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mardi, 02 janvier 2024

Diderot et Bougainville: le point sur la malignité des hommes blancs

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Diderot et Bougainville: le point sur la malignité des hommes blancs

Nicolas Bonnal

« Si tout y est ordonné comme ce que tu m'en dis, vous êtes plus barbares que nous »

De Gaza en Ukraine, de Bruxelles à Berlin, et de Paris à Washington jamais on n’a eu autant des preuves déplorables et de démonstrations de la malignité ontologique de l’homme blanc, dont l’élite kabbalistique et friquée rêve maintenant de zigouiller tout le monde à partir de Rome (du club ou du feint-siège) et de Davos. Occasion pour nous de relire les retouches au voyage de Bougainville dont ma formation de catho de droite et de français de souche m’avait perdre les finesses et les vérités. Je recommande aussi le voyage de notre navigateur serein, disponible sur archive.org.

On commence, en félicitant Diderot pour ce style incomparable caractéristique de la reine des langues – la nôtre alors - au siècle des Lumières (Bach, Schiller, Mozart, Rameau…).

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Sur le cannibalisme notre auteur ne cache rien et il écrit sans scrupule :

« Que deviennent-ils en se multipliant sur un espace qui n'a pas plus d'une lieue de diamètre ? A. Ils s'exterminent et se mangent; et de là peut-être une première époque très ancienne et très naturelle de l'anthropophagie, insulaire d'origine. B. Ou la multiplication y est limitée par quelque loi superstitieuse ; l'enfant y est écrasé dans le sein de sa mère foulée sous les pieds d'une prêtresse. A. Ou l'homme égorgé expire sous le couteau d'un prêtre ; ou l'on a recours à la castration des mâles... B. A l'infibulation des femelles ; et de là tant d'usages d'une cruauté nécessaire et bizarre, dont la cause s'est perdue dans la nuit des temps, et met les philosophes à la torture. »

Diderot, on l’attend au tournant avec son bon sauvage :

« B. Je n'en doute pas : la vie sauvage est si simple, et nos sociétés sont des machines si compliquées ! Le Tahitien touche à l'origine du monde, et l'Européen touche à sa vieillesse. L'intervalle qui le sépare de nous est plus grand que la distance de l'enfant qui naît à l'homme décrépit. Il n'entend rien à nos usages, à nos lois, ou il n'y voit que des entraves déguisées sous cent formes diverses, entraves qui ne peuvent qu'exciter l'indignation et le mépris d'un être en qui le sentiment de la liberté est le plus profond des sentiments. »

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Mais Goethe (revoyez mon texte sur la dévitalisation des Européens) soulignera aussi le déclin de notre perfection de civilisé :

« Du reste, nous autres Européens, tout ce qui nous entoure est, plus ou moins, parfaitement mauvais; toutes les relations sont beaucoup trop artificielles, trop compliquées; notre nourriture, notre manière de vivre, tout est contre la vraie nature; dans notre commerce social, il n’y a ni vraie affection, ni bienveillance. »

Goethe évoquait presque en disciple de Rousseau (beaucoup plus germanique que français, et si mal compris…) le modèle du sauvage :

« On souhaiterait souvent d’être né dans les îles de la mer du Sud, chez les hommes que l’on appelle sauvages, pour sentir un peu une fois la vraie nature humaine, sans arrière-goût de fausseté. »

Parfois même Goethe succombait – toujours devant l’extraordinaire et bienheureux Eckermann au pessimisme, quant à la misère de notre temps (on est en février 1828) :

« Quand, dans un mauvais jour, on se pénètre bien de la misère de notre temps, il semble que le monde soit mûr pour le jugement dernier. Et le mal s’augmente de génération en génération. Car ce n’est pas assez que nous ayons à souffrir des péchés de nos pères, nous léguons à nos descendants ceux que nous avons hérités, augmentés de ceux que nous avons ajoutés… »

L’homme blanc, c’est le fric et la propriété (200.000 palestiniens massacrés pour le gaz, le tourisme et pour l’immobilier – les colonies…) ; Diderot alors :

« Ce vieillard s'avança d'un air sévère, et dit : " Pleurez, malheureux Tahitiens ! pleurez ; mais que ci soit de l'arrivée, et lion du départ de ces hommes ambitieux et méchants : un jour, vous les connaîtrez mieux. Un jour, ils reviendront, le morceau de bois que vous voulez attaché à la ceinture de celui-ci, dans une main, et le fer qui pend au côté de celui-là, dans l'autre, vous enchaîner, vous égorger, ou vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices ; un jour vous servirez sous eux aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux qu'eux… »

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Après on peut pleurer sur ce modèle communiste qui est celui des Evangiles :

« Ici tout est à tous ; et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes ; tu as partagé ce privilège avec nous ; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras ; tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr ; vous vous êtes égorgés pour elles ; et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres ; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n'es ni un dieu, ni un démon : qui es-tu donc, pour faire des esclaves ? »

Pour l’occidental, le monde est – reprenons leur dieu Malthus – un restaurant où seul le riche armé s’empiffre. Diderot écrit lui :

« Vous êtes deux enfants de la nature ; quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi ? Tu es venu ; nous sommes-nous jetés sur ta personne ? avons-nous pillé ton vaisseau ? t'avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? t'avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. Laisse-nous nos mœurs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières. Tout ce qui nous est nécessaire et bon, nous le possédons. »

Les bons sauvages ne sont pas malthusiens pour un sou :

« Quel sentiment plus honnête et plus grand pourrais-tu mettre à la place de celui que nous leur avoir inspiré, et qui les anime ? Ils pensent que le moment d'enrichir la nation et la famille d'un nouveau citoyen et venu, et ils s'en glorifient. Ils mangent pour vivre et pour croître : ils croissent pour multiplier, et ils n'y trouvent ni vice, ni honte… »

imdidages.jpgAprès, comme Lao Tse, Diderot fait la chasse aux lois (ne lui imputez pas notre « révolution ratée » - Bernanos, fruit des maçons, des juristes et des bourgeois) :

« Tu es en délire, si tu crois qu'il y ait rien, soit en haut, soit en bas, dans l'univers, qui puisse ajouter ou retrancher aux lois de la nature. Sa volonté éternelle est que le bien soit préféré au mal, et le bien général au bien particulier. Tu ordonneras le contraire ; mais tu ne seras pas obéi. Tu multiplieras les malfaiteurs et les malheureux par la crainte, par le châtiment et par les remords ; tu dépraveras les consciences ; tu corrompras les esprits ; ils ne sauront plus ce qu'ils ont à faire ou à éviter. Troublés dans l'état d'innocence, tranquilles dans le forfait, ils auront perdu de vue l'étoile polaire, leur chemin. »

Au moment où l’Occident achève d’imposer son monstrueux malthusianisme partout, lisons et écoutons le bon sauvage alors :

OROU. - Ô étranger ! ta dernière question achève de me déceler la profonde misère de ton pays. Sache, mon ami, qu'ici la naissance d'un enfant est toujours un bonheur, et sa mort un sujet de regrets et de larmes. L'enfant est un bien précieux, parce qu'il doit devenir un homme ; aussi, en avons-nous un tout autre soin que nos plantes et de nos animaux. Un enfant Supplément au Voyage de Bougainville III 20 qui naît, occasionne la joie domestique et publique : c'est un accroissement de fortune pour la cabane, et de force pour la nation : ce sont des bras et des mains de plus dans Tahiti, nous voyons en lui un agriculteur, un pécheur, un chasseur, un soldat, un époux, un prêtre… »

Sur les mœurs et la servitude volontaire le philosophe sauvage écrit :

« Qu'entendez-vous donc par des mœurs ? B. J'entends une soumission générale et une conduite conséquente à des lois bonnes ou mauvaises. Si les lois sont bonnes, les mœurs sont bonnes ; si les lois sont mauvaises, les mœurs sont mauvaises ; si les lois, bonnes ou mauvaises, ne sont point observées, la pire condition d'une société, il n'y a point de mœurs. »

Les lois ne sont plus observées chez nous par les riches et les puissants. Elles ne le furent un temps que par peur du communisme (voir notre texte sur Zinoviev).

https://bacdefrancais.net/diderot-supplement-voyage-bouga...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/03/12/g...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/07/17/f...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2020/08/17/z...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/05/13/d...

dimanche, 03 avril 2022

Massimo Donà et la philosophie de Goethe: une seule vision

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Massimo Donà et la philosophie de Goethe: une seule vision

Giovanni Sessa

Source: https://www.paginefilosofali.it/massimo-dona-e-la-filosofia-di-goethe-una-sola-visione-giovanni-sessa/

Un livre très important de Massimo Donà vient de paraître, Una sola visione. La filosofia di Johann Wolfgang Goethe (pp. 327, euro 14,00). Dans ses pages, le philosophe se confronte à la pensée du grand poète allemand, dont il lit les œuvres en termes théoriques. Ce livre a été précédé de deux autres monographies, consacrées respectivement à Leopardi et à Shakespeare. Le motif qui unit les trois volumes est le même. Donà interprète ces trois grands, en soulignant, à la lumière de ses propres positions spéculatives, leurs traits anti-platoniques, anti-universalistes. Ce n'est pas un hasard, soutient l'auteur, si Goethe était mû par un "amour surhumain pour l'unicité irrépétable de l'existence" (p. 21) : il comprenait la vie et la nature comme "l'expression d'une puissance incoercible dont il aurait été vain d'essayer de prédéterminer le cours et la direction [...] puisque "en tout lieu nous sommes en son centre"" (p. 22). Sur la base de cette intuition, le génie de Weimar a compris l'inanité des "universaux", des "idées", pour comprendre la réalité. Les concepts déterminent, "pétrifient" le connu, au mieux compartimentent, par la procédure analytique, l'Un-Tout.

L'observateur le plus superficiel de la nature est conscient de son mouvement perpétuel. Comment, dès lors, est-il concevable de prétendre la connaître à partir de la "tranquillité" des idées ? Goethe était clairement conscient de cette contradiction. Il savait également que l'attitude gnoséologique platonicienne avait survécu dans la philosophie moderne. Les formes a priori de Kant, en effet, se caractérisent par la même nature statique que les universaux. Et pourtant, chez le penseur de Könisberg, dans la Critique du jugement, palpite une autre-non-autre manière de se rapporter au monde. La même vision se manifeste chez Bruno, Leibniz, de La Mettrie et Leopardi, sans oublier Spinoza. Leur pensée ne réduisait pas la nature à une série de "problèmes" (en tant que tels solubles) mais se présente sous le trait d'une "véritable écriture de l'énigme" (p. 28). Une position qui réapparaîtra, souligne Donà, également dans la philosophie du vingtième siècle: chez Deleuze, chez Arendt et, ajouterions-nous, également dans l'idéalisme magique d'Evola. Des formes de pensée qui échappent au logo-centrisme. Pour comprendre l'ubi consistam réel de l'idée de nature de Goethe, il est bon de se référer à la "matière": elle, l'être de tout ce qui est, en un : "dit son être placé et son ne pas être placé par moi" (p. 35).

