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mardi, 26 août 2025

L'importance de la rencontre Poutine/Trump en Alaska

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L'importance de la rencontre Poutine/Trump en Alaska

Alex Krainer

Le vendredi 15 août, Donald Trump et Vladimir Poutine se sont rencontré en Alaska. Le choix de ce lieu a envoyé un message très encourageant au monde entier.

Source: https://alexkrainer.substack.com/p/the-significance-of-alaska

Mise à jour [12 août 2025] : J'ai établi la chronologie du projet visant à relier les États-Unis et la Russie à travers le détroit de Béring à partir du Substack de Matthew Ehret (lien ci-dessous), mais j'ai omis de mentionner l'économiste visionnaire et candidat à la présidence Lyndon LaRouche, qui a conceptualisé le projet dès les années 1980 et « fait du programme du détroit de Béring le centre de sa stratégie internationale » dès 1993. Pour en savoir plus, cliquez sur ce lien: https://x.com/CHahnT/status/1955161957297733710.

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La semaine dernière, j'ai eu le privilège de m'entretenir avec un auteur et géostratège chevronné, l'amiral Davor Domazet, que j'ai mentionné ici le mois dernier dans « La défaite de la stratégie du chaos de l'Occident » (https://trendcompass.substack.com/p/defeat-of-the-wests-strategy-of-chaos). Alors que nous discutions des événements géopolitiques en cours, le sommet entre le président américain Trump et son homologue russe venait d'être annoncé.

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L'amiral Domazet (photo) a déclaré que le choix du lieu du sommet serait extrêmement important et qu'il constituerait en soi un message adressé au monde entier. Il n'était sûr que d'une chose : ce ne serait pas en Europe occidentale.

Nous n'avions pas deviné que ce serait l'Alaska, mais une fois ce choix annoncé, cela nous a paru tout à fait logique. Cela envoie un message très important : la Russie et les États-Unis se rapprochent dans la paix, achevant ainsi un cycle historique important mais interrompu. J'y ai fait allusion dans un article que j'ai rédigé en février de cette année : https://alexkrainer.substack.com/p/is-a-grand-bargain-between-us-and

L'histoire inachevée

L'Alaska est l'endroit où les États-Unis sont limitrophes de la Russie et où les deux puissances peuvent et doivent se rapprocher. Comme Matthew Ehret l'a superbement résumé dans son récent article Substack (https://matthewehret.substack.com/p/will-upcoming-putin-trump-summit ), l'idée de relier physiquement les États-Unis et la Russie à travers le détroit de Béring est une idée ancienne, car elle est assez évidente. Elle a été avancée pour la première fois sous la présidence d'Abraham Lincoln en 1864, mais elle est malheureusement morte avec lui. Elle a été relancée en 1890 par William Gilpin, ancien gouverneur du Colorado, sous la forme de son projet « Cosmopolitan Rail », qui prévoyait la construction d'un tunnel sous le détroit de Béring.

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L'importance de ce projet n'a pas échappé au gouvernement russe sous le tsar Nicolas II et à son ministre des Finances, Sergei Witte, qui ont engagé en 1905 plusieurs ingénieurs ferroviaires américains et français pour réaliser des études de faisabilité. Malheureusement, le tsar a rapidement été contraint d'abdiquer, son Premier ministre a été assassiné et le projet n'a jamais vu le jour.

La paix future

Il fut relancé sous l'administration de Franklin Delano Roosevelt et discuté en 1942 par son vice-président Henry Wallace et le ministre des Affaires étrangères de Staline, Molotov. Wallace a exprimé ainsi l'importance de relier physiquement les États-Unis à la Russie :

« Il serait très important pour la paix future qu'il existe un lien tangible de ce type entre l'esprit pionnier de notre propre Ouest et l'esprit frontalier de l'Est russe. »

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Cependant, Wallace (photo) fut rapidement écarté et remplacé par Harry Truman, l'instrument aveugle de l'oligarchie britannique. Une fois FDR mort, le projet fut à nouveau relégué aux oubliettes : relier les deux superpuissances, que ce soit physiquement, politiquement, socialement, culturellement ou commercialement, tomba en disgrâce.

