama y sin pretender erudición alguna, ruego al lector que disculpe los vacíos bibliográficos que puedan existir, pero ellos son de mi absoluta responsabilidad y resultado de las limitaciones propias de mi investigación. En esta sección, discutiré el alcance del dictum clausewitziano ‘la guerra es la continuación de la política por otros medios’. Mostraré que: 1.- Que el pensamiento del estratega prusiano va más allá de lo meramente militar y tiene una dimensión política; 2.- Qué esta dimensión se reconoce fundamentalmente a partir de de un documento elaborado por Clausewitz en febrero de 1812 y 3.- Que desde esta dimensión se puede entender con claridad la relación política-guerra absoluta en la cual se abre la posibilidad de afirmar que la política es continuación de la guerra por otros medios en una situación extrema.

Desde esta podemos decir que su afirmación sólo intenta separar lo político de lo estratégico y no indica compromiso alguno con la ontología ni la epistemología de la guerra en sí. La afirmación se puede entender como operacional- metodológica, sin considerar ningún compromiso existencial. En otras palabras, quiero mostrar que el dictum tiene un alcance limitado a la relación de lo político-militar y no pretende involucrarse en asuntos ontológicos. Entonces, me pregunto cuál es la relevancia de la sentencia de Clausewitz. En que ámbitos del conocimiento tiene mayor impacto ¿En la filosofía? ¿En la política? ¿En la estrategia? Como ya hemos insinuado, la lectura filosófica de esta frase se puede hacer desde, al menos, tres dimensiones. La ontológica, la epistemológica y la metodológica. Si nos preguntamos por la existencia de la guerra como continuación de la política, no es lo mismo que si nos preguntamos qué quiere decir esta afirmación, cómo sabemos lo que quiere decir y bajo qué condiciones cambiaríamos de opinión. Tampoco sería lo mismo que preguntarse cómo la guerra llega a ser la continuación de la política por otros medios. Las tres aproximaciones filosóficas demandan distintos tipos de respuestas. Ahora bien ¿Qué quiso decir Clausewitz con lo que dijo?

Antes de comenzar, creo que es necesario recordar que, para el año 1812, Clausewitz bajo las órdenes de Scharnhorst y Gneisenau, junto con sus colaboradores Boyen y Grolmann, eran parte activa del proceso de reformas militares  encaminadas a la formación de un ejército nacional. Pese a la reducción de tropas decretadas por Napoleón, los reformadores lograron implementar un sistema de reservistas por medio de la aplicación del sistema Krümper (adiestramiento rápido). Del mismo modo, establecieron un sistema de ascensos por mérito, prohibieron los castigos corporales y fundaron la Academia de Guerra. Estas actividades de orden castrense tendrían una enorme repercusión política, como veremos más adelante. Fue en febrero de este mismo año, en un documento llamado el Memorándum-Confesión, que  Clausewitz devela su genio como pensador político declarándose partidario de la lucha existencial contra Napoleón ya fuese a) como reacción espontánea del corazón y voz del sentimiento o b) Por motivos de razón política, que no se deja afectar por el miedo y que conduce a la conciencia de que Napoleón es el enemigo irreconciliable de Prusia, y que tampoco se dejará reconciliar por la sumisión o c) a base de un cálculo de la situación militar, cuya última y realmente desesperada esperanza es una sublevación popular armada. (Clausewitz C. V., 1966) (Schmitt, 1969, pág. 6).

 

El carácter peculiar de la enemistad existencial (política) que manifiesta Clausewitz contra Napoleón es lo que, en opinión de Schmitt, lo transforma en un  pensador político: “Como enemigo de Napoleón, Clausewitz llegó a ser el creador de una teoría política de la guerra. Dice Schmitt que lo fundamental de este documento es la respuesta a una pregunta clara: ¿Quién es el verdadero enemigo de Prusia? La respuesta, cuidadosamente pensada y reflexionada en toda su problemática, es: Napoleón, emperador de los franceses (Schmitt, 1969). Esta identificación certera del enemigo es una declaración política ya que coincide con lo esencialmente político: la identificación de quiénes son amigos y quiénes los enemigos. Mirando desde tal perspectiva, en esta declaración, Clausewitz realiza una confesión puramente política. Esta idea sobre el carácter político de la declaración del estratega se refuerza al momento de referirse a temas económicos y de la bancarrota económico-social que amenazaba a su patria debido a las acciones del Corso:

En su segunda confesión — que se refiere a la razón no afectada por el miedo — Clausewitz habla de la economía, que califica como “el principio vital más común de nuestra constitución social”. Recuerda la penosa situación económica que se derivó del bloqueo continental, el cataclismo que amenaza y que sería “una verdadera bancarrota, es decir, una bancarrota multiplicada de cada uno contra cada uno”, y que no se podría “comparar con una bancarrota estatal corriente”. La situación económica es la consecuencia de las medidas de un “general victorioso desde el Ebro hasta el Niemen” (Schmitt, 1969).

