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dimanche, 30 novembre 2008

Claude Lévi-Strauss à l'honneur

Claude Lévi-Strauss à l’honneur au Musée du Quai Branly

Claude Lévi-Strauss à l’honneur au Musée du Quai Branly - Ex: http://fr.novopress.info/Lectures, projections et visites guidées thématiques gratuites seront au programme de la journée du vendredi 28 novembre que le Musée du Quai Branly consacre à Claude Lévi-Strauss à l’occasion de son centième anniversaire.

Image Hosted by ImageShack.usPARIS (NOVOpress) -

Une centaine de personnalités ont été conviées à lire des textes de Claude Lévi-Strauss, parmi lesquelles l’écrivain et journaliste Patrick Poivre d’Arvor et son frère Olivier (prix Renaudot des lycéens 2008), la ministre de la Recherche Valérie Pécresse, la ministre de la Culture Christine Albanel ainsi que l’inévitable philosophe Bernard-Henri Lévy. Les radios d’Etat France Culture et RFI seront présentes au Musée des arts premiers et diffuseront des dossiers spéciaux au cours de la journée. Quant à la chaîne ARTE, elle a diffusé jeudi de nombreux documentaires consacrés à l’auteur de Tristes tropiques.

Célébrer le centenaire de Lévy-Strauss au musée du Quai Branly n’est pas un choix anodin. En effet, l’anthropologue a toujours soutenu le projet cher à Jacques Chirac – « depuis son origine » dira-t-il –, malgré les scandales liés au mode de collectes des pièces exposées. Il était d’ailleurs à la cérémonie d’ouverture du lieu le 20 juin 2006.

Nul doute que parmi les nombreuses citations du grand homme qu’on verra çà et là fleurir dans la grosse presse, on ne trouvera nulle trace de celle-ci :

« On ne peut mettre dans la même catégorie, ni attribuer automatiquement au même préjugé, l’attitude de certains individus ou groupes que leur attachement à certaines valeurs rend totalement ou partiellement insensibles à des valeurs différentes.

Il n’y a rien d’inadmissible dans le fait de placer un mode de vie au-dessus de tous les autres, ou de ne pas être attiré par des individus ou des groupes dont le mode de vie, respectable en soi, est très éloigné du système auquel on est traditionnellement attaché.

C’est “peut-être le prix à payer pour que soit préservé le système de valeurs de chaque communauté ou de chaque famille spirituelle, et pour qu’il trouve en lui-même les ressources nécessaires à son renouvellement »

Une déclaration identitaire très décomplexée que Claude Lévy-Strauss a faite en 1971 à la tribune des Nations Unis, et qui vaudrait maintenant à son auteur les foudres des boutiquiers de l’antiracisme institutionnel…


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mercredi, 30 avril 2008

Pierre Benoit dans la magie de l'Orient

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Frédéric SCHRAMME:

Pierre Benoit dans la magie de l'Orient

 

Dès la sortie de son premier roman Koenigsmark, Pierre Benoit s'est très vite imposé comme le nouveau maître du roman fantastique français. Les fantasmes véhiculés alors autour de la conquête coloniale ne pouvaient qu'ê­tre propices à son imagination fertile et bien vite des œu­vres  comme L'Atlantide et La châtelaine du Liban al­laient suivre leur aînée plongeant des milliers de lec­teurs dans les mystères de l'Orient.

 