Cela signifie, d'une part, que moi, le sujet connaissant et l'objet connu, vivons une relation d'attraction, qui fait que nous ne sommes pas autres l'un par rapport à l'autre, mais identiques. En même temps, nous sommes obligés de reconnaître que cette relation se développe de manière contradictoire, dans la mesure où la signification, la "compréhension" du monde me le fait vivre comme absolument autre que moi-même. Toute réalité est : "à la fois phénomène (dans la mesure où elle est référençable pour moi) et noumène (inconnaissable)" (p. 36). La matière est donc constituée de deux forces, dont Kant et Schelling avaient déjà parlé, l'une attractive et l'autre répulsive. Dans ce contexte spéculatif, Goethe introduit le concept de "métamorphose", cœur vital de son exégèse du naturel. Cette expression doit être comprise comme ce qui se passe "au-delà de la forme". En elle, précise Donà, il n'y a pas de référence à la cyclicité, mais à ce qui dépasse toute forme donnée. Pour cette raison, l'instrument privilégié dans l'exégèse de la nature est l'analogie, et non la similitude. Connaître par analogie implique de comprendre que, dans des espaces différents, il y a la même chose. L'idée même d'identité doit être repensée. Elle ne peut être posée que d'une seule manière: "comme ce qui en vérité n'a pas de forme" (p. 41), puisque ce qui revient dans les métamorphoses continues de la nature est "toujours et seulement la négation d'une forme" (p. 41).

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La "matière" représente ce mouvement qui n'est aucun des "déterminés", des entités que je rencontre dans l'expérience, mais qui est seulement donné en eux. La métamorphose de Goethe, soutient Donà, est différente du dialectisme hégélien (et, en partie, de celui de Schelling également). Le système panlogistique a des règles déterminées, capables de dessiner une identité. Chez Hegel, la synthèse, le point d'arrivée, est déjà inscrit au commencement : "La nature n'a pas de système [...] elle a la vie [...] Elle est vie et succession d'un centre inconnu vers une limite inconnaissable" (p. 50). L'energheia, pour reprendre l'expression leibnizienne, est une force centrifuge, dispersive, entropique qui, du centre, tend vers l'extérieur. La désintégration du vivant n'a pas lieu: "précisément en vertu d'une force opposée [...] "centripète" (p. 51), qui tend vers l'extérieur (p. 51), qui tend à se spécifier, à "se préserver". Nous sommes enveloppés par la nature, l'horizon transcendantal de l'homme, comme dirait Löwith, et nous ne pouvons y échapper. Face à la luxuriance des jardins de Palerme, l'Allemand comprend que l'Urpflanze, la plante originelle, n'est pas réductible à la dimension de la Gestalt, de la forme platonicienne; au contraire, elle fait allusion au centre inconnu du Tout. C'est pourquoi Goethe, comme plus tard Heidegger, considérait que la physis coïncidait avec l'être, avec l'"épanouissement".

Où que l'on soit, on est toujours au centre de la nature, impliqué dans sa danse éternelle, dans le jeu éternel de la métamorphose dionysiaque. Dans ce livre : "Tout est nouveau et pourtant toujours ancien" (p. 61). L'Antiquité est l'informe, la négation originelle qui se donne "positivement" dans les entités. Notre action est donc le fait de la nature elle-même. En elle, Orphée et Prométhée ne font qu'un et nous faisons l'expérience du fini comme quelque chose qui doit toujours être dépassé, nous avons tendance, dans la mesure où nous relevons de la physis, à nous déterminer/à nous in-déterminer (la conception augustinienne du temps comme distensio animae a une grande pertinence pour Donà à cet égard).  Le postulat hermétique "tout pense" découle de cette vision du Tout, de ses corrélations sympathiques. La pensée, en somme, est l'ouverture d'un monde. Goethe devient le porteur de cette connaissance non verbale particulière, qu'Aristote qualifie dans le livre IV de la Métaphysique, en l'attribuant aux plantes, de connaissance de ceux qui "ne disent rien" (p. 122). Cette connaissance, qui ne s'oppose pas au principe d'identité, adoucit sa lumière apodictique et évite le jeu du "être autre que moi-même", auquel elle renvoie inévitablement. Après tout, c'est la pensée du néant! Elle est pensée autrement que non-autrement par rapport au théorème et, chez Goethe, elle conduit à l'intuition.

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Massimo Donà

Il nous permet "d'embrasser dans une seule vision ordonnatrice l'activité vitale infiniment libre d'un seul royaume de la nature" (p. 155). L'unité véritable devait se caractériser par l'infini et la liberté: "explosion d'un multiple jamais contraignable à des 'distinctions irréversibles'" (p. 157). En bref, le mouvement naturel est pensé par Goethe "comme une unité immédiatement destinée à se dire dans la "forme de deux", c'est-à-dire comme une polarité absolue. Absolu parce qu'il est original" (p. 161). Cette thèse est confirmée dans la Théorie des couleurs. Les couleurs ne sont déterminées qu'à partir d'une impossible superposition de l'obscurité sur la lumière ou de la lumière sur l'obscurité: " qui sont 'un' [...] parce qu'ils ne peuvent pas se déterminer comme absolument différents les uns des autres " (p. 265).  Les couleurs ressortent (comme l'a également souligné Steiner) sur la frontière ambiguë qui semble diviser la lumière de l'obscurité. Le jeu des contraires est retracé par Donà, dans une exégèse précise des Affinités électives, dans les relations amoureuses des quatre personnages principaux du roman.

Un livre important, Un sola visione, non seulement pour la lecture éclairante de Goethe, mais aussi pour ceux qui souhaitent regarder le monde avec un regard renouvelé.

Giovanni Sessa

samedi, 01 mai 2021

Steiner et Goethe: intuition et expérience dans la science holistique

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Steiner et Goethe: intuition et expérience dans la science holistique

Par Giovanni Sessa

Ex : https://www.ereticamente.net/

S-2-4-200x300.jpgGoethe était, pour la culture européenne, un véritable aimant. Les intellectuels de premier rang des 19ème et 20ème siècles s'y sont confrontés. Pour n'en citer que quelques-uns: Hegel, Schelling, Nietzsche, George, Löwith. Même le père de l'anthroposophie, Rudolf Steiner, comme le reconnaît James Webb, avait dans le "génie de Weimar" un point de référence essentiel. De plus, un poète, un homme de lettres et un philosophe de sa stature ne pouvait être négligé par les vives curiosités qui animaient les recherches de Steiner. Chargé d'éditer les écrits scientifiques du penseur romantique, Steiner a traité ce domaine particulier mais très important de la recherche de Goethe dans un volume qui a été récemment porté à la connaissance des lecteurs par Iduna editrice (pour les commandes: associazione.iduna@gmail.com , pp. 248, euro 20,00). Il s'agit d'une reconstruction attentive et organique des intérêts naturalistes de Goethe, mais aussi de ses écrits sur le sujet, que l'auteur parcourt et discute avec compétence, animé d'un vif intérêt, motivé qu'il était par la tentative de dépasser les limites matérialistes et accumulatives de la science moderne. Steiner montre que ce champ de recherche était vivant chez Goethe depuis sa jeunesse. A ce moment historique, dans le domaine de la connaissance, une doctrine de simples principes, incarnée par la philosophie de Wolf, et une: "science sans principes [...] chacune était infructueuse pour l'autre" (p. 6). Les investigations de Werther étaient guidées, au contraire, par le concept de vie, à la lumière duquel il comprenait que les manifestations extérieures du monde naturel sont dominées par un principe intérieur et que, dans chaque partie, dans chaque organe d'une entité de la nature, le tout agit. D'où la connotation holistique évidente de l'approche de la physis par Goethe. Cela ne signifie pas que le savant dédaignait l'observation empirique, au contraire! Il la considérait comme centrale, mais pour dévoiler les profondeurs de la vie, elle devait être menée avec les yeux de l'esprit. En 1807, dans l'introduction à la Théorie de la métamorphose, l'Allemand écrit que le regard porté sur la nature montre, à un degré préliminaire, que les formes y sont ondulantes, transitoires. À cet égard, Steiner explique: "Il oppose cette ondulation, en tant qu'élément constant, à l'idée, c'est-à-dire à "un quid tenu ferme dans l'expérience seulement pour un moment" (p. 8).

Les romantiques étaient également parvenus à cette idée de vie cosmique grâce aux travaux d'alchimie, développés avec la collaboration de von Klettenberg et grâce à sa lecture de Paracelse. Il est resté lié pendant une courte période à cette relation mystique avec les forces de la nature: même s'il n'a jamais perdu l'idée de l'univers comme un immense organisme. Il a identifié le mécanicisme d'Holbach comme l'ennemi à battre dans ce domaine d'étude. Il se tourne vers la botanique, poussé par le travail qu'il fait dans le jardin que lui a offert le duc Charles-Auguste. Il passait des journées entières dans la forêt de Thuringe: il y a appris à aimer les mousses et les lichens. Il a lu Linné, dont la méthode de classification devait, selon lui, être complétée par la recherche de ce quid qui reste inchangé dans les nombreuses formes végétales différentes. Il a trouvé la confirmation de la "plante originelle" dans les observations faites au cours de ses voyages, notamment en Italie. Il reconnaît que dans cette "forme fondatrice": "réside la possibilité de variations infinies, de sorte que de l'unité naît la multiplicité" (p. 15).

S-3-241x300.jpegAvec ce "type", la nature joue, donnant naissance à la multiplicité de la vie. Contrairement à Darwin, qui considérait que la dimension constante de la nature n'existait pas, étant donné la présence vérifiable de la variabilité des aspects extérieurs du monde végétal et animal, Goethe est parti à la recherche de cette dernière, découvrant: 1) le "type", c'est-à-dire la loi qui se manifeste dans les organismes (l'animalité de l'animal); 2) l'action réciproque d'interaction entre l'organisme et la nature inorganique (adaptation et lutte pour l'existence). Darwin ne s'était arrêté que sur ce dernier aspect. En 1790, Goethe expose sa théorie de la métamorphose: "Ce concept est celui d'une expansion et d'une contraction alternées" (p. 21) des entités. Dans la graine, la plante est contractée. Avec les feuilles, sa première expansion se produit. Dans le calice, les forces reviennent se contracter en un point axial, tandis que la corolle témoigne d'une nouvelle expansion. Étamines et pistil sont l'expression de la contraction suivante, fruit de la dernière expansion végétale, qui cache en elle la nouvelle graine. C'est un processus d'entéléchie cyclique. Quant aux différences entre le monde animal et le monde humain, la science de l'époque pensait que seuls les animaux possédaient, entre les deux parties symétriques de la mâchoire supérieure, l'os intermaxillaire. Goethe, en 1784, a montré l'inanité de cette thèse. Cela impliquait que les éléments: "répartis chez les animaux, se réunissent en harmonie dans la figure humaine" (p. 35). Goethe l'avait déjà compris dans ses études de physiognomonie, où la structure osseuse du corps humain renvoyait à la position proéminente de la tête, indiquant, d'un point de vue symbolique, le destin spirituel, et non chosal, de l'être humain. Bref, pour Goethe, dans les organismes: "Toutes les qualités sensibles apparaissent [...] comme les conséquences d'un état qui n'est plus perceptible par les sens" (p. 47). Le savant y parvenait grâce à ce que Spinoza avait défini comme une connaissance d'un troisième type, la scientia intuitiva. En effet, rappelle Steiner, le deus sive natura de Spinoza est le contenu idéal du monde, c'est Dieu qui se donne dans les entités, car quelque chose de la physis est vivifié de l'intérieur, par l'idée. Alors que le concept de l'intellect est une somme d'observation et d'analyse, l'idée est le résultat de l'expérience directe et non médiatisée de la raison. Il s'agit là, selon Steiner, d'un idéalisme empirique. Goethe, en dialogue avec les grands noms de l'idéalisme, reconnaît à la pensée la faculté d'aller au-delà du sensible, la capacité de saisir l'idée comme ‘’forme’’ de la nature: "La perception de l'idée dans la réalité est la véritable communion de l'homme " (p. 84). C'est un processus de ‘’cosmisation’’ de l'humain.

