Alors que les combats s'achèvent en Irak, les Protocoles de Paris sont signés le 28 mai 1941 par l'amiral Darlan et l'ambassadeur Abetz. Dans ce cadre est autorisée la poursuite — devenue sans objet — de l'aide à Rachid Gaylini, et le ravitaillement de l'Afrika Korps via la Tunisie, avec pour contrepartie la libération de prisonniers, dont un millier d'officiers, afin de renforcer les défenses des colonies. Des perspectives plus lointaines sont évoquées, comme la location par les Allemands de bases navales à Bizerte et Dakar ; le risque de guerre est évident, aussi Darlan exige-t-il des gestes significatifs, comme la libération de tous les prisonniers, la fin des frais d'occupation, un vrai statut de cobelligérant le cas échéant et non plus de vaincu. Il semblerait que l'application des propositions avancées soient bloquées principalement par les Italiens — qui risquent de perdre leur statut de principal allié — et des méfiances réciproques entre Français et Allemands. L'aide à l'Irak, tout comme ces Protocoles de Paris, servent de justification à l'invasion britannique. Contrairement à toute la propagande alliée, qui dure encore, cette nouvelle agression ne constitue pas un acte indispensable, et encore moins habile de Churchill : il y a là au contraire de quoi vaincre toutes les réticences de Vichy, faire basculer la France dans le camp de l'Axe. Aussi ces événements sont-ils décisifs : une résistance prolongée de la Syrie française, avec le soutien allemand, aurait pu constituer un tournant dans la guerre. Le Premier ministre britannique pense à court terme, à obtenir une victoire facile — espère-t-il — pour regagner du prestige, ébranlé par le désastre de Crête, après la Grèce, qui s'achève le 1er juin.
mardi, 10 avril 2012
Bachar El-Assad: l’homme à abattre!
Bernhard TOMASCHITZ:
Bachar El-Assad: l’homme à abattre!
Les Américains veulent absolument imposer un “changement de régime” en Syrie
Leurs principales motivations? Des intérêts économiques et un soutien à Israël!
Le sol devient de plus en plus brûlant sous les pieds du leader syrien Bachar El-Assad. Fin mars, un sénateur américain très influent, John McCain, a demandé que les Etats-Unis et l’Europe soutiennent militairement les rebelles syriens: “Ils méritent notre soutien et le soutien de la communauté internationale pour pouvoir riposter aux attaques du régime”, a affirmé le candidat républicain à la présidence lors des élections de 2008.
Le gouvernement d’Obama songe aussi à intervenir militairement. Jusqu’à présent, on mise encore et toujours sur la pression diplomatique et politique à exercer contre Damas. Mais, comme l’a laissé entendre le ministre américain de la défense, Leon Panetta, lors d’une audience au Sénat, “on songe à de possibles démarches complémentaires (...), y compris d’éventuelles interventions militaires, si nécessaire”. C’est clair: les Américains refusent, en ultime instance, de tenir compte de la déclaration du conseil de sécurité de l’ONU, appuyée par la Russie et par la Chine. Cette déclaration demande au gouvernement syrien et aux rebelles de réaliser sans délais le plan de paix de l’envoyé spécial Kofi Annan. Ce plan de paix prévoit un armistice, l’envoi d’aide humanitaire et l’ouverture d’un dialogue entre le gouvernement et les adversaires du régime.
Washington, en revanche, ne veut pas abandonner l’objectif que les Etats-Unis se sont fixé une fois pour toutes; ils veulent tout bonnement un “changement de régime” à Damas, comme le confirme par ailleurs les nombreuses opérations spéciales que mènent depuis des mois les services spéciaux occidentaux. “Le MI6 et la CIA ont infiltré la Syrie pour connaître la vérité”, expliquait en date du 1 janvier le quotidien “Daily Star”, en se référant à une source non citée mais considérée comme “bien informée”. Ensuite, les contacts sont étroits entre les rebelles libyens et l’”armée syrienne libre”, comme le signalait le 27 novembre 2011 le journal britannique “The Telegraph”. D’après cette information, Abdulhakim Belhadj, chef du conseil militaire de Tripoli et ancien commandant du “Groupe de Combat Libyen-Islamique”, aurait rencontré à Istanbul et le long de la frontière turco-syrienne des chefs de l’”armée syrienne libre”, pour que celle-ci soit entraînée par des “combattants libyens”. Toujours selon le “Telegraph”, Belhadj aurait été envoyé en Turquie par Moustafa Abdoul Djalil, qui n’est rien moins que le président de transition en Libye.
Or il est tout de même peu vraisemblable que les Libyens aient agi de leur propre chef. Il est plus plausible de dire qu’ils ont reçu cette mission de Washington, pour camoufler l’immixtion américaine. On peut clairement émettre cette hypothèse si on analyse les déclarations du ministre américain de la défense, Panetta: “le soutien aux réformes politiques et économiques, lesquelles correspondent aux aspirations légitimes des citoyens de la région”, relève des mêmes principes fondamentaux qui ont défini les réponses que nous avons apportées aux événements de Tunisie, d’Egypte, de Libye et, dorénavant, de la Syrie”.
En déclarant cela, Panetta nous révèle clairement que les Etats-Unis n’entendent pas seulement apporter à la Syrie les bienfaits de la démocratie de facture occidentale mais veulent également imposer à ce pays du Levant le système économique esquissé à Wall Street et qui doit s’étendre à la planète entière par l’effet de la globalisation. Ensuite, d’après un livre récemment publié par la CIA, avant que n’éclatent les troubles en Syrie, il y a environ un an, il n’y aurait eu que de “timides réformes”, tant et si bien que l’économie, y “est encore largement régulée par les milieux gouvernementaux”. Dans l’Egypte de Moubarak et dans la Libye de Kadhafi aussi l’économie, surtout les secteurs clés, était sous le contrôle des gouvernements, ce qui rendait l’accès aux marchés locaux difficile pour les entreprises occidentales.
Quant à l’imposition, partout dans le monde, de réformes libérales, visant à instaurer en tous points du globe l’économie de marché, Michel Chossudovsky, critique canadien du processus de globalisation, pointe du doigt un aspect important, tu en Occident. On dit et on écrit généralement que les causes premières de ces protestations de masse en Syrie sont l’augmentation du chômage et la détérioration du niveau de vie; or ceux-ci découlent tout bonnement de l’adoption d’un programme de réformes exigé par le FMI et que les autorités syriennes ont tenté d’appliquer à partir de 2006. Les mesures réclamées par le FMI comprenaient des privatisations, des dérégulations dans le système financier et un gel des salaires.
