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mardi, 05 juillet 2016

Michael Cimino, autre enfant terrible d’Hollywood…

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Michael Cimino, autre enfant terrible d’Hollywood…

L’actualité des morts vaut bien celle des vivants; la preuve par Michael Cimino, qui vient de nous quitter

Journaliste, écrivain
 
Ex: http://www.bvoltaire.fr
 
Décidément, nos discothèques et vidéothèques commencent à ressembler à des champs de fraises pour l’éternité, tel que les Beatles auraient pu le chanter. Nonobstant, l’actualité des morts vaut bien celle des vivants ; la preuve par Michael Cimino, qui vient de nous quitter.

enferY2J0QXL.jpgDe lui, la presse a surtout retenu Voyage au bout de l’enfer, premier film intelligent sur la guerre du Vietnam – soit assez loin des très burlesques Bérets verts, filmé par un John Wayne à grotesque toupet – et réflexion plus qu’intelligente de l’engagement de prolétaires américains issus d’Europe de l’Est, partis, dans la vaste Asie, faire une guerre ne les regardant que de loin.

Ensuite, La Porte du paradis, grand film malade, budgété à 4,5 millions de dollars et dont la facture coûta finalement 45 millions de billets verts, coulant au passage l’United Artists, première compagnie indépendante fondée par des artistes tels que Mary Pickford, Charlie Chaplin, David Griffith et Douglas Fairbanks.

Le premier film oscarisa le défunt ; le second le coula. Une histoire telle qu’on les aime à Hollywood ; à condition qu’il y ait rédemption, sauf que là, rédemption il n’y eut point : après ce somptueux naufrage financier, Michael Cimino ne fut plus, ou presque. Car au même titre que Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, Brian De Palma, George Romero, Michael Cimino persista, envers et contre tout, à perpétuer une certaine tradition de ce cinéma européen, un peu à la base de l’industrie du septième art local, avant que ce dernier n’aille faire ses courses scénaristiques au scénario au Toys “R” Us le plus proche ; soit débauche de sous-héros en slip rose framboise. Ces temps-là ne sont plus.

magnum.jpgMichael Cimino, avant cette consécration précédant de près sa chute, valait évidemment mieux que ça. Avec John Milius, conservateur du genre pithécanthrope et de philosophie païenne, il cosigne le splendide scénario de Magnum Force, deuxième opus de la saga de l’inspecteur Harry, très énervé flic, incarné par Clint Eastwood.

À l’époque, le grand Clint est tenu pour « fasciste » par la critique Pauline Kael, pythie du New Yorker. Et là, Michael Cimino, roué comme pas deux, décrit un inspecteur Harry à la fois de gauche et de droite, présumé facho, mais débordé par flics plus fachos que lui. Peu avant le générique, Clint Eastwood démastique à peu près les trois quarts du casting ; tout en y croyant, tout en n’y croyant pas : grande énigme. Il en va de même avec le premier film réalisé par Michael Cimino, Le Canardeur, avec Clint Eastwood en premier rôle. Simple pochade ? Oui et non. Pas assez hippie alors, trop réac pour les décennies à venir. Un putain de bon film, pourtant.

Son chant du cygne ? Non. Car après le naufrage de La Porte du paradis, avec L’Année du dragon, il jette ses derniers feux. C’est l’histoire d’un flic new-yorkais d’origine polonaise (Mickey Rourke avant qu’il n’ait la tronche d’un mec ayant fait à la fois l’amour avec un bulldozer et un chirurgien esthétique de Miami) qui s’en va lutter contre la mafia asiatique. C’est filmé sans gras ni couenne, avec pour seule bande sonore le bruit du rasoir raclant l’os au travers des chairs avariées. Tout le monde en resta pantois, non sans raison. Autre putain de bon film.

Lors de sa sortie, le bidule fit scandale et ne fit rien pour la rédemption de cet enfant à la fois pourri et vomi par Hollywood : les « faces de citron » – tel qu’on disait dans les Bob Morane de notre enfance – manifestaient devant les salles de cinéma projetant le film en question afin d’en faire interdire la projection. Michael Cimino envoya tout le monde se faire foutre, pour n’ensuite filmer que quelques bandes anecdotiques, dont le pourtant intéressant La Maison des otages. Aujourd’hui, les journalistes ne savent plus trop bien comment lui rendre hommage. On les comprend.

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Yves Bonnefoy ou recommencer une terre

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Yves Bonnefoy ou recommencer une terre

Yves Bonnefoy s'est éteint à Paris le 1er juillet. Poète de grande race, il était né à Tours d'un père ouvrier et d'une mère institutrice et vécut une enfance grisâtre qui ne sera éclairée que par la lumière de l'arrière-pays des Causses du Quercy et du Rouergue où il passait ses vacances d'été chez ses grands-parents maternels. Après des études de mathématiques et de philosophie, il s'oriente vers les lettres et les arts, la poésie bien sûr pour laquelle il a un don évident, mais également les mythes qui l'incitèrent à interroger des peintres tels que Pierro de la Francesca, Goya, Giacometti, de même qu'il traduira des oeuvres européennes comme celles de Shakespeare, Yeats ou Leopardi. Traducteur éminent de Shakespeare, l'une des phrases de celui-ci pourrait être mise en exergue de son oeuvre : Tu as rencontré ce qui meurt, et moi ce qui vient de naître. Longue méditation sur la mort et sur la finalité apparente de tout ce qui vit, l'oeuvre poétique de Bonnefoy n'est ni désespérée, ni pessimiste, comme le sont beaucoup de celles de nos jeunes poètes. Elle est, par ailleurs, l'une des moins narcissique qui soit, car toute entière tournée vers l'objet extérieur. Soucieux des innombrables perturbations que nous traversons, il avait la conviction que les poètes et les artistes ont une approche et une vision plus aiguë des crises civilisationnelles, d'où l'intérêt qu'il manisfestera pour les époques charnières et la crise de conscience vécue au XIXe siècle par un Baudelaire ou un Rimbaud. Par ailleurs, sachant que l'on ne peut discerner l'avenir sans se référer au passé, il sera toujours un témoin vigilant de notre époque agitée et négligente.

ybm_6217_765328.jpgL'horizon intellectuel du poète sera celui d'une recherche incessante. Sa soif de l'éternel, de l'unité perdue, de ce qui peut-être n'existe pas mais qu'on ne renonce jamais à atteindre, constitue son acte d'écrire, celui d'un devenir que le poème met en mouvement. L'oeuvre d'Yves Bonnefoy, qui semble être un des rares poètes à susciter l'unanimité d'estime et d'admiration de ses contemporains, n'appartient à aucune école, à aucune chapelle littéraire. Elle s'approfondit au long d'un parcours d'une rigueur et d'une authenticité qu'il faut souligner. Ses textes - poésie, prose, essai - comportent une suite de moments comparables à des voyages, à des passages, à des traversées, où veillent un désir partagé entre le passé et le puissant attrait de l'avenir, le froid nocturne et la chaleur d'un feu nouveau, la dénonciation du leurre et la visée du but.

Son extrême exigence, quant à l'authenticité du monde second, détermine une série de mises en garde à l'encontre de ce qui pourrait nous en détourner ou en tenir lieu à bon compte. La dimension d'avenir et d'espérance est capitale. Si intense que soit le sentiment d'un monde perdu, Bonnefoy ne laisse pas prévaloir le regard rétrospectif ou la pensée négative. Il appartient à la poésie, selon lui, d'inventer un nouveau rapport au monde. Marquant ses distances vis-à-vis du christianisme, le poète n'en reste pas moins attaché à l'idée d'une transcendance. S'il cherche à ranimer ou re-centrer la parole, à recommencer une terre, à retrouver la présence, ce n'est jamais pour revenir à une ancienne plénitude, mais pour tenter de définir le monde second comme lieu d'une autre totalité, d'une unité différente, de façon à ce que la perte du monde premier puisse être réparée. Confier cette tâche au langage, à la poésie, est pour Bonnefoy poser le principe que le monde second a son fondement dans l'acte de parole, car il est le seul à pouvoir nommer les choses et en appeler à l'être dans la communication vivante avec autrui.

