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vendredi, 18 octobre 2024

Francis Bacon et la Nouvelle Atlantide techno-gnostique

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Francis Bacon et la Nouvelle Atlantide techno-gnostique

Nicolas Bonnal

(…) L'utopie techno-gnostique remonte à la Renaissance, celle des livres d'histoire. Elle essaie depuis lors de concilier la Tradition initiatique et les acquis de la  technologie.

Francis Bacon, ministre de la reine Élisabeth, est le père de I’Intelligence au sens anglais du terme, c'est-à-dire de l'espionnage. Il était chargé de l'information auprès  de l'ambassadeur d'Angleterre à Paris dans les années 1576-1577. Il est surtout l'inventeur du cryptage des messages diplomatiques au  moyen d'un code binaire - chaque lettre de l'alphabet est transformée en une simple combinaison de deux symboles, et à chaque symbole correspond une typographie différente.

Bacon voit dans les Anglais un grand peuple de marins. Il fait un usage habile d'une prophétie de Daniel: « Multi pertransibunt et multiplex erit scientia », « nombreux seront ceux qui navigueront plus loin, et la science augmentera », phrase promise à un grand avenir  et que dans une de ses lettres Descartes présentera comme « la prophétie du chancelier d'Angleterre ». Cette orientation de l'esprit anglais vers la technoscience et la navigation  trouve un écho surprenant chez... la Fontaine: « les Anglais pensent profondément... Forts de leurs expériences... ils étendent partout l'empire des sciences. »

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Mais voyons l'utopie de Bensalem. Le propos de Bacon est à la fois archaïque et futuriste: il veut renouer avec le savoir adamite perdu, savoir dont les échos ont été conservés par les kabbalistes juifs ou les penseurs grecs. Mais en même temps, il veut révolutionner le monde en l'activant matériellement. Cette activation peut se  produire du fait de l'Amérique qui est peut-être l'Atlantide connue des Anciens.

Dans son texte, Bacon écrit d'ailleurs à propos de l'Amérique: « Vous devez  considérer les habitants de l'Amérique comme un peuple jeune, plus jeune de mille ans au moins que le reste du monde... les rares survivants de l'espèce humaine repeuplèrent, après le Déluge, le pays. Ils ne purent léguer à leurs descendance ni les arts ni les lettres ni un genre de vie civilisé ». La notion de peuple jeune concernant l'Amérique était elle aussi promise à un grand avenir. Elle concerne  aujourd'hui les jeunes acteurs de la Nouvelle Économie.

Les navigateurs... de Bacon échouent d'abord sur une île perdue dans le Pacifique, au large du Pérou, île où l'on parle le latin, le grec et l'hébreu.

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La référence hébraïque est importante dans ce texte fondateur de l'esprit scientifique. Langue sacrée, l'hébreu devient langue savante.

Sur l'île de Bensalem a régné Salomon. Ce législateur « redoutait les innovations et le mélange des mœurs ». Sur l'île toujours, les navigateurs sympathisent avec « un marchand de la ville, qui s'appelait Joabin, et qui était juif et circoncis ».

Œcuménisme exemplaire, qui annonce celui des puritains et de Cromwell (qui rappela les juifs en Angleterre après trois siècles d'exil), et qui est dû à l'intuition que les juifs sont les détenteurs d'un savoir suprême: « Moïse, disent-ils, par une  kabbale secrète, formula les lois qui sont en vigueur aujourd'hui à Bensalem ». De  même que Cromwell rêvera plus tard de faire de l'Angleterre un nouvel Israël, Bacon pense faire de l'Angleterre une Babel de la technoscience en décryptant, puisque telle était sa profession-confession, le message biblique. Il devance de quatre siècles tous les originaux qui, comme Drobin, rêvent de comprendre l'Écriture sainte mieux que quiconque.

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La Nouvelle Atlantide consiste pour l'essentiel en une énumération. Comme les babéliens, les Atlantéens ont « de hautes tours, la plus élevée mesurant environ un demi-mile... on estime que la plus élevée d'entre elles fait au moins trois miles de haut ». Bacon, qui semble avoir prévu Manhattan et les gratte-ciel, précise en outre  qu'ils ont « des bassins dont certains filtrent l'eau salée en eau douce, et d'autres l'eau douce en eau salée». Bacon, qui aime faire violence à la nature, évoque « des puits artificiels qui imitent les sources naturelles et les eaux thermales ». De même, les Atlantéens cultivent des jardins et des vergers dans lesquels « on mène toutes les expériences possibles en matière de greffes ». Ces greffes « permettent aux  plantes de croître et de porter des fruits plus vite qu'il ne leur est naturel ».

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Avec quelques siècles d'avance, Bacon annonce toutes les manipulations génétiques sur les plantes qui défraient aujourd'hui la chronique. Il y a certes une dimension baroque dans ce texte, une dimension de guerre du  faux, pour reprendre la célèbre expression d'Umberto Eco. L'homme est artificiel par nature et il ne se contente pas de ce qui est donné. Fourastié reprendra le même argumentaire que Bacon dans ses Trente Glorieuses: rien n'est naturel chez l'homme, qui est un guerrier du faux. D'ailleurs, pour Bacon, «nous disposerons d'instruments capables de falsifier les distances», instruments qui seront plus tard microscopes et télescopes.