Au-delà de ces réformes exigées par le FMI, la “libération” de la Syrie, assortie de la disparition du régime d’El-Assad, va bien entendu dans le sens des intérêts stratégiques des Etats-Unis en tant que puissance hégémonique globale, comme s’est plu à le souligner Panetta lors d’une audience au Sénat: “La Syrie constitue un pays-clef pour l’Iran. La Syrie est le seul pays allié à l’Iran dans la région et elle représente un facteur décisif dans tous les efforts qu’entreprend l’Iran pour soutenir les militants de la région qui mettent en danger Israël et la stabilité régionale. Les désordres en Syrie ont donc contribué à affaiblir considérablement l’Iran et il est clair que, plus El-Assad est affaibli, plus l’Iran sera perdant”.
Israël espère ardemment que se construira bientôt une Syrie post-Assad. Car, alors, d’une part, la milice libanaise du Hizbollah, soutenue par Damas et par Teheran, sera affaiblie; d’autre part, l’Etat sioniste espère aussi que se constituera, sur son flanc nord-est, un Etat-tampon, qui servira pour toutes éventuelles opérations contre l’Iran. Un tel Etat-tampon pourrait s’avérer fort utile en cas d’attaque israélienne contre l’Iran car il y a peu de chances que des pays comme la Jordanie ou l’Arabie Saoudite ouvrent leurs espaces aériens aux appareils de Tsahal. Avec une Syrie neutralisée, l’aviation israélienne pourrait se servir du territoire syrien et de l’Irak, dépendant des Etats-Unis, pour aller frapper des cibles en Iran. Il faut voir, toutefois, si ce calcul et ces espérances se concrétiseront vraiment. L’expérience libyenne récente, où une nouvelle guerre civile menace après la fin de l’union sacrée des contestataires contre Kadhafi, et les événements d’Egypte, où les islamistes sont désormais la principale force politique du pays, semblent indiquer que le pari sur les “révolutions arabes” n’a pas été le bon. En plus, il faut savoir que l’armée syrienne libre, qui lutte contre Bachar El-Assad, parce qu’il est alaouite, est soutenue par l’Arabie Saoudite, finalement plus anti-chiite ou anti-alaouite qu’anti-sioniste. L’Arabie Saoudite, d’inspiration wahhabite, vise à diffuser un islam particulièrement rétrograde dans le monde arabe. Un islam rétrograde, wahhabite ou salafiste, qui reçoit de grosses quantités d’armes, souvent achetées en Occident, de la pétro-monarchie saoudienne.
Bernhard TOMASCHITZ.
(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°13/2012, http://www.zurzeit.at/ ).
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vendredi, 06 avril 2012
Golfstaaten wollen Anti-Assad-Armee finanzieren
Golfstaaten wollen Anti-Assad-Armee finanzieren
DAMASKUS. Die Vereinigten Staaten von Amerika und mehrere Golfstaaten haben sich darauf verständigt, die syrischen Rebellen mit Geld auszustatten. Die Araber alleine haben laut der New York Times bereits 100 Millionen US-Dollar für diesen Zweck zugesagt.
In Istanbul haben sich am vergangenen Wochenende die Vertreter von sechzig Staaten zu einer Konferenz mit dem Titel „Freunde von Syrien“ getroffen. Dort sei es nach Teilnehmerberichten Konsens gewesen, daß die Bemühungen der Uno um Frieden in dem von Bürgerkrieg erschütterten Land gescheitert sind.
Da China und Rußland mit ihrem Veto im Sicherheitsrat militärische Maßnahmen gegen die Assad-Regierung verhindern, versuchen die anderen Länder nun die humanitäre Unterstützung „auszuweiten“. Dies könne finanzielle und logistische Hilfe für die Opposition beinhalten.
Eine offizielle Erklärung über diese Unterstützung– wie von Saudi Arabien gefordert – gab es jedoch nicht. Nicht zuletzt deshalb, weil die als „Freie Syrische Armee“ bekannte Rebellentruppe nicht genauer bekannt ist und nicht feststeht, wer die Waffen genau bekäme. Die Amerikaner beteiligen sich nach diesem Bericht nicht mit Geld, sondern mit Kommunikationsmitteln für die Rebellenarmee.
Monatelanger Bürgerkrieg
Molham al-Drobi vom oppositionellen Syrischen Nationalkongreß bestätigte die Zusagen der „Freunde von Syrien“ über 176 Millionen Dollar für humanitäre und 100 Millionen Dollar für militärische Zwecke. 500.000 Dollar seien bereits auf geheimen Wegen an die Opposition geflossen, so al-Drobi.
Die syrische Regierung hingegen erklärte den Aufstand am Wochenende für beendet. „Die Schlacht, den Staat in Syrien zu stürzen, ist ein für alle Mal vorbei“, sagte ein Sprecher des Außenministeriums, nach einem Bericht der Süddeutschen Zeitung. Seit Monaten tobt in Syrien ein Bürgerkrieg, bei dem nicht nur innerstaatliche Differenzen aufbrechen: Ausländische Staaten mischen sich ins Geschehen ein. Es sind dies die sunnitischen Nachbarstaaten wie die Türkei und die Araber sowie der Westen auf der einen Seite – Iran, China und Rußland auf der anderen Seite. Viele Todesopfer soll der Kampf um die Macht in dem Mittelmeeranrainerstaat bereits gekostet haben. (rg)
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lundi, 19 mars 2012
La Syrie comme cimetière de leurs illusions ?
Le "Bloc Américaniste Occidentaliste" (BAO) s'est piégé dans la crise syrienne dont il fut l'instigateur. Piégé par lui-même, par les effets incohérents d'un système à la dérive incontrôlable. L'Iran et la Russie jouent la carte de l'habileté en Syrie.
La Syrie comme cimetière de leurs illusions ?
Ex: http://mbm.hautetfort.com/
Il est possible que la crise syrienne évolue vers une véritable guerre, qu’on qualifie d’une façon incantatoire de “civile”, mais qui serait déjà internationalisée, et où la coalition du bloc BAO et de ses alliés arabes (les démocrates saoudiens et qataris), si elle se trouvait impliqués, aurait à faire face à forte partie… C’est pour cette raison qu’il ne faut pas (plus) écarter certaines révisions déchirantes. (Comme on le voit par ailleurs, ce même 19 mars 2012, les présidentielles françaises ont leur rôle à jouer.)