Dans son discours sur le « rideau de fer » en 1946, Winston Churchill déclara l'Union soviétique ennemie de l'Occident. Il prononça ce discours devant Harry Truman et, au lieu de cultiver une coopération productive entre les États-Unis et la Russie, l'Occident opta pour la guerre froide.

Le soleil brille déjà différemment

L'idée de rapprocher les deux puissances et les deux continents n'est cependant jamais morte, et les dirigeants actuels de la Russie et des États-Unis sont clairement désireux de la faire revivre. En 2008, le Premier ministre de l'époque, Vladimir Poutine, a approuvé le projet de construction d'une ligne ferroviaire vers le détroit de Béring dans le cadre du plan de développement des infrastructures de la Russie à l'horizon 2030. Ce projet prévoyait la construction d'un tunnel de 60 miles (près de 100 km) entre Tchoukotka, dans l'Extrême-Orient russe, et l'Alaska, pour lequel la Russie proposait de financer les deux tiers du coût total.

La Russie a proposé ce projet à ses « partenaires occidentaux » en 2011 et en mai 2014, mais à l'époque, l'Occident dans son ensemble avait des projets tout à fait différents concernant la Russie. Aujourd'hui, ces projets ont tous échoué et le peuple américain a voté pour un changement radical de cap en élisant Donald Trump à la Maison Blanche.

Reste à voir si l'administration Trump réussira à mener à bien ce changement de cap, mais la volonté du peuple américain, exprimée lors de trois élections présidentielles consécutives, donne un nouvel espoir au monde. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a exprimé cet espoir après la deuxième investiture de Trump en janvier, en déclarant que « le soleil brille déjà différemment ».

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Pour sa part, le président Trump nous a donné quelques indications de son intérêt pour le raccordement ferroviaire de l'Alaska au continent lorsqu'il a annoncé, en septembre 2020, son approbation du projet de liaison ferroviaire de 2579 kilomètres entre l'Alaska et l'Alberta (A2A).

Le projet A2A était une initiative privée qui a finalement échoué, apparemment en raison d'une mauvaise gestion, mais en soulignant son approbation du projet, Trump nous a donné une indication de ses intentions, qui ont peut-être influencé l'accord entre la Russie et les États-Unis pour tenir le sommet imminent entre les deux pays en Alaska. Le message derrière ce choix est indéniablement celui de la paix, de la construction de ponts de confiance, de respect mutuel et de coopération constructive.

Il est important de noter qu'en accueillant Vladimir Poutine sur le territoire américain, l'administration Trump signale qu'elle ne reconnaît pas la condamnation de Poutine comme criminel de guerre par le tribunal de La Haye. Ce faisant, elle légitime l'opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine.

* * *

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La question du Canada

Incidemment, la connexion entre la Russie et l'Alaska et entre l'Alaska et le continent américain pourrait également être liée à l'intention déclarée de Trump d'absorber certaines parties du Canada dans les États-Unis. Si l'Alberta, la Colombie-Britannique et le Yukon devenaient partie intégrante des États-Unis, leur territoire serait relié à l'Alaska, créant ainsi un pont terrestre contigu vers la Russie.

Si les États-Unis annexaient également les territoires nordiques du Canada et le Nunavut, ils pourraient se relier territorialement au Groenland et partager la zone arctique avec la Russie afin de rejoindre le projet de la Route de la soie arctique. En février, j'écrivais ce qui suit :

Ces développements pourraient-ils faire l'objet d'un futur accord majeur entre Vladimir Poutine et Donald Trump ? Je pense que c'est possible. Du point de vue actuel, tout cela peut sembler être un changement radical et dangereux par rapport au statu quo d'après-guerre, mais ce statu quo n'était peut-être qu'une pause dans les processus géopolitiques qui ont commencé à se dessiner dès le 19ème siècle.

