mardi, 29 avril 2008
Pour saluer Monsieur Jadis !
Dix ans déjà!
Pour saluer Monsieur Jadis: Antoine Blondin (1922-1991)
La presse amie, et même celle "sous licence", ont fait à Antoine Blondin, décédé d'un cancer, le 8 juin 1991, âgé de 69 ans, sa juste place. On a pu lire les notices élogieuses qui lui ont été consacrées, sans doute parce qu'après avoir illustré, avec ses amis Nimier, Jacques Laurent, Michel Déon, la "Droite buissonnière" (expression de Pol Vandromme) il avait effectué un léger virage à gauche. Mais contrairement à des transfuges arrivistes tels Claude Roy ou Dominique Jamet, il mérite notre estime.
Le Cercle Prométhée ne peut qu'ajouter quelques mots à ce qui a été, dans l'ensemble, fort bien dit, concernant ce doux non-conformiste qui débuta en exerçant divers métiers. Parti en 44 au titre du Service du Travail Obligatoire, il travaillera dans une ferme en Allemagne, comme vacher. Il relatera ses aventures tragi-comiques dans son premier roman, L’Europe buissonnière (Prix des Deux Magots, 1949). Il écrit peu, difficilement, mais valablement. Il nous montre un mari léger dans Les enfants du Bon Dieu (1952), des solitaires voués à l'hôpital, à la prison, dans L’humeur vagabonde (1955), un père alcoolique dans Un singe en hiver (Prix Interallié, 1959), porté à l'écran et revu à la télévision, enfin Monsieur Jadis (1970), son roman capital qui met en scène un marginal.
Sa passion pour le sport (Tour de France, rugby) est bien connue. Il donne aux chroniques sportives leurs lettres de noblesse littéraire. Deux cents sur les milliers qu'il a écrites pour l'Equipe sont réunies sous le titre L’ironie du sport (1988). Dans les années cinquante, à celui qui allait le voir pour les Amis de Robert Brasillach, Bardèche avait dit: «Voyez-le avant 9 heures du matin (avant qu'il ait trop bu)». Il lui avait réservé un accueil sympathique et donné son adhésion.
Vous pourrez lire ses Œuvres complètes en un volume de 1.408 pages publié sur papier bible à la Table Ronde pour un prix très abordable.
Cercle PROMÉTHÉE.
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lundi, 28 avril 2008
Tombeau pour Jacques Laurent
Tombeau pour Jacques Laurent
« C’était un combattant », Michel Déon, le 6 janvier 2001.
« Je suis comme Marcel Aymé, contre l’armée, contre les curés, contre le travail, la famille et, bon, je suis de droite »
Jacques Laurent.
Un seigneur s’en est allé le 29 décembre 2000: Jacques Laurent est mort de chagrin quelques semaines après sa femme. Avec lui, tous les amoureux de la littérature et de la liberté perdent un modèle. Libertin et érudit, surdoué et protéiforme, Jacques Laurent-Cély était né en 1919: sa disparition à la fin d’un siècle, oui bien stupide, est grandement symbolique. La discrétion de la « grande presse », à l’exception du Figaro et du Point en dit long aussi sur le climat intellectuel et esthétique que nous autres, ses cadets désolés, devrons affronter sans faiblir. Il est vrai que Jacques Laurent fut toute sa vie un homme libre, subtilement hostile à toutes les formes de sectarisme et de scolastique que la gauche idéologique, aujourd’hui installée au pouvoir, incarne avec une bonne conscience en béton armé. Ayant fréquenté l’Action française dès 1934, il avait été formé à l’école de Maurras (« un nettoyeur de l’intelligence ») et du classicisme français. C’est précisément cette imprégnation classique qui le rendit imperméable au romantisme fasciste, vu comme une démesure à fuir comme la peste. Ceci explique qu’il ne fut pas cagoulard malgré ses liens familiaux avec Eugène Deloncle et son goût du combat même violent: le romantisme de ces conspirateurs l’arrêta. Son engagement à Vichy, au Ministère de l’Information (sous Paul Marion et Philippe Henriot), ses articles dans la presse de la Restauration Nationale réunis en un livre publié en 1944, Compromis avec la colère (sous le nom de Jacques Bostan), puisent leur inspiration dans une volonté de restaurer l’ordre classique. Il est en cela proche de Mounier: « promouvoir le réel, le vivant, l’organique, l’évolutif contre l’abstrait, le géométrique, l’immuable mis en fiche, le général et le totalitaire ».