D’autres raisons vont dans le même sens des révisions déchirantes, selon d’autres évolutions sur le terrain, sans nécessairement le transit insaisissable de la “guerre civile“. Ces dernières semaines, la situation, sur le même terrain, a évolué en faveur du régime Assad. DEBKAFiles, le 17 mars 2012, donnent des détails sur cette évolution. (Comme on l’a déjà vu, le site DEBKAFiles, par ailleurs férocement extrémiste lorsqu’il s’agit de l’Iran, se fait notablement plus modéré lorsqu’il s’agit de la Syrie, et assez prompt à publier de ces nouvelles peu favorables aux rebelles que soutient le bloc BAO, nouvelles qui sont en général assez peu proclamées. Les Israéliens ne goûtent pas vraiment, pas plus qu’ils ne l’ont goûtée en Libye, la perspective d’un “régime change” en Syrie, qui pourrait conduire à un chaos d’où des islamistes fort suspects auraient de grandes chances d’émerger en bonne position.) DEBKAFiles, utilisant toutes ses sources, est prompt à faire des deux attentats de Damas du 16 mars (27 morts) une tentative téléguidée par le Qatar et l’Arabie pour tenter de relancer une révolte qui a subi de très sérieux revers bien qu’elle exprimerait, selon la presse-Système unanime dans le bloc BAO, un mouvement irrésistible de libération spontanée, etc.
Par ailleurs, dans la même analyse, DEBKAFiles donne des informations précises d’un très grand intérêt, à la fois sur l’intervention et la présence des Iraniens et des Russes en Syrie. Cela ne peut faire de mal à l’argumentaire général israélien, qui est de dire dans ce cas qu’en entretenant la révolte contre Assad on donne l’occasion aux Iraniens et aux Russes de s’implanter militairement, non seulement dans le pays mais dans la région elle-même. Ainsi l’intervention iranienne, décrite comme massive, est-elle présentée comme une “répétition” d’autres possibles opérations du même genre, – tout cela organisant un boulevard pour les capacités d’expansion de la puissance iranienne. (Au reste, d’autres exemples de cette sorte de “répétition” sont cités, vers Gaza et au Yemen.) Est-ce bien habile, demandent implicitement les Israéliens à leurs alliés du bloc BAO ? (Observons, amère cerise sur le gâteau, sur laquelle nous revenons par ailleurs, la mention de la coopération active des Irakiens avec les Iraniens, malgré des demandes US dans le sens inverse…)
«2. The airlift carrying aid to Assad last month, the biggest Iran had ever organized, was critical in helping him win out over the revolt. As OC US Central Command Gen. James Mattis explained March 3 to the Senate Armed Services Committee: They (Iranians) are working earnestly to keep Assad in power. They have flown in experts. They are flying in weapons. It is a full-throated effort by Iran to keep Assad there and oppressing his own people.”
»DEBKAfile’s military sources add: This effort was made possible by Baghdad’s permission to fly over Iraq directly to Syria. According to our Washington sources, US President Barack Obama tried interceding with Iraqi Prime Minister Nouri al-Maliki to block the Iranian transport flights to Syria only to be turned down.
»The massive air transport of equipment on behalf of Bashar Assad served also as a practice maneuver for Iran to staged airlifts of hardware to Middle East arenas of interest in other potential conflicts, such as hostilities between Syria and Lebanon and Israel.
»This week, therefore, the Iranians took active part in two Middle East conflicts in Syria and the Gaza Strip, where Israelis were partly consoled by the performance of their homemade Iron Dome interceptor in blowing up a large number of Iran-supplied Grad missiles before they landed on their cities. Iran’s heavy involvement in a third area Yemen attracted less attention. Tehran is keeping up a supply of arms and cash to northern and southern Yemeni tribes fighting the government with a view to gaining a foothold in Yemen ports and access to the Red Sea and Bab al-Mandeb Sraits, the meeting point between the Gulf of Aden, the Red Sea and the Indian Ocean.
»3. Tuesday, March 13, Deputy Russian Defense Minister Alexei Antonov vigorously denied accusations that Russian Special Forces were stationed in Syria. He would only admit that “Syria has technical experts of the Russian military,” going on to explain: “For example, where we export tanks… we have to send technical experts to train our foreign counterparts to use the equipment.”
»Intelligence sources confirm that the Russian official mentioned tanks, but not the 50 Pantsyr-S1 interceptor batteries, now the backbone of Syrian air and missile defenses, which Moscow sold Syria or that Russian military crews have since mid-January taken over their operation from Syrian personnel. This is what Gen. Martin Dempsey, Chairman of the US Joint Chiefs of Staff, meant when he pointed out that “Syria's air defenses were five times more sophisticated as those in Libya, making airstrikes riskier and more complicated”…»
… Bref, si l’on peut dire, cette affaire syrienne pourrait tourner en une étonnante composition. Si l’on oublie l’épuisant détail du scénario qui se déroule depuis des mois du côté américaniste-occidentaliste, des rencontres, des réunions, des déclarations solennelles et des menaces à peine voilées, et autour de cela, gravitant comme des satellites inévitables et hostiles, les soupçons, les hypothèses de machiavélisme, les dénonciations d’hégémonie contre ce rassemblement américaniste-occidentaliste qui joue un peu trop sur l’air de la vertu et se croit investi du droit international à lui seul, et être “la communauté internationale” à lui seul, – si l’on écarte tout cela, que reste-t-il à retenir ? Depuis des mois, le bloc BAO, auréolé de toute sa gloire libyenne, fait effectivement bloc pour menacer le monde entier d’une intervention en Syrie, sans faire rien de décisif. Bien entendu, il ne se prive pas d’actions illégales, comme celle de faire intervenir, à peine secrètement, ses sempiternelles “forces spéciales” en soutien des rebelles, mais là non plus rien de décisif.
Contre ces prétentions non suivies d’effets décisifs, les pays les plus concernés ont agi beaucoup plus sérieusement. Ils ont établi des systèmes, organisé une défense, renforcé le régime que l’on juge impérativement, à l’Ouest, comme promis à disparaître (“ce n’est pas une question de ‘si’, mais une question de ‘quand’”). Ainsi apparaît-il aujourd’hui, si l’évolution de la situation se poursuit dans le sens actuel, que l’Iran et la Russie sont en train d’établir en Syrie et alentour, des têtes de pont stratégiques d’importance, plus fondées sur le déploiement de forces diverses et sur des coopérations et des intégrations actives, que sur les discours et des intentions furieuses guère suivies d’effets ; tout cela va les faire prendre, si ce n’est le cas déjà, infiniment plus au sérieux que les acteurs américanistes-occidentalistes de la pièce. A côté de cette situation novatrice et paradoxalement (puisque fondée sur la défensive) offensive, ces deux pays parviennent habilement à passer, l’un (l’Iran) pour une victime en devenir offerte à la vindicte d’une attaque qualifiée à l’avance, et justement, d’illégale et de dévastatrice, et qui n’aura peut-être pas lieu ; l’autre (la Russie), pour une puissance amie de la paix et qui cherche à susciter un arrangement général ; et le plus fort est bien dans ce que ces deux pays, tout en verrouillant leur avantages stratégiques, n’usurpent rien en passant également pour ce qu’on en dit à l'instant.