Quisiera agregar al comentario schmittiano un hecho que me parece relevante. En febrero de 1812, Federico Guillermo III había firmado un acuerdo con Napoleón por medio del cual le brindaba el apoyo de Prusia a Francia. La petición de Clausewitz resultaba altamente impertinente, en especial, por el carácter eminentemente político de esta. Tiempo después de escribir el memorándum, Clausewitz solicitó la baja del ejército y se dirigió, clandestinamente, a Rusia para apoyar al Zar en contra de Prusia con la esperanza de que el ejército zarista liberara a su patria del yugo francés. Estos son actos eminentemente políticos y refuerzan el carácter existencial de la lucha contra Napoleón a la que llama el estratega prusiano. Su viaje clandestino es otra declaración eminentemente política que va más allá de la fuerza de cualquier escrito. Clausewitz llevó el carácter político de sus confesiones a la práctica, aunque esto implicara luchar en contra sus camaradas de armas.

Otro rasgo que caracteriza el pensamiento puramente político de Clausewitz es su interés por la guerrilla española de 1808. La guerra de guerrillas es la guerra política por excelencia, el evento en donde con más claridad se aprecia que la política es la continuación de la guerra por otros medios ya que es una lucha existencial en donde se desata la violencia originaria justo después de reconocer y declarar al enemigo. Los guerrilleros españoles iniciaron una lucha en su patria chica mientras su rey no declaraba a su enemigo, no sabía quién era el enemigo. Al igual que el rey Federico Guillermo III el monarca español se debatía en un país dividido por la simpatía que su elite afrancesada sentía por Napoleón. Los guerrilleros con el mismo sentimiento de Clausewitz se preguntaron ¿Quién es el verdadero enemigo de España? Napoleón, emperador de los franceses respondieron y, con una decisión política sin igual y ajena a los monarcas, emprendieron una lucha existencial en contra del Corso. Los españoles estaban en condiciones de afirmar que por motivos de razón política – que no se deja afectar por el miedo – Napoleón era el enemigo irreconciliable de España. Esta es una declaración política soberana por que el redactor del texto declara al enemigo lo que llevara al fin a la incomprensión de los movimientos guerrilleros que incluso impulsaron la independencia de América. Pero el interés en la guerrilla no fue sólo de Clausewitz. Prusia recepcionó el espíritu guerrillero y lo transformo en norma jurídica.

A pesar que durante el siglo XIX el ejército prusiano-alemán era el más reputado del mundo su reputación se basaba en el hecho de ser un ejército regular que derrotaba a otros ejércitos regulares. Su primer encuentro con fuerzas “irregulares” ocurrió en la guerra franco-prusiana de 1870/1871, en territorio francés, cuando enfrentaron a un equipo de francotiradores. Lo “regular” primaba en el pensamiento militar. Por esta razón, el documento prusiano del 21 de abril de 1813 tiene una singular importancia (para Schmitt este documento es una especie de Carta Magna de la Guerrilla). El Landsturm establece que cada ciudadano está obligado a oponerse con toda clase de armas al invasor:

Hachas, herramientas de labranza, guadañas y escopetas se recomiendan en forma especial (en el § 43). Cada prusiano está obligado a no obedecer ninguna disposición del enemigo, y por el contrario, a causarle daño con todos los medios que se hallen a su alcance. Nadie debe obedecer al enemigo, ni siquiera cuando este trate de restablecer el orden público por que a través de ello se facilitan las operaciones militares del enemigo. Se dice expresamente que “los excesos de los malvivientes descontrolados” resultan menos adversos que una situación en la cual el enemigo puede disponer libremente de todas las tropas. Se garantizan represalias y terror instrumentado en defensa de los guerrilleros y se amenaza al enemigo con estas medidas (Schmitt, 2007b).