La cité technoscientifique de Bacon est une copie de notre monde avant son heure.

L'homme atlantéen manipule les espèces animales et, comme dans Jurassic Park, « il crée à  partir de matières putréfiées de nombreuses espèces de serpents, de vers, d'insectes et de poissons ». Certains breuvages sont même faits de chairs et de viandes blanches... c'est peut-être pour cela que les Yahoos de Jonathan Swift régressent : ils se sont nourris de vaches folles...

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Bensalem est une cité thermocratique, comme les conurbations sidérurgiques de la révolution industrielle: « Nous avons une grande variété de fourneaux, qui produisent de la chaleur sous des formes très variées... des sortes de chaleur imitant celles du soleil et des corps célestes qui passent par divers degrés très inégaux ». La chaleur permet de changer d'état physique et donc spirituel. Des machines fournissent enfin de faux sons, de fausses sources de lumières, de fausses odeurs.

L'utopie comprend des cadres divers: les marchands de lumière, qui voyagent à l'étranger pour« en rapporter des exemples d'expériences de toutes les régions du monde ». La réciproque n'est pas vraie: les visiteurs sont isolés sur l'île dans la Maison des Étrangers et Bacon confirme qu'il est bien l'inventeur de l'espionnage industriel et technoscientifique.

Les marchands de Lumière sont assistés par les pilleurs (lecteurs de livres savants), les artisans (spécialistes des expériences touchant aux arts mécaniques), les mineurs (expérimentateurs) et les compilateurs qui effectuent la synthèse des informations collectées et « nous éclairent sur la façon de tirer de tout cela des remarques et des axiomes ».

Ces cercles dignes d'organigrammes de multinationales modernes ou de sociétés maçonniques comprennent encore les bienfaiteurs (chercheurs de voies nouvelles), les flambeaux (qui proposent des voies nouvelles), les greffiers enfin qui recensent tout cela comme au tribunal.

Bacon persiste dans ses Magnalia Naturae, ses merveilles de la Nature, qui closent sa description de l'atelier scientifique du monde à venir. Comme la science contemporaine, il veut « prolonger la vie, rendre, à quelque degré, la jeunesse, amoindrir la douleur». Précurseur du fitness, qui transforme l'homme en animal-machine  comme toutes les activités modernes ou presque, il désire « augmenter la force et l'activité, transformer l'embonpoint en maigreur ». Précurseur du positivisme à l'américaine ou de la programmation neurolinguistique, il souhaite « rendre les esprits joyeux, et renforcer la puissance de l'imagination sur le corps » quatre siècles avant le cinéma et les inventions du conditionnement moderne.

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Enfin, il reprend ses maîtres-mots: accélérer et transformer, produire et fabriquer du Nouveau. La technique, plus que l'imagination poétique d'un Baudelaire, allait le permettre au-delà de ses aspirations. Et il le pressentait. Mais pour accomplir cela, il fallait arraisonner l'espace mondial par les réseaux (extrait de mon livre sur Internet nouvelle voie initiatique, Les Belles Lettres, 2001).

lundi, 18 mai 2020

Le « Nouvel Âge » : une imposture prophétique

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Le « Nouvel Âge » : une imposture prophétique

par Daniel COLOGNE

9782702103937-G.JPGEn raison de sa provenance californienne, ce courant de pensée est plus connu sous le vocable anglais de New Age. On peut situer l’origine de cette mouvance intellectuelle au début des années 1960, notamment avec le livre de Marilyn Ferguson, Les enfants du Verseau (1962).

Je reviendrai plus loin sur la récupération tendancieuse de l’astrologie par le New Age, dont il est évidemment possible de trouver des signes avant-coureurs antérieurs à 1960. Je pense tout particulièrement à Paul Le Cour, aussi fondateur de la revue Atlantis en 1926, originaire de Blois comme René Guénon (celui-ci meurt en 1951 et Le Cour en 1954). L’admirateur de Guénon que je suis toujours reconnaît bien volontiers la mesquinerie de certains procès guénoniens dans le cadre de la féroce rivalité qui oppose les deux penseurs issus de la même ville et s’intéressant aux mêmes centres d’intérêt (l’ésotérisme, l’occultisme, l’Atlantide, etc.).

En 1983, le mouvement New Age organise à Bruxelles un grand congrès intitulé « The World We Choose (Le Monde que nous choisissons) ». Une revue est lancée et son titre est révélateur : Réseaux. C’est en effet toute une organisation réticulaire qui s’installe sur le haut de la ville, les beaux quartiers de la capitale de la Belgique et de l’Union européenne. On voit se tisser une immense toile d’araignée dont les fils relient les officines de médecines alternatives (réflexologie, iridologie, radiesthésie), des magasins végétariens, des restaurants macrobiotiques, des écoles de yoga, des centres d’études de thérapies orientales (ayurvédisme, acupuncture), des librairies dont les vitrines et les rayons regorgent d’ouvrages consacrés à la théosophie, l’anthroposophie, les pédagogies non directives.

