jeudi, 24 décembre 2020
La fin des rites, la fin de l'homme
La fin des rites, la fin de l'homme
Par Riccardo Paccosi
Ex: https://www.ariannaeditrice.it
Le monde "durable" qui se matérialise sous nos yeux, apporte avec lui la fin des danses, la fin des chants choraux, la fin des cinémas, la fin des théâtres, la fin des concerts de rock.
Mais aussi la fin des fêtes religieuses, la fin des foires agricoles, la fin du tourisme de masse, la fin des rituels sportifs.
Elle s'accompagne également de l'interdiction des enterrements en certains lieux et à certaines périodes, de l'effondrement quantitatif des baptêmes, de la chute exponentielle des mariages, de la diminution des rassemblements familiaux pendant les vacances.
Tout élément rituel, ludique ou artistique-culturel qui pourrait, en somme, servir de lien entre l'individu et la communauté, cesse d'exister, les arts abdiquent leur rôle de célébration collective de la pólis pour s'adapter, sans opposer de résistance, à un destin de jouissance exclusivement individuelle et domestique.
En évoquant la relation entre les arts et la pólis, nous rappelons comment la naissance de l’art découle de cette culmination de la sphère collective que sont les rites.
Sacrificielle, saisonnière, propitiatoire ou apotropaïque, la dimension rituelle a toujours représenté - comme le soutiennent Durkheim, Malinowski, Frazer et bon nombre d’anthropologues - le principe originel et fondateur de la communauté et du contrat social.
Mais le rituel ne réalise pas seulement la reconnaissance de chaque homme individuel par rapport à sa communauté : il réalise aussi, de manière spéculaire, la reconnaissance de l'espèce humaine par rapport à l'univers.
L'existence finie et mortelle de l'homme, en fait, face à la substance infinie de la nature et du cosmos environnant, se trouve dans ce qu'Ernesto De Martino appelle « une crise de présence ». Les rites répondent donc à cette crise et la transmuent en une conscience de la relation, générant ainsi un sentiment et une sensation de connexion entre l'espèce humaine et le cosmos.
Cette conscience d'un univers extérieur et la célébration rituelle et collective de cette prise de conscience ont caractérisé l'espèce humaine depuis bien avant la découverte de la roue.
De ce point de vue, on peut donc dire que la société de la distanciation permanente, en annihilant toute forme de rituel collectif, aliène les humains du sens et du sentiment de leur connexion avec les autres humains et de leur connexion avec la nature et le cosmos environnants.
En conséquence, on peut conclure que la société de la distanciation aliène également l'homme de ce qui le définit comme espèce et de tout ce qui est inscrit dans la catégorie de l'humanité.
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mercredi, 02 décembre 2020
Rome: le rite et le mythe
Rome: le mythe et le rite
par Mario Perniola
Ex: http://www.archiveseroe.eu
Le rite ne se réduit pas à une simple réactualisation du mythe comme la tradition spiritualiste de la Grèce relayée par le christianisme tendrait à le faire penser. La ritualité ne se fonde pas dans tous les cas sur un mythe d'origine. Le geste n'est pas toujours subordonné au mot, ni la pratique à la croyance, ni l'extériorité à l'intériorité. Mario Perniola, en un texte très documenté d'histoire et de linguistique latine, montre de manière convaincante que la caerimonia n'est pas carimonia. Il faut éviter de penser la cérémonie comme formalisme ou pure extériorité : « extériorité et cérémonie, rite sans mythe et sans foi, ne se trouvent pas au terme du processus historique [mais] se trouvent à l'origine de la romanité »
Le sociologue Claude Rivière remarque à propos de ce texte : « Comme des dieux nul ne sait rien que ce que les mythes leur attribuent, c'est-à-dire que le sacré n'a que le sens qu'on lui suppose à partir de son extériorité, leur véritable existence n'est pour nous que ce qui se manifeste dans l'objectivité de la caerimonia, dans la hiérophanie des liturgies. Les enseignes militaires des armées de César réunies en faisceau objectivent le serment d'alliance, et le symbole détient un pouvoir sacré. L'extériorité du rite correspond à l'extériorité du sacré, non pas actualisation d'un système mais existence objective d'une force immanente à l'histoire.
Certes la référence étymologique n'efface en rien la conception chrétienne, mais au moins montre-t-elle qu'un sens peut être donné à l'extériorité du rite, que les rites et symboles ont le sens que leur attribuent les hommes, fabricants de mythes et d'idéologies, qu'il n'y a pas de précession nécessaire d'un signifié, mais une possibilité de création simultanée du signifié et du signifiant, que l'extériorité du répétitif dans la vie sociale, doublant l'intériorité d'un vécu, énonce en langage gestuel, postural ou verbal la même chose que le mythe comme récit à décrypter, ou que l'idéologie en termes abstraits » (Les liturgies politiques, Puf, 1988).