En Prusia no se llego a concretar una guerra de guerrillas contra Napoleón y el edicto fue modificado el 17 de julio de 1813. Corta vida, muy corta. Entonces, ¿cuál es la importancia de este edicto?           Es un documento oficial que legitima la guerrilla ante un grupo de intelectuales y militares extraordinariamente cultos – según la expresión de Schmitt – entre los que se contaba el filósofo Johann Gottlieb Fichte, Scharnhorst, Gneisenau y Clausewitz. El compromiso de este último con la guerrilla política y revolucionaria no fue menor. Relata el jurista de Plettenberg que el primer contacto con esta la tuvo a través de los planes insurreccionales prusianos de los años 1808 al 1813, luego fue conferencista entre 1810 a 1811 sobre la “guerra a pequeña escala” en la Escuela General de Guerra en Berlín. Se dice que fue uno de los especialistas militares más destacados de esta clase de guerra y no sólo en el sentido profesional: “para él, al igual que los demás reformadores de su círculo, la guerra de guerrillas se convirtió “de modo principal en una cuestión eminentemente política de carácter directamente revolucionario”. Citando al historiador militar Werner Hahlweg (1912–1989), Schmitt dice que la aceptación de la idea del pueblo en armas, insurrección, guerra revolucionaria, resistencia y sublevación frente al orden constituido todo eso es una gran novedad para Prusia, algo ‘peligroso’, algo que parecía caer fuera  de la esfera del Estado basado en el Derecho” (Schmitt, 2007b, pág. 28).

Otro aspecto que nos permite observar el carácter político del pensamiento de Clausewitz es la diferencia entre la enemistad ideológica de Fichte contra Napoleón y la enemistad política del estratega prusiano. Esto nos permite comprender al pensador político en su autonomía y en su carácter particular (Schmitt, 1969). A partir de 1807 aparece en la escena el gran enemigo de Fichte: Napoleón. Toda la enemistad que puede sentir un filósofo revolucionario se concentra ahora en Fichte contra el emperador francés tomando forma concreta. Fichte es el verdadero filósofo de la enemistad contra Napoleón. Se puede incluso decir que lo es en su mismísima existencia como filósofo. Su comportamiento frente a Napoleón es el caso paradigmático de una clase muy precisa de enemistad. Su enemigo Napoleón, el tirano, el opresor y déspota, el hombre que fundaría una nueva religión si no tuviera otro pretexto para subyugar el mundo, este enemigo es su propia pregunta como figura, un no-yo creado por su propio yo como contra-imagen de auto-enajenación ideológica. El impulso nacional-revolucionario de Fichte generó una amplia literatura, sin embargo, no llegó a penetrar en la conciencia de los alemanes. La idea de una legitimidad nacional-revolucionaria se disipó, cuando Napoleón estaba vencido y ya no había un enemigo en el campo de batalla. A pesar de esto, el breve contacto con el espíritu nacional-revolucionario, concentrado en los reformadores militares prusianos de 1807 a 1812, les llamó a tomar una decisión transcendental contra Napoleón e inspirar el documento político redactado por Clausewitz con la ayuda de Boyer (Schmitt, 1969).

Aunque Fichte con sus Discursos a la Nación Alemana puede ser considerado el padrino del Memorándum-Confesión clusewitziano de 1812 en este documento los reformadores del ejército prusiano se guiaron sólo por consideraciones políticas. No eran ni fundadores de religiones, ni teólogos; tampoco eran ideólogos ni utopistas. El libro De la guerra (Clausewitz C. V., On War, 1976) no fue escrito por un filósofo, sino por un oficial del Estado Mayor. Cualquier político inteligente puede leer, comprender y practicar este libro sin saber nada de Fichte y de su filosofía. La autonomía de las categorías de lo político – según Schmitt – se hace evidente: en el caso de Clausewitz las categorías políticas se imponen en toda su pureza, libres de todas las propagaciones ideológicas y utópicas del genial Fichte. Por su parte, el sociólogo francés Julien Freund demuestra que la teoría de la guerra como continuación de la política consigue que la guerra meramente militar se deje limitar encajándola en la realidad de lo político. Enemistad y guerra son inevitables. Lo que importa en su delimitación. Hay que evitar el desencadenamiento inhumano de los medios de destrucción que proporciona el progreso científico. Según Freund, el objeto de la lucha política no es la destrucción del enemigo, sino arrebatarle el poder. También Clausewitz entiende la llamada “batalla de destrucción” como una competición de fuerzas, entre dos ejércitos organizados, lo cual no indica la destrucción de una parte de la humanidad por la otra (Freund, 1968, págs. 746 – 752). En otras palabras Clausewitz no pensaba en una guerra de aniquilación sino que en una guerra limitada, encajada por lo político, una guerra política llevada adelante por otros medios. En resumen, Clausewitz puede ser considerado tanto un pensador estratégico como tanto como político. La evidencia de este hecho nos la brinda el Manifiesto- Confesión de febrero de 1812 recogido por Carl Schmitt (Clausewitz C. V., 1966).De aquí se desprende su interés por la guerrilla española de 1808 – 1813 así como las diferencias de su pensamiento con las del filósofo Fichte. Esta distinción corrobora el carácter político de su pensamiento que se expresa claramente cuando afirma que existe al menos un  tipo de guerra, la absoluta, en la cual hay coincidencia entre el objetivo propiamente militar y la meta política. Es en este momento en el que la guerra puede usurpar  el lugar de la política. Si esto llegara a ocurrir, podríamos afirmar que al menos existe una circunstancia bajo la cual la política es la continuación de la guerra por otros medios.