Goethe a appliqué cette recherche de l'idée à la multiplicité des perceptions de la couleur. Il a compris que la base de toute couleur est la lumière: les couleurs sont des modifications de la lumière. Ce qui modifiait la lumière en faisant percevoir des couleurs différentes était: "la matière privée de lumière, l'obscurité active [...] Ainsi chaque couleur devenait pour lui la lumière modifiée par l'obscurité" (p. 213). La lumière et les ténèbres sont des idées spirituelles. Goethe, reconnaît Steiner, a indiqué une autre science que la science newtonienne, centrée sur la vision mécaniste. Il s'agit d'une sorte de "physique spéculative" dont, après Schelling et Fechner, peu d'autres ont eu l'intrépidité intellectuelle de renforcer. Face à la dévastation de la nature que le Gestell met en scène, il est peut-être temps de regarder Goethe et sa Naturphilosophie avec plus d'attention.

Giovanni Sessa.

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samedi, 13 mars 2021

Goethe et la dévitalisation des Européens

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Goethe et la dévitalisation des Européens

par Nicolas Bonnal

Nous avons vu que Goethe pressent le grand déclin du monde dans ses Entretiens avec Eckermann. Concrètement nous allons rappeler qu’il pressent aussi le déclin physique hommes du continent, lié à son développement industriel. Bien avant Nietzsche ou Carrel, l’auteur de Werther, qui aspirait à un idéal classique européen, pressent cet affaissement. Et comme Rousseau, mais à sa manière, Goethe rejette le monde occidental et sa civilisation préfabriquée. Nous sommes en 1828 :

« Du reste, nous autres Européens, tout ce qui nous entoure est, plus ou moins, parfaitement mauvais ; toutes les relations sont beaucoup trop artificielles, trop compliquées ; notre nourriture, notre manière de vivre, tout est contre la vraie nature ; dans notre commerce social, il n’y a ni vraie affection, ni bienveillance. Tout le monde est plein de finesse, de politesse, mais personne n’a le courage d’être naïf, simple et sincère ; aussi un être honnête, dont la manière de penser et d’agir est conforme à la nature, se trouve dans une très-mauvaise situation. On souhaiterait souvent d’être né dans les îles de la mer du Sud, chez les hommes que l’on appelle sauvages, pour sentir un peu une fois la vraie nature humaine, sans arrière-goût de fausseté. »

9782070712434_1_75.jpgD’un coup le grand homme olympien se sent neurasthénique :

« Quand, dans un mauvais jour, on se pénètre bien de la misère de notre temps, il semble que le monde soit mûr pour le jugement dernier. Et le mal s’augmente de génération en génération ! Car ce n’est pas assez que nous ayons à souffrir des péchés de nos pères, nous léguons à nos descendants ceux que nous avons hérites, augmentés de ceux que nous avons ajoutés. »

Mais Eckermann tente de le rasséréner. On n’est qu’au début du dix-neuvième siècle, au sortir des meurtrières guerres napoléoniennes qui ont fait s’effondrer la taille du soldat français (quatre pouces, dira Madison Grant en reprenant les études de Vacher de Lapouge) :

« — J’ai souvent des pensées de ce genre dans l’esprit, dis-je, mais si je viens à voir passer à cheval un régiment de dragons allemands, en considérant la beauté et la force de ces jeunes gens, je me sens un peu consolé et je me dis : l’avenir de l’humanité n’est pas encore si menacé ! »

Car Schmitt dans son grand et beau texte sur le partisan souligne le fondement : il faut garder son caractère tellurique ; c’est en effet la clé pour tromper d’un ennemi surpuissant. A l’heure où nous sommes dévitalisés par les confinements et notre addiction à la technologie, cette leçon est de toute manière bien oubliée.

Goethe fait confiance bien sûr à la solide classe paysanne qui sera exterminée par les guerres mondiales, le communisme puis par la politique agricole commune européenne :

« — Notre population des campagnes, en effet, répondit Goethe, s’est toujours conservée vigoureuse, et il faut espérer que pendant longtemps encore elle sera en état non-seulement de nous fournir de solides cavaliers, mais aussi de nous préserver d’une chute et d’une décadence absolues. Elle est comme un dépôt où viennent sans cesse se refaire et se retremper les forces alanguies de l’humanité. Mais allez dans nos grandes villes, et vous aurez une autre impression. Causez avec un nouveau Diable boiteux, ou liez-vous avec un médecin ayant une clientèle considérable, il vous racontera tout bas des histoires qui vous feront tressaillir en vous montrant de quelles misères, de quelles infirmités souffrent la nature humaine et la société. »

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Le coût encore du divin Napoléon ? Eckermann en parle :

Je me rappelle aussi avoir vu sous Napoléon un bataillon d’infanterie française qui était composé uniquement de Parisiens, et c’étaient tous des hommes si petits et si grêles qu’on ne concevait guère ce qu’on voulait faire avec eux à la guerre. »

« Les montagnards écossais du duc de Wellington devaient paraître d’autres héros, dit Goethe. »

« — Je les ai vus à Bruxelles un an avant la bataille de Waterloo. C’étaient en réalité de beaux hommes ! Tous forts, frais, vifs, comme si Dieu lui-même les avait créés les premiers de leur race. — Ils portaient tous leur tête avec tant d’aisance et de bonne humeur, et s’avançaient si légèrement avec leurs vigoureuses cuisses nues, qu’il semblait que pour eux il n’y avait pas eu de péché originel, et que leurs aïeux n’avaient jamais connu les infirmités. »

Tout de même cette époque – le début du dix-neuvième siècle donc -  est encore féconde en beaux hommes (voir Custine époustouflé par les russes). Et Goethe se lance dans un beau développement sur le gentleman anglais façon Jane Austen qui alors fascine l’Europe et le monde. On se rappelle du somptueux Wellington de Bondartchuk dans le film Waterloo et on laisse Goethe parler :

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« — C’est un fait singulier, dit Goethe. Cela tient-il à la race ou au sol, ou à la liberté de la constitution politique, ou à leur éducation saine, je ne sais, mais il y a dans les Anglais quelque chose que la plupart des autres hommes n’ont pas. Ici, à Weimar, nous n’en voyons qu’une très-petite fraction, et ce ne sont sans doute pas le moins du monde les meilleurs d’entre eux, et cependant comme ce sont tous de beaux hommes, et solides ! Quelque jeunes qu’ils arrivent ici en Allemagne, à dix-sept ans déjà, ils ne se sentent pas hors de chez eux et embarrassés en vivant à l’étranger ; au contraire, leur manière de se présenter et de se conduire dans la société est si remplie d’assurance et si aisée que l’on croirait qu’ils sont partout les maîtres et que le monde entier leur appartient. C’est bien là aussi ce qui plaît à nos femmes, et voilà pourquoi ils font tant de ravages dans le cœur de nos jeunes dames. »

Les âges d’or ou les grands moments n’ont qu’un temps. On ne comparera pas les massacrés des tranchées aux marcheurs de Moscou.

Sources :

Conversations avec Eckermann. 1828 (Wikisource.org).

mercredi, 10 mars 2021

Goethe et l’unité allemande

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Goethe et l’unité allemande

par Nicolas Bonnal

Nous sommes en 1828. Nous sommes encore dans l’Allemagne paisible et cultivée, celle de la musique de cour et des universités, des châteaux et des jardins princiers, des poètes et des philosophes. Goethe discute avec Eckermann de la future unité allemande. Il la sent inévitable économiquement mais il la redoute culturellement.

Nota : sur cette question de la taille qui rompt les équilibres, surtout politiques, j’ai rappelé les écrits de Léopold Kohr, le chercheur autrichien qui avait inspiré Koyaanisqatsi et qui était l’auteur du Breakdown of nations.  Je commencerai par Kohr par conséquent :

51jLz+MhngL._SX316_BO1,204,203,200_.jpg« Léopold Kohr est un peu comme René Girard. Son explication doit tout expliquer. Voici ce qu’il écrit au début de son ''effondrement des nations'' :

« Comme les physiciens de notre temps ont essayé d'élaborer une théorie unique, capable d'expliquer non seulement certains mais tous phénomènes de l'univers physique, j'ai essayé de développer une seule théorie à travers laquelle non seulement certains mais tous les phénomènes de l'univers social peuvent être réduits à un commun dénominateur. »

Et son secret, inspiré par une remarque de notre Jonathan Swift est le refus du bulk, de la masse, de la taille :

«  Le résultat est une philosophie politique nouvelle et unifiée centrée autour de la taille. Elle suggère qu'il semble y avoir une seule cause derrière toutes les formes de misère sociale: la grandeur. Aussi simpliste que cela puisse paraître, nous trouverons l'idée plus facilement acceptable si nous considérons que la grandeur, ou sur-dimension, est vraiment beaucoup plus que juste un problème social. Elle semble être le seul et unique problème imprégnant toute la création. Où quelque chose ne va pas, c’est que quelque chose est trop gros. »

Un autre historien, le passionnant marxiste Eric Hobsbawn faisait remarquer la chute italienne sur le plan culturel après l’unification. Mais Bakounine l’avait déjà dénoncée en 1869, cette unification piémontaise et maçonne qui avait déçu tout son monde au bout de cinq ans, avec son inefficacité administrative et sa corruption politique, tout en ruinant le pays – dont le budget était quatre fois supérieur à celui de tous les états italiens avant l’unité. Citons-le :

« Sortie d’une révolution nationale victorieuse, rajeunie, triomphante, ayant d’ailleurs la fortune si rare de posséder un héros et un grand homme, Garibaldi et Mazzini, l’Italie, cette patrie de l’intelligence et de la beauté, devait, paraissait-il, surpasser en peu d’années toutes les autres nations en prospérité et en grandeur. Elle les a surpassées toutes en misère.

Moins de cinq années d’indépendance avaient suffi pour ruiner ses finances, pour plonger tout le pays dans une situation économique sans issue, pour tuer son industrie, son commerce, et, qui plus est, pour détruire dans la jeunesse bourgeoise cet esprit d’héroïque dévouement qui pendant plus de trente ans avait servi de levier puissant à Mazzini.

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Le triomphe de la cause nationale, au lieu de tout raviver, avait écrasé tout. »

Ces prémisses établis je reviens à Goethe. Il souligne les dangers de cette course au gigantisme et au centralisme qui a coûté si cher à la France (voyez mon livre sur le coq hérétique) :

« Mais si l’on croit que l’unité de l’Allemagne consiste à en faire un seul énorme empire avec une seule grande capitale, si l’on pense que l’existence de cette grande capitale contribue au bien-être de la masse du peuple et au développement des grands talents, on est dans l’erreur. — On a comparé un État à un corps vivant, pourvu de membres nombreux ; la capitale, c’est le cœur, et du cœur coulent partout dans tous les membres la vie et le bien-être. C’est fort bien ; mais lorsque les membres sont éloignés du cœur, la vie qui s’en échappe y arrivera affaiblie et elle s’affaiblira toujours en s’éloignant. Un Français, homme d’esprit, Dupin, je crois, a dressé une carte du développement intellectuel de la France, et teinté en couleurs plus ou moins claires ou foncées les divers départements, d’après leur culture plus ou moins avancée ; on voit les départements du sud, éloignés de la capitale, teintés en noir foncé, signe de l’ignorance épaisse qui y règne. — Ce serait un bonheur pour la belle France si, au lieu d’un seul centre, elle en avait dix, tous répandant la lumière et la vie. »

Goethe qui dit que le propre de l’allemand c’est l’individualisme et la liberté (et comme il a raison !) souligne le caractère pluriel et décentralisé du génie allemand. L’Allemagne et son génie auront été les plus grandes victimes du passage à la modernité gigantesque.