Il y a quelques années, répondant à un journaliste du Figaro, Laurent définissait la droite comme suit: « La droite interdit à l’humanité d’espérer quelque chose de mieux, de croire, béatement, en un avenir meilleur. La gauche a le rôle de la collection Harlequin ». Ceci fait de lui l’un de nos maîtres, qui nous rappelle le refus des utopies comme fondement de notre attitude. Autre leçon de Laurent: son activité d’éditeur: ses revues Arts, La Parisienne furent dans les années 50 des « oasis de liberté » pour citer Michel Déon. Sous l’apparente frivolité du dandy, Laurent cachait une générosité, un flair et un courage rarement égalés dans la droite d’après-guerre. Il faut relire ses Chroniques de ce temps (rééditées chez B. de Fallois), comme son autobiographie Histoire égoïste (Table ronde), livres à la fois brillants et solides: la quintessence de l’authentique subversion, la subversion classique, alliance parfaite - et rarissime - du style et des idées. Disciple de Stendhal (et du cher Alexandre Dumas), Laurent est enfin le romancier de l’élan vital et du divin imprévu: lire ses chefs d’œuvre Les Corps tranquilles ou Les Bêtises, constitue la meilleure des thérapies face à la morosité hivernale. Pour tous les dissidents, Laurent restera un maître, celui qui nous enseigne «qu’il n’y a pas d’intelligence sans liberté, sans solitude, et sans courage ».
Patrick CANAVAN.
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dimanche, 20 avril 2008
Mohrt, écrivain sudiste
Mohrt, écrivain sudiste
Il faut louer Pol Vandromme, hussard de Charleroi et critique littéraire à l'œuvre couvrant tout ce que notre littérature romande compte de rebelles, de Brassens à Rebatet et de Brel à Anouilh, pour son dernier essai qu'il consacre à l'un des plus méconnus des écrivains de la droite buissonnière: Michel Mohrt. Né en 1914, annus horribilis, le Breton Mohrt sert plus qu'honorablement dans les Chasseurs alpins lors de la "drôle de guerre" face aux Italiens et aux côtés d'un homme au destin tragique, Jean Bassompierre, dont l'ombre plane sur toute l'œuvre de l'académicien. Cagoulard, juriste brillant et courageux officier, Bassompierre suivra Darnand, combattra à l'Est et sera décoré de la Croix de Fer, promu capitaine*. C'est une autre promotion qui décidera de son sort: en 1944, il accepte d'aider Darnand en France et devient inspecteur général de la Milice, où il jouera un rôle modérateur. Il servira ensuite dans la division Charlemagne jusqu'à la fin. Capturé en Italie, il est condamné à mort dans une atmosphère d'hystérie collective et fusillé malgré l'intervention de grands résistants.
Ce drame a profondément marqué Mohrt déjà traumatisé par la débâcle de 1940. Une grande partie de son œuvre témoigne de sa tristesse. Comme l'a fort bien dit Marcel Schneider dans le Figaro littéraire du 1er février 1988: "Il est de ceux qui n'ont jamais pu accepter ni même comprendre la débâcle. Elle est pour eux comme la blessure d'Amfortas qui saigne toujours sans pouvoir se guérir". La plaie est rouverte à la Libération, ses règlements de compte et le triomphe de l'imposture. Plusieurs romans, dont Mon royaume pour un cheval, paru en 1949, retracent avec autant de courage —nous sommes en plein délire résistancialiste— que de talent le climat complexe de la guerre et de l'occupation. Bassompierre et Drieu, que Mohrt connut, apparaissent à peine masqués. La Guerre civile (1986) est l'un d'eux.
Amérique sudiste et Bretagne natale
Mohrt quitte l'Europe et met le cap à l'Ouest: l'Amérique, autre thème fondamental dans son œuvre, sera son refuge, qu'il peindra avec sympathie dans nombre de romans et de récits: il s'agit de la vieille Amérique sudiste ou anglomane, qui n'existe sans doute plus que dans chez quelques cœurs rebelles. Mohrt chante aussi la mer et sa Bretagne natale, pour laquelle il prit quelques risques: son roman La prison maritime (1961) narre les tribulations d'un jeune Breton mêlé à de mystérieux trafics d'armes. Il semble que Mohrt n'ait pas tout inventé dans ce livre: qui est ce jeune homme? Est-ce le preux Vissault de Coëtlogon? Voire le futur académicien? Cela le rendrait encore plus cher à notre cœur… et ferait de lui le deuxième académicien (le troisième avec le regretté Laurent) amateur d'émotions fortes.
Ecrivain solitaire, à la fois austère et libertin raffiné, Michel Mohrt, sudiste et chouan, incarne une rébellion racée dont nous pouvons nous inspirer. Il y aurait beaucoup à dire de cette œuvre singulière, résolument à contre-courant: prenons donc Vandromme comme cicérone et prions Michel Mohrt d'enrichir un œuvre trop rare (Patrick CANAVAN).
Pol VANDROMME, Michel Mohrt, romancier, Table ronde, 2000, 130 FF. Voir le dernier ouvrage paru de M. Mohrt: Tombeau de la Rouërie, Gallimard, 2000, 85 FF.
(*) Je pille ces informations dans la courageuse Histoire de la Collaboration de Dominique Venner (Pygmalion, 2000), un livre appelé à devenir un classique.
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mardi, 15 avril 2008
Hommage à Pierre Monnier
Hommage à Pierre Monnier,
par Marc Laudelout
Pierre Monnier est décédé le 27 mars 2006 à Nice, où il s’était retiré depuis plusieurs années. Il allait avoir 95 ans.
Tout célinien a dans sa bibliothèque Ferdinand furieux, ce bouquin épatant dans lequel il raconte dans quelles circonstances il rencontra Céline après la guerre et les relations qui se nouèrent entre eux. Il est difficile aujourd'hui d'imaginer à quel point l'écrivain était alors non seulement victime d'une conspiration du silence, mais considéré par nombre de ses pairs comme un écrivain fini, voire démodé.
Pierre Monnier m’a souvent dit que les amis de Céline demeurés fidèles se comptaient alors sur les doigts d’une seule main. Et de citer invariablement Marie Canavaggia, Arletty, Daragnès et André Pulicani. Dans ces années-là, Céline lui-même disait : «Autant de cloches à Montmartre que de potes qui m’ont renié». Monnier, qui n’avait pas 40 ans, se lança dans cette entreprise folle qu’est l’édition pour redonner à l’écrivain qu’il admirait l’occasion de se faire entendre à nouveau. Ce ne fut pas sans difficultés mais ce serait sans nul doute faire injure aux lecteurs de ce Bulletin que de rappeler plus avant ces faits bien connus d’eux.
En juin 1993, ce bulletin lui rendit hommage suite à un déjeuner-débat qui eut lieu à Bruxelles et dont il avait été l'invité d'honneur. J'écrivais ceci : «Les qualités du conférencier sont aussi celles de l’homme. Sincérité, lucidité, chaleur, générosité, enthousiasme : tels sont les mots qui se bousculent sous ma plume lorsqu’il me faut définir Pierre Monnier.» C'est bien ainsi qu'il m'est toujours apparu. Et c'est sans aucun doute cet amour de la vie qui transcendait toute sa personnalité. Pourtant les fées ne s'étaient pas penchées sur son berceau. Parlant de son père, officier de carrière mort au combat en 1915, il disait : «J’ai eu peu de temps pour l’aimer». Orphelin de guerre dès l’âge de quatre ans, il dut, adolescent, gagner sa vie tout en suivant des cours à l’École des Beaux-Arts. Rude apprentissage, comme on s’en doute, mais qui n’entama jamais le caractère volontaire de ce Breton féru de peinture, de littérature et de... politique. Dans ses livres de souvenirs, il a raconté son compagnonnage avec l’Action Française, puis cette étonnante aventure de L’Insurgé, éphémère hebdomadaire nationaliste et progressiste fondé en 1937 par Jean-Pierre Maxence et Thierry Maulnier, et dont il fut le secrétaire de rédaction. Il y tenait aussi une chronique sociale qui marquait la volonté de réconcilier syndicalisme et nationalisme. De 1940 à 1942, il participa à la création et au développement des «Centres d’apprentissage des jeunes», créés par Vichy en zone occupée. Après la guerre, il vécut, difficilement, de la peinture et des dessins de presse (notamment dans Aux Écoutes), puis de l'édition sous le nom de « Frédéric Chambriand», avant de faire une belle carrière à L'Oréal. Sa retraite fut très active puisqu'il écrivit pas moins de dix livres, dont deux sur Céline. Et il se voua aussi à l'amitié, ayant pendant de nombreuses années le bonheur d'avoir auprès de lui, dans sa ville d'adoption, ses amis Louis Nucéra et Alphonse Boudard. Une vie assurément variée et bien remplie.
Ceux qui l'ont connu garderont de lui un souvenir lumineux. C'était un homme attachant, loyal, fidèle à ses convictions et d'une humeur joyeusement roborative. Un être d'exception que nous n'oublierons pas. Il n'est que juste de saluer ici sa mémoire.
Marc Laudelout
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vendredi, 14 mars 2008
K. K. F. W. Lachmann, érudit latiniste
14 mars 1793: Naissance à Brunswick du philologue classique allemand Karl Konrad Friedrich Wilhelm Lachmann, auteur de commentaires sur le De Rerum Natura de Lucrèce, ouvrage pionnier et innovateur en érudition latine. Lachmann établira les règles de la métrique et de la prosodie de l’ancien et du moyen haut allemand médiéval. En 1829, il publie des éditions de la poésie de Catulle et de Tibulle. En 1847, il inaugure les études homériques, en publiant un ouvrage remarqué (bien que dépassé aujourd’hui) sur l’Iliade. Véritable héros des études sur la longue mémoire européenne, Lachmann a uni, en sa personne, le passé latin, grec et germanique de l’Europe.
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