Le problème du bloc BAO, c’est que, lorsqu’on menace et qu’on veut jouer au gendarme il faut agir et imposer son ordre ; sans cela, on perd son crédit et on donne au reste toute latitude pour agir, y compris une certaine légitimité pour le faire. Mais le bloc BAO est évidemment prisonnier, a la fois du Système qui le soumet, et du discours que cette soumission suscite chez lui pour n’avoir pas trop l’air soumis ; en général, il est admis dans ces milieux que les discours suffiront à réorienter les régions et les pays visés selon les orientations proposées, qui sont confondues avec les évidences de l’ordre international. Rien de tout cela ne fonctionne plus et il se passe que le roi est nu, que les pays du bloc BAO n’ont plus les moyens d’agir d’une façon efficace, que leurs opinions publiques ne les y poussent aucunement et même au contraire, que leurs situations intérieures sont de plus en plus instables et difficiles, et ainsi de suite... (Ce qui aurait pu et a pu paraître à certains comme une “diversion” propre à renforcer les directions politiques face aux difficultés intérieures de ces pays s’inverserait alors complètement pour tendre à devenir une charge impopulaire d’engagements stériles et coûteux, pesant de plus en plus sur ces situations intérieures.)
Le dernier facteur à considérer, comme un autre élément peu habile et peut-être potentiellement catastrophique pour le bloc BAO, c’est l’alliance très activiste de l’Arabie et du Qatar. Ces deux pays se sont transformés en de redoutables interventionnistes, poussés autant par l’ambition colorée d’activisme religieux que par une fuite en avant pour contenir leurs propres désordres intérieurs (cela, pour l’Arabie, essentiellement). Si l’opération syrienne ne donne pas les résultats escomptés, eux-mêmes (surtout l’Arabie, avec le supplément du désordre à Bahreïn) pourraient se retrouver menacés de déstabilisation interne, dont les désordres sporadiques actuels en Arabie seraient un signe avant-coureur.
Là encore, dans ce tableau général, l’Iran et la Russie apparaissent bien plus sérieux et habiles, si l’on fait la comparaison. La différence tient effectivement à la substance même des politiques développées, son insubstance justement du côté américaniste-occidentaliste, en raison des diverses causes signalées plus haut et de l’emploi massif de communication sans but politique précis sinon les slogans humanitaristes dont l’éclat médiatique ne dissimule le vide que pour un temps limité. Dans ces conditions, et en raison des conditions exceptionnelles de l’affaire libyenne en 2011, il se pourrait bien que cette affaire, au contraire du “modèle” (“modèle libyen”) qu’on en a fait, s’avérât être une exception qui aurait alimenté et confirmé une règle en forme d'évolution catastrophique pour le bloc BAO dans toute la région, et qui aurait ainsi servi, du fait même de ce bloc BAO, de leurre, d’illusion et finalement de piège pour lui-même.
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lundi, 12 mars 2012
„Nach einer westlichen Befreiung würden die Kirchen brennen!“
Im Gespräch mit Manuel Ochsenreiter über Syrien II: „Nach einer westlichen Befreiung würden die Kirchen brennen!“ |
Geschrieben von: BN-Redaktion Ex: http://www.blauenarzisse.de/ |
Im ersten Teil unseres Gesprächs betonte ZUERST!-Chefredakteur Manuel Ochsenreiter, die Medien würden uns falsche Eindrücke aus Syrien übermitteln. „Derzeit sitzt das westliche Publikum wohl einer riesigen Desinformationskampagne auf, geboren in einem Londoner Ladengeschäft, verbreitet durch die großen etablierten Medien“, so der Nahost-Experte. Im zweiten Teil geht es nun um die weltpolitische Bedeutung der Konflikte. Ochsenreiter warnt dabei vor einem großen „Tabula rasa“ in der Nahost-Region. BlaueNarzisse.de: Wie schätzen Sie die Situation der Minderheiten in Syrien ein? Könnte die Unterstützung Assads ihnen bei einem Erfolg der Revolution zum Verhängnis werden? |
00:05 Publié dans Actualité, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique internationale, syrie, proche orient, géopolitique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Syrië, de strategische inzet
Syrië, de strategische inzet
door Antoine Uytterhaeghe
Ex: http://www.uitpers.be/
De transportroute over land van het zwarte goud uit het Midden-Oosten gaat over Homs zonder Bachir Assad. De westerse machten die erg energie-afhankelijk zijn, zijn verplicht de olie- en gasdistributie uit het Midden-Oosten te beveiligen. De maritieme aanvoer via de straat van Hormuz en het Suezkanaal is niet langer volledig gegarandeerd en dus wordt uitgekeken naar alternatieven, zoals het aanleggen van pijplijnen over land.
Syrië biedt de mogelijkheid voor een strategische opening naar de Middellandse Zee en de Europese Unie. De stad Homs ligt op een strategische plaats en zou in dit plan een belangrijk knooppunt en overslagplaats kunnen worden. Daarvoor is het nodig om het Assad-regime ten val te brengen, door zoals in Libië een verbond aan te gaan met de moslimbroeders. Een dergelijke alliantie is aldus een prioriteit geworden voor de VS en zijn bondgenoten.
De spanning met Iran, dat al een hele tijd bedreigd wordt met een aanval van Israël en onder zware druk staat van de VS, maakt dat de bevoorrading via de straat van Hormuz onveilig is geworden. Dagelijks passeert daar 17 miljoen barrel ruwe olie, grotendeels afkomstig uit de Golfstaten, Irak en Iran. Iran heeft gedreigd de Straat van Hormuz af te sluiten indien Israël daadwerkelijk tot de aanval over gaat.
Aan de andere kant van het Arabisch Schiereiland, naar het westen, wordt de maritieme route geteisterd door de Somalische piraterij die zich verder heeft uitgestrekt naar de Rode Zee. Het gaat om een gesloten binnenzee die bij een gewapend conflict gemakkelijk kan worden geblokkeerd. Saoedi-Arabië bouwt een pijplijn met terminus aan de Rode Zee en heeft de kwetsbaarheid ervan zeer goed begrepen. Er is ook Jemen dat zich in een sleutelpositie bevindt aan de zee-engte van Bab-el-Mandab die het Arabische schiereiland scheidt van de Hoorn van Afrika. Een woelig gebied waar de petromonarchieën van de Golf het volksprotest in hun landen met harde hand neerslaan, maar er niet in slagen de opstandige bevolking het zwijgen op te leggen.
Tenslotte is er verder naar het noorden nog Egypte, dat sinds de verkiezingsoverwinning van de moslimbroeders en de salafisten verre van stabiel is. Het Egyptische leger houdt zich vast aan de macht en doet er alles aan om de privilegies uit de Moebarak-periode veilig te stellen. Dat zorgt voor voortdurende interne conflicten. Het olietransport vanuit het Midden-Oosten richting Europa gaat via het Suezkanaal dat gemakkelijk kan geblokkeerd worden als een maxi-tanker tot zinken wordt gebracht. Bij een dergelijk scenario zijn de olietankers verplicht 9600 km om te varen rond Afrika om de olie uit het Midden-Oosten ter bestemming te brengen. Hoe strategisch gevoelig het Suezkanaal is, bleek al in de zomer van 1956, toen de Egyptische president Nasser besloot om het Suezkanaal te nationaliseren, wat meteen tot een militaire reactie leidde van Israël, Frankrijk en Groot-Brittannië.
Met dit alles krijgt het transport over land een speciale betekenis van zowel de westerse machten, Turkije en de Golfstaten. De beveiliging van de energiebevoorrading zal in een dergelijk situatie desnoods met militaire middelen verdedigd worden.
Het is in die context dat het debat over en de effectieve bewapening, opleiding, logistieke en financiële steun van islamitische, vooral soennitische opposanten en huurlingengroepen moet worden gezien. Het gaat dan ook om een aanval op de as van het Syrië van Bachir Assad, met Iran, Hezbollah in Libanon en Hamas in Palestina, die samen te duchten tegenstanders zijn van de Israëlische en westerse hegemonie in de regio.
Het is niet de eerste keer dat de oliedistributie een belangrijke overweging vormde om militair optreden en oorlog te voeren, zoals we al konden zien in Afghanistan, Irak en Libië. Door de vele bedreigingen van de maritieme olie- en gastrafiek is het Westen verplicht om meer aandacht te besteden aan de aanleg van pijplijnen over land. Deze zijn zekerder en gemakkelijker te verdedigen. Maar er zijn ook lessen getrokken uit Afghanistan en Irak, waar een militaire invasie en bezetting een riskante onderneming is gebleken en op weinig populariteit kan rekenen van de publieke opinie. Dit verplicht hen om in de betrokken landen steun te verlenen aan krachten die in staat zijn de macht te veroveren en de belangen van het Westen te verdedigen.
Syrië vormt een strategisch bruggenhoofd tussen de olie- en gasproducerende landen in het oosten enerzijds en de maritieme route door de Middellandse Zee naar Europa anderzijds.
De voortdurende zoektocht naar nieuwe bevoorradingslijnen is niet nieuw. Al in 2003 kort na de Amerikaanse invasie van Irak werd in samenwerking met het Pentagon een studie gemaakt om de pijplijn Mossoul–Haifa terug te activeren. Die werd door de Britten in 1935 in gebruik genomen, maar in 1948 bij de uitroeping van de staat Israël gesloten. De beoogde oliepijplijn vanuit Irak, via Homs en Tartous – met mogelijke verbindingen met de Golfstaten - richting Europa met een vertakking naar Turkije biedt ook de mogelijkheid om Rusland als belangrijke energieleverancier voor Europa af te bouwen.
Er zijn in Syrië reeds pijpleidingen voor het transport van de eigen weliswaar bescheiden olieproductie, maar die hebben lang niet de capaciteit van de huidige grote maritieme aanvoerroutes langs de Straat van Hormuz en het Suezkanaal. Daarnaast is er het project van de Arab Gas Pipeline dat Egyptisch gas exporteert naar Jordanië, Syrië en Libanon met een aparte aftakking naar Israël.
Dit verklaart wellicht de houding van de Turkse premier Erdogan tegenover Syrië en de verschillende pogingen om Assad ten val te brengen. Als de Syrische moslimbroeders, die nauwe banden hebben met Erdogan, erin zouden slagen de macht in Damascus te grijpen, dan zou dit een goede troefkaart zijn voor Ankara dat een rol ambieert als belangrijk centraal knooppunt voor de Europese energiebevoorrading. Het zou ook de positie van Ankara versterken in de discussie rond het lidmaatschap van Turkije als EU-lidstaat.
Het definitieve tracé voor deze megapijplijn is nog niet vastgelegd. Wat we wel zeker kunnen stellen is dat het traject niet via Damascus zal verlopen. De olie- en gasterminal moeten zich aan de kust van de Middellandse Zee bevinden. De meer noordelijke stad Homs ligt dicht bij de haven van Tartous dat een belangrijk platform kan worden voor het olietransport uit het Midden-Oosten. De haven van Tartous werd door Rusland uitgebouwd en toegankelijk gemaakt voor het aanmeren van marineschepen en olietankers. Zo heeft Tartous het potentieel om een belangrijke oliehaven te worden, met een aftakking richting Turkije.
Dat plaatst de gewelddadige strijd van de islamitische groepen en huurlingen om de controle over de stad Homs in handen te krijgen en te houden in een ander perspectief. De controle over Tartous is daarbij een tweede objectief. Dat kan gebeuren wanneer de situatie in Syrië verslechtert en Rusland zou beslissen om haar in de haven werkende onderdanen per schip te evacueren.
De door de moslimbroeders gecontroleerde gewapende milities bereiden zich voor op de macht en hopen dan de olieroyalty’s voor het transit van het zwarte goud op te strijken.
De regering Obama heeft onlangs medegedeeld dat het 800 miljoen dollar heeft vrijgemaakt om de 'Arabische lente' te steunen. Maar nu blijkt dat de macht van de moslimbroeders of islamistische-extremistische groepen is toegenomen, met de contrarevolutionaire steun van Saoedi-Arabië en Qatar onder het goedkeurende oog van Washington, Londen en Parijs. Syrië kan zonder Assad een deel van de taart krijgen, dat weten de islamistische en andere huurlingen ook.
De monarchen van Qatar en Saoedi-Arabië hebben al laten verstaan dat zij een alternatieve route voor hun olie en gas willen ontwikkelen om niet langer afhankelijk te moeten zijn van de maritieme route via Hormuz en het Suezkanaal. Hun voorkeur gaat naar transport over land. Beide landen zijn binnen de Arabische Liga de hevigste tegenstanders van het regime van Assad.
Anderzijds zijn deze petromonarchieën er niet in geslaagd om hun stroman Hariri in Libanon aan de macht te houden, of de Libanese weerstand van Hezbollah tijdens de Israëlische oorlog in 2006 - die ze toejuichten – te breken, ook al werd daarvoor het land verwoest en verloren veel burgers het leven verloren.. Hierdoor kan Libanon geen deel uitmaken van de geplande megapijplijn.
Egypte is als gasexporteur de aanleg van een aftakking van de Arab Gas Pipeline vanuit Homs richting Turkije niet onwelwillend. e hardnekkigheid van de huidige machthebbers in Cairo tegen het Syrië van Assad is een gevolg van de groeiende macht van de moslimbroeders, gesteund door de VS. Egypte verdedigt ook zijn regionale positie en economische belangen, meer speciaal deze van de Arabische elite.
Jordanië heeft geen petroleum en ook geen financiële middelen om de aanleg van een pijplijn te financieren voor de bevoorrading van de eigen energiebehoeften. Het land heeft zich aan de zijde geschaard van de Golfstaten tegen het regime van Assad, in de hoop daarvoor te kunnen genieten van de megapijplijn.
Om dit project met succes te kunnen uitvoeren is het een prioriteit geworden om Rusland en de Russische vloot uit Tartous te verdrijven. Het bondgenootschap van Damascus met Rusland is bovendien al decennia een doorn in het oog van het Westen. De Russische invloed op het vlak van energiebevoorrading van de EU moet verminderen. Dat kan alleen maar als er andere bevoorradingslijnen tot stand kunnen komen. Voor Turkije is het uitschakelen van de afhankelijkheid van Rusland ook van groot belang. Daarom streeft het naar een vlugge val van Assad, ten einde zijn streven naar geostrategische politieke en economische dominantie in de regio kracht bij te zetten.
Wanneer deze landen er niet in slagen om Assad ten val te brengen, dan is er nog de ultieme optie om Syrië op te delen (te balkaniseren) om zo toch nog het project van een grote pijplijn naar de Middellandse Zee uit te voeren. Assad zou dan in Damascus aan de macht blijven maar geen toegang meer hebben tot de Middellandse Zee en bijgevolg geen economisch perspectief hebben.
(Uitpers nr. 140, 13de jg., maart 2012)
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L'invasion anglo-gaulliste de la Syrie française
L'invasion anglo-gaulliste de la Syrie française (7 juin-14 juin 1941)
Alors que les combats s'achèvent en Irak, les Protocoles de Paris sont signés le 28 mai 1941 par l'amiral Darlan et l'ambassadeur Abetz. Dans ce cadre est autorisée la poursuite — devenue sans objet — de l'aide à Rachid Gaylini, et le ravitaillement de l'Afrika Korps via la Tunisie, avec pour contrepartie la libération de prisonniers, dont un millier d'officiers, afin de renforcer les défenses des colonies. Des perspectives plus lointaines sont évoquées, comme la location par les Allemands de bases navales à Bizerte et Dakar ; le risque de guerre est évident, aussi Darlan exige-t-il des gestes significatifs, comme la libération de tous les prisonniers, la fin des frais d'occupation, un vrai statut de cobelligérant le cas échéant et non plus de vaincu. Il semblerait que l'application des propositions avancées soient bloquées principalement par les Italiens — qui risquent de perdre leur statut de principal allié — et des méfiances réciproques entre Français et Allemands. L'aide à l'Irak, tout comme ces Protocoles de Paris, servent de justification à l'invasion britannique. Contrairement à toute la propagande alliée, qui dure encore, cette nouvelle agression ne constitue pas un acte indispensable, et encore moins habile de Churchill : il y a là au contraire de quoi vaincre toutes les réticences de Vichy, faire basculer la France dans le camp de l'Axe. Aussi ces événements sont-ils décisifs : une résistance prolongée de la Syrie française, avec le soutien allemand, aurait pu constituer un tournant dans la guerre. Le Premier ministre britannique pense à court terme, à obtenir une victoire facile — espère-t-il — pour regagner du prestige, ébranlé par le désastre de Crête, après la Grèce, qui s'achève le 1er juin.
L'invasion se prépare au moins dès le mois de mai, voire, vraisemblablement bien avant. De Gaulle, informé, tient absolument à la participation de troupes françaises "libres" ; ces officiers — pourtant exaltés — protestent, refusant dans un premier mouvement de combattre contre d'autres Français, mais il insiste et parvient à les convaincre ; il leur promet — avec son assurance mystique habituelle — que leur présence serait fondamentalement pacificatrice, susciterait l'adhésion des forces de Syrie à la France-"Libre", et pérenniserait la présence française au Levant.
Aussi le 10 juin, 40 000 Britanniques, avec un quart de Français "Libres" — proportion non négligeable, voire décisive —, commandés par le général Wilson, attaquent 30 000 Français — dont deux tiers de troupes indigènes —, commandés par le général Dentz.
L'action débute sur le front méridional : venant de Palestine, le 10 juin la 7e Division australienne d'infanterie avance le long de la côte de Saint-Jean d'Acre vers Beyrouth, couverte par les canons de la marine britannique, tandis que la 5e brigade indienne d'infanterie et les Français "Libres" progressent à l'intérieur vers Damas. Au bout d'une semaine, ces progressions sont bloquées, souvent repoussées par des contre-attaques françaises, mais trop diffuses et d'ampleur limitée ; Dentz n'ose pas concentrer tactiquement ses moyens — déployés sur tout le front sur trois lignes parallèles — et profiter de la supériorité ponctuelle momentanée ; sitôt le terrain reconquis, il n'exploite pas le trouble adverse, mais organise la réoccupation systématique des positions défensives, il est vrai plutôt bonnes, qui s'appuient sur le relief.
À partir du 17 juin, Wilson engage deux nouvelles divisions sur le front Sud, qui résiste quelques jours. Mais les Forces Françaises "Libres" entrent à Damas le 21 juin 1941. Pendant ce temps les forces britanniques d'Irak entrent enfin en action et envahissent la Syrie par l'Est, en deux colonnes, l'une remontant l'Euphrate, l'autre traversant le désert jusqu'à Palmyre, avec l'intention de poursuivre jusqu'à la mer ; elles rencontrent assez peu d'opposition, les forces françaises étant plutôt concentrées sur le front méridional.
Le général Dentz a demandé dès le début des hostilités un soutien aérien de la Luftwaffe, qui lui aurait permis de tenir beaucoup plus longtemps. Or, à partir du 22 juin, l'aviation allemande participe de manière intensive à l'invasion de l'URSS, et ne peut distraire un nombre significatif d'avions en Syrie. Quant aux renforts terrestres français, si les autorisations pour qu'ils traversent l'Europe sont données, ils n'ont pas le temps de rejoindre la Syrie.
Le 11 juillet, la situation des forces françaises est très compromise ; pour éviter une capitulation pure et simple, le Maréchal autorise Dentz à demander la suspension des combats. Un armistice est signé le 14 juillet 1941 à Saint-Jean d'Acre. Les pertes sont lourdes, avec près de 6 000 hommes hors de combat dans les deux camps.
La Syrie, après l'Irak le mois précédent, a été le moment d'un choix décisif pour Hitler ; au lieu d'envahir l'URSS, il aurait pu, via la Turquie, alors prête à basculer contre l'octroi de la région de Mossoul — Nord de l'Irak —, s'emparer du Proche-Orient, et de ses ressources pétrolières considérables. Il choisit de s'en tenir à son idée première. En principe, toutes les troupes françaises sont rapatriées en Métropole ; De Gaulle obtient in extremis le droit de leur faire de la propagande, mais il obtient peu de succès. Dentz rentre en France avec ces hommes : il subira la vengeance gaulliste, condamné à mort pour « haute trahison » le 20 avril 1945. Souffrant de mauvais traitements en prison, âgé, il meurt le 13 décembre 1945. Les Britanniques imposent leur pouvoir sur la Syrie et le Liban, soutiennent les nationalistes arabes contre les Français "Libres", peu nombreux et tout juste tolérés jusqu'en 1946 — ils partent suite à un humiliant ultimatum.
Scipion de SCALM. Rivarol
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samedi, 10 mars 2012
La chute du gouvernement syrien favoriserait une attaque contre l’Iran
La chute du gouvernement syrien favoriserait une attaque contre l’Iran.
Des troupes britanniques et qataries préparent une incursion militaire par la Turquie
Selon Aviation Week, « les nouvelles installations syriennes perfectionnées servant à la collecte de renseignements et à la surveillance à distance » représentent un obstacle à une attaque israélienne contre l’Iran.
Soulignant la coopération entre la Syrie et l’Iran, l’article explique :
La chute du gouvernement du président Bachar Al-Assad pourrait créer un chaos qui protégerait une attaque des États-Unis ou d’Israël contre l’Iran. Autrement, la Syrie pourrait fournir à l’Iran une alerte rapide. (David Fulghum, Syria Key To Iranian Defenses Against West, 6 mars 2012.)
Cette information appuie l’argument avancé par plusieurs médias indépendants voulant que « la route vers Téhéran passe par Damas ». Selon de nombreux reportages, l’insurrection armée en Syrie, appuyée par l’étranger, est une opération clandestine visant à renverser le gouvernement syrien, le seul allié de l’Iran dans la région. Les médias dominants occidentaux continuent de présenter l’insurrection comme un mouvement de contestation pacifique, même si la secrétaire d’État des États-Unis, Hillary Clinton a admis qu’Al-Qaïda en faisait partie.
L’article d’Aviation Week mentionne que la chute de Bachar Al-Assad affaiblirait l’Iran et faciliterait une attaque des États-Unis et d’Israël.
On ajoute qu’une attaque contre l’Iran par Israël se ferait « par l’espace aérien de la Syrie, de la Turquie, de la Jordanie ou de l’Arabie Saoudite ».
Toutefois, les systèmes de renseignement perfectionnés de la Syrie permettent dorénavant la surveillance électronique « d’Israël, de la Jordanie et du nord de l’Arabie Saoudite », ainsi qu’une station radar installée sur le Mont Sannine, « dominant le plateau du Golan, occupé par Israël, ainsi que la plaine de Bekaa, contrôlée par le Hezbollah et la Syrie ».
Les améliorations apportées par les Russes aux systèmes syriens serviront par ailleurs à « suivre les trajectoires navales et aériennes des États-Unis et d’Israël dans l’est de la Méditerranée, y compris en Grèce et à Chypre (où les États-Unis possèdent leur propres installations vouées au renseignement) ».
D’autres reportages affirment que des troupes britanniques et qataries établies à Homs « sont en train d’ouvrir la voie à une incursion militaire clandestine [de la Syrie] par la Turquie ». (British and Qatari troops already waging secret war in Syria?- 13 undercover French army officers seized in Syria, Lanka Newspapers, 6 mars 2012.)
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jeudi, 08 mars 2012
„Die größten Demonstrationen finden für Assad statt“
Ex: http://www.blauenarzisse.de/ |
Die Position des Westens in der Syrien-Frage ist eindeutig: Assad muß so schnell wie möglich weg, damit Menschenrechte, Demokratie und Freiheit endlich auch dort herrschen. So will man es zumindest den eigenen Bürgern verkaufen. BN-Autor Robin Classen hat dieses „seltsame Schauspiel“ bereits kritisiert. Im Gespräch mit dem Nahost-Experten Manuel Ochsenreiter bohrt er nun nach den Hintergründen der Konflikte in und um Syrien. BlaueNarzisse.de: Herr Ochsenreiter: Sie sind Chefredakteur des Monatsmagazins ZUERST! und fallen dort vor allem durch sehr klar positionierte und auch umstrittene Kommentare zur Außenpolitik, insbesondere im Nahen Osten, auf. Können Sie uns kurz Ihren Werdegang und ihre außenpolitische Erfahrung schildern? Ich sehe derzeit nur ein „Aufbegehren der Bevölkerung“, wie Sie es beschreiben, gegen die ausländische Einmischung in syrische Angelegenheiten. Als im vergangenen Jahr die sogenannten „Tage des Zorns“ dort begonnen haben, gab es keine großen Demonstrationen. Die Situation in Syrien ist nicht mit der beispielsweise in Ägypten vergleichbar, wo Massen an Menschen tage- oder gar wochenlang auf öffentlichen Plätzen ausharrten, um gegen die Regierung zu rebellieren. Das versteht man hier im Westen nicht, wo Medien und Politik gerne grobschlächtig alles vereinheitlichen und vereinfachen wollen. Die Demonstrationen fanden vor allem nach den Freitagspredigten statt, und nur wenige Aktivisten nahmen daran teil. Viele Fernsehbilder, die wir zu sehen bekamen und die Massen an Menschen zeigten, stammten in Wirklichkeit gar nicht aus Syrien, sondern aus anderen arabischen Staaten. Die größten Demonstrationen, die das Land jemals gesehen haben dürfte, finden stattdessen für Assad statt. Doch diese Massenversammlungen, auf denen die religiösen Führer des Landes – Christen und Muslime –, syrische Popstars und Künstler ihre Solidarität mit ihrer Regierung bekunden, werden bei uns wiederum entweder ignoriert oder kleingeredet – außer in den von Ihnen bereits genannten „Randmedien“. Auch die ZUERST! brachte in der Vergangenheit zahlreiche Berichte aus erster Hand und veröffentlichte Interviews zu diesem Thema. Das Gespräch führte BN-Autor Robin Classen. Hat Ihnen dieses Gespräch gefallen? Dann übernehmen Sie eine Autorenpatenschaft für ihn. Mehr darüber hier. |
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jeudi, 16 février 2012
Syrien: Geheimoperationen und Sabotage der CIA und des MI6
Syrien: Geheimoperationen und Sabotage der CIA und des MI6
Felicity Arbuthnot
Für alle, die sich über die tatsächlichen Ereignisse in Syrien unschlüssig sind, und sich fragen, wie Präsident Assad, der noch vor einem Jahrzehnt als »der heutige Atatürk« gepriesen wurde, so plötzlich zum letzten verbliebenen größenwahnsinnigen Gewaltherrscher mutierte, dessen Volk ein von den USA angeführtes Aufgebot an Staaten mit umfassenden Waffenlieferungen und unter Zerstörung ihrer Heime und ihres Landes, ihrer Existenzgrundlage und dem Verlust an Menschenleben die »Freiheit« bringen muss, hier nun ein heilsames Lehrstück aus der Geschichte.
»Um das Vorgehen von Befreiungskräften (sic) zu ermöglichen und zu befördern, … sollte man sich verstärkt bemühen, gleich in der Frühphase des Aufstandes und des Eingreifens wichtige Persönlichkeiten zu eliminieren,…
Sobald eine politische Entscheidung getroffen wurde, steht die CIA bereit, und der SIS (MI6) wird versuchen, kleinere Sabotageakte und Handstreiche in Syrien durchzuführen, wobei man sich der Kontakte zu einzelnen Personen bedienen würde… Zwischenfälle sollten sich nicht ausschließlich auf Damaskus beschränken…
Und weiter: Ein »notwendiges Ausmaß an Furcht … Grenzzwischenfälle und (manipulierte) Zusammenstöße an den Grenzen könnten dann als Vorwand für eine Intervention genommen werden… Die CIA und der SIS (MI6) sollten sich geeigneter Mittel der psychologischen Kriegsführung und geheimdienstlicher Operationen vor Ort bedienen, um Spannungen zu schüren,« Aus einem der Öffentlichkeit zugespielten amerikanisch-britischen Geheimdienstdokument , London, Washington, 1957)
»Die Vorstellung objektiver Wahrheit verliert in der Welt an Bedeutung. Lügen werden in die Geschichte eingehen.« George Orwell (Eric Arthur Blair 1903-1950)
Könnte es sein, dass das derzeitige Säbelrasseln gegen Syrien1 auf amerikanisch-britische Regierungskonzepte zurückgeht, die erst 2003 entdeckt wurden und seitdem verschwiegen oder selbst in Darstellungen des zeitlichen Ablaufs der BBC bewusst unterschlagen wurden?
Mehr: http://info.kopp-verlag.de/hintergruende/geostrategie/felicity-arbuthnot/syrien-geheimoperationen-und-sabotage-der-cia-und-des-mi6.html
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mardi, 14 février 2012
Vers un scénario libyen en Syrie ?
Vers un scénario libyen en Syrie ?
Les récentes révélations des médias israéliens selon lesquelles le Royaume-Uni et le Qatar auraient déployé en Syrie des unités de leurs forces spéciales n’ont pas laissé les autorités de Moscou indifférentes.
Jeudi, le porte-parole de la diplomatie russe, Alexandre Loukachevitch, a déclaré que si ces informations s’avéraient exactes ce serait «une nouvelle très inquiétante». En effet, le site israélien Debkafile a rapporté jeudi que les combattants qui luttent contre l’armée syrienne aux alentours de la ville de Homs sont assistés par des instructeurs appartenant à des forces spéciales du Royaume-Uni et du Qatar. Selon Debkafile, les militaires étrangers ne participent
pas directement aux hostilités, mais agissent comme con-seillers militaires, assurent la communication et fournissent aux combattants armes et munitions. En outre, ces spécialistes étrangers assurent également le transport des combattants dans la zone du conflit, ainsi que la livraison de cargaisons militaires en provenance de différents fournisseurs, dont la Turquie.
Pour sa part, Hanane Aâchraoui, membre du comité exécutif de l’OLP, a considéré que l’étape franchie par la Tunisie et les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), consistant dans le renvoi des ambassadeurs syriens, prouve l’existence d’une coordination entre Israël, les USA et certains pays arabes. Pour Mme Aâchraoui, les USA tentent de semer la division dans toute la région et pas seulement en Syrie, afin d’obtenir un Grand Moyen-Orient qui réponde aux attentes américaines donc israéliennes dans cette région névralgique du globe. Elle ne manquera pas, ainsi, d’exprimer, la mort dans l’âme, sa profonde désolation de voir des pays arabes impliqués dans ce plan américano-sioniste dont l’exécution ressemble étrangement au scénario libyen. Mme Aâchraoui a même précisé au journal palestinien Al Thawra al Ikhberia que l’expulsion des ambassadeurs syriens faisait partie des résolutions du congrès de Herzlia tenu en Israël sur le thème de la sécurité du Grand Israël. De nombreuses sources font état de plus en plus fréquemment d’une subversion en Syrie fomentée depuis l’étranger.
Damas affirme que le pays est en proie à des terroristes islamistes financés et armés depuis l’étranger et déplore la perte de plus de 2 000 militaires et membres des forces de l’ordre. La télévision nationale a rapporté jeudi que l’armée syrienne a mené une opération antiterroriste dans la ville d’Al-Qoussaïr, dans la province de Homs. D’après cette source, les commandos islamistes ont disposé des explosifs dans les immeubles et dans les rues de cette ville frontalière avec le Liban. Au terme de l’opération, l’armée syrienne