La grande épopée de la colonisation! Au tournant de l'é­poque moderne, les principales nations européennes enté­rinent en l'achevant, leur conquête du monde commencée quelques siècles plus tôt avec le partage du Nouveau Mon­de. Seule une poignée d'Etats échappe à la mise en coupe réglée, comme l'Ethiopie, la Perse, le Siam. Qu'est-ce qui a bien pu pousser ces nations européennes aux régimes politiques tellement dissemblables à se jeter d'un même élan dans la colonisation du globe? Objectifs financiers et mercantiles? Désirs de conquêtes militaires? Quêtes vers la Connaissance supposée de ces terres lointaines  —d'autant plus chargées d'une aura mystérieuse et magique qu'elles demeurent inconnues et inaccessibles? Probablement les trois à la fois, tellement cette synthèse presque dumézi­lien­ne suffit à résumer à elle seule l'inconscient motivé de l'âme européenne. Depuis toujours, de grands hommes ont fait « Le rêve le plus long de l'Histoire », recherchant aux con­fins de l'Orient ou en Afrique l'accomplissement d'un des­tin qui ne pouvait être qu'exceptionnel. Si Jacques Be­noist-Méchin a su retracer la vie de quelques-uns de ces per­sonnages hors du commun, d'autres tel Pierre Benoit ont préféré, souvent au moyen de l'imagination, s'attacher aux pas des aventuriers et explorateurs, des simples capitaines ou pères-blancs, quidams qui jamais n'ont noirci la moindre page des manuels d'Histoire. « Mais ceux-là étaient seuls à s'ex­poser. Responsables de leur vie seule, ils étaient libres» de s'éveiller à la magie de l'Orient au moment où «l'ame­rican way of life» après Jack London ne pouvait promettre plus rien d'autre que des destins d'épiciers bedonnants.

 

Le géant touareg

 

L'intérêt de Pierre Benoit pour les contrées désertiques n'est absolument pas fortuit, pas plus qu'il n'est le fruit d'un calcul commercial. Fils d'un officier supérieur de l'armée française, il doit sa découverte des portes du Sahara au gré des mutations de son père. Parmi les souvenirs de ces temps-là, il en est un qui éclaire particulièrement la réelle fascination qu'opèrent sur lui l'immense désert et ses ha­bitants : « [Je vis] une espèce de géant vêtu de cotonnades obscures, avec de terribles yeux qui brillaient dans la fente d'un voile gainant la tête à la manière d'un heaume. C'était un chef targui (ndlr: Touareg) [.] Il rit en m'apercevant, me saisit à bout de bras et m'enleva plus haut que lui. Je vo­yais dans l'évasement de sa manche, son poignard, qu'un an­neau de cuir retenait contre le biceps nu; à son cou, ses amulettes de perles blanches et noires. J'étais au comble de l'épouvante, de la curiosité, de l'orgueil».

 

Nanti de ces quelques vagues souvenirs et d'une imagina­tion sans bornes, Pierre Benoit va se plonger dans une des­cription minutieuse et quasiment encyclopédique des pays dans lesquels il emmène ses lecteurs. En effet, mis à part son enfance nord-africaine, Pierre Benoit n'aura voyagé dans les lieux qu'il avait décrits que bien longtemps après. Mais la description se révèle toujours exacte et c'est autant ce souci du réalisme qui contribuera à son succès que sa spéculation sur l'insondable et le mystérieux. En ce début de 20ième siècle l'auteur prend prétexte des zones laissées en blanc du planisphère ou des cartes d'état-major pour les combler de son imagination, comme pour le massif du Hog­gar dans lequel il situe son Atlantide échouée. Cette bien­heureuse alchimie entre le détail et l'inconnu amènera Jean Cocteau à dire de lui que « Benoit est celui qu'on lit le plus et dont on parle le moins dans les revues graves. Il a le gé­nie de l'imprévu, mais il invente juste et tombe encore plus juste. C'est un médium. Ceux qui ne savent pas le lire ne sauront jamais».

 

L'œuvre de Pierre Benoit suit une constante dans son é­vo­lution tragique. Que l'on soit au cœur du Sahara ou au Li­ban après la mise sous tutelle française, les héros sont tou­jours des officiers français au faîte de leur gloire. Elite par­mi l'élite, ils sont méharistes, de cette noblesse des déserts qui font d'eux les égaux des Bédouins et des Touaregs. De plus leur connaissance des us et coutumes des habitants du dé­sert les amènera à être chargés de mission de renseigne­ments et d'espionnage au profit de leur patrie.