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Reprenons Eckermann, en rappelant que cette unité est inéluctable sur le plan administratif et économique (cf. « la doctrine de la fatalité » de l’ineffable Tocqueville) :

« Nous causâmes alors de l’unité de l’Allemagne, cherchant comment elle était possible et en quoi elle était désirable.

« Je ne crains pas que l’Allemagne n’arrive pas à son unité, dit Goethe ; nos bonnes routes et les chemins de fer qui se construiront feront leur œuvre. Mais, avant tout, qu’il y ait partout de l’affection réciproque, et qu’il y ait de l’union contre l’ennemi extérieur. Qu’elle soit une, en ce sens que le thaler et le silbergroschen aient dans tout l’empire la même valeur ; une, en ce sens que mon sac de voyage puisse traverser les trente-six États sans être ouvert ; une, en ce sens que le passeport donné aux bourgeois de Weimar par la ville ne soit pas à la frontière considéré par l’employé d’un grand État voisin comme nul, et comme l’égal d’un passeport étranger. »

Puis Goethe insiste sur notre point ; le génie allemand de cette époque est lié à son caractère pluriel et décentralisé :

« Où est la grandeur de l’Allemagne, sinon dans l’admirable culture du peuple, répandue également dans toutes les parties de l’empire ? Or, cette culture n’est-elle pas due à ces résidences princières partout dispersées ; de ces résidences part la lumière, par elles elle se répand partout. Si depuis des siècles nous n’avions en Allemagne que deux capitales, Vienne et Berlin, ou même une seule, je serais curieux de voir ce que serait la civilisation allemande, et ce que serait aussi le bien-être matériel, qui va de pair avec la civilisation morale. »

La grande culture est alors partout, grâce aux princes, évêques et mécènes :

« L’Allemagne a plus de vingt Universités, répandues dans tout l’empire, et plus de cent bibliothèques publiques. Elle a également un grand nombre de collections d’art et de collections d’objets de tous les règnes de la nature, car chaque prince a cherché à avoir près de lui de beaux échantillons en ce genre. Des collèges, des écoles pour les arts pratiques et pour l’industrie, il y en a en excès. Il n’y a guère en Allemagne de village qui n’ait son école. En France, où en est-on sous ce rapport ? Et cette quantité de théâtres allemands, au nombre de plus de soixante-dix, établissements qui ne sont pas du tout à dédaigner comme moyen de répandre et d’encourager dans le peuple une haute instruction ! — Le goût et la pratique de la musique et du chant ne sont dans aucun pays aussi répandus qu’en Allemagne, et c’est là encore quelque chose ! ».

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A la place de la musique on aura les usines et les parades militaires. Goethe ajoute :

«  Pensez à ces villes comme Dresde, Munich, Stuttgart, Cassel, Brunswick, Hanovre, et à leurs pareilles, pensez aux grands éléments de vie que ces villes portent en elles ; pensez à l’influence qu’elles exercent sur les provinces voisines et demandez-vous : Tout serait-il ainsi, si depuis longtemps elles n’étaient pas la résidence de princes souverains ? Francfort, Brème, Hambourg, Lubeck sont grandes et brillantes ; leur influence sur la prospérité de l’Allemagne est incalculable. Resteraient-elles ce qu’elles sont, si elles perdaient leur indépendance, et si elles étaient annexées à un grand empire allemand, et devenaient villes de province ? J’ai des raisons pour en douter. »

Sources principales :

Jeudi, 23 octobre 1828. Conversations de Goethe avec Eckermann, wikisource.org.

https://fr.wikisource.org/wiki/Conversations_de_Goethe/Ann%C3%A9e_1828

http://www.dedefensa.org/article/small-is-beautiful

https://fr.wikisource.org/wiki/Bakounine/%C5%92uvres/Tome...

https://www.lesechos.fr/2013/11/des-tontons-flingueurs-a-thomas-daquin-332339

mardi, 02 mars 2021

Goethe et la destruction des peuples par leurs historiens et leurs savants

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Goethe et la destruction des peuples par leurs historiens et leurs savants

par Nicolas Bonnal

L’effondrement du caractère des peuples modernes et démocratiques accompagnent en ce moment la rapidité de leur extermination – ou de leur mise au pas terminale, si on veut rester euphémique ou  optimiste. Mais cette mise au pas, dont Bernanos ne cesse de parler dans sa France contre les robots (il compare les rébellions médiévales et la Fronde à l’adoration ordinaire des dictatures au vingtième siècle), est ancienne. Et à l’heure ou de jeunes crétins nationalistes et soi-disant rebelles tentent de servir de supplétifs à la police pour veiller sur nos frontières à coups de drone, il est temps de revenir sur l’ancienneté de cette mise au pas des peuples d’occident qui sont passé des siècles du christianisme et de la chevalerie à ceux du nazisme, du fascisme, de l’américanisme, du mondialisme et du communisme à outrance. J’en reviens à de grands classiques donc pour la énième fois, histoire de tenter d’expliquer pourquoi nous sommes des veaux (des animaux de boucherie dit Jünger dans son Traité du rebelle), des esclaves et des cafards soumis à Schwab et à son plan d’extermination globale, lui-même précédé par un plan de soumission incroyable, préparé par des décennies (des décennies ou de siècles ?) d’abrutissement médiatique et technoscientifique.

unnamedGE.jpgJe commencerai par Goethe. Conversation avec Eckermann (11828) :

« Ce soir j’ai trouvé Goethe dans de très-hautes pensées, et j’ai recueilli mainte grande parole. Nous avons causé sur l’état de la littérature contemporaine, et Goethe a dit : « Le manque de caractère dans tous les individus qui font des recherches et qui écrivent, voilà la source du mal pour notre littérature contemporaine. C’est surtout dans la critique que ce manque de caractère a des résultats fâcheux pour le monde, car on répand ainsi l’erreur pour la vérité, ou par une vérité misérable on en anéantit une grande qui nous rendrait service. Jusqu’à présent le monde croyait à l’âme héroïque d’une Lucrèce, d’un Mucius Scevola et par eux il se laissait enflammer, enthousiasmer. Aujourd’hui la critique historique arrive pour nous dire que ces personnages n’ont jamais vécu, et qu’il faut les regarder comme des fictions et des fables, poésies sorties de la grande âme des Romains. Que voulez-vous faire d’une vérité aussi misérable ! Si les Romains étaient assez grands pour inventer de pareilles poésies ; nous devrions au moins être assez grands pour les croire vraies. »

Tout cela est très juste : l’exaltation historique et la poésie ont été remplacées par une approche froide et soi-disant objective de la réalité qui a créé des peuples veules et soumis. Attention toutefois à la mythologie artificielle, façon ersatz napoléonien qui a préparé l’esprit à nos guerres d’extermination moderne, et dont René Girard a bien parlé. Goethe ajoute :

 « Jusqu’à présent je faisais ma joie d’un grand événement du treizième siècle. Lorsque l’empereur Frédéric II était en lutte avec le pape et que tout le nord de l’Allemagne était exposé sans défense à une attaque, on vit pénétrer dans l’empire des hordes asiatiques ; déjà elles étaient en Silésie, mais arrive le duc de Liegnitz, et par une grande défaite, il les terrifie. Ils se tournent alors vers la Moravie ; là, c’est le comte Sternberg qui les écrase. Ces braves m’apparaissaient donc jusqu’alors comme deux grands sauveurs de la nation allemande. Arrive la critique historique pour dire que ces héros se sont sacrifiés fort inutilement, car la horde asiatique était déjà rappelée et elle se serait retirée d’elle-même. Voilà maintenant un grand événement de l’histoire nationale dépouillé d’intérêt, anéanti. Cela désespère ! »

002328720.jpgLe savant de glace aura énervé d’autres génies en occident ; on va y revenir.  Et à l’heure où nous sommes persécutés, ruinés et animalisés par l’affairisme pharmaceutique, il est bon de rappeler cette phrase de Goethe sur cette invasion pas comme les autres, que le Knock de Jules Romains a magnifiquement révélée en son temps :

« Puis Goethe a parlé des autres savants et littérateurs. « Je n’aurais jamais su quelle est la misère humaine, et combien peu les hommes s’intéressent vraiment à de grandes causes, si je ne les avais pas éprouvés à propos de l’un de mes travaux scientifiques. J’ai vu alors que pour la plupart la science ne les intéresse que parce qu’ils en vivent, et qu’ils sont même tout prêts à déifier l’erreur, s’ils lui doivent leur existence. Ce n’est pas mieux en littérature. Là aussi un grand but, un goût véritable pour le vrai, le solide, et pour leur propagation sont des phénomènes très-rares. Celui-ci vante et exalte celui-là, parce qu’il en sera à son tour vanté et exalté ; la vraie grandeur leur est odieuse, et ils la chasseraient volontiers du monde pour rester seuls importants. Ainsi est la masse, et ceux qui la dominent ne valent pas beaucoup mieux. »

Goethe résume ainsi cruellement notre situation de modernes : ainsi est la masse, et ceux qui la dominent ne valent pas beaucoup mieux.

Tocqueville écrit dix ans après Goethe (onze exactement) presque sur le même sujet : la déshumanisation par la nouvelle histoire dite scientifique (et qui n’arrivera jamais à la cheville de Thucydide de toute manière) :

« Ceux qui écrivent dans les siècles démocratiques ont une autre tendance plus dangereuse. Lorsque la trace de l’action des individus sur les nations se perd, il arrive souvent qu’on voit le monde se remuer sans que le moteur se découvre. Comme il devient très difficile d’apercevoir et d’analyser les raisons qui, agissant séparément sur la volonté de chaque citoyen, finissent par produire le mouvement du peuple, on est tenté de croire que ce mouvement n’est pas volontaire, et que les sociétés obéissent sans le savoir à une force supérieure qui les domine. »

indexadt.jpgOn prépare donc le troupeau à l’abattoir des guerres ou du réchauffement climatique :

« Les historiens qui vivent dans les temps démocratiques ne refusent donc pas seulement à quelques citoyens la puissance d’agir sur la destinée du peuple, ils ôtent encore aux peuples eux-mêmes, la faculté de modifier leur propre sort, et ils les soumettent soit à une providence inflexible, soit à une sorte de fatalité aveugle. »

Nous allons alors devenir des turcs, observe Tocqueville (aujourd’hui on parle des chinois et de leur notation sociale…) :

« Si cette doctrine de la fatalité, qui a tant d’attraits pour ceux qui écrivent l’histoire dans les siècles démocratiques, passant des écrivains à leurs lecteurs, pénétrait ainsi la masse entière des citoyens et s’emparait de l’esprit public, on peut prévoir qu’elle paralyserait bientôt le mouvement des sociétés nouvelles, et réduirait les chrétiens en Turcs.

Je dirai de plus qu’une pareille doctrine est particulièrement dangereuse à l’époque où nous sommes ; nos contemporains ne sont que trop enclins à douter du libre arbitre, parce que chacun d’eux se sent borné de tous côtés par sa faiblesse, mais ils accordent encore volontiers de la force et de l’indépendance aux hommes réunis en corps social. Il faut se garder d’obscurcir cette idée, car il s’agit de relever les âmes et non d’achever de les abattre. »

Il s’agit de relever les âmes et non d’achever de les abattre… Avouez qu’on est mal partis !

Je terminerai par Chateaubriand, par la prodigieuse conclusion des Mémoires d’outre-tombe (1841). Chateaubriand reconnait un accroissement quantitatif y compris sur le plan des connaissances. Mais à quel prix ! Il écrit sur ce mixte de fatalité et de scientificité :

chateaubriand.jpg« Au milieu de cela, remarquez une contradiction phénoménale : l'état matériel s'améliore, le progrès intellectuel s'accroît, et les nations au lieu de profiter s'amoindrissent : d'où vient cette contradiction ?