Le leitmotiv de ce mouvement est la « croissance personnelle ». Le New Age véhicule un individualisme intégral qui, pour reprendre les termes de Julius Evola, constitue son véritable « visage » dissimulé par le « masque » d’un spiritualisme frelaté. Nous avons ici affaire à une forme particulièrement pernicieuse d’égalitarisme qui consiste à attribuer à tout un chacun la possibilité de réaliser sa « croissance personnelle » et les atouts nécessaires à la poursuite victorieuse du bonheur. C’est l’illusion de l’« égalité des chances » qui incite chaque individu à se lancer dans une course effrénée au bien-être et qui suscite in fine des inégalités de plus en plus monstrueuses telles qu’on les voit se développer depuis quelques décennies, après la parenthèse des « Trente Glorieuses » où beaucoup se sont imaginés qu’abattre les fascismes ouvrait automatiquement la voie à une ère d’équité et à la concrétisation du rêve kantien de « paix perpétuelle ».

Lors d’une émission télévisuelle animée par Christophe Dechavanne, un adepte du « Nouvel Âge » affirmait qu’on allait passer d’un cycle caractérisé par l’« amour du pouvoir » à une ère auréolée du « pouvoir de l’amour ». Par-delà le tonnerre d’applaudissements qui salua ces belles paroles (les media utilisent la « claque » comme dans les théâtres d’autrefois), il convient de détecter derrière cette creuse phraséologie une de ces « idées chrétiennes devenues folles, comme dit Chesterton : la confusion entre l’amour communautariste du prochain (réservé aux membres de la communauté des chrétiens) et l’amour laïcisé et universalisé du semblable (dont on doit témoigner envers chaque homme en ce qu’il a d’ordinaire en commun avec les autres, dans la « nudité de son visage », comme l’écrit Levinas).

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Matthieu Ricard.

Le New Age se réfère souvent au bouddhisme. Il ne s’agit évidemment pas de la « doctrine de l’Éveil » brillamment analysée par Evola, mais d’une variante édulcorée se présentant sous la forme d’une éthique compassionnelle et altruiste, dans la ligne actuelle du moine Matthieu Ricard, fils de Jean-François Revel. Pour l’homme occidental déchristianisé, le bouddhisme peut servir de philosophie de rechange apte à lui donner un semblant de religiosité tout en faisant l’économie de la transcendance.

Rappelons les réticences de René Guénon vis-à-vis du bouddhisme, qu’il a longtemps perçu comme un moment de « révolte des ksatriyas ». Ananda Kentish Coomaraswamy et Marco Pallis ont dû déployer des trésors de persuasion pour que Guénon, seulement quatre ans avant son décès, admette le caractère « traditionnel » du bouddhisme, en dépit de sa négation du système des castes.

Je m’accorde une brève digression pour suggérer que la « révolte des ksatriyas » ne se réduit pas à une série d’insurrections des « guerriers » contre les « prêtres » (comme dans la querelle médiévale du sacerdoce et de l’Empire), mais constitue un processus plurimillénaire continu analogue au Ragnarokir de la mythologie nordique, l’obscurcissement du divin dans la conscience humaine, le « crépuscule des dieux », comme on le dit souvent et improprement. Ce processus d’obscuration est déjà en germe durant l’« Âge d’Or », ainsi qu’en témoigne le mythe de la chasseresse Atalante poursuivant le sanglier de Calydon. Le sanglier est en effet un des avatars de Vishnou durant l’Âge d’Or. En toute rigueur métaphysique, on peut même dire que ce processus est en germe dès que l’on passe du plan principiel (archè) à celui de la manifestation (genesis), pour reprendre les termes de la Bible des Septante (traduction grecque de l’Ancien Testament). Le choix du mot genesis de préférence au mot poesis montre qu’il ne s’agit pas, à proprement parler, d’une « création », mais d’une « manifestation » qui se développe à partir d’un plan principiel. Il est par ailleurs évident que la caste est, dans le monde pré-moderne, la manière privilégiée d’assigner un cadre limitatif à l’épanouissement individuel, qui se réalise ainsi sub conditione, et non de la manière frénétique et sans limites préconisée par le New Age post-moderne.

J’ai mentionné plus haut l’utilisation de la phytothérapie hindoue et de la médecine traditionnelle chinoise, non pour glorifier le savoir des Anciens, mais pour contribuer à la « croissance personnelle ». Plus importante encore est la récupération de l’astrologie dite « mondiale » (1) pour faire croire que l’humanité passe actuellement d’une « Ère des Poissons » à une « Ère du Verseau », d’un cycle bimillénaire dont l’épicentre a été la Chrétienté médiévale (où l’agapé christique dérive en un « amour du pouvoir ») à une période de durée analogue dont les signes annonciateurs recoupent les symptômes d’une « déconstruction » (censée nous mener au « pouvoir de l’amour »).