 

L'espionnage est précisément au cœur de l'intrigue dans «La châtelaine du Liban»: Une fois la première guerre mon­diale terminée, la paix » semble reprendre ses droits et avec elle l'hostilité sourde entre les deux « alliés » français et britannique. Rapidement, la « perfide Albion » est soup­çonnée d'être à l'origine du massacre d'une troupe française en opération de manœuvres. Dans « l'Atlantide », il est éga­lement question du souvenir du massacre de la «mission Flatters» et la prospection de renseignements confiée au Ca­pitaine de Saint-Avit a pour but de prévenir tout nouveau désastre. Au renseignement d'ordre militaire s'ajoute une au­tre quête, celle du passé: au Liban, on se souvient des Templiers et des Chevaliers teutoniques en parcourant la ligne tracée par les vestiges de leurs châteaux, et dans le Sahara on recherche des signes laissés par des tribus ber­bè­res chrétiennes ayant résisté un certain temps à l'islami­sa­tion. On ne saurait trouver de héros plus parfaitement é­qui­librés; sûrs de leur bons droits et au service d'un idéal su­périeur à leur propre existence, ils pourraient même a­voir la prétention d'être le lien entre le passé et l'avenir, entre le souvenir et la clairvoyance.

 

Perdre de vue sa mission

 

Rien ne semble pouvoir les ébranler mais pourtant, «on n'est pas impunément des mois, des années, l'hôte du dé­sert. Tôt ou tard, il prend barre sur vous, annihile le bon of­fi­cier, le fonctionnaire timoré, désarçonne son souci des responsabilités. Qu'y a-t-il derrière ces rochers mystérieux, ces solitudes mates, qui ont tenu en échec les plus illustres traqueurs de mystères?». La solitude pesante à laquelle ces hommes sont quotidiennement confrontés —ici les ordon­nan­ces indigènes et autres ascaris font intégralement par­tie du décor et ne sont pas meilleurs compagnons que les mé­haris eux-mêmes— les mène toujours au bord du préci­pi­ce dans lequel tout homme finit par perdre de vue sa mis­sion, son devoir, sa famille et sa patrie.

 

Dans l'œuvre de Pierre Benoit, la raison (ou plutôt la dé­raison) qui oblige à franchir le dernier pas est toujours la ren­contre fatidique avec une femme, avec La Femme. Ex­tra­ordinairement belle et totalement recluse aux confins du désert, que ce soit dans un ancien château templier ou dans la mythique Atlantide, elle est l'exact opposé de la fian­cée promise et personnifie l'amour charnel, la liberté, la puissance et la fortune. Elle seule est capable de briser les serments et les idéaux des hommes. Si l'Anglaise Athel­stane oblige son amant le Capitaine Domèvre à trahir son pays et à vendre des renseignements à son complice des ser­vices secrets britanniques, l'Atlante Antinéa exige pour sa part, le sacrifice ultime et attend de ses amants qu'ils meu­rent d'amour pour elle. Ainsi le Capitaine de Saint-Avit revendiquera sa place dans la salle de marbre rouge dans laquelle sont réunis les corps embaumés, statufiés dans un métal inconnu, des anciens amants de la dernière reine de l'Atlantide. Pour y parvenir, il ira jusqu'à l'innommable, le meurtre de son compagnon de route Morhange, véritable moine-soldat, capitaine d'active et prêtre de réserve, seul homme à avoir su résister à Antinéa et également le seul qui ait véritablement été aimé d'elle. Plus chanceux, le Ca­pitaine Domèrve sera sauvé de l'influence d'Athelstane par la fraternité d'armes qui le lie aux officiers de son ancien ré­giment, l'amitié entre les hommes en armes étant la seu­le à pouvoir contrer l'amour d'une femme fatale.

 

Attitudes droitières

 

