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samedi, 25 juin 2016

Israël-Palestine: la guerre de l'eau

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Bob Woodward
Ex: http://www.decryptnewsonline.com

Le Proche-Orient est une zone géographique qui connaît ce que les experts appellent, une situation dite de « stress hydrique », c’est-à-dire un déséquilibre structurel entre son capital en eau limité et sa consommation, en très forte croissance compte tenu de son rythme démographique et de son développement économique.

L’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation a développé une échelle permettant d’évaluer la situation hydrique de différents Etats. Une situation hydrique suffisante a été fixée à 1 700 mètres cubes d’eau par personne par année. Entre ces deux extrêmes on considère que les Etats sont en situation de stress hydrique, c’est-à-dire que la situation est préoccupante.

On ne peut valablement aborder la bataille de l’eau dans le conflit israélo-palestinien, et plus largement dans la cadre de la crise au Proche-Orient, sans tenir compte de l’effet inducteur d’un ensemble d’épiphénomènes vecteurs d’accélération d’une issue, que celle-ci soit la paix ou l’enlisement de la guerre. L’eau, tout comme la violence qui règne dans ces territoires, est chargée d’une force perturbatrice dans un contexte où l’hégémonie est validée et radicalisée par une sémantique de nature idéologique, celle de l’Etat d’Israël.

La question de l’eau a pris un caractère géopolitique évident dans les relations entre Israël et les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, où les tensions prennent leur origine dans une disparité flagrante de consommation entre ces deux communautés qui partagent les même sources d’approvisionnement en eau.

Dans cette région au climat semi désertique, où les pluies sont inexistantes d’Avril à Septembre, avec des températures oscillant durant cette période entre 30°C et 50°C, la question de l’eau prend une dimension cruciale dans le processus de paix israélo-palestinien.

Le contrôle de l’eau c’est ce qui permet la viabilité et la puissance économique de l’Etat Hébreu. Elle est très vite devenue la clé de voûte de la stratégie sioniste dès le début du XXème siècle.

On peut se demander alors quelle place occupe l’eau, dans la culture et dans la religion de l’Etat d’Israël. Comment et dans quelle mesure, cet élément naturel, devient un symbole culturel et religieux important dans le politique ?

paleau.gifComment l’Etat Hébreux pourrait-il accepter de partager de manière plus équitable cette ressource si rare et risquer de se mettre en péril ?

Il en va de la viabilité, de la puissance de l’Etat Hébreux mais aussi des promesses que Dieu a fait à ce peuple.

Comment le peuple élu de Dieu, dont les valeurs doivent s’étendre dans le monde entier, pourrait-il vivre dans une terre promise qui serait trop pauvre en eau pour maintenir son niveau de développement ? Autrement dit, comment accepter de ne pas être à la hauteur des promesses que Dieu a fait à Moïse, et avant lui, à Abraham ?

C’est un fait que depuis 65 ans, l’Etat Hébreu utilise une grande partie des eaux souterraines qui s’écoulent aussi, en suivant une courbe naturelle, dans son territoire. Les deux tiers des besoins hydrauliques d’Israël sont assurés par les eaux souterraines de Cisjordanie, qui sont de plus en plus exposées à la pollution et à l’exploitation excessive. L’épuisement des réserves, combiné à l’arrivée de nouveaux migrants, ne fait qu’accentuer le problème. Le potentiel en eau de la Cisjordanie est constitué de l’eau de surface du Jourdain et de petits cours d’eau, plus de l’eau souterraine de trois nappes phréatiques régulièrement générées grâce aux pluies.

Les disponibilités en eau sont très préoccupantes pour Israël et les Territoires occupés, car il se situe bien en-deçà du seuil de 500 mètres cubes par an et par habitant. Les prélèvements dépassent les ressources et il y a surexploitation des nappes souterraines.

En effet les nappes phréatiques, d’un accès facile et peu coûteux, sont trop souvent surexploitées et elles peuvent connaître des rabattements importants. Cela entraîne une salinisation des eaux. Quand elles sont en position littorale il y a appel au vide et intrusion de l’eau de mer : c’est le phénomène du biseau salé des hydrogéologues. Les exploitants pompent alors dans les puits les moins profonds de l’eau salée ou saumâtre.

Ce phénomène est connu à Gaza, en Palestine, où l’eau de la nappe devient peu à peu impropre à la consommation humaine.

Dans ce contexte alarmant, Israël exploite la majeure partie des ressources en eau laissant les Palestiniens se contenter de la portion congrue.

Rajoutons que la plus grande partie de ses ressources ont été obtenues après la création de l’Etat d’Israël en 1948, grâce à l’occupation de territoires s’appropriant ainsi toutes les sources d’approvisionnement de la région. Cette occupation des différents territoires dits « occupés » nous permet de qualifier cette action de la part d’Israël, d’hydro-stratégique, puisqu’elle visait, certes, une extension territoriale, mais pas n’importe laquelle, celle qui permettait d’accroître son contrôle sur les ressources en eau de la région.

L’hydro-stratégie peut se définir comme l’art de manœuvrer des forces pour accomplir les fins de la politique selon des considérations hydrauliques.

I. Historique du contrôle de l’eau par Israël : un enjeu de conflit

Il faut remonter au début du XXème siècle pour saisir la complexité et la sensibilité du problème des frontières et celui de l’eau, au moment où commence la colonisation juive, lancée par Théodore Herzl, le théoricien du sionisme.

Simultanément, alors que le sionisme politique n’affichait, hors ses prétentions territoriales, que des aspirations culturelles, un parti religieux, le Mizrahi, se forme en 1902 pour revendiquer la "terre promise" afin de ré-ancrer les juifs dans le territoire biblique que Dieu leur a concédé et qui leur a été retiré parce qu’ils ont refusé l’Alliance. Il s’agit donc d’un mouvement de re-judéisation morale et religieuse qui risque de faire capoter le sionisme. En 1904 cependant, le sionisme politique reçoit l’appui de Chaïm Weizmann, d’origine russe, qui sera plus tard président de l’Etat d’Israël et qui s’installe en Angleterre.

Rappelons les grandes dates de l’histoire de la création de l’Etat d’Israël, ses extensions territoriales et sa mainmise sur les ressources hydrauliques de la région :

• 1917. Par la Déclaration Balfour, la Grande-Bretagne promet la « création d’un foyer national juif en Palestine » . Les premiers sionistes rachètent alors les terres en Palestine pour les cultiver afin d’y forger un nouveau peuple juif, comme ce fut déjà le cas, précédemment dans l’histoire.

Ce retour à la terre s’est immédiatement heurté à un obstacle majeur : le manque d’eau. La Palestine du mandat britannique est une terre aride où la seule réserve d’eau douce importante est le Lac de Tibériade qui fait frontière avec la Syrie et la Transjordanie.

• 1919. Le Président de l’Organisation Mondiale sioniste, Chaïm Weizmann adresse une lettre au Premier Ministre britannique, Lloyd George, lui demandant d’étendre la frontière nord de la Palestine de manière à englober toutes les sources d’eau tenant ainsi compte au-delà des considérations historiques ou religieuses, des considérations hydrauliques.

Il y soulignait déjà que « Tout l’avenir de la Palestine dépend de son approvisionnement en eau pour l’irrigation et pour la production d’électricité ; et l’alimentation en eau doit essentiellement provenir des pentes du Mont Hermon, des sources du Jourdain et du Fleuve Litanie » . Les frontières ainsi proposées englobent Israël, mais aussi Gaza, la Cisjordanie, les hauteurs du Golan, des portions du Liban, de la Syrie et de la Jordanie.

paleau3.jpgC’est dans ce contexte qu’un hydrologue américain, Elwood Mead, sera invité par les sionistes à venir en Palestine, c’est chose faite en 1923 et en 1927.

Lors de ces deux voyages, il ne visitera que les colonies juives et établira un Etat des lieux de la situation de l’eau et des futurs projets hydrauliques à prévoir par les sionistes. Il donnera ensuite, des indications pour irriguer le Néguev, aride, en prélevant l’eau du Jourdain.

Ses travaux inspirent le Plan Hayes du nom d’un ingénieur américain qui préconise « l’irrigation des terres de la vallée du Jourdain, la dérivation des eaux du Jourdain et du Yarmouk pour la création d’énergie hydraulique, le détournement des eaux du nord de la Palestine vers le désert du Néguev au sud et l’utilisation de l’eau du Litani au sud du Liban » .

Ceci confirme l’importance que revêt l’eau dans la construction et la viabilité de l’Etat d’Israël sur le plan humain, économique et sécuritaire.