[Ci-dessus : Equirria, cérémonie en l'honneur du dieu Mars où des chevaux étaient purifiés et sacralisés avant de partir en guerre]
***
Le rite et le mythe
Si le mythe a constitué l’un des plus importants paradigmes culturels de la civilisation moderne, il semblerait que le modèle de l’organisation de la culture dans la société post-moderne soit plutôt le rite : le récit mythique — avec son idéalisation, ses implications émotives, sa référence à une dimension archétypique de l’existence — fait place à la performance, à une action qui réunit en elle-même les caractères de l’exécution et de l’exhibition, qui est désenchantée et répétitive, technique et stratégique, qui présente donc des similitudes substantielles avec le rite.
“Caerimonia” comme “carimonia”
Or, tandis que la société post-moderne perçoit la différence entre monde mythique et monde rituel comme étant le conflit entre une conception dorée et passionnée de la vie et une conception froidement opérante et effective de l’action, l’anthropologie, la sociologie et la philosophie contemporaines ignorent le plus souvent cette opposition ; considérant le rite comme une simple actualisation du mythe, ces disciplines nient à la répétition rituelle toute signification et tout intérêt qui lui soient spécifiques. Dans cette méconnaissance de la spécificité de la ritualité, on retrouve à l’oeuvre le préjugé spiritualiste de la tradition hellénico-chrétienne : on est prêt à reconnaître à l’action un sens et une valeur, mais à l’unique condition qu’elle soit subordonnée à la parole et à la foi. Une action répétitive qui ne trouve pas son fondement et sa justification dans un récit généalogique et dans une croyance individuelle ou collective, religieuse ou sociale, n’est pas considérée (des néo-platoniciens à Diderot, de saint Augustin à Lévi-Strauss) comme un véritable rituel, mais comme une simple cérémonie, c’est-à-dire comme un comportement que l’on jugera systématiquement vide de sens, stéréotypé, inutile, idolâtre, pathologique, désespéré ; au mieux, il fera l’objet d’une appréciation esthétique. Pas plus que les autres sciences humaines, la psychanalyse n’a soustrait la cérémonie à cette condamnation millénaire : en la mettant en relation avec le comportement des sujets atteints de névroses obsessionnelles, elle a même renforcé ce jugement.
Le véritable scandale de la pensée occidentale, ce n’est pas le mythe, c’est la cérémonie : en premier lieu, en effet, les concepts de muthos et de logos ne sont pas dans la culture grecque aussi opposés que le laisse supposer la formulation sophistico-platonicienne du problème, puisqu’ils sont parfois utilisés comme synonymes ; en second lieu, l’étude scientifique des mythes se développe aujourd’hui en même temps que le mythe de la science, si bien que mythe et science, pensée sauvage et pensée rationnelle, s’avèrent beaucoup plus proches que l’irrationalisme romantique ou le rationalisme positiviste ne veulent bien l’admettre ; enfin, même sur le plan socio-politique, la formation du consensus par le biais d’un appel aux convictions rationnelles des individus, apparaît dans la civilisation politique ouverte par le Siècle des Lumières et par la Révolution française, inséparable de la diffusion de mythes politiques de masse. Tous ces éléments nous incitent à considérer la prétendue pensée rationnelle comme étant davantage la continuation et le travestissement de la pensée mythique que son alternative radicale. Du reste, l’une et l’autre se fondent sur la subordination des gestes aux mots, des pratiques aux croyances, cette subordination étant elle-même fondée sur le primat de l’intériorité.
Le déclin de la civilisation des XVIIIe et XIXe siècles, qui a été essentiellement mytho-logique, se manifeste dans le triomphe du spectacle et de l’apparence, dans l’exhibition obscène de tout ce qui était caché, voilé, secret, dans l’épanouissement de la simulation idéologique et culturelle qui, insensible aux contradictions et aux incompatibilités, rend interchangeables toutes les théories. Cependant, à considérer la société contemporaine comme une simple société du spectacle et de la simulation hyperréelle — et peu importe que ce soit de façon critique ou apologétique —, on ne voit pas l’ampleur et la profondeur du saut historique devant lequel nous nous trouvons ; en effet, ces caractères sont encore étroitement dépendants de la tradition spiritualiste occidentale, qui pense l’extériorité et la cérémonie comme formalisme, surface et sclérose, et qui ne voit en l’une et en l’autre qu’un manque de profondeur, de substance intérieure et de vie. Ainsi, on réduit la caerimonia à une carimonia (de careo, être privé de, sentir le manque de), suivant une étymologie erronée qui date de l’Antiquité, et qui faisait référence à l’offrande sacrificielle faite aux dieux par les hommes : en réalité, le manque que la métaphysique occidentale reproche à la cérémonie, ce manque concerne le mythe et la foi. Une offrande sacrificielle qui n’est pas motivée par une dévotion intime et spirituelle, et qui, en outre, est adressée à des divinités dont on ne sait rien, cela constitue une folie incompréhensible.
La cérémonie des dieux
Pourtant, cette folie constitue la base même de la religion et de la mentalité des anciens Romains. Le plus surprenant, c’est que dans la Rome antique, extériorité et cérémonie, rite sans mythe et sans foi, ne se trouvent pas au terme du processus historique, ne sont pas l’expression de la décadence et de l’essoufflement d’une religion qui aurait perdu tout rapport avec l’expérience vécue dont elle est née ; bien au contraire, ces caractéristiques se trouvent à l’origine de la romanité, elles constituent l’intuition centrale sur laquelle se fonde la conception romaine du divin, de l’humain et du temps.