Le succès de Pierre Benoit reposait donc sur des recettes sim­ples: sur la mise en scène d'une intrigue convenue, il brosse le tableau mirifique d'un paysage enchanteur avec grands renforts de personnages plus ou moins caricaturaux. Comme sa transposition de la haute société française dans les colonies libanaise et algérienne qui se laisse fréquenter de loin par les notables autochtones (tout au moins au Li­ban), ses marchands druzes ou maronites qui se livrent une concurrence à grands coups de dessous de table, ses trafi­quants d'or juifs, ses tribus révoltées de Bédouins et de Toua­regs, etc. L'écriture de Pierre Benoit reste probable­ment influencée par les romans-feuilletons du siècle pré­cé­dent, mais « tout cela est mené sur un rythme haletant, avec une ingéniosité qui ne peut que provoquer l'ad­mi­ra­tion et même la nostalgie de ce que peut être «le vrai ro­man», celui qui nous raconte une histoire, comme le rap­pel­le Jean Mabire qui a placé cet écrivain dans le premier recueil de sa série « Que lire ? », donc en très bonne place dans son Panthéon personnel, qui, on s'en doute, est meu­blé selon des critères fort différents de son homonyme na­tional, autrement appelé la Maison de Tolérance de la Ré­pu­blique. Si l'auteur de «L'Atlantide» est aujourd'hui un é­cri­vain que l'on s'efforce de faire oublier —puisqu'il fut l'ami des maîtres de l'Action française et, circonstance aggra­vante, on peut reconnaître dans son vocabulaire une at­titude droitière —, il faut tout de même saluer l'initiative de Jacques-Henry Bornecque qui, en 1986, à l'occasion du cen­tième anniversaire de sa naissance, lui a consacré une bio­graphie intitulée « Pierre Benoit le magicien ».

 

Frédéric SCHRAMME.

 

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mardi, 29 avril 2008

Pour saluer Monsieur Jadis !

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Dix ans déjà!

Pour saluer Monsieur Jadis: Antoine Blondin (1922-1991)

 

La presse amie, et même celle "sous licence", ont fait à An­toine Blondin, décédé d'un cancer, le 8 juin 1991, âgé de 69 ans, sa juste place. On a pu lire les notices élogieuses qui lui ont été consacrées, sans doute parce qu'après avoir il­lustré, avec ses amis Nimier, Jacques Laurent, Michel Déon, la "Droite buissonnière" (expression de Pol Van­drom­me) il avait effectué un léger virage à gauche. Mais con­trai­rement à des transfuges arrivistes tels Claude Roy ou Do­mi­nique Jamet, il mérite notre estime.

 

Le Cercle Prométhée ne peut qu'ajouter quelques mots à ce qui a été, dans l'ensemble, fort bien dit, concernant ce doux non-conformiste qui débuta en exerçant divers mé­tiers. Parti en 44 au titre du Service du Travail Obligatoire, il travaillera dans une ferme en Allemagne, comme vacher. Il relatera ses aventures tragi-comiques dans son premier roman, L’Europe buissonnière (Prix des Deux Magots, 1949). Il écrit peu, difficilement, mais valablement. Il nous montre un mari léger dans Les enfants du Bon Dieu (1952), des solitaires voués à l'hôpital, à la prison, dans L’humeur vagabonde (1955), un père alcoolique dans Un singe en hi­ver (Prix Interallié, 1959), porté à l'écran et revu à la télé­vision, enfin Monsieur Jadis (1970), son roman capital qui met en scène un marginal.

 

Sa passion pour le sport (Tour de France, rugby) est bien con­nue. Il donne aux chroniques sportives leurs lettres de noblesse littéraire. Deux cents sur les milliers qu'il a écrites pour l'Equipe sont réunies sous le titre L’ironie du sport  (1988). Dans les années cinquante, à celui qui allait le voir pour les Amis de Robert Brasillach, Bardèche avait dit: «Vo­yez-le avant 9 heures du matin (avant qu'il ait trop bu)». Il lui avait réservé un accueil sympathique et donné son ad­hésion.

 

Vous pourrez lire ses Œuvres complètes  en un volume de 1.408 pages publié sur papier bible à la Table Ronde pour un prix très abordable.

 

Cercle PROMÉTHÉE.

 

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lundi, 28 avril 2008

Tombeau pour Jacques Laurent

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Tombeau pour Jacques Laurent

« C’était un combattant », Michel Déon, le 6 janvier 2001.

« Je suis comme Marcel Aymé, contre l’armée, contre les curés, contre le travail, la famille et, bon, je suis de droite »

Jacques Laurent.