C'est que nous avons perdu dans l'ordre moral. En tout temps il y a eu des crimes ; mais ils n'étaient point commis de sang−froid, comme ils le sont de nos jours, en raison de la perte du sentiment religieux. A cette heure ils ne révoltent plus, ils paraissent une conséquence de la marche du temps ; si on les jugeait autrefois d'une manière différente, c'est qu'on n'était pas encore, ainsi qu'on l'ose affirmer, assez avancé dans la connaissance de l'homme ; on les analyse actuellement ; on les éprouve au creuset, afin de voir ce qu'on peut en tirer d'utile, comme la chimie trouve des ingrédients dans les voiries. Les corruptions de l'esprit, bien autrement destructives que celles des sens, sont acceptées comme des résultats nécessaires ; elles n'appartiennent plus à quelques individus pervers, elles sont tombées dans le domaine public. »

On répète : les corruptions de l’esprit sont tombées dans le domaine public. Cela ne vous rappelle rien ?

Sources disponibles sur wikisource :

De la démocratie en Amérique, Tome troisième, chapitre XX

Mémoires d’outre-tombe, conclusion

Conversations avec Eckermann

jeudi, 25 février 2021

«Là-bas aussi il fait déjà trop jour»: Goethe et le déclin de la culture européenne

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«Là-bas aussi il fait déjà trop jour»: Goethe et le déclin de la culture européenne

par Nicolas Bonnal

Notre effondrement culturel est évident. Comparez le début du vingtième siècle et celui de ce siècle pour rire. Mais remontons un peu dans le temps pour comprendre...

Goethe face au déclin de la littérature : il semble que le plus grand génie européen ait pressenti notre crépuscule après 1815 dans ce domaine aussi. D’autres grands esprits alors évoquent le recul à venir, Chateaubriand dans l’admirable conclusion des Mémoires, Tocqueville bien sûr, Musset à sa manière, et Edgar Poe qui annonce le règne de la racaille (mob) dans ses Entretiens avec une momie.

Dans les formidables entretiens avec Eckermann ce dernier écrit (on est en février 1824 et vous trouverez tout sur Wikisource) sur les méfaits du génie shakespearien à long terme (et en effet Shakespeare n’a-t-il pas ombragé toute la littérature britannique ou presque?):

« Après dîner, je restai seul avec Goethe. Nous causâmes sur la littérature anglaise, sur la grandeur de Shakespeare et sur la situation malheureuse de tous les poètes dramatiques anglais venus après ce géant de la poésie. « Un talent dramatique, dit Goethe, s’il était remarquable, ne pouvait pas ignorer Shakespeare, il ne pouvait s’empêcher de l’étudier. Mais, en l’étudiant, il acquérait la conviction que Shakespeare avait déjà épuisé toute la nature humaine, dans toutes ses directions, dans toutes ses profondeurs, dans toute son élévation, et qu’il ne lui avait laissé, à lui son descendant, absolument rien à faire. Et où donc aurait-il pris le courage de saisir seulement la plume, celui dont l’âme avait su bien comprendre les immenses et inaccessibles beautés de son prédécesseur ? »

L’ombre écrasante de Shakespeare n’existait pas en Allemagne. C’était une chance pour Goethe et pour la belle brochette de génies germaniques nés à l’époque de Napoléon (que Goethe adore comme lecteur et critique, il en parle mainte fois à son convive) :

 9f63cd5f55c25bfc16077e8c3cb0530b_XL.jpg« Il y a cinquante ans, dans ma chère Allemagne, j’étais, moi, plus à mon aise, mes prédécesseurs ne m’embarrassaient pas ; ils n’étaient pas en état de m’imposer longtemps et de m’arrêter. J’abandonnai donc bien vite la littérature allemande, je ne l’étudiai plus et je m’adonnai tout entier à la vie elle-même, et à la création. Je me développai ainsi peu à peu tout naturellement et me rendis capable des œuvres que je publiais de temps en temps avec succès. Dans ce progrès parallèle de ma vie et de mon développement, jamais mon idée de la perfection n’a été supérieure à ce que j’étais à ce moment-là capable de réaliser. »

Et d’expliquer pourquoi l’Allemagne a connu alors tant de génies : « Mais si j’étais né en Angleterre, et si au moment où, pour la première fois, jeune homme ouvrant les yeux, j’avais été envahi par cette variété de chefs-d’œuvre, leur puissance m’aurait écrasé et je n’aurais su que faire. J’aurais perdu la légèreté de la démarche, la fraîcheur du courage, et je serais resté livré à de longues réflexions, à de longues hésitations, pour trouver une nouvelle voie. »

C’est peut-être une des causes de la longévité de la littérature française qui fascinait Borges : on n’a jamais eu de génie qui écrase les autres. Pas de Dante, pas de Shakespeare, pas de… Goethe. Car le déclin allemand est patent après lui et la prodigieuse génération romantique (Hölderlin, Novalis, Schlegel, etc.) qui fournit aussi les plus grands philosophes, Hegel ou Schopenhauer. Le dix-neuvième est une longue agonie littéraire dont ne va cesser de se plaindre Nietzsche dans toute son œuvre, accusant Bismarck, l’unité allemande, la presse (considération inactuelle sur David Strauss), le nationalisme - et en oubliant la création d’une société industrielle très crétine. Il est vrai que le génie allemand renaît au moment de la guerre, tant sur le plan littéraire (Mann, Hesse, etc.) que philosophique (Heidegger, Spengler). Ce sera un beau chant du cygne que l’on retrouvera partout en Europe, surtout en Autriche d’ailleurs (importance des génies juifs). Jamais nous n’avons aussi brillé qu’au début du vingtième. Et jamais nous n’avons été aussi éteints que maintenant.

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Revenons à Goethe ; on est toujours en février 1824 :

« Aujourd’hui, avant diner, Goethe m’a fait inviter à une promenade en voiture. En entrant dans sa chambre, je le trouvai déjeunant ; il paraissait d’humeur très-gaie.

« J’ai reçu une très-agréable visite, me dit-il joyeusement ; un jeune homme plein d’espérance, Meyer, de Westphalie, était avant vous chez moi. Il a fait des poésies qui permettent d’attendre beaucoup. Il vient d’avoir dix-huit ans ; il est avancé d’une façon étonnante. Je suis bien content, dit ensuite Goethe en riant, de n’avoir pas aujourd’hui dix-huit ans. »

Et là la remarque est implacable, expliquant la liquidation de toute littérature européenne dans le règne de la quantité littéraire :

« Quand j’avais dix-huit ans, l’Allemagne avait aussi dix-huit ans, et on pouvait faire quelque chose ; maintenant ce que l’on demande est incroyable, et tous les chemins sont barrés. L’Allemagne seule est, dans tous les genres, parvenue si haut, que notre regard peut à peine tout dominer, et il faut que nous soyons encore avec cela Grecs, Latins, Anglais et Français ! Et voilà maintenant l’Orient, où l’on a la folie de nous envoyer : un jeune homme doit vraiment perdre la tête. Pour consoler Meyer, je lui ai montré ma tête colossale de Junon, comme un symbole lui disant qu’il pouvait rester chez les Grecs et cependant trouver la tranquillité. C’est un jeune homme d’un esprit pratique ! S’il se met en garde contre l’éparpillement, il peut devenir quelque chose. Mais je remercie le ciel, comme je vous disais, de ne plus être jeune dans un siècle aussi avancé. Je ne resterais plus ici. »

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Et l’auteur de Werther de finir sur un ton sublime :

« Et même, si je voulais fuir en Amérique, j’arriverais encore trop tard, car là-bas aussi il fait déjà trop jour. »

Oui la grandeur américaine n’eut qu’un temps assez bref aussi (Hawthorne, Poe, Thoreau, Emerson, etc.). On passa ensuite aux bestsellers et à des temps plus industriels.

On complètera ces remarques de Goethe par le remarquable essai de Tolstoï (qui méprisait royalement Shakespeare !) sur le déclin de l’art, qui expliquait comment l’école, l’université, l’enseignement, les profs, les journaux, les critiques, les festivals, tout enfin avait détruit le génie littéraire vers la fin du dix-neuvième siècle. Même son de cloche dans la très belle dissertation de Nietzsche sur l’histoire…

Là-bas aussi il fait déjà trop jour…

Sources :

https://bibliotheque-russe-et-slave.com/Livres/Tolstoi%20...

https://philosophie.cegeptr.qc.ca/wp-content/documents/Se...

https://fr.wikisource.org/wiki/Conversations_de_Goethe/An...

https://www.amazon.fr/Chroniques-sur-lHistoire-Nicolas-Bo...

 

vendredi, 28 septembre 2018

Goethe et les entropies du monde moderne

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Goethe et les entropies du monde moderne

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Une note sublime - et si juste - pour commencer :

« Les apôtres de liberté m’ont toujours été antipathiques, car ce qu'ils finissent toujours par chercher, c'est le droit pour eux à l'arbitraire. »

Je n’avais pas touché à Goethe depuis plus de quinze ans, trop écœuré peut-être parce qu’est devenue l’Allemagne de la mégère inapprivoisée. Et puis, le génie du web aidant (Gallica BNF), j’ai relu avec émerveillement ses conversations avec Eckermann, qui sont un des livres les plus extraordinaires du monde. Imaginons qu’Homère, Shakespeare ou Rabelais aient eu cette chance ; ou même Nietzsche, Tocqueville ou Voltaire... La chance d’un Eckermann…

Nous sommes à la fin des années 1820, quand le « satanisme de l’aventure industrielle » (Drieu) se dessine, et que les Poe, Balzac et Chateaubriand comprennent que nous allons être mangés par Mammon et le « mob », la canaille.

Le génie olympien tout en gardant sa « balance » a vite fait en tout cas de prendre ses distances avec le monde moderne. Il voit tout venir, à commencer par nos talents avariés, dépréciés :

« Celui qui ne veut pas croire qu'une grande partie de la grandeur de Shakespeare est due à la grandeur et à la puissance de son siècle, que celui-là se demande si l'apparition d'un phénomène aussi étonnant serait possible aujourd'hui dans l'Angleterre de 1824, dans nos jours détestables de journaux à critiques dissonantes? Ces rêveries tranquilles et innocentes, pendant lesquelles il est seul possible de créer quelque chose de grand, sont perdues pour jamais! Nos talents aujourd'hui doivent tout de suite être servis à la table immense de la publicité. Les revues critiques qui chaque jour paraissent en cinquante endroits, et le tapage qu'elles excitent dans le public, ne laissent plus rien mûrir sainement. »

Goethe est le premier à voir la menace journalistique (Nietzsche en parle très bien dans la considération inactuelle sur Strauss), ce règne de la quantité appliqué au style et aux idées. Il ajoute :

 « Celui qui aujourd'hui ne se retire pas entièrement de ce bruit, et ne se fait pas violence pour rester isolé, est perdu. Ce journalisme sans valeur, presque toujours négatif, ces critiques et ces discussions répandent, je le veux bien, une espèce de demi-culture dans les masses; mais pour le talent créateur, ce n’est qu'un brouillard fatal, un poison séduisant qui ronge les verts rameaux de son imagination, la dépouille de son brillant feuillage, et atteint jusqu'aux profondeurs où se cachent les sucs vitaux et les fibres les plus délicates. »

On savourera l’image de la botanique dont ce maître fut un champion, comme Rousseau.