Nous le saurons peut-être dans quelques jours. Il est certain que si les deux dirigeants ont déjà convenu de se rencontrer, une sorte de grand accord a déjà été conclu entre leurs représentants respectifs. Nous en saurons bientôt plus, notamment grâce à la manière dont les dirigeants canadiens, britanniques et européens qualifieront les résultats du sommet très attendu de cette semaine en Alaska.

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La signification du 15 août

La date du sommet, le 15 août 2025, est également significative à plusieurs égards. Le 15 août 1971, Richard Nixon a temporairement (bien sûr) suspendu la convertibilité du dollar américain en or. Le 15 août 1945 a été une date charnière dans l'histoire de la Chine : elle a marqué la capitulation du Japon devant les Alliés, mettant fin à la guerre de résistance contre le Japon.

Le 15 août revêt une profonde signification religieuse pour les chrétiens catholiques et orthodoxes, car c'est le jour de la fête de l'Assomption (ou Dormition dans la tradition orthodoxe), qui commémore la croyance selon laquelle la Vierge Marie, mère de Jésus, a été élevée corps et âme au ciel à la fin de sa vie terrestre.

L’Europe en tant qu’espace subordonné de l’Occident

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L’Europe en tant qu’espace subordonné de l’Occident

par Pino Cabras

Source : Pino Cabras & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/l-europa-come-spa...

L’incident qui s’est conclu par le sommet chez Trump avec Zelensky et les orphelins européens de Biden n’est pas un épisode isolé, mais la répétition d’un ancien conditionnement historique qui s'est consolidé.

L’Europe n’est plus un sujet autonome depuis la moitié du 20ème siècle, lorsque les deux guerres mondiales ont dissous l’ancien équilibre des puissances et confié son destin au nouveau centre impérial : à Washington.

Il y avait aussi une partie de l’Europe dans l’orbite de Moscou jusqu’à la chute de l’Union soviétique, mais les classes dirigeantes d’Europe de l’Est, qui étaient des provinces de l’empire, se sont facilement adaptées pour devenir très vite la province zélée d’un autre empire, jusqu’à ce que le reste du continent occidental soit réduit au statut d'une petite province étriquée.

Ce que l’on nous raconte parfois comme la saga d'une “renaissance européenne” – avec les plans Marshall, les miracles économiques, la construction communautaire – n’a en réalité été qu’un processus de reconstruction sous tutelle. Le capital, la technologie et les marchés communs ne suffisent pas à générer une véritable force historique: il faut un bloc dirigeant capable d’exercer ensemble puissance économique, militaire et culturelle.

Par “bloc dirigeant”, on entend un ensemble cohérent d’élites politiques, économiques et culturelles capables de donner une direction à un peuple et à un territoire : pas seulement la richesse ou les armées, mais aussi un projet commun. Cela n’a jamais vraiment mûri en Europe, mais n'a été qu'un formidable roulement de tambour purement rhétorique. La richesse a certes été produite, des institutions ont été créées, mais sans jamais voir se constituer un véritable centre politique capable de transformer tout cela en une véritable autonomie.

Au cours des dernières décennies, à mesure que les États-Unis montraient les fissures de leur édifice, le continent européen a réagi de manière toujours plus contradictoire, en s’adaptant aux stratégies décidées outre-Atlantique, même lorsque celles-ci étaient totalement contraires aux intérêts matériels des peuples européens. C’est là le signe d’une classe dirigeante qui ne possède pas son propre projet, mais vit dans une structure historique subordonnée, c’est-à-dire un ordre où les décisions fondamentales ne naissent pas d’ici mais sont importées, et où les élites locales gèrent une dépendance structurelle.

L’émergence de nouvelles puissances – Russie, Chine, Inde, Brésil – a rendu cette condition encore plus évidente: le monde se dirige vers un ordre multipolaire, où il n’y a plus un seul centre de commandement, mais plusieurs pôles de force qui rivalisent. Pourtant, l’Europe continue de se présenter comme la chaîne de transmission d’un Occident en déclin. Ainsi, face à la crise ukrainienne, la voie de la guerre par procuration (c’est-à-dire menée par les Ukrainiens avec des armes, de l’argent et des stratégies fournies par l’Occident) a été choisie, avec des coûts énormes en ressources et en crédibilité, sans aucune perspective d'autonomie. Les premiers ministres européens se sont présentés à la Maison Blanche, ont été soumis à une attente humiliante et n'avaient aucun plan B: ils sont toujours figés là, sur leur point de départ, rêvant de guerre totale et de la “debellatio” de la Russie, dans une totale négation de la réalité.

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Le retour de Trump à la Maison Blanche a accentué un tableau déjà clair pour ceux qui le regardaient sans s'encombrer de voiles idéologiques: Washington ne se soucie même plus de faire illusion: les Etats-Unis négocient directement avec Moscou et Pékin, réorganisent le Moyen-Orient selon leurs intérêts, redessinent les contraintes internationales à leur mesure. L’Europe reste dans son piètre rôle, entièrement humiliée, forcée à légitimer des décisions prises ailleurs. 

PERSPECTIVES

L’intégration atlantiste – c’est-à-dire l’alignement politique, économique et militaire de l’Europe sur l’alliance dirigée par les États-Unis, incarnée par l’OTAN et les institutions occidentales – n’est pas génératrice de force, mais produit une bourgeoisie compradora.

Ce terme désigne une classe dirigeante qui ne défend pas l’intérêt des peuples qu’elle représente, mais se limite à faire office d’intermédiaire: elle achète et vend, elle sert de médiatrice et traduit les souhaits de l’empire américain en échange de rentes et de protections. C’est une classe dirigeante qui accepte la subordination comme horizon naturel, sans la volonté d’élaborer un projet stratégique propre. Nulle en rien, elle est capable de tout.

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Ce qui rend la situation encore plus dramatique, c’est la qualité des dirigeants européens d’aujourd’hui: les pires des huit dernières décennies. Ils n’ont aucune vision politique, si ce n’est celle, récente et opportuniste, de la remilitarisation; ils ne connaissent plus aucun autre langage que celui des armes et des sanctions ; et leur seul horizon économique est la spoliation systématique des classes moyennes, traitées comme une mine à exploiter pour extraire des ressources fiscales et des sacrifices sociaux jusqu’à leur épuisement complet.

C’est un processus qui peut peut-être garantir quelques années de survie à des systèmes politiques désormais épuisés, mais qui risque aussi de détruire des nations entières, en les vidant de leur énergie productive et civique. Giorgia Meloni, après avoir vociféré une propagande souverainiste sans fin, se révèle finalement comme un mixte dramatique de ce Di Maio qui  avale tout et ce Draghi qui mange tout. Un pur atlantisme en phase terminale, avec, en prime, la trahison de la “Nation” dont elle parle si souvent.

Pourtant, dans un monde multipolaire, la logique pourrait s’inverser : des États européens, libérés des liens imposés par l'UE et par l'OTAN, auraient paradoxalement plus de marges de souveraineté.

En effet, un pays qui ne dépendrait pas de Bruxelles ou de Washington pour chaque décision pourrait tisser des relations plus autonomes avec les géants émergents, définir sa politique énergétique, ouvrir des canaux commerciaux et culturels sans demander de permission. Il s’agirait de petits États, certes, mais moins “enchaînés” à une architecture qui en fait des subordonnés.

Il ne s’agirait pas d’une restauration de l’ancienne primauté européenne – qui est désormais définitivement dépassé – mais de la possibilité d’être, encore une fois, acteurs plutôt que spectateurs dans la transformation du monde.

La cécité stratégique européenne conduit l'Ukraine à la destruction

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La cécité stratégique européenne conduit l'Ukraine à la destruction

par Antonio Terrenzio

Source : Antonio Terrenzio & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-cecita-strateg...

Le sommet d’Anchorage, en plus de marquer un premier rapprochement officiel entre les États-Unis et la Russie, a posé les bases non seulement pour parvenir à la paix en Ukraine, mais aussi pour redessiner le système de sécurité international qui, cette fois, prenne en compte les nouveaux équilibres et les besoins de sécurité de la Fédération de Russie.

Lors du sommet de Washington, lors de la rencontre trilatérale impliquant Trump, les dirigeants européens et Zelensky, les positions entre les partenaires demeurent encore assez éloignées les unes des autres, avec une Europe qui tente de récupérer un rôle autour de la table des négociations, mais qui risque de rester la grande exclue dans une compétition géopolitique extrêmement complexe. Les non-leaders européens, prenant la parole tour à tour, ont simulé une volonté d’arriver à une paix, tout en défendant en réalité des conditions inacceptables pour Moscou.

Les conditions d’un cessez-le-feu immédiat, soutenues par Rutte et Merz, ainsi que la nécessité de soutenir l’Ukraine avec des contingents et des armements, restent essentiellement, en fait, sur les positions de départ. Zelensky a tenté de persuader Trump en proposant un accord sur le business militaire : une livraison d’armements américains pour 100 milliards de dollars, financée par l’UE, ainsi qu’une collaboration dans l’industrie militaire par une joint-venture américaine installée sur le territoire ukrainien pour la production de drones. Un moyen de créer un lien direct avec les intérêts occidentaux, et de les impliquer explicitement dans le conflit. Hypothèse inacceptable pour le Kremlin, tout comme la proposition d’établir un accord alternatif à l’entrée dans l’OTAN de l’Ukraine, garantissant des garanties de sécurité et où les pays membres organiseraient un déploiement direct de leurs forces en Ukraine occidentale. Aucune mention de Zelensky et des "volontaires" européens sur la cession de territoires. 

Maintenant que la catastrophe est sur le point de se réaliser, l’Europe craint de rester en dehors du processus de négociation, de ne pas avoir voix au chapitre sur le destin de l’Ukraine, étant donné que celle-ci n’est que la première d’une série de nœuds, où la Russie voudra rediscuter du système de sécurité dans son voisinage immédiat, allant de la Baltique à la mer Noire.

Nous le répétons: si l’Europe s’est elle-même brisée les jambes, écrasée par les intérêts géostratégiques des deux grandes superpuissances, c’est parce qu’elle a renoncé à se penser comme un sujet indépendant capable de reconnaître ses propres intérêts vitaux. Et de ne pas considérer les liens historiques, culturels et surtout sécuritaires qui unissent l’Ukraine et la Russie. Maintenant, certains gouvernements parlent d’autonomie technologique-militaire, de “vision stratégique commune”, alors que l’Allemagne prévoit un programme de réarmement de plus de 500 milliards d’euros, ce qui sonne comme un prétexte, intempestif et surtout dangereux. 

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L’Ukraine est aujourd’hui une nation détruite, où la guerre a contraint plus de onze millions d’habitants à la diaspora. Continuer à soutenir son président dénigré et corrompu, en le comblant de promesses qui ne peuvent être tenues qu’au prix d’une confrontation frontale impliquant directement l’Union européenne, est une initiative folle, aux coûts humains et économiques énormes. S’accrocher à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, à son indisponibilité à céder des territoires, est une rhétorique fausse et mensongère qui ne tient pas compte de la réalité de l’histoire, de ses changements, et surtout du manque de sensibilité stratégique face aux autres acteurs étatiques – car les conséquences de ce qui s’est passé dans l’est de l’Ukraine étaient largement prévisibles (voir une interview d’Eduard Limonov au début des années 90 disponible sur YouTube, sans évoquer les thèses de Huntington et Brzezinski): les politiciens européens ont délibérément choisi de les ignorer. Acte de servilité atlantiste et de cécité géopolitique, dirions-nous. 

Il est peu probable que le sommet de Washington aboutisse à quelque chose de décisif concernant la résolution du conflit. Moins encore à une trêve, soutenue par l’Europe sous la direction de Merz, puisqu’il ne s’agirait que d’un moyen de tromper Moscou en fournissant des drones et des missiles à Kiev. L’Europe, depuis longtemps déjà a fait la preuve de son immaturité (et a perdu sa crédibilité) en acceptant de soutenir la cause des nationalistes ukrainiens et les plans des néoconservateurs américains.

Une Europe enfin crédible accepterait le verdict des forces sur le terrain, sauverait des vies humaines, rechercherait un compromis acceptable pour Moscou et élaborerait un plan de reconstruction pour l’Ukraine – à condition que celle-ci reconnaisse son statut neutre et n’ait plus à menacer la Russie, toutes initiatives qui contribueraient à retrouver sa crédibilité et à garantir la sécurité des citoyens européens. Et de telles initiatives doivent être prises maintenant, et non pas plus tard, lorsque la guerre sera terminée sur le front ukrainien, car le conflit pourrait s’étendre à l’intérieur de ses frontières. Et après avoir détruit l’Europe sur le plan industriel et politique, il est légitime de s'attendre à toutes sortes d'autres aberrations émanant de la part de cette classe de dirigeants incompétents et irresponsables.

 

Ukraine, la guerre sans fin des néoconservateurs

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Ukraine, la guerre sans fin des néoconservateurs

par Davide Malacaria

Source : Insideover & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/ucraina-la-guerra-infinita-dei-neoconservatori

La guerre en Ukraine « se dirigeait vers la troisième guerre mondiale... vous n'aviez plus à vous en soucier ». C'est ce qu'a déclaré Donald Trump dans une interview. Au fond, comme nous l'avions d'ailleurs mentionné par ailleurs, la rencontre d'Anchorage avec Poutine servait essentiellement à cela.

Il y a une erreur dans la reconstruction de Trump, car la guerre en Ukraine est en soi « la troisième guerre mondiale », étant donné les nombreuses nations qui se sont engagées contre la Russie ; mais il est légitime qu'il revendique avoir empêché qu'elle devienne thermonucléaire, perspective inhérente à l'escalade folle contrôlée et déployée par l'administration Biden puis interrompue par le nouveau gouvernement américain (rappelons-nous, par exemple, la folie d'attaquer les bombardiers stratégiques russes chargés de la dissuasion atomique).

Cela dit, il reste à voir si le conflit pourra bientôt se terminer. De nombreuses pressions sont exercées pour le maintenir vivace et pour que Trump revienne sur ses positions. Hier, la Russie a pris fermement position contre le déploiement envisagé d'une force d'interposition européenne en Ukraine, lequel devrait avoir lieu après un éventuel accord.

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Une option qui gagne toutefois du terrain, comme le montre le sommet des chefs d'état-major des pays de l'OTAN qui s'est tenu tout récemment, où ils ont exprimé leur soutien à la « coalition des volontaires » en ce qui concerne les négociations en cours et ont affirmé être unis dans la recherche d'une « paix juste ».

Ces déclarations sont très ambiguës, car la « coalition des volontaires » tente activement de saboter les négociations en y introduisant des variables qui, en fait, servent à faire capoter les négociations car elles sont inacceptables pour la partie adverse, et que la recherche d'une « paix juste » est un pur slogan utilisé pour prolonger la guerre, car la tension apparente vers une paix idéale – en fait une paix selon leurs désirs – sert à réduire à néant toute tentative de trouver des compromis plus ou moins acceptables pour les parties (où la marge de manœuvre est pourtant assez large).

D'ailleurs, le conflit ukrainien, qui est sur le théâtre de la guerre une confrontation entre l'Occident et la Russie, est aussi, sur le plan culturel, si l'on peut dire, une confrontation entre l'idéalisme et la réalité, l'Occident étant en proie aux fumisteries des néoconservateurs selon lesquelles la réalité n'a pas de consistance en soi, mais est seulement quelque chose à modeler par l'exercice de la puissance.