 

Un seigneur s’en est allé le 29 décembre 2000: Jacques Laurent est mort de chagrin quelques semaines après sa fem­me. Avec lui, tous les amoureux de la littérature et de la liberté perdent un modèle. Libertin et érudit, surdoué et protéiforme, Jacques Laurent-Cély était né en 1919: sa dis­parition à la fin d’un siècle, oui bien stupide, est gran­de­ment symbolique. La discrétion de la « grande presse », à l’exception du Figaro et du Point en dit long aussi sur le climat intellectuel et esthétique que nous autres, ses ca­dets désolés, devrons affronter sans faiblir. Il est vrai que Jacques Laurent fut toute sa vie un homme libre, subtile­ment hostile à toutes les formes de sectarisme et de sco­lastique que la gauche idéologique, aujourd’hui installée au pouvoir, incarne avec une bonne conscience en béton ar­mé. Ayant fréquenté l’Action française dès 1934, il avait été formé à l’école de Maurras (« un nettoyeur de l’intel­ligence ») et du classicisme français. C’est précisé­ment cette imprégnation classique qui le rendit imperméa­ble au romantisme fasciste, vu comme une démesure à fuir com­me la peste. Ceci explique qu’il ne fut pas cagoulard mal­gré ses liens familiaux avec Eugène Deloncle et son goût du combat même violent: le romantisme de ces conspi­ra­teurs l’arrêta. Son engagement à Vichy, au Ministère de l’In­for­mation (sous Paul Marion et Philippe Henriot), ses articles dans la presse de la Restauration Nationale réunis en un livre publié en 1944, Compromis avec la colère (sous le nom de Jacques Bostan), puisent leur inspiration dans une volonté de restaurer l’ordre classique. Il est en cela pro­che de Mounier: « promouvoir le réel, le vivant, l’orga­ni­que, l’évolutif contre l’abstrait, le géométrique, l’im­mua­ble mis en fiche, le général et le totalitaire ».

 

Il y a quel­ques années, répondant à un journaliste du Fi­ga­ro, Laurent définissait la droite comme suit: « La droite in­terdit à l’humanité d’espérer quelque chose de mieux, de croire, béatement, en un avenir meilleur. La gauche a le rôle de la collection Harlequin ». Ceci fait de lui l’un de nos maîtres, qui nous rappelle le refus des utopies comme fondement de notre attitude. Autre leçon de Laurent: son activité d’éditeur: ses revues Arts, La Parisienne furent dans les années 50 des « oasis de liberté » pour citer Michel Déon. Sous l’apparente frivolité du dandy, Laurent cachait une générosité, un flair et un courage rarement égalés dans la droite d’après-guerre. Il faut relire ses Chroniques de ce temps (rééditées chez B. de Fallois), comme son au­to­bio­gra­phie Histoire égoïste (Table ronde), livres à la fois bril­lants et solides: la quintessence de l’authentique subver­sion, la subversion classique, alliance parfaite - et raris­sime - du style et des idées. Disciple de Stendhal (et du cher Alexandre Dumas), Laurent est enfin le romancier de l’élan vital et du divin imprévu: lire ses chefs d’œuvre Les Corps tranquilles ou Les Bêtises, constitue la meilleure des thérapies face à la morosité hivernale. Pour tous les dissi­dents, Laurent restera un maître, celui qui nous enseigne «qu’il n’y a pas d’intelligence sans liberté, sans solitude, et sans courage ».

 

Patrick CANAVAN.

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dimanche, 20 avril 2008

Mohrt, écrivain sudiste

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Mohrt, écrivain sudiste

 