Imagine qu'un soir
La lumière s'attarde sur la terre,
Ouvrant ses mains d'orage et donatrices, dont
La paume est notre lieu et d'angoisse et d'espoir.
Imagine que la lumière soit victime
Pour le salut d'un lieu mortel et sous un dieu
Certes distant et noir. L'après-midi
A été pourpre et d'une trait simple. Imaginer
S'est déchiré dans le miroir, tournant vers nous
Sa face souriante d'argent clair.
Et nous avons vieilli un peu. Et le bonheur
A mûri ses fruits clairs en d'absentes ramures.
Est-ce là un pays plus proche, mon eau pure ?
Ces chemins que tu vas dans d'ingrates paroles
Vont-ils sur une rive à jamais ta demeure
"Au loin" prendre musique, " au soir " se dénouer ?

Rien n'est tenu pour acquis et les leurres - quels qu'ils soient - sont à dissiper. On le voit dans le texte de sa leçon inaugurale au Collège de France en 1981 :

Bien que je place au plus haut cette parole des grands poèmes qui entendent ne fonder sur rien sinon la pureté du désir et la fièvre de l'espérance, je sais que son questionnement n'est fructueux, que son enseignement n'a de sens, que s'ils s'affinent parmi les faits que l'historien a pu reconnaître, et avec des mots où se font entendre, par écho plus ou moins lointain, tout les acquis des sciences humaines (... ) Car on se soucie autant que jamais de littérature dans la nouvelle pensée, puisque c'est dans l'oeuvre de l'écrivain que la vie des mots, contrainte sinon déniée dans la pratique ordinaire, accède, le rêve aidant, à une liberté qui semble marcher à l'avant du monde." 

Ce qui lui donne à espérer dans la poésie, c'est une vie intense qui, par-delà les mots, s'ouvre aux choses, aux êtres, à l'horizon, " en somme - comme il le dit lui-même - toute une terre rendue soudain à sa soif. De cette vocation moderne de la poésie, l'oeuvre de Bonnefoy est sans nul doute la plus engagée, la plus expressive. Avec lui le moi est tenu en éveil par le souci du monde. La nécessité absolue, selon lui, est la présence du monde et la présence au monde, ce monde reconquis sur l'abstraction et dégagé de celui nocturne des rêves, si cher aux surréalistes, un monde qui doit être restauré par le langage. Pour ne point être rejoint par les chimères et le désespoir, ce lieu retrouvé ou instauré comme un nouveau rivage, ce lieu du monde ancré dans sa réalité est à initier par le narratif, c'est ce monde second vers lequel le poète fixe sa quête, loin de toute rêverie régressive et avec l'insistance d'une innocence naturelle. Nul passéisme donc, tant il est vrai que le monde ancien ne peut plus servir de refuge, mais une alliance avec ce lieu où, déjà, se précise une unité différente, se devine une existence nouvelle.

Bonnefoy n'en reste pas moins attaché à une idée de dépassement et, sans céder à l'appel du là-bas et de l'ailleurs, qui sous-tend une désertion de l'ici et, par conséquent, une séparation, une division avec le réel, il privilégie l'humble présence des choses qu'il nous faut accepter et aimer. Ainsi se doit-on d'assumer le hasard et la présence des autres. Pour ce faire, le poète se plaît à user de mots comme maisonpainvinterrepierreorage  ; mots d'une communion simple, symboles d'une existence partagée, dégagée de la trame froide et distancée des concepts. L'incarnation, cet en-dehors du rêve, devient ainsi un bien proche et quotidien.

Aube, pourtant
Où des mondes s'attardent près des cimes.
Ils respirent, pressés l'un contre l'autre,
Ainsi des bêtes silencieuses.
Ils bougent, dans le froid.

Grâce à ces mots journaliers, la dualité de l'homme entre en apaisement : la paix, qui s'établit, laisse subsister l'écart entre les mondes et comme le souligne Jean Starobinski " l'opposition sans laquelle l'unité ne porterait pas sens".Nous sommes avec le poète dans la phosphorescence de ce qui est. C'est là son offrande aurorale aux générations à venir.

(...)

Je célèbre la voix mêlée de couleur grise
Qui hésite au lointain du chant qui s'est perdu
Comme si au-delà de toute forme pure
Tremblât un autre chant et le seul absolu.
 

(...)

Il semble que tu connaisses les deux rives,
L'extrême joie et l'extrême douleur.
Là-bas, parmi ces roseaux gris dans la lumière,
Il semble que tu puises de l'éternel.

Principaux titres de ses ouvrages chez Gallimard :

Du mouvement et de l'immobilité de Douve
Hier régnant désert
Pierre écrite
Dans le leurre du seuil

Saint Hillary and the Religious Left

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Saint Hillary and the Religious Left

This articleoriginally published in the December 1994, is collected in Lew Rockwell’s The Irrepressible Rothbard.

For some time I have been hammering at the theme that the main cultural and political problem of our time is not “secular humanism.” The problem with making secularism the central focus of opposition is that, by itself, secularism would totally lack the fanaticism, the demonic energy, the continuing and permanent drive to take over and remake the culture and the society, that has marked the left for two centuries. Logically, one would expect a secular humanist to be a passive skeptic, ready to adapt to almost any existing state of affairs; David Hume, for example, a philosophic disaster but quietly benign in social and political matters, would seem to be typical. Hardly a political and cultural menace.

No: the hallmark and the fanatical drive of the left for these past centuries has been in devoting tireless energy to bringing about, as rapidly as they can, their own egalitarian, collectivist version of a Kingdom of God on Earth. In short, this truly monstrous movement is what might be called “left-post-millennialist.” It is messianic and post-millennialist because Man, not Christ or Providence, is supposed to bring about the Kingdom of God on Earth (KGE), that is, in the Christian version, that Christ is only supposed to return to earth after Man has established the 1,000-year KGE. It is leftist because in this version, the KGE is egalitarian and collectivist, with private property stamped out, and the world being run by a cadre or vanguard of Saints.

During the 1820s, the Protestant churches in the Northern states of the U.S. were taken over by a wave of post-millennial fanatics determined to impose on local, state, and federal governments, and even throughout the world, their own version of a theocratic statist KGE. A “Yankee” ethnocultural group had originated in New England, and had migrated to settle the northern areas of New York and the Middle-Western states. The Yankees were driven by the fanatical conviction that they themselves could not achieve salvation unless they did their best to maximize everyone else’s: which meant, among other features, to devote their energies to instituting the sinless society of the KGE.

These newly mainstream Yankee Protestant churches were always statist, but the major emphasis in the early decades was the stamping out of “sin,” sin being broadly defined as virtually any form of enjoyment. By the later years of the nineteenth century, however, economic collectivism received increasing attention by these left millennialist Protestants, and strictly theological and Christological concerns gradually faded away, culminating in the explicitly socialistic Social Gospel movement in all the Protestant churches. While every one of the Yankee Protestant denominations was infected and dominated by left millennialism, this heresy prevailed almost totally in the Methodist Church.

SAINT HILLARY

Which brings us to our beloved First Couple. I have already mentioned that Slick Willie, in addressing a black Gospel church in Maryland on behalf of God’s alleged commandment to pass his crime bill, revealingly told the assembled congregation that the goal of his “ministry” is to bring about “the Kingdom of God on earth.” That should have sounded the fire alarm throughout the nation. Unfortunately, to an American public possessing little knowledge of history or theology, Clinton’s remarkable statement went unreported.

hillst771962399_g5mc.jpgBut, as we all know, it is Hillary, not Slick Willie, who is the hard-core ideologue in the White House. Hillary’s theological agenda was perceptively unveiled recently by the knowledgeable, if admiring and liberal, Kenneth L. Woodward, religion editor of Newsweek. (Kenneth L. Woodward, “Soulful Matters,” Newsweek (Oct. 31, 1994) pp. 23–25) In a lengthy exclusive interview with Hillary, Woodward reports that our Lady Macbeth simply considers herself “an old-fashioned Methodist.”

Hillary’s pronouncement is not as absurd as it might first seem. Hillary Rodham was born in northern Illinois Yankee country, in the Chicago suburb of Park Ridge. Her grandparents told stories about their Methodism in early-nineteenth-century England, not many generations removed from the founding of Methodism by John Wesley. Hillary’s family were pious Methodists, and Hillary herself was inducted into the Social Gospel by the Rev. Donald Jones, the then youth minister at her Park Ridge First United Methodist Church. I am sure that we are all gratified to learn how Hillary got her start in the cause of “social reform”; as Woodward fondly puts it, the Rev. Jones “developed his privileged suburban students’ social consciences by taking them to visit migrant workers’ children.”