Lorsque la réalité à laquelle ils étaient confrontés était l'Irak ou la Libye, cette prétention avait son poids, même si tout ne s'est pas déroulé selon leurs plans, mais maintenant que ces fumisteries se sont heurtées au mur que constitue la Russie, cette présomption montre ses limites.

Pourtant, obsédés par leur idéalisme, qui les empêche de prendre acte de la réalité, ils continuent imperturbablement à ânonner leur refrain, dans la certitude déconcertante qu'ils finiront tôt ou tard par avoir raison de cette réalité obstinée.

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Nous n'avons pas cité les néoconservateurs américains par hasard, car la guerre en Ukraine est leur guerre. Elle a été préparée en 2014 grâce au coup d'État de Maidan, dont l'architecte public était la néoconservatrice Victoria Nuland, épouse de Robert Kagan, figure incontestée des néoconservateurs et rédacteur de leur Project for a New American Century.

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Son frère, l'analyste militaire Frederick Kagan, est marié à Kimberly Kagan (née Kessler) (photo), elle-même directrice de l'Institute of Study of War, un groupe de réflexion qui a façonné le récit occidental sur le conflit ukrainien grâce à des analyses précises, mais partiales, auxquelles tous les médias grand public américains et, par ricochet, ceux des colonies européennes ont puisé de manière dogmatique.

Même l'expression « coalition des volontaires » dont se targuent les dirigeants européens aujourd'hui est une invention des néoconservateurs, puisqu'elle a été créée à l'époque pour désigner l'alliance qui a donné impulsion à l'invasion de l'Irak afin d'éliminer la menace des armes de destruction massive inexistantes de Saddam Hussein.

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Même la reprise de cette expression dans le contexte ukrainien n'est pas le fruit des dirigeants de l'UE, puisqu'il s'agit d'une proposition avancée par l'ancien chef de la CIA, le néoconservateur David Petreaus (photo). Ainsi, le choix d'accepter cette définition par les volontaires audacieux n'est pas seulement un choix de camp, mais aussi une déclaration publique de soumission.

Même la décision de faire obstacle à l'élan diplomatique de Trump – indirectement bien sûr, car ils n'en ont pas la force – ne vient pas de ces "volontaires" européens, mais est le fait des néoconservateurs. C'est ce que souligne la violente accusation de Brett Stephens à l'encontre de Trump et de son nouvel élan diplomatique, accusation publiée par le New York Times, dont le titre en dit long : « Trump vient de me rappeler pourquoi je suis toujours néoconservateur ».

Dans cette note, on retrouve le mélange d'idéalisme et d'agressivité irréductible propre aux adeptes du mouvement néoconservateur, irrévocablement voué à l'unilatéralisme américain.

Les conclusions sont évidentes, elles exhortent à « une opposition ferme à Poutine par le biais de sanctions, d'ostracisme et d'un soutien militaire et économique à l'Ukraine », etc. La recette habituelle des guerres sans fin.

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Nous avons choisi Stephens (photo) pour mettre en évidence l'opposition irréductible des néoconservateurs à l'élan diplomatique de Trump, bien sûr férocement stigmatisé dans l'article, non seulement parce que Stephens est un représentant influent du mouvement néocon, mais aussi parce qu'il y a quelques jours, il avait publié, toujours dans le New York Times, un article sur une autre guerre. Dont voici le titre : « Non, Israël ne commet pas de génocide à Gaza ».

Dans cet article, Stephens non seulement disculpe Israël de toutes les critiques, mais explique que ce qui se passe à Gaza est propre à toutes les guerres, rien de plus. Le seul aspect que Stephens trouve « inhabituel est la manière cynique et criminelle dont le Hamas a choisi de mener la guerre » (et dire que même les plus fervents défenseurs d'Israël ont dû admettre certains excès de l'armée israélienne...).

Ce deuxième article explique mieux que de longs discours le sens que revêt cette idée de "paix juste" pour le conflit ukrainien à laquelle tiennent les néoconservateurs et la « coalition des volontaires » qui leur est subordonnée. Il contribue également à expliquer la connivence tacite des volontaires face au génocide de Gaza.