mercredi, 14 septembre 2011

Piet Tommissen: le Grand Maître des notes en bas de page

Piet Tommissen: le Grand Maître des notes en bas de page

 

Modeste, il brisait les blocages mentaux

 

Hommage au Schmittien flamand Piet Tommissen

 

Par Günter MASCHKE

 

“La rcherche sur Carl Schmitt, c’est moi’”, aurait pu dire Piet Tommisen dès 1952, alors qu’il n’avait que vingt-sept ans. Ce Flamand était à l’époque un étudiant sans moyens, qui étudiait  seul l’économie politique et la sociologie, en autodidacte, alors qu’il avait un boulot banal. Sans cesse, il venait à Plettenberg dans le Sauerland pour rencontrer Carl Schmitt, après des voyages pénibles dans un pays totalement détruit. Et l’étudiant Tommissen posait des questions au Maître: il était très respectueux mais si curieux et si pressant qu’il exagérait parfois dans ses véritables interrogatoires, jusqu’à perdre la plus élémentaire des pitiés! A l’époque, il n’y avait pas de photocopieurs et Tommissen recopiait sur sa petite machine à écrire portable des centaines d’essais ou de documents, tout en pensant à d’autres chercheurs éventuels: il utilisait sans lésiner de gros paquets de papier carbone.

 

Sans Tommissen, la célébrité de Carl Schmitt aurait été plus tardive

 

Certes, Carl Schmitt, grand juriste et politologue allemand, diffamé et réprouvé après 1945, avait quelques autres amis fidèles mais il faut dire aujourd’hui que le travail le plus pénible pour le sortir de son isolement a été effectué par Piet Tommissen. Sans ce briseur de blocus venu de Flandre, la célébrité acquise par Schmitt aurait été bien plus tardive. Tommissen a établi la première bibliographie de Schmitt de bonne ampleur (cf. “Versuch einer Carl Schmitt-Bibliographie”, Academia Moralis, Düsseldorf, 1953); il a écrit une série impressionnante, difficilement quantifiable, de textes substantiels, en allemand, en français, en néerlandais, en espagnol, etc., sur la vie et l’oeuvre du plus récent de nos classiques allemands en sciences politiques; il a découvert et édité les multiples correspondances entre Schmitt, grand épistolier, et d’autres figures, telles Paul Adams, Hugo Fischer, Julien Freund, etc.; enfin, à partir de 1990, il a publié huit volumes de la série “Schmittiana” (chez Duncker & Humblot à Berlin), tous absolument indispensables pour qui veut s’occuper sérieusement de l’oeuvre de Schmitt. Tout véritable connaisseur de Schmitt devra dorénavant acquérir et potasser cette collection.

 

Tommissen était le maître incontesté d’un genre littéraire particulièrement noble: l’art de composer des notes en bas de page. Ses explications, commentaires, indices biographiques et bibliographiques réjouissent le “gourmet”, même après maintes lectures et relectures, et constituent les meilleurs antidotes contre les abominables simplifications qui maculent encore et toujours la littérature publiée sur Schmitt et son oeuvre. Dis-moi qui lit avec zèle les notes de Tommissen et je te dirai quelle est la valeur des efforts qu’il entreprend pour connaître Schmitt!