En partant de quelques textes d’écrivains de l’Antiquité, Karl-Heinz Roloff, l’auteur de l’étude la plus vaste et la plus exhaustive sur le mot et sur le concept latin de caerimonia (1), montre que parallèlement et antérieurement au sens d’action et de comportement rituels, le terme désigne l’être même du divin, l’objet de la religion, c’est-à-dire ce qu’on peut traduire très approximativement par le mot “Sacralité” (Heiligkeit). Que cérémonie veuille dire beaucoup plus que sainteté, cela paraît prouvé par un texte de Suétone, qui oppose la sanctitas des rois à la caerimonia des dieux, ce terme indiquant que le mode d’existence des dieux est infiniment supérieur à celui des souverains. Ce n’est donc pas à un manque que le mot fait référence, mais, bien au contraire, à la dimension ontologique du sacré ; cela explique que le terme ne soit utilisé dans cette acception qu’au singulier et que, plus tard, des grammairiens l’aient pris pour un nom pluriel. Quand Cicéron parle d’une caerimonia legationis, quand Tacite parle d’une caerimonia loci, ils pensent davantage à l’être de la chose elle-même qu’à l’attitude ou au sentiment humain envers celle-ci. Enfin, lorsque César raconte le complot ourdi contre lui par les Carnutes et par d’autres peuples de la Gaule (dans le De Bello Gallica, VII, 2), il nous dit qu’ils renoncèrent à échanger des otages, afin de ne pas dévoiler leur alliance, mais qu’ils demandèrent que toutes les enseignes militaires soient réunies en faisceau, et que tous fassent le serment de ne pas se séparer des autres lorsque la guerre aurait commencé : un tel acte est défini par César comme une gravissima caerimonia, car les enseignes ainsi réunies acquièrent un pouvoir sacro-saint, objectif, indépendant de la croyance des hommes, et qui remplace très efficacement l’échange d’otages.
S’il convient donc de parler d’une cérémonialité de l’être, celle-ci ne peut être entendue au sens de festivité (Feierlichkeit), de cette contemplation joyeuse que Kerényi attribuait à la religion grecque (2), envisagée dans son rapport direct à la vision, à la manifestation, à la splendide apparition du phénomène. Dans le texte de César, on ne trouve aucune allusion à une manifestation du divin : toute l’attention des Carnutes est concentrée sur l’action qu’ils s’apprêtent à entreprendre et sur la nécessité de fonder cette action historique, pleine de. risques et d’inconnues, sur l’obéissance à la gravissima caerimonia des enseignes réunies en faisceau ; cette cérémonie n’est pas une fête organisée à l’occasion de l’alliance, elle est la garantie objective, extrêmement sérieuse et astreignante, de cette même alliance.
La cérémonialité de l’être ne peut pas davantage être comprise comme spectacularité du divin. Les ludi scaenici sont étrangers à la religion romaine archaïque, à laquelle renvoie le mot utilisé par César (3). La caractéristique essentielle de la religion romaine, c’est l’extraordinaire imprécision de l’aspect des divinités, dont on ignore parfois jusqu’au sexe : les dieux romains sont si abstraits et désincarnés qu’ils se réduisent très souvent à un simple nom. Le Panthéon romain a été très justement comparé par Dumézil à un monde d’ombres presque immobiles, à une foule crépusculaire à l’intérieur de laquelle il est difficile de repérer un contour précis (4). Bien qu’il parle des Gaulois, il va de soi que César leur attribue en cette occasion une façon de penser typiquement romaine.
Enfin, dans son acception la plus profonde, caerimonia deorum ne désigne ni le culte qui appartient aux dieux, ni le culte qui leur est dû, mais plutôt l’extériorité du mode d’existence du divin. Ici, la réflexion sur la religion romaine rencontre la théorie moderne du sacré conçu comme complètement autre, comme différence, comme refus radical de toute conception anthropomorphique du divin. Cette convergence d’une théorie du sacré qui plonge ses racines dans le monothéisme juif, et du paganisme romain (tenu par Hegel pour une des formes les plus blâmables de la superstition), une telle convergence ne laisse pas de surprendre. Pourtant, malgré la distance qui sépare Yahvé de la cérémonie romaine du divin, la convergence objective de l’iconoclastie hébraïque et de l’aniconisme de la religion romaine des origines (selon la tradition, celle-ci ne connut pas d’images sacrées pendant les premiers cent soixante-dix ans de son histoire), cette convergence nous laisse perplexe. Quoi qu’il en soit, l’essentiel est de comprendre que l’extériorité de l’être est tout le contraire d’un mode d’existence purement spectaculaire.
La cérémonie des hommes
La signification subjective de la cérémonie (entendue comme opération et comportement rituels) est tout aussi importante que la signification objective attribuée aux “choses elles-mêmes”. Cette seconde acception du terme, qui est la plus répandue et la plus usuelle, est toutefois étroitement liée à la première : par exemple, dans la cérémonie racontée par César, il n’y aurait eu aucune sacralité objective si l’action de réunir toutes les enseignes militaires (action orientée vers un but bien précis) n’avait pas été accomplie. « À cet égard, l’action est elle-même sacralité : sans elle, il n’y aurait pas de sacré, mais d’autre part, le sacré ne tient qu’à l’assemblage des signa » (5).