The most important passage in Woodward’s article is his explanation of the importance of Methodism within the American Protestant spectrum: “More than other Protestants, Methodists are still imbued with the turn-of-the-century social gospel, which holds that Christians have been commissioned to build the Kingdom of God on earth.”

Only a few brush-strokes are needed to complete the picture. The Rev. Jones, a frequent visitor to the White House, but who seems at least to have a sense of humor and perspective that the arrogant and self-righteous Hillary totally lacks, puts it this way: Even today, says Rev. Jones, “when Hillary talks it sounds like it comes out of a Methodist Sunday-school lesson.” And: “Hillary views the world through a Methodist lens. And we Methodists knew what’s good for you.”

Now obviously, and of course, a lot of this is Hillary’s drive to “reinvent” herself, that is, to create a duplicitous false image, to make herself less threatening to the angry American public. And surely the late-nineteenth-century Social Gospelers would be horrified at the current multi-gendered, condomaniacal Clintonian left, to say nothing of the rapid revolving of poor John Wesley in his eighteenth-century English grave. But there is definitely a direct line of descent from the Methodist Social Gospelers of the nineteenth century to St. Hillary and the monstrous Clintonian left. Mix into “old-fashioned Methodism” liberal doses of Marxism, the New Left, the pagan pantheist New Age, and the multicultural and sexual revolutions, stir briskly, and you get the current ruling horror that we all face, and are trying to roll back out of our lives. We face, in short, regardless of what hairdo or persona she affects next week, the evil Witch in the White House.

Ultreïa n°8

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Ultreïa N°8

 

Eté 2016

Sommaire

Phares

Kabîr, maître et poète universaliste

Jean-Claude PERRIER

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Dans les pas des pèlerins de l'absolu

Arnaud Desjardins, le passeur entre deux mondes

Bernard CHEVILLIAT

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Dans les pas des pèlerins de l'absolu

Hauteville, un lieu pour croître

Christophe BOISVIEUX

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L'esprit des lieux

Fès, ville de l'esprit

Brice GRUET

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L'esprit des lieux

Souvenirs de Fès capitale spirituelle du Maroc
A la mémoire de Titus Burckhardt.

Roland et Sabrina MICHAUD

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A la croisée des chemins

Rencontre avec Sylvie Germain
" Notre besoin de sens n'a ni fin ni mesure, c'est le plus lancinant et inassouvissable des besoins."

Sylvie GERMAIN

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Nœuds et Labyrinthes - Dossier

Le CHAMANISME,
une NOUVELLE MÉDECINE de L' ÂME ?

Florence QUENTIN, Patrick CICOGNANI, David DUPUIS, Laetitia MERLI, Anne PASTOR, Audrey MOUGE, Corine SOMBRUN

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Nobles voyageurs - PORTFOLIO

Les Himalayas de Matthieu Ricard

Matthieu RICARD

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Figures libres

Charles de Foucauld ou le grand retournement

Christiane RANCÉ

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Les Cahiers Métaphysiques

Cahiers métaphysiques n°8

Muriel CHEMOUNY, Dr Jean-Marc KESPI

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Oasis

Francis Hallé pour l'amour des arbres

Claude ALBANESE

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Aux quatre angles du monde

La cité interdite sous le signe du yin-yang

Cyrille J.-D. JAVARY

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Rythmes & Sons

Les derviches tourneurs, une mystique de la danse

Père Alberto Fabio AMBROSIO

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Bivouac

La grande vision de Black Elk
Récit graphique - Episode 1/2

Jean-Marie MICHAUD

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Billet vagabond

Multiples sont les chemins des hommes ...

Jacqueline KELEN

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Édito par Florence QUENTIN

« De tous ses yeux la créature
voit l’Ouvert. Seuls nos yeux
sont comme retournés et posés autour d’elle
tels des pièges pour encercler sa libre issue.
Ce qui est au-dehors nous ne le connaissons
que par les yeux de l’animal. Car dès l’enfance
on nous retourne et nous contraint à voir l’envers,
les apparences, non l’ouvert…
Mais nous autres, jamais nous n’avons un seul jour
le pur espace devant nous, où les fleurs s’ouvrent
à l’infini. Toujours le monde, jamais le
Nulle part sans le Non, la pureté
insurveillée que l’on respire,
que l’on sait infinie et jamais ne désire.”
Rainer Maria Rilke, Élégies de Duino

Voir l’Ouvert. Respirer la pureté insurveillée et infinie. Rejoindre le Nulle part sans le Non. L’oeuvre de Rilke, poète orphique, est parcourue de ces fulgurances chamaniques qui l’inscrivent dans la lignée immémoriale des intermédiaires entre deux mondes, des Maîtres du désordre qui conversent avec les Esprits et guérissent les âmes. Depuis l’aube de l’humanité, couvrant de leurs manteaux célestes et chtoniens les Cinq Continents, les chamans se sont mis au service de la communauté pour maintenir le lien qui unit le clan à l’univers. Notre monde éreinté par l’inconséquence des hommes redécouvre ces traditions qui revivifient la terre, réensemencent les consciences et nous alertent sur l’imminence d’une catastrophe écologique et sociale, comme le montre notre dossier qui voit peut-être dans le retour du chamanisme une “nouvelle médecine de l’âme”.

Passée au crible d’anthropologues, cette expérience constitutive de la condition humaine est éclairée par les témoignages de voyageuses occidentales qui l’ont vécue au sein de traditions éloignées les unes des autres, mais qui se rejoignent sur le fond. La Grande Vision du Sioux Black Elk, notre nouveau récit graphique, sert une même idée d’inspiration céleste.

Le rituel de l’extase se retrouve dans la danse des derviches, à la fois tension vers l’Absolu et retour à l’Origine. Une quête qui irrigue aussi la vie d’Arnaud Desjardins, passeur inlassable, tout autant que celle de Kabîr, hindou shivaïste qui oeuvra pour une fraternité aux pieds d’un même Dieu, ou encore celle de Charles de Foucauld, qui témoigna “d’une âme poreuse à Dieu” ( C. Rancé ). Dieu-Rien. Dieu-Aucun qui stupéfie l’homme en “lui dévoilant l’éclat éblouissant de son vide, le silence vibrant de son appel, la pure nudité de sa richesse”, comme l’envisage quant à elle l’écrivain Sylvie Germain dans l’entretien qu’elle nous a accordé.

De part en part, ce Souffle parcourt Fès, dont Titus Burckhardt – à qui Roland Michaud rend ici hommage – disait qu’elle était construite “pour le bonheur des hommes, pour répondre à leurs besoins fondamentaux, physiques, sentimentaux et spirituels”.

L’aspiration au pinacle ne se fait jamais aussi pressante que dans l’Himalaya, où Matthieu Ricard nous entraîne à sa suite avec des images saisissantes qui parlent autant de monastères au bord du vide ou de ferveur populaire que de sa propre intériorité.
Et Rilke, en écho : “Nous devons accepter notre existence aussi loin qu’elle puisse aller; tout, même l’inouï doit y être possible. C’est là au fond le seul courage que l’on exige de nous : être assez courageux pour accueillir ce qui peut venir à notre rencontre de plus étrange, de plus extravagant, de plus inexplicable.” (Lettres à un jeune poète)

Au fil de ce numéro retrouvez nos dix chroniques :

Mosaïque du Ciel par Olivier GERMAIN-THOMAS –  Le pin et l’icône

Méditer en chemin par Fabrice MIDAL – La méditation et l’éthique

Le fil de l’émerveillement par Bertrand VERGELY – Un toast pour la bonne humeur

Ubiquité de la prière par Christiane RANCÉ – A l’écoute d’Eloa 

L’instant soufi par Éric GEOFFROY –  Conscience, quand tu nous tiens ! 

Il n’y a qu’une seule religion par Patrick LAUDE – Dieu de l’exclusion, Dieu de l’inclusion

La couronne du ciel par Frank LALOU – Mazel Tov ! 

Le buffle et la tortue par Cyrille J.D.JAVARY – « Entretiens » avec un ami chinois

Mais aussi  Signe & Traces, Rites & Repères

Symbolique universelle d’un signe, d’une gestuelle, d’un rite ou d’un mythe… 4 pages illustrées par Stéphanie LEDOUX.