Goethe ajoute avec émotion :

« Et puis la vie elle-même, pendant ces misérables derniers siècles, qu'est-elle devenue? Quel affaiblissement,  quelle débilité, où voyons-nous une nature originale, sans déguisement? Où est l'homme assez énergique pour être vrai et pour se montrer ce qu'il est ? Cela réagit sur les poètes; il faut aujourd'hui qu'ils trouvent tout en eux-mêmes, puisqu'ils ne peuvent plus rien trouver autour d'eux. »

Cette évocation del’affaiblissement des forces vitalesqui est ici une primeur, je l’ai évoquée dans mon étude sur Dostoïevski et l’occident. C’est la splendide tirade de Lebedev dans l’idiot :

« Et osez dire après cela que les sources de vie n’ont pas été affaiblies, troublées, sous cette « étoile », sous ce réseau dans lequel les hommes se sont empêtrés.

Et ne croyez pas m’en imposer par votre prospérité, par vos richesses, par la rareté des disettes et par la rapidité des moyens de communication ! Les richesses sont plus abondantes, mais les forces déclinent ; il n’y a plus de pensée qui crée un lien entre les hommes ; tout s’est ramolli, tout a cuit et tous sont cuits ! Oui, tous, tous, tous nous sommes cuits !… »

Comme on sait cette tirade est liée au réseau des chemins de fer (Dostoïevski évoque même Tchernobyl !).  Or le réseau, Goethe en parle quand il évoque au début du tome deuxième l’avènement inévitable et contrariant de l’unité allemande :

« Nous causâmes alors de l'unité de l'Allemagne, cherchant comment elle était possible et en quoi cite était désirable.

« Je ne crains pas que l’Allemagne n'arrive pas à son unité, dit Goethe nos bonnes routes et les chemins de fer qui se construiront feront leur œuvre. Mais, avant tout, qu'il y ait partout de l'affection réciproque, et qu'il y ait de l'union contre l'ennemi extérieur. »

Il évoque l’ouverture des frontières :

« Qu'elle soit une, en ce sens que le thaler et le silbergroschen aient dans tout l'empire la même valeur; une, en ce sens que mon sac de voyage puisse traverser les trente-six Etats sans être ouvert; une, en ce sens que le passeport donné aux bourgeois de Weimar par la ville ne soit pas à la frontière considéré par remployé d'un grand État voisin comme nul, et comme l'égal d'un passeport étranger… »

Et d’ajouter :

« Que l'on ne parle plus, entre Allemands, d'extérieur et d’intérieur; que l'Allemagne soit une pour les poids et mesures, pour le commerce, l'industrie, et cent choses analogues que je ne peux ni ne veux nommer. »

Que je ne peux ni ne veux nommer : on souligne ?

Par contre il voit tout de suite notre Goethe les futures limites de cette unité allemande qui va mettre fin à la culture allemande sous la brutale férule des bureaucrates bismarckiens :

« Mais si l'on croit que l'unité de l'Allemagne consiste à en faire un seul énorme empire avec une seule grande capitale, si l'on pense que l'existence de cette grande capitale contribue au bien-être de la masse du peuple et au développement des grands talents, on est dans l'erreur. »

C’est que Goethe est contre la centralisation, même la française (lisez l’émouvant passage de la rencontre avec Napoléon). La centralisation stérilise. Il écrit :

« Ce serait un bonheur pour la belle France si, au lieu d'un seul centre, elle en avait dix, tous répandant la lumière et la vie… »

goethestatue.jpgC’est « Paris et le désert français » cent ans avant Jean-François Gravier ; mais pour être honnête Rousseau avait déjà méprisé l’usage inconvenant de l’hyper-capitale Paris pour la France.

Et de faire l’éloge de la prodigieuse diversité allemande de son époque (un des seuls à notre époque à l’avoir compris est l’excellent historien marxiste Hobsbawn, qui évoqua aussi l’Italie stérilisée par son unification) :

« Où est la grandeur de l'Allemagne, sinon dans l'admirable culture du peuple, répandue également dans toutes les parties de l’empire? Or, cette culture n'est-elle pas due à ces résidences princières partout dispersées; de ces résidences part la lumière, par elles elle se répand partout… »

Il insiste :

« Pensez à ces villes comme Dresde, Munich, Stuttgart, Cassel, Brunswick, Hanovre, et à leurs pareilles, pensez aux grands éléments de vie que ces villes portent en elles ; pensez à l’influence qu'elles exercent sur les provinces voisines et demandez-vous ; tout serait-il ainsi, si depuis longtemps elles n'étaient pas la résidence de princes souverains? »

Car Goethe sent le risque que l’unité allemande va faire peser sur le génie germanique :

« Francfort, Brème, Hambourg, Lubeck sont grandes et brillantes; leur influence sur la prospérité de l’Allemagne est incalculable. Resteraient-elles ce qu'elles sont, si elles perdaient leur indépendance, et si elles étaient annexées à un grand empire allemand, et devenaient villes de province? J'ai des raisons pour en douter… »

Equilibre, harmonie, autant de thèmes centraux chez notre génie.

Autre sujet, la perfection. A cette époque on considère que la perfection est de ce monde, mais qu’elle n’est pas allemande mais britannique. Comme on sait ce complexe d’infériorité allemand pèsera lourd au vingtième siècle :

« …mais il y a dans les Anglais quelque chose que la plupart des autres hommes n'ont pas. Ici, à Weimar, nous n'en voyons qu'une très petite fraction, et ce ne sont sans doute pas le moins du monde les meilleurs d'entre eux, et cependant comme ce sont tous de beaux hommes, et solides. »

L’anglais (pas le dandy détraqué, le gentleman bien sûr) est beau pour ces raisons :

« Ce qui les distingue, c'est d'avoir le courage d'être tels que la nature les a faits. II n'y a en eux rien de faussé, rien de caché, rien d'incomplet et de louche; tels qu'ils sont, ce sont toujours des êtres complets. Ce sont parfois des fous complets, je t'accorde de grand cœur ; mais leur qualité est à considérer, et dans la balance de la nature elle pèse d'un grand poids. »

C’est le gentleman idéal, le parfait modèle hollywoodien de l’âge d’or (on pense à Stewart Granger à Cary Grant, à Errol Flynn) remis au goût du jour à notre époque postmoderne par les adaptations des petits romans de Jane Austen.

Mais Goethe souligne le déclin de notre perfection de civilisé :

« Du reste, nous autres Européens, tout ce qui nous entoure est, plus ou moins, parfaitement mauvais; toutes les relations sont beaucoup trop artificielles, trop compliquées; notre nourriture, notre manière de vivre, tout est contre la vraie nature; dans notre commerce social, il n'y a ni vraie affection, ni bienveillance. »

Goethe évoque alors en disciple de Rousseau (beaucoup plus germanique que français, et si mal compris en France le pauvre…) le modèle du sauvage :

« On souhaiterait souvent d'être né dans les îles de la mer du Sud, chez les hommes que l'on appelle sauvages, pour sentir un peu une fois la vraie nature humaine, sans arrière-goût de fausseté. »

Parfois même Goethe succombe au pessimisme, quant à la misère de notre temps :

« Quand, dans un mauvais jour, on se pénètre bien de la misère de notre temps, il semble que le monde soit mûr pour le jugement dernier. Et le mal s'augmente de génération en génération. Car ce n'est pas assez que nous ayons à souffrir des péchés de nos pères, nous léguons à nos descendants ceux que nous avons hérités, augmentés de ceux que nous avons ajoutés… »

Goethe alors rêve du paysan, pas encore trop pollué par la civilisation (un petit malin pourrait citer Walter Darré mais aussi les écolos, alors…) :

« Notre population des campagnes, en effet, répondit Goethe, s'est toujours conservée vigoureuse, et il faut espérer que pendant longtemps encore elle sera en état non seulement de nous fournir des cavaliers, mais aussi de nous préserver d'une décadence absolue ; elle est comme un dépôt où viennent sans cesse se refaire et se retremper les forces alanguies de l'humanité. Mais allez dans nos grandes villes, et vous aurez une autre impression… »

Et il insiste encore, au début du tome deuxième de ses entretiens, sur l’affaiblissement des hommes modernes :

« Causez avec un nouveau Diable boiteux, ou liez-vous avec un médecin ayant une clientèle considérable - il vous racontera tout bas des histoires qui vous feront tressaillir en vous montrant de quelles misères, de quelles infirmités souffrent la nature humaine et la société… »

Une vingtaine d’années avant, le jeune Kleist avait évoqué dans son théâtre des marionnettes cette nostalgie et ce regret de la perfection antérieure, nous invitant à remanger de l’arbre de la connaissance pour accéder à un stade supérieur (le transhumain à l’allemande ?).  Citons Kleist :

En sorte, dis-je un peu rêveur, qu’il nous faudrait de nouveau manger du fruit de l’arbre de la connaissance, pour retomber dans l’état d’innocence ?

— Sans nul doute, répondit-il ; c’est le dernier chapitre de l’histoire du monde.

Goethe sentait aussi cette disparition d’innocence, de simplicité (sujet allemand, qu’on retrouve chez Schiller comme dans les élégies II et VIII de Rilke) :

« Ah! nous autres modernes, nous sentons bien la grande beauté des sujets d'un naturel aussi pur, aussi complètement naïf; nous savons bien, nous concevons bien comment on pourrait faire quelque chose de pareil, mais nous ne le faisons pas ; on sent la réflexion qui domine, et nous manquons toujours de cette grâce ravissante… »

Tout cela était déjà dans le Théâtre de Kleist (écrit donc vingt ans avant) :

« Je dis que je savais fort bien quels désordres produit la conscience dans la grâce naturelle de l’homme. Un jeune homme de ma connaissance avait, par une simple remarque, perdu pour ainsi dire sous mes yeux son innocence et jamais, dans la suite, n’en avait retrouvé le paradis, malgré tous les efforts imaginables. »

Et puisqu’on évoque Kleist et ses cardinales marionnettes, c’est dans Werther que l’on trouve cette note intéressante :

« Les objets ne font que paraître et disparaître à mes yeux, et je me demande souvent si mon existence elle-même n’est pas un vain prestige. Il me semble que j’assiste à un spectacle de marionnettes. Je vois passer et repasser devant moi de petits bons hommes, de petits chevaux, et je me demande souvent si tout cela n’est pas une illusion d’optique. Je joue avec ces marionnettes, ou plutôt je ne suis moi-même qu’une marionnette. Quelquefois je prends mon voisin par la main, je sens qu’elle est de bois, et je recule en frissonnant. »

Werther expédiait aussi à sa manière l’homme sans qualités de la modernité :

« Mais, entre nous, l’homme qui cédant sottement à l’influence d’autrui, sans goût personnel, sans nécessité, consume sa vie dans de pénibles travaux pour un peu d’or, de vanité, ou quelque autre semblable fumée, cet homme-là est à coup sûr un imbécile ou un fou. »

Pour terminer sur une note plus prosaïque, évoquons cette belle vision de la mondialisation. Car la maître voit tout venir, (comme son disciple et traducteur Nerval qui voit nos réseaux arriver dans Aurélia). Goethe pressent aussi la future domination américaine :

« Mais ce qui est sûr, c'est que, si on réussit à percer un canal tel qu'il puisse donner passage du golfe du Mexique dans l’Océan Pacifique à des vaisseaux de toute charge et de toute grosseur, ce fait aura d'incalculables résultats et pour le monde civilisé et pour le monde non civilisé. Je m'étonnerais bien que les États-Unis manquassent de se saisir d'une œuvre pareille. On pressent que ce jeune État avec sa tendance décidée vers l'Ouest, aura aussi pris possession, dans trente ou quarante ans, des grandes parties de terre situées au-delà des montagnes Rocheuses, et les aura peuplées… »

Goethe voit le nouveau monde se peupler américain, se remplir :

« On pressent aussi  bien que tout le long de cette cote de l'océan Pacifique où la nature a déjà creusé les ports les plus vastes et les plus sûrs, se formeront peu à peu de très-importantes villes de commerce, qui seront les intermédiaires de grands échanges entre la Chine et l'Inde d'un côté et les États-Unis de l’autre… »

Canal de Panama donc :

« Aussi, je le répète, il est absolument indispensable pour les Etats-Unis d'établir un passage entre le golfe du Mexique et l'océan Pacifique, et je suis sûr qu'ils l'établiront. Je voudrais voir cela de mon vivant, mais je ne le verrai pas. Ce que je voudrais voir aussi, c'est l’'union du Danube et du Rhin… »

Et canal de Suez :

« Et enfin, en troisième lieu, je voudrais voir les Anglais en possession d'un canal à Suez. »

Les Français eurent l’initiative de ces deux canaux qu’ils se firent chiper par les anglo-saxons. Je ne saurais trop inviter mes lecteurs à lire ou redécouvrir ce livre. 