Ainsi, l’extériorité n’est pas seulement l’aspect fondamental de l’être divin, mais aussi — et au même titre — le caractère essentiel du rite religieux, lequel n’a nullement besoin de fonder sa validité sur une croyance, une foi, une expérience intérieure. Ici apparaît clairement la distance qui sépare la religion romaine et la théologie de la différence, d’origine judaïque ou chrétienne : dans la première, l’extériorité du rite correspond à l’extériorité du sacré ; dans la seconde, au contraire, l’intériorité du culte fait pendant à l’extériorité de Dieu (6). Cela ne signifie pas que la cérémonie romaine brise — comme dit Hegel — le cœur du monde, rompe l’individualité de tous les esprits, étouffe toute vitalité (7), c’est-à-dire qu’elle soit liée à une totale insensibilité émotionnelle et spirituelle. Dans la cérémonie romaine, le rapport entre extérieur et intérieur est inversé : ce n’est pas l’intériorité qui fonde et justifie le culte, comme dans le judaïsme et dans le christianisme, c’est la cérémonie — c’est-à-dire la répétition extrêmement précise et scrupuleuse d’actes rituels — qui ouvre la voie à un type de sensibilité non sentimentale, mais pas moins articulée et complexe pour autant. Dans le récit de César, la cérémonie fait naître chez les conjurés une solidarité plus sûre que celle qui eût été garantie par l’échange d’otages. Le caractère de cette solidarité n’est pas exclusivement religieux, il est également juridique et politique.
On ne peut pleinement saisir la signification romaine du mot cérémonie si l’on fait abstraction de cette dimension juridico-politique ; cependant, celle-ci ne doit pas être entendue au sens de lex, c’est-à-dire d’acte volontairement contraignant, mais au sens de jus, c’est-à-dire de rite à caractère rigoureusement technique, de procédure dans laquelle le magistrat et les parties ont des rôles rigoureusement déterminés par la tradition. Cela signifie que le caractère obligatoire de la cérémonie ne dépendait pas de l’adhésion des participants à ses contenus, mais de la capacité des magistrats à rattacher le cas particulier à la forme générale et abstraite du rite.
Le jus est précisément un ars, un ars qui in sola prudentium interpretatione consistit : si on garde à l’esprit que ars et ritus dérivent de la même racine ar- qui désigne l’ordre (8), la répétition cérémonielle s’impose comme un des points cardinaux de la pensée romaine.
Le comportement cérémoniel se détermine donc par rapport à deux termes qui sont l’un et l’autre objectifs et extérieurs : la situation spécifique et la forme rituelle. La prudentia, c’est, précisément, la capacité de les harmoniser. D’un côté, l’obéissance à l’occasion, à la donnée particulière, à l’opportunité, ne se réduit pas à un pur opportunisme, car elle s’accomplit en référence à un cadre, à un schéma général hérité du passé ; de l’autre, l’obéissance à la tradition n’est pas pure sclérose, car elle vise à la solution d’un problème, d’un problème concret.
Cette harmonie entre opportunité et forme constitue l’un des principaux thèmes de l’important ouvrage que Jhering, au siècle dernier, consacra à l’esprit du droit romain (9), qu’il définit comme étant « le système de l’égoïsme discipliné ». L’instinct pratique des Romains, observe Jehring, avait permis l’établissement de règles et d’institutions si élastiques qu’elles s’adaptaient toujours aux besoins du moment, bien qu’elles fussent scrupuleusement observées.
Appliqué au monde romain, le concept d’extériorité ne veut pas dire, comme dans l’optique judéo-chrétienne, transcendance d’une loi qui s’impose inconditionnellement à l’intériorité humaine ; la cérémonie n’est pas l’exécution d’un devoir-être éternel et immuable, ni l’actualisation d’un mystère méta-historique : les termes sur lesquels elle se fonde sont tous objectifs, mais immanents à l’histoire. Chez les Romains, le sacré ne présente aucun caractère panthéiste ou mystique : il existe essentiellement, nous dit Roloff, dans le cas particulier, dans l’évènement particulier, ce qui est parfaitement conforme au caractère “casuistique” du mode de penser romain (10).
Cérémonie du temps
La cérémonie est aux antipodes du spectacle, de la mise en scène : elle apparaît comme étant la condition de toute production, de toute action, de toute histoire. C’est particulièrement évident dans la conception romaine du temps, qui diffère autant de l’éternel retour des sociétés primitives, avec son cycle de morts et de renaissances rituelles, que de l’histoire linéaire du judaïsme, avec son espérance messianique d’un rachat final. À Rome, la cérémonialité du temps, c’est le calendrier, une structure formelle de jours, de mois, de fêtes, qui revient toujours mais qui n’entrave pas l’activité historique des hommes ; bien au contraire, le calendrier fournit l’indispensable point de référence qui permet de situer chronologiquement toute action particulière.