Les Vivants et les Dieux : Relire Plotin

Les Vivants et les Dieux :

Relire Plotin avec Luc Brisson & Jean-François Pradeau

Depuis quelques années, entouré d’une équipe de spécialistes, Luc Brisson dirige en édition de poche une retraduction systématique et raisonnée de l’ensemble de l’œuvre de Plotin.Or, la pensée de Plotin est réputée pour son extrême subtilité et pour la façon dont il a su reprendre en les dialectisant les thèmes majeurs de la philosophie de Platon, d’Aristote et du stoïcisme. Créateur de ce fait d’un système parfaitement original qui allie la plus grande rigueur rationnelle à l’expérience extatique, Plotin a évidemment besoin d’être largement « débroussaillé » avant que l’on n’aille à sa rencontre.

Invité(s) : Luc Brisson.  directeur de recherche en philosophie au CNRS - Jean-François Pradeau.  maître de conférences à l’université de Paris-X Nanterre

lundi, 04 juillet 2016

4 juillet 2003 - Armin Mohler nous quittait !

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4 juillet 2003 - Armin Mohler nous quittait !

Poète de la présence, Yves Bonnefoy n’est plus

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Poète de la présence, Yves Bonnefoy n’est plus

Il était, depuis plus de soixante ans, l’une des voix les plus reconnaissables et les plus profondes de la poésie française: Yves Bonnefoy vient de s’éteindre à 93 ans. Il laisse une œuvre d’une ampleur considérable: plus de dix recueils de poèmes, de vingt recueils d’essais, des «récits en rêve», des livres d’histoire de l’art, des traductions de Pétrarque, de Shakespeare (une douzaine de pièces dont les plus grandes), de Donne, de Keats, de Leopardi, de Yeats, en un mot toute l’étendue du champ littéraire.

Parole vive

Et pourtant, pour ceux qui ont eu le privilège de compter parmi ses proches, c’est beaucoup moins l’aspect monumental de son entreprise poétique qui frappait d’emblée que sa présence souriante et l’amitié qu’il savait vous porter. Son charisme, si sensible aussi dans sa prose, procédait d’une attention bienveillante à l’individualité de chacun: il avait ce don de prendre autrui pour ce qu’il est et de ne rien lui demander d’autre que d’être fidèle à soi-même, ce qu’il s’efforça, sa vie durant, d’être lui aussi. Sa parole vive était un constant effort pour venir au-devant de la vôtre et d’adhérer autant qu’il le pouvait à ce qu’on lui proposait, quitte, quand il le fallait, à expliquer avec cordialité son désaccord.

La conversation passait ainsi sans transition des grandes œuvres poétiques ou artistiques, qui étaient toujours à l’horizon de son esprit, aux mille détails dont est faite la vie quotidienne, aux préoccupations les plus simples et par là les plus profondes: les enfants, la forme ou le goût du pain, la situation professionnelle, la couleur du ciel à la fin du jour, le choix d’un mot ou d’un autre. Et on repartait toujours enrichi par un échange auquel il s’était offert tout entier.

Changer la vie

YB-vieE38YDWZL._AC_UL320_SR194,320_.jpgNé à Tours le 24 juin 1923, grandi dans cette ville, puis arrivé à Paris, fin 1943, pour compléter une licence de mathématiques, il gravita tout d’abord dans l’orbite du surréalisme dont l’utopie lui parut tout d’abord confirmer son désir de trouver les «secrets pour changer la vie», mais il s’en sépara assez vite, faute d’en partager la mystique. 

Son premier recueil, Du mouvement et de l’immobilité de Douve, paru en 1953, fit entendre d’emblée la singularité de sa voix:

«Je te voyais courir sur des terrasses / Je te voyais lutter contre le vent /Le froid saignait sur tes lèvres / Et je t’ai vue te rompre et jouir d’être morte ô plus belle / Que la foudre quand elle tache les vitres blanches de ton sang»

Cette gravité voluptueuse et même extatique, à l’arrière-plan de laquelle on peut deviner l’exemple d’un Pierre Jean Jouve sinon d’un Georges Bataille, s’alliait aussi, parfois, à une allure beaucoup plus sacrificielle, voire christique:

«La lumière profonde a besoin pour paraître / D’une terre rouée et craquante de nuit / C’est d’un bois ténébreux que la flamme s’exalte / Il faut à la parole même une matière / Un inerte rivage au-delà de tout chant / Il te faudra franchir la mort pour que tu vives / La plus pure présence est un sang répandu»

Le recueil suivant, Hier régnant désert, allait, lui, revêtir une allure plus intériorisée:

«Il y a sans doute toujours au bout d’une longue rue / Où je marchais enfant une mare d’huile / Un rectangle de lourde mort sous le ciel noir. Depuis la poésie / A séparé ses eaux des autres eaux / Nulle beauté nulle couleur ne la retiennent / Elle s’angoisse pour du fer et de la nuit / Elle nourrit / Un long chagrin de rive morte, un pont de fer / Jeté vers l’autre rive encore plus nocturne / Est sa seule mémoire et son seul vrai amour»

La mélancolie de tels vers céderait toutefois par la suite au bonheur de la rencontre amoureuse, célébrée par exemple dans «Le Myrte» de Pierre écrite:

«Parfois je te disais de myrte et nous brûlions / L’arbre de tous tes gestes tout un jour / C’étaient de grands feux brefs de lumière vestale / Ainsi je t’inventais parmi tes cheveux clairs»

Puis, de façon plus jubilatoire encore, dans le grand chant du recueil qui marque peut-être le sommet de sa trajectoire poétique, Dans le leurre du seuil, paru en 1975:

«Je crie, Regarde / L’amandier / Se couvre brusquement de milliers de fleurs / Ici / Le noueux, l’à jamais terrestre, le déchiré / Entre au port. Moi la nuit / Je consens. Moi l’amandier / J’entre paré dans la chambre nuptiale»

Jamais l’assentiment au réel ne se traduira d’une manière aussi éclatante que dans ce long poème qui culmine dans une sorte de credo adressé moins à un Dieu quelconque qu’à la saveur bienfaisante du monde dont le langage poétique se fait glorification:

«Oui, par les ronces / Des cimes dans les pierres / Par cet arbre, debout / Contre le ciel / Par les flammes, partout / Et les voix, chaque soir /Du mariage du ciel et de la terre»

Récits en rêve

Ce milieu des années 1970 ne marque pas seulement un aboutissement, il est aussi un pivot. Avec la naissance de sa fille, le regard de Bonnefoy commence à se porter vers ce que Baudelaire nommait «les années profondes» et cette orientation rétrospective va aussi de pair avec une affection renouvelée pour le poème en prose ou ce qu’il nommera les «récits en rêve», comprenons de courts récits dans lesquels leur auteur tente de lâcher la bride aux modalités traditionnelles de la narration si bien que le lecteur ne sait souvent pas s’il s’agit d’un souvenir, d’une vision ou d’un rêve auquel il serait convié à participer.

Ces récits, qui à leur façon attestent le sens que le surréalisme put avoir sur Bonnefoy, constituent un aspect à mon sens capital de son apport à la modernité littéraire et je ne serais pas étonné qu’ils deviennent avec le temps son héritage le plus durable.

Un poète au Collège

En 1981, Bonnefoy est nommé au Collège de France à la chaire d’Études comparées de la fonction poétique. C’est la première fois, depuis Valéry, qu’un poète accède à cette fonction qu’il exercera durant douze ans, et il ne fait pas de doute qu’en plus de lui assurer un rayonnement intellectuel élargi, ce poste n’ait aussi contribué à alimenter la très importante part d’essais critiques qui accompagne son œuvre plus précisément poétique: l’impressionnante production de volumes rassemblant ceux-ci en témoigne.

Avec une constance remarquable – si remarquable qu’on est parfois tenté de penser qu’elle est devenue presque un système en elle-même –, l’auteur y reprend sa lutte ancienne contre ce qu’il dénonce comme l’empire toujours menaçant du «concept» – comprenons de la pensée abstraite et analytique – au profit d’une poétique de la «présence», du réel ressaisi dans son unité, qui serait, elle, l’apanage de la poésie.

A n’en pas douter, la voix de Bonnefoy était devenue depuis longtemps la voix principale de la poésie française. L’abondance de sa production, la diversité de ses formes, la profondeur avec laquelle il abordait ses sujets, tout cela lui donnait une autorité dont personne ne pouvait contester l’apanage. Pour ses amis, toutefois, c’est, autant que cette autorité, la présence souriante, enjouée, pleine d’humour de cet homme à la mèche rebelle, au beau visage et au regard si vif qui restera dans le souvenir.

Chacun de nous avait mille raisons personnelles de l’aimer. Chacun de nous a perdu un interlocuteur essentiel.

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Mort d’Yves Bonnefoy, poète de la présence

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Mort d’Yves Bonnefoy, poète de la présence

Par Cédric Enjalbert

Ex: http://www.philomag.com

Le poète, critique d’art et traducteur Yves Bonnefoy est mort ce vendredi 1er juillet 2016 à l’âge de 93 ans. Hanté par les interrogations métaphysiques, il a cherché à élucider notre rapport au monde par les moyens de l’art.

À distance respectable des concepts, qu’il soupçonnait d’écraser l’expérience, Yves Bonnefoy n’a cessé de chercher à constituer une « poétique de la présence », s’approchant au plus près de ce que Rimbaud nomme, dans Une saison en enfer, la « réalité rugueuse ». L’âpreté de la réalité l’a rattrapé : le poète longtemps pressenti pour le prix Nobel de littérature est mort ce vendredi 1er juillet à l’âge de 93 ans.

Plotin, Baudelaire et Kierkegaard

Né à Tours en 1923, d’un père ouvrier et d’une mère institutrice, il doit sa rencontre avc la littérature à son professeur de philosophie au lycée, qui lui met entre les mains la Petite Anthologie du surréalisme de Georges Hugnet. Il s’engage vers les mathématiques, mais conserve ce goût intact pour la poésie et la philosophie, qu’il étudie finalement à l’université auprès de Gaston Bachelard, Jean Hyppolite et Jean Wahl. Il entame auprès de ce dernier un mémoire sur Baudelaire et Kierkegaard, tandis qu’il lit Bataille et Plotin

YB-70466559.jpgIl fraye alors avec les surréalistes. À 23 ans, son premier poème « Le Cœur-espace » paraît dans la revue La Révolution la nuit. Suivent, alors même qu’il prend de la distance avec André Breton et ses comparses, ses premiers recueils dont Anti-Platon en 1947, réunissant ses premiers poèmes ont paru dans des revues confidentielles, où il affime sa défiance envers l’idéalisme, et Du mouvement et de l’immobilité de Douve en 1953, très vite remarqué par Maurice Nadeau, créateur de La Quinzaine littéraire. Il fond déjà dans son creuset poétique, suivant l’intuition de Rimbaud qu’il admire, un « matérialisme spontané» et « un souci inné de la transcendance ». Sa conception de l’écriture s’affirme.

Entré au Centre national de la recherche scientifique en 1954, Yves Bonnefoy y poursuit une réflexion sur l’histoire des formes artistiques. S’intéressant de près à Piero Della Francesca, il trouve dans la peinture de la Renaissance un écho à ses préoccupation liant l’histoire, la création et la finitude humaine. Dans une introduction à Tout l’œuvre peint de Mantegna (Flammarion, 1978), le critique d’art écrira ainsi : « S’il faut encore parler d’une attention au fait historique, Mantegna ne le cherche plus dans ses grands moments, ne lui demande plus la pureté de tracé qu’assure après coup le temps, on le voit s’attacher plutôt à sa relation à des êtres qui sont chacun plus complexes que l’historien ne pourra le dire, et à des préoccupations aussi, des désirs, des intérêts, certains élevés, que le récit du passé ignore. […] De l’engagement total de notre énergie dans l’histoire, qu’il a rêvé, il perçoit cette fois au moins, le caractère utopique. »

À son œuvre de poète et à ses réflexions critiques, Yves Bonnefoy ajoute rapidement une activité de traducteur. Il traduit dès 1960  Jules César, de Shakespeare, joué à l’Odéon, dans mise en scène de Jean-Louis Barrault et des décors de Balthus. Il continuera à traduire une quinzaine de pièces de Shakespeare, mais aussi William Butler Yeats, John Keats, Pétrarque et Leopardi…

La poésie en son être propre

Fondateur en 1966 de la revue de poésie et d'art L'Éphémère, publiée par les éditions de la Fondation Maeght, avec André du Bouchet, Louis-René des Forêts, Gaëtan Picon, il est rejoint ensuite par Michel Leiris et Paul Celan. Le suicide de ce dernier en 1970, le bouleverse et lui inspire Ce qui alarma Paul Celan (Galilée, 2008), un court essai à portée métaphysique dans lequel il entend élucider les raisons de cette « irréductible affliction ». Il en conclut que « la poésie ainsi reconnue et vécue au plus ordinaire des jours, c’est ce qui, au terme d’années de dissociation de soi sous le poids des événements, lui permettait d’accomplir la synthèse de tout son être ».

Alors que la publication de L’Éphémère cesse, Yves Bonnefoy s’attèle à l’écriture d’un récit autobiographique intitulé L’Arrière-pays, qui paraît en 1972. Il y témoigne de cette tentation de l’ailleurs suscité par la fréquentation de la peinture, sans cesse ramené à la conscience de sa finitude. Enseignant au Collège de France de 1981 à 1993, étudie la fonction de la poésie et son rapport aux autres arts. Il entretient ce dialogue fécond ente la poésie et la peinture en publiant régulièrement des essais avec des artistes, notamment Pierre Alechinsky, Antoni Tàpies, ou Zao Wou-Ki.

La question du rapport à la finitude et à la transcendance, encapsulé dans sa « poétique de la présence », traverse l’intégralité de son œuvre de poète et de critique d’art qu’il se penche sur les peintures murales de la France Gothique, sur l’art baroque, sur Goya, sur Giacometti, sur Rimbaud ou Baudelaire. Chez lui se cristallise « la banalisation de l’incroyance et l’effet que celle-ci a eu sur le travail des poètes », l’impossible abandon de toute forme de transcendance et une forte inclination matérialiste : « Ce n’est que quand le religieux chancela qu’il devint possible de discerner le poétique en sa différence, la poésie en son être propre. Le génie de Baudelaire aura été d’avoir eu, le premier, cette intuition du plein de la poésie mais aussi d’avoir su en explorer le possible. » écrit-il. Cherchant après lui, dans les mots de la vie quotidienne le chemin d’un ailleurs, Yves Bonnefoy a fait de cette « épiphanie de l’indicible » sa vocation de poète et le cœur de son œuvre. 

“Why the New Europe is a chance for our continent and the Middle East”

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“Why the New Europe is a chance for our continent and the Middle East”

Manuel Ochsenreiter

Ex: http://germancenter.net

The director of the German Center for Eurasian Studies, Manuel Ochsenreiter, published an opinion piece about the Eurosceptic movements and their geopolitics in the Lebanese “Al Akhbar” newspaper.

English translation:

The day of the Brexit referendum is a historical day for Europe – and not just for Europe. It is the day of the end of the myth of the invulnerability of Brussel´s super state which is called “European Union”. This so-called “union” which was growing within the last decades and was swallowing one European state after the other received its first heavy punch from the people. The growing process is over. Now the union will shrink. Eurosceptics in Netherlands and Denmark announced already that they will push for an EU-referendum as well. The Brexit day might be considered as the “beginning of the end of the EU” in future history books.

But there are still myths out there. Countless so-called “political analysts” are busy with coffee cup reading style “analysis”. Most of these interpretations are horribly wrong or biased.

One of the main narratives is that the Brexit camp and the whole Eurosceptic community is driven by xenophobia, Islamophobia and hatred towards everyone non-European. This narrative blames the Eurosceptic movements to be fascist and extremist.

This narrative serves the EU elites. And it is spread by Brussels and its servants through whole Europe and unfortunately copy-pasted by many non-European media outlets – even in the Middle East.

This narrative is wrong. The anti-EU-camp consists of European patriots, conservatives, even liberals and socialists. And yes, the anti-EU camp includes as well an extremist lunatic fringe – as any other political camp does.

The main forces of the anti-EU camp are far away from lunatic extremism and xenophobia. They accept immigration, but they refuse uncontrolled mass migration. The “Islamophobia” is caused exactly by those extremists who are showing their horrible brutal performance in these days in the Middle East. Frankly speaking, a serious talk between a Middle East resistance supporter and an intelligent Eurosceptic wouldn´t end in a conflict for sure.

The narrative of the “wild, ugly and fascist” Eurosceptic movements makes people believe that Brussel´s state is automatically the better choice. The EU might be full of mistakes, but still better than the “dangerous radicals” such as Marine Le Pen, Nigel Farage, Frauke Petry or Heinz Christian Strache.

Forces pushing for this narrative forget completely that the Eurosceptic camp didn´t send until today one single gun and one single Euro to the extremists fighting in Syria against the Syrian army and killing civilians. The Eurosceptic camp didn´t send until today one single nuclear submarine to the Israeli army. The Eurosceptic camp is not responsible for the sanction politics against Syria. The Eurosceptic camp is not in support of Saudi-Arabia. The Eurosceptic camp didn´t bombard Libya. The EU elites and their servants in the EU states are responsible for all the mentioned examples.

In other words: for countries such as Syria the EU is already one of the most dangerous enemies. Merkel, Hollande, Cameron are the politicians who are in support of violence and terrorism. But especially since the migration crisis German chancellor Angela Merkel is portrayed as the new “Mother Theresa” of Europe – also in Middle Eastern media.

On the other hand German Eurosceptic politicians such as MEP Marcus Pretzell (AfD party) demand the immediate lifting of the Syrian sanctions and any stop of support of terrorism in Syria. But he demands as well the protection of the European borders which is why he is demonized as a cold hearted devil by European mainstream media and some Middle Eastern news outlets.

The Eurosceptic camp is colorful and a pool of many different, sometimes even contrasting opinions. But in some important points the Eurosceptics show unity: Europe should be a continent which doesn´t support terrorists, Europe should be a continent which handles the migration crisis not just by building walls and fences, but by ending the meddling in other countries and causing those migration waves, Europe should stop with its sanctions politics towards other countries. Most of Eurosceptic movements even criticize NATO politics and want to leave the Western military alliance. All these opinions contradict the recent EU politics.
The Eurosceptic movements know that the EU is an entity which can´t be “just reformed a bit”. The EU is anti-European. It made our continent a US-American proxy, a political and ideological occupied entity. None of the groups and parties of the pro-EU lobby are willing to change that. They feel comfortable as Washington´s tail.

For the Middle East that means you can talk, negotiate and even cuddle with the EU elites. But they will always show their supremacist attitude towards you by supporting your worst enemies such as Wahabi and Salafi groups.

The “New Europe”, the Europe after the EU, might become the “real Europe”, the “European Europe” which replaces the “American Europe”. The representatives of this new Europe, today´s Eurosceptics, might be demonized in Western and parts of the Middle Eastern mainstream media. They might seem sometimes loud or flamboyant. They might not share the innocent but deeply dishonest “humanitarian smile” of Angela Merkel. But they will not destroy other nations.

Manuel Ochsenreiter
Director of the German Center for Eurasian Studies

Le test PISA devient un dangereux instrument de promotion de l’illettrisme et de propagande mondialiste

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Le test PISA devient un dangereux instrument de promotion de l’illettrisme et de propagande mondialiste

Stevan Miljevic
Enseignant
Ex: http://www.lesobservateurs.ch
 

J’ai toujours apprécié le test PISA. L’idée de comparer les différents systèmes scolaires m’a toujours semblé un excellent moyen de se situer et de se remettre en question. Certes, il n’est pas parfait, les enseignements qui sont les siens sont somme toute restreints en comparaison de ceux des mega-analyses sérieuses existantes dans le monde éducatif (mais qu’on ne prend malheureusement pas en compte…) mais, dans l’ensemble, l’outil est intéressant. Ou plutôt devrai-je dire était, tant l’imparfait d’un passé définitivement révolu semble se profiler au regard des dernières orientations prises par le test éducatif de l’OCDE.

En 2012 déjà, outre les traditionnels tests portant sur les maths, la langue maternelle et les sciences, PISA commençait à fournir des impulsions farfelues avec un nouveau module portant sur la résolution de problèmes. Pour bien comprendre ce que les grands pontes de l’OCDE entendent par résolution de problème, voici un exemple de question qu’on trouvait alors :

Il s’agissait donc pour l’élève de tâtonner jusqu’à trouver un trajet de 15 minutes. Toute connaissance a complètement disparu de la chose (sauf évidemment la lecture de l’énoncé). Même les plus élémentaires calculs étaient évacués puisque le programme se chargeait d’additionner les durées des différents tronçons. Autant dire qu’une telle question n’analyse en fait que la capacité qu’a un élève à tâtonner et éventuellement à persévérer un peu devant l’échec. Si on peut estimer que l’école peut, accessoirement, se livrer occasionnellement à ce genre de performances, il ne faudrait pas oublier que son rôle est totalement à l’opposé : elle transmet des connaissances, ce qui est justement la meilleure manière de résoudre des problèmes sans avoir à recourir au tâtonnement et donc au hasard.

En poussant un peu la réflexion, il faut bien admettre que l’apprentissage de la résolution de problème par des heuristiques hasardeuses est le propre des sauvages, des personnes vivant à l’état de nature hors civilisation. Et encore est-ce là tout relatif, puisque toutes les sociétés, même les plus primitives essaient d’organiser un minimum de transmission des savoirs…Ce que Schleicher et consort estiment donc comme important est…la capacité que peut avoir un illettré à se mouvoir dans un environnement technologique ! Autant dire l’inverse de tout ce que le progrès peut apporter !

Mais ce n’est pas tout. Encouragé par ce ballon d’essai, l’aréopage OCDE a franchi un pas supplémentaire puisque le PISA 2015 fut l’occasion de tester la collaboration entre élèves pour résoudre des problèmes ! Il ne leur suffit donc plus de tester le vide, il faut le faire en collaboration avec d’autres ! Et de mettre sur pied des situations en ligne bidon simulant l’interaction avec d’autres élèves par le biais d’un tchat à choix multiples. Penser à la nécessité de former un élève à communiquer via la technologie à l’ère de whatsapp et des réseaux sociaux, il fallait le faire ! De plus, à voir les propositions possibles, je pense honnêtement que si j’avais été élève j’aurai cliqué à quelques reprises sur des réponses farfelues rien que pour le plaisir ! Voici quelques étapes d'une situation problème à résoudre collectivement pour vous faire une idée.

1

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4

Les grands penseurs de l’OCDE ne semblent pas être au fait que la résolution de problème par le biais d’heuristiques hasardeuses comme la collaboration sont des éléments que l’évolution humaine semble avoir préprogrammés en nous. Ce qui a pour conséquence que ce sont des objectifs que nous atteignons extrêmement rapidement et sans faire de grands efforts. Autant dire des éléments dont on peut laisser l'apprentissage à la vie de tous les jours. L’école devrait plutôt avoir pour ambition d’atteindre le lointain, le difficile, ce que la vie ne nous apprendra pas d'elle-même.

Le big boss du PISA justifie ces choix par la nécessité au 21ème siècle de travailler de nouvelles compétences, de cesser de transmettre des connaissances. Pour lui, l’école doit dorénavant « donner une boussole à chacun, pour le rendre capable de construire son propre savoir, apte à distinguer le vrai du faux quand il navigue sur Google » démontrant par là une totale incompétence en matière de fonctionnement du cerveau. En effet, pour pouvoir raisonner ou distinguer ce qui est vrai du faux, il est impératif d’avoir des connaissances. On ne raisonne pas à partir de rien.

Mais la cerise sur le gâteau réside vraisemblablement dans le mépris de la démocratie qu’exprime le grand patron du PISA. Lorsqu’on est démocrate et à la tête d’un institut de recherche international sur l’éducation, on s’abstient de politiser son discours. Surtout ce qui touche aux contenus éducatifs. L’école n’est pas là pour former des militants, mais pour donner des éléments permettant à tout un chacun de se faire son opinion de la manière la plus neutre possible. Or, ça, Schleicher et consort semblent s'en moquer comme de leur dernière chaussette puisqu’ils préconisent d’une part de former les gens à « accepter de perdre leur boulot » en leur donnant « confiance en leur capacité d’en trouver un ou d’en créer un autre », ce qui fait, vous l’imaginez bien, le grand bonheur de tous ceux qui se battent pour la protection des travailleurs. D’autre part, ils annoncent la couleur pour le PISA 2018 qui testera… suspense, roulements de tambour… le niveau d’«acceptation entre les peuples, les cultures » autrement dit la dose de cosmopolitisme ingurgitée par les élèves. Je vois d’ici se réjouir les islamo-sceptiques ou simplement ceux qui pensent que l’assimilation est une meilleure option que le multiculturalisme.

En bref, ce qui était à la base une bonne idée est en train de dégénérer en un fatras d’inepties pédagogiquement et idéologiquement orientées. En conséquence, il ne me reste qu’à demander à monsieur Schleicher de montrer l’exemple en acceptant de céder son travail à une autre personne plus compétente et démocrate avec toute la confiance en sa propre capacité à en retrouver un qu’il souhaite que notre jeunesse développe…

Stevan Miljevic, le 1er juillet 2016 pour les Observateurs.ch et contrereforme.wordpress.com

00:05 Publié dans Ecole/Education | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : école, enseignement, éducation, tests pisa, pisa, ocde | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Ce qu'on doit au grec et au latin

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Ce qu'on doit au grec et au latin

Ex: http://www.marianne.net
 
Face au déclin des cadres idéologiques modernes, il est utile et urgent de lire ou de relire Tacite, Plutarque ou Cicéron. Car l'humanisme antique et ses classiques indémodables ne sont pas que l'archéologie de la pensée, ils continuent de nous donner les clés pour comprendre nos problèmes existentiels et nos crises contemporaines.

« La Grèce et Rome sont la mémoire commune de nos cultures contemporaines, mémoire qui dépasse les frontières, transcende les langues, les religions et les nationalités, mais mémoire aujourd'hui menacée par la violence intégriste comme par l'utilitarisme libéral », expliquaient la philosophe Barbara Cassin et la philologue Florence Dupont dans une pétition « pour une refondation de l'enseignement des humanités » destinée à défendre les langues antiques face à la réforme du collège proposée par Najat Vallaud-Belkacem. « Si je lis la littérature grecque ou latine, c'est parce que Homère et Horace, Lucrèce et Aristote, Sénèque et Marc Aurèle me donnent des clés pour comprendre ma vie d'aujourd'hui », renchérit le critique William Marx dans une tribune intitulée « Le grec et le latin pour préserver l'esprit du 11 janvier ». De manière inattendue et intempestive, l'antiquité gréco-latine et son héritage reviennent hanter nos débats contemporains les plus brûlants. Sur le terrain des idées, les éditeurs n'hésitent pas à rééditer des textes rares et anciens pour les faire résonner avec nos problématiques : pour parler de nos relations avec Angela Merkel, pourquoi ne pas recourir à la Germanie de Tacite (De situ ac populis Germaniae, 98 après Jésus-Christ) puisque «[vis-à-vis de l'Allemagne] la leçon de Tacite reste d'actualité», comme le justifie la quatrième de couverture ? Pour s'opposer au fanatisme, la collection «Mille et Une Nuits» propose ainsi, pour moins de 3 €, un court traité de Plutarque tout aussi ravageur que ceux de Voltaire : De la superstition.

Face au libéralisme ploutocratique, autant revenir aux origines étymologiques du mot, en lisant l'une des deux éditions de la comédie d'Aristophane Ploutos disponibles à petit prix (celle de Fayard étant très directement sous-titrée : Dieu du fric). Les futurs candidats aux primaires pourront même s'appuyer sur les conseils de Cicéron à son frère pour être élu consul - opportunément réédités sous le titre de Petit manuel de campagne électorale... Face au déclin ou à la suspicion que connaissent nos cadres idéologiques modernes, force est de constater notre besoin de retourner à l'humanisme antique et à ses classiques indémodables : Quid novi sub sole ?

daphnisXTLY1qcj84mo1_1280.jpgDe fabuleux détours

Mémoire vivante de mythes et de fictions, les romans de l'univers gréco-latin méritent d'être écoutés, sans s'arrêter à un corpus prétendument scolaire. Aussi admirables que soient ces œuvres, qui mériteraient qu'on puisse retourner vers elles d'un œil neuf, ce serait se tromper que de limiter la littérature antique aux épopées d'Homère et de Virgile, à la tragédie grecque ou aux mythologies d'Hésiode. Loin d'offrir un intérêt simplement archéologique, les romans antiques (noirs, d'aventures, historiques ou de mœurs, pour employer des catégories modernes) offrent ainsi une invitation à de fabuleux détours, en possédant la vertu d'instiller du très nouveau au cœur du supposé connu, dans une forme d'exotisme intérieur à notre culture. Certes, au sens strict, le roman, qui est un terme construit au Moyen Age, n'existait pas dans l'Antiquité - pas plus que la lecture privée et à voix basse moderne : seuls quelques récits grecs de l'époque hellénistique (Daphnis et Chloé, de Longus ; Leucippé et Clitophon, d'Achille Tatius ; les Ethiopiques, d'Héliodore ; le Roman de Chairéas et de Callirhoé, de Chariton) et quelques textes latins (le Satiricon, de Pétrone, les Métamorphoses, d'Apulée) peuvent être appelés rétrospectivement romans - mais quels romans ! Contrairement à Zola qui réduisait tous les romans antiques à « la même histoire banale et invraisemblable », le lecteur moderne, peut-être moins obsédé par le réalisme du récit et la rationalité de l'intrigue, y trouvera des récits à suspense formidablement divertissants : par exemple ce texte aujourd'hui parfaitement oublié, le Roman de Chairéas et de Callirhoé, qui accumule les voyages en mer, les revers du destin, les histoires d'enlèvements, de reconnaissance, de fausses morts, en un véritable cliffhanger à faire pâlir ses successeurs. Voulez-vous l'enchantement d'amours hors le monde ? A défaut d'une psychologie moderne, Daphnis et Chloé, pastorale sensuelle et romantique par anticipation, ringardise dans son idéalisme bien des « romances » contemporaines. Capable de se moquer de ses propres lieux communs, comme dans le délicieux Leucippé et Clitophon, d'Achille Tatius, antiroman avant la lettre, le roman grec a pour thème principal les mésaventures d'un couple uni dans un univers hostile : face à l'adversité d'un monde cruel, désordonné et absurde, l'amour et le stoïcisme du couple sont les seules valeurs qui vaillent. Les héros redécouvrent dans un monde inhospitalier et instable « la surprise de vivre au présent », comme l'explique l'historien du roman Thomas Pavel : voilà des schémas et des thèmes que ne feront au fond que reprendre, en plus ou moins bien, nos best-sellers de l'été, pour nous accompagner dans nos problèmes existentiels - amor omnibus idem. Les Latins ont quant à eux marqué notre mémoire littéraire (et des cinéastes comme Pasolini ou Fellini) par la puissance scandaleuse de leurs romans de mœurs, mais on ne saurait pour autant les réduire aux banquets du Satiricon : érotisme souriant, magie et conte initiatique, roman picaresque se mêlent à la tradition grecque du roman d'aventures dans des récits parfaitement désaxés, sans qu'on sache si les Métamorphoses d'Apulée (appelées parfois aussi l'Ane d'or pour des raisons que des millénaires d'érudition n'ont pas vraiment réussi à élucider) détournent la métaphysique platonicienne au profit du burlesque ou, au contraire, font de l'humour une voie suprême d'accès aux mystères célestes.

On n'hésitera pas non plus à découvrir des textes qui ne sont pas des fictions au sens strict, mais qui peuvent aujourd'hui être lus en tant que telles : les formidables vies et chroniques romancées des historiens antiques. Si la bataille des Thermopyles est redevenue un mythe avec 300, le film de Zack Snyder, et sa suite, 300, naissance d'un empire, de Noam Murro, il faut lire ce que Les Belles Lettres appellent la Véritable Histoire de Thémistocle, à savoir le récit, tout haletant, et, en un sens, tout aussi romanesque, qu'ont produit Plutarque, Diodore et Hérodote sur la bataille de Salamine. La Vie d'Apollonios de Tyane, de Philostrate, est moins riche en documents qu'en épisodes fantastiques sur les cultes solaires orientaux : contrairement aux Vies parallèles édifiantes de Plutarque, c'est une vie imaginaire assez rocambolesque d'un illuminé comme celles que pourraient raconter les romanciers d'aujourd'hui. Sulfureuses et cruelles jusqu'à l'horreur sont les vies racontées par Suétone, dont les empereurs dépravés font passer DSK pour un petit-maître (lisez sa Vie de Néron), et, a fortiori, celles, plus mélancoliques, de Tacite (lisez sa Vie d'Agricola) : leur vision ironique du monde politique et leur nostalgie d'un âge d'or du pouvoir trouvent, mutatis mutandis, bien des échos dans notre imaginaire français ; elle nous permet, quoi qu'il en soit, de relativiser la gravité des turpitudes contemporaines. Quant à l'Histoire véritable, de Lucien de Samosate, que l'on peut trouver dans une collection des Belles Lettres en poche sous le titre de Voyages extraordinaires, c'est, derrière l'apparence d'un récit sérieusement géographique, une facétie qui nous emmène au-delà du monde connu pour moquer Homère et Platon. Plutôt que de rappeler doctement son importance dans l'histoire de la littérature (c'est le premier récit de science-fiction et le premier exemple de voyage sur la Lune), enivrons-nous plutôt de sa verve comique désopilante dirigée à l'encontre de toute forme d'héroïsme - c'est dire à quel point, avant même que le mot « littérature » existe, les écrivains antiques étaient capables à la fois de satisfaire et de moquer nos besoins de légendes.

Romans accessibles

hersent_daphnis.jpgFin août, paraîtra un volume de 1 200 pages compact et très accessible et préfacé par Barbara Cassin, Romans grecs et latins (Les Belles lettres). D'ici là, à l'exception des Ethiopiques, le roman-fleuve d'Héliodore, qui n'est hélas facilement lisible que dans le très beau volume de la Pléiade consacré par Pierre Grimal aux Romans grecs et latins, on retrouvera tous ces récits en poche et parfois gratuitement en ligne sur Gallica dans des éditions anciennes - lorsque ce n'est pas dans des éditions numériques gratuites et facilement téléchargeables pour nos liseuses, en goûtant alors le plaisir de revenir, sur ces machines électroniques, à cette forme de lecture tabulaire qui était celle de tous les écrits dans l'Antiquité... On pourra préconiser ainsi pour les plages d'avant la réforme du collège un programme de lecture vraiment original : son principe serait de redécouvrir dans notre Antiquité notre propre étrangeté - pour emprunter une formule au héros du Patient anglais, de Michael Ondaatje : « Assez de livres. Donnez-moi Hérodote, c'est tout. » De nobis fabula narratur.

Romans grecs et latins, édition dirigée par Romain Brethes et Jean-Philippe Guez, Les Belles Lettres, 1 200 p., 35 €.

Quand les anciens inventaient les manuels de psychologie 

 

epic414-gf.jpgEn juin 1993, la collection « Mille et Une Nuits » (Fayard) lança un nouveau concept éditorial, «le classique à 10 francs», avec une réussite immédiate : la Lettre sur le bonheur, d'Epicure, se vend à plus de 100 000 exemplaires. Il sera suivi par pléthore de manuels de vie antique, bien dignes de se trouver au rayon développement personnel des librairies : on compte rien moins que six éditions à moins de 10 € de De la brièveté de la vie, de Sénèque, (certaines étant habilement suivies du commentaire célèbre de Denis Diderot). En faisant un saut par-dessus la morale chrétienne, les traités de sagesse antique, ceux-là mêmes qui nourrirent la Renaissance, viennent réintroduire les valeurs épicuriennes ou stoïques dans nos existences pressées. Plutarque est particulièrement mis à l'ouvrage, et ses traités moraux, qui faisaient le délice de Montaigne, sont transformés pro bono en opuscules utiles vendus peu cher, car ne coûtant rien en droits d'auteur aux éditeurs : on trouvera chez Arléa De l'excellence des femmes (qui est tout sauf un traité féministe avant l'heure), Erotikos («l'érotique», proposé comme une réflexion sur les vertus et les inconvénients de l'homosexualité), la Conscience tranquille (qui souligne, nous dit-on, « le bonheur de vivre loin des passions » et « la vanité insupportable des bavardages ») ou encore quatre traités sur l'Ami véritable ou les pensées de l'historien hellénistique sur l'Intelligence des animaux, leurs droits et comportements. Cicéron servira évidemment à réfléchir sur la morale (le Traité des devoirs, c'est-à-dire le De officiis), sur la Vieillesse (c'est sous ce titre que plusieurs éditeurs reprennent en poche son Caton l'ancien), un autre éditeur proposant de fabriquer une trilogie Devant la mort, Devant la souffrance, le Bonheur en découpant en extraits les Tusculanes, recueil d'entretiens philosophiques du Ier siècle avant Jésus-Christ) actualisé et transformé en bréviaire. Pour quelques euros, Pline le Jeune servira, quant à lui, quelques millénaires avant Facebook et ses détracteurs, à réfléchir à la nécessité d'un Temps à soi : là encore, par un bien habile retitrage, les lettres de l'historien latin font résonner à notre profit « la douceur et noblesse de ce temps à soi, plus beau, peut-être, que toute activité ». De la philosophie émiettée en leçons de vie pour éditeur en quête de bon coup commercial et pour lecteur en peine de normes - lorsque ce n'est pas en viatiques en tout genre, comme en témoigne la traduction dans la collection « Retour aux grands textes » du savoureux, mais bien vain, Eloge de la calvitie du rhéteur alexandrin Synésios de Cyrène (IVe siècle) : voilà à quoi nous servent aussi les antiques...

7 Thesen zu Integration und Illusion

7 Thesen zu Integration und Illusion

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1. Hochqualifizierte integrieren sich auch dann nicht mit Schulversagern gleicher Herkunft, wenn sie Sprache, äußere Erscheinung, Religion und Wohnort mit ihnen teilen. So verbandeln sich türkische Universitätsabsolventen weder in Istanbul noch in Berlin mit Landsleuten, die nicht richtig schreiben und lesen können.

2. Mit bildungsfernen Fremden ersehnen Hochqualifizierte erst recht keine gemeinsamen Urlaubsreisen oder Kindergeburtstage. Die bisherigen Megabeträge für das Anbahnen solcher Gemeinschaften verpuffen deshalb wirkungslos.

3. Funktionärsgipfel, Sonderbehörden und auch das – am 24. Mai in der Koalition zu beschließende - Integrationsgesetz sind Ausdruck der Enormität des Problems und keineswegs Etappen zu seiner Lösung. Würde die Kanzlerin einen Gipfel für das engere Zusammenrücken von deutschen Exzellenzstudenten und nicht minder germanischen Sonderschülern einberufen, würde die verdutzte Republik den Aberwitz all dieser Vorhaben umgehend erfassen. 

4. Selbst bei unterschiedlicher Muttersprache, Haarstruktur und Religion finden Menschen allerdings schnell zueinander, wenn sie etwas können und miteinander arbeiten. Zwischen ihnen wuselnde Sozialarbeiter würden als Störer umgehend des Saales verwiesen.

5. Schulversager hingegen integrieren sich fast niemals mit Abgeschlagenen aus fremden Kulturen. Dagegen kompensieren beide ihre „Kleinheit“ gerne mit der „Größe“ vermeintlicher Idealzeiten. Einheimische mögen sich mit einem Großdeutschen Reich brüsten, Türken mit siegreichen Sultanen und Araber mit triumphierenden Kalifen. Diese Idole taugen hervorragend als Brandbeschleuniger für Konflikte, die dann Begehrlichkeiten für weitere Integrationsbudgets beflügeln.

6. Integration gelingt also nur, wenn sie überflüssig ist, weil Zuwanderer - welcher Religion und Hautfarbe auch immer - ein Leben lang lernen können. Solche Migranten finden das für ihr Fortkommen Passende von alleine. Leute ihres Niveaus werden wegen steigender Anforderungen allerdings stetig knapper und sind aufgrund suboptimaler Geburtenraten in allen OECD-Staaten heiß begehrt. In dieser Staatengruppe stehen Länder mit anschwellenden Integrationsindustrien gegen Nationen, die sich auf das Wachstum ihrer Wirtschaft konzentrieren.

7. Drängen weiterhin Bildungsferne nach, verlieren die für sie Aufkommenden den Mut und träumen von Kompetenzfestungen, die Pässe nur an Asse vergeben. Die Potentiale Deutschlands oder Österreichs sind längst überfordert. Bei einem Durchschnittsalter von bald 47 bzw. 44 Jahren bleiben von 100 Nachwuchskräften 35 ungeboren. Von den 65, die das Licht der Welt erblicken, können 20 bis 25 minimale Anforderungen nicht erfüllen (30 Prozent der Altdeutschen, 50 Prozent der Migranten bei PISA 2012). Die verbleibenden 40 bis 45, die – ob eingewandert oder bodenständig – global bestens mithalten, alleine den Karren aber nicht ziehen können, streben auf die roten Teppiche der Wettbewerber mit Hoheit über ihre Grenzen. Die Kombination aus galoppierender Mittelschichtschrumpfung und Drittwelt-Zuwanderung bringt das vergreisende Deutschland zum Kippen; denn die Hilflosen und doch immer menschenwürdig zu Bezahlenden nimmt keiner, während die jetzt noch für sie Sorgenden bei den konkurrierenden Nationen antreten.