Le lecteur peu familiarisé avec l’astrologie sera surpris de voir le Verseau succéder aux Poissons, alors que dans le Zodiaque des saisons, les Poissons viennent après le Verseau. Mais le mouvement pris en considération par le New Age est le déplacement rétrograde du point vernal (du latin ver, vernis, le printemps) dans le Zodiaque sidéral. Ce sont les constellations qu’envisage le New Age, et non les signes énumérés dans les media par les « horoscopes » (terme impropre par ailleurs).

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Le point vernal se meut lentement (à raison de 72 ans par degré zodiacal) des Poissons en direction du Verseau, mais comme les frontières des constellations sont floues, on peut diviser le Zodiaque sidéral en douze parties de différentes façons et accréditer la thèse selon laquelle l’« Ère du Verseau » commence aujourd’hui ou aurait débuté au « siècle des Lumières », voire à la Renaissance. L’« Ère du Verseau » coïncide selon certains avec la modernité et pour le New Age avec la post-modernité porteuse d’un « nouveau paradigme ». Les astrologues sérieux, notamment ceux qui éditent les Raphael’s Ephemeridis, prennent pour modèle un Zodiaque sidéral logiquement axé sur les étoiles Aldébaran et Antarès, qui se font face au milieu des constellations du Taureau et du Scorpion. Une fois ce modèle adopté, on constate que le point vernal a encore six degrés à parcourir dans les Poissons et que l’« Ère du Verseau », si tant est qu’elle ait une signification, commence dans un peu plus de quatre cents ans.

Le véritable objectif du New Age est de faire passer les transformations mentales, sociétales et technologiques d’aujourd’hui pour les produits d’une fatalité historique et les germes d’un futur universellement radieux. Il s’agit évidemment d’une contrefaçon de la « fonction prophétique » telle que l’ont exposée René Guénon et Frithjof Schuon, dans le sillage de Saint-Yves d’Alveydre. Cette fonction prédictive est subordonnée à la parfaite connaissance des influences cosmiques telles que la détient la fonction « souveraine », c’est-à-dire « sacerdotale » et » liée au sacré », comme l’écrit un rédacteur d’Éléments (n° 181, décembre 2019 – janvier 2020).

De cette « fonction prophétique » parfaitement intégrable dans la tripartition fonctionnelle dumézilienne, le « Nouvel Âge » offre une parodie diamétralement opposée à la spiritualité indo-européenne. Celle-ci s’illustre à travers les œuvres de Julius Evola, le « tantrika d’Occident », et de rené Guénon, qui s’est certes installé en terre d’islam pour finir ses jours, mais dont les livres majeurs consacrés aux « formes traditionnelles » abordent les divers courants de l’hindouisme.

La branche chrétienne du New Age évoque souvent le passage d’un Christus Ichtus à un Christus Aquarius. Aquarius est le nom latin de la constellation du Verseau, mais c’est aussi l’un des thèmes les plus importants de la comédie musicale Hair, sorte de manifeste soixante-huitard du « Nouvel Âge ». Rappelons que la version française de Hair est due à Julien Clerc, qui chante aussi La Californie et fait plusieurs fois allusion à cette région (2).

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En guise de conclusion, je voudrais attirer l’attention de nos lecteurs sur la manière subtile dont s’insinuent dans les esprits les thématiques du « Nouvel Âge » et de la grande « déconstruction » du demi-siècle écoulé à travers des répertoires qui sont loin d’être qualitativement négligeables. Éric Zemmour a pertinemment observé comment la chanson Les Divorcés de Michel Delpech marque le point de départ de la mode des familles recomposées (thème que l’on retrouve aussi dans le répertoire de Daniel Guichard et de Gérard Lenormand). Il serait intéressant de faire une étude exhaustive de toutes ces chansons dont les couplets et les refrains traversent les générations et s’impriment dans les mémoires en charriant insidieusement quelques thèmes « déconstructeurs » fidèles à la perspective New Age. Même dans l’hypothèse où l’« Ère du Verseau » ne ferait pas l’économie d’une catastrophe, la seule maison « à rester debout » serait celle dont on a « jeté les clefs » et que Maxime Le Forestier imagine teintée de bleu sur fond de ciel californien.

Notes:

1 : André Barbault lui-même admet que son « indice cyclique » a des effets davantage locaux que mondiaux et il reconnaît de surcroît la difficulté de localiser ces effets. Son « indice cyclique » est toutefois un outil intéressant. C’est la somme des écarts de longitude entre les planètes. Plus cette somme est basse, plus la période est difficile. Durant le siècle passé, l’indice cyclique le plus bas se situe en 1982.