 

Sources

Conversations de Goethe et d’Eckermann, Gallica, BNF

Nietzsche - Considérations inactuelles (Wikisource.org)

Goethe – les souffrances du jeune Werther

Nerval - Aurélia

Heinrich Von Kleist - Sur le théâtre des marionnettes

Dostoïevski - L’Idiot (ebooksgratuits.com)

Nicolas Bonnal - Dostoïevski et la modernité occidentale 

vendredi, 24 juin 2016

Faustian Europe – Action as Method

"One of the foundational pillars of Western civilization is its unique ability to modify itself and evolve, in essence to transform, via the espousal of a metaphysic of action as fluidic movement. European man, and the postmodern world to which he has given life in the crucible of Western civilization, arose in large part as a result of the active dynamism that radiates throughout the entirety of his being. The dynamism of “Faustian” Europe is based upon the principal of action, of explicit force, and of the striving for the realization of will made manifest for the purpose of transformation, of both our individual selves and the world in its totality."

Action, in the guise of movement, compelled by the impulse to perpetually overcome, forms the constituent basis of the underlying metaphysical superstructure of Europe. Action, in more exacting terms, is any act of will that elicits transformation, and the mutability of Europe is the key to its “Faustian” nature. One of the foundational pillars of Western civilization is its unique ability to modify itself and evolve, in essence to transform, via the espousal of a metaphysic of action as fluidic movement. European man, and the postmodern world to which he has given life in the crucible of Western civilization, arose in large part as a result of the active dynamism that radiates throughout the entirety of his being. The dynamism of “Faustian” Europe is based upon the principal of action, of explicit force, and of the striving for the realization of will made manifest for the purpose of transformation, of both our individual selves and the world in its totality.

Faust_1926_Poster-397x599.jpegJulius Evola, when speaking of action as expressed through the heroic, quite eloquently surmised both the nature of action and its ultimate telos of transfiguration as “being a sort of ritual evocation involving conquest of the intangible.”1 Thus it is the principal of action guided towards a perpetual striving for the intangible which, via the transfiguration of thought into form, is an externalized projection of the European soul onto the existential world. Action, made manifest and biological through the transgressive ontogenesis of European man, has endowed Western civilization with the capacity to act upon the world-historical stage in a manner that is directed, or willed, towards the orchestration of a unique historical agency that is unequivocally “Faustian” in character.

The German intellectual Hans F. K. Günther defined the concept of race as being as “a [distinct] human group marking itself off from any other group through its own peculiar combination of bodily and mental characteristics,” and it was through the transformative power of action, mediated through the dynamism of a consciously willed historical agency made existentially manifest, that European man distinguished himself in stark contrast to other, less historically active, peoples.2 As such, action and the European ability to utilize action in the service of a Nietzschean will to transform, or “Will to Power,” has endowed European man with the singular power to direct the course of his biological, spiritual, and by extension his world-historical destiny. Modernity, and later postmodernity, is firstly a consequence of the intrinsic dynamism that underpins the European soul, and secondly the metaphysical culmination of the historical and sociocultural affirmation of the hegemonic role played by Europe and its people in the actualizing of the contemporary world. The brilliant French academic Pierre Manent describes modernity as a project, a movement whose aims are limitless and without end.3 A project presupposes action, and vis-à-vis the transformative effects of an action, the self-willed European man masters his destiny by the orientation of its direction. Manent, however, erroneously espouses that modernity is a gift bestowed by the West to the entirety of the world, whereas I would counter that it is rather modernity, as an action, as movement, and as a project indigenous to Europe and its global emulation by non-European peoples, whose collective inactivity has rendered them as mere historical actors, rather than agents, and which has veered the postmodern world towards the nebulous dogmatism of egalitarianism.

Egalitarianism, like all ideologies, is devoid of the contextual adaptability necessary for transformation, and it is thus intellectually inert. Nature is inherently inegalitarian, perpetually engaged in a process of active discernment between equality and inequality, between the equal and the unequal, whereas egalitarianism, by the nature of its lack of discernment and action, is passive, static, and antithetical to Nature. Aristotle’s statement that “…Justice is equality, but only for equals; and justice is inequality, but only for those who are unequal,” echoes the notion that the dialectical tension existing between equality and inequality is a matter of discernment animated by a constant reflective process, or action, directed towards the real, rather than the synthetic.4 The egalitarianism of the contemporary Western world is synthetic in the sense that it is based upon abstraction and the tragically convoluted conviction that opportunity and result are synonymous, rather than two requisite constituents of an active process of discernment. Inegalitarianism, by virtue of its intrinsic processes or actions of discernment, is an active movement geared towards the real rather than the ideal, evidenced by the fact that it’s not an abstract construct of the human mind, but rather a mirror image of the natural world. By logical extension, inegalitarianism, by the attributes of the active properties of its being, coupled with its relation to the natural world, makes it the natural paramour to the “Faustian” civilization of Europe.

Inegalitarianism, as an active process of discernment, is a movement of action, which in turn implies preference, or direction, and direction, or the ability to orient one’s self, or a civilization as a collective whole, is one of the defining characteristics of the dynamism of the West. As alluded to above, the historical agency of the West and of the unrivaled ability of its peoples to consciously will, or orient, the course of its civilization towards the actualization of a collectively ordained objective is the hallmark that has engineered Western hegemony. In sociology, the concept of “agency” is defined as an “entities’” (individual, collective, or otherwise) interaction with their unique social structure and the bidirectional reciprocity that ensures from this interactive relationship. The global and postmodern world is a project of European invention, a projection of our collective psyche made physical and metaphysical, and as such it cannot be mimicked by peoples who don’t possess the requisite biological or spiritual material necessary for its perpetuation. The failed attempt to reconceptualize postmodernity in universalist terms has catalyzed the ascendance of the egalitarian precepts that currently dominate Western civilization, and by virtue of its contraposition to the natural world and its connate passivity, has aided in the facilitation of a European world in decline. Evoking the wisdom espoused by Guillaume Faye in Archeofuturism, the co-option of our unique European cultural heritage, specifically the postmodernist project, is not only foolhardy, but unsustainable.5 In neo-Malthusian parlance, our civilization of scale and the resources necessary for its perpetuation, both of the material and immaterial variety, isn’t feasible at a globalized level. More relevantly, the legacy of Europe is a product of the zeal and active dynamism that animates the Western soul, and because it is a consequence of our unique history, it is the sole proprietorship of our people and cannot be replicated. Emulation implies stagnation, and this term is antithetical to the dynamism that propels Europe forward.

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The impulse of vitality, the penchant for action, and the historical agency of the peoples of Europe has its origins in the ancient past, specifically in Homeric Greece. In Homer’s Iliad, Diomedes, the youngest, bravest, and the truest of the Achaeans brazenly states to his comrades who are about to give flight, “Don’t talk to me of retreat,” and it is within this simple turn of phrase that Homer captures the essence of the frenetic vitality of Europe.6 In the grand scheme of things, our ancestors never retreated, never relented, and never truly surrendered, because like the shark, we are constantly in motion, seeking to overcome ourselves and those forces inimical to our great becoming. The metaphysical basis underlying the action-oriented, heroic culture of Homeric Greece was founded upon the dualism inherent to life and death, of immortally and mortality, of activity and passivity, and thus upon the idea of the heroic, of the actionable in its truest and most pure form, and as such its praxis cannot be half-hearted. Moreover, one by definition cannot be only “a little” brave, and thus ancient Greece was a heroic culture of extremes and polarities, forged by a Weltanschauung that was founded upon the delicate balance, and in turn the dialectical synthesis, between life and death, or better as the perilous straddling of this synthesis. The purism of the thought and action of our heroic ancestors is best exemplified by the words of Julius Evola, who suggests that individuals should be oriented towards “acting without desire.”7 Action free from desire implies an organic synthesis of thought and action, whose “purity” is derived from the unity of the two seemingly discordant poles. Thus the works of Homer, which in reality were an enumeration of a much older oral tradition, was simultaneously both a reflection of early Greek culture and the literary medium for its glorification and perpetuation, a template, or as Dominique Venner phrased it, a “bible” of sorts, which would form the metaphysical impetus behind the later conquests of Alexander the Great, and by extension ancient Rome.

Although it was our Indo-European ancestors who first transcended the temporal plane, and sought prestige and status, the intangible rather than the material, it was within the culture milieu of the Greeks that this notion of the heroic life, of life atop the tip of the spear, was formally promulgated. The Greek concept of the heroic was inextricably intertwined with their notion of corporality, specifically with regard to their gods. The Theogony of the eight-century poet, Hesiod, whose works formed the basis of Hellenic religion, delineated in quite explicit terms the disjunction that existed between man and the divine, mainly that man is mortal, while the gods are not. From this notion, or realization, the Greeks codified a culture of the heroic, founded upon the principle that forceful, purpose-driven action, exuded not for riches or material gain, but rather for the immateriality of prestige, could be attained by besting their peers vis-à-vis the medium of combat, of competition based upon the pursuit of arête (Greek: excellence), in short by the personal transcendence that arises from a collective worldview which revolved around a dialectical centrifuge of life and death and the heroic. Heroism in this particular instance is not only the acknowledgment of death as an inevitability of the human condition, but also serves as a springboard from which only an elite few, those who faced death with an acute disdain for their mortality by the trials of combat, can transcend its finality by the attainment of the intangible and the immortality that emanates forth from glorious combat, from the ascesis of the struggle. As I articulated previously, the European penchant for the surpassing of space, the immaterial, and for infinity itself is a continuation of the love of arête, a passion for that which eclipses the ontic nature of the existential and surges towards the atemporal, the beyond.

faust___marguerite_by_the_savage_nymph-d4kvbor.jpgIt was in the works of Hesiod that the perspective of subjectivity, specifically the notion of the individual persona, entered into the Western literary tradition, and it was from this Hellenic literary tradition that the action of uniting the concepts of the individual and collective first entered into the transcendent soul of Europe.8 Hesiod’s elevation of subjectivity, combined with the visceral works of Homer, formulated the ideal that action, particularly within the context of the heroic, can only emerge through the cynosure of the individual deed. The genius of the Greeks, and their most munificent bestowal to Western civilization, was their remarkable ability to transmute individual action, and the social interactions generated from this individualized action, into collective action. It’s no coincidence that the eighth-century BC emergence of the polis (Greek: city-state) happened concurrently with the writing of the works both of Homer and Hesiod, and that the process of synoecism (Greek: joining together), of the demolishing of individual communities and their subsequent amalgamation into a larger, collective syncretization, formed the basis of both the polis and the “Faustian” soul of Europe. Walter Friedrich Otto, in his poetic masterpiece The Homeric Gods, speaks of the divine union of heaven and earth, representing the union of thought and action given form, when he references the works of the Greek tragedian Aeschylus and writes “of the amorous glow of ‘holy heaven’ and the nuptial yearning of Earth, who is impregnated by the rain from above” which is the metaphorical synthesis of the oneiric ethereality of the heavens and the collectivity of thought, synthesized with the externality of the Earth and manifested as individual action.9

