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La "paix froide" entre les deux parties devient "glaciale"
Récemment, de nombreux rapports ont fait état d'une crise imminente dans les relations égypto-israéliennes. Les tensions ont commencé à faire surface alors que l'Égypte, selon des sources crédibles, mène des discussions secrètes avec l'Iran pour normaliser les relations entre les deux pays.
Il y a eu plusieurs indications de cette détérioration, bien que l'Égypte soit officiellement silencieuse sur la question.
- Les médias israéliens ont lancé des attaques féroces contre les autorités égyptiennes. La campagne la plus récente a eu lieu la semaine dernière, lorsque plusieurs médias, dont le journal Yisrael HaYom et le réseau de télévision officiel Channel 7, ont accusé Le Caire d'empêcher les citoyens et les hommes d'affaires égyptiens de se rendre en Israël (à l'exception des pèlerins coptes dans les églises de Jérusalem) et de harceler toute personne qui normalise les relations bilatérales ou qui soutient ou visite l'État occupant.
- Mercredi, l'Égypte a expulsé 11 pilotes israéliens pour avoir violé son espace aérien à bord de quatre avions légers, et les autorités ont refusé de leur fournir du carburant pour rentrer. Des rapports contradictoires ont été publiés sur les circonstances exactes, mais l'incident reste sans précédent.
- Le sommet des Nations unies sur le climat à Sharm el-Sheikh a connu une présence limitée de la presse israélienne. Le président israélien était présent, mais les chaînes de télévision israéliennes n'ont pas été autorisées à interviewer librement des citoyens égyptiens, sauf en de rares occasions, contrairement à ce qui s'est passé lors de la Coupe du monde au Qatar (la présence des médias israéliens sur place a été contre-productive car la plupart, sinon la totalité, des Arabes que leurs correspondants ont essayé d'interviewer, y compris des citoyens des pays normalisateurs, ont refusé de leur parler).
- Les visites non officielles au Caire de responsables de la sécurité israélienne, dont la plus récente est celle du directeur du Shin Bit, Ronen Bar, n'ont pas conduit à un dégel des relations.
- "Channel 7" a consacré l'émission à discuter du harcèlement des touristes israéliens se rendant à Sharm el-Sheikh ou dans d'autres stations touristiques. Certains ont déclaré que leurs caméras ou magnétoscopes avaient été confisqués par des agents de sécurité (afin qu'ils ne puissent pas utiliser les caméras pour les espionner), ce qui a entraîné des dommages à leurs voitures.
- Les journaux et sites Internet égyptiens ont accusé les autorités israéliennes d'organiser les attaques contre l'armée égyptienne, qui ont entraîné la mort de 10 soldats et de 10 militaires à Bir el-Abed, comme moyen de pression sur les dirigeants égyptiens.
- La participation du président Abdel Fattah al-Sisi à un sommet arabe en Algérie, qui a adopté des résolutions condamnant l'occupation israélienne, soutenant la réconciliation et la résistance palestiniennes, et mettant en garde contre les dangers de la normalisation. L'Algérie est considérée comme un membre de l'axe de la résistance. Elle s'est efforcée d'empêcher l'infiltration d'Israël en Afrique, notamment en bloquant sa demande de statut d'observateur au sein de l'Union africaine (UA).
Certains pourraient à juste titre affirmer que les relations égypto-israéliennes restent fortes et qu'il existe une coordination entre leurs armées dans le Sinaï. En apparence, cela peut sembler vrai, mais l'image derrière les coulisses est différente. Les stratèges israéliens continuent de considérer l'armée égyptienne comme une menace potentielle sérieuse et ont l'intention d'affaiblir le pays et ses forces armées après la destruction de l'armée irakienne.
La doctrine militaire égyptienne continue également d'affirmer qu'Israël représente la plus grande menace pour la sécurité nationale égyptienne et arabe.
Selon des sources internes, l'armée égyptienne est plus en colère contre Israël qu'elle ne l'a jamais été au cours des 40 années écoulées depuis la signature des accords de Camp David. Les militaires égyptiens ont été furieux lorsqu'il a été révélé que quelque 80 prisonniers de guerre égyptiens ont été brûlés vifs par des kidnappeurs israéliens dans la région de Latroun pendant la guerre de 1967. Sisi est également contrarié par l'incapacité d'Israël à honorer ses engagements à reconstruire la bande de Gaza et à libérer les prisonniers du Jihad islamique dont les arrestations ont déclenché la guerre de trois jours en mai dernier.
La "paix froide" d'Israël avec l'Égypte au cours des dernières années n'est pas seulement "plus froide" mais carrément "glacée" par rapport à ses liens avec certains des nouveaux États arabes normalisés. Quatre décennies après Camp David, son commerce annuel avec l'Égypte est encore de quelques centaines de millions de dollars, alors qu'avec les Émirats arabes unis (où vit une partie de la population égyptienne), il s'élève à 1,5 milliard de dollars et devrait tripler au cours des deux prochaines années.
J'en parle comme d'une preuve de la détérioration des relations égypto-israéliennes, non pas pour affirmer qu'elles devraient être complètement rompues d'un trait de plume. Je suis bien conscient de la situation économique désastreuse de l'Égypte, d'autant plus que les États du Golfe ont coupé une grande partie de leur soutien. Mais je soutiens que le moyen le plus rapide et le meilleur pour Le Caire de surmonter ces crises est de retrouver sa position de leader dans le monde arabe, de résister à l'occupation israélienne et de soutenir la résistance palestinienne légitime.
En choisissant cette voie, les dirigeants égyptiens trouveraient le soutien de l'ensemble du peuple égyptien et des peuples du monde arabe et musulman.
Le 1er novembre dernier, pour la cinquième fois en trois ans, les Israéliens ont désigné un nouveau parlement. En raison de l’étroite superficie d’Israël, le mode de scrutin pratiqué est la proportionnelle de liste nationale avec un seuil d’attribution de sièges à 3,25 %. Ces nouvelles législatives confirment l’éclatement du paysage politique.
Les travaillistes fondateurs de l’État hébreu n’obtiennent que 3,69 %, soit quatre sièges sur cent vingt. La gauche laïque, les formations israéliennes d’origine arabe et les nationalistes du Foyer juif réalisent des contre-performances. Le parti centriste, Yesh Atid, de l’actuel chef du gouvernement, l’ancien journaliste Yaïr Lapid, arrive en deuxième position (13,97 % et 17 sièges). La mouvance « nationale-centriste » déçoit. La coalition de l'unité nationale de Benny Gantz récolte quatorze sièges. Israël notre Maison du nationaliste laïque russophone Avigdor Liberman ne conserve que six élus. Ces trois formations formaient une alliance gouvernementale anti-Likoud avec des partis de gauche et même le mouvement islamiste israélien. La défection de deux députés de cette majorité précaire qui ne tenait qu’à une seule voix a provoqué ces élections anticipées.
Premier ministre de 1996 à 1999 et de 2009 à 2021, Benyamin « Bibi » Netanyahou gagne son pari et peut prétendre diriger Israël malgré le procès en cours contre lui pour corruption. Le « bloc des droites » autour du Likoud rassemble 64 élus parmi lesquels les partis clientélistes du Shas (religieux séfarades du Moyen-Orient) et du Judaïsme unifié de la Torah (religieux ashkénazes d’Europe centrale et orientale), dix-huit sièges au total. Il faut surtout prendre en compte les quatorze élus de l’entente ultra-nationaliste animée par Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir.
Âgé de 42 ans, Bezalel Smotrich (photo) dont la famille est originaire d’Ukraine préside le Parti sioniste religieux. Favorable au « Grand Israël (Eretz Israël) » et à la primauté des règles judaïques dans la vie publique, Smotrich ne cesse pas de dénoncer le wokisme occidental et l’idéologie gendériste. Son comparse est encore plus radical puisque le système médiatique d’occupation mentale le qualifie de « suprémaciste juif » !
Né en 1976, d’un père irakien et d’une mère kurde (il a existé une infime minorité kurde de confession juive), Itamar Ben Gvir (photo) dirige Force (ou Pouvoir ou Puissance) juive. Ses détracteurs le présentent en héritier spirituel du rabbin d’extrême droite Meir Kahane, fondateur et guide du mouvement Kach d’où procédera la sulfureuse Ligue de défense juive (LDJ). En 1984, le Kach entre au Parlement grâce à un positionnement anti-arabe assumé. Il préconise l’expulsion massive des Arabes d’Israël et des Palestiniens.
En 1990, l’historien Simon Epstein, futur auteur du Paradoxe français en 2005 qui bouleversa le récit historique officiel hexagonal sur la Collaboration et la Résistance, publiait Les chemises jaunes. Chronique d'une extrême droite raciste en Israël, une enquête plongeant dans les méandres de cette idéologie. Meir Kahane meurt assassiné à New York cette année-là. La Knesset interdit son mouvement et le range parmi les organisations terroristes.
Les propos haineux de Meir Kahane ont continué à se propager chez les colons et auprès des nouveaux arrivants. Par exemple, de nombreux Français naturalisés citoyens israéliens votent massivement pour Ben Gvir et Smotrich alors qu’ils s’indignaient récemment encore des progrès électoraux du FN – RN dans l’Hexagone. Incroyable schizophrénie politique...
Ben Gvir milite très tôt chez les ultra-nationalistes. Il salue l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin en 1995 et le massacre à Hébron perpétré par le colon extrémiste Baruch Goldstein en 1994. Sa radicalité contraint Tsahal à l’exempter de tout service militaire, un fait exceptionnel pour cette nation armée ! Avocat, il défend les colons avec qui il vit dans les enclaves avec ses six enfants. Ce redoutable tribun au style vestimentaire savamment débraillé et qui manie avec aisance la provocation rêve d’établir une théocratie juive en Israël.
Dès sa fondation en 1948, l’État hébreu est en effet confronté à une ambiguïté existentielle liée à sa définition d’« État juif et démocratique ». Faut-il comprendre que c’est une démocratie juive, un ensemble institutionnel juif qui accepte d’autres minorités ou bien que le judaïsme éclipse son caractère démocratique ? Le débat est loin d’être clos d’autant qu’émerge avec Ben Gvir et Smotrich une absence flagrante de filiation avec le sionisme révisionniste.
Promu par Vladimir Zeev Jabotinsky (1880 - 1940), le « Mussolini juif » selon David Ben Gourion, le sionisme révisionniste est un nationalisme juif radical qui inspire des organisations terroristes telles l’Irgoun de Menahem Begin, Premier ministre de 1977 à 1983, ou les très corporatistes völkischenLehi (Combattants pour la liberté d’Israël - symbole, ci-contre), aussi connus sous le nom de « Groupe Stern » avec Yitzhak Shamir, Premier ministre de 1983 à 1984 et de 1986 à 1992, ainsi que, plus indirectement, le Likoud. Le propre père de « Bibi » fut le secrétaire personnel de Jabotinsky. La Palestine sous mandat britannique a connu des expériences fasciste avec Brit Ha'birionim (ou « Alliance des sicaires ») et païenne canaanéenne. Rappelons par ailleurs que l’historien non-conformiste Jean-Claude Valla évoqua dans le n° 4 de ses Cahiers libres d’histoire le « pacte germano-sioniste » du 7 août 1933. Le sionisme révisionniste contribua à la naissance du nationalisme sioniste laïque. Israël notre Maison d’Avigdor Liberman s’inscrit en partie dans cette continuité. Ce n’est pas le cas pour le tandem Ben Gvir – Smotrich qui conçoit un « national-judaïsme » expansionniste. Pour eux, l’État d’Israël ne peut être que la patrie des seuls Juifs obéissant aux commandements bibliques et talmudiques.
Le succès électoral du Parti sioniste religieux indispose « Bibi » qui se méfie de ces « enragés » désormais incontournables dans sa majorité parlementaire. Ben Gvir et Smotrich réclament des ministères stratégiques. D’après de récentes rumeurs, Smotrich recevrait les Finances et Ben Gvir la Sécurité intérieure. Leur entrée au gouvernement risquerait toutefois d’irriter l’administration Biden, l’Union dite européenne ainsi que les États arabes signataires des Accords d’Abraham (Émirats arabes unis, Bahreïn, Soudan et Maroc), voire l’Arabie Saoudite. Conscient des enjeux diplomatiques actuels avec l’accès imminent par l’Iran au seuil nucléaire, le chef du Likoud préférerait négocier avec Yaïr Lapid et Benny Gantz qui lui opposent pour l’heure une fin de non-recevoir. On parle déjà de nouvelles élections législatives à brève échéance.
Observons en tout cas que le Système médiatique hexagonal a fait preuve d’une étonnante discrétion au sujet de la percée de l’ultra-droite sioniste religieuse. D’habitude prompt à hurler à l’avènement d’un micro-fascisme à Pitcairn ou dans un igloo du Groenland, son silence est éloquent. Où sont les manifestations, les tribunes libres indignées et les pétitions dénonciatrices ? Les belles âmes seraient-elles déjà en vacances ? Leur sotte vigilance pourrait-elle enfin s’émousser pour la circonstance ?
GF-T.
« Vigie d’un monde en ébullition », n° 53, mise en ligne le 29 novembre 2022 sur Radio Méridien Zéro.
Le 21 juin 2022, le Premier ministre israélien Naftali Bennett et son adjoint, le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid, ont annoncé leur décision de dissoudre la Knesset (parlement) et d'organiser des élections générales anticipées. Selon l'accord, Lapid prendrait le poste de premier ministre intérimaire et Bennett deviendrait le premier ministre alternatif en charge du dossier iranien.
Rappelons qu'Israël a connu de terribles troubles politiques ces dernières années, et que les nouvelles élections seront les cinquièmes en trois ans et demi.
Le 9 avril 2019, le parti Likoud du Premier ministre sortant Benjamin Netanyahu a remporté 35 des 120 sièges de la Knesset. Son principal rival, la coalition blanc-bleu dirigée par Benny Gantz et son partenaire Yair Lapid, a également remporté 35 sièges. Mais ni l'un ni l'autre ne sont parvenus à former un gouvernement, le parlement a donc été dissous et de nouvelles élections ont été programmées pour le 17 septembre de la même année.
Cette fois, l'alliance Bleu et Blanc dirigée par Gantz et Lapid a remporté 33 sièges, tandis que le Likoud en a obtenu 32. Une fois de plus, aucun des deux partis n'a été en mesure de former un gouvernement dans le temps nécessaire, la Knesset a donc été dissoute et de nouvelles élections ont été programmées pour mars 2020.
À cette occasion, le Likoud a remporté le plus grand nombre de sièges, 36, et les Bleu et Blanc ont obtenu 33 sièges, mais là encore, ils n'ont pas réussi à former un gouvernement. Netanyahu et Gantz ont convenu de former un gouvernement en relais. Mais il y a eu un désaccord entre Netanyahu et Gantz sur le budget qui n'a pas été adopté. La Knesset a été dissoute en décembre 2020.
Lors de la campagne électorale de mars 2021, le Likoud de Netanyahu a remporté le plus grand nombre de sièges (30), et l'alliance Blanche et Bleue, scellée auparavant entre Lapid et Gantz, s'est effondrée. Netanyahou ne parvenant toujours pas à former un gouvernement, un bloc bancal a été organisé entre huit partis unis par l'idée de chasser Netanyahou du pouvoir. Ainsi, le 13 juin de l'année dernière, un gouvernement de coalition a vu le jour.
Les partis ont convenu que le poste de premier ministre serait occupé à tour de rôle par Lapid, le leader du parti centriste Yesh Atid, et Bennett, le leader du parti de droite Yamina. Bennett est entré en fonction le premier, et Lapid devait lui succéder en septembre 2023. D'ici là, Lapid se contenterait de servir de chef de gouvernement temporaire pendant quelques mois.
Le bloc comprenait également Nouvel espoir (aile droite), dirigé par Gideon Saar ; Yisrael Beiteinu (un parti de droite nationaliste hostile aux Juifs religieux), dirigé par Avigdor Lieberman ; le Blanc et Bleu (centre), dirigé par Benny Gantz ; Labor (centre), dirigé par Merav Michaeli ; et Meretz (aile gauche), dirigé par Nitzan Horowitz ; et la Liste arabe unie, dirigée par Mansur Abbas.
Dans ce cas, la raison de l'effondrement était la vulnérabilité de la coalition qui ne disposait que de la moitié des sièges au parlement et dont les membres quittaient régulièrement l'alliance, motif pour lequel ils étaient qualifiés de traîtres. Lorsque le député de droite Nir Orbach a annoncé qu'il ne faisait "plus partie" du gouvernement, l'équilibre a finalement été rompu, avec seulement 59 sièges sur 120 restant sous le contrôle de la coalition.
La goutte d'eau qui a fait déborder le vase a été l'échec de la prolongation de la loi d'urgence du 7 juin, selon laquelle les colons juifs de Cisjordanie occupée sont considérés comme des Israéliens, avec les mêmes droits que tout le monde.
Le chef de l'Alliance politique sioniste religieuse, Betsalel Smotrich (photo), a également proposé une loi qui établirait la souveraineté israélienne sur la Cisjordanie occupée, une initiative qui a également divisé le gouvernement du Premier ministre Naftali Bennett.
Si le projet de loi de Smotrich avait été adopté, il aurait conduit à l'application des lois israéliennes en Cisjordanie, qui ferait alors officiellement partie d'Israël par annexion.
Mais Bennett a déclaré sans équivoque que son pays n'annexerait pas la Cisjordanie. En même temps, il a dit qu'il n'y aurait pas non plus de coopération avec l'Autorité palestinienne.
Maintenant, Benjamin Netanyahu va essayer de prendre sa revanche, même si c'est très probablement la dernière fois qu'il tente de devenir Premier ministre. Des rumeurs ont également circulé selon lesquelles Netanyahou espère apparemment transmettre l'État à son éventuel successeur. Pour que cela se produise, les bonnes conditions doivent être réunies, tant du point de vue de la sécurité que de l'économie. Or, la situation actuelle n'est clairement pas la meilleure en ce sens, en raison de l'inflation anticipée et d'une nouvelle crise économique mondiale. Le programme nucléaire de l'Iran et l'activité des proxies iraniens en Syrie et au Liban ajoutent également à l'anxiété de l'establishment israélien.
Alors que Netanyahou avait l'habitude de venir régulièrement demander du soutien à Moscou, maintenant, dans la nouvelle situation avec l'opération spéciale en Ukraine, il sera beaucoup plus difficile de le faire car la société israélienne elle-même est fortement polarisée sur cette question. De plus, le Kremlin a ouvertement protesté contre les récents bombardements israéliens sur le territoire syrien. Et le rapprochement entre la Russie et l'Iran, comme en témoigne la récente visite du ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov à Téhéran, où de nouveaux accords ont été conclus, n'est clairement pas dans l'intérêt d'Israël.
Malgré les accords abrahamiques signés avec Israël, un certain nombre de pays arabes préfèrent ne pas se précipiter dans la "normalisation" et commencent à adopter une position plus équilibrée et modérée. L'Arabie saoudite, par exemple, négocie avec l'Iran pour améliorer les liens bilatéraux et n'a pas suivi les États-Unis sur la production de pétrole et les sanctions anti-russes.
Bien que Washington tente d'inciter ses partenaires et d'engager tous les membres de l'accord abrahamique dans l'Alliance de défense aérienne du Moyen-Orient nouvellement créée. Israël l'a déjà officiellement rejoint, comme l'a récemment annoncé le ministre de la Défense Benny Gantz.
De toute évidence, le nouveau processus électoral sera difficile, et pas seulement pour Netanyahu. Il faudra d'une part trouver des réponses aux défis actuels tels qu'ils sont présentés par la société israélienne, et d'autre part essayer de ne pas aggraver le conflit contre l'Iran, la Syrie et le Liban, ce qui provoquera des réactions non seulement de ces pays mais aussi d'autres acteurs régionaux et bien sûr des acteurs majeurs, y compris les États-Unis, qui ne sont clairement pas prêts à ouvrir un nouveau front également contre l'Iran.
Cette situation nous rappelle la déclaration du premier Premier ministre israélien, David Ben-Gourion, qui a dit que leur État souffre d'une infériorité chronique. Il faisait référence à la démographie et au territoire qui, à son époque, était beaucoup plus petit. Cette infériorité était la raison du programme de rapatriement qu'Israël n'a épargné aucune dépense et aucun effort pour étendre par l'occupation de la Palestine. Mais la situation actuelle indique que cette infériorité chronique a persisté et est caractéristique du système politique israélien dans son ensemble. Si les dirigeants de cette entité politique avaient réfléchi de manière plus rationnelle, ils auraient compris qu'en niant l'existence d'un État palestinien, Israël se condamne à davantage d'instabilité et d'infériorité.
Les offensives militaires israëliennes successives contre Gaza et la Cisjordanie ont toujours été protégées par la "spirale du silence" des principaux médias mondiaux contrôlés par le lobby juif transnational, une théorie formulée par la politologue allemande Elisabeth Noelle-Neumann dans son livre The Spiral of Silence. Public Opinion: Our Social Skin (1977).
Cette thèse symboliserait "la formule de superposition cognitive qui établit la censure par une accumulation délibérée et étouffante de messages à un seul signe", ce qui produirait un processus en spirale ou une boucle de rétroaction positive et la manipulation conséquente de l'opinion publique mondiale par le lobby juif transnational (droit d'Israël à se défendre).
Cependant, le caractère inéquitable de la punition infligée aux Palestiniens de Gaza, avec près de 300 morts, des centaines de blessés et la destruction des infrastructures de base à Gaza, entraînerait une répudiation internationale contre Netanyahou et la chute de Bibi devant l'AIPAC. Après quoi, le gouvernement de coalition dirigé par le centriste Yair Lapid et le droitier Naftali Bennett (Coalition Arc-en-ciel) s'est cristallisé. Cela représente le déclin politique du dernier empereur israélien, Netanyahou, après 12 ans au pouvoir mais suivant l'endémisme atavique de tous les gouvernements israéliens, l'actuel gouvernement Bennett poursuit sa campagne systématique de colonies illégales, dont l'avant-dernier épisode serait l'annonce de la création des nouvelles colonies d'Asif et de Matar dans le but avoué de "doubler la population du plateau du Golan" après avoir reçu les bénédictions des deux administrations Trump et Biden et aurait signé des alliances avec les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite pour former une entente contre l'Iran, pour laquelle il utilisera une fois de plus la dictature invisible de la peur du troisième holocauste.
L'Iran, la "bête noire" d'Israël
En 1978, Zbigniew Brzezinski déclarait dans un discours : "Un arc de crise s'étend le long des rives de l'océan Indien, les structures sociales et politiques fragiles d'une région d'importance vitale pour nous menacent de se fragmenter. La Turquie et l'Iran, les deux États les plus puissants du flanc sud, sont potentiellement vulnérables aux conflits ethniques internes, et si l'un ou l'autre était déstabilisé, les problèmes de la région deviendraient incontrôlables", ébauche d'une théorie qu'il a fini par dessiner dans son livre The Grand Chessboard. American supremacy and its geostrategic imperatives (1997), considéré comme la bible géostratégique de la Maison Blanche ainsi que la table de chevet de générations successives de géostratèges et de politologues.
L'Iran a acquis une dimension de puissance régionale grâce à la politique erratique des États-Unis en Irak, (le résultat de la myopie politique de l'administration Bush obsédée par l'Axe du Mal) éliminant ses rivaux idéologiques, les talibans sunnites radicaux et Saddam Hussein avec le vide de pouvoir qui en résulte dans la région, pour lequel il a réaffirmé son droit inaliénable à la nucléarisation, mais après l'élection de Hasan Rowhani comme nouveau président élu de l'Iran, un nouveau scénario et une nouvelle opportunité se sont ouverts pour la résolution du différend nucléaire entre les États-Unis, Israël et l'Iran, car un éventuel blocus du détroit d'Ormuz (par lequel passe un tiers du trafic énergétique mondial) pourrait aggraver la récession économique mondiale et affaiblir profondément l'ensemble du système politique international, ce qui obligerait les États-Unis à reconsidérer le rôle de l'Iran en tant que puissance régionale et arbitre potentiel dans le différend syrien.
Toutefois, après l'approbation par le Congrès et le Sénat américains d'une déclaration préparée par le sénateur républicain Lindsey Graham et le démocrate Robert Menéndez, qui affirme catégoriquement que "si Israël est contraint de se défendre et d'agir (contre l'Iran), les États-Unis seront à vos côtés pour vous soutenir militairement et diplomatiquement", nous assisterions à une pression accrue du lobby pro-israélien américain (AIPAC) pour procéder à la déstabilisation de l'Iran par des méthodes rapides.
Ainsi, le Sénat américain a renouvelé à l'unanimité l'Iran Sanctions Act (ISA) jusqu'en 2026 et après que l'Iran ait lancé un nouveau missile balistique, Trump a augmenté les sanctions contre plusieurs entreprises iraniennes. liées aux missiles balistiques sans violer l'accord nucléaire signé entre le G+5 et l'Iran en 2015, connu sous le nom de Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA), un accord que l'administration Trump a abandonné.
Cet abandon a eu pour effet secondaire d'étrangler les exportations de pétrole brut de l'Iran et de le faire entrer dans l'orbite d'influence de la Chine, ainsi que d'augmenter son enrichissement d'uranium à 60 %, pour lequel Israël déplacerait ses pièces MOSSAD par le biais d'attaques médiatiques. et sélective pour déstabiliser le régime du Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei à l'époque. Israël scellerait alors des alliances avec les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite pour former une entente contre l'Iran. Ainsi, Bennett considère l'Iran comme "le plus grand exportateur de terreur et de violation des droits de l'homme dans le monde alors qu'il continue à enrichir de l'uranium et dangereusement proche d'obtenir une bombe nucléaire". Et selon un rapport du portail Veterans Today, "Israël transfère des armes de défense aérienne, de l'artillerie à longue portée, des hélicoptères et des avions de combat F-15 à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, en vue d'une guerre plus large contre l'Iran" (Operation Persia).
Biden et les élections de mi-mandat de 2022
La démocratie américaine est sui generis. Les Etats-Unis auraient comme pilier de leur système politique l'alternance successive au pouvoir des partis démocrate et républicain (tous deux engloutis par le lobby), avec Joe Biden comme nouvel outsider de l'AIPAC. Ainsi, la victoire surprise de Donald Trump sur Hillary Clinton a représenté Israël "perdant un ami précieux pour gagner un meilleur ami", Donald Trump, qui a établi le puzzle désarticulé du chaos qui s'est terminé par la victoire du candidat démocrate Joe Biden, qui a déclaré en 2007: "Je suis un sioniste. Il n'est pas nécessaire d'être juif pour être sioniste". Alors que les réserves stratégiques américaines n'ont jamais été aussi élevées et que l'industrie américaine du schiste ne parvient pas à décoller malgré la flambée des prix du pétrole, et qu'un défi croissant à l'hégémonie américaine est représenté par le géant chinois, cela pourrait obliger Joe Biden à utiliser une première attaque surprise d'Israël contre l'Iran pour déclencher une nouvelle guerre au Moyen-Orient avec le double objectif de drainer les sources d'énergie de la Chine et de diluer les stigmates de la division dans la société américaine.
L'attrition subie par Biden après le fiasco en Afghanistan, l'inflation galopante et l'entrée possible de l'économie en récession l'année prochaine après la guerre en Ukraine, pourraient conduire à une victoire républicaine aux élections de mi-mandat de 2022 qui anticiperait un retour triomphal de Trump aux élections présidentielles de 2024 et ce qui serait un paradigme de la récente victoire républicaine dans l'État de Virginie. Ainsi, après les fiascos de la Syrie, de la Libye et de l'Irak, l'Iran serait le nouvel appât du plan machiavélique esquissé par l'Alliance anglo-israëlienne en 1960 pour attirer à la fois la Russie et la Chine et provoquer un conflit régional majeur qui marquerait l'avenir de la zone dans les années à venir et qui serait un nouvel épisode local qui s'inscrirait dans le retour à l'endémie récurrente de la guerre froide américano-russe. Ce conflit pourrait impliquer les trois superpuissances (USA, Chine et Russie) comptant comme collaborateurs nécessaires les puissances régionales (Israël, Syrie, Egypte, Jordanie, Arabie Saoudite et Iran), couvrant l'espace géographique s'étendant de l'arc méditerranéen (Libye, Syrie et Liban) au Yémen et à la Somalie, avec l'Irak comme épicentre et rappelant la guerre du Vietnam avec Lyndon B. Johnson (1963-1969).
Rome, 26 Mar - Que la grave crise énergétique dépende de la dépendance déséquilibrée aux combustibles fossiles importés de quelques pays est désormais bien connu. Le fait qu'une grande partie du gaz importé en Italie, et en Europe, provienne de Russie est désormais un fait notoire. Le fait qu'en 1991, nous ayons extrait de notre territoire 20 milliards de m3 de gaz, qui seront réduits à un peu plus de 3 milliards en 2021, est également un fait connu. Tout comme la recette pour surmonter la crise est également bien connue : revenir à l'extraction du gaz, accélérer les énergies renouvelables, construire de nouvelles usines de regazéification, diversifier les sources d'approvisionnement, et pour ceux qui le savent et le peuvent, investir dans le nucléaire. Et participer à des projets de nouveaux gazoducs. Tout cela est logique, mais très complexe, comme le montre le cas du projet EastMed Poseidon.
EastMed Poséidon : de 2016 à 2020, allez, arrêtez et repartez
Le pipeline EastMed Poseidon, annoncé dès 2016, prévoit un pipeline terrestre de 600 km d'Israël à Chypre, puis un autre de 700 km jusqu'en Crète (où il pourrait y avoir de nouvelles découvertes par Exxon et Total déjà engagés dans des investigations), avant de se connecter à la Grèce continentale dans le Péloponnèse, puis à l'Italie, à Salento.
Appartenant à IGI Poseidon, une coentreprise entre la société grecque DEPA et Edison, et coûtant plus de 6 milliards de dollars, avec une capacité estimée à 11 milliards de mètres cubes (bcm) par an, avec un potentiel allant jusqu'à 20 bcm/an, le projet de pipeline EastMed-Poseidon, géré par l'italien Eni, le français Total et l'américain Chevron, serait le plus long jamais réalisé, mais aussi très coûteux. D'une longueur d'environ 1900 kilomètres, avec des pipelines posés jusqu'à 3000 mètres de profondeur dans la mer Méditerranée, le gazoduc vise à relier directement les champs de gaz de la Méditerranée orientale - les champs israéliens (Tamar et Léviathan), égyptiens (Zohr) et chypriotes (Calypso, Aphrodite) - à la Grèce continentale en passant par Chypre et la Crète, en se connectant aux gazoducs Poséidon et IGB (Interconnecteur Grèce-Bulgarie), pour transporter le gaz vers l'Italie et le réseau européen de gazoducs.
L'accord pour la construction du gazoduc a été signé le 2 janvier 2020 à Athènes par les dirigeants de la Grèce, de Chypre et d'Israël. Tous les pays impliqués dans le projet sont membres du East Mediterranean Gas Forum (EMGF), un forum parrainé par les États-Unis et l'UE et promu par Le Caire. Toujours en 2020, en raison de l'effondrement des prix des hydrocarbures pendant la pandémie de Covid-19, des réserves américaines et des problèmes géopolitiques liés aux tensions avec la Turquie, le projet a été temporairement mis en veilleuse.
2021 : aller, s'arrêter et repartir
En mars 2021, cependant, le projet d'EastMed a franchi une nouvelle étape : IGI Poseidon, le GRT israélien Israel Natural Gas Lines Company (INGL), qui avait déjà rejoint l'équipe en 2019, ont en effet signé un "addendum" supplémentaire au protocole d'accord de 2019, en vertu duquel les deux parties s'engagent à travailler conjointement à la conception et au développement de l'intégration du nouveau gazoduc avec le réseau gazier national d'Israël et avec les mêmes champs du bassin levantin d'où provient le gaz destiné à alimenter ce gazoduc, dont la phase de conception devrait être achevée au cours de l'année 2022. Le gazoduc EastMed, lit-on dans une note publiée par IGI Poseidon, complétera le réseau d'infrastructures énergétiques de la Méditerranée orientale en créant une nouvelle voie de transport de gaz naturel qui profitera à toute la région dans une perspective de relance post-Covid-19. "La coopération fructueuse entre IGI et INGL garantira aux ressources gazières de la région un accès stable au plus grand marché énergétique, l'Europe, grâce à un projet défini et mature, le projet de gazoduc EastMed."
En 2021 également, il y a un pas en arrière, du côté italien, avec le Pniec (le plan national pour l'énergie et le climat) : "Bien que le projet puisse permettre à partir de 2025 une diversification supplémentaire des itinéraires actuels, il ne représente pas une priorité étant donné que les scénarios de décarbonisation peuvent être mis en œuvre grâce aux infrastructures existantes et au PTA susmentionné". Le point d'atterrissage d'Eastmed se trouverait à Otranto, à 20 kilomètres au sud de la sortie d'un autre oléoduc, Tap, qui a commencé à fonctionner en 2020 au milieu d'une grande controverse. Le Pniec, également pour cette raison, semblait déterminer la fin du projet, également parce que le délai pour les travaux, prévu pour juin 2021, était maintenant largement dépassé. Et pourtant Poséidon a redémarré, avec l'arrêté du ministère de la Transition écologique du 26 mars 2021 : " Les délais de réalisation du projet de méthanoduc IGI Poséidon section Italie... sont prolongés comme suit : le délai de démarrage des travaux est reporté au 1er octobre 2023 et le délai d'achèvement des travaux est reporté au 1er octobre 2025 ". Le ministre Roberto Cingolani a donc décidé que le Poséidon était nécessaire et qu'il serait construit, accordant à la société de construction un délai supplémentaire de quatre ans pour le terminer.
Les objectifs turcs et le revirement américain
En janvier 2022, cependant, Washington a informé Athènes de ses réserves à l'égard de l'oléoduc EastMed, officiellement en raison de la faisabilité technique et économique du projet et de son impact environnemental. Des réserves qui, avant tout soutenues par des raisons en réalité géopolitiques, constituent un obstacle au développement du pipeline. Washington a alors invité les Européens impliqués dans le projet à le remplacer par des alternatives régionales telles que la construction de terminaux GNL pour l'exportation du gaz de schiste américain. Ainsi, alors que Trump avait parrainé le projet, la décision de l'administration Biden sur EastMed modifie la position américaine, également dans le but d'éliminer une tension majeure sur les routes du gaz entre les acteurs de la région méditerranéenne ; en particulier avec la Turquie, véritable nœud crucial du gazoduc EastMed et du pouvoir en Méditerranée.
Depuis son lancement, le projet Eastmed a exclu Ankara du rôle de plaque tournante du transit du gaz offshore méditerranéen au profit de la Grèce, et a renforcé le rôle de l'Égypte et d'Israël dans le système d'alimentation en gaz.
Cependant, juste au moment où le projet EastMed se développait, la Turquie a conclu un protocole d'accord pour la démarcation des frontières maritimes avec le gouvernement d'entente nationale (GNA) de l'époque à Tripoli en novembre 2019 et dans le cadre de la doctrine géopolitique de la "patrie bleue" basée sur la souveraineté maritime turque en Méditerranée. Les revendications de souveraineté maritime d'Ankara à la suite de l'accord avec Tripoli ont entraîné une exploration et un forage intenses pour le gaz par des navires turcs soutenus par des drones et des navires de guerre, qui ont également entravé les activités d'exploration d'Eni dans les eaux chypriotes sous licence du gouvernement de Nicosie. L'apogée de l'attitude dominante de la Turquie en matière de souveraineté en Méditerranée, et de contrôle de ses trésors, a eu lieu en juin 2020, lorsque la frégate française Courbet a été éclairée par le radar de ciblage d'un navire de guerre turc escortant un navire marchand à destination de la Libye.
Cependant, la guerre en cours en Ukraine et la nécessité de réduire drastiquement la dépendance au gaz russe - ainsi que de diversifier toutes les sources d'approvisionnement - rendent urgentes la conception et la mise en œuvre d'une politique énergétique résolument tournée vers la souveraineté nationale et continentale. Et ainsi, le projet EastMed est de nouveau sur les rails. Ainsi, les États-Unis reviennent (du moins semble-t-il) sur leurs choix de janvier, au point de déclarer avec Andrew Light, sous-secrétaire américain aux affaires étrangères au ministère de l'Énergie : "Après les derniers développements, nous allons jeter un nouveau regard sur tout...... Il ne s'agit pas seulement de la transition verte, mais aussi de la transition qui nous éloigne de la "Russie". Les États-Unis pourraient donc donner le feu vert à EastMed Poseidon. Un projet méditerranéen vaste et complexe, pour la sécurité énergétique européenne et italienne, semble donc avoir une souveraineté clairement limitée.
Les Israéliens n'ont pas la capacité ou les ressources nécessaires pour frapper plusieurs installations nucléaires iraniennes, mais les menaces de le faire continuent de croître.
Les responsables israéliens ont visiblement intensifié leurs menaces d'attaquer les installations nucléaires iraniennes au cours des derniers mois et ont même lancé des exercices provocateurs de l'armée de l'air israélienne visant à simuler des frappes contre les installations nucléaires iraniennes.
En réponse à l'escalade du langage et du comportement d'Israël, le Corps des gardiens de la révolution islamique d'Iran (IRGC) a organisé fin décembre son exercice militaire annuel, baptisé "Grand Prophète 17".
Le général de division Hossein Salami, commandant en chef du Corps des gardiens de la révolution islamique, a déclaré que l'exercice militaire visait à envoyer un "signal très clair" et un "avertissement sérieux et réel" à Tel Aviv.
"Nous leur couperons les mains s'ils font le mauvais geste", a-t-il déclaré sèchement. "La différence entre les opérations réelles et les exercices militaires réside uniquement dans le changement des angles de lancement des missiles."
Outre les avertissements du Corps des gardiens de la révolution islamique, il existe de nombreuses raisons de penser que les menaces d'Israël ne sont rien d'autre que de la rhétorique vide destinée à la consommation intérieure et extérieure. En bref, Tel Aviv pourrait en fait n'avoir ni les ressources nécessaires pour attaquer l'Iran ni la capacité de neutraliser les représailles assurées de Téhéran.
Les multiples contraintes d'Israël
La principale limite d'Israël pour mener à bien ces attaques découle de la multiplicité et de la dispersion des installations nucléaires iraniennes.
Contrairement à la destruction opérationnelle des installations nucléaires irakiennes par l'armée de l'air israélienne en 1981 (opération Opera) et à son attaque en 2007 contre une installation nucléaire présumée en Syrie (opération Out of the Box), où l'armée de l'air n'avait pour mission que de frapper un seul endroit - Bagdad et Deir ez-Zor -, Israël sera confronté à un paysage totalement différent en Iran.
L'Iran possède quatre types d'installations nucléaires, à savoir des réacteurs de recherche, des mines d'uranium, des installations militaires et nucléaires. Au total, il existe plus de 10 sites nucléaires connus, dispersés du nord au sud du pays.
Par exemple, la distance terrestre entre la mine d'uranium de Gachin, dans la ville de Bandar Abbas, au sud de l'Iran, et le réacteur de recherche de Bonab, au nord-ouest, est d'environ 1800 kilomètres (1118 miles). Attaquer un tel nombre de sites nucléaires à partir de longues distances nécessiterait une coordination extraordinaire et des opérations complexes pour s'assurer que tous les sites soient frappés simultanément.
En outre, l'Iran a fortement investi dans sa défense aérienne au cours des dernières décennies, qui couvre désormais plus de 3600 sites et est capable de localiser des missiles sol-air.
Il convient de noter que l'Iran affirme être autosuffisant dans la production de ses missiles, de sorte qu'il peut produire et disperser ses missiles sans interruption, malgré les sanctions internationales. Le missile Bavar-373, une version locale du système russe S-300, en fait partie.
Le Bavar-373 peut engager jusqu'à six cibles simultanément avec douze missiles jusqu'à une distance de 250 km. Plusieurs missiles peuvent être tirés sur une même cible pour augmenter la probabilité d'engagement.
Avec cet arsenal défensif puissant et combiné, la probabilité que l'Iran suive et détruise les avions de guerre israéliens est élevée.
Une autre limite pour Israël est que certaines des installations nucléaires iraniennes sont souterraines. Les installations nucléaires, telles que l'usine d'enrichissement du combustible de Fordow, où l'uranium est enrichi à plus de 20 %, sont construites à 80 mètres (260 pieds) de profondeur dans une montagne. Israël ne dispose pas de bombardiers spécialisés capables de détruire des installations situées en profondeur.
Bien que les États-Unis disposent des puissantes munitions anti-bunker nécessaires pour atteindre de telles cibles - le GBU-57 Massive Ordnance Projectile (MOP) de 13.600 kilogrammes (30.000 livres) - Washington a jusqu'à présent refusé de les fournir à Tel Aviv.
En tout état de cause, la vente de tels MOP incroyablement lourds à Israël n'aurait aucun sens, car l'armée de l'air israélienne ne dispose ni des avions capables de les transporter, ni de l'infrastructure d'aérodrome nécessaire au soutien de ces appareils.
En outre, la vente de certains types de SS est interdite par le traité New START, également connu sous le nom de "Mesures pour la poursuite de la réduction et de la limitation des armements stratégiques offensifs", conclu entre les États-Unis et la Russie.
Affronter l'Iran et ses alliés
Contrairement aux frappes aériennes israéliennes en Syrie et en Irak, qui sont restées sans réponse, Tel-Aviv est bien conscient que la réponse de l'Iran sera dure et décisive. Les capacités militaires nationales de l'Iran dépassent de loin celles de ses voisins et, au cours des quarante dernières années, l'Iran a noué des relations solides avec des alliés en Irak, en Syrie, en Palestine, au Liban et au Yémen, qui ont exprimé leur volonté de défendre l'Iran en cas d'attaque par un adversaire commun.
En avril 2021, un missile syrien a pu traverser le système antimissile israélien Dôme de fer et exploser près du réacteur nucléaire secret du pays à Dimona. Ces actions pourraient être répétées par des alliés tels que le Hezbollah, le Hamas et les groupes pro-iraniens en Syrie et en Irak en cas d'attaque contre les installations nucléaires de l'Iran.
Pour frapper l'Iran, les Israéliens devraient traverser l'espace aérien de pays "inamicaux" en Syrie et en Irak. Même les États arabes de la péninsule arabique ne sont pas susceptibles d'autoriser les avions de guerre israéliens à utiliser leur territoire pour attaquer l'Iran, par crainte de représailles iraniennes.
Le souvenir des frappes de missiles ponctuelles du Yémen sur les installations pétrolières d'Aramco en septembre 2019, attribuées à tort à l'Iran plutôt qu'au Yémen, a convaincu les pays du Golfe qu'il fallait à tout prix éviter un prétexte pour des frappes de représailles iraniennes.
La Russie pourrait également s'y opposer, car si Israël attaque l'Iran, les actions des mandataires iraniens à l'intérieur de la Syrie pourraient déclencher une nouvelle crise dans l'équilibre politico-militaire du pays.
Le président russe Vladimir Poutine, qui a dépensé des millions de dollars pour stabiliser la Syrie, ne veut pas que la Syrie soit à nouveau sens dessus dessous. Et compte tenu de l'influence de la Russie au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, Israël ne voudra pas se confronter à Moscou.
Face à la communauté internationale
Les États-Unis et l'Europe négocient actuellement à Vienne avec l'Iran pour rouvrir l'accord nucléaire du Plan global d'action conjoint (JCPOA) de 2015, qui a été abandonné par la précédente administration américaine. Le président américain Joe Biden cherche à conclure rapidement un "bon accord nucléaire" avec l'Iran, en partie pour aliéner Téhéran de ses alliés stratégiques de Moscou et de Pékin, les deux principaux adversaires mondiaux de Washington.
Si Israël attaque l'Iran, Téhéran pourrait se retirer des pourparlers et, en représailles, augmenterait probablement son niveau d'enrichissement de l'uranium de 60 % à plus de 90 % (convenant à une bombe nucléaire). Biden a besoin d'une Asie de l'Ouest pacifiée pour pouvoir sortir facilement des divers bourbiers de la région et "virer à l'Est" pour contenir la Chine et encercler la Russie, deux de ses priorités stratégiques les plus urgentes.
Selon Foreign Policy, les États-Unis ont longtemps résisté aux attaques contre les centrales nucléaires iraniennes, comme le souligne l'autobiographie de l'ancien ministre israélien de la défense Ehud Barak, My Country, My Life.
"Je tiens à vous dire à tous les deux maintenant, en tant que président, que nous sommes catégoriquement opposés à toute action de votre part visant à lancer une attaque contre les centrales nucléaires [iraniennes]", a déclaré le président américain de l'époque, George W. Bush, à Barak, au premier ministre de l'époque, Ehud Olmert, en 2008. "Encore une fois, pour éviter tout malentendu, nous attendons que vous ne le fassiez pas. Et nous ne le ferons pas non plus, tant que je serai président. Je voulais que ce soit clair."
L'approche actuelle de l'administration Biden consiste à ramener le programme nucléaire iranien aux frontières de 2015 sans guerre ni recours à la force.
Dans un article paru en octobre 2021, Dennis Ross, assistant spécial de l'ancien président américain Barack Obama et directeur principal pour la région centrale au Conseil national de sécurité, a écrit :
"Bien qu'ils rejettent la justification iranienne des actions qui poussent l'Iran vers les armes nucléaires, les responsables de l'administration Biden ont dit aux Israéliens, comme je l'ai appris récemment en Israël, qu'il y avait 'une bonne pression et une mauvaise pression' sur l'Iran - citant le sabotage de Natanz et de Karaj comme le 'mauvais' exemple parce que les Iraniens ont utilisé cette affaire pour enrichir l'uranium à des niveaux proches de ceux des armes."
Les commentaires de Dennis Ross montrent qu'à ce stade, les Américains ne cherchaient pas à attaquer ni même à saboter les installations nucléaires iraniennes, mais étaient déterminés à empêcher les Israéliens d'attaquer l'Iran.
Il devient évident que les menaces israéliennes à l'égard des capacités nucléaires de l'Iran sont largement destinées à la consommation intérieure - et peut-être aussi à maintenir la pertinence d'Israël face aux changements géopolitiques rapides qui se produisent en Asie occidentale.
L'actuel Premier ministre israélien Naftali Bennett doit actuellement faire face aux critiques incessantes de l'ancien Premier ministre Binyamin Netanyahou et de ses rivaux politiques, ainsi qu'à des déficits intérieurs dans le sillage de la crise de la pandémie. Attaquer un pays étranger - ou Gaza - est le principal moyen pour Israël de détourner l'attention de l'opinion publique de ses problèmes intérieurs.
Les discussions sur les frappes aériennes israéliennes contre l'Iran ne sont rien d'autre que de la rhétorique vide, malgré les menaces verbales répétées des responsables israéliens. Pour l'instant, Israël n'a ni le pouvoir ni les moyens d'attaquer l'Iran et ne peut agir unilatéralement contre la politique américaine.
La confrontation en matière d'espionnage entre Israël et l'Iran est l'une des batailles de renseignement les plus spectaculaires depuis la fin de la guerre froide.
Le début de l'année 2022 a vu un important scandale d'espionnage en Israël. Les services de renseignement du pays ont arrêté quatre femmes et un homme accusés d'espionnage pour le compte de l'Iran. Selon les responsables des services de renseignement israéliens, ils ont tous été recrutés via les médias sociaux par un homme qui se faisait appeler "Ramboud Namdar". Le porte-parole iranien a communiqué avec ses agents via Facebook et WhatsApp.
La résidente de Holon, arrêtée, âgée de 40 ans, était en correspondance avec Namdar depuis quatre ans. Pendant cette période, elle a envoyé à son correspondant des photos de l'ambassade des États-Unis et du centre commercial local, ainsi que des détails sur les mesures de sécurité en place. Bien que la femme soupçonne Namdar d'espionnage, elle n'a pas cessé sa correspondance avec lui.
Une autre espionne, une habitante de Beit Shemesh, âgée de 57 ans, a photographié le nouveau bâtiment de l'ambassade américaine à Jérusalem et a également persuadé son fils de rejoindre une unité militaire d'élite secrète, après quoi elle a donné aux Iraniens des photos de sa carte d'identité militaire et de son médaillon de soldat. Elle a été payée 5000 $ pour ces services.
Le réseau de Rambouda Namdar comprenait deux autres femmes, une résidente de 47 ans de Kfar Saba et une résidente de 50 ans de Jérusalem. Les médias israéliens ont jusqu'à présent gardé le silence sur l'étendue de leurs activités d'espionnage.
Yossi Melman, chroniqueur pour le journal israélien HaAretz, note que bien que la plupart des personnes arrêtées soient des "petits poissons", l'incident en lui-même est troublant.
Tout d'abord, l'histoire de Ramboud Namdar a montré que des Israéliens coopèrent facilement avec les services de renseignement iraniens, même pour une très faible récompense en argent liquide. Deuxièmement, les services de renseignement iraniens sont prêts à planifier des opérations complexes et pluriannuelles visant à infiltrer la société israélienne. Troisièmement, il n'y a pas lieu d'ironiser sur les missions confiées aux agents. Obtenir des photos d'une ambassade, d'un supermarché ou d'un bâtiment de l'Institut national d'assurance peut être possible grâce à Google, mais la réalisation de telles "missions vierges" permet de tester l'aptitude des nouveaux agents à accomplir des tâches. Après un certain temps, les tâches simples peuvent être remplacées par des tâches plus complexes. L'agence de contre-espionnage israélienne "Shabak" affirme que les Iraniens prévoyaient de créer une organisation de descendants juifs d'Iran, et cherchaient également à les relier à Kathy Shitrit, membre de la Knesset.
Ce dernier scandale est loin d'être la première histoire impliquant des tentatives des services de renseignement iraniens d'accéder à des secrets de l'État sioniste. En novembre 2021, la police israélienne et le service de sécurité interne Shabak ont arrêté Omri Goren, qui travaillait comme homme de ménage dans la maison du ministre de la Défense Beni Gantz. Goren avait contacté de manière proactive les services de renseignement iraniens via les médias sociaux et leur avait proposé sa coopération. Comme preuve de son sérieux, le concierge-espion a envoyé aux Iraniens des photographies de pièces de la maison du ministre, y compris un cliché de l'ordinateur de Gantz, et sa volonté d'installer un logiciel espion sur l'ordinateur du ministre.
En 1995, un Israélien d'origine iranienne, Herzl Rudd, s'est présenté au consulat d'Iran à Istanbul et a exprimé sa volonté de travailler contre Israël. Rudd a été transféré en Iran, où il a donné des détails sur sa vie en Israël et son service militaire. Après sa formation, Rudd a rejoint les services de renseignement iraniens et a été envoyé en Israël pour une mission d'infiltration des bases militaires des FDI. Pour cela, on lui a promis une récompense de 10.000 dollars. Finalement, Hertzel Rudd a été arrêté par les Israéliens (probablement avec l'aide des services de renseignement turcs) et condamné à trois ans de prison.
Toutefois, les services de renseignement iraniens ont obtenu des résultats plus importants. En 2012, elle a recruté l'ancien ministre israélien et membre de la Knesset Gonen Segev (photo, ci-dessus). Ce digne politicien avait été condamné à une peine de prison en 2005 pour trafic de drogue. En 2018, il a été enlevé par les services de renseignement israéliens en Guinée équatoriale. L'enquête a révélé que M. Segev était relié à Téhéran et restait ensuite en contact avec son supérieur hiérarchique iranien par le biais d'un canal de communication codé. L'ancien ministre a pu transmettre aux Iraniens des informations sur les bases militaires, les sites stratégiques et les hauts responsables du gouvernement et de la sécurité. Segev a également aidé les Iraniens à identifier les Israéliens occupant des postes à responsabilité. Il a présenté les agents iraniens comme des partenaires commerciaux et des hommes d'affaires étrangers.
Aujourd'hui, Gonen Segev purge une peine de 11 ans de prison. Nahum Manbar, un homme d'affaires qui a vendu des matériaux et des préparations pour la production d'armes chimiques à la République islamique, est également détenu dans une prison israélienne.
L'Iran mène des activités de renseignement contre Israël depuis plus de 30 ans. Les agences de renseignement de Téhéran utilisent activement les Juifs iraniens qui ont émigré en Israël à cette fin. Beaucoup de ces personnes se rendent souvent dans leur pays d'origine, de manière illégale, pour rencontrer leur famille et leurs amis. Tant les Iraniens que les Israéliens ferment les yeux sur ces visites, mais tentent d'utiliser les Juifs iraniens à leurs propres fins.
L'une des bases des services de renseignement iraniens travaillant contre Israël se trouve en Turquie. Des agents des services de renseignement iraniens travaillent à Istanbul et à Ankara. Les Iraniens utilisent également les connexions du Hamas pour recruter des Arabes israéliens. Une unité du ministère iranien du renseignement et de la défense (MOIS) est chargée de contrer Tel Aviv. Les méthodes des services secrets iraniens comprennent la cyberguerre, les activités sur les médias sociaux et le contact humain direct. Les Iraniens cherchent à obtenir des informations sur les cibles militaires et stratégiques susceptibles d'être attaquées, ainsi que des informations sur les politiciens et le personnel militaire israéliens susceptibles d'être recrutés, enlevés ou éliminés.
La principale cible des cyberattaques iraniennes est constituée par les entreprises privées, dont les défenses sont très inférieures à celles des institutions gouvernementales. Les experts israéliens définissent les cyberdéfenses des entreprises comme le "ventre mou" des systèmes de sécurité israéliens. L'objectif des cyberattaques iraniennes est d'infliger des dommages matériels, de faire pression sur l'opinion publique et de "riposter" après les actes de cyberterrorisme israéliens.
Selon l'ancien général israélien Yaakov Amidror, l'Iran cherche à entourer Israël de positions pour lancer des missiles et des drones capables de frapper des cibles stratégiques à l'intérieur de l'État sioniste. Dans ce cas, la tâche des services de renseignements iraniens est d'identifier les cibles de ces armes.
Cependant, les agences de renseignement israéliennes ne sont pas non plus en reste. Comme l'a déclaré l'année dernière l'ancien ministre iranien du renseignement Ali Yunesi, des agents israéliens ont infiltré de nombreuses institutions de la République islamique - et aucun responsable gouvernemental ne peut se sentir en sécurité. M. Yunesi a imputé aux services de renseignement iraniens la responsabilité des succès israéliens sur les "institutions de sécurité parallèles" de l'Iran qui, au lieu d'attraper les espions, perturbent les citoyens ordinaires. L'ancien président Mahmoud Ahmadinejad est d'accord avec lui : "Ce gang corrompu devrait révéler son rôle dans l'assassinat de scientifiques nucléaires et le bombardement de l'usine d'enrichissement d'uranium de Natanz. Ils ont volé des documents importants de Torkuzabad et de l'Agence spatiale iranienne. Ce n'est pas une blague ! Des documents extrêmement importants ont été volés et la sécurité du pays a été compromise !".
La profondeur de l'infiltration israélienne en Iran a également été confirmée par l'ancien chef du Mossad, Yossi Cohen, dans une interview accordée aux médias israéliens en 2021. Il affirme qu'en 2018, des agents de Tel Aviv ont infiltré les archives iraniennes et ont volé des dizaines de milliers de documents liés au programme nucléaire de Téhéran. Selon Cohen, 20 agents du Mossad qui n'étaient pas des ressortissants israéliens ont participé à l'opération. Il existe également des preuves indirectes de l'implication d'Israël dans l'attaque de Natanz, l'installation d'enrichissement de l'uranium, et l'assassinat du physicien nucléaire Mohsen Fakhrizadeh. "Si cet homme est une figure qui représente un danger pour les citoyens d'Israël, il doit cesser d'exister", a déclaré Cohen.
À propos de l'attaque de Natanz, les responsables israéliens affirment avoir réussi à recruter dix scientifiques iraniens qui avaient accès au coffre-fort. On leur a dit qu'ils allaient travailler pour les dissidents. Selon une source israélienne, "ils avaient tous des motivations différentes, le Mossad a découvert ce qu'ils voulaient vraiment dans leur vie et le leur a offert. Il y avait un cercle interne d'universitaires qui en savait plus sur l'opération et un cercle externe qui facilitait mais avait moins d'informations".
Outre les incidents susmentionnés, des dizaines d'attaques ont été menées contre les infrastructures iraniennes tout au long de la période 2020-2021. Les plus importants ont été le bombardement de l'usine Sepahan Boresh dans la ville de Baqershar, l'incendie de l'usine pétrochimique Shahid Todgooyan, le bombardement du chantier naval de Bushehr, etc. Tout au long de l'année 2021, des pétroliers iraniens transportant du pétrole vers le Liban et la Syrie ont été attaqués.
Si une part importante de ces incidents semble être le résultat de cyberattaques, les experts notent que leur fort impact n'aurait pu être atteint sans un réseau d'agents opérant en dehors du territoire iranien. Là encore, les agents pourraient être des Juifs iraniens qui se sont installés en Israël ou des exilés iraniens.
Outre la collecte de renseignements, comme le montrent les faits ci-dessus, une grande partie de l'effort des services de renseignement israéliens sur le territoire de l'Iran se limite à des activités purement terroristes visant à saper le potentiel militaire, scientifique et économique de la République islamique.
L'un des objectifs de cette activité est de perturber les éventuels accords entre l'Occident et Téhéran, le fameux "accord nucléaire". Le Premier ministre israélien Naftali Bennett, s'exprimant lors d'une réunion de l'état-major de Tsahal, a déclaré que la mission principale de Tel-Aviv était de causer de sérieux dommages à la République islamique ainsi qu'à ses alliés, le Hezbollah et le Hamas, rapporte le site Mideast Monitor. Le dirigeant israélien a également déclaré que si des accords étaient conclus lors des pourparlers de Vienne entre l'Occident et l'Iran, Israël n'avait pas l'intention de s'y conformer et conservait sa liberté d'action.
L'impasse en matière d'espionnage entre Israël et l'Iran est l'une des batailles de renseignement les plus spectaculaires depuis la fin de la guerre froide. Sans surprise, le sujet a déjà trouvé un écho dans l'industrie cinématographique. En 2014, des cinéastes iraniens ont réalisé un film, Fox, sur l'espionnage nucléaire israélien en Iran. En 2020, la première saison de la série télévisée israélienne Téhéran est sortie, centrée sur les tentatives des hackers israéliens et de leurs agents locaux d'infiltrer les installations secrètes de l'Iran.
Bibliographie
(1) Yossi Milman, "Ne minimisez pas la gravité de l'affaire d'espionnage iranien, c'est ainsi que fonctionne l'espionnage" (en hébreu), HaAretz, 13.01.2022, https://www.haaretz.co.il/blogs/yossimelman/BLOG-1.10535402?utm_source=Push_Notification&utm_medium=web_push&utm_campaign=General&fbclid=IwAR0-pdS4aqEjJcApjEYsdcTngo7tmAc4dGBsw5YU6nfoGKrWfeT67EHszz8.
(2) "Le concierge de la maison du ministre de la Défense israélien est soupçonné d'espionner pour l'Iran", RIA, 18.11.2021, https://ria.ru/20211118/izrail-1759649784.html.
(3) Ami Rokhas, " 'Shabak' a exposé le réseau d'espionnage iranien composé de citoyens israéliens juifs ", ISRAELDEFENCE, 12.01.2022, https://www.israeldefense.co.il/node/53317.
(4) Subbotin I., "Les services de renseignement israéliens ont pris racine en Iran", Nezavisimaya Gazeta, 04.07.2021, https://www.ng.ru/world/2021-07-04/2_8189_iran.html.
(5) Israel ex-top spy reveals Mossad operations against Iran, BBC, 11.06.2021, https://www.bbc.com/news/world-middle-east-57440430
(6) Exiting Mossad boss urges expansion of activity against Iran, Time of Israel, 31.05. 2021, https://www.timesofisrael.com/exiting-mossad-boss-urges-expansion-of-activity-against-iran/
(7) Яков Амидрор, «Иран как военно-политический вызов для Израиля» (ивр.), «Ба-Махане», https://www.idf.il/
(8) Boaz Dolev, "Iranian Cyber Attacks Against Israel" (Heb), Institute for Strategic Security Studies, 02.01.2022, https://www.inss.org.il/he/publication/cyber-iran/.
(9) Jake Wallis Simons, "Drones, bombes, espions - inside Israel's cunning plan to stop Iran's nukes", New-York Post, 06.12.2021, https://nypost.com/2021/12/06/drones-bombs-spies-inside-israels-cunning-plan-to-stop-irans-nukes/.
La nouvelle année fait ressurgir de vieux conflits. Avec la nouvelle année qui commence, la politique internationale doit s'accommoder des modèles politiques et militaires hérités de 2021. Au cours des 12 prochains mois, il y aura au moins dix situations très chaudes à surveiller. Pas seulement des guerres au sens strict du terme, mais aussi des confrontations plus ou moins directes concernant la domination d'une certaine zone ou des questions de sécurité nationale. Voici les principaux conflits que le monde de 2022 devra observer.
1. Tensions entre les États-Unis et la Chine
Le principal bras de fer de l'année qui vient de commencer pourrait une fois de plus opposer Washington et Pékin. Il existe de nombreux nœuds dans les relations entre les deux puissances. Le principal défi, pour l'instant plus politique que militaire, se situe dans le Pacifique. 2021 est l'année de l'accord Aukus entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie. Un pacte dont l'intention évidente est de créer une alliance capable de dissuader les visées chinoises dans la région. L'année 2022 pourrait amener le point culminant de l'affrontement directement à Taïwan, où la présence de troupes américaines a déjà été signalée ces derniers mois et où, de leur côté, les Chinois ont effectué de nombreuses manœuvres de survol de l'espace aérien. Taïwan, l'île revendiquée par Pékin, est également un carrefour économique important. Elle produit la plus grande part des puces sur le marché international, et à une époque comme la nôtre, marquée par une pénurie de puces et de semi-conducteurs, l'influence de l'île est utile à toutes les grandes puissances du secteur.
2. L'Ukraine et la guerre du Donbass
Pour les mois à venir, il est très important de surveiller ce qui se passera dans le Donbass, la région pro-russe de l'est de l'Ukraine qui est en guerre avec le gouvernement de Kiev depuis 2014. L'année qui vient de s'achever a été marquée par une nette escalade. L'armée ukrainienne a capturé un certain nombre d'emplacements dans les zones tampons établies dans le cadre des accords de Minsk de 2014. De son côté, Moscou a donné le feu vert au déploiement de centaines de troupes le long de la frontière. En décembre, après un appel téléphonique entre le président russe Vladimir Poutine et le président américain Joe Biden, une phase de détente a débuté. Cependant, la possibilité d'un conflit direct entre Moscou et Kiev reste très forte. Les intérêts en jeu sont multiples. L'éventuelle entrée de l'Ukraine dans l'OTAN, et donc la possibilité d'une expansion malvenue de l'Alliance atlantique vers l'est, est le premier spectre qui plane sur le conflit. L'impression, indépendamment de la recrudescence des combats, est que le bras de fer entre les parties est destiné à durer encore longtemps.
3. L'Afghanistan et le retour du terrorisme
En 2021, mis à part Covid, l'événement le plus marquant a été l'entrée des talibans à Kaboul et le retrait américain d'Afghanistan. En août, après exactement 20 ans, les étudiants coraniques ont repris le pouvoir. De cette façon, le groupe fondamentaliste a effectivement gagné une guerre qui a commencé immédiatement après le 11 septembre 2001. Cependant, le conflit afghan n'est pas terminé. Bien que les Talibans soient de nouveau au pouvoir, ils sont confrontés à un certain nombre de problèmes qui pourraient déstabiliser le pays dans les mois à venir. À commencer par une crise économique générée par le gel des réserves de change de l'ancien gouvernement afghan, une circonstance qui empêche le mouvement de relancer le commerce et de payer les salaires. Ensuite, il y a la question de la présence d'Isis. La cellule afghane du groupe a déjà organisé plusieurs attaques depuis le mois d'août et toute détérioration de la sécurité est susceptible d'affaiblir davantage les talibans. Le blocus économique et l'alerte terroriste sont deux éléments susceptibles d'accélérer une éventuelle déstabilisation de l'Afghanistan.
4. Kazakhstan et Asie centrale
La crise kazakhe représente peut-être le seul véritable front ouvert en cette nouvelle année. En réalité, les causes des émeutes qui ont débuté le 4 janvier dans ce pays d'Asie centrale remontent aux années précédentes. La violence des protestations et le ton général d'émeute observé à Almaty, la plus grande ville et ancienne capitale, ont pris les autorités par surprise. La réponse du gouvernement pourrait d'une part ramener la situation à la normale, mais d'autre part, elle pourrait conduire à un affrontement encore plus violent entre les autorités elles-mêmes et les groupes rebelles. Ces derniers, grâce aussi au pillage des casernes et des postes de police, disposent d'armes et de munitions. Toute instabilité au Kazakhstan aurait des répercussions importantes pour plusieurs raisons. Premièrement, il s'agirait d'une nouvelle épine dans le pied de la Russie dans l'ancien espace soviétique. Deuxièmement, elle pourrait également attirer une déstabilisation supplémentaire dans les pays voisins. La zone de l'Asie centrale, il est bon de le rappeler, est stratégique et délicate, également du point de vue géographique, dans la perspective de la confrontation entre les États-Unis d'un côté et la Russie et la Chine de l'autre.
5. Instabilité en Libye
2021 était censé être une année électorale en Libye. Cependant, les consultations n'ont pas eu lieu et l'échec du processus électoral pourrait être le prologue à une nouvelle phase d'instabilité. Malgré les ambitions de l'ONU d'organiser des élections présidentielles, le pays d'Afrique du Nord reste très fragmenté, tant sur le plan politique que militaire. Depuis mars dernier, il existe un gouvernement d'unité nationale, mais dans le même temps, la configuration institutionnelle actuelle n'est pas claire et le contrôle réel du territoire est confié à des milices de toutes sortes. En outre, les mercenaires étrangers sont encore très présents en Libye, notamment ceux liés à la Turquie à l'ouest et à la Russie à l'est. Plus de dix ans après la mort de Mouammar Kadhafi, le pays n'a pas retrouvé sa stabilité et la possibilité d'une reprise de la guerre à grande échelle n'est pas si éloignée. Compte tenu de l'importance stratégique de la Libye, le conflit au sein de ce pays est l'un des plus importants à surveiller en 2022.
6. La guerre au Tigré, en Éthiopie
Parmi les fronts les plus chauds, c'est peut-être celui que la communauté internationale a le moins abordé. Pourtant, il y a une guerre, qui entre fin 2020 et 2021 a fait des milliers de morts et fait trembler Addis-Abeba. Le conflit en Éthiopie, qui oppose les forces gouvernementales à celles liées aux Tigréens du TPLF dans la région septentrionale du Tigré, a généré de l'instabilité dans la plus grande économie de la Corne de l'Afrique et provoqué un changement politique dans le pays le plus important de la région. En particulier, depuis que la guerre est entrée dans sa phase la plus délicate, le gouvernement éthiopien s'est appuyé sur la Chine et la Turquie et a ainsi diversifié ses alliances après des années de proximité avec les États-Unis. Depuis la fin du mois de décembre dernier, il n'y a plus de tirs, non pas en raison d'un cessez-le-feu mais en raison d'un équilibre atteint qui satisfait les deux forces sur le terrain. Le gouvernement a récupéré tous les territoires perdus au cours des mois précédents, les Tigréens ont conservé le contrôle de la capitale Makallè. En 2022, cependant, l'impasse pourrait être brisée et la guerre pourrait alors entrer à nouveau dans une phase aiguë avec des résultats imprévisibles pour la stabilité de la région.
7. Le conflit sans fin en Syrie
La Syrie est peu évoquée dans les circuits médiatiques, mais la guerre est toujours bien présente et capable à tout moment de créer quelques maux de tête internationaux. Le gouvernement de Bashar Al Assad, soutenu par la Russie, a depuis longtemps repris le contrôle de toutes les villes principales. Cependant, la province d'Idlib, aux mains des forces extrémistes et pro-turques, est toujours en dehors du contrôle du gouvernement. Pour cette raison, le conflit impliquera toujours un dialogue intense entre Moscou et Ankara et l'équilibre futur dépendra de la confrontation entre Poutine et Erdogan. La question kurde est également en jeu. Les milices kurdes contrôlent l'est de la Syrie et sont dans le collimateur d'une Turquie toujours prête à entrer en territoire syrien pour débusquer ceux qu'elle considère comme ses ennemis. Une recrudescence du conflit entre Idlib et les zones aux mains des Kurdes impliquerait donc la Russie et la Turquie, mais aussi les États-Unis qui sont toujours présents dans les zones pétrolières le long de l'Euphrate. La Syrie est en fait une partie d'échecs permanente entre les différentes puissances ayant des intérêts dans la région.
8. Iran - États-Unis et négociations nucléaires
Des pourparlers sont en cours à Vienne pour parvenir à un éventuel nouvel accord sur la question du nucléaire iranien. Cinq ans après le premier accord et quatre ans après la décision de Donald Trump de rompre cet accord, Téhéran et Washington tentent à nouveau la voie du dialogue. Mais le bras de fer entre les deux parties devrait rester l'un des sujets les plus chauds de 2022. Les projets de raid américain sur le territoire iranien n'ont jamais été complètement abandonnés. En Irak, en revanche, deux ans après le bombardement américain qui a tué le général Qasem Soleimani, les forces américaines auraient déjoué au moins six attaques contre leurs propres cibles commandées par des milices chiites liées à Téhéran. Derrière l'affrontement entre les Iraniens et les Américains, l'ombre israélienne est bien présente. L'État juif s'inquiète des programmes d'enrichissement d'uranium de la République islamique et a frappé à plusieurs reprises des cibles iraniennes en Syrie fin 2021.
9. La guerre oubliée au Yémen
L'Iran est également impliqué dans un bras de fer avec ses rivaux régionaux, l'Arabie saoudite. L'un des principaux théâtres de cette confrontation est le Yémen. La guerre au Yémen dure depuis 2015, lorsque Riyad a donné l'ordre d'attaquer les milices Houthi, liées à l'Iran qui furent capables de conquérir la capitale yéménite Sanaa l'année précédente. Depuis lors, le conflit n'a jamais cessé et a provoqué de graves répercussions humanitaires. Pour les Saoudiens, la guerre s'est avérée désastreuse. La coalition dirigée par les Saoudiens s'est en partie effondrée et n'a pas réussi à atteindre ses objectifs politiques et militaires. Le conflit s'est accéléré dans les dernières semaines de 2021 avec les avancées de Houti à Marib et dans la ville portuaire de Hodeida. Une nouvelle augmentation de l'intensité des combats est à prévoir en 2022. La guerre au Yémen est importante pour comprendre l'équilibre des forces dans la région du Moyen-Orient.
10. Israël-Palestine et les tensions non résolues
En 2022 également, la situation en Cisjordanie et à Gaza méritera l'attention. L'année dernière, la troisième intifada failli se déclencher et la bande de Gaza a connu des scènes de guerre suite à l'affrontement entre Israël et le Hamas. Tout a commencé par des protestations palestiniennes contre les expropriations ordonnées par le gouvernement israélien entre avril et mai dans la vieille ville de Jérusalem. Une fusée capable de déclencher la réaction aussi bien des Arabes israéliens, avec des scènes de guérilla également entre les villes où une minorité arabe bien visible est présente, que du Hamas. Le mouvement fondamentaliste a lancé de nombreuses roquettes, provoquant des incursions israéliennes dans la bande de Gaza. Des scénarios qui ne seront malheureusement pas si éloignés de la réalité en 2022. La tension dans la région est toujours très élevée.
Pour Israël, l'Afrique est une vieille passion. Dès 1957, Jérusalem ouvre sa première ambassade dans le Ghana nouvellement indépendant ; en 1962, Félix Houphouet-Boigny, premier président de la Côte d'Ivoire et pilier de France Afrique, s'envole vers la terre de David où il noue une solide alliance avec Ben Gourion et Golda Meir, la brillante architecte de la politique étrangère israélienne. Dans les années qui suivent, elle noue des relations fructueuses avec le président kenyan Jomo Kenyatta, avec le Sénégal de Léopold Senghor, l'Éthiopie d'Haïlé Sélassié et le Congo de Mobutu. Une stratégie gagnante et, bien que s'inscrivant dans le contexte de la guerre froide, suffisamment autonome par rapport aux politiques américaines et éloignée (sinon parfois opposée) aux intérêts anglo-français.
La guerre de 1973 marque un recul dans les relations afro-israéliennes. Sous la pression de l'Arabie saoudite et de l'Organisation de l'unité africaine, les pays subsahariens (à l'exception de l'Afrique du Sud de l'apartheid) ont été contraints de rompre leurs relations (du moins formellement). Le fossé a commencé à se refermer avec les accords de Camp David de 1979 entre l'Égypte et Israël, puis les accords de paix d'Oslo signés en 1993 par Rabin et Arafat. À la lumière de ces événements, de plus en plus de capitales africaines (à commencer par Abidjan, Kinshasa et Yaoundé) ont commencé à normaliser leurs relations avec Jérusalem. Au cours de la dernière décennie, ce processus a été accéléré par l'activisme panafricain de Benjamin Netanyahu. Au cours de son long mandat (2009-2020), l'ancien Premier ministre s'est rendu à plusieurs reprises sur le continent, établissant des relations diplomatiques avec 39 des 54 pays africains. Il y a actuellement 13 ambassades israéliennes en Afrique : Kenya, Éthiopie, Angola, Afrique du Sud, Cameroun, Côte d'Ivoire, Égypte, Érythrée, Ghana, Nigeria, Rwanda, Sénégal et Sud-Soudan (le Soudan et l'Ouganda devraient bientôt s'ajouter à la liste, si les troubles internes le permettent). À son tour, le Maroc, après l'accord de décembre 2020, se prépare à établir des relations diplomatiques "complètes" d'ici 2022.
Le théâtre privilégié de l'expansion israélienne est la Corne de l'Afrique. Pas par hasard. Pour l'État juif, il est fondamental - compte tenu du caractère invasif de l'Iran en mer Rouge et dans l'océan Indien - de préserver la sécurité de la route maritime entre le détroit de Bab el Mandeb et Eilat et Suez. D'où son soutien discret mais substantiel à l'Éthiopie, à l'Érythrée et au Kenya et son intérêt marqué pour le Soudan. Les Israéliens sont également bien présents dans le quadrant ouest-africain (Sénégal, Côte d'Ivoire, Ghana, Togo, Nigeria, Cameroun) ainsi qu'au Rwanda et en Afrique du Sud, avec de nombreuses entreprises actives dans l'agriculture, dans le domaine de l'énergie (l'énergie solaire en particulier), dans le secteur des technologies avancées et dans le commerce des pierres précieuses, principalement des diamants.
En plus des activités commerciales normales, il y a aussi le secteur militaire. Un réseau d'hommes d'affaires, de consultants de toutes sortes et d'entreprises a travaillé avec une détermination tranquille. Leurs noms ? Gaby Peretz, Didier Sabag, Orland Barak, Hubert Haddad, Eran Romano ou Igal Cohen, tous bien introduits dans les palais présidentiels africains et évidemment liés aux forces armées et aux services israéliens. Comme le confirme la participation toujours plus importante des entreprises à l'exposition Shield Africa d'Abidjan, Jérusalem offre aux différents pays du continent toutes sortes d'armes, des armes légères aux missiles et navires sophistiqués, mais surtout du renseignement, de l'écoute, de la cybersécurité et des blitz numériques. Les guerres du futur.
Ce secteur est dominé par Nso, fondé par Shalev Hulio, producteur des redoutables systèmes Pegasus et Verint, puis il y a le groupe Mer et le système Elibit, Sapne Ltd et (peut-être sous des pavillons de complaisance) une myriade de petites entreprises. Le personnel est composé de vétérans de l'Unité 8200, l'équivalent de l'Agence nationale de sécurité américaine, tels que Yair Coehen, ancien commandant de l'unité qui est maintenant à la tête d'Elibit System, ou Aharon Zeevi Farkas, également ancien chef de l'Unité 8200. Une activité extrêmement rentable, mais pas seulement. Les seniors du 8200 - une véritable usine de millionnaires de la haute technologie - sont présents en force, surtout en Côte d'Ivoire, en tant que consultants du ministère de la Défense : en plus d'assurer la sécurité interne de la république africaine, les "grandes oreilles" contrôlent, grâce à un accord officieux entre les gouvernements, également l'importante communauté libanaise, avec une attention particulière pour les sympathisants du Hezbollah, l'ennemi juré d'Israël. Les cyber-guerriers ne se retirent jamais....
Le 10 août de l'an 70 de notre ère, un événement très important s'est produit pour deux religions mondiales - le christianisme et le judaïsme. Ce jour-là, les légions romaines de l'empereur Titus font irruption à Jérusalem, gardée par les zélotes juifs qui s'étaient révolté contre l'autorité romaine. Les Romains soumirent les habitants à une répression d'une cruauté indicible, massacrant des centaines de milliers de personnes. Le second temple, construit par Zerubbabel après le retour des Juifs de la captivité babylonienne, fut rasé. La chute de la ville fut précédée d'une terrible famine qui coûta également la vie à des centaines de milliers d'habitants et s'accompagna d'événements monstrueux, notamment des faits de cannibalisme, comme le décrit de manière imagée l'historien juif Flavius Joseph (buste, ci-contre).
Pour les Juifs, cet événement est considéré comme l'une des pires catastrophes de l'histoire sainte.
C'est le début de la quatrième et dernière dispersion des Juifs, qui, dans la religion juive, n'est pas un accident historique, mais une punition pour les péchés du peuple d'Israël. Selon la religion juive, ce déracinement général, appelé le Galut, ne s'achèvera qu'au moment de la venue de Moshiach, le Sauveur, le Messie. Et alors, seuls les Juifs pourront retourner en Terre promise. Ce qui a commencé le 10 août 70 se terminera tout à la fin de l'histoire. C'est à ce moment-là, croient les Juifs, que le Messie sera couronné roi des Juifs, qu'il franchira la Porte dorée et que le troisième temple sera construit.
Mais, jusqu'à la venue du Messie, toutes les portes du monde, sauf la porte des larmes, resteront fermées. C'est pourquoi le Mur occidental, vestige du Second Temple, est aujourd'hui appelé le Mur des lamentations. La seule porte d'entrée au monde des esprits qui subsiste pour les Juifs, ce sont les pleurs et les gémissements. Pour ce qui s'est passé le 10 août 70.
Pour les chrétiens, l'événement a une signification très différente. Les destins du judaïsme et du christianisme avaient déjà irrévocablement divergé en l'an 70 de notre ère. La chute de Jérusalem n'est pas un événement central dans les sources chrétiennes. C'est pourtant l'événement décisif: déjà, de son vivant, Jésus avait prophétisé que les Juifs qui n'avaient pas accepté le vrai Messie et attendaient encore quelqu'un d'autre perdraient bientôt Jérusalem, et que le temple serait détruit. Pour les chrétiens, le Christ est déjà venu, et il faut vivre cet événement, vivre par lui et sa nouvelle alliance, et ne pas insister sur la position de l'ancienne alliance. La chute de l'ancienne Jérusalem semblait confirmer que l'ancienne alliance et ses sanctuaires avaient définitivement disparu. Les élus parmi les Juifs ont été convertis au christianisme et sont devenus le noyau d'un nouveau peuple mondial, dans lequel il n'existe plus ni juif ni grec. Ceux qui ont obstinément rejeté le Christ et provoqué la persécution de ses disciples ont eu ce qu'ils méritaient.
Plus tard, au quatrième siècle de notre ère, l'empereur romain Julien, qui s'était tourné vers le paganisme et n'aimait pas les chrétiens, a décidé de reconstruire le temple de Jérusalem afin de défaire ce que ses prédécesseurs, les empereurs romains, avaient fait, mais ce projet est tombé à l'eau. Le chantier de construction du troisième temple brûle et Julien lui-même est bientôt assassiné.
Pour les chrétiens, c'était une preuve supplémentaire de l'irréversibilité de ce qui s'est passé le 10 août 70. Il était futile, pensaient les chrétiens, d'attendre Celui qui était déjà venu. Le nouveau troisième temple sera désormais l'Église chrétienne, jusqu'à la fin des temps.
La chute de Jérusalem aux mains de Titus Vespasien (buste-ci-dessus) est revenue sur le devant de la scène au XXe siècle, lorsque l'État d'Israël a été créé après la Seconde Guerre mondiale, à la suite de la persécution monstrueuse des Juifs par le régime nazi d'Hitler. Le sionisme, qui avait déjà émergé au XIXe siècle, insistait sur le fait que, puisque le Messie repoussait toujours sa venue, les Juifs eux-mêmes devaient prendre en main leur propre destin - retourner en Palestine, où la quatrième dispersion avait commencé en 70, sans attendre le Moshiach. Le sionisme a décidé de prendre de l'avance et, au lieu de recourir au miracle promis par la religion, il a décidé de s'appuyer sur des méthodes banales - lobbying politique, machinations économiques et propagande généralisée. Ce n'est pas un hasard si parmi les principaux partisans de l'idée sioniste figuraient les barons Rothschild, intégrés depuis longtemps dans l'économie capitaliste pragmatique et séculière.
Au XXe siècle, Israël se construisait déjà selon des règles très réalistes et utilisait des méthodes modernes - nettoyage ethnique, opérations militaires, accaparement de terres, campagnes de relations publiques à grande échelle. Ainsi, en 1950, Israël a failli faire de Jérusalem, dont la moitié était encore sous domination arabe palestinienne, sa capitale, et a établi son contrôle sur Jérusalem Ouest puis sur Jérusalem Est pendant la guerre des Six Jours. Le côté séculaire et musclé de l'occupation de la Palestine était terminé, la communauté mondiale était imprégnée de compassion pour le sort des Juifs sous Hitler, ce qui leur apportait un soutien mondial, et ce n'était qu'une question de temps avant la reconstruction du troisième temple et la rencontre du Messie. Les courants religieux extrêmes du judaïsme - comme les Fidèles du Temple - s'y préparent déjà, en creusant des structures souterraines sous le Mont du Temple, évinçant les Arabes musulmans de leur sanctuaire, la mosquée Al-Aqsa. Mais le Messie tarde toujours à venir. L'un des courants du judaïsme,le courant traditionnel Naturei Karta, estime que, cette fois, la venue du Messie est retardée par les Juifs eux-mêmes - les sionistes, qui ont décidé avec audace et ambition de faire par eux-mêmes ce que seul un être surnaturel peut faire.
Aux yeux des chrétiens, la chute de Jérusalem était irréversible. C'est pourquoi tout ce qui est lié à l'Israël actuel et aux préparatifs de la construction du troisième temple, parallèlement à la répression continue des Arabes et non juifs de Palestine, musulmans et chrétiens, semble plutôt être des signes de la venue de l'Antéchrist.
Voilà ce que peuvent nous révéler de bonnes éphémérides du mois d'août.
Cet été chaud et tragiquement pluvieux a été un peu égayé par une histoire d'espionnage made in Israël, dont le protagoniste est la NSO, une société de cybersécurité qui a vendu à la moitié du monde son système d'espionnage avancé, Pegasus, capable d'infiltrer les systèmes de communication avec une facilité toute nouvelle, sans aucune interaction de la part de l'utilisateur.
Il suffit de connaître le numéro de téléphone de la personne concernée, selon la démonstration publique de l'entreprise aux autorités saoudiennes, qui ont été invitées, pendant la représentation, à acheter un smartphone dans le supermarché voisin, puis à ne leur communiquer que le numéro de l'appareil. La démonstration a été un succès total, les Saoudiens étant en extase et prêts à signer les contrats obligatoires.
Une anecdote racontée par Haaretz explique comment Netanyahu était le principal sponsor de l'entreprise. L'article illustre en effet la corrélation ponctuelle entre les voyages de l'ancien premier ministre israélien dans le monde et l'achat de Pegasus par les pays intéressés.
Une ponctualité surprenante, pour laquelle nous nous référons au journal israélien. Bien sûr, c'est le jeu de tout le monde, car NSO n'est pas la seule société à vendre de tels produits (elle est en bonne compagnie avec les Américains, les Russes et bien d'autres), mais le fait que le Pegasus ait été vendu à des régimes autoritaires et utilisé pour espionner des journalistes et des personnalités de l'opposition a jeté une ombre sur ces opérations.
Opération commerciale et géopolitique
Ces opérations, explique encore Haaretz, n'avaient pas seulement un but commercial, mais avaient aussi une valeur "géopolitique". A tel point que l'article mentionne également la Défense israélienne, qui est appelée à donner les autorisations nécessaires pour la vente de logiciels sophistiqués à des pays tiers.
Le journal israélien cite un certain nombre d'exemples où des interventions supérieures ont dicté la ligne à l'entreprise en question, ainsi qu'à d'autres rivaux (également israéliens). Des exemples comme celui-ci : "Le fondateur et PDG de NSO, Shalev Hulio (photo)" a déclaré à Haaretz que "après que la société ait décidé d'appuyer sur le fameux kill switch de son logiciel, coupant les vivres à ceux qui abusaient de son système Pegasus, elle a reçu une demande pour le réactiver pour des raisons diplomatiques et de défense".
En particulier, le logiciel semble avoir servi à accompagner l'accord d'Abraham avec les pays du Golfe, mais aussi à encourager une "surchauffe" des relations entre Riyad et Téhéran, une évolution qui va dans le sens des intérêts d'Israël.
En bref, bien qu'ils aient été créés et gérés par des personnes privées, la NSO et ses organisations sœurs ont agi en coordination avec l'appareil étatique israélien. Cette hypothèse a également été avancée par le Washington Post, qui a titré : "Les responsables de la sécurité des États-Unis et de l'UE se méfient des liens entre la NSO et les services de renseignement israéliens". Et donc dans le sous-titre : "Des fonctionnaires et des analystes affirment que la société israélienne de technologie de surveillance a créé un produit de classe mondiale, mais certains soupçonnent une relation avec le gouvernement israélien".
Les guerres du cyberespace
NSO nie les allégations et affirme être victime d'une campagne orchestrée, ce qui est évident dans un premier temps et plus que plausible dans un second, puisqu'il s'agit d'un secret de polichinelle, partagé par de nombreuses entreprises du secteur, qui a émergé pour créer un scandale à retardement.
Cela dit, il est probablement bon que, au moins pour une fois, le monde puisse s'interroger sur certaines opérations et sur certains mélanges ; et plus généralement, sur les multiples sens du terme cybersécurité.
Les Iraniens voient actuellement se profiler des menaces concrètes pour leurs intérêts nationaux. Le désir de la Turquie de placer trois pays de la région sous son contrôle est lourd de conséquences pour l'Iran. Cette manoeuvre turque est fortement déguisée en "coopération", mais les Iraniens savent comment les choses se passeront à l'avenir. Ils se préparent à leur tour à affronter différents scénarios potentiels. Dans le même temps, l'Iran souhaite établir de bonnes relations avec tous les pays de la Transcaucasie, y compris l'Azerbaïdjan et la Géorgie. Mais étant donné que pendant toutes ces années, l'Azerbaïdjan a mené une politique de double jeu vis-à-vis de l'Iran, étant sous l'influence indéniable d'Israël, de la Turquie et du Royaume-Uni, il est stratégiquement important pour les Iraniens d'avoir de bonnes et étroites relations avec l'Arménie. Et si la Turquie, ainsi que l'Azerbaïdjan, sont déjà impatients de pénétrer dans des zones stratégiques de l'État arménien, l'Iran a tout intérêt à prendre de l'avance. L'Iran est l'État qui peut changer l'équilibre dans la région. Le rôle de l'Arménie dans ce domaine pourrait ne pas être négligeable.
Les huit dernières années du gouvernement d'Hassan Rouhani ont laissé l'Iran avec des pertes de position importantes dans le Caucase du Sud. Les Iraniens, sous la direction du nouveau président Ibrahim Raisi, sont certains de rectifier la situation.
La République d'Arménie est un pays où il n'y a pas de sentiment anti-iranien, et où il n'a pas été imposé, comme en Azerbaïdjan. Alors qu'en Azerbaïdjan, ce sentiment, hostile à Téhéran, se situait au niveau d'une politique d'État quelque peu tenue secrète; en Arménie, sous tous les chefs d'État, les relations avec l'Iran ont été entretenues avec soin. Les forces politiques arméniennes, tant pro-occidentales que pro-russes, ont une attitude plus que positive envers l'Iran. Chacun en Arménie comprend l'importance stratégique de relations amicales avec l'Iran. En Azerbaïdjan, c'est le contraire. L'Azerbaïdjan ne sera jamais autorisé à se rapprocher de l'Iran au point que les Iraniens puissent influencer la politique intérieure du pays. La nature même de l'Azerbaïdjan actuel est exactement la même. En fait, cette république a été créée pour consolider un projet anti-iranien.
C'est donc, à notre avis, cette orientation vitale vers l'Iran que l'Arménie devra protéger de tout torpillage. Et cette direction ne manquera pas d'être mise sous pression, étant donné qu'elle est l'une des artères les plus importantes soutenant le statut d'État et la souveraineté de l'Arménie. L'Occident collectif a simplement besoin de créer un front anti-iranien monolithique dans le Caucase du Sud. Toutefois, il faut comprendre que l'intérêt de l'Iran pour la survie et le renforcement de l'Arménie est conditionné par des questions de sécurité stratégique.
Pour approfondir le thème du renforcement des relations entre l'Arménie et l'Iran, que nous avons déjà abordé, il convient également de noter l'intérêt qu'a l'Iran à tendre la main à la Géorgie par l'intermédiaire de l'Arménie. Personne n'a jamais annulé l'intérêt que cultive l'Iran pour l'accès à la mer Noire. Et naturellement, l'Iran construira ce corridor à travers le territoire de l'Arménie. Et il ne s'agit pas seulement de savoir quelle route est la moins chère, mais l'Iran est naturellement intéressé par cette route qui passe par l'Arménie, car c'est, pour lui, une route alternative.
La voie ferrée nord-sud qui traverse la région de Talysh en Iran et en Azerbaïdjan aura sa propre utilité. Certaines forces en coulisse ont tenté de torpiller cette voie, en essayant d'entraver par tous les moyens le rapprochement des échanges entre la Russie et l'Iran. En outre, la question se pose de savoir pourquoi se rendre en Iran en faisant un détour par toute la zone frontalière entre l'Azerbaïdjan et l'Iran, en passant par l'Arménie et le Nakhitchevan Julfa, s'il existe une voie ferrée menant directement à Astara en Iran ? En outre, on ne sait toujours pas comment et quand la question du corridor traversant l'Arménie vers la Turquie sera résolue.
Quant à la sortie vers la Géorgie via l'Arménie, il s'agit déjà d'une autre route, qui ne dépend ni de la Turquie ni de l'Azerbaïdjan. Le renforcement des liens avec l'Iran est également nécessaire pour que la Géorgie puisse équilibrer l'influence turque à long terme. La branche iranienne via l'Arménie et la Géorgie vers la mer Noire et plus loin vers l'Europe peut également devenir un débouché alternatif vers la Russie, et en particulier vers le Caucase du Nord.
L'Arménie, pour sa part, est extrêmement intéressée par ces constructions régionales, lorsqu'elle devient un pays clé alternatif pour l'Iran (et pas seulement) pour atteindre l'Europe et la Russie. Une route reliant la mer Noire au golfe Persique et à l'océan Indien serait d'une grande importance pour l'Iran, l'Arménie et la Géorgie.
Le principal problème de l'Arménie est sa position géographique. Elle n'a donc pas d'accès à la mer, ce qui réduit considérablement son statut d'acteur et ses possibilités commerciales et économiques. L'accès de l'Iran à la mer Noire via la Géorgie contribuerait à accroître le chiffre d'affaires commercial de l'Arménie, en diversifiant sa dépendance éventuelle à l'égard des marchandises turques. L'Arménie doit donc disposer des infrastructures appropriées pour le transit des marchandises.
En raison de l'histoire et de la géographie, l'Iran est actuellement entouré de pays où le facteur britannique est fort - Turquie, Azerbaïdjan, Kazakhstan et Pakistan. La précédente administration iranienne a activement flirté avec les Britanniques, sapant ainsi la ligne conservatrice et trahissant les idéaux de la révolution islamique en échangeant la souveraineté du pays contre des primes personnelles.
La question du "brûlage" de la ligne britannique est une priorité pour les conservateurs iraniens, pour le nouveau gouvernement. La Turquie ayant toujours fait office de bélier pour les élites britanniques, la pression sur les intérêts iraniens dans la région a donc été exercée par son intermédiaire. Dans ce cas, nous faisons référence au projet du "Grand Turan", par lequel non seulement l'Iran, mais aussi la Russie sont marginalisés en tant qu'acteur régional.
Il convient de noter que l'affaiblissement des réseaux régionaux britanniques résultera principalement de la rupture de la construction du panturquisme directement sur le territoire iranien et de la punition de toutes les personnes qui ont travaillé directement pour la Grande-Bretagne au sein du système iranien. Cela entraînera une pression de l'extérieur, notamment selon des critères ethniques, mais elle sera de courte durée. Selon les experts iraniens, le système énergétique iranien a besoin d'un nettoyage total et d'une remise à zéro, ce qui devrait se produire sous la nouvelle administration d'Ibrahim Raisi.
La mer Caspienne joue également un rôle important pour l'Iran, tant en termes de sécurité que d'économie - il s'agit d'une liaison maritime directe, principalement vers la Russie. C'est pourquoi les cinq États riverains de la mer Caspienne ont signé la convention sur le statut de la mer Caspienne, afin d'empêcher les acteurs extérieurs de pénétrer dans ces eaux. Ankara poussant activement ses intérêts vers l'est, en Asie centrale, la question de la sécurité se pose à nouveau.
Il ne faut pas oublier que la Turquie est membre de l'OTAN et que l'apparition de toute unité militaire turque dans les zones côtières de la Caspienne menace directement la sécurité de la Russie et de l'Iran. La Turquie tente actuellement de négocier avec le Turkménistan, par l'intermédiaire de l'Azerbaïdjan, la construction d'un gazoduc sur le lit de la mer Caspienne, qui pourrait transiter par l'Azerbaïdjan jusqu'en Turquie, ce qui renforcerait le statut de plaque tournante énergétique de la Turquie (Turkish Stream, TAP, TANAP).
En cas d'accord, la partie turque pourrait soulever la question de la protection du champ ou de la sécurité elle-même pendant la construction de l'oléoduc, ou commencer à mener des exercices conjoints avec le MES azerbaïdjanais sur la protection des mêmes plateformes pétrolières en cas d'attaques terroristes, ce qui implique de pratiquer des efforts conjoints.
Pour l'Iran, il y a aussi le problème du facteur israélien dans les pays voisins ou régionaux. De plus, la situation montre que les Israéliens travaillent de concert avec les Britanniques. Par exemple, Israël achète beaucoup aux Kazakhs, jusqu'à 25 % des importations totales en 2009 (un chiffre qui ne cesse de circuler dans les narrations et les informations israéliennes), et est le cinquième partenaire commercial du Kazakhstan; le commerce entre les pays se développe activement. Même le scandale des armes, lorsque le Kazakhstan s'est vu vendre de grandes quantités d'armes de qualité inférieure et défectueuses, n'a pas compliqué les relations.
Israël entretient une relation particulière avec l'Azerbaïdjan, voisin du Kazakhstan de l'autre côté de la mer Caspienne. Outre 40% des importations de pétrole azéri, Israël vend aussi activement ses armes à Bakou, notamment ces mêmes drones (autour desquels un scandale a également éclaté, mais il n'a pas été médiatisé par les médias azéris). Mais Israël, tout d'abord, mise sur l'Azerbaïdjan, et en parle ouvertement, pour en faire une plateforme anti-iranienne. Le panturquisme, en tant que projet anti-russe et anti-iranien, est absolument en phase avec les intérêts d'Israël dans la région. En outre, Israël renforce sa position dans les pays du Turan - Turquie, Azerbaïdjan et Kazakhstan, qui pourraient à l'avenir constituer un itinéraire pour le projet de la Grande route de la soie. Israël disposait autrefois d'une base de drones en Azerbaïdjan pour recueillir des informations sur le territoire iranien.
Israël tente donc de faire d'une pierre deux coups : seller la route commerciale, qui pourrait devenir très lucrative à long terme, et pénétrer dans le ventre de l'Iran en affaiblissant la position de son périmètre.
Les États-Unis ont toujours été le principal soutien d'Israël, assurant sa sécurité financière et militaire. Cependant, un fossé s'est récemment creusé entre les élites juives américaines et Israël lui-même en raison d'idéologies et de visions différentes des projets dans la région du Moyen-Orient. La scission était déjà évidente sous le président américain Barack Obama, lorsque l'idée de mettre un terme au projet israélien a commencé à apparaître dans les cercles d'experts, alors que les cercles juifs libéraux américains tentaient d'attirer l'Iran pour le détruire de l'intérieur. Les manifestations qui ont eu lieu en Iran en 2009 ont coïncidé avec l'élection de Barack Obama à la présidence. Dès lors, une promotion active des valeurs libérales en Iran a commencé à ce moment-là, ce qui a finalement conduit à la victoire du réformateur Hassan Rouhani en 2013.
Le système et la société iraniens ont subi d'importants changements au cours des deux mandats du président, mais la société iranienne a conservé sa foi dans les idéaux de la révolution islamique. Quelle ironie ! Après le départ des démocrates (libéraux) des postes de direction, le républicain Donald Trump est arrivé au pouvoir et s'est opposé aux réformateurs iraniens. Aujourd'hui, la situation a changé, avec l'arrivée des conservateurs au pouvoir en Iran et le retour des démocrates au pouvoir aux États-Unis, qui se concentrent toujours sur le démantèlement d'Israël.
La situation est telle que les États-Unis desserrent indirectement les mains de l'Iran sur la question d'Israël. De plus, Washington a déjà ouvertement déclaré qu'il n'aiderait pas Israël en cas de guerre. Sans soutien extérieur, le projet (et c'est précisément le projet !) d'Israël sera arrêté ; ce n'est qu'une question de temps.
Le démantèlement du soutien à Israël ne signifie pas la destruction physique, mais simplement la désintégration de l'État en tant que système, avec toutes ses conséquences. Mais il y aura inévitablement un exode de la population vers l'étranger en cas de menace critique, lorsque l'État sera incapable de remplir un certain nombre de ses fonctions.
Naturellement, la question se pose: où déménager ? Les élites juives ont toujours existé sous la forme d'élites en réseau (la diaspora), mais les personnes qui ne veulent pas la fermeture du projet Israël souhaitent aujourd'hui le transférer sur un autre territoire.
Et il y a un tel territoire. Depuis un certain temps, les "têtes parlantes" - experts, analystes, etc. - développent et promeuvent activement l'idée d'une proximité ethnique entre les peuples azerbaïdjanais et juif par le biais des Khazar-Türk nomades, qui se sont convertis au judaïsme (il est intéressant de noter qu'à une époque, Israël a également développé activement l'idée de liens ethniques avec les Tchétchènes), affirmant que les peuples frères liés par des traditions séculaires, les Azerbaïdjanais et le multiculturalisme sont identiques, et ainsi de suite, dans le cadre d'une propagande visant à donner une image positive d'Israël et de ses intérêts dans la région. Il convient de rappeler que ces communautés, parmi lesquelles se trouvent des descendants des Kohen et des Lévites, sont considérées comme de véritables Juifs. Ils n'existent pas en Azerbaïdjan.
Si vous regardez la prétendue carte de la Khazaria, le territoire de l'Azerbaïdjan n'en occupe qu'une petite partie, la majeure partie du Kaganat couvrait le Caucase du Nord, la région de la Volga, la Crimée, une partie de l'Ukraine, une partie du Kazakhstan. Pourquoi l'Azerbaïdjan ?
Parce que l'Azerbaïdjan se trouve au carrefour des routes, qu'il est le point clé des projets de la route Nord-Sud et de la Grande route de la soie, qu'il a accès à la mer Caspienne, qu'il a des frontières avec l'Iran et la Russie, qu'il bénéficie des meilleures conditions climatiques et qu'il est l'État le plus fort du Caucase du Sud.
Mais même si le projet "Khazaria" peut fonctionner malgré l'opposition de la Russie et de l'Iran, pour une réinstallation complète des Israéliens, même en quelques vagues, des conditions préalables sont nécessaires, notamment le désir de la plupart des Azerbaïdjanais de participer à un tel projet. Et cela est impossible sans créer de l'instabilité et briser les structures étatiques du pays. Pour ce faire, il faudrait créer en Azerbaïdjan une situation proche de la défragmentation ou de la fédéralisation, ce qui nécessiterait l'implication de forces radicales extérieures au pays.
Un tel projet est difficile à mettre en œuvre, mais très efficace du point de vue des élites juives à la sortie, ce qui leur permettra de contrôler les flux financiers et commerciaux dans un climat agréable.
Compte tenu de tout ce qui précède, et après avoir sondé l'humeur des politiciens et des experts iraniens, on peut conclure que l'Iran, sous le nouveau gouvernement, remodèlera sa politique dans la région et que les coûts passeront au second plan. C'est une question de sécurité stratégique. Et toute connivence est porteuse de plus grandes pertes. Un équilibre doit être rétabli dans le Caucase du Sud, et il est indéniable qu'il est rompu. L'Iran est simplement contraint de renforcer sa position en Arménie et en Géorgie, ainsi que de rétablir sa position en Azerbaïdjan, et il est probable qu'il agisse ainsi comme un destructeur de la construction turco-britannico-israélienne. Et il est probable que la Russie soutienne cette politique iranienne afin de rééquilibrer le pouvoir dans la région, ou qu'elle reste simplement à l'écart. Sous le nouveau président iranien, les relations bilatérales devraient s'intensifier rapidement. On en voit déjà certains signes, notamment le soutien russe à l'Iran sur la scène internationale.
La Knesset, le nom du parlement israélien, a approuvé un nouveau gouvernement, mettant ainsi fin au mandat historique de Benjamin Netanyahu. Avec 60 voix pour et 59 contre, les législateurs ont mis fin dimanche à un cycle de deux ans de paralysie politique au cours duquel le pays a organisé quatre élections.
Le nouveau Premier ministre israélien est Naftali Bennett, un ancien conseiller de Netanyahu devenu son rival, qui doit maintenant présider une coalition de huit partis aux profondes différences idéologiques. De son côté, Netanyahu devient le chef de l'opposition et se retrouve dans une situation beaucoup plus faible, même au sein de son parti, le Likoud.
Pour mettre fin aux douze années de mandat de M. Netanyahu en tant que Premier ministre, l'opposition israélienne a conclu un accord pour former un nouveau gouvernement sans le Likoud, qui était le principal parti au pouvoir. Par ailleurs, le parti Yamina de Bennett et le parti Nouvel espoir de Gideon Sa'ar se sont joints au leader centriste Yair Lapid pour former un gouvernement de coalition après l'échec de Netanyahu.
Contexte politique
Netanyahou est devenu une figure polarisante de la politique israélienne, et il fait également face à un procès pour corruption depuis fin 2019. Chacune des quatre élections consécutives organisées dans le pays au cours des deux dernières années a été considérée comme un référendum sur la continuité de l'homme politique, qui s'est positionné comme la figure dominante de l'agenda national des trois dernières décennies.
M. Bennett a affirmé que des mesures drastiques étaient nécessaires pour éviter de nouvelles élections et, bien qu'il partage l'idéologie nationaliste de M. Netanyahou, il a estimé qu'il n'y avait aucun moyen viable pour la droite de former une majorité à la Knesset après l'impasse des élections du 23 mars. L'homme politique a affirmé que de nouvelles élections donneraient les mêmes résultats et a estimé qu'il était temps de mettre fin au cycle.
Si ses opposants n'avaient pas réussi à former le gouvernement et que de nouvelles élections étaient convoquées, une autre possibilité s'offrait à Netanyahou, à savoir la formation d'un parlement qui serait favorable à l'octroi d'une immunité de poursuites pour la durée du litige dans lequel il est impliqué.
Le Washington Post révèle : Bibi impliqué dans un coup d'état en Jordanie
Un rapport révèle que le Premier ministre israélien sortant Benjamin Netanyahu, alias "Bibi", a comploté avec les États-Unis et l'Arabie saoudite pour plonger la Jordanie dans l'instabilité.
Le Washington Post a révélé samedi que Netanyahou était impliqué dans les tentatives de Washington et de Riyad de faire pression sur le roi jordanien Abdallah II dans le cadre du prétendu accord de paix de la précédente administration américaine dirigée par Donald Trump, connu sous le nom de "deal du siècle".
À cet égard, un ancien responsable de l'Agence centrale de renseignement américaine (CIA), cité anonymement par le journal, a déclaré que Trump, président américain entre 2017 et 2021, était convaincu que le roi de Jordanie était "un obstacle" à la mise en œuvre de l'accord, qui laisse la quasi-totalité du territoire palestinien aux mains d'Israël.
La publication a souligné qu'il s'agissait de tentatives de "remise en cause" des politiques internes d'Amman ces dernières années, dont le point culminant a été le coup d'État manqué contre le roi de Jordanie, qui a eu lieu en avril dernier, pour "déstabiliser" le pays.
Le Washington Post a rappelé que les agences d'espionnage israéliennes avaient déjà informé le roi qu'elles n'étaient pas impliquées dans la tentative de coup d'État contre lui.
Un ancien responsable du renseignement américain qui a vu les messages envoyés à Amman en a déduit que "l'élément clé" des notes était le suivant : "Ce n'est pas nous. Cela vient d'en haut", a-t-il fait remarquer, faisant probablement allusion à Netanyahou.
Quel rôle joue Abdullah II dans Al-Quds ?
Selon le journal, la plupart des pressions se sont concentrées sur Al-Quds (Jérusalem), où Abdullah II est reconnu comme le gardien du "Mont du Temple" (nom donné par les Israéliens à la mosquée Al-Aqsa et au Dôme du Rocher).
Ce lieu saint est une zone d'Al-Quds, contrôlée par Israël, mais placée sous la garde de la Jordanie en vertu d'un statu quo en vigueur depuis 1967, lorsque le régime sioniste usurpateur a annexé la partie orientale de la ville lors de la guerre des Six Jours.
Alors que le rapport cherche à redorer l'image des services de renseignement israéliens, le quotidien israélien Yedioth Ahronoth, citant le site d'information Ammon, aligné sur la famille royale jordanienne, a révélé début avril l'implication d'un ancien agent des services de renseignement israéliens (le Mossad) dans la tentative de coup d'État en Jordanie.
Il a expliqué que l'ancien fonctionnaire israélien a offert à l'ancien prince héritier jordanien Hamza bin Hussein et à sa femme un avion pour s'échapper du pays.
Émission du vendredi 22 mai 2021 avec Pierre Le Vigan, Gilbert Dawed & Le Coup de Gueule de Nicolas Bonnal.
INDEX
00:00 – Café Noir N.24 00:40 – Le Coup de Chapeau – Vassili Grosman 03:06 – Palestine : Terrorisme ou Guerre de Libération Nationale 26:32 – Bonnal et la Dictature Sanitaire
RÉFÉRENCES (LIVRES)
Georges Bernanos – La Liberté pour quoi Faire ? (LIEN)
Nicolas Bonnal – Louis Ferdinand Céline – La Colère et les Mots (LIEN)
Henri Coulonges – L’Adieu à la femme sauvage (LIEN)
En 2018, la prestigieuse maison d’édition étatsunienne Random House publiait un ouvrage remarquable désormais disponible en français. Avec Lève-toi et tue le premier (Grasset, 2020, 944 p., 29 €), Ronen Bergman s’intéresse au rôle majeur des différentes agences de renseignement d’Israël à travers l’exemple des assassinats ciblés ordonnés par le gouvernement de Tel Aviv au nom de la sécurité nationale.
Qualifiées pudiquement de « liquidations », ces exécutions remontent à la préhistoire de l’État juif en Terre Sainte. Les organisations sionistes constituent très tôt un appareil clandestin de collecte des informations, puis d’élimination des opposants. Dans les années 1930 – 1940, certaines d’entre-elles telles l’Irgoun de Menahem Beguin ou le Lehi (« Combattants pour la liberté d’Israël »), plus connu sous le nom de « Groupe Stern », avec Yitzhak Shamir, montent des attentats contre les Arabes et/ou contre les Britanniques.
Dès son accession à l’indépendance en 1948, le nouvel État mise sur ses services de sécurité intérieure et extérieure, car il entend aussi protéger dans le monde entier les communautés de la diaspora juive. Si Ronen Bergman mentionne le YANAM, l’unité anti-terroriste de la police, ou le Lakam, le département d’espionnage du ministère de la Défense, il se concentre en particulier sur l’AMAN, la Direction du renseignement militaire de Tsahal, l’« Institut pour le renseignement et les opérations spéciales », le Mossad, et l’« Agence israélienne de sécurité », le Shin Bet ou Shabak, en pointe dans le contre-espionnage. Outre les moyens propres à l’« Armée de défense d’Israël », ces trois instances disposent des unités spéciales « Baïonnette » et « Césarée », de la Flottille 13 (les unités spéciales de la marine) et du fameux « commando d’état-major », le Seyeret Matkal. La nécessaire coordination lors des opérations combinées compliquées n’empêche pas la persistance d’une rude concurrence entre elles…
L’auteur éclaire la longue histoire du renseignement israélien. Les désastres les plus cinglants restent l’attentat aux Jeux Olympiques de Munich en 1972, l’absence de prévision de la Guerre du Kippour en 1973, l’exécution d’un innocent dans la ville norvégienne de Lillehammer en 1974, l’enlisement militaire au Liban dans la décennie 1980, l’assassinat du Premier ministre, Yitzhak Rabin, en 1995 ou la tentative ratée d’empoisonnement d’un dirigeant du Hamas, Khaled Mechaal, en 1997. Quant aux succès, les services secrets israéliens empêchent les spécialistes allemands en balistique de donner des missiles à l’Égypte de Nasser, réussissent le raid d’Entebbe en Ouganda en 1976 et réalisent une grande action-commando contre le siège de l’OLP en Tunisie en 1988. Ronen Bergman confirme par ailleurs que le héros de la Seconde Guerre mondiale, Otto Skorzeny, et le magnat de la presse, Robert Maxwell, collaboraient avec le Mossad. Il explique par ailleurs que l’armée et le Shin Bet ont d’abord toléré l’essor du Hamas dans les territoires occupés pour mieux briser la popularité du fer de lance de la résistance palestinienne, l’OLP nationaliste, marxisante et laïque.
Lève-toi et tue le premier insiste principalement sur l’exécution préparée et planifiée d’individus estimés dangereux par les services spéciaux. L’auteur constate un peu candidement qu’il est possible « avec l’assentiment tacite du gouvernement, de perpétrer des actes d’assassinats pour le moins sujets à caution, sans aucun contrôle des assemblées parlementaires ou des citoyens, et provoquant la mort de nombreux innocents (p. 22) ». L’Occident a beau avoir aboli la peine capitale, le bourreau poursuit sa tâche essentielle et prend maintenant les traits des professionnels du service Action. Cette lecture moraliste occulte le caractère souverain de l’ordre donné. Ce n’est pas un hasard si, au lendemain du 11 septembre, les États-Unis s’inspireront des procédures israéliennes pour les appliquer en Afghanistan, en Irak et en Syrie au moyen de drones plus en plus perfectionnés. L’hypocrisie qui sous-tend le monde occidental doit toutefois cesser. Appréhender ces meurtres programmés sous l’angle de la morale et du sacro-saint respect des droits de l’homme conduit à l’impolitique. Les États occidentaux ne s’indignent pas quand les forces israéliennes assassinent le fondateur du Hamas, le cheikh Yassine, ou un très haut-gradé syrien qui ne fait qu’accomplir son devoir de militaire. Si une autre puissance tentait d’empoisonner par exemple avec une substance radio-active des traîtres, cette même communauté occidentale s’en scandaliserait !
L’amateur d’interprétations symboliques apprécie enfin d’apprendre que les quartiers généraux de l’armée et des services de renseignement résidaient à « Kirya-Sarona, le vieux quartier de Tel Aviv créé par la Société des Templiers allemands (p. 222) ». Influente en Palestine pendant l’entre-deux-guerres, la Société des Templiers œuvrait dans une perspective pangermaniste liée au projet ferroviaire Berlin – Byzance – Bagdad et, éventuellement, mystique en mêlant la rémanence de l’Ordre proscrit du Temple et un courant folciste secondaire qui concevait le Christ comme un Aryen de Galilée. Pourquoi donc cette implantation ? Y aurait-il dans ces salles un égrégore sevré de formules kabbalistiques ?
Malgré les obstacles posés par la censure militaire en vigueur, Ronen Bergman qui a néanmoins bénéficié d’un feu orange officieux, ne dévoile pas tout et présente son travail selon un point de vue progressiste israélien. Si Lève-toi et tue le premier plonge le lecteur dans les sombres méandres de la guerre secrète, il permet une certaine persuasion mentale. À l’instar des films d’action à grand budget d’Hollywood produits en accord avec le Complexe militaro-médiatique, ce livre cherche peut-être à survaloriser l’efficacité redoutable des structures de force de l’État hébreu afin d’instiller dans les esprits un avantage psychologique certain.
Georges Feltin-Tracol
• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 215, mise en ligne sur TVLibertés, le 18 mai 2021.
Le gaz a changé la géopolitique de la Méditerranée orientale. Et dans la guerre entre Israël et la bande de Gaza, cet élément s'est récemment ajouté, ce qui peut changer, et pas qu'un peu, la perception du conflit à l'échelle régionale. Les attaques que le Hamas menace de mener contre les plates-formes israéliennes du champ de Tamar ont envoyé un message clair: le gaz figure également sur la liste des objectifs stratégiques des miliciens palestiniens. Ce n'est pas un hasard si la marine israélienne équipe depuis quelque temps ses corvettes de Dôme de Fer afin de blinder l'espace aérien à proximité des plateformes offshore, évitant ainsi le risque d'attaques dévastatrices depuis la plage de Gaza. Mais la menace des missiles sur les structures des champs israéliens représente aussi le symptôme d'un problème qui a été très souvent sous-estimé dans la crise entre Israël et Gaza et qui risque au contraire de devenir une clé de plus en plus importante dans la géopolitique de la région.
La confirmation vient de l'invité de marque dans cette escalade militaire: la Turquie. Accusée d'être la véritable main derrière ce nouveau conflit en Terre Sainte, la Turquie, avec Recep Tayyip Erdogan, est devenue le seul défenseur moyen-oriental de la cause palestinienne avec les Iraniens. Un cas curieux également du point de vue ethnique: les deux seuls États qui soutiennent pleinement les actions palestiniennes ne sont pas des Arabes, mais précisément des Turcs et des Iraniens. Quoi qu'il en soit, ce qui est intéressant à ce stade, c'est un article publié par les médias turcs qui insinue l'idée qu'Ankara envisage de proposer à l'Autorité palestinienne un accord sur la division de la ZEE sur le modèle de l'accord Turquie/Libye. Un accord désavoué par tous, notamment la Grèce, mais qui a servi à Erdoğan pour blinder sa position en Méditerranée centrale.
Le problème semble maintenant se répéter avec Gaza. Cihat Yaycı, ancien contre-amiral de la marine turque et l'un des initiateurs de la stratégie dite de ‘’Mavi Vatan’’ impulsée par l’amiral-géopolitologue Cem Gurdeniz, soutient cette initiative. L'amiral, qui est désormais professeur et directeur du Centre des stratégies maritimes et mondiales de l'université de Bahçeşehir, a déclaré au Daily Sabah que cet accord serait particulièrement bénéfique pour les deux parties et "qu'en signant un tel accord, le peuple palestinien obtiendrait le contrôle d'une zone maritime de 10.200 kilomètres carrés qui ouvrirait la voie à l'utilisation de toutes les ressources de la mer. Yaycı a ensuite ajouté que la motivation de la Turquie est de "prendre soin des opprimés", donc des Palestiniens. Mais il est clair que cette phrase révèle un sens beaucoup plus pragmatique que l'hypothétique défense des faibles. Le partage des ZEE est un élément essentiel de la doctrine de la ‘’patrie bleue’’ et, surtout en ce qui concerne le Levant, un tel accord serait une épine dans le pied d'Israël et de Chypre dans leur rêve de construire EastMed, le gazoduc qui reliera les gisements de l'État juif à l'Europe via la Grèce.
La vision de Yaycı, confirmée aujourd’hui, vision qui est beaucoup plus pragmatique que la vision "néo-ottomane" si redoutée, se lie avec la Palestine et provient précisément d'un texte du même contre-amiral pour le Centre Moshe Dayan d'études moyen-orientales et africaines dans lequel il parle d'un accord pour la délimitation de la ZEE entre Israël et la Turquie. Dans le document 2020, l'amiral et Zeynep Ceyhan mentionnent précisément la possibilité que les deux pays deviennent voisins en Méditerranée grâce à un accord sur la délimitation des zones économiques exclusives. Un signe, donc, que la Turquie était déjà largement intéressée par un pacte avec Israël, ce qui confirmait la vision laïque de ‘’Mavi Vatan’’ par opposition au soutien aux causes arabes ou islamiques dont Erdogan est plus proche. Les choses ont changé en Turquie: les arrestations d'anciens amiraux laïques, qui avaient critiqué certains choix d'Erdogan, ont marqué un tournant dans de nombreuses lignes stratégiques et il ne faut pas oublier qu'il existe désormais un désir mal dissimulé d'Ankara de revenir à des relations positives avec l'Égypte. Il est clair que pour avoir des relations positives avec les autres forces de la Méditerranée orientale, en plus d'une nouvelle politique moins affirmée, le nœud reste le gaz: ce n'est pas un hasard si la France s'est présentée pour une proposition de paix avec l'Egypte et la Jordanie. Le gaz du Levant est tentant, mais surtout les relations qui s'établissent grâce à ces nouvelles sources d'énergie sont tentantes. L'exclusion de la Turquie de ce "grand jeu" du gaz levantin a été le véritable déclencheur de la tension qui existe depuis longtemps entre Ankara, Athènes et Nicosie. D’où l’actuelle tension avec Israël qui soutient le bloc pro-hellénique avec les Émirats. Tout peut être décidé par le gaz.
La base d'Aitlit, en Israël, est l'un des endroits les plus inaccessibles au monde. Des eaux cristallines, un maquis méditerranéen et un château des croisés font de cette portion du territoire israélien un véritable joyau de nature et d'histoire. Mais personne ne peut la visiter. A quelques mètres de la forteresse d'Aitlit se trouve en effet le quartier général de l'unité la plus redoutable de la marine israélienne: le Shayetet 13. Une unité qui a vu le jour aussi grâce à la contribution fondamentale de notre Dixième Flotille. Certains des meilleurs éléments de la marine italienne sont arrivés en Israël afin de former les hommes qui devront constituer les unités d'élite de la marine de l’Etat hébreu. Mais en plus des hommes, la marine israélienne a importé d'Italie des moyens et des techniques de combat: bateaux à moteur, esquifs explosifs et tactiques de sabotage - les mêmes qui avaient terrorisé la Royal Navy dans toute la Méditerranée - sont désormais entre les mains des commandants militaires de l'État juif. Un "savoir-faire" qui a servi à la flottille 13 d’Israël pour mener à bien la première véritable grande opération de son histoire: le naufrage du navire égyptien Emir Farouk. Pour former le groupe de saboteurs il y avait une vieille connaissance de la Décima: Fiorenzo Capriotti.
Cette prémisse historique nous permet de comprendre l'importance qu'a toujours eue la guerre menée par Israël à l’aide de ces moyens. Et elle nous relie directement à notre époque, avec l'escalade croissante qui s’amorce entre l'État juif et l'Iran dans les eaux entourant le Moyen-Orient. Le golfe Persique, la mer d'Arabie, la mer Rouge et la Méditerranée orientale elle-même sont devenus ces dernières années de véritables théâtres de guerre de "basse intensité", où se déroule un conflit secret et d'une importance fondamentale impliquant les meilleurs services d'Israël et de la République islamique d'Iran.
L'attaque rapportée hier par les médias israéliens - un missile aurait frappé un porte-conteneurs appartenant à une société de Haïfa alors qu'il naviguait de la Tanzanie vers l'Inde - n'est que le dernier épisode d'une longue série. Fin février déjà, le gouvernement israélien avait accusé l'Iran d'avoir frappé un autre navire, le Mv Helios Ray, l'obligeant à effectuer des réparations dans le port de Dubaï. Un épisode plutôt obscur, étant donné que les enquêtes se poursuivent et que Téhéran, évidemment, nie toute implication. Mais c'est un événement qui s'inscrit dans une dynamique de guerre qui n'est certainement pas nouvelle, ni pour Israël ni pour l'Iran. Tant en termes d'attaques de navires que de méthodes.
Ces dernières semaines, deux enquêtes, l'une du Wall Street Journal et l'autre du quotidien israélien Haaretz, ont établi que depuis au moins 2019, la marine israélienne a mené des attaques contre des cargos iraniens à destination de la Syrie. Selon l'enquête d'Amos Harel, il y aurait eu des dizaines d'attaques israéliennes contre les pétroliers et les cargos de Téhéran. "Les navires iraniens partent des ports du sud de l'Iran et traversent la mer Rouge, passant par le canal de Suez pour rejoindre la Méditerranée", explique-t-il à Haaretz, "leur port de destination est généralement Banias, dans le nord de la Syrie, qui est situé entre les deux plus grands ports de la côte syrienne, Tartous et Lattaquié". Beaucoup d’observateurs se sont demandés pourquoi ces attaques n'ont jamais été signalées par Damas, Téhéran ou les commandements israéliens eux-mêmes. La réponse pourrait être double. D'une part, Israël n'aurait jamais pu admettre de frapper des navires en Méditerranée, près de Suez et en mer Rouge, car cela aurait révélé un conflit dans une zone où des milliers de navires transitent chaque année. D'autre part, l'Iran et la Syrie ne pourraient pas avouer avoir contourné les sanctions en faisant circuler des navires chargés de pétrole, d'armes et d'autres produits de contrebande. Le seul aveu tacite, du moins du côté israélien, est représenté par l'augmentation exponentielle des honneurs et des médailles pour les hommes de la marine: en l'absence de campagnes évidentes, il est possible qu'il y ait eu des opérations secrètes derrière elles.
Des opérations dans lesquelles, très probablement, est impliquée précisément la Flottille 13, le Shayetet. Comme l'écrit Gianluca Di Feo dans Repubblica, les commandos "n'auraient pas utilisé d'explosifs, se limitant à saboter les hélices, les gouvernails et autres équipements des pétroliers". Un choix qui génère ipso facto un conflit de basse intensité qui, pourtant, pourrait parfaitement s’inscrire dans les méthodes utilisées par l'élite israélienne. Et qui pourrait également remonter au même type d’escalade amorcée par l'Iran dans le golfe Persique au cours des années précédentes, lorsqu'une série d'enlèvements, de sabotages et de mystérieuses explosions avaient mis en péril le transit naval dans le détroit d'Ormuz. La différence, cependant, réside dans le secret. Cela est très probablement dû aussi au niveau technologique atteint par Israël qui, en ce qui concerne les opérations des forces spéciales, est certainement parmi les premières armées au monde à les mettre en oeuvre.
Une source qualifiée a évoqué à InsideOver la possibilité que des véhicules pilotés à distance aient également été utilisés, sans qu'il soit nécessaire de saboter le navire en utilisant l'élément humain. Cela les différencierait des forces des Pasdarans, qui ont plutôt été repérées en train de placer des explosifs sur la ligne de flottaison d'une cible. Mais dans tous les cas, poursuit la source, il est important de prendre en considération le type de sabotage perpétré. Un drone, ou tout autre moyen, peut, le cas échéant, appliquer une charge explosive avec un système de fixation magnétique. Les cas de sabotage d’hélices et de gouvernails sont différents, car, au contraire, ils tendent à nécessiter l'action d’un être humain qui doit alors effectuer un travail complexe et, surtout, s’avérer capable de réagir aux facteurs inconnus de la mission. Évidemment, ce type d'attaque ne peut être réalisé qu'avec un navire stationnaire dans un port ou éloigné de la côte mais au mouillage. En revanche, pour les attaques à l’aide missiles, le navire peut aussi être en route. Le navire israélien Lori naviguait en mer d'Arabie, tandis que le Shahr e Kord naviguait au large des côtes israéliennes lorsqu'un incendie s'est déclaré dans les conteneurs.
En tout cas, le conflit clandestin risque de se transformer de plus en plus en une dangereuse guerre froide impliquant l'une des régions les plus importantes du monde. L'administration de Joe Biden risque d'être entraînée dans un conflit de faible intensité qui rend néanmoins impossible la poursuite des négociations en vue de trouver un accord sur le programme nucléaire iranien et sur la question connexe des missiles de la République islamique. Les risques d'escalade affectent directement le commerce du pétrole, du gaz liquéfié et même de toutes les autres marchandises. Et ils se multiplient. On l'a vu avec Suez: il suffit de rien pour provoquer un effet domino très dangereux pour le monde entier. Et dans ce cas, ce ne sont pas seulement les compagnies marchandes qui seraient concernées, mais aussi les flottes militaires qui n'auraient besoin que d'une seule erreur pour déclencher un gigantesque incendie.
L'importance stratégique de l'accord entre Israël et le Maroc
Par Marco D'Attoma
Ex: http://osservatorioglobalizzazione.it
2020 sera l'année qui restera historiquement dans les mémoires pour la pandémie du Covid-19, mais pour les études de la diplomatie internationale, ce sera sans doute une année fondamentale pour les développements au Moyen-Orient, en particulier dans les relations établies entre l'État d'Israël et le monde arabe. Les accords d'Abraham, signés le 15 septembre dernier pour normaliser les relations entre les Émirats arabes unis (EAU), Bahreïn et Israël, marquent un tournant historique dans le contexte du Moyen-Orient, au même titre que les accords de Camp David ou les accords d'Oslo. Cette stratégie diplomatique de l'État d'Israël a trouvé un parrain pertinent dans l'administration Trump, qui s'est révélée être le principal interlocuteur pour la paix entre le monde arabe et Israël. La dernière étape de cette politique d'apaisement a été l'accord entre Israël et le Maroc, la plus ancienne monarchie arabe.
L'approche de la présidence américaine est définie comme transnationale, car pour les Etats qui promeuvent les relations diplomatiques avec Israël, il y a une sorte d'avantage, par exemple pour les Emirats Arabes il y avait l'avantage de pouvoir acheter des avions militaires aux Etats-Unis. Pour le Maroc, cependant, l'avantage consiste en la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, un territoire peu connu au niveau international, qui selon les parties, pourrait être défini comme un État ou comme une province marocaine.
Cette concession américaine pourrait cependant raviver un conflit historique entre le Maroc et le Sahara occidental, qui a commencé en 1975 lorsque, suite aux accords de Madrid, le gouvernement franquiste a décidé de se retirer du Sahara espagnol (aujourd'hui Sahara occidental) et d'accorder la souveraineté territoriale sur ce territoire à la Mauritanie et au Maroc. Cependant, le contrôle du territoire en question appartenait au Front Polisario (Frente Popular de Liberación de Saguía el Hamra y Río de Oro), une organisation politique qui s'est opposée à la partition du Sahara espagnol entre la Mauritanie et le Maroc, déclarant la guerre sur les deux fronts pour prendre le contrôle du territoire. La Mauritanie s'est presque immédiatement retirée du conflit, tandis qu'avec le Maroc un conflit a été amorcé qui sera gelé en 1991 grâce à une résolution des Nations unies qui établira un cessez-le-feu, mais sans résoudre définitivement la question. Le Front Polisario ne contrôle actuellement que 20 % du territoire du Sahara occidental, alors que le Maroc considère ce territoire comme une province du Royaume. Au niveau international, le Sahara occidental a un statut d'observateur aux Nations unies et est classé comme territoire non autonome, tandis qu'au sein de l'Union africaine, il est compté parmi les États membres.
La résolution du Conseil de sécurité de 1991, en plus d'établir un cessez-le-feu, a promis au Front Polisario de soutenir la tenue d’un référendum sur l'autodétermination, processus prévu par la Charte des Nations unies, et ce vote serait contrôlé par les Nations unies et l'Union africaine.
Depuis 1991, cependant, les choses n'ont pas changé, la situation s'est même à nouveau détériorée. Ces dernières années, le gouvernement marocain a essayé d'entraver de toutes les manières possibles un référendum, et a également essayé de repeupler sa partie du Sahara occidental en accordant des avantages économiques et des incitations fiscales à ceux qui s’y installaient, afin d'influencer un éventuel vote. Ces derniers mois, les affrontements ont officiellement repris en raison de l'entrée de l'armée marocaine dans la zone démilitarisée. L'armée marocaine était intervenue parce que des manifestants sahraouis bloquaient une route très importante pour le commerce vers l'Afrique subsaharienne, une région vers laquelle de nombreuses marchandises marocaines sont exportées. Le territoire sous contrôle du Maroc est le plus prospère au niveau économique car il est riche en ressources et en gisements, tandis que le territoire sous contrôle du Front Polisario est un territoire aride mais, en même temps, important car il représente pour le Maroc la porte d'entrée du commerce vers l'Afrique occidentale et subsaharienne, riche en phosphates et important pour l'abondance de poissons dans ses eaux.