2 : « J’entends les motos sauvages,

Qui traversent nos villages,

Venant de Californie,

de Londres ou bien de Paris. » (La Cavalerie)

mardi, 18 septembre 2018

Technological Utopianism & Ethnic Nationalism

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Technological Utopianism & Ethnic Nationalism

 [1]Author’s Note:

This is the text of my talk at the fourth meeting of the Scandza Forum in Copenhagen, Denmark, on September 15, 2018. In my previous Scandza Forum talk [2], I argued that we need to craft ethnonationalist messages for all white groups, even Trekkies. This is my Epistle to the Trekkies. I want to thank everybody who was there, and everybody who made the Forum possible. 

The idea of creating a utopian society through scientific and technological progress goes back to such founders of modern philosophy as Bacon and Descartes, although the idea was already hinted at by Machiavelli. But today, most people’s visions of technological utopia are derived from science fiction. With the notable exception of Frank Herbert’s Dune series [3], science fiction tends to identify progress with political liberalism and globalism. Just think of Star Trek, in which the liberal, multi-racial Federation is constantly battling against perennial evils like nationalism and eugenics. Thus it is worth asking: Is ethnic nationalism—which is illiberal and anti-globalist—compatible with technological utopianism or not?

My view is that technological utopianism is not only compatible with ethnic nationalism but also that liberalism and globalization undermine technological progress, and that the ethnostate is actually the ideal incubator for mankind’s technological apotheosis.

Before arguing these points, however, I need to say a bit about what technological utopianism entails and why people think it is a natural fit with globalization. The word utopia literally means nowhere and designates a society that cannot be realized. But the progress of science and technology are all about the conquest of nature, i.e., the expansion of man’s power and reach, so that utopia becomes attainable. Specific ambitions of scientific utopianism include the abolition of material scarcity, the exploration and settlement of the galaxy, the prolongation of human life, and the upward evolution of the human species.

It is natural to think that scientific and technological progress go hand in hand with globalization. Reality is one, therefore the science that understands reality and the technology that manipulates it must be one as well. Science and technology speak a universal language. They are cumulative collaborative enterprises that can mobilize the contributions of the best people from across the globe. So it seems reasonable that the road to technological utopia can only be impeded by national borders. I shall offer three arguments why this is not so. 

1. Globalization vs. Innovation

I define globalization as breaking down barriers to sameness: the same market, the same culture, the same form of government, the same way of life—what Alexandre Kojève called the “universal homogeneous state.”

WWEN-2.jpgAs Peter Thiel argues persuasively in Zero to One [4], globalization and technological innovation are actually two very different modes of progress. Technological innovation creates something new. Globalization merely copies new things and spreads them around. Thiel argues, furthermore, that globalization without technological innovation is not sustainable. For instance, it is simply not possible for China and India to consume as much fossil fuel as the First World countries, but that is entailed by globalization within the present technological context. In the short run, this sort of globalization will have catastrophic environmental effects. In the long run, it will hasten the day when our present form of civilization collapses when fossil fuels are exhausted. To stave off this apocalypse, we need new innovations, particularly in the area of energy.

The most important technological innovations of the twentieth century are arguably splitting the atom and the conquest of space. Neither was accomplished by private enterprise spurred by consumer demand in a global liberal-democratic society. Instead, they were created by rival governments locked in hot and cold warfare: first the United States and its Allies against the Axis powers in World War II, then the United States and the capitalist West versus the Soviet Bloc until the collapse of Communism in 1989–1991.

Indeed, one can argue that the rivalry between capitalism and communism began to lose its technological dynamism because of the statesmanship of Richard Nixon, who began détente with the USSR with the Strategic Arms Limitations Talks in 1969, then went to China in 1971, lessening the threat that the Communist powers would recoalesce into a single bloc. Détente ended with the Soviet invasion of Afghanistan in 1979. Ronald Reagan’s Strategic Defense Initiative could have spurred major technological advances, but merely threatening it was enough to persuade Gorbachev to seek a political solution. So the ideal situation for spurring technological growth is political rivalry without political resolution, thereby necessitating immense expenditures on research and development to gain technological advantages.

Since the collapse of Communism and the rise of a unipolar liberal-democratic world order, however, the driving force of technological change has been consumer demand. Atomic energy and sending men into space have been pretty much abandoned, and technological progress has been primarily channeled into information technology, which has made some of us more productive but for the most part just allows us to amuse ourselves with smartphones as society declines around us.

But we are not going to be able to Tweet ourselves out of looming environmental crises and Malthusian traps. Only fundamental innovations in energy technology will do the trick. And only the state, which can command enormous resources and unite a society around a common purpose, has a record of accomplishment in this area.

Of course none of the parties to the great conflicts that spurred technological growth were ethnonationalists in the strict sense, not even the Axis powers. Indeed, liberal democracy and communism were merely rival visions of global society. But when rival visions of globalization are slugging it out for power, that means that the globe is divided among a plurality of different political actors.

Pluralism and rivalry have spurred states to the greatest technological advances in history. Globalization, pacification, and liberalism have not only halted progress but have bred complacency in the face of potential global disasters. A global marketplace will never take mankind to the stars. It will simply distract us until civilization collapses and the Earth becomes a scorched boneyard.