A la suite du génocide juif, l’ONU vote un plan de partage créant deux Etats et un statut International pour Jérusalem. Les juifs acceptent mais les Palestiniens le rejètent prétextant que leur population est plus nombreuse que la population juive.
• 15 mai 1948. L’Etat d’Israël est proclamé, et la même année le nouvel Etat se fixe quatre objectifs :
o contrôler le Lac de Tibériade ;
o le Jourdain ;
o la zone côtière et ses villes ;
o ainsi que le désert du Néguev dans le but de le faire fleurir pour absorber les flux migratoires et rassembler la diaspora juive.

• 1953. Israël va mettre en pratique notamment les directives du plan Hayes et commencer à détourner les eaux du Jourdain. Elle entreprend la construction du « National Water Carrier », colonne vertébrale à partir du nord du Lac de Tibériade qui lui permet de détourner vers elle la majeure partie du cours d’eau.
La Syrie et la Jordanie se plaignent et les Nations Unis critiquent ces actions israéliennes. Le Président Eisenhower décide d’envoyer en « médiateur » ou plutôt en conciliateur, Eric Johnston pour proposer un plan de répartition des ressources hydrauliques.
Après plusieurs négociations, en 1955 il fait une proposition favorable aux Israéliens.
Israël va donc poursuivre ses projets.

• 1964. Israël a fini de réaliser à partir du lac de Tibériade, l’interconnexion des eaux sur l’ensemble du territoire jusqu’au désert du Néguev, mis en valeur par l’irrigation, réussissant ainsi à réaliser l’idéal sioniste qui consiste à « faire fleurir le désert ». Les Arabes ripostent à plusieurs reprises, mais sans succès.

• 1967. La « guerre des six jours » est d’une certaine manière une guerre pour l’eau puisque les territoires désormais dits « occupés » par Israël lui permettent de contrôler la totalité des ressources, c’est-à-dire :
o le Golan, véritable château d’eau ;
o plus une partie du cours du Yarmouk ;
o ainsi que les trois grandes nappes aquifères de Cisjordanie, ce qui lui permet donc le contrôle de tout le cours du Jourdain.

Cette guerre lui permet d’achever la mise en œuvre de ses plans hydrauliques et son emprise territoriale sur toute la Cisjordanie, Gaza et les hauteurs du Golan.
Elle accapare le désert du Sinaï, non pour les ressources mais pour forcer l’Egypte à la laisser passer par le canal de Suez, ce qui donnera lieu à l’accord de Paix dit les "Accords de Camp David" et lui permettra en 1982 de rendre le Sinaï.

Cette guerre des six jours sera suivie d’une politique de colonisation c’est-à-dire d’implantations de juifs dans ces territoires conquis par la force. Cette colonisation permet de contrôler directement sur le terrain le niveau d’utilisation de l’eau par les populations locales (interdiction pour l’agriculture, pour le forage de puits...), mais également de développer la politique du fait accompli c’est-à-dire faire en sorte qu’il devienne impossible de rendre ces territoires par la présence de villes entières juives.

• 1978. Elle occupe le sud Liban pour achever en quelque sorte cet approvisionnement - avec notamment l’usage et le détournement d’une partie du Fleuve Litani par un système de pompage - sud Liban qu’elle ne libérera qu’en 2000, suite à une résistance acharnée du Hezbollah installé dans cette région.

II. Une répartition inégale de cette eau rare dans cette région

Israël contrôle tout le système de l’eau des territoires occupés de Palestine. Il organise un partage inégal et délibéré des ressources en eau : Israël détourne 75 % des ressources en eau des territoires occupés, ne laissant que 25 % aux Palestiniens.

La consommation moyenne en eau par habitant d’un Israélien est 5 fois plus importante que celle d’un Palestinien. Outre le rationnement en eau, les Palestiniens sont victimes de destruction de puits, de canalisation d’eau et d’assainissement, par l’armée israélienne.

Israël n’a cessé d’implanter des colonies juives (voir carte en annexe) dans les territoires occupés, au plus près des réserves en eau, voire en les détournant à leur profit. La surexploitation des puits de Gaza rend l’eau impropre à la consommation domestique. Le contingentement de l’eau imposé par Israël rend tout développement impossible dans les territoires occupés, met en cause la survie des Palestiniens et engendre de graves problèmes sanitaires.

La 26ème mission de protection du peuple palestinien, en juillet 2002 a relevé :
• La destruction des puits dans la bande de Gaza et dans la région de Rafah, du système d’assainissement et des canalisations en eau.
• La destruction des citernes sur les toits, mitraillés par l’armée (à Ramallah, Jénine et Rafah)
• Les vertes collines des colonies juives dans la vallée du Jourdain et leur arrosage incessant parfois inutile, à côté des espaces caillouteux et secs occupés par les Palestiniens.
Aujourd’hui, les 2/3 des besoins d’Israël sont assurés par les ressources provenant de l’extérieur des frontières de 1948 :
• environ 1/3 provient de Cisjordanie et de la nappe de la bande de Gaza ;
• et 1/3 provenant du lac de Tibériade et du Yarmouk.
Cette utilisation des eaux ne peut se faire que par un contrôle draconien et inégalitaire de la consommation palestinienne dans les Territoires :
• limitation des cultures ;
• interdiction de forer ;
o prix prohibitif de l’eau, etc.
75 % de l’eau des Territoires occupés est consommé par Israël et ses colonies. Le rapport de population entre Israël et les Territoires est de 2 à 1 et celui de la consommation d’eau de 11 à 1 !

Les discussions à venir avec les Palestiniens s’averrent difficiles : ils réclament 80 % des ressources de la Cisjordanie ce qui signifierait pour Israël une diminution de 20 % des ressources actuellement disponibles! Le dossier de l’eau est donc de toute première importance dans un éventuel règlement de paix.

De l’autre côté, Israël ne semble donc pas vouloir concéder une partie des ressources et applique bon nombre de règlements malgré leur contestation.

Ignorant les conventions de Genève, le gouvernement israélien applique aux Territoires occupés une loi datant de 1959 faisant de l’eau « une propriété publique soumise au contrôle de l’Etat ».

En effet, juste après l’occupation, le contrôle de l’eau fut confié à l’autorité militaire qui fit interdire toute nouvelle construction d’infrastructures liées à l’eau, puis elle s’empara de toutes les ressources en eau de Palestine, les déclarant propriété de l’Etat. En 1982, la compagnie d’eau israélienne, Mekorot, prend le contrôle de la ressource palestinienne en eau.

Des puits palestiniens sont ainsi détruits et les ressources en eau sont asséchées par des forages à grande échelle et des prélèvements à partir de puits très profonds pour le seul usage des Israéliens.

La législation militaire est introduite et la colonisation signifie le maintien stratégique sur les ressources hydrauliques de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, sans quoi Israël ne peut ni se développer, ni survivre.

Dès lors on comprend comment, le contrôle de l’eau et de la terre, couple indissociable, dirige la stratégie sioniste.

La politique agricole israélienne est l’expression même de l’idéal sioniste de « faire fleurir » le désert. Ainsi porter atteinte à l’agriculture est synonyme de s’attaquer à l’âme du pays.

Les exportations sont aussi une manière de montrer au reste du monde qu’en Israël rien ne manque sur le plan de la qualité de vie, qu’elle est vouée à être un grand pays, et que l’immigration des juifs vers Israël, considérer comme un « havre de paix », peut continuer à se poursuivre.

paleau4.jpgC’est pourquoi, aucun responsable politique israélien ne peut renoncer à « l’or bleu » des Territoires occupés. Israël considère comme un casus belli toute tentative d’appropriation de ses ressources en eau par les pays voisins. C’est le cas par exemple pour la Syrie, qui convoite une partie du Jourdain. Aujourd’hui le territoire de Gaza restitué aux Palestiniens, est un territoire qui a connu des pompages tellement excessifs que ce qu’il reste d’eau est impropre à la consommation (pollution, salinisation…), sachant que les nappes phréatiques mettent des décennies à se reconstituer.

Les perspectives à long terme sont alarmantes, car la région manque d’eau et en manquera de plus en plus car les ressources sont limitées et la demande ne fera qu’augmenter, compte tenu du rythme démographique élevé des deux côtés !

La Banque Mondiale prévoit que la demande vers 2040 pour Israël, les Territoires occupés et la Jordanie pourrait s’élever à 7 milliards de mètres cubes !

De toute évidence les ressources du bassin du Jourdain sont insuffisantes.

De ce fait la solution pourrait être régionale par des transferts d’eau, d’où l’intérêt porté au Litanie libanais, ou par le recours coûteux à des ressources non conventionnelles : dessalement de l’eau de mer, recyclage des eaux usées (...), mais là aussi les ressources financières sont inégales et les Palestiniens ne pourront se permettre d’endosser ces coûts. Ainsi, la perspective d’une coopération régionale pourrait s’avérer être une solution difficile à mettre en place, mais réalisable car cette eau si rare et si précieuse va aussi terriblement manquer pour Israël, si les surexploitations sont maintenues à ce rythme.

La question du partage de l’eau est un point clé d’un éventuel processus de paix israélo-palestinien et d’un apaisement des relations interétatiques au sein « d’une région du monde où le problème de la pénurie en eau avec ses répercussions politiques, se pose avec le plus de gravité ». Car, exception faite du Liban et de la Turquie dotés d’un potentiel hydraulique conséquent, les climats arides ou semi désertiques des autres pays du Proche-Orient, aggravés par des phénomènes de surexploitation et de surconsommation chroniques, font de l’eau une ressource rare et convoitée, donc polémogène. Des alternatives permettent cependant d’espérer une issue positive aux problèmes de la rareté et de la gestion de l’eau sur le plus ou moins long terme.

En 1995, Ismail Serageldin, vice-président de la Banque mondiale pour les questions de développement durable, déclarait : « les guerres du prochain siècle auront l’eau pour objet ». Un géographe de l’Université de l’Oregon, Aaron Wolf, s’est intéressé aux discordes entre États liées à l’eau de 1950 à 2000: sur 1831 litiges - soit en moyenne 30 par an -, deux tiers ont été réglés par des accords de coopération, 507 sont apparus véritablement dangereux et 21 seulement ont débouché sur des opérations militaires. Sur ces 21, 18 ont été le fait d’Israël. On peut identifier trois conflits importants au Moyen-Orient liés au contrôle de la ressource hydrique : celui opposant l’Irak, la Syrie et la Turquie à propos des fleuves de l’Euphrate et du Tigre ; celui entre la Syrie, Israël, les Territoires palestiniens et la Jordanie sur le partage des eaux du Jourdain ; le problème de l’utilisation des nappes aquifères entre Israël et l’Autorité palestinienne. Ce sont ces deux derniers cas qui nous intéressent ici.

Il peut être intéressant de croiser l’étude d’Aaron Wolf avec un rapport de la FAO (Food and Agriculture Organization) qui signale que dans le bassin du Jourdain, partagé entre quatre Etats (Liban, Syrie, Territoires palestiniens - donc Israël - et Jordanie), la ration d’eau individuelle est des plus réduites. En considérant qu’une situation de « stress hydrique » advient à partir du moment où un pays dispose de moins de 500 m3 d’eau par habitant et par an, presque tous les pays du Proche-Orient en sont victimes. La FAO estime que la quantité d’eau potable de bonne qualité disponible par personne et par an est de 250m3 en Israël, 85m3 dans les Territoires palestiniens et 200m3 en Jordanie. La ressource est rare, mais aussi très inégalement répartie puisque le nord d’Israël dispose de 500m3/pers/an, et le Liban et la Syrie, soit les deux pays en amont du Jourdain, disposent de 3000m3 pour le premier et 1200m3 pour le second.

Israël, qui développe dès sa création en 1948 l’utilisation agricole, met très tôt en œuvre une stratégie de conquête hydrique. Car son eau vient de l’extérieur de son territoire national. Le Jourdain constitue sa principale source d’eau. Né au Liban, le fleuve se dirige du Nord au Sud et reçoit trois affluents majeurs. Il traverse le lac de Tibériade, grande réserve d’eau douce d’Israël, avant de se jeter dans la mer Morte. Le bassin du Jourdain intègre aussi des aquifères souterrains localisés notamment sous les collines de Cisjordanie, et entre Haïfa et Gaza (plaine littorale).

Les rapports de force actuels autour de la ressource en eau remontent ainsi à la fondation d’Israël et surtout à la guerre des Six Jours, parfois perçue comme la première guerre de l’eau. Selon Ariel Sharon : « Les gens considèrent généralement que la guerre des Six-Jours a débuté le 5 Juin 1967. C’est la date officielle, mais en réalité, elle avait débuté deux ans et demi plus tôt, le jour où Israël avait décidé d’intervenir contre le détournement des eaux du Jourdain. A partir de là, une tension sourde et permanente s’installa le long de la frontière israélo-syrienne ». En 1953, Tel-Aviv entreprend le creusement du canal du National Water Carrier, destiné à détourner l’eau du bassin du Jourdain depuis le lac de Tibériade, soit le nord de la mer de Galilée, vers le désert du Néguev. Cette initiative provoque la colère des Etats arabes voisins, qui lancent à leur tour des projets de détournement des eaux du Jourdain en établissant des barrages sur ses affluents du Yarmouk et du Litani. Israël bombarde à plusieurs reprises les travaux, entrainant une grave détérioration de ses relations avec le Liban, la Syrie et la Jordanie. Lors de la Guerre des Six Jours, les Israéliens conquièrent le plateau du Golan et la Cisjordanie, contrôlant de facto les ressources hydrauliques. A partir de là, il est tentant de voir dans la question de la sécurité de l’approvisionnement en eau d’Israël un motif majeur du déclenchement de l’attaque de 1967. Mais, comme le rappelle le géographe Frédéric Lasserre, l’eau n’est qu’un facteur parmi d’autres, la stratégie militaire d’Israël visant d’abord en 1967 à réduire la menace égyptienne et à contrer les entrées en guerre de la Jordanie et de la Syrie. Néanmoins, il n’en reste que contrôler la vallée du Jourdain répond à des considérations de sécurité – créer une zone tampon contre d’éventuelles incursions ennemies – mais aussi d’approvisionnement en eau. Car en ayant la mainmise sur les territoires palestiniens, Israël contrôle les ressources aquifères de Gaza et de la Cisjordanie. L’occupation du Sud Liban lui permet aussi de contrôler le plateau du Golan et de détourner, jusqu’à son retrait en 2000, les eaux du Litani. De pays en aval, Israël passe ainsi à la position très enviée de pays en amont du Jourdain.

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L’eau est donc un paramètre à prendre en compte dans le conflit israélo-palestinien. Car, alors que les ressources se situent principalement chez les Palestiniens, Israël en dispose et les gère seul pour pourvoir aux besoins des deux populations. Dans l’ensemble, 40 % de son eau provient des Territoires palestiniens.

Pour combler ses besoins croissants, l’Etat juif a élaboré une législation rigoureuse sur l’eau. Une loi de 1959 stipule qu’elle est une propriété publique soumise au contrôle de l’Etat. En 1967, elle est étendue aux Territoires occupés dont les eaux sont déclarées « ressource stratégique sous contrôle militaire », permettant à Israël d’exercer un monopole. D’après un rapport de l’UNICEF de 2005, s’appuyant sur une étude de la Banque Mondiale, Israël puise ainsi dans le seul aquifère de Cisjordanie 86% de ses ressources en eau (soit le quart de sa consommation nationale), les colons 4% et les Palestiniens 10%. Dans l’ensemble, un tiers des ressources d’Israël provient des eaux de surface, notamment du Jourdain, le reste provient des eaux souterraines (sa nappe littorale, celle de Cisjordanie, et de la bande de Gaza). S’ajoutent d’importantes restrictions à l’accès à l’eau pour la population palestinienne qui est soumise à des quotas, qui doit obtenir une autorisation spéciale des autorités militaires israéliennes pour creuser tout nouveau puits et qui doit payer son eau agricole au prix de l’eau potable, soit un prix quatre fois supérieur à ce que payent les colons israéliens profitant d’un système de subventions. Le mur de sécurité séparant Israël et la Cisjordanie vient en outre désorganiser les systèmes d’irrigation palestiniens.

Et le problème, à première vue, semble s’aggraver. Déjà en situation de stress hydrique, les besoins en eau tendent à augmenter avec la forte pression démographique, l’existence de projets de développement agricole basés sur une forte irrigation et la dégradation des ressources existantes. Car la surexploitation des ressources se traduit par une baisse significative de la quantité disponible et par une importante salinisation de la nappe phréatique, provoquant à Gaza une situation de quasi pénurie. « La nappe phréatique a été tellement exploitée que c’est de l’eau salée qui coule aujourd’hui au robinet […] ‘’95% de l’eau ne correspond pas aux standards de l’eau potable et, en 2016, ce sera 100%’’ assure Monther Shoblak, directeur général du service des eaux de Gaza ».

C’est ainsi qu’en 2005, toujours d’après l’UNICEF, Israël consommait environ 2 000 millions de m3 d’eau par an alors que ses ressources oscillaient entre 1 400 et 1 600 millions de m3. Jusque-là, il semblait ainsi qu’un accord de paix avec les Palestiniens poserait à Israël de graves problèmes d’approvisionnement en eau, car l’Autorité palestinienne demande trois choses :

Les droits sur la presque totalité de la nappe de montagne, en bonne partie centrée sur la Cisjordanie

Le droit au partage des eaux du Jourdain

Le droit au partage des eaux de la Mer morte, lac salé bordé par la Jordanie, la Cisjordanie et Israël

Malgré un conflit qui semble, au premier abord, insoluble, il faut éviter de tirer des conclusions hâtives. Frédéric Lasserre montre bien que la gestion de l’eau ressort bien plus de choix politiques et sociaux que de spéculations sur la réduction des quantités disponibles. C’est le concept d’adaptation sociale et son corollaire, la gestion des tensions internes par les pouvoirs publics, qui constitue pour lui la pierre angulaire de toute étude sur les conflits de l’eau. Au Proche-Orient, comme partout ailleurs, les recours sont nombreux pour tenter de combler les besoins des uns et des autres.

1) La coopération internationale

Le droit international relatif à l’eau est encore flou et peu homogène. On peut distinguer trois doctrines juridiques concurrentes : les pays d’amont privilégient celle de « la souveraineté territoriale absolue » sur les eaux présentes sur le territoire national ; les pays d’aval celle de « l’intégrité territoriale absolue », chaque Etat devant permettre aux cours d’eau de poursuivre leur cours ; celle enfin de « la première appropriation » consistant à donner la priorité à ceux étant les premiers à avoir mis l’eau en valeur. En d’autres termes, les Palestiniens disent la géographie est pour nous, les Israéliens l’histoire est pour nous. Le droit international ne tranche pas entre ces deux positions. La convention de New York de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation comprend ainsi des contradictions implicites. L’article 5 mentionne le principe de « la souveraineté territoriale absolue » alors que l’article 7 mentionne celui de la « première appropriation ».

Les accords régionaux et bilatéraux ont quant à eux donné des résultats mitigés. En 1953, le plan Johnson prévoit la conclusion d’un accord à l’échelle du bassin du Jourdain, pour tenter de favoriser la coordination entre les usages respectifs. Mais Israël refuse de signer l’accord, tandis que la Ligue arabe décide de rejeter tout accord sur le partage de l’eau dans le bassin du Jourdain tant qu’un accord politique n’aura pas réglé la question palestinienne.

Une entente n’est pas pour autant impossible. Le traité de paix signé entre la Jordanie et Israël en 1994 ouvrent ainsi les bases d’un règlement de répartition équitable entre les deux pays.

2) L’amélioration du système d’irrigation

Près de 70% des ponctions en eau sont destinées à l’agriculture. On constate d’ailleurs que le niveau du Jourdain est sept fois plus bas aujourd’hui qu’il y a 50 ans en raison des nombreux détournements pour les projets d’irrigation. Par ailleurs, plus le pays est pauvre, plus il consomme d’eau pour irriguer : les pays dits « du tiers-monde » utilisent ainsi deux fois plus d’eau par hectare que les pays industrialisés, pour une production agricole en moyenne trois fois inférieure en valeur. Dans les Territoires palestiniens, réduire les besoins en eau agricole consisterait à améliorer le système d’irrigation en modernisant un réseau vieux et défectueux dont le taux de fuite est estimé à 40%. Israël dispose de toute la technologie nécessaire pour les y aider (taux de fuite de moins de 10%).

Faire revivre la Mer Morte

mermorte.jpgDe plus en plus d’espoir sont placés dans le projet fou consistant à faire revivre la mer Morte, qui était à terme condamnée si aucune action politique n’était entreprise. Comme la mer d’Aral, ce lac salé a perdu en un demi-siècle près du tiers de sa superficie, si bien qu’il est aujourd’hui divisé en deux bassins distincts. En cause, les prélèvements excessifs du Jourdain qui l’alimente et l’évaporation importante de l’eau due aux usines de production de sel qui le bordent.

Jusque-là, la principale solution mise en avant pour contrer la menace d’assèchement total du lac consistait à creuser un canal depuis la mer Rouge jusqu’à la mer Morte pour l’alimenter. Une étude de faisabilité a même été réalisée en 2006, estimant le projet à 3 ou 4 milliards de dollars. Le « canal de la paix » porte bien son nom puisqu’il pourrait bénéficier à terme à l’ensemble des protagonistes. Cependant, certaines organisations environnementales ne manquent pas de pointer le risque écologique d’un tel projet.

Une autre alternative se dessine aujourd’hui. Selon Gilbert Benhayoun, professeur d’économie et président du groupe d’Aix, Israël arrive à faire en sorte d’extraire moins d’eau du lac de Tibériade, permettant un débit plus rapide des eaux du Jourdain. A terme, si cette politique se poursuit, on peut penser que le Jourdain pourra à nouveau alimenter, ou réalimenter, le mer Morte.

4) Les eaux non conventionnelles

Toujours d’après G. Benhayoun, la situation a changé avec les avancées technologiques et la crise de l’eau en Israël est en passe d’être définitivement terminée. Les Israéliens pourraient ainsi produire bientôt suffisamment d’eau pour pourvoir à leurs besoins dont près de la moitié serait déjà couverte par de l’eau dite « non conventionnelle », c’est-à-dire issue du traitement des eaux usées et de la désalinisation. Israël est d’ailleurs le premier pays au monde pour le traitement des eaux usées, à hauteur de 90%, ressource qui est ensuite réutilisée dans l’agriculture. A noter cependant que les colons ne recyclent que 60% des leurs.

Alors qu’aujourd’hui près d’1% seulement de l’eau potable est produite par dessalement dans le monde, Israël dispose déjà de quatre usines de désalinisation, une à Ashkelon, une à Hadera, une à Palmachim et la dernière en date à Ashdod. Et le gouvernement israélien a approuvé récemment la construction d’une cinquième usine à Sorek, au sud de Tel-Aviv, qui permettra de combler encore un peu plus l’écart entre les besoins et les ressources en eau propres d’Israël. D’après certains experts qui se sont exprimés lors du Symposium « énergie-eau » qui s’est tenu cette année au sein de CleanTech pour son 17e Sommet annuel, Israël pourrait bientôt produire environ 600 millions de mètres cubes d’eau dessalée par an, couvrant près de 80 % de l’eau potable en milieu urbain.

L’eau de mer pourrait ainsi devenir l’une des principales ressources alternatives à la rareté de l’eau douce au Proche-Orient comme en témoigne les projets en cours pour construire une usine de dessalement à Gaza dont la population a essentiellement accès à de l’eau souterraine polluée, ou encore à Aqaba (projet israélo-jordanien). Mais les freins sont encore nombreux. Ces installations nécessitent en effet des besoins énergétiques lourds et coûtent extrêmement chères.

Ainsi, même si la crise de l’eau est encore bel et bien une réalité au Proche-Orient, elle change progressivement de nature. Au fil du temps, il s’agira plus d’une crise de répartition, de distribution, plutôt qu’une question de rareté réelle. Cela rejoint les conclusions de Frédéric Lasserre affirmant que le problème de l’eau est moins géographique que politique. Et le principal problème entre Israël et les Territoires palestiniens est que les accords d’Oslo II de 1995, qui devaient régler la question de l’eau pour cinq ans en attendant un accord final, n’ont toujours pas été mis à jour alors que le cadre n’est plus du tout adapté. Ses besoins en eau douce étant en passe d’être pourvus, Gilbert Benhayoun souligne que ce serait un beau geste politique de la part de l’Etat hébreu que d’accéder aux demandes de l’Autorité palestinienne qui souhaite récupérer la souveraineté sur ses ressources hydriques.

Hexis, hubris et sophrosunè

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Hexis, hubris et sophrosunè

Disposition, démesure et art de la mesure à propos de la « guerre civile »

par Philippe Raggi

Ex: http://philippe-raggi.blogspot.com

Il n’est jamais judicieux de faire de la surenchère ou de se laisser aller au superlatif, à l’inflation verbale, surtout lorsque l’on veut décrire une situation sociale et proposer une ou des solutions viables. S’il peut être en effet aisé de prendre ce travers lorsque l’on veut donner à son propos un maximum d’impact, il n’est jamais bon de travestir la réalité des faits tant une analyse fausse ne donnera jamais que des résultats faux. Viendra tôt ou tard un moment où l’erreur reviendra, tel un boomerang, sur son géniteur.

Certes, me direz-vous, mais des révolutionnaires ont, par le passé, utilisé à maint reprises et avec succès ce procédé de travestissement de la réalité ; le but recherché étant la fin téléologique révolutionnaire, peu importaient donc les moyens et la réalité des faits pour y parvenir.

C’est là justement où s’opère la distinction entre un propos purement politique que l’on peut tenir - tout à fait défendable au demeurant, si l’on se trouve engagé dans le principe de l’action politique - et un propos analytique, scientifique, prétendant à l’objectivité. A choisir l’un ou l’autre, nous ne sommes plus dans la même sphère. Usant du premier type de propos, on cherchera par réaction à mobiliser l’attention de ses lecteurs / auditeurs à fin de les conduire à une (ré) action relativement immédiate ; usant du second, l’on fera appel plus à la raison qu’à l’émotion, le but étant de donner à voir une réalité non immédiatement décelable, de décrypter un mécanisme plus ou moins complexe et de laisser juges les lecteurs / auditeurs.

On sait avec Esope, qu’à crier au loup trop souvent et trop vite, vient un moment où lorsque le danger est réellement là, plus personne ne vient finalement aider le jeune garçon de la fable, lequel finit dévoré. Par ailleurs, nos classiques nous enseignent également que Cassandre avait raison, qu’elle n’était pas « la bouche qu’il fallait aux oreilles » (1) de ses concitoyens troyens. Alors prévenir, alerter, dénoncer, oui, mais comment, de quelle manière ? En cette période où « des idiots dirigent des aveugles » (2), il peut être tentant de jouer sur l’émotion plus que sur la raison ; cela peut fonctionner très bien, c’est certain. Les résultats sont souvent plus manifestes, plus rapides. La quasi-totalité des médias s’y vautre d’ailleurs, en conscience. Mais faut-il s’y adonner pour autant ? Rappelons-nous que seule la vérité est authentiquement révolutionnaire et nous rendra libre.

« Nous sommes en guerre civile »

Mais prenons un exemple, assez prégnant ces temps derniers. Il est de « bon ton » dans certains milieux en France, en parlant de la situation gravissime dans laquelle se trouve tel ou tel quartier, tel ou tel portion du territoire national livré aux « racailles », d’évoquer le concept de « guerre civile ». Les thuriféraires de cette approche avancent que lorsque certains individus font usage d’armes de guerre ici ou là (de plus en plus souvent, il est vrai) cela s’inscrit immanquablement dans une logique de « guerre civile » ; nous serions ainsi en « guerre civile » mais d’aucuns refuseraient de l’admettre. Cependant n’est-ce pas aller trop loin dans le qualificatif ?

Gaston-Bouthoul_1568.jpegQu’est-ce d’abord qu’une « guerre civile » ? Arrêtons-nous sur le premier terme, celui de « guerre ». La notion de conflit armé ne se trouvant définie véritablement dans aucune des conventions pertinentes du droit international (ainsi que dans les trois protocoles additionnels de 1977 et 2007), la jurisprudence en a donné la définition suivante: « Un conflit armé existe chaque fois qu’il y a recours à la force armée entre Etats ou un conflit armé prolongé entre les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés ou entre de tels groupes armés au sein d’un Etat » (3). Il est généralement admis que la guerre est un conflit violent, mettant en scène deux ou plusieurs protagonistes, lesquels sont des Etats souverains, des organisations internationales mandatés ou encore des coalitions internationales, possédant tous une personnalité juridique reconnue. Le père de la polémologie, Gaston Bouthoul (photo), définit pour sa part la guerre comme « un ensemble d’actes violents et sanglants, conduit avec méthode et organisation, limitée dans le temps comme dans l’espace ; par ailleurs, si la guerre suit des règles juridiques précises, celles-ci sont néanmoins variables en fonction des époques et des lieux » (4).

Quant à la « guerre civile », le « plus grand des maux » (5), elle est dénommée dans le droit international « conflit armé non international ». La guerre civile a lieu « à l’intérieur des frontières d’un Etat et oppose ses forces armées à des forces armées dissidentes ou à des groupes armés non étatiques dans le contexte d’opérations militaires continues et concertées » (6). Elle diffère donc du premier type en ceci que les acteurs ne sont plus les mêmes ; quant aux règles en usage (Jus in bello) elles sont souvent, faut-il le rappeler, bafouées par toutes les parties. Pour être considéré comme tel, un conflit non international (guerre civile) doit présenter une certaine intensité : les tensions internes, des troubles intérieurs tels qu’émeutes, violences isolées ou sporadiques et autres actes semblables, ne tombent pas sous le coup du droit international humanitaire ; ils ne relèvent donc pas de l’appellation de « guerre civile » et relèvent juridiquement non du Droit international humanitaire mais des Droits de l’homme.

Si l’on prend une autre définition (7), la « guerre civile » est une situation qui existe lorsqu'au sein d'un État, une lutte armée oppose les forces armées régulières à des groupes armés identifiables, ou des groupes armés entre eux, dans des combats dont l'importance et l'extension dépasse la simple révolte ou l'insurrection. Cette autre définition souligne, une fois encore, l’importance du degré d’intensité de l’affrontement pour retenir le qualificatif de « guerre civile ». Ce n’est donc pas le type d’arme utilisé qui fait la « guerre civile » mais la nature et le rythme des actions commises avec elles. Par ailleurs, la durée prolongée de ce type de conflit participe également à sa caractérisation.

Une « guerre civile » pourra avoir des origines diverses et multiples. Elle est un signe de « déliaison de la communauté », un signe « éminent et négatif du politique » pour reprendre les termes de Ninon Grangé (8) ; cette-dernière ajoute plus loin que « la guerre civile reste un dérèglement du système d’horlogerie de l’État, une société sens dessus dessous où les valeurs s’inversent ».

avant-guerre-civile-werner.jpgEnfin, nous dit Eric Werner, il ne peut y avoir « guerre civile » que lorsque nous sommes en présence de deux ou trois factions au plus. S'il n'y a pas « guerre civile » poursuit Werner, c'est paradoxalement parce que les antagonismes dans nos sociétés modernes sont multiples mais aussi et souvent artificiels (9), figeant toutes possibilités d'affrontements sur le « modèle » qu'est la guerre civile. C'est la raison pour laquelle justement, nous dit cet universitaire, nous sommes dans une situation « d'avant-guerre civile » (10).  

Le sommes-nous vraiment ?

Ayant ainsi quelque peu déblayé la question des termes, l’on peut à présent voir si ce qui se passe en France sur certaines portions de territoire relève ou non de la « guerre civile ». Quels sont les actes commis, perpétrés qui attesteraient de l’état de « guerre civile » ?

Si l’on entend les utilisateurs de ce terme, voici quelques uns de ces actes : règlements de comptes à l’arme de guerre (fusil d’assaut), fusillades avec le même type d’arme sur des bâtiments symboles de l’autorité de l’Etat (essentiellement Commissariats), attaques de fourgons blindés transportant des fonds avec lance-roquettes anti-char et fusils d’assaut, attaques de bijouteries avec des armes de guerre, tirs sur des forces de l’ordre lors de manifestations (avec utilisation de fusils à pompe), etc.

Bref, aucun de ces actes dans leurs modalités ne relève en tout état de cause de la catégorie de « guerre civile » ni même de la révolte ou de l’insurrection, mais tout simplement du grand banditisme, de l’émeute sporadique organisée.   

Quant à l’organisation des groupes concernés, elle est celle de bandes criminelles de type malheureusement banal, certes hiérarchisée mais sans aucune commune mesure avec une faction armée, structurée, menant un but politique au travers d’actions concertées et constantes, violentes et sanglantes, contre un Etat souverain et pour se substituer à lui. Nous sommes donc loin du compte, de par la structure organisationnelle, pour qualifier les actions menées par les bandes criminelles d’actes de « guerre civile ».

Les motivations de ces actes perpétrés par ces bandes organisées sont d’ordre criminel et non politique, liés comme on le sait au trafic de drogue et au commerce illicite en tout genre (économie parallèle avec guerre des territoires) ; et l’on cherche donc en vain d’autres motifs (d’ordre politique, religieux, racial). Et ce n’est pas parce que certaines de ces bandes se regroupent par affinités d’origines (maghrébins, africains, afro-antillais, tamouls, tchétchènes, etc.) que nous sommes en face de factions armées défendant des intérêts politique, religieux, liés à cette communauté particulière, contre l’Etat français et pour se substituer à lui. Ce ne sont que de vulgaires bandes criminelles telles les maffias italiennes ; et à ce que l’on peut savoir, les nombreuses et sanglantes activités de la Ndrangheta, de la Camorra, de la Maffia, de la Cosa Nostra, etc. n’ont jamais relevé de la « guerre civile » mais uniquement du crime organisé.

Notons juste que dans les zones grises du monde criminel, les frontières sont poreuses et que certains membres de bandes organisées se convertissent (dans tous les sens du terme) et s’adonnent à un nouveau type d’activité plus en rapport avec leurs nouveaux idéaux. Cependant, force est de constater en France que c’est un phénomène marginal (le gang de Roubaix, Khaled Kelkal, Mohammed Merah) et que cela n’est pas suffisant en intensité et dans la durée pour qualifier ces actes de « preuves de l’existence d’une guerre civile » sur le territoire français.

Enfin, à lire la littérature spécialisée sur les menaces criminelles contemporaines encourues sur le territoire national (11), l’on se rend bien vite compte que nous n’avons à aucun moment affaire à une « guerre civile ». Les seules personnes utilisant ce vocable en conscience le font dans un but publicitaire, sans aucune espèce de retenue, voulant marquer les esprits mais entretenant, à mon sens, seulement la confusion, laquelle ne profitent en rien à la compréhension de la situation et aux meilleurs moyens de lutter véritablement et efficacement contre les dites menaces

Notes :

(1) Cf. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Prologue, chap. 5.

(2) Cf. Le mot de Gloucester : « 'Tis the time's plague when madmen lead the blind », in Shakespeare, King Lear: Acte 4, Scène 1.

(3) Cf. ABC du droit international humanitaire, Confédération Suisse, Département Fédéral des Affaires Etrangères, Berne (2009).

(4) Gaston Bouthoul, Les guerres, éléments de polémologie, chapitre III, pp.32-33, édité chez Payot (1951). On consultera également avec intérêt ses autres ouvrages sur le sujet de la guerre.

(5) Lucain, La guerre civile (Pharsale), I, v. 1 et 2, p. 1.

(6) Définition du Droit international humanitaire, Cf. ABC du droit international humanitaire, Confédération Suisse, Département Fédéral des Affaires Etrangères, Berne (2009).

(7) Dictionnaire de la terminologie du droit international, sous la direction de Jules Basdevant, édition de Sirey (1960) p. 308.

(8) Cf. Astérion 2/2004 Barbarisation et humanisation de la guerre, article intitulé «L’état de nature, modèle et miroir de la guerre civile».

(9) Mises en œuvre par les instances étatiques, ces antagonismes sont créés dans une logique purement  machiavélienne, consistant à amener logiquement les populations victimes vers la seule entité sensée les protéger - même si ces victimes détestent cet État ; il en découle un  renforcement du rôle et de la prééminence de l’État.
(10) Cf. l'essai d’Éric Werner, L'avant-guerre civile, paru aux éditions de l'Age d'Homme (1999).
(11)  Littérature de tout bord politique, allant de Laurent Mucchielli (http://www.laurent-mucchielli.org) à Xavier Rauffer (www.drmcc.org/).

Nieuw-rechts voor de praktijk

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Door: Koenraad Elst

Nieuw-rechts voor de praktijk

Ex: http://www.doorbraak.be

Nadat ik in 1992 onverwacht uitgenodigd was om me bij de redactie van het Nieuw-Rechtse tijdschrift TeKoS te vervoegen, vroeg ik me af waar ik nu in terecht gekomen was. Het was allemaal erg retro, met nieuwheidenen wier Indo-Europese theorievorming in het interbellum was blijven steken, traditionalisten die met de Franse islambekeerling René Guénon uit het interbellum dweepten, historici met hyperfocus op oorlog en repressie, en vooral een algemene fascinatie met de mij tot dan onbekende Conservatieve Revolutie, een gedachtenstroming uit de Weimar-republiek. En die situeerde zich, wat dacht u, in het interbellum. Artikels over dat onderwerp bleven ongelezen, of ik kreeg ze met veel moeite doorploegd. Uit die stal heb ik uiteindelijk alleen het Reisetagebuch eines Philosophen van graaf Hermann Keyserling gelezen, dat hoofdzakelijk over Aziatische beschavingen handelt.

Wat mij dan toch met dat milieu kon verzoenen, was, behalve de onmiskenbare toewijding van de redactieleden aan de conservatieve zaak, de originele invalshoek op ecologie door de zopas van ons heengegane Guy De Maertelaere, en de lucide commentaren op hedendaagse politieke kwesties vanuit Nieuw-Rechtse hoek. Zo signaleer ik de duidelijke pro-Europese opstelling van de redactie, destijds vanzelfsprekend maar vandaag een strijdpunt.

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Nieuw Rechts


De Nouvelle Droite is een in Frankrijk ontstane stroming (°1968) rond Alain de Benoist, die ideologisch dieper wilde gaan dan de in de politiek actieve rechtse stromingen. Ze werd beschreven als een 'gramscisme van rechts': zoals de Italiaanse communist Antonio Gramsci rond 1930 het standpunt ontwikkelde dat een politieke revolutie maar kan mits de verwerving van de culturele hegemonie (door naoorlogs links met succes in de praktijk gebracht, zonder in een politieke revolutie uit te monden maar wel in 'bizarre en schadelijke sociale experimenten', p.13), zo stond de Nouvelle Droite een herovering van de cultuursfeer voor. Ze heeft echter politiek nooit enige potten gebroken en is in eigen land ook op het intellectuele forum marginaal gebleven; de beoogde herinname van het culturele domein werd een totale mislukking. Vandaag is de bejaarde duizendpoot de Benoist, door zijn vroegere medestanders verlaten, denkmeester van enkele interessante tijdschriften, maar verder dan lezenswaardige duiding reikt zijn invloed niet.


De eerste generatie van de Nouvelle Droite deed baanbrekend denkwerk, haar tweede ging van debat over in ruzies en splitsingen en loste op in irrelevantie, maar haar kleinkinderen blijken nu een verrassende opmars te doen. In het voormalige Sovjetblok heeft zij reeds enkele triomfen geoogst. In de heel verschillende omstandigheden van West-Europa, met zijn agressief opdringend multiculturalisme, blijkt zij nu toch door te breken.


Een jaar of wat geleden deed het boek Avondland en Identiteit van Sid Lukkassen (Aspekt, Soesterberg 2015) veel stof opwaaien. Het maakt de diagnose van de overheersende ideologie, het cultuurmarxisme, of wat zichzelf de 'kritische theorie' noemt, ontsproten aan de Frankfurter Schule. Verder trok het de aandacht met zijn uitgebreide ontleding van de effecten van deze culturele revolutie op de geslachtsrollen en de relatiemarkt. Dat leidde ertoe dat TeKoS twee heel verschillende besprekingen publiceerde, waarbij de vrouwelijke recensente heel wat mannelijke subjectiviteit in Lukkassens verhaal ontwaarde. Maar allen waren het eens over zijn uitstekende diagnose van, en weerstand tegen, het cultuurmarxisme. Hij dacht parallel met de Nouvelle Droite hoewel hij er zich niet uitdrukkelijk op beriep.


dfrid.jpgZopas kreeg ik ter bespreking de Nederlandse vertaling aangeboden van het boekje van de Zweedse mijnbouwondernemer en oppositieleider Daniel Friberg: De Terugkeer van Echt Rechts. Een Handboek voor de Echte Oppositie (Arktos, London 2016). In zijn geval is het Nieuw-Rechtse gedachtengoed ontdekt en relevant geworden vanuit de praktijk, een heel andere setting dan de Parijse salons. Zweden was schijnbaar de slechtste plaats ter wereld voor een tegenbeweging tegen de opdringende multiculturele staatsideologie. Voor de beginnende Zweedse Democraten was het jarenlang een harde strijd. Hun enige kracht was de zekerheid dat zij gelijk hadden, dat zij een terugkeer naar de normaliteit nastreefden tegen de tegennatuurlijke utopieën van de almachtige cultuurmarxisten in.


In 2005 kwam een kleine groep hoogstudenten in Göteborg bijeen om Nieuw-Rechtse denkers te lezen: 'Deze artikels openden onze ogen voor dit nieuwe intellectuele arsenaal van rechts', in het bijzonder voor de 'metapolitiek van rechts'. (p.10) Dat leidde tot de oprichting van de Nieuw-Rechtse denktank Motpol, 'tegenpool', op 10 juli 2006. Eerst sceptisch bejegend door links en door 'oud, impotent rechts', groeide het uit tot een gerespecteerd netwerk dat in heel Zweden seminaries organiseert en een degelijk online magazine uitgeeft. Friberg geeft blijk van groot vertrouwen in de toekomst en hij beschrijft de 'dalende relevantie' (p.43) van links, waarvan hij de nakende ondergang voorspelt.

Programma


Enkele concrete blikvangers uit Fribergs ideologische zelfprofilering. Tegen de grootmachten 'is een verenigd, onafhankelijk Europa noodzakelijk' met 'een gemeenschappelijk buitenlands beleid, een verenigd leger en een gemeenschappelijke wil om Europa's belangen globaal te verdedigen'. (p.14) In beperkte zin, enkel op deze terreinen, wil hij 'Imperium Europa, of een Europese federatie'. (p.25) Nationaal-populistische partijen als de PVV of het Front National zijn nogal eens tegen de Europese eenmaking in een overreactie tegen de antidemocratische en totalitaire uitspattingen van de EU.


echt.jpgIn de buitenlandse politiek beveelt hij zelfbeheersing en omzichtigheid aan. Europa heeft een militaire poot nodig om geloofwaardig in het machtspolitieke spel te kunnen meespelen, maar niet om zich naar Amerikaans voorbeeld met andermans conflicten te moeien. Hij verzet zich tegen 'de fanatieke oorlogsstokers die, terwijl ze clichés uitgalmen over mensenrechten en democratie, miljoenen mensen doden over heel de wereld en tegelijkertijd dezelfde retoriek gebruiken om massa-immigratie vanuit de Derde Wereld naar Europa aan te moedigen.' (p.28)


Gehard door de praktijk, geeft Friberg raad voor de omgang met extreemlinkse haatgroepen zoals Searchlight en het Southern Poverty Law Center, op kleinere schaal vertaalbaar als ons Anti-Fascistisch Front. Die komt erop neer dat je hen niet méér belang moet geven dan ze verdienen, namelijk hoe langer hoe minder. Weiger elke medewerking wanneer ze je belasteren ('geen commentaar'), en maai de grond onder hun voeten weg door alternatieve netwerken en media uit te bouwen. Vóór het internet een democratisch circuit schiep, konden zij beschikken over de officiële media met hun monopolie, wier partijdigheid en leugens je machteloos moest ondergaan. Vandaag leven we in een nieuwe wereld waarin de greep van het cultuurmarxisme op het eerste gezicht machtiger is dan ooit, maar in feite steeds meer terrein moet prijsgeven.


Maar is er dan geen waakzaamheid nodig (de zich protsering antifa's noemende fichenbaktijgers heten ook watchdogs), tegen het geweldpotentieel van rechts? Niet bij deze stroming: 'Politiek geweld, hetzij georganiseerd of door individuen, kan geen enkele positieve rol spelen in de wedergeboorte van Europa. (...) Revolutionaire praatjes brengen enkel de mentaal onstabielen in beroering om gewelddaden te plegen die immoreel zijn en geen enkel tactisch nut hebben. We moeten deze daden overlaten aan extreemlinks en radicale islamisten, voor wie ze een tweede natuur zijn. (...) Onze methode is, nogmaals, de metapolitieke methode – de maatschappij geleidelijk veranderen in een richting die gunstig is voor onszelf, en belangrijker, voor de maatschappij in het algemeen.' (p.30-31)


Metapolitiek is diametraal tegengesteld aan de spontaneïstisch-gewelddadige methode van Anders Breivik, die we met een variatie op Lenin de 'de extreemrechtse stroming, de kinderziekte van het antimulticulturalisme' kunnen noemen. In zijn Manifest zegt Breivik zelf dat hij vroeger lid was van de Noorse immigratiekritische Vooruitgangspartij, maar dat hij niet meer in de binnenparlementaire werking gelooft en nu hoopt dat zijn misdaden zoveel mogelijk schade zullen toebrengen aan zijn vroegere vrienden. En inderdaad, de media hebben de Vooruitgangspartij volop in 'schuld door associatie' ondergedompeld, wat haar tijdelijk heeft doen achteruitgaan, zoals beoogd. Breivik-Antifa, zelfde strijd!


Een praktische raad betreft het domein dat Lukkassen al ruim verkend had: de uitdagingen van de betrekking tussen de geslachten en de paarvorming. 'Mannen en vrouwen hebben in het moderne Westen niets om trots op te zijn.' (p.45) Wanneer de Nouvelle Droite destijds het gelijkheidsdenken als probleem bij uitstek aanwees, verdacht ik haar ervan een bedekt pleidooi voor uitbuiting en dergelijke ongelijkheid te houden; maar het problematische van het gelijkheidsideaal wordt veel duidelijker wanneer je de schade ziet die het aan de geslachtsrelaties toegebracht heeft. Van quota om vrouwen in mannenberoepen binnen te loodsen beleefden we een crescendo naar 'genderstudies, een belachelijke wetenschap met als enige doel, de genderrollen af [te] breken'. Hij raadt de jongeren aan, niet te veel in het zoeken naar en beleven van relaties te investeren, tenzij dan om iets duurzaams uit te bouwen en uiteindelijk een gezin te stichten. Dat is minder stoer en opzichtig dan stereotiepe rechtse rakkers wensen, maar des te opbouwender voor het Europa van de toekomst.

Identiteit


Vertaler van het werk is Jens De Rycke. Uitgever John Morgan wijst in zijn voorwoord op het revolutionaire karakter van Echt Rechts, vooral ook in zijn oorspronkelijke betekenis: terugdraaien naar de begintoestand. Hij definieert die stroming als 'niet conservatief in de normale betekenis van het woord, aangezien [ze] niet de hedendaagse Europese beschaving tracht te behouden (...) maar de waarden en idealen te hernieuwen die voor de komst van het liberalisme als natuurlijk beschouwd werden.' (p.ix) In een tweede voorwoord prijst Joakim Andersen, redacteur van Motpol, nog eens de verdiensten van de auteur. Het boekje besluit met een verklaring van de relevante politieke termen en een nawoord.

Voor de goede orde herhaal ik even dat voor mijzelf 'identiteit' geen voorwerp van politieke actie kan zijn: identiteit is er gewoon en zorgt wel voor zichzelf. Zij is de toevallige resultante van het samenspel van die krachten waar het werkelijk om gaat. Wanneer de Kerk haar traditionele waarden verdedigde, was dat vanuit een geloof in haar eigen boodschap en in de humani generis unitas (eenheid van de menselijke soort), niet vanuit enige zorg om identiteit. Toen de Action Française de Kerk voor de kar van haar Franse identiteitsproject wilde spannen, deed de Kerk haar in de ban. Op dat ene punt ben ik geneigd, de erfenis van de godsdienst van mijn jeugd trouw te blijven.


Zodus, ik identificeer mij –c'est le cas de le dire– niet met de 'identitaire' stroming die in dit boek aan het woord is. Ik neem het de multiculturalisten echter kwalijk dat zij het belang van identiteit enorm opgeblazen hebben juist door hun kruistocht ertegen. En ik herken een bondgenoot wanneer ik er een zie: Friberg is een strijder tegen het cultuurmarxistische kwaad, die in die strijd volop zijn morele en intellectuele kwaliteiten heeft kunnen scherpen en bewijzen.

 
Titel boek : De Terugkeer van Echt Rechts
Subtitel boek : Een Handboek voor de Echte Oppositie
Auteur : Daniel Friberg
Uitgever : Arktos
Aantal pagina's : 122
Prijs : 17 €
ISBN nummer : 978-1-910524-66-4
Uitgavejaar : 2016

Jacques Baud : « Terrorisme. Mensonges politiques et stratégies fatales de l’Occident »

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Jacques Baud : « Terrorisme. Mensonges politiques et stratégies fatales de l’Occident »

Bernard Plouvier,

auteur, essayiste

Ex: http://metamag.fr

On a envie de débuter ce compte-rendu par la conclusion pratique qui s’impose, après lecture : Halte ! Grand livre ! car on ne saurait dévorer un tel ouvrage sans en recommander la diffusion la plus large, et pour plusieurs raisons.

terrorisme-baud-195x300.jpgOfficier des SR (Services de Renseignements), l’auteur a une très solide culture historique, non pas celle des manuels à usage scolaire et universitaire, tous bourrés d’erreurs factuelles et de jolies légendes issues de la Deception (désinformation, en langue anglaise), ingrédient de base de toute propagande en période de guerre ou d’exploitation des bénéfices d’une victoire. Pour tout dire, le colonel Baud a dévoré quantité de livres et de sites du Net « révisionnistes »… faut-il rappeler que le révisionnisme est une démarche intellectuelle, de type scientifique, visant à démystifier l’écriture historique et qu’elle n’a rien à voir avec les sottises des « négationnistes » de la Shoah ou des génocides vendéen, arménien ou ukrainien.

En outre, l’auteur semble maîtriser l’arabe écrit, ce qui est appréciable pour un tel sujet. Ce n’est pas un fanatique de la lutte anti-musulmane ni du soutien inconditionnel aux USA ou à l’État d’Israël. Enfin, il ne semble pas nourrir un excès d’estime pour les politiciens professionnels, ce qui témoigne tant de son intelligence que d’un solide sens critique… on pourrait lui reprocher de ne pas associer dans son mépris les clowns des médias aux ordres de ces multinationales, dont il ose à peine médire, mais ce qu’il laisse supposer est bien suffisant pour qu’on le comprenne à demi-mot.

Sa thèse principale est simple, remarquablement étayée par une accumulation de faits (et quelques suppositions sur ce qui est encore secret d’État : la commandite d’un certain nombre d’attentats meurtriers durant ces 40 dernières années, dont ceux de Beyrouth, en 1983. Le terrorisme islamo-arabe qui frappe l’Occident depuis les débuts de l’ère nouvelle (que l’on peut faire remonter aux alentours de 1990) a non pas une origine religieuse unique, mais au moins trois facteurs étiologiques.

D’abord et avant tout, l’ingérence en apparence grotesque, scandaleuse pour les nationalistes africains, proches et moyen-orientaux, des Occidentaux dans la vie politique des États du Maghreb, dans celle de quelques pays d’Afrique noire (peu étudiés par l’auteur) et surtout dans les poudrières du Proche-Orient (Liban, Syrie, Irak, il est dommage que le Yémen ne soit pas étudié) et du Moyen-Orient (Afghanistan, mais l’on regrette que l’auteur n’ait pas évoqué le Pakistan ni l’impérialisme US en Républiques touraniennes : Ouzbékistan, Kirghizistan, Tadjikistan ou Turkménistan, qui promettent de nouvelles émotions lorsque les USA viseront par la bande la Russie et la Chine).

Il est évident que les ravages directs et les « dommages collatéraux » infligés aux populations par les armées US et associées (France, Grande-Bretagne, Italie pour le cas libyen, divers contingents européens symboliques pour l’exemple afghan) n’ont pu qu’indigner les frères de race et les coreligionnaires. Le terrorisme « nouvelle vague » est d’abord réactionnel à la meurtrière occupation étrangère, par l’effet de ce « droit d’ingérence », qui plait beaucoup aux requins d’affaires de New York et aux « néo-cons » de Washington, mais qui est jugé, par les autochtones des zones de combat, pour ce qu’il est réellement : une atteinte intolérable au droit des peuples. Ces gens sont moins naïfs qu’on ne le pense généralement : ils ont parfaitement compris que c’est la force qui crée le droit. Le terrorisme est l’arme des faibles, opprimés par un gros État mal organisé et présentant une multitude de zones sensibles.

La seconde cause – celle qui vient en seconde position en matière de motivation, contrairement à ce que serinent les médias aux ordres – est le Djihâd. Le colonel Baud nous précise que, pour certains musulmans, le Djihâd est une affaire intime : un effort personnel de perfectionnement. Ce n’est exact que dans la tradition des soufis, soit le gratin non-violent de la spiritualité sunnite. Les sourates coraniques qui renvoient au Djihâd désignent bien la « guerre sainte » que tout muslim en bonne santé doit faire aux « infidèles » (les non-musulmans) qui agressent le Dâr al-Islam (les zones de Charî’a), voire qu’il doit exporter dans le Dâr al-Harb (le domaine de la guerre, soit les terres qui ne sont pas encore soumises à la loi coranique).

On pourrait développer une troisième cause, effleurée par l’auteur : le désespoir existentiel de tous les paumés de l’immigration exotique en Europe (et à un moindre degré aux USA). Ils avaient cru que leurs immenses qualités physiques, intellectuelles, morales et religieuses feraient d’eux des maîtres, dominant des continents de dégénérés infidèles et il s’avère que leur suffisante insuffisance fait d’eux des traine-savates et des indésirables. Le Djihâd est un moyen de s’évader d’une vie nulle. D’abord en faisant éclater la joie de nuire à l’Occident, riche de valeurs que certains immigrés ne peuvent comprendre. Ensuite, en gagnant la certitude de se retrouver en un paradis fort terre-à-terre (mais admirablement adapté à un certain psychisme), fait de banquets et de houris, si l’on meurt au combat pour l’islam.

Ceci explique qu’environ 30 000 volontaires islamiques, venus d’une centaine de pays et répartis en approximativement 1200 groupes sunnites armés, agrémentent le quotidien des Syriens.

On peut regretter que l’auteur n’ait pas insisté sur le califat nouveau, Abou Bakr II ayant modifié la pratique du terrorisme djihadiste en autorisant des femmes et des enfants pré-pubères à y participer et en frappant de façon aveugle d’autres musulmans jugés trop tièdes, tout ceci contrevenant aux stipulations du Coran et des Hadiths sur la guerre sainte.

Même s’il fait mine de ne pas croire aux thèses complotistes, le colonel Baud accuse les pantins politiques des USA, de France (Sarkozy et Hollande sont fort justement cités), de Grande-Bretagne (Tony Blair), d’avoir fait le jeu du « complexe militaro-industriel » et surtout des compagnies pétrolières… en n’oubliant pas que les chefs d’État qui se sont investis dans la perturbation des États islamiques depuis 1990-91 – la première guerre d’Irak – l’ont également fait pour stimuler leur cote de popularité.

On peut regretter l’étonnante discrétion de l’auteur sur le rôle personnel de Barak Hussein Obama, qui s’est comporté, de 2010 à nos jours, soit comme le dernier des crétins, soit comme un très habile crypto-islamiste, déstabilisant tous les régimes calmes d’Afrique et du Proche-Orient, y introduisant la chienlit islamiste la plus fanatique.

L’auteur analyse fort bien le pragmatisme des dirigeants chiites iraniens depuis la mort du  délirant Khomeiny. Les chiites sont fort peu appâtés par la cause palestinienne (qui ne semble plus guère intéresser que les fossiles des mouvements gauchistes et trotskistes de la planète). Le colonel Baud est, hélas, beaucoup plus léger sur le régime islamique turc qui paraît infiniment plus redoutable pour l’Occident que l’État islamique.

On ne peut qu’approuver sa judicieuse analyse de l’implication des humanistes de Wall Street dans toutes ces affaires : sauver le règne du pétrodollar, contesté par les défunts gouvernements libyen et irakien, par ceux toujours en place de Syrie, de Russie et de Chine… et il aurait été judicieux de rapprocher l’activisme US en terres musulmanes de l’activisme de même origine en Amérique latine, dans des pays qui contestent la suprématie du dieu–dollar.

En résumé, si l’année 2014 (les statistiques planétaires de l’An 2015 ne semblent pas encore disponibles, mais ce fut un grand cru) a vu se dérouler 13 463 attentats islamiques, faisant 32 700 morts, il faut en accuser, certes, le fanatisme des fous d’Allah, mais aussi et surtout la politique de gribouille ou de cyniques Machiavels des Occidentaux… une politique qui, depuis 1990, a probablement occasionné directement la mort d’un million de civils en terres d’islam.

Chemin faisant, le colonel Baud met à nu les supercheries médiatiques à propos de la première guerre d’Irak ou du mythe Ben Laden-al Qu’Aïda (alors que les groupuscules terroristes défendent jalousement leur individualité et refusent de coordonner leurs actions). Il démonte les mensonges français sur les motivations de l’intervention en Libye et ceux des gouvernants US et français à propos de la Syrie. L’on est toutefois moins persuadé que l’auteur du côté « gentil toutou » des roitelets islamo-pétroliers d’Arabie saoudite et du Qatar… il serait bon de s’attendre à une fourberie anti-occidentale de ce côté-là.

Les conclusions de cet excellent livre s’imposent d’elles-mêmes

Il est nécessaire d’abolir le grotesque « droit d’ingérence » qui ne revêt d’intérêt que pour les multinationales exploitant les richesses naturelles des pays du Tiers-Monde.

L’Europe doit se dégager – et d’urgence – des fous de guerre US, de leur pétrodollar et de leur complexe militaro-industriel (dont l’importance remonte au règne de Franklin Delano Roosevelt).

L’Europe n’a pas vocation pour intervenir dans les bourbiers africains ni proche-orientaux. C’est aux autochtones et à eux seuls qu’il incombe de régler leurs problèmes tribaux, religieux, raciaux, politico-économiques. Il existe suffisamment de sites de matières premières, singulièrement de gisements pétroliers, pour se désengager des pays musulmans.

Il faut plus que jamais inverser les flux migratoires et renvoyer dans le Dâr al-Islam la totalité des musulmans entrés en Europe ces quarante dernières années (en France depuis l’absurde décret Giscard-Chirac sur le regroupement national).

Enfin et surtout, il est nécessaire (et urgent) de ne plus confier la direction des États à des pantins incultes et irréfléchis, dont les deux préoccupations majeures sont leur enrichissement personnel et la poursuite de leur carrière.

Au total, c’est un livre qui non seulement apporte quantité de renseignements, avérés et probables, mais surtout réussit son approche étiologique d’un problème majeur de notre époque… qui risque de dégénérer en une série de conflits indirects opposant le trublion US à l’Europe (Russie incluse) et à la Chine, en plus de l’Amérique latine, où la guerre politico-médiatique fait rage depuis quelques années.

Jacques Braud : « Terrorisme. Mensonges politiques et stratégies fatales de l’Occident« ,  2016 , Éditions du Rocher, 424 pages, 21€.

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