Thus, the genesis of the intrepid European spirit, of the “Faustian” nature of Western civilization derives from its desire to transform willed thought into action, of the Nietzschean sublimation of kraft (German: force) into macht (German: power), of action made incarnate. In Goethe’s Faust, most critics focus upon the eponymous protagonists’ pursuit of the unobtainable and immortality, however it is from the individual striving of Doctor Faust to achieve immortality that the term “Faustian” is best understood in its relation to the spirit of Europe. The individual actions of Doctor Faust, which strove towards a goal that was always just beyond the horizon and towards the intangible, expressed in literary terms the collective nature of Western, or “Faustian,” civilization and its yearning for action and the distant. It’s not the abortive dream of the attainment of immortality that so defines Doctor Faust, or metaphorically our “Faustian” civilization, but rather the action itself directed towards the attainment of immortality that defines who we are as a people. Thus, in more symbolic terms, the individualized actions of Doctor Faust are reflections of the collective nature of the European soul to overcome and transcend by transformation via action as a means for becoming. The action of overcoming the delimitations associated with the seemingly disparate notions of the “individual” and the “collective” ushered in the foundational basis of the “Faustian” spirit of Western civilization. Nietzsche wrote, “I say unto you: one must still have chaos in oneself to be able to give birth to a dancing star,” and the “radical aristocrats” of Greece, whose raison d’etre was the attainment of excellence, harnessed the chaos from within by means of a perpetual action of self-overcoming, which in turn fostered a Western culture of competition and the agon, ultimately birthing a European spirit that was “Faustian” in its desire for the unobtainable and tirelessly relentless in its pursuit. In the language of Martin Heidegger, and in contradistinction to the pure abstraction of Cartesian logic, existence is about becoming and about transforming concomitantly with the actions we take in the world, and our “Faustian” civilization is the earthly actualization of our metaphysical predilection towards the attainment of the unobtainable.

Footnotes
  1. Julius Evola, Metaphysics of War (London: Arktos Media, 2011), p. 18.
  2. Hans F. K. Günther, The Racial Elements of European History (Valley Forge, PA: Landpost Press, 1992), p. 6.
  3. Pierre Manent. Metamorphoses of the City (Cambridge, MA: Harvard University Press, 2013).
  4. Wilfried Hinsch, Gerechtfertigte Ungleichheiten: Grundsätze sozialer Gerechtigkeit (Berlin: De Gruyter, 2002), p. 91.
  5. Guillaume Faye, Archeofuturism: European Visions of the Post-Catastrophic Age (London: Arktos Media, 2010).
  6. Homer, The Iliad: The Verse Translation by Alexander Pope (North Charleston, SC: CreateSpace Independent Publishing Platform, 2012), p. 122.
  7. Julius Evola, Ride the Tiger: A Survival Manual for the Aristocrats of the Soul (Rochester, VT: Inner Traditions, 2003), p. 68.
  8. P. E. Easterling & Bernard M. W. Knox, The Cambridge History of Classical Literature: Greek Literature, Vol. I (Cambridge: Cambridge University Press, 1989), p. 92
  9. Walter Friedrich Otto, The Homeric Gods: The Spiritual Significance Of Greek Religion (New York: Mimesis International, 2014), p. 36.

jeudi, 24 janvier 2013

Kinski spricht "Der Erlkönig" (Goethe)

Kinski spricht "Der Erlkönig" (Goethe)

dimanche, 27 novembre 2011

Goethe and the Indo-European religiosity

 

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Goethe and the Indo-European religiosity

Hans Friedrich Karl Günther

The greatest ideas of mankind have been conceived in the lands between India and Germania, between Iceland and Benares (where Buddha began to teach) amongst the peoples of Indo-European language; and these ideas have been accompanied by the Indo-European religious attitude which represents the highest attainments of the mature spirit. When in January 1804, in conversation with his colleague, the philologist Riemer, Goethe expressed the view that he found it “remarkable that the whole of Christianity had not brought forth a Sophocles”, his knowledge of comparative religion was restricted by the knowledge of his age, yet he had unerringly chosen as the precursor of an  Indo-European religion the poet Sophocles, “typical of the devout Athenian… in his highest, most inspired form”,41 a poet who represented the religiosity of the people, before the people (demos) of Athens had degenerated into a mass (ochlos). But where apart from the Indo-European, has the world produced a more devout man with such a great soul as the Athenian, Sophocles?

Where outside the Indo-European domain have religions arisen, which have combined such greatness of soul with such high flights of reason (logos, ratio) and such wide vision (theoria)? Where have religious men achieved the same spiritual heights as Spitama Zarathustra, as the teachers of the Upanishads, as Homer, as Buddha and even as Lucretius Carus, Wilhelm von Humboldt and Shelley?

Goethe wished that Homer’s songs might become our Bible. Even before the discovery of the spiritual heights and power of the pre-Christian Teuton, but especially after Lessing, Winckelmann and Heinrich Voss, the translator of Homer, the Indo-European outlook renewed itself in Germany, recalling a world of the spirit which was perfected by great German poets and thinkers during the late eighteenth and early nineteenth centuries.

Since Goethe’s death (1832), and since the death of Wilhelm von Humboldt (1835), the translator of the devout Indo-European Bhagavad Gita, this Indo-European spirit, which also revealed itself in the pre-Christian Teuton, has vanished.

 Goethe had a premonition of this decline of the West: even in October 1801 he remarked in conversation with the Countess von Egloffstein, that spiritual emptiness and lack of character were spreading — as if he had foreseen what today characterises the most celebrated literature of the Free West. It may be that Goethe had even foreseen, in the distant future, the coming of an age in which writers would make great profits by the portrayal of sex and crime for the masses. As Goethe said to Eckermann, on 14th March 1830, “the representation of noble bearing and action is beginning to be regarded as boring, and efforts are being made to portray all kinds of infamies”. Previously in a letter to Schiller of 9th August 1797, he had pointed out at least one of the causes of the decline: in the larger cities men lived in a constant frenzy of acquisition and consumption and had therefore become incapable of the very mood from which spiritual life arises. Even then he was tortured and made anxious, although he could observe only the beginnings of the trend, the sight of the machine system gaining the upper hand; he foresaw that it would come and strike (Wilhelm Meisters Wanderjahre, Third Book, Chapter 15, Cotta’s Jubilee edition, Vol. XX, p. 190). In a letter to his old friend Zelter, on 6th June 1825, he pronounced it as his view that the educated world remained rooted in mediocrity, and that a century had begun “for competent heads, for practical men with an easy grasp of things, who [...] felt their superiority above the crowd, even if they themselves are not talented enough for the highest achievements”; pure simplicity was no longer to be found, although there was a sufficiency of simple stuff; young men would be excited too early and then torn away by the vortex of the time. Therefore Goethe exhorted youth in his poem Legacy of the year 1829:

In increasing degree since approximately the middle of the nineteenth century poets and writers as well as journalists — the descendants of the “competent heads” by whom Goethe was alarmed even in the year 1801 — have made a virtue out of necessity by representing characterlessness as a fact. With Thomas Mann this heartless characterlessness first gained world renown. Mann used his talent to conceal his spiritual desolation by artifices which have been proclaimed by contemporary admirers as insurpassable. But the talent of the writers emulating Thomas Mann no longer sufficed even to conceal their spiritual emptiness, although many of their readers, themselves spiritually impoverished, have not noticed this.

The freedom of the Press, which was introduced through the constitution of May 1816 into the Duchy of Weimar and which had already been demanded by Wieland with his superficial judgment would, Goethe declared, do nothing more than give free rein to authors with a deep contempt of public opinion (Zahme Xenien, Goethes Sämtliche Werke, Cotta’s Jubilee edition, Vol. IV, p. 47; Annalen (Annals) 1816, same edition, Vol. XXX, p. 298). In the Annalen of 1816, he remarked that every right-thinking man of learning in the world foresaw the direct and incalculable consequences of this act with fright and regret. Thus even in his time, Goethe must have reflected how little the men of the Press, were capable of combining freedom with human dignity.

When the descendants of the competent heads of the beginning of the nineteenth century rose, through their talents, to the upper classes, where due to a lower birthrate their families finally died out, the eliminating process of social climbing in Europe seized hold of less capable heads and bore them away into the vortex of the time. Their culture has been described most mercilessly by Friedrich Nietzsche in his lectures of the year 1871-72: Concerning the Future of Our Educational Institutions (Pocket edition, Vol. I, 1906, pp. 314, 332-333, 396). Nietzsche above all concentrated on famous contemporary writers, “the hasty and vain production, the despicable manufacturing of books, the perfected lack of style, the shapelessness and characterlessness or the lamentable dilution of their expressions, the loss of every aesthetic canon, the lust for anarchy and chaos” — which he described as if he had actually seen the most celebrated literature of the Free West, whose known authors no longer mastered their own languages even to the extent still demanded by popular school teachers around 1900. These vociferous heralds of the need for culture in an era of general education were rejected by Nietzsche who in this displayed true Indo – European views – as fanatical opponents of the true culture, which holds firm to the aristocratic nature of the spirit. If Nietzsche described the task of the West as to find the culture appropriate to Beethoven, then the serious observer today will recognise only too well the situation which Nietzsche foresaw and described as a laughing stock and a thing of shame.

In the year 1797, Friedrich Schiller composed a poem: Deutsche Grösse. Full of confidence in the German spirit he expressed the view that defeat in war by stronger foes could not touch German dignity which was a great moral force. The precious possession of the German language would also be preserved. Schiller (Das Siegesfest) certainly knew what peoples had to expect of war:

 

For Patrocles lies buried
and Thersites mes back;

 

but he must have imagined that the losses of the best in the fight could be replaced. The dying out of families of dignity and moral stature (megalopsychia and magnanimitas), had then not yet begun in Europe.

In the year 1929, just a decade after the First World War had ended, that Peloponnesian war of the Teutonic peoples, which caused both in England and in Germany excessively heavy losses of gifted young men, of officers and aristocrats, Oskar Walzel (Die Geistesströmungen des 19. Jahrhunderts, 1929, p. 43), Professor of German literature at the university of Bonn, gave it as his opinion that after this war the trend to de-spiritualise Germany had gained ground far more rapidly than hitherto: “Is there in German history in general such an identical want of depth in men to be observed as at present?” But for the Germans it is poor consolation that this “de-spiritualising” is just as marked in other Western countries. Another sign of this trend is that today many famous writers are no longer capable of preserving the precious possession of the German language. Other Western languages are also neglecting their form and literature, but this again is poor consolation for the Germans. Such neglect is considered by many writers today as characteristic of, and part of the process of gaining their freedom and liberation from all traditional outlooks. Goethe criticised this as a false idea of freedom (Maxims and Reflections, Goethes Sämtliche Werke, Cottas Jubiläumsausgabe, Vol. IV, p. 229) in the following words:

“Everything which liberates our spirit, without increasing our mastery of ourselves, is pernicious.”

Thus, by freedom Goethe also understood the dignity of the freeborn, not the nature and mode of life of the freed slave.

From The Religious Attitudes of The Indo-Europeans, London 1967. Translated by Vivian Bird.