2. Innovation vs. Cost-Cutting

In economics, productivity is defined as a mathematical formula: outputs divided by inputs, i.e., the cost per widget. Mathematically speaking, you can increase productivity either by making labor more productive, chiefly through technological innovation, or simply by cutting costs.

Most of the productivity gains that come from economic globalization are a matter of cost-cutting, primarily cutting the costs of labor. The Third World has a vast supply of cheap labor. Economic globalization allows the free movement of labor and capital. Businesses can cut labor costs by moving factories overseas or by importing new workers to drive down wages at home.

Historically speaking, the greatest economic spur to technological innovation has been high labor costs. The way to raise labor costs is to end economic globalization [5], by cutting off immigration and by putting high tariffs on foreign manufactured goods. In short, we need economic nationalism. Indeed, only economic nationalism can lead to a post-scarcity economy.

What exactly is a “post-scarcity economy,” and how can we get there from here? First of all, not all forms of scarcity can be abolished. Unique and handcrafted items will always be scarce. There will only be one Mona Lisa. Scarcity can only be abolished with identical, mass-produced items. Second, the cost of these items will only approach zero in terms of labor. Basically, we will arrive at a post-scarcity economy when machines put everyone involved in mass production out of work. But the machines, raw materials, and energy used in production will still have some costs. Thus the post-scarcity economy will arrive through innovation in robotics and energy production. The best image of a post-scarcity world is the “replicator” in Star Trek, which can change the atomic structure of basic inputs to materialize things out of thin air.

WWEN1.jpgOf course workers who are replaced by machines can’t be allowed to starve. The products of machines have to be consumed by someone. Production can be automated but consumption cannot. It would be an absurdist dystopia if mechanization led to the starvation of workers, so consumption had to be automated as well. One set of robots would produce things, then another set of robots would consume them and add zeroes to the bank balances of a few lonely plutocrats.

To make the post-scarcity economy work, we need to ensure that people can afford to buy its products. There are two basic ways this can be done.

First, the productivity gains of capital have to be shared with the workers, through rising wages or shrinking work weeks. When workers are eliminated entirely, they need to receive generous pensions.

Second, every economic system requires a medium of exchange. Under the present system, the state gives private banks the ability to create money and charge interest on its use. The state also provides a whole range of direct payments to individuals: welfare, old-age pensions, etc. A universal basic income [6] is a direct government payment to all citizens that is sufficient to ensure basic survival in a First-World country. Such an income would allow the state to ensure economic liquidity, so that every product has a buyer, while eliminating two very costly middlemen: banks and social welfare bureaucracies.

All of this sounds pretty far out. But it is only unattainable in the present globalized system, in which cost-cutting is turning high-tech, First World industrial economies into low-tech Third World cheap-labor plantation economies. Only economic nationalism can spur the technological innovations necessary to create a post-scarcity economy by raising labor costs, both through immigration controls and tariff walls against cheap foreign manufactured goods.

3. Ethnonationalism & Science

So far we have established that scientific and technological progress are undermined by globalization and encouraged by nationalist economic policies and the rivalries between nations and civilizational blocs. But we need a more specific argument to establish that ethnonationalism is especially in harmony with scientific and technological progress.

My first premise is: No form of government is fully compatible with scientific and technological progress if it is founded on dogmas that are contrary to fact. For instance, the republic of Oceania might have a population of intelligent and industrious people, an excellent educational system, first rate infrastructure, and a booming economy. But if the state religion of Oceania mandates that the Earth is flat and lies at the center of the universe, Oceania is not going to take us to the stars.

My second premise is: The advocacy of racially and ethnically diverse societies—regardless of whether they have liberal or conservative regimes—is premised on the denial of political experience and the science of human biological diversity.

The history of human societies offers abundant evidence that putting multiple ethnic groups under the same political system is a recipe for otherwise avoidable ethnic tensions and conflicts. Furthermore, science indicates that the most important factors for scientific and technological advancement—intelligence and creativity—are primarily genetic, and they are not equally distributed among the races. Finally, Genetic Similarity Theory predicts that the most harmonious and happy societies will be the most genetically homogeneous, with social conflict increasing with genetic diversity.

Denying these facts is anti-scientific in two ways. First and most obviously, it is simply the refusal to look at objective facts that contradict the dogma that diversity improves society. Second, basing a society on this dogma undermines the genetic and social conditions necessary for progress and innovation, for instance by lowering the average IQ and creating greater social conflict. Other things being equal, these factors will make a society less likely to foster scientific and technological innovation.

My third premise is: Ethnonationalism is based on both political experience and the science of human biological diversity—and does not deny any other facts. Therefore, ethnonationalism is more compatible with scientific and technological progress than are racially and ethnically diverse societies—other things being equal.

Of course some research and development projects require so much money and expertise that they can only be undertaken by large countries like the United States, China, India, or Russia. Although we can predict with confidence that all of these societies would improve their research and development records if they were more racially and culturally homogeneous, even in their present states they can accomplish things that small, homogeneous ethnostates simply cannot dream of.