Il faut louer Pol Vandromme, hussard de Charleroi et criti­que littéraire à l'œuvre couvrant tout ce que notre litté­rature romande compte de rebelles, de Brassens à Rebatet et de Brel à Anouilh, pour son dernier essai qu'il consacre à l'un des plus méconnus des écrivains de la droite buisson­niè­re: Michel Mohrt. Né en 1914, annus horribilis, le Breton Mohrt sert plus qu'honorablement dans les Chasseurs alpins lors de la "drôle de guerre" face aux Italiens et aux côtés d'un homme au destin tragique, Jean Bassompierre, dont l'om­bre plane sur toute l'œuvre de l'académicien. Cagou­lard, juriste brillant et courageux officier, Bassompierre suivra Darnand, combattra à l'Est et sera décoré de la Croix de Fer, promu capitaine*. C'est une autre promotion qui dé­cidera de son sort: en 1944, il accepte d'aider Darnand en France et devient inspecteur général de la Milice, où il joue­­ra un rôle modérateur. Il servira ensuite dans la divi­sion Charlemagne jusqu'à la fin. Capturé en Italie, il est con­­damné à mort dans une atmosphère d'hystérie collective et fusillé malgré l'intervention de grands résistants.

 

Ce dra­me a profondément marqué Mohrt déjà traumatisé par la débâcle de 1940. Une grande partie de son œuvre té­moigne  de sa tristesse. Comme l'a fort bien dit Marcel Schnei­der dans le Figaro littéraire du 1er février 1988: "Il est de ceux qui n'ont jamais pu accepter ni même com­pren­dre la débâcle. Elle est pour eux comme la blessure d'Am­for­tas qui saigne toujours sans pouvoir se guérir". La plaie est rouverte à la Libération, ses règlements de compte et le triomphe de l'imposture. Plusieurs romans, dont Mon ro­yaume pour un cheval, paru en 1949, retracent avec autant de courage —nous sommes en plein délire résistancialiste— que de talent le climat complexe de la guerre et de l'occu­pa­tion. Bassompierre et Drieu, que Mohrt connut, apparais­sent à peine masqués. La Guerre civile (1986) est l'un d'eux.

 

Amérique sudiste et Bretagne natale

 

Mohrt quitte l'Europe et met le cap à l'Ouest: l'Amé­rique, autre thème fondamental dans son œuvre, sera son re­fuge, qu'il peindra avec sympathie dans nombre de ro­mans et de récits: il s'agit de la vieille Amérique sudiste ou anglomane, qui n'existe sans doute plus que dans chez quel­ques cœurs rebelles. Mohrt chante aussi la mer et sa Bre­tagne natale, pour laquelle il prit quelques risques: son ro­man La prison maritime (1961) narre les tribulations d'un jeune Breton mêlé à de mystérieux trafics d'armes. Il sem­ble que Mohrt n'ait pas tout inventé dans ce livre: qui est ce jeune hom­me? Est-ce le preux Vissault de Coëtlogon? Voi­re le futur académicien? Cela le rendrait encore plus cher à notre cœur… et ferait de lui le deuxième acadé­mi­cien (le troi­sième avec le regretté Laurent) amateur d'é­motions fortes.

 

Ecrivain solitaire, à la fois austère et liber­tin raffiné, Mi­chel Mohrt, sudiste et chouan, incarne une ré­bellion racée dont nous pouvons nous inspirer. Il y aurait beaucoup à dire de cette œuvre singulière, résolument à con­tre-courant: pre­nons donc Vandromme comme cicérone et prions Michel Mohrt d'enrichir un œuvre trop rare (Patrick CANAVAN).

 

Pol VANDROMME, Michel Mohrt, romancier, Table ronde, 2000, 130 FF. Voir le dernier ouvrage paru de M. Mohrt: Tom­beau de la Rouërie, Gallimard, 2000, 85 FF.

 

(*) Je pille ces informations dans la courageuse Histoire de la Collaboration de Dominique Venner (Pygmalion, 2000), un livre ap­pelé à devenir un classique.

 

 

 

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mardi, 15 avril 2008

Hommage à Pierre Monnier

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Hommage à Pierre Monnier,

par Marc Laudelout

Pierre Monnier est décédé le 27 mars 2006 à Nice, où il s’était retiré depuis plusieurs années. Il allait avoir 95 ans. 
Tout célinien a dans sa bibliothèque Ferdinand furieux, ce bouquin épatant dans lequel il raconte dans quelles circonstances il rencontra Céline après la guerre et les relations qui se nouèrent entre eux. Il est difficile aujourd'hui d'imaginer à quel point l'écrivain était alors non seulement victime d'une conspiration du silence, mais considéré par nombre de ses pairs comme un écrivain fini, voire démodé. 