Le temps cyclique des sociétés primitives, qui n’attribue d’importance qu’à la réactualisation de l’archétype mythique originel, et le temps linéaire du judaïsme, qui considère les entreprises d’Israël comme étant celles de Dieu lui-même, sont tous deux, sous des aspects bien différents, des temps mythologiques, c’est-à-dire des temps dans lesquels il existe un lien indestructible entre la dimension chronologique et son contenu : c’est ce lien, précisément, qui fonde la sacralité de ces expériences du temps. Le calendrier romain, au contraire, fonde un temps démythifié, mais non pour autant désacralisé ou insignifiant : il fournit un cadre, une grille de référence, un tissu dont les éléments sont sacrés, mais il ne dit pas a priori ce que ces éléments doivent contenir, et il ne transforme pas a posteriori leur contenu en histoire sacrée. La structure cérémonielle du calendrier romain se pose comme condition d’histoire : elle commence par laisser indéterminé le caractère concret de l’événement ; puis, quand celui-ci s’est produit, elle n’annule pas sa spécificité en l’insérant dans un processus dont la signification ultime est la rédemption finale, mais elle se soucie de la conserver en en faisant un précédent.
Selon une hypothèse suggestive, les douze mois de l’année doivent être mis en relation avec les douze boucliers réalisés par le forgeron Mamurius Veturius (le premier artisan qui soit mentionné dans l’histoire de Rome), pour le compte de Numa Pompilius. Qui plus est, Mamurius aurait été la représentation symbolique de l’année écoulée (11) ; en effet, le 14 ou le 15 mars (dans le calendrier romain, l’année se terminait à la fin du mois de février), les Romains accomplissaient un rituel connu sous le nom de Mamuralia : la foule portait en procession un homme couvert de peaux de bêtes, puis elle le frappait avec de longues baguettes blanches en l’appelant Mamurius. Ce rituel aurait également inspiré une expression populaire : suivant des sources grecques, lorsqu’on voulait faire allusion à quelqu’un qui avait reçu une bonne volée, on disait qu’il avait “joué les Mamurius” (tàn Mamourion paizein).
La figure de Mamurius serait donc liée à la fois à l’abolition de l’année écoulée (à travers les Mamuralia) et à la fondation de l’année nouvelle (suivant le récit qui le représente comme forgeron au service de Numa). En arguant du lien existant dans l’histoire des religions entre les initiations et les forgerons, en rappelant que les Mamuralia précédaient immédiatement les Liberalia (ces fêtes du 17 mars où les jeunes Romains revêtaient la toge virile), une interprétation particulièrement ingénieuse voit dans le dossier fort complexe de Mamurius rien de moins que ce rite d’initiation à l’âge d’homme, typique des sociétés primitives, que l’on tenait jusqu’à aujourd’hui pour étranger à la religion romaine archaïque (12).
Si l’on nous demande à quels contenus, à quels idéaux, à quels modèles de vie, Mamurius initiait, la réponse est simple : Mamurius initiait à la cérémonialité du temps, au calendrier, au rite démythifié. Cela signifie que dans le monde romain, la mort simulée n’est pas suivie d’une vraie renaissance, d’une vraie vie (comme dans les rites de passage des sociétés primitives), mais d’une vie artificielle, juridique, cérémonielle, rythmée par le calendrier, qui fait abstraction de tout prototype et de tout temps intérieur, qui est depuis toujours répétitive et extériorisée, et dans laquelle mort et renaissance rituelles coïncident (13).
C’est maintenant qu’on peut comprendre, peut-être, le sens le plus profond du mot ludus, qui n’est pas seulement synonyme de rite, qui ne veut pas dire seulement simulation, qui n’est pas utilisé uniquement par rapport au jeu sexuel et à la séduction, mais qui signifie également école, apprentissage, instruction. Désormais, en effet, on n’a rien à enseigner, on n’a rien à apprendre, sinon les procédures, les cérémonies, les mouvements rotatoires à l’intérieur desquels l’occasion, la particularité la plus empirique, la situation la plus spécifique, doivent être “jouées”. Il est inutile de se dérober au “jeu de Mamurius” : l’essentiel est de vaincre en dépit des coups de bâton. L’enseignement du forgeron Mamurius apparaît donc opposé à celui des autres “maîtres du feu” de l’aire indo-européenne : pas le wut, la fureur religieuse, la colère qui terrorise les ennemis, mais, tout au contraire, le calme, l’indifférence, le mimétisme, en un mot : la cérémonie.
► Mario Perniola, Traverses n°21-22, 1981. [Traduit de l’italien par Thierry Séchan]
Notes :
1. K.-H. Roloff, « Caerimonia », in : Glotta, Zeitschrift für griechische und lateinische Sprache, Band XXXII, 1953, p. 101-138.
2. C. Kerényi, La Religion antique, 1957.
3. G. Piccaluga, Elementi spettacolari nei rituali festivi romani, Roma, 1965, p. 64.
4. G. Dumézil, La Religion romaine archaïque, Paris, 1974, p. 50.
5. K.-H. Roloff, op. cit., p. 111.
6. À ce sujet, cf. les thèses d’Emmanuel Levinas, in : Totalité et infini, Essai sur l’extériorité, La Haye, 1961, en ce qui concerne le judaïsme. Pour le christianisme, cf. les considérations de R. Otto, in : Le Sacré, 1929.
7. GWF Hegel, Leçons sur la philosophie de l'histoire, III.
8. E. Benveniste, Le Vocabulaire des institutions indo-européennes, 1968, t. II.
9. R. von Jehring, Geist des romischen Rechts auf den verschieden Stufen seiner Entwicklung, Leipzig, 1854-1865.
10. K.-H. Roloff, op. cit., p. 121.
11. J. Loicq, « Mamurius Veturius et l’ancienne représentation de l’année », in : Hommages à Jean Bayet, Paris, 1964, pp. 401- 425.
12. A. Illuminati, « Mamurius Veterius », in : Studi e materiali di storia delle religioni, a. XXXII, 1961, pp. 41-80.
13. M. Perniola, « Mort et naissance dans la pensée rituelle », in : Archivio di Filosofia, 1981.
♦ nota bene : dans un entretien postérieur à cet article, l'auteur précisait : « (...) j’ai orienté mes lectures vers l’étude de l’Empire romain, en particulier les techniques juridiques et administratives qui ont permis aux Romains de surmonter les guerres intestines. La notion-clé sur laquelle a porté mon attention a été celle de rituel sans mythe, qui est aux origines de la religion et de la jurisprudence romaine. L’issue de cet effort a été le volume Ritual Thinking. Sexuality, Death, World (2000). Mon travail a rencontré les tendances les plus récentes de l’anthropologie américaine, qui excluent l’existence des mythes fondateurs des rituels. Dans ce cas, le lien social est garanti uniquement par l’exécution d’une série de schèmes de comportement prédéterminés qui sont tout à fait indépendants de l’adhésion subjective à des croyances, doctrines, fois ou à l’émergence d’affects, d’émotions ou de sentiments. Cela se réalise à travers une épochè : cette expérience d’origine cynique-stoïque a ensuite été reprise par la phénoménologie de Husserl, qui en a fait la condition de toute connaissance rigoureuse. » (Rue Descartes n°4/2015).
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samedi, 13 décembre 2014
Rites païens du berceau à la tombe
Sortie aux Editions de la Fôret du premier tome d’une série de trois consacrée aux rites païens du berceau à la tombe.
Ce premier tome aborde les thèmes de la naissance et de l’enfance. Nombre de jeunes couples et parents identitaires pourront se reporter à ce livre, véritable bréviaire en la matière.
Prix: 16€ + frais de ports (2,10 € France uniquement et 4,15 € Europe)
Terre et Peuple - BP 38 - 04300 Forcalquier
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vendredi, 28 février 2014
Esquilino in maschera!
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mardi, 13 août 2013
The Importance of Ritual
The Importance of Ritual
By Gregory Hood
Ex: http://www.counter-currents.com/
The culture comes from the cult, and without the cult, we’re just kidding ourselves.
Radical Traditionalists are excellent critics. They can analyze the collapse of a civilization. They can pinpoint the mistaken premises that have led to the wasteland of modernity. They can discover in the most minute expressions of pop culture or contemporary vocabulary the egalitarian rot that is poisoning even the most petty social interaction.
Yet criticism is only a means. The objective is not just to bemoan the Kali Yuga but to restore – or failing that, create – an organic society that can facilitate the upward development of the race [2]. This requires something beyond intellect, criticism, and reason. It requires laying the foundation of a new order of society which can encompass all those necessary to make it function. This means weaving a tapestry of meaning and experience that can enmesh the worker with the philosopher and overcome differences of class, education, and wealth with a shared cultural context. This means religion. To put it more precisely, this means a cult.
Neo-paganism today is largely an intellectual exercise, what Collin Cleary has called [3] “paganism without gods.” Arguably this has been true since the days of Julian the Apostate, when the emperor vainly tried to resurrect the ancient gods through polemics, crackdowns on Christianity, and animal sacrifice. Even in the late Roman Empire, paganism was an aesthetic choice, a sign of cultural rebellion against Christianity, rather than a vital “faith” that had the power of literal belief behind it. Despite the scathing contempt of a Galen [4] or the slashing criticism of the Emperor Julian, Christianity would ultimately subsume the Roman Empire and the last pagan to wear the purple would mournfully cry, “You have won, Galilean.”
The contemporary heathen lives in a world of disbelief and is himself a product of that disbelief, most likely having rebelled against the Christianity of his fathers and grandfathers. Reason, irony, and iconoclasm are the hallmarks of the age and this manifests itself in the tepid spiritual practice of contemporary paganism. For contemporary pagans, their new age “faith” is simply an attempt to rebel against the “restrictions” of Christianity without challenging any of its deeper moral suppositions. Feminist Wiccans, universalist “heathens,” and Renaissance Faire Vikings litter the American landscape, and these supposed rebels align themselves even more firmly with the egalitarian Zeitgeist than the most committed evangelical. One has to ask the universalists [5] and the practitioners of “Wiccatru” – why not just become Unitarians?
“Reconstructionist” heathens present their own challenges, poring over incomplete pagan texts most likely saved by Christian authors and arguing like Byzantine clerics over what are the “correct” interpretations and practices. Like Civil War re-enactors insisting on using historically accurate buttons, this is simply a flight into fancy, interesting and entertaining but without real importance. Learning abut the past is always a worthy effort, but the attempt to escape into a bygone era is an admission of impotence. Dressing in medieval garb or affecting archaic speech is less a rejection of modernity than a surrender to it. The luxury of escapism is a product of affluence and leisure, not a consistent effort to Revolt Against the Modern World [6].
If being a heathen is to stand for anything, it has to offer an authentic spiritual experience and cultural framework that is meaningful within the modern world. In the same way that a Christian church can offer something to both the humble parishioner and the sophisticated theologian, Ásatrú has to forge bonds of spiritual community regardless of a person’s intellectualism and chosen level of involvement. More to the point, in order to avoid the embarrassing debacles of Christian apologists defending [7] such things as young earth creationism, heathen “theology,” for lack of a better word, has to be open to correct understandings of science and the nature of existence.
It begins with, as Collin Cleary suggests, simply premising that the gods exist and that we have in some sense lost our “openness” to them. However, in a deeper sense, to be a heathen in the modern world is to live out the mythology. To the authentic pagan, every social interaction, sexual relationship, meal, creation, struggle, or accomplishment is fraught with meaning, and open to ritual and magic. Instead of simply premising that the gods exist or that there is a divine sphere, the heathen and magical practitioner must regard himself as a character in his own saga, capable of tapping into the power of the gods through study and discipline combined with ecstatic experience.
Such a revolution in thinking is not easy and therefore it must begin with something even Christians regard as otherworldly – ritual. In the High Church tradition of Traditional Catholics or the Orthodox, the Mass is an attempt to bring heaven to Earth, to literally transport the consciousness of the individual to another world. In Germanic paganism, we quite literally seek to bring the gods to ourselves, either as present during a ritual or as a kind of possession within us. This requires a physical and mental separation from the workaday world, accomplished through the archetypal heathen practice of “hallowing.”
Though the specifics differ from group to group, the gothi will carve out a space separate from the rest of the world through the power of Mjölnir [8] (Thor’s hammer), Gungnir [9] (Odin’s spear), or some other instrument. This represents a psychological break with the mundane, as within the vé [10] (or sacred enclosure), it is accepted that reality itself has changed. As one practitioner put it, “Outside the vé, I am an atheist, inside the vé I am a religious fanatic.” Through changes in physical appearance, ritualistic chanting, music, and other practices, consciousness itself is changed, as the holy is separated from the mundane. The demarcation between the sacred and the profane is arguably at the root of all cultural identity, and the very definition of what separates one people from another.
Some could sneer that this is simply a pointless “light” show to “trick” the brain into seeing what is not there. If this is true, so too is the design of the Hagia Sophia (an earthly attempt to imitate heaven), or the use of incense during mass, or even the communal singing and chanting of just about any church service. However, in a greater sense, the ritual is the “lowest” attempt to transform consciousness above the mundane. As the modern world has removed the sacred (indeed, is characterized by the removal of the sacred), beginning practitioners must use extreme methods to “shock” their consciousness into openness to the divine.
This does not mean throwing on a wolf skin and running around screaming will lead to a person meeting the Allfather in the woods one day. However, if done properly, ritual and magic introduces the necessary openness to spiritual experience that begins a transformative process. The point is not simply to perform a ritual once in a while and enjoy fellowship with those of like mind, although this in and of itself is healthy. The point is to understand that the gods, the lore, the runes, and the process of spiritual transformation can be applied to oneself and one’s folk through a kind of psychological programming.
In normal time, one does not have to take a position on whether the gods are literally real or merely cultural archetypes. Instead, whether the gods are real or not, ritual begins a process of mental transformation that works on a continuous basis. This is best described by Aleister Crowley’s [11] view of magic – “the methods of science, the aim of religion.”
In the Hávamál (the words of the High One), we are told how Odin grasped the secret of the runes.
I ween that I hung on the windy tree,
Hung there for nights full nine;
With the spear I was wounded, and offered I was
To Othin, myself to myself,
On the tree that none may ever know
What root beneath it runs
None made me happy with loaf or horn,
And there below I looked;
I took up the runes, shrieking I took them,
And forthwith back I fell.
The Allfather grasps the runes in a moment of ecstasy, but before this moment there is a long period of deprivation, suffering, and discipline. The nine days pinned to Yggdrasil suggests an entry into an alternate form of consciousness, a higher state of awareness similar to that claimed by Christian saints who practiced fasting or sexual abstinence. The acquisition of supreme wisdom comes from the sacrifice of “oneself to oneself,” regulated through ritual, prepared by conscious study, enabled by ecstatic experience.
A talented musician or gifted general may benefit from a blinding insight at a critical moment, but this kind of divine “Odinic” inspiration doesn’t just show up randomly. It is the product of a lifetime of conscious study, united with the unconscious forces within the human mind that seem beyond deliberate control. Anyone can feel the “Muse” – but for the insight to be worthwhile, the ground must first be prepared.