For instance, if a country of two million people like Slovenia were to adopt ethnonationalism, it would probably outperform a more diverse society with the same size and resources in research and development. But it would not be able to colonize Mars. However, just as small countries can defend themselves from big countries by creating alliances, small states can work together on scientific and technological projects too big to undertake on their own. No alliance is stronger than its weakest member. Since diversity is a weakness and homogeneity is a strength, we can predict that cooperative research and development efforts among ethnostates will probably be more fruitful than those among diverse societies.

Now someone might object that one can improve upon the ethnostate by taking in only high-IQ immigrants from races. Somehow Americans went to the Moon without importing Asians and Indians. Such people are being imported today for two reasons. First, importing foreign brains allows us to evade problems with producing our own, namely, dysgenic fertility and the collapse of American STEM education, largely due to political correctness, i.e., racial integration and the denial of biological intelligence differences. Second, the productivity gains attributed to diversity in technology are simply due to cost-cutting. But the real answer is: The Internet allows whites to collaborate with the best scientists around the world. But we don’t need to live with them.

To sum up: The idea that technological utopia will go hand-in-hand with the emergence of a global homogeneous society is false. The greatest advances in technology were spurred by the rivalries of hostile political powers, and with the emergence of a unipolar world, technological development has been flagging.

The idea that technological utopia goes hand-in-hand with liberal democracy is false. Liberalism from its very inception has been opposed to the idea that there is a common good of society. Liberalism is all about empowering individuals to pursue private aims and advantages. It denies that the common good exists; or, if the common good exists, liberalism denies that it is knowable; or if the common good exists and is knowable, liberalism denies that it can be pursued by the state, but instead will be brought about by an invisible hand if we just allow private individuals to go about their business.

The only thing that can bring liberal democrats together to pursue great common aims is the threat of war. This is what sent Americans to the Moon. America’s greatest technological achievements were fostered by the government, not private enterprise, and in times of hot and cold war, not peace. Since the end of the Cold War, however, victory has defeated us. America is no longer a serious country.

The solution, though, is not to go back to war, but to junk liberalism and return to the classical idea that there is a common good that can and must be pursued by the state. A liberal democracy can only be a serious country if someone like the Russians threatens to nuke them every minute of the day. Normal men and normal societies pursue the common good, because once one is convinced something really is good, one needs no additional reason to pursue it. But if you need some extra incentives, consider the environmental devastation and civilizational collapse that await us as the fossil fuel economy continues to expand like an algae bloom to its global limits. That should concentrate the mind wonderfully.

The idea that technological utopia will go hand-in-hand with global capitalism is false. Globalization has undermined technological innovation by allowing businesses to raise profits merely by cutting costs. The greatest advances in manufacturing technology have been spurred by high labor costs, which are products of a strong labor movement, closed borders, and protectionism.

Finally, the idea that technological utopianism will go hand-in-hand with racially and ethnically diverse societies is false. This is where ethnonationalism proves its superiority. Diversity promotes social conflict and removes barriers to dysgenic breeding. The global average IQ is too low to create a technological utopia. Global race-mixing will make Europeans more like the global average. Therefore, it will extinguish all dreams of progress. Ethnonationalists, however, are actually willing to replace dysgenic reproductive trends with eugenic ones, to ensure that every future generation has more geniuses, including scientific ones. And if you need an extra incentive, consider the fact that China is pursuing eugenics while in the West it is fashionable to adopt Haitian babies. Ethnonationalism, moreover, promotes social harmony and cohesion, which make possible coordinated efforts toward common goals.

What sort of society will conquer scarcity, conquer death, and settle the cosmos? A society that practices economic nationalism to encourage automation. A homogeneous, high-IQ society with eugenic rather than dysgenic reproductive trends. A harmonious, cohesive, high-trust society that can work together on common projects. An illiberal society that is willing to mobilize its people and resources to achieve great common aims. In short, if liberal democracy and global capitalism are returning us to the mud, it is ethnonationalism that will take us to the stars.

Article printed from Counter-Currents Publishing: https://www.counter-currents.com

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[2] previous Scandza Forum talk: https://www.counter-currents.com/2018/04/redefining-the-mainstream/

[3] Frank Herbert’s Dune series: https://www.counter-currents.com/2014/08/frank-herberts-dune-part-1/

[4] Zero to One: https://www.counter-currents.com/2016/10/notes-on-peter-thiels-zero-to-one/

[5] end economic globalization: https://www.counter-currents.com/2015/12/the-end-of-globalization-2/

[6] universal basic income: https://www.counter-currents.com/2012/01/money-for-nothing/

mardi, 05 octobre 2010

Atlantropa...

