Le respect chez les jeunes: «la loi des frères supplante celle des pères» 

Entretien avec Michel Maffesoli

Ex: http://www.forumlibre2011.rennes.fr

Michel-Maffesoli-seno.jpgEntretien. Le sociologue Michel Maffesoli est venu à Rennes pour débattre de la question du respect chez les jeunes générations avec le philosophe Vincent Cespedes. Défendant une approche compréhensive et postmoderne des rapports sociaux, il nous a expliqué sa théorie sur la place du respect dans le «contrat social».

•Le respect est au cœur du Forum libé. Qu’est-ce que le respect?

Michel Maffesoli: C’est une notion un peu vieillotte. (Il sourit) Dans mon livre Le temps des tribus, je montre qu’il y a en quelque sorte un retour des valeurs traditionnelles, le respect en est une.


•Aujourd’hui, les différentes générations n’ont donc pas la même définition du terme de respect ?

Non, la société n’est pas homogène, c’est une mosaïque. Suivant la tribu, nous aurons telle ou telle conception du respect. Le sentiment d’appartenance conforte la tribu, et c’est un des éléments du respect. Ainsi, la sensibilité écologique se conçoit comme la nature que je respecte, et non pas la nature que je domine. L’homme n’est plus maître et possesseur de la nature, mais, pour moi qui suis un post-moderniste,  il y a un autre rapport à la nature. Chez les jeunes, on ressent bien ce respect de la nature.


•Peut-on dire que les jeunes détournent la notion de respect?


Non je ne crois pas à ça. Les jeunes n’ont plus le culte du pouvoir, mais ils aiment les autorités. Ils réinvestissent une vieille valeur. Il y a bien un retour des valeurs traditionnelles, comme le respect, mais pas au même niveau. L’image de la spirale caractérise ce phénomène.



•Pensez-vous que le respect entre les générations perdure?


Bien sûr. La grande perspective du pouvoir de l’éducateur s’étiole mais ces jeunes générations ont une appétence pour l’autorité et pour quelqu’un de bien. Je pense que la loi des frères supplante la loi des pères. Ainsi, quand on voit  une émission de télévision avec Charles Aznavour, les jeunes animateurs vont parler de Monsieur Aznavour. Ils acceptent son autorité car, en fait, il le mérite. Le respect n’est plus automatique : on ne respecte pas quelqu’un en fonction de sa qualité mais d’après ce qu’il est.



•Certaines grandes stars sportives ou musicales sont adulées par les jeunes malgré certains gestes malencontreux, comme par exemple le coup de boule de Zinedine Zidane. Ces jeunes seraient-ils tous irrespectueux ?


Ce qui caractérise la post-modernité est un oxymore et Zidane en est une bonne figure. Il est beau, généreux, sympa et il est capable de donner un coup de boule. Pourtant, on ne lui en veut pas. C’est ça le clair-obscur de l’existence, l’expression de ce que l’on est. On n’est pas tout blanc ou tout noir.



•Vous parlez d’une société hétérogène, faite de tribus. Est-il possible de réunir ces «tribus» autour d’un même contrat social, dont le respect serait une des valeurs?


Non, le contrat social est une idée des Lumières. C’est quelque chose de très rationnel. A la place, s’élabore un pacte social. Il est émotionnel. Les politiques, les journalistes, les sociologues, toute cette intelligentsia parlent de contrat. Mais c’est un concept dépassé ! Les jeunes générations ne s’y reconnaissent pas. Le contrat est sur la longue durée alors que le pacte est momentané. Et nous avons du mal à le penser. L’intelligentsia est encore trop ringarde !



Propos recueillis par Pauline Baumer (étudiante en master de journalisme, Sciences Po Rennes)