Pierre Monnier m’a souvent dit que les amis de Céline demeurés fidèles se comptaient alors sur les doigts d’une seule main. Et de citer invariablement Marie Canavaggia, Arletty, Daragnès et André Pulicani. Dans ces années-là, Céline lui-même disait : «Autant de cloches à Montmartre que de potes qui m’ont renié». Monnier, qui n’avait pas 40 ans, se lança dans cette entreprise folle qu’est l’édition pour redonner à l’écrivain qu’il admirait l’occasion de se faire entendre à nouveau. Ce ne fut pas sans difficultés mais ce serait sans nul doute faire injure aux lecteurs de ce Bulletin que de rappeler plus avant ces faits bien connus d’eux.


En juin 1993, ce bulletin lui rendit hommage suite à un déjeuner-débat qui eut lieu à Bruxelles et dont il avait été l'invité d'honneur. J'écrivais ceci : «Les qualités du conférencier sont aussi celles de l’homme. Sincérité, lucidité, chaleur, générosité, enthousiasme : tels sont les mots qui se bousculent sous ma plume lorsqu’il me faut définir Pierre Monnier.» C'est bien ainsi qu'il m'est toujours apparu. Et c'est sans aucun doute cet amour de la vie qui transcendait toute sa personnalité. Pourtant les fées ne s'étaient pas penchées sur son berceau. Parlant de son père, officier de carrière mort au combat en 1915, il disait : «J’ai eu peu de temps pour l’aimer». Orphelin de guerre dès l’âge de quatre ans, il dut, adolescent, gagner sa vie tout en suivant des cours à l’École des Beaux-Arts. Rude apprentissage, comme on s’en doute, mais qui n’entama jamais le caractère volontaire de ce Breton féru de peinture, de littérature et de... politique. Dans ses livres de souvenirs, il a raconté son compagnonnage avec l’Action Française, puis cette étonnante aventure de L’Insurgé, éphémère hebdomadaire nationaliste et progressiste fondé en 1937 par Jean-Pierre Maxence et Thierry Maulnier, et dont il fut le secrétaire de rédaction. Il y tenait aussi une chronique sociale qui marquait la volonté de réconcilier syndicalisme et nationalisme. De 1940 à 1942, il participa à la création et au développement des «Centres d’apprentissage des jeunes», créés par Vichy en zone occupée. Après la guerre, il vécut, difficilement, de la peinture et des dessins de presse (notamment dans Aux Écoutes), puis de l'édition sous le nom de « Frédéric Chambriand», avant de faire une belle carrière à L'Oréal. Sa retraite fut très active puisqu'il écrivit pas moins de dix livres, dont deux sur Céline. Et il se voua aussi à l'amitié, ayant pendant de nombreuses années le bonheur d'avoir auprès de lui, dans sa ville d'adoption, ses amis Louis Nucéra et Alphonse Boudard. Une vie assurément variée et bien remplie.


Ceux qui l'ont connu garderont de lui un souvenir lumineux. C'était un homme attachant, loyal, fidèle à ses convictions et d'une humeur joyeusement roborative. Un être d'exception que nous n'oublierons pas. Il n'est que juste de saluer ici sa mémoire.

Marc Laudelout

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vendredi, 14 mars 2008

K. K. F. W. Lachmann, érudit latiniste

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14 mars 1793: Naissance à Brunswick du philologue classique allemand Karl Konrad Friedrich Wilhelm Lachmann, auteur de commentaires sur le De Rerum Natura de Lucrèce, ouvrage pionnier et innovateur en éru­dition latine. Lachmann établira les règles de la métrique et de la prosodie de l’ancien et du moyen haut al­lemand médiéval. En 1829, il publie des éditions de la poésie de Catulle et de Tibulle. En 1847, il inaugure les études homériques, en publiant un ouvrage remarqué (bien que dépassé aujourd’hui) sur l’Iliade. Véritable héros des études sur la longue mémoire européenne, Lachmann a uni, en sa personne, le passé latin, grec et germanique de l’Europe.

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