Atlantropa…

landgewinnung-400-kopie-kopieCe paradoxe apparent s’explique aisément. Les grands projets pour changer le monde impliquaient une intention et une mise en œuvre uniques et concertées. Il fallait donc une volonté forte pour qu’ils passent du rêve à la réalité. Une nécessité indiscutée en était presque la condition nécessaire. A quoi bon de telles dépenses sur un si long terme si ce n’est pas dans un but précis ? A l’opposé, ce que notre modernité tardive nous offre, c’est la possibilité pour chacun de changer un tout petit morceau du monde, pour son confort, en toute innocence. Ce n’est qu’en voyant l’impact global de milliers de décisions individuelles que l’on prend la mesure des conséquences pour le monde.

afrika2Ainsi donc, si quelqu’un avait eu le projet d’abolir, pour ainsi dire, la nuit, sans doute l’aurait-on regardé pour fou. Certes, l’éclairage public urbain limite la criminalité (du moins, le faisait-il de par le passé — n’est-ce pas l’inverse aujourd’hui ?), mais à quoi bon parsemer la campagne de lumières qui défigurent les paysages et le ciel, assassinent la Lune, tuent les étoiles, troublent les rythmes naturels des animaux, des plantes et des hommes, etc. ? Pourtant c’est à cela que nous en sommes venus en diffusant l’éclairage public à chaque commune, en donnant la possibilité à tout propriétaire d’un pavillon d’y installer qui des veilleuses pour mettre en valeur ses nains de jardin, qui un puissant halogène pour éviter qu’on lui vole sa voiture.

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La solution n’est certainement pas dans l’interdiction. A vrai dire, je ne sais où elle se trouve. Tout cela m’est inspiré par une ancienne lecture qui m’a fait m’intéresser sur ce problème de la plasticité du monde face à l’action humaine. Au lendemain de la première Guerre mondiale, l’Europe était saignée à blanc, affaiblie, lucide sur la mortalité des civilisations, mais aussi sur leur létalité — l’ambiguïté était dans le célèbre mot de Valéry. Elle avait tout aussi conscience du caractère fondamentalement insatisfaisant d’une économie s’appuyant exclusivement sur l’industrie lourde, laquelle était aliénante pour les ouvriers les plus intelligents et impuissante à assurer l’autosuffisance alimentaire du continent. L’idée d’un relatif et partiel retour à la terre se faisait donc jour.

Né en 1885, à Ratisbonne, en Allemagne, Herman Sörgel était un architecte pacifiste qui a vu une solution à ce problème dans l’idée d’un grand projet, d’un projet d’une ampleur et d’une ambition sans précédent dans l’histoire humaine. Sans doute y avait-il dans le crâne de cet Allemand un peu de cette âme faustienne dont parlait Spengler, un soupçon de Prométhée déchaîné prêt à défier les dieux. Son idée ? Clore la Méditerranée par des barrages hydroélectriques, en faire une mer fermée, plus basse qu’aujourd’hui, libérant ainsi de nouvelles terres agricoles et ouvrant la porte d’une unité de l’Europe avec ses colonies du Sud. Après sa rencontre avec Oswald Spengler, en 1923, alors que ce dernier venait de publier l’année précédente la seconde partie de son maître ouvrage, Der Untergang des Abendlandes, Herman Sörgel a eu l’intuition profonde que ce serait « soit le déclin de l’Occident, soit l’Atlantropa comme tournant et nouvel objectif ».

L’Atlantropa, nouveau continent réunissant l’Europe aux immenses espaces vides de l’Afrique, voilà le rêve de Sörgel. Une Europe de Thulée au Cap en quelque sorte. Certainement, un tel projet était de l’ordre du rêve quoique sans doute du rêve réalisable, mais son ampleur témoigne d’une époque où l’humanité se pensait actrice de son destin et non victime de celui de chacun de ses membres pris individuellement. Certes, encore aujourd’hui il existe des mégaprojets, mais rien de comparable à la réalisation physique de l’assèchement de la Méditerranée ni à l’ambition politique de créer une nouvelle entité sur deux continents.

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Le rêve d’une Méditerranée transformée en lac puis en terre arable par l’action commune des peuples occidentaux a été remplacé par le cauchemar de voir son niveau monter (ainsi que celui de toutes les mers et océans) par l’action égoïste de chacun. Peu importe la faisabilité de l’espoir ou l’irréalité de la peur, seul compte qu’il vaut mieux le premier à la seconde, surtout quand l’un témoigne de la plus haute expression de l’âme faustienne de l’Occident alors que l’autre émane de l’irrationalité de l’animal humain pris au piège.

George Sorel disait que l’homme, pour se révolter, avait besoin d’un grand rêve. De même, ce que je veux dire ici en prenant l’exemple d’Herman Sörgel, c’est que pour perdurer, il a besoin de grands projets. Il n’y a pas de marche en arrière possible. Le passé est le passé. L’innocence perdue ne se retrouve pas. Toutes ces évidences doivent nous amener à une seule chose : penser qu’en dehors de la marche de l’Occident vers lui-même sans doute n’y a-t-il point de salut.


Source : Datum.

00:07 Publié dans Utopie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : allemagtne, europe, afrique, eurafrique, méditerranée | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook