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samedi, 19 juillet 2008

Remarques critiques sur l' "Union Méditerranéenne" de Sarközy

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Bernhard TOMASCHITZ:

Remarques critiques sur l’ “Union Méditerranéenne” de Sarközy

Le 13 juillet, ce sera  chose faite: un jour avant la fête nationale française, on signera à paris le Traité fondateur de l’Union méditerranéenne, lors du sommet entre pays de l’UE et pays riverains de la Méditerranée. A cette nouvelle construction appartiendront non seulement les 27 pays membres de l’UE, mais aussi tous les pays riverains des côtes méridionales et orientales de la Mer Méditerranée , dont le Maroc, l’Algérie, la Tunisie , le Libye, l’Egypte, Israël, la Syrie et la Turquie. Malgré tout le tintamarre et tous les flonflons suscités par Sarközy pour faire passer son projet favori, l’affaire ne semble pas vraiment démarrer sous de bons auspices: d’abord, Sarközy a dû modifier considérablement son projet de départ; il voulait que seuls les pays de l’UE, qui sont réellement riverains de la Méditerranée , participent au projet et voilà que maintenant, on en est à se demander quels pays riverains en feront vraiment partie. De plus, Sarközy n’a jamais pu réfuter complètement les reproches qu’on lui formulait, notamment ceux qui alléguaient que l’objectif réel de cette construction euro-méditerranéenne visait uniquement à consolider les positions déjà dominantes de la France en Méditerranée.

Sarközy a commencé par essuyer une fin de non recevoir du leader libyen Mouamar Khadafi, qui considère l’Union Méditerranéenne comme une “insulte” aux Etats arabes et africains. Ce refus de Khadafi s’explique sans doute par le fait qu’il ne pourra pas jouer, dans ce nouvel orchestre, le rôle de la vedette principale. Mais le Ministre égyptien des affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit n’est pas plus enthousiaste. Pour lui, cette “Union Méditerranéenne” est “comme un spectre dans les airs, sur lequel on ne rine dire de raisonnable”. Ensuite, a-t-il ajouté, “il aurait été bon que le Président français ait préalablement consulté les Etats arabes avant d’annoncer publiquement son projet”. Les Arabes estiment donc qu’ils ont été pris de court et craignent de futures divergences vu la participatin annoncée d’Israël dans ce concert. La Syrie , pour sa part, accepte le projet, avec prudence, car Damas espère que, par le biais de cette “Union Méditerranéenne”, les Syriens obtiendront un traité de paix avec Israël, afin de récupérer à terme les hauteurs du Golan.

Le Président français se voit dans la peau d’un médiateur et d’un pacificateur vu la participation d’Israël. “L’Union Méditerranéenne, cela signifie qu’Israël sera à Paris aux côtés des nations arabes. J’enregistre avec intérêt ce qu’Israël a dit à propos de négociations indirectes de paix avec la Syrie. Et peut-être y aura-t-il des négociations directes entre la Syrie et Israël à Paris”. En fait, son objectif réel semble être de vouloir rapprocher davantage l’entité sioniste de l’UE. C’est ce que révèle in fine son discours tenu fin mai à la Knesset , durant sa visite en Israël. Dans ce discours, Sarközy s’est posé comme “ami” de l’Etat sioniste et a promis que la France serait “toujours du côté d’Israël lorsque celui-ci sera menacé”. Au vif plaisir de ses interlocuteurs de la Knesset , Sarközy a répété le poncif de l’actuelle propagande sioniste, qui veut que le programme nucléaire de l’Iran menace la paix. Textuellement Sarközy a dit: “Un Iran disposant de l’arme atomique est inacceptable pour mon pays”.

Mais lorsqu’il s’agit de préserver les intérêts de la “Grande Nation”, Paris n’hésite pas à coopérer avec des pays dont on peut considérer la politique comme douteuse. Ainsi, fin juin, à Alger, le premier ministre français François Fillon et le Président algérien Abdelaziz Bouteflika ont signé un accord global quant à une coopération des deux pays en matières nucléaires. Or, doit-on le rappeler, en Algérie, les islamistes ont mené une guerre civile de 1991 à 2003 qui a fait 120.000 victimes; aujourd’hui encore, la paix intérieure du pays est régulièrement troublée par des attentats à la bombe, qui font beaucoup de victimes. L’ancienne colonie algérienne de la France demeure importante pour Paris parce qu’elle recèle en son sol des ressources pétrolières importantes, les troisièmes en ordre de grandeur d’Afrique, de même que des nappes de gaz naturel dans le Sahara. Mais cette coopération étroite avec une Algérie fragilisée n’est pas unique: l’autocrate libyen, le Colonel Khadafi, dispose, lui aussi, de réserves pétrolières. En juillet 2007, la France de Sarközy l’a littéralement dragué. Lors d’une visite à Tripoli, le Président français a signé les accords de coopération franco-libyens, qui comprennent un volet nucléaire, prévoyant la construction d’installations.

En octobre 2006, la France signait des accords avec le Maroc, prévoyant la construction d’une centrale nucléaire sur la côte atlantique, près de la ville d’Essaouira. Tous ces pays, prétend Sarközy, contrairement à l’Iran chez qui il subodore les pires intentions malveillantes, utiliseront l’atome à des “fins pacifiques”.

Derrière cette politique dangereuse de la France , se profile la crainte de voir les Chinois rafler la première place en Afrique, continent si riche en matières premières. C’est essentiellement pour cette raison que la France veut diminuer sa présence militaire sur le continent noir au profit d’un engagement renforcé dans le secteur privé. “Il y a aujourd’hui 900.000 Chinois en Afrique et moins de 300.000 Français. Nous devons tenter, là-bas, d’être à nouveau plus concurrentiels” a expliqué le secrétaire d’Etat au développement Alain Joyandet. Celui-ci a également réclamé une nouvelle “Realpolitik” française en Afrique. “Les autres pays construisent en Afrique des routes, des ponts, dirigent des entreprises et marquent leur présence dans le commerce du bois”, a ajouté Joyandet. Dans ces domaines, la France ne peut plus demeurer absente et doit offrir des projets: “L’Afrique bouge. Nous voulons rester un partenaire important de l’Afrique”.

Dans l’avenir, la France n’entend toutefois pas renoncer entièrement à ses moyens de pression militaires. Dans la mission internationale de l’ONU au Tchad, la France entend impliquer ses “partenaires européens”, afin d’aller y défendre les intérêts  de la “Grande Nation”. Récemment, l’hebdomadaire allemand “Der Spiegel” rappelait que Sarközy, lors d’une rencontre avec la Chancelière fédérale Angela Merkel, a annoncé à cette dernière que la France avait l’intention de créer une flotte européenne. La Bundeswehr allemande devrait y participer en mettant à sa disposition des frégates et des unités logistiques qui appuieront un groupe de combat centré autour d’un porte-avions (français évidemment...) qui voguerait sur les océans en battant pavillon européen.

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°28/2008; trad.  franç.:  Robert Steuckers).

 

mercredi, 14 mai 2008

Le message de paix de Martin Buber

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Le message de paix de Martin Buber

 

«Mon âme n'est pas près de mon peuple, mais mon âme est mon peuple. Et dans ce même sens, chacun d'entre nous sentira l'avenir de la judéité; il sentira ce qui suit : je veux continuer à vivre, je veux mon avenir, je veux une nouvelle vie entière, une vie pour moi, pour le peuple qui est en moi, pour moi-même qui suis en mon peuple. Car la judéité ne possède pas seulement un passé car je crois qu'en dépit de tout ce qu'elle a créé, elle n'a pas seulement un passé mais aussi un avenir». C'est en ces termes que Martin Buber (1878-1965), philosophe juif de la religion et de la société, décrit les dimensions de l'existence juive et ce sont là des paroles que l'on vou­drait tenir aux Allemands d'aujourd'hui, qui s'empressent trop souvent d'oublier leur propre nation, pour les in­citer à réfléchir, à procéder à une véritable introspection.

 

Avoir vécu une libération

 

Buber est né à Vienne et, après la séparation de ses parents, il a grandi à Lemberg (Lvov/Lviv) en Galicie, dans la maison de son grand-père, qui était directeur de banque et possédait des terres et des mines, vendait des cé­­réales, tout en étant un érudit connaissant à fond le Talmud. A partir de 1896, Buber part étudier à Vienne, à Berlin, à Leipzig, à Zürich et à Florence. Au cours de sa vie étudiante, il adhère au mouvement sioniste, c'est-à-dire national-juif, fondé par Theodor Herzl.

 

Buber décrit sa rencontre avec le sionisme comme une libération vécue : «La première impulsion de ma libé­ra­tion personnelle m'est venue du sionisme. Je ne peut qu'évoquer brièvement ici ce que cela a signifié pour moi: c'était une restauration du lien, un enracinement renouvelé dans la communauté. Aucun être n'a davantage besoin du lien salvateur qui l'attache à son peuple que le jeune homme saisi par une quête spirituelle, enlevé par les forces de l'intellect et emporté dans les empyrées intellectuelles; et parmi les jeunes hommes de cette espèce, qui partagent ce destin, nul n'a autant besoin de ce ré-enracinement que le juif. Les autres conservent en eux peu ou prou l'héritage des siècles, qui leur procure un lien inné et profond à la terre ancestrale et à la tradition populaire, et les préserve de la dissolution; le Juif, lui, est menacé par cette dissolution, même celui qui cultive un sentiment pour la nature, qu'il ne vient d'acquérir que hier, et qui comprend par la médiation de l'entendement ce qu'est l'art populaire et les us et coutumes d'Allemagne; il est menacé directement par la dis­so­lution, il est exposé à elle, s'il ne retrouve par les liens qui doivent l'unir à sa communauté».