Pour diviser les deux territoires, il existe une muraille fortifiée, mais pas n'importe laquelle car c'est la plus longue du monde (si l'on exclut la muraille de Chine), longue d'environ 2700 kilomètres, avec des fortifications, des bunkers et des mines au sol. Ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle "Le Mur de la Honte".
La décision de Trump de reconnaître la souveraineté marocaine sur l'ensemble du Sahara occidental a certainement beaucoup contribué à raviver la volonté du gouvernement marocain de prendre le contrôle de l'ensemble du territoire.
Si les actions de Trump ont temporairement apporté un climat de paix au Moyen-Orient, il n'en va pas de même pour le Sahara occidental. Le mur, les droits de l'homme bafoués et les relations avec les États-Unis et Israël ne peuvent que faire penser à un lien entre le peuple sahraoui et le peuple palestinien.
Le pacte abrahamique entre Israël et les monarchies arabes, plus qu'une stabilisation, est un moyen d'annuler les droits des peuples et s'applique négativement aux Iraniens, Palestiniens, Kurdes, Libanais, Irakiens, Yéménites, et à tous ceux qui n'ont pas l'intention d'obéir. Au Moyen-Orient, Biden est déjà sous le poids des décisions de Trump.
La nouvelle année s'ouvre alors que l'année de la pandémie se termine. Les Américains peuvent faire ce qu'ils veulent contre l'Iran et les Israéliens aussi peuvent faire tout ce que les autres ne peuvent jamais faire : agir contre le droit international. Une synthèse du double standard qui, en négatif, s'applique aux Iraniens, Palestiniens, Kurdes, Libanais, Irakiens, Yéménites, et à tous ceux qui n'ont généralement pas l'intention d'obéir. Ces peuples, au mieux, peuvent obtenir des "concessions" mais ne sont pas titulaires de "droits". L'Alliance Abrahamique a sanctionné cet état de fait.
Au milieu se trouvent Erdogan et Poutine : le premier s’avère fonctionnel pour le second. Non seulement parce que le sultan de l'OTAN s'oppose à Moscou et traite en même temps avec la Russie en Libye et en Syrie, mais aussi parce qu'il sert les États-Unis en endiguant l'influence russe, comme en témoigne la guerre du Haut-Karabakh contre les Arméniens soutenue par les Turcs et les armes israéliennes. Biden déteste Erdogan (il l'a également attaqué quand il était l’adjoint d'Obama) mais l'affrontera non pas sur la base de ses aversions ou de ses références démocratiques mais sur son utilité sur le flanc oriental de l'Alliance atlantique.
Un an après l'assassinat du général iranien Qassem Soleimani et de son lieutenant irakien Al Muhandis à Bagdad le 3 janvier dernier par les Américains, nous pouvons aujourd’hui en mesurer pleinement les conséquences. 2020 était l'année de l'attaque contre l'Iran - illustrée également par le meurtre en novembre du scientifique Mohsen Fakhrizadeh, attribué au Mossad – et celle du Pacte d'Abraham concocté dans une optique hostile à Téhéran, et scellé entre Israël et les monarchies du Golfe, suivies rapidement par le Soudan et le Maroc. Plus qu'une stabilisation, c'est un bond en avant vers de nouvelles annulations de droits des peuples : au Moyen-Orient, l'administration Biden, qui entrera en fonction le 20 janvier, pèse déjà sous le poids des décisions de Trump.
L'héritage contrasté d'Obama au printemps 2011 dans le monde arabe - soutien en Égypte aux Frères musulmans, guerre contre Kadhafi et soutien à la déstabilisation de la Syrie - avait eu comme issue positive le 14 juillet 2015 l'accord nucléaire avec l'Iran qui avait exaspéré Israël et jeté la panique en l'Arabie saoudite et dans les monarchies du Golfe. Trump est sorti unilatéralement de ce traité international et a établi de nouvelles règles de jeu qui n'étaient finalement pas si nouvelles que cela car elles remontent au président démocrate Roosevelt et à l’année 1945 : les monarchies devaient payer "cash" et par le truchement d’achats d'armes américaines pour la protection des intérêts des Etats-Unis ; s’ajoutait à la facture la normalisation avec Israël, la vente aux Arabes de pétrodollars comme artifice de survie face à la menace réelle ou présumée de l'Iran.
C'est ainsi que sont apparues les "incitations". Nétanyahou, qui se prépare à de nouvelles élections en mars, a profité de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par les Américains de Trump et de l'annexion du plateau du Golan. En 2020, l’Israélien n'a eu besoin que d'un coup de pouce pour l'annexion annoncée de la Cisjordanie et pour concrétiser les nouvelles alliances avec les Arabes. Le pacte abrahamique a été rejoint par les Emirats et le Bahreïn, puis est venue la normalisation entre Israël et le Soudan, puis celle avec le Maroc.
L'Égypte d'Al Sisi fait déjà partie du jeu : elle reçoit l'argent des Émirats et des Saoudiens ayant comme tâche idéologique et répressive d'éliminer les Frères musulmans. Même le général Haftar en Cyrénaïque, s'il adhère au Pacte Abrahamique, serait entièrement recyclé.
Le souverain Mohammed VI a obtenu des incitations financières mais surtout il a obtenu la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. L'occupation marocaine des territoires sahraouis comme l'occupation israélienne de la Palestine est contraire au droit international et à toutes les résolutions de l'ONU sur l'autonomie et l'autodétermination des peuples. Ce sont là les deux mots que la philosophie lapidaire du pacte abrahamique fait oublier aux Kurdes, ainsi qu'aux Yéménites.
L'autonomie des Kurdes irakiens s’est désormais réduite à une peau de chagrin : le Premier ministre Al Khadimi préfère rencontrer Erdogan dans le cadre d'opérations anti-Pkk que "ses" Kurdes d'Erbil ou de Suleimanya. Ceux de Rojava, alliés des Occidentaux contre l’Etat islamique, avaient déjà payé le prix du sang en 2019, en subissant le retrait américain du nord de la Syrie. La réalité est que tant les Américains que les Européens sont prêts à sacrifier les Kurdes à tout moment si Erdogan garde trois millions de réfugiés chez lui et modère ses revendications en Méditerranée orientale où il se heurte à l'axe France-Grèce-Chypre-Egypte-Israël-Emirats.
Le pacte d'Abraham a également divisé les Yéménites en bons et en mauvais. Selon le Financial Times, avant le 20 janvier, le Département d'Etat américain se préparait à inclure les alliés houthis de l'Iran dans la liste des organisations terroristes. C'est l'une des conditions que l'Arabie saoudite demande, avec le protectorat sur le Yémen, pour la reconnaissance d'Israël, objectif recherché par le prince meurtrier Mohammed bin Salman et jusqu'ici rejeté par le roi Salman.
Mais c'est probablement encore en Irak qu'il faudra s'attendre à de nouvelles opérations des milices pro-américaines et pro-israéliennes anti-iraniennes et anti-chiites. Un récent rapport du Monde le prétend, tout comme le ministre iranien des affaires étrangères Javad Zarif hier. L'année à venir ressemble déjà beaucoup, trop, à celle qui vient de s'écouler.
Ces dernières années, on trouve de plus en plus d'articles sur l'apparente volonté de la Turquie de développer et de renforcer des liens de diverses nature avec Israël. Le New Eastern Outlook a abordé à plusieurs reprises la question des relations existant entre ces deux pays, en soulevant une question en particulier : la Turquie et Israël sont-ils des ennemis ou des alliés ? Les relations entre les deux pays se sont développées par vagues successives au cours des dernières décennies, déclenchant notamment une crise en 2010 après que les Israéliens aient tué 10 militants turcs qui tentaient d'atteindre la bande de Gaza assiégée, à bord du navire Mavi Marmara pour apporter un soutien aux Palestiniens. Finalement, en mai 2018, la Turquie a expulsé l'ambassadeur d'Israël et a rappelé le sien en raison des attaques israéliennes contre Gaza et de la décision américaine de déplacer son ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem.
Mais en même temps, ce n'est un secret pour personne que des liens économiques se maintiennent entre les deux pays et, parmi les entreprises engagées dans la construction de bâtiment pour les colonies juives sur les terres palestiniennes depuis les années 1990 figurent des sociétés turques, comme le groupe de construction Yilmazlar, qui renouvelle régulièrement ses contrats avec Israël depuis 2002. Quant à Israël, il considère la Turquie comme un pays générant d'importants flux financiers et comme l'un des centres du commerce mondial, un lieu clé et stratégiquement important pour la domination sur le Moyen-Orient. Cela explique les démarches de Tel Aviv pour accepter des contacts secrets avec la Turquie, dont une communication entre le chef du service national de renseignement turc, Hakan Fidan, et les responsables israéliens dans le cadre des efforts de normalisation des relations avec la Turquie. Ces derniers contacts, selon les sources, impliquent, entre autres, le rétablissement des relations entre la Turquie et Israël au niveau des diplomates.
Comme l'a noté le Jerusalem Post, la Turquie espère non seulement faire preuve d'une attitude amicale envers Israël et les Juifs, mais aussi obtenir des dividendes de l'administration Biden. Dans le même temps, la publication souligne que "c'est un modus operandi qui a déjà été utilisé.... Cependant, il n'est pas encore clair si Israël fera réellement la cour à la Turquie et, par suite, ignorera son soutien au Hamas. L'autre jour, Ankara a fait une autre offre de réconciliation avec Israël pour mettre fin au conflit bilatéral. Cihat Yayci, ancien amiral et professeur de sciences politiques, proche d'Erdogan, a publié un article dans le numéro de décembre de Turkeyscope, un magazine mensuel du centre Moshe Dayan de l'université de Tel-Aviv, proposant une solution au problème constitué par la frontière maritime et économique entre Israël et la Turquie. Il y envisage notamment une réduction des eaux territoriales de Chypre, avec laquelle les relations d'Ankara se sont gravement détériorées depuis les dernières tentatives d'expansion turque en Méditerranée orientale. Il est vrai que dans les commentaires de l'article, le rédacteur en chef de Turkeyscope, le Dr Hay Eytan Cohen Yanarocak, docteur en études orientales, a observé : "Afin d'accroître les relations entre Israël et la Turquie, menant à la normalisation, il est nécessaire de rétablir la confiance mutuelle, et donc, par-dessus tout, il est nécessaire de ramener ambassadeurs et consuls. L'essentiel des propositions turques consiste à établir une frontière dans la zone économique maritime entre la Turquie et Israël au détriment de Chypre et, en redessinant les zones économiques maritimes, à transférer de nombreux lots chypriotes à Israël. En annonçant de telles propositions, Ankara essayait de jouer sur le fait que les zones frontalières maritimes entre Israël et Chypre ont toujours été contestées, malgré les accords signés. Et comme il s'agit d'eaux à hauts rendements économiques potentiels, où, du côté chypriote, se trouve le gisement de gaz d'Aphrodite, d'une valeur de 9 milliards de dollars, avec 100 milliards de mètres cubes de gaz, la nouvelle délimitation de la frontière maritime est présentée par Ankara comme un cadeau précieux à Tel-Aviv, mais à une seule condition : Israël n'aura d'accords qu'avec la Turquie et absolument aucun avec Chypre, dont l'avis n'intéresse pas le moins du monde Erdogan. En même temps, Ankara ne cache pas qu'elle a des "revendications" sur Chypre, suggérant ainsi qu'Israël devrait avoir un "échange d'intérêts" en signant l'accord.
L'amiral Cihat Yayci a conseillé à Israël de ne pas construire le coûteux gazoduc EastMed vers la Grèce via Chypre, mais de se connecter au gazoduc turc pour envoyer du gaz vers l'Europe, ce qui est plus pratique et moins cher, en faisant clairement référence au "corridor gazier sud" de l'Azerbaïdjan, qui passe par la Turquie. Il convient de noter que la Turquie avait déjà signé un accord similaire, au détriment de la Grèce, avec le gouvernement de Tripoli, ce qui a provoqué la colère non seulement d'Athènes, mais aussi de Bruxelles, du Caire et de Tel-Aviv. D'ailleurs, c'est l'ancien amiral Yaycì qui a suggéré l'idée d'un tel accord avec la Libye.
Comme les médias israéliens ont commenté la proposition de Yaycì, c'est la deuxième fois au cours des quatre derniers mois qu'Ankara a utilisé l'argument énergétique pour tenter de négocier une trêve avec Israël. Le rapprochement clairement souhaité par la Turquie est attesté non seulement par la fréquence croissante des contacts entre les représentants des services de renseignement des deux États, mais aussi par le fait qu'Erdogan lui-même n'a pas ouvertement offensé Israël ces derniers mois.
Amiral Cihat Yayci.
Concernant l'accord sur la frontière maritime proposé à Israël par la Turquie, les observateurs israéliens l'ont qualifié de "coup turc", dans lequel Erdogan entend sacrifier une autre pièce deson jeu... Chypre, avec qui Israël doit encore se mettre d'accord sur une frontière maritime. L'accord proposé par Ankara sur la délimitation mutuellement avantageuse de la zone économique maritime a jusqu'à présent été plutôt mal accueilli par les experts israéliens. En particulier, il y a un avertissement clair que, s'il est accepté, il pourrait opposer Israël non seulement à Chypre et à la Grèce, mais aussi à son nouveau partenaire, les Émirats arabes unis, dont le souverain officiel, le prince héritier Muhamad bin Zayad, a récemment signé un traité de défense avec la Grèce. Dans le même temps, il n'est pas exclu que les tensions entre les EAU, d’une part, et Erdogan et ses partenaires au Qatar, d’autre part, puissent également conduire à un grave conflit entre Tel Aviv et Abu Dhabi. Dans ces conditions, les experts estiment qu'Israël n'acceptera certainement pas l'accord proposé par Ankara et ne trahira pas son allié Chypre, ce qui jette à son tour un doute sur le succès de la "démarche turque". Quant à la Turquie, Tel-Aviv insiste sur le fait qu'elle doit d'abord changer d'attitude envers Israël, cesser de le délégitimer aux yeux de la population turque et mettre fin à ses relations avec le Hamas. De cette façon, Israël montre que si Erdogan continue, l'État juif trouvera un moyen de restaurer la relation formelle et mutuellement bénéfique entre les deux pays qui existait dans le passé.
Vladimir Odintsov, observateur politique, en exclusivité pour le magazine en ligne "New Eastern Outlook".
Les médias mainstream occidentaux ont beaucoup insisté sur le rôle majeur et indéniable de la Turquie dans la crise opposant l’Arménie à l’Azerbaïdjan, mais ils sont restés extrêmement et étonnamment discrets, voire silencieux sur le rôle tout aussi important, joué, en coulisse, par Israël, et sur son positionnement dans cette affaire.
Ce rôle n’a pourtant pas pu échapper à un géopoliticien ou à un observateur averti.
Il y a, bien sûr, les discrètes navettes aériennes entre Tel Aviv et Bakou qui, au début d’octobre, ne transportaient pas des oranges, mais de l’armement sophistiqué (notamment des drones et des missiles). Une part non négligeable de l’armement azéri est d’origine israélienne. Il faut rappeler que l’Azerbaïdjan est le premier pourvoyeur de pétrole d’Israël et lui fournit 40% de ses besoins. Ceci suffirait presque à expliquer l’alliance de fait, entre les deux pays, alliance basée sur une sorte d’échange «pétrole contre armement».
Il y a la relative discrétion des chancelleries et des médias occidentaux – dont on sait qui les contrôle – sur l’ingérence ouverte de la Turquie, pays membre de l’OTAN, contre l’Arménie, pays membre de l’OTSC (Organisation du Traité de Sécurité Collective) aux côtés de la Russie. La coalition occidentale a bien protesté du bout des lèvres; elle a bien appelé «à la retenue» et au «cessez le feu», mais elle a laissé faire la Turquie sans vraiment dénoncer son impérialisme islamiste, désormais tous azimuts (Syrie, Irak, Libye, Méditerranée orientale, Caucase).
Il y a encore la prise de position officielle de Zelenski, premier président juif d’Ukraine, en faveur de l’Azerbaïdjan, et contre l’Arménie. Ce président aurait certainement été plus discret dans son soutien si l’Azerbaïdjan avait été hostile à l’état hébreu.
Il y a enfin cette déclaration de Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro qui nous apprend dans un tweet:
Conflit au Nagorny-Karabakh: au-delà de la station du Mossad basée en Azerbaïdjan pour espionner l’Iran et de la livraison de matériels militaires à Bakou, Israël entraîne les forces de sécurité azéris, confie un diplomate européen, qui fut basé en Azerbaïdjan.
Mais pourquoi l’État hébreu se distingue-t-il aujourd’hui, par sa présence et son action dans cette région du monde aux côtés de la Turquie, de l’Azerbaïdjan et du djihadisme islamiste?
Avant de tenter de répondre à cette question,il faut se rappeler que l’activisme d’Israël sur la scène internationale n’est pas que régional, mais mondial. Il peut être direct ou indirect. Son empreinte est souvent perceptible et parfaitement identifiable dans la politique étrangère des grands pays occidentaux (USA, UK, FR, Canada, Australie), mais elle l’est aussi dans presque tous les grands événements qui ont affecté l’évolution géopolitique mondiale des dernières décennies: (guerres au Proche et Moyen-Orient, révolutions colorées et/ou changement de pouvoir (ou tentatives) notamment en Amérique du Sud (Brésil, Bolivie, Venezuela, Colombie, Équateur) mais aussi en Europe (Maïdan …) et en Afrique du Nord (printemps arabes, hirak algérien). A noter aussi l’ingérence plus ou moins ouverte dans les élections des grands pays de la coalition occidentale (USA, FR, UK, Canada, Australie) par des financements généreux de sa diaspora visant à promouvoir les candidats qui lui sont favorables et à détruire ceux qui ne le sont pas.
Cet activisme pro-israélien s’exerce par le biais d’une diaspora riche, puissante et organisée. Cette diaspora collectionne les postes d’influence et de pouvoir, plus ou moins «achetés» au fil du temps et des circonstances, au sein des appareils d’État, au sein des médias mainstream, au sein des institutions financières et des GAFAM qu’elle contrôle. Le Mossad n’est pas en reste et fonde l’efficacité de son action sur le système des sayanims, parfaitement décrit par Jacob Cohen dans sa conférence de Lyon. https://www.youtube.com/watch?v=2FYAHjkTyKU
L’action de ces relais et soutiens vise à défendre et à promouvoir les intérêts directs et indirects de l’État hébreu sur la planète entière et à élargir le cercle des pays et des gouvernances qui le soutiennent. Elle vise aussi à affaiblir celles et ceux qui lui sont opposés. Elle est tenace, efficace et s’inscrit dans la durée.
Pour gagner, l’État hébreu, comme le fait aussi très bien l’OTAN, n’hésite jamais à faire des alliances de circonstance, limitées dans l’espace et dans le temps, avec tel ou tel de ses adversaires (Turquie et djihadistes en Syrie par exemple). Ses actions sont souvent «préméditées», «concoctées» et «coordonnées» avec ses correspondants «néoconservateurs» de Washington. Comme partout ailleurs le mensonge d’État et la duplicité sont monnaies courantes…
Pourquoi susciter et/ou mettre de l’huile sur le feu dans un conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie et pourquoi maintenant ?
Trois grands pays de la région, la Russie, la Turquie et l’Iran, sont directement concernés par ce conflit et par ses conséquences potentielles, parce qu’ils sont frontaliers avec l’une des deux parties en conflit, et parfois les deux. Israël, pour sa part, n’est qu’indirectement concerné, mais l’est tout de même, nous le verrons.
Par ailleurs, cette région du Caucase est également une «zone de friction» entre des alliances qui ne s’apprécient pas vraiment: La coalition occidentale et l’OTAN dont la Turquie et Israël jouent la partition, l’OTSC (Organisation du Traité de Sécurité Collective) dont la Russie et l’Arménie sont membres, et l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï) à laquelle la Russie et l’Iran sont liés (pour l’Iran, comme membre observateur et aspirant candidat depuis 15 ans).
Pour compliquer le tout, le premier ministre arménien en fonction, Nikol Pashinyan, a cru bon de devoir afficher sa préférence pour l’Occident dès sa prise de fonction et de prendre ses distances avec Moscou, ce qui met son pays en position délicate pour réclamer aujourd’hui l’aide de la Russie.
Le déclenchement de la crise actuelle est, selon moi, une opération qui dépasse largement le cadre étroit d’un conflit territorial entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Il s’agit d’une opération de plus – après Maïdan en Ukraine, après la tentative de révolution colorée en Biélorussie et après les affaires Skripal et Navalny – visant à mettre la pression sur la Russie, mais aussi sur l’Iran, en les mettant dans l’embarras, voire, en les poussant à la faute.
Il est clair que toute intervention rapide et musclée de la Russie dans ce conflit aurait été immédiatement condamnée par la «communauté internationale autoproclamée» – c’est à dire par l’OTAN – et suivie de l’habituel train de sanctions anti-russes, par les USA, servilement suivis par ses vassaux européens. Il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui, mettre un terme au gazoduc North Stream II reste un objectif majeur pour les USA……
L’absence d’une ferme réaction des occidentaux dans la crise du Caucase est, en elle- même, révélatrice sur quatre points:
1 – La défense de l’Arménie n’est pas une priorité pour la coalition occidentale. Monsieur Nikol Pashinyan, premier ministre arménien, s’est donc trompé de cheval en misant sur l’Occident pour la défense de son pays. La coalition occidentale laisse souvent tomber ses alliés de circonstance comme ils l’ont fait pour les Kurdes en Syrie …..