Excellence, said Aristotle (another great pagan) is a habit. We are what we repeatedly do. In pagan societies, ritual is a way of elevating mundane conduct to a higher level of meaning and regulating our baser impulses to give way to a more elevated sensibility. In feudal Japan, for example, the samurai [12] pursued both combat and artistic expression (through such means as the “tea ceremony [13]”) towards the aim of perfection in everything they did. For the heathen, occasional ritual should be the beginning of a process of transformation that eventually informs every action he takes.
Nietzsche called for the Übermensch to live his entire life as a work of art. Total mastery for the heathen would mean turning one’s entire life into a ritual, a Great Work that would transform both his own nature and the world around him through a kind of spiritual alchemy. In the Traditionalist understanding of history, there was a Golden Age when men were one with the gods and their purity of blood, mind, and spirit allowed to them to work wonders and reach depths of understanding denied to the denizens of the Kali Yuga. Ritual, correct practice, discipline, and Odinic frenzy allow the heathen to enable the process of transformation to once again reach for that Golden Age. As it says in the Hávamál,
Knowest how one shall write, knowest how one shall rede?
Knowest how one shall tint, knowest how one makes trial?
Knowest how one shall ask, knowest how one shall offer?
Knowest how one shall send, knowest how one shall sacrifice?
The modern man is at war with nature, at war with his fellows, at war with himself. The heathen seeks to align his spirit with that of the cycles of nature, discover frith [14] with his kinsfolk through organic community, and master himself so he is no longer a slave to his baser impulses. While Christianity suppresses the Will, heathenism glories in it, provided that it can be controlled and understood. To be a heathen is not just to be “open” to the gods, but to pursue the god within. Once properly understood, the heathen carves out in his blood his own Vinlandic Saga each and every day, and even the most mundane activities become a kind of elevating practice.
This requires real experience – real, authentic practice either as a solitary apprentice or, preferably, as part of a kindred or tribe. To rebuild organic culture means creating a shared experience as a community. Heathenism can not be limited to books – or, worse – to the internet. It is to be lived through blood and sweat, the frenzy of inspiration, the toil of shared physical activity, the comradeship and community of shared practice.
Though our sources for “reconstructing how our ancestors did it” are limited, that is relatively unimportant. What is important is taking what we know and embarking on a sincere quest to understand the ancient mysteries, and in so doing, restore our link with Primordial Tradition. The metapolitics, metaphysics, and moral principles of Ásatrú must be explained and defended through every medium possible, but in the end, tens of thousands of words do not carry the power of one authentic “Odinic” experience.
Authentic ritual also allows us to build real community on a level that does not need to be rationally explained. People join groups for one of three reasons – ideological, material, and social. The weakness of abstract, purely “ideological” groups prone to infighting and division is self-evident here. In material terms, a real “kindred” or “tribe” can develop the ability to support its own members through labor, financial aid, and job connections, particularly among working class whites that are cast out on their own by society. However, most importantly, communal ritual, communal symbolism, and communal gatherings “create” a people, and give them their own definition of “good” and “evil,” as described in Thus Spake Zarathustra. It is not whites as they are that we defend, but whites as they could become, and that process of transformation and folk creation has to begin with the establishment of the sacred.
Christianity asks us to rationally believe the unbelievable. Heathens should not compete in apologetics, or take refuge in abstraction. It remains for them to write their own saga by living out the mythology in the modern world. It is not a question of “believing” in Odin, but walking his path, and in so doing, becoming one with the gods. In the end, Ásatrú isn’t something you believe. It’s something you live. It’s not just a tradition “for” a folk. It’s a practice that can create one.
Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com
URL to article: http://www.counter-currents.com/2013/08/the-importance-of-ritual/
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[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2013/08/odin745.jpg
[2] upward development of the race: http://www.counter-currents.com/2013/05/race-the-first-principle/
[3] called: http://www.counter-currents.com/2011/06/introduction-to-summoning-the-gods/
[4] Galen: http://www.tertullian.org/rpearse/galen_on_jews_and_christians.htm
[5] One has to ask the universalists: http://www.counter-currents.com/2012/10/asatru-and-the-political/
[6] Revolt Against the Modern World: http://www.amazon.com/gp/product/089281506X/ref=as_li_ss_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=089281506X&linkCode=as2&tag=countercurren-20
[7] defending: http://www.counter-currents.com/2012/04/the-de-germanization-of-late-american-christianity/
[8] Mjölnir: http://en.wikipedia.org/wiki/Mj%C3%B6lnir
[9] Gungnir: http://en.wikipedia.org/wiki/Gungnir
[10] vé: http://en.wikipedia.org/wiki/V%C3%A9_(shrine)
[11] Aleister Crowley’s: http://www.arktos.com/crowley-thoughts-perspectives.html
[12] samurai: http://www.counter-currents.com/2012/05/the-last-samurai/
[13] tea ceremony: http://en.wikipedia.org/wiki/Japanese_tea_ceremony
[14] frith: http://en.wikipedia.org/wiki/Frith
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