 

Buber a esquissé clairement son attitude à l'endroit du sionisme en posant le constat suivant: «Lorsque nous a­vons commencé à servir Israël, notre mot d'ordre était : culture». Tandis que Herzl considérait qu'il fallait éta­blir un Etat national juif en Palestine, pour assurer la renaissance du peuple juif, Buber voulait simplement l'é­ta­blissement de quelques juifs en Palestine, de façon à ce que cette région du globe devienne un centre cultu­rel juif, le point focal d'une renaissance juive. D'après Buber donc, le sionisme culturel juif devait déboucher sur un "humanisme hébraïque". Pour obtenir ce résultat, il fallait fondre en une unité les traditions juives de l'Oc­cident et de l'Orient. La judéité d'Occident, dans cette optique, devait se détourner de tout assimilation aux peuples hôtes, en s'inspirant de l'attitude de la judéité d'Orient et en retrouvant sa propre substance juive: «Tous les éléments qui, pour elle, peuvent contribuer à faire de la Nation une réalité sont manquants: elle n'a ni terre ni langue ni forme de vie… Tous ces éléments ne sont pas ceux de la communauté de son sang, ap­partiennent à d'autres communautés».

 

A partir de 1905, devenu docteur en philosophie, Martin Buber travaille auprès du lectorat d'une maison d'édition de Francfort, puis devient écrivain. En 1919, il entame une carrière d'enseignant auprès de la "Frank­fur­ter Jüdisches Lehrhaus"; en 1923, l'Université de Francfort lui offre une chaire de sciences religieuses et d'é­thique juive, qui se transformera en 1930 en un titre de professeur honoraire. Après la prise du pouvoir par les na­tionaux-socialistes, Buber abandonne ce titre de professeur avant qu'on ne le lui ôte d'office; il crée aussitôt un "office juif pour la formation des adultes".

 

Se lier aux Arabes dans la justice

 

Dans les premières années du III° Reich, les activités de Buber sont entravées par diverses mesures vexatoires com­me l'interdiction d'avoir des activités publiques en 1935; malgré cela, Buber n'a jamais exprimé publique­ment de jugements négatifs contre le régime national-socialiste avant son émigration en Palestine en mars 1938. Buber ne voulait pas mettre en danger les efforts des sionistes pour préparer les Juifs désireux d'émigrer à la vie qui les attendait en Palestine. Cette attitude circonspecte était nécessaire s'il voulait aider effica­ce­ment ses coreligionnaires en danger. Rétrospectivement, Buber se rappelle d'une conversation téléphonique qu'il avait eue avec le "diable-en-chef" à Berlin : «J'ai dû passer par trois antichambres et attendre chaque fois les connexions, qui m'amenaient toujours plus haut dans la hiérarchie, et, finalement, j'ai eu celui que je vou­lais avoir, Goebbels, en chair et en os, au bout du fil. Aux fonctionnaires qui servaient d'intermédiaires, j'avais simplement dit mon nom et exprimé mon souhait de parler au ministre. C'est ainsi que j'ai pu l'atteindre et, après dix minutes, j'ai obtenu son assentiment pour ce que je lui demandais».

 

En 1938, Buber reçoit à Jérusalem une chaire de philosophie sociale à l'Université Hébraïque. Contrairement à la plupart des sionistes, Buber a réclamé l'avènement d'un Etat bi-national, juif et arabe. Dès 1921, il avait dit au Congrès sioniste de Karlsbad : «Nous voulons nous lier aux Arabes dans un esprit de justice, sur une terre que nous habiterons en commun, afin de réaliser une communauté économique et culturelle prospère, de construire celle-ci en permettant à chacun de développer sa composante nationale en pleine autonomie». En aucun cas, pensait Buber, les Arabes ne devaient se retrouver en minorité. En 1938, il a averti ses compatriotes juifs de Palestine: «Nous n'avons rien à gagner par la violence aveugle. Au contraire, en faisant usage d'une tel­le violence, nous perdrons tout».

 

L'«humanisme hébraïque» de Buber a échoué, parce que l'antagonisme entre Juifs et Arabes n'a cessé de croî­tre. Peu avant de mourir, il a encore tenté de lancer un avertissement solennel à ses contemporains : «… les re­pré­sentants spirituels des deux communautés doivent en arriver à dialoguer véritablement, se lier dans la jus­tice et le respect mutuels».

 

Manfred MÜLLER.

(DNZ-München, Nr.33/2002).

 

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