2 – En atermoyant et en laissant venir une réaction russe qu’elle espère pouvoir sanctionner en mettant définitivement fin au North Stream II, la coalition occidentale montre, une fois de plus, sa duplicité et son cynisme. Peu lui importe l’Arménie …..
3 – En créant un foyer d’infection djihadiste aux frontières de la Russie et de l’Iran, la coalition israélo-occidentale montre, une fois de plus, qu’elle est prête à pactiser avec le diable et à l’instrumentaliser pour parvenir à ses fins, en l’occurrence l’affaiblissement de ses adversaires russes et iraniens.
4 – En laissant agir la Turquie et Israël sans réaction, la coalition occidentale reconnaît implicitement, derrière des discours trompeurs, que ces deux pays agissent à son profit.
Le quotidien israélien «The Jerusalem Post» a abordé dans un article récent les affrontements entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie non sans laisser éclater la joie israélienne de voir le Caucase devenir un nouveau foyer de crise potentiellement susceptible d’avoir un impact considérable sur le Moyen-Orient. L’impact recherché par Israël est toujours le même: alléger les pressions et les actions iraniennes et russes sur le théâtre syrien en ouvrant un «nouveau front de préoccupations» aux frontières de ces deux pays.
En conclusion, quatre points méritent d’être soulignés, à ce stade de la crise,
1 – Monsieur Pashinyan, premier ministre arménien, a fait une erreur d’appréciation en misant sur un camp occidental qui s’avère moins fiable que prévu pour défendre l’intérêt de son pays. Il devra, peut être, in fine, faire des concessions douloureuses et pourrait bien y perdre son emploi lors des prochaines élections.
2 – Monsieur Aliyev, président d’un Azerbaïdjan majoritairement chiite, regrettera peut être un jour d’avoir introduit sur son sol des djihadistes sunnites pour combattre l’Arménie. Il regrettera peut-être aussi l’instrumentalisation dont il est l’objet par la Turquie et Israël, chevaux de Troie de l’OTAN. Ses voisins russes et iraniens ne lui pardonneront pas facilement…..
3 – La Russie, dont la gouvernance et la diplomatie ne sont pas nées de la dernière pluie, n’est toujours pas tombée, tête baissée, dans le piège de l’intervention immédiate et musclée qui pourrait, après la tragi-comédie «Navalny», sonner le glas du North Stream II.
Elle interviendra, tôt ou tard, lorsque le bon moment sera venu. Les différents protagonistes directs et indirects ne perdront rien pour attendre.
4 – Israël et l’Occident otanien auront-ils gagné quelque chose à poursuivre leurs actions de harcèlement aux frontières de la Russie et de l’Iran en instrumentalisant l’Azerbaïdjan et en cherchant à détacher l’Arménie de l’OTSC dans le cadre de la stratégie d’extension à l’Est qu’ils poursuivent depuis trente ans ? Rien n’est moins sûr. L’avenir nous le dira.
Quant à la solution du problème territorial, source du conflit déclenché par l’Azerbaïdjan-contre l’Arménie, elle réside probablement dans l’application de l’article 8 du Décalogue de l’Acte final d’Helsinki voté le 1e août 1975 qui régit les relations internationales entre les états participants. Cet article évoque clairement «le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes».
Lorsqu’une volonté de quitter un ensemble étatique est validé par un, voire plusieurs référendums à plus de 90%, et lorsque cette sécession a été effective durant 34 ans, sans conflit majeur – ce qui est le cas pour la république d’Artsakh (Haut-Karabakh)-, il semble légitime que la communauté internationale puisse prendre en compte la volonté des peuples et d’accepter de reconnaître ce fait en dotant ces nouveaux états d’une structure juridique particulière leur garantissant une paix sous protection internationale.
On me rétorquera que l’article 3 du même décalogue d’Helsinki rappelle l’intangibilité des frontières. Il s’agira donc, pour la communauté internationale, de déterminer si le droit des peuples à disposer d’eux même doit primer, ou non, sur l’intangibilité des frontières, après 34 ans de séparation totale et effective de vie commune entre deux parties d’un même état.
Cette décision, lorsqu’elle sera prise, ne devrait pas être sans conséquences jurisprudentielles sur le futur du Kosovo, de la Crimée, ou de la Palestine occupée……
Pour ceux qui souhaitent élargir et diversifier leurs connaissances sur ce sujet sensible, je suggère la lecture de deux articles intéressants:
– un article de Jean Pierre Arrignon, historien byzantiniste et spécialiste de la Russie
– un éditorial d’Eric Denécé, patron du CF2R (Centre Français de Recherche sur le Renseignement sous le titre: «Le conflit Arménie/Azerbaïdjan au Haut-Karabakh relancé par la Turquie».
Netanyahu and Erdogan in unlikely alliance against Iran in Nagorno-Karabakh?
Historical enmity between the Ottomans and the Persians, and rivalry for control in various hot spots across the region, make it difficult for Turkey and Iran to create a lasting partnership
Anshel Pfeffer
Ex: https://www.haaretz.com
Azerbaijani cargo planes landing at Israeli air force bases in the Negev are a relatively common sight, attesting to the extensive arms deals between the two countries. But the frequency of arrivals and timing of Ilyushin Il-76 freighters – two of which landed at Uvda last Thursday, just two days before a major escalation in the ongoing conflict between Azerbaijan and Armenia, followed by two more on Tuesday and Wednesday – suggest both the preparation and replenishing of Azerbaijani forces for the latest bout of fighting around the Nagorno-Karabakh enclave, now in its fourth day.
The Israeli government has refrained from making any statements on the situation in the South Caucasus. Officially it isn’t taking sides, and it also has diplomatic relations with Armenia, which only two weeks ago opened its first embassy in Tel Aviv. Israeli officials stress quietly that “we have interests on both sides,” and Israel certainly won’t openly defy the Russian government, which is one of Armenia’s patrons (though it sells arms to Azerbaijan as well).
It’s not just the lucrative arms deals, which are reported to include drones, missiles and radar systems. Israel considers Azerbaijan a strategic ally. The kleptocracy on the Caspian is the source of much of the oil Israel purchases and, due to its geographic location, an extremely useful “backdoor” to its neighbor Iran for intelligence and other clandestine purposes – especially as the Shi’a-majority country is also resolutely secular and has long been suspicious of the revolutionary ambitions of the Islamic republic to its south.
But Azerbaijan’s ethnic ties are much stronger with another regional power, Turkey – which, according to reports from Nagorno-Karabakh, mainly from Armenian sources, is much more involved in this current escalation than in previous ones. The Armenians claim that Turkish drones are being used, that a Turkish F-16 fighter jet shot down one of its aircraft and even that Syrian fighters from the Turkish-backed Syrian National Army have been deployed there. Turkey has denied reports that it’s militarily involved, but is vocally supportive of Azerbaijan.
For the first time for a long while, Israel seems to be on the same side as Turkey.
Is this a temporary and coincidental common interest, or a sign that some elements of the old Israel-Turkey alliance still endure?
For the past 12 years, since Israel’s Operation Cast Lead in Gaza, relations between the two countries have been on a steady downward trajectory. In the first few years, there were those who still believed it was a temporary situation, due to Recep Tayyip Erdogan’s attempts to bolster his position in the region.
Today, though, the consensus in the Israeli security and intelligence establishment is that the increasingly autocratic Erdogan is an incurable antisemite and that as long as he’s Turkey’s leader, there’s no prospect for real improvement in those ties.
Despite Turkey itself still maintaining low-level diplomatic ties and extensive commercial relations with Israel, Erdogan fiercely condemned the recent “normalization” of relations and agreements between Israel and the United Arab Emirates and Bahrain. In recent years, Turkey has started hosting key Hamas leaders, allowing them to establish offices in Istanbul and even giving some of them Turkish citizenship. This is partly due to Erdogan’s desire to portray himself as the protector of the Palestinians and his own personal affinity with the Muslim Brotherhood movement, which lost its original base in Egypt after the 2013 coup against then-President Mohammed Morsi.
The argument within the Israeli intelligence community over whether the break with Turkey is temporary and only due to Erdogan or whether it represents a deeper shift is still ongoing. To a large degree, it depends on the personal relations any specific official had with Turkish contemporaries in the past. For example, a senior officer in the Israel Air Force, who just over a decade ago was still training in Turkey’s airspace and continued maintaining ties with Turkish contemporaries through various NATO forums, said last year that he’s convinced “Turkey is not an enemy and will be a close ally again once Erdogan is gone.”
On the other hand, intelligence officials who have seen how Hamas operations in the West Bank are increasingly being directed from Istanbul – and how the Turkish MIT intelligence service has come under the control of Erdogan confidants who are inclined toward working closely with Iran – are convinced that even if Erdogan is forced to resign, or dies, his successors may well continue his policies.
“It will certainly take years for the relationship we once had to be restored,” one intelligence analyst said. “The test will be whether the Hamas offices are closed down.”
More than anything, it depends on Iran – which brings us back to Nagorno-Karabakh.
Despite overtures from both sides, the historical enmity between the Ottomans and the Persians, and the rivalry for control in various hot spots across the region, make it difficult for Turkey and Iran to create a lasting alliance.
Iran has been one of Armenia’s main supporters on Nagorno-Karabakh, creating for Israel an opportunity for back-channel dialogue with Erdogan’s Turkey and hopefully widening the rift between Ankara and Tehran.
For decades, Israel’s allies in the region were the non-Arab powers, Turkey and Iran, who joined Israel in the unofficial “alliance of the periphery,” which was decimated first by Iran’s Islamic revolution in 1979 and then the rise of Erdogan from 2003 onward. Now, Israel is closer than ever to the pro-Western bloc of Arab nations that include the UAE, Saudi Arabia and Egypt, which share Israel’s hostility toward Iran and Turkey, and is vying with them for regional dominance in a series of proxy conflicts in Syria, Yemen, Lebanon and Libya.
The arms shipments to Azerbaijan and the flare-up in Nagorno-Karabakh is a reminder that the periphery alliance may not be entirely dead.
Since Israel's inception, the Haredi — ultra-Orthodox adherents of Judaism —have been exempt from the country's military conscription laws. But their growing population, coupled with their high unemployment rate and dependence on state benefits, sparked outrage within the country's secular majority. After years of demanding that the Haredi share the responsibility of serving in the armed forces, the Israeli government passed an unprecedented law in March 2014 that requires Haredi men to serve in the military. The decision resulted in major opposition from the Ultra Orthodox community, from violent protests to religious leaders demanding that no one should comply. VICE News travels to Israel to speak with hardline members and leaders of the Ultra Orthodox community as well as soldiers in the Netzah Yehuda, the IDF's Ultra Orthodox Battalion, to get their take on the government's decision.
Sur l’interdiction du Hizbollah en Allemagne ou force salamalecs pour Israël
Malgré la crise du coronavirus, il y a tout de même d’autres thématiques sur lesquelles il conviendrait de s’entretenir. Parmi celles-ci, l’interdiction en Allemagne du Hizbollah chiite, désormais posé comme « organisation terroriste » suite à de longues pressions du lobby pro-israélien, interdiction qui est l’œuvre du ministre de l’intérieur allemand Seehofer, surnommé « Drehhofer », du verbe « drehen », « tourner », tourner comme une girouette. Cette gesticulation de Seehofer-la-girouette est, sur le plan politique, totalement dépourvue de sens car, d’abord, le Hizbollah ne commet pas d’attentats terroristes sur le sol allemand, et, ensuite, cette interdiction postule, très logiquement, qu’il aurait fallu aussi rompre toutes relations diplomatiques avec le Liban car, dans ce pays du Levant, le Hizbollah participe régulièrement à l’exercice du pouvoir.
Cet incident démontre une fois de plus, et très clairement, que la politique dite « allemande » est dictée par d’autres et qu’en aucun cas elle est faire par des Allemands pour des Allemands. Comme j’ai pu le constater personnellement après plusieurs visites à ce pays, le Hizbollah bénéficie au Liban d’une aura considérable tant chez les chrétiens que chez les musulmans. Pourquoi ? Parce que, d’une part, il dispose d’un vaste réseau d’organisations caritatives et, d’autre part, il a la réputation de pouvoir tenir tête militairement et efficacement tant aux Israéliens qu’aux terroristes sunnites de l’Etat islamiste (soutenu par Israël et les Etats-Unis). C’est donc avec raison qu’un représentant du conseil des gardes de la révolution iranienne a pointé l’attention du gouvernement fédéral allemand, suite à l’interdiction proclamée par Seehofer, pour lui dire que le Hizbollah a contribué de manière importante à ce que les coupeurs de têtes de l’Etat islamiste n’ont pas pu étendre leurs activités dans les capitales européennes au cours de ces dernières années (voir le lien : https://www.almasdarnews.com/…/hezbollah-prevented-isis-fr…/).
On déplorera tout particulièrement une chose dans cette affaire de l’interdiction du Hizbollah en Allemagne : le médium « Compact » (revue + chaîne TV) de Jürgen Elsässer, qui se déclare « non conformiste », a appuyé la décision ridicule et Israel-friendly de Seehofer en la décrivant comme un « coup contre les islamistes ». Cela nous permet de poser un constat : toute expression de l’Islam-bashing fait toujours mouche dans les milieux « populistes de droite » qui, décidément, demeurent complètement désorientés dans leurs postures idéologiques.
Plus pénible encore : la première demande d’interdiction du Hizbollah date de juin 2019 et vient précisément des élus de l’AfD au Bundestag et avait été, à l’époque, rejeté à la majorité ! Raison de plus pourquoi il conviendrait de voir en l’AfD, qui a décidé de se poser comme, je cite, « pro-juif à 100% », tout ce que l’on veut sauf une réelle alternative pour l’Allemagne.
Restons-en aux faits : en 2006, le Hizbollah avait empêché que le Sud du Liban soit conquis et absorbé par les Israéliens. Israël ne l’a jamais oublié, tout comme le fait, d’ailleurs, que le Hizbollah est désormais une partie constitutive du « corridor chiite » et constitue dès lors un facteur géopolitique de poids dans la région. Mais ce n’est pas là notre problème. Ce qui compte surtout, c’est que le Hizbollah n’a jamais poursuivi l’objectif d’islamiser le monde entier ni d’envoyer des barbus complètement camés pour commettre des attentats-suicides dans le monde. Mettre sur le même plan le Hizbollah, d’une part, et al Qaeda ou l’Etat islamique, d’autre part, relève de la stupidité politique et de l’aveuglement idéologique. L’interdiction par Seehofer -cet homme sait-il faire autre chose qu’interdire ?- fait honte : ce n’est pas là mon gouvernement, ce n’est pas là mon Allemagne.
Un conflit sur les hydrocarbures se prépare en Méditerranée entre Israël et la Turquie
Par Ramzy Baroud
Ex: http://www.france-irak-actualite.com
(revue de presse : Chronique de Palestine – 11/3/20)*
Les découvertes massives de gaz naturel au large de la côte d’Israël et de la Palestine devraient faire de Tel-Aviv un centre énergétique régional. Il reste à voir si Israël sera en mesure de transformer ce potentiel gazier largement inexploité en une véritable richesse économique et stratégique.
Une chose est certaine, c’est que le Moyen-Orient est déjà en proie à une guerre géostratégique majeure, qui pourrait dégénérer en une véritable confrontation militaire.
Sans surprise, Israël est au cœur de ce conflit grandissant.
« La semaine dernière, nous avons commencé à acheminer du gaz vers l’Égypte. Nous avons fait d’Israël une superpuissance énergétique », s’est vanté le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, lors d’une réunion du cabinet le 19 janvier.
Cette auto-congratulation de Netanyahu faisait suite à des informations excellentes pour le Premier ministre en difficulté, à savoir que la Jordanie et l’Égypte sont maintenant toutes deux des clientes de Tel-Aviv, et lui achètent des milliards de mètres cubes de gaz israélien.
Pour Netanyahu, vendre du gaz israélien à deux pays arabes voisins n’est pas seulement un progrès économique et politique, c’est un formidable coup de pouce personnel. Le leader israélien tente, en effet, de convaincre la population de voter pour lui aux élections de mars et l’élite politique israélienne de lui accorder l’immunité contre diverses accusations de corruption qui pourraient l’envoyer en prison.
Depuis des années, Israël exploite la découverte d’énormes gisements de gaz naturel provenant des champs Leviathan et Tamar – situés respectivement à 125 km et 80 km de Haïfa – pour reconstruire des alliances régionales et redéfinir sa centralité géopolitique vis-à-vis de l’Europe.
Cependant, la stratégie israélienne risque de provoquer des conflits dans une région déjà instable, du fait que cela fait entrer dans le jeu Chypre, la Grèce, la France, l’Italie et la Libye, ainsi que l’Égypte, la Turquie, le Liban et la Russie.
Le 2 janvier, Netanyahu était à Athènes pour signer un accord sur un gazoduc, aux côtés du Premier ministre grec, Kyriako Mitotakis, et du président chypriote, Nicos Anastasiades.
Le gazoduc EastMed devrait relier Israël à Chypre, à la Grèce et, à terme, à l’Italie, et transporter ainsi le gaz de la Méditerranée orientale directement vers le cœur de l’Europe.
Il y a quelques années, ce scénario paraissait impossible, car Israël achetait encore une grande partie de son gaz naturel à l’Égypte voisine.
Le gisement de Tamar a en partie corrigé la dépendance d’Israël au gaz importé lorsqu’il a commencé à produire en 2003. Peu de temps après, Israël a de nouveau trouvé du gaz, cette fois-ci avec des réserves bien plus importantes, dans l’énorme champ Leviathan. Le 31 décembre 2019, Leviathan a commencé à produire du gaz pour la première fois.
Leviathan est situé dans le bassin levantin de la mer Méditerranée, une région riche en hydrocarbures.
« On estime que Leviathan contient plus de 21 000 milliards de pieds cubes de gaz naturel, ce qui est suffisant pour répondre aux besoins de production d’énergie d’Israël pour les 40 prochaines années, tout en laissant une réserve suffisante pour l’exportation », selon Frank Musmar du Centre d’études stratégiques de la BESA.
La part de l’Égypte dans le gaz israélien – 85 milliards de mètres cubes (bcm), pour un coût estimé à 19,5 milliards de dollars – est réglée par l’intermédiaire de l’entité privée égyptienne Dolphinus Holdings. L’accord jordanien a été signé entre la compagnie nationale d’électricité du pays, NEPCO, et la société américaine Noble Energy, qui détient 45 % des parts du projet israélien.
Les Jordaniens ont protesté en masse contre l’accord gazier israélien, car ils considèrent la coopération économique entre leur pays et Israël comme un acte de normalisation, alors que Tel-Aviv continue d’occuper et d’opprimer les Palestiniens.
Les échos de ces protestations populaires sont parvenus au Parlement jordanien qui, le 19 janvier, a voté à l’unanimité une loi visant à interdire les importations de gaz en provenance d’Israël.
Au-delà de sa domination économique régionale, Israël se diversifie et devient un acteur important sur la scène géopolitique internationale. Le projet de gazoduc EastMed, estimé à 6 milliards d’euros, devrait couvrir 10 % des besoins globaux de l’Europe en gaz naturel. C’est là que les choses deviennent encore plus intéressantes.
La Turquie estime que l’accord, qui implique ses propres rivaux régionaux, Chypre et la Grèce, est conçu spécifiquement pour la marginaliser économiquement en l’excluant du boom des hydrocarbures en Méditerranée.
Ankara est déjà un centre énergétique massif, puisqu’elle accueille le TurkStream qui alimente l’Europe qui recourt à la Russie pour couvrir environ 40 % de ses besoins en gaz naturel. Cela a fourni à Moscou et à Ankara non seulement des avantages économiques, mais aussi un levier géostratégique. Si le gazoduc EastMed devient une réalité, la Turquie et la Russie seront les grands perdants.
La Turquie a riposté par une série de mesures successives et surprenantes, dont la signature d’un accord de frontière maritime avec le gouvernement d’accord national (GNA) de Libye, reconnu au niveau international, et la promesse d’envoyer un soutien militaire à Tripoli dans sa lutte contre les forces loyales au général Khalifa Haftar.
« La Turquie ne permettra aucune activité qui soit contraire à ses propres intérêts dans la région », a déclaré Fuat Oktay, vice-président de la Turquie, à l’agence de presse Anadolu, ajoutant que « tout plan qui ne tient pas compte de la Turquie n’a absolument aucune chance de réussir ».
Bien que les pays européens aient rapidement condamné Ankara, cette dernière a réussi à changer les règles du jeu en revendiquant de vastes zones qui sont également revendiquées par la Grèce et Chypre dans le cadre de leurs zones économiques exclusives (ZEE).
La Turquie va non seulement forer dans les eaux territoriales de la Libye pour trouver du gaz naturel, mais aussi dans les eaux contestées autour de Chypre. Ankara accuse Chypre de violer « l’égalité des droits sur les découvertes », un arrangement qui a suivi le conflit militaire entre les deux pays en 1974.
Si la question n’est pas résolue, le projet de gazoduc EastMed pourrait se transformer en chimère. Ce qui semblait être un accord lucratif, d’une immense importance géopolitique du point de vue israélien, apparaît maintenant comme une nouvelle extension du conflit au Moyen-Orient.
L’UE voudrait échapper au contrôle stratégique de la Russie sur le marché du gaz naturel, mais le gazoduc EastMed semble de plus en plus irréalisable, quelque soit l’angle par lequel on le prenne.
Quoiqu’il en soit, compte tenu des énormes gisements de gaz naturel en capacité d’alimenter les marchés européens, il est presque certain que le gaz naturel méditerranéen finira par devenir une source majeure de dissensions politiques, si ce n’est même de véritable guerre.
Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son dernier livre est «These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons”» (Clarity Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie. Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.