 

Tommissen était surtout la “boîte à connexions” dans la recherche internationale sur Schmitt ou, si on préfère, la “centrale de distribution”. Presque tout le monde lui demandait des renseignements, des indices matériels, des conseils. Ainsi, il savait tout ce qui se passait dans le monde à propos de Schmitt. Pour ne citer que quelques noms: tout ce à quoi travaillaient Jorge Eugenio Dotti en Argentine, Alain de Benoist en France, Antonio Caracciolo en Italie, Jeronimo Molina en Espagne ou moi-même, auteur de ces lignes nécrologiques, Tommissen le savait et c’est pour cette raison qu’il pouvait susciter de nombreux contacts fructueux. Tous ceux qui connaissent les cercles de la recherche intellectuelle s’étonneront d’apprendre que Tommissen a toujours su résister à la tentation de rationner ses connaissances ou de les monopoliser. Son mot d’ordre était: “Le meilleur de ce que tu peux savoir, tu dois toujours le révéler à tes étudiants!”.

 

Bon nombre d’admirateurs de Tommissen déploraient une chose: notre professeur ne prenait que fort rarement position et ne formulait qu’à contre-coeur des assertions théoriques fondamentales. Cette réticence n’était nullement la faiblesse d’un collectionneur impénitent mais le résultat d’une attitude toute de scrupules, indice d’une grande scientificité. Après une conversation de plusieurs heures avec Tommissen, mon ami Thor von Waldstein était tout à la fois enthousiasmé et perplexe: “Qui aurait cru cela! Cet homme incroyable creuse en profondeur. Il sait tout en la matière!”.

 

Il serait toutefois faux de percevoir Tommissen exclusivement comme un “schmittologue”. Il était aussi un excellent connaisseur des écrits de Vilfredo Pareto et de Georges Sorel, deux “mines d’uranium” comme les aurait définis Carl Schmitt. Il y a donc un mystère: comment un homme aussi paisible et aussi bienveillant que Tommissen ne s’est-il préoccupé que de ces “dinamiteros” intellectuels? Sa thèse de doctorat, qu’il n’a présentée qu’en 1971, et qui s’intitule “De economische epistemologie van Vilfredo Pareto” (Sint Aloysiushandelhogeschool, Bruxelles), lui a permis, après de trop nombreuses années dans le secteur privé, d’amorcer une carrière universitaire. Cette thèse restera à jamais l’un des travaux les plus importants sur le “solitaire de Céligny”, sur celui qui n’avait plus aucune illusion. Quant aux études très fouillées de Tommissen sur Sorel, cette géniale “plaque tournante” de toutes les idéologies révolutionnaires, devraient à l’avenir constituer une lecture obligatoire pour les lecteurs de Sorel, qui se recrutent dans des milieux divers et hétérogènes.

 

L’oeuvre majeure de Tommissen est une histoire des idées économiques

 

La place manque ici pour évoquer en long et en large les recherches de Tommissen sur la pensée politique française des 18ème et 19ème siècles, ses essais sur les avant-gardes surréalistes et dadaïstes en Europe. Pour mesurer l’ampleur de ces recherches-là, il faut consulter la bibliographie composée avec amour par son fils Koenraad Tommissen (“Een buitenissige biblografie”, La Hulpe, Ed. Apsis, 2010).

 

L’exemple le plus patent de l’excellence des travaux de Tommissen en sciences humaines (au sens large) est incontestablement son ouvrage majeur “Economische systemen” (Deurne, 1987). Dans l’espace relativement réduit de 235 pages, Tommissen nous brosse l’histoire des idées économiques de l’antiquité à la Chine post-maoïste, en complétant son texte, une fois de plus, d’innombrables notes de bas de page et d’indices substantiels. Il nous révèle non seulement l’histoire dramatique de l’économie politique à travers les siècles mais nous introduit également à l’étude du substrat politique, culturel et idéologique de “l’homme travaillant” au cours de l’histoire. Un bon livre nous épargne très souvent la lecture de centaines d’autres et nous encourage à en lire mille autres!

 

La personnalité de Piet Tommissen nous révèle aussi que le questionnement, la lecture, la compilation, la pensée, l’écriture ne connaissent jamais de fin, que ce travail est épuisant mais procure aussi énormément de bonheur.

 

“Si tu veux aller à l’infini

Borne-toi donc à arpenter le fini en tous ses recoins”

(“Willst Du ins Unendlichen schreiten,

Geh nur im Endlichen nach allen Seiten”),

nous dit l’Olympien de Francfort-sur-le-Main, de Weimar.

 

Piet Tommissen, né le 20 mars 1925 à Lanklaar dans le Limbourg flamand est décédé à Uccle le 21 août 2011.

 

Günter MASCHKE.

(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°36/2011 – http://www.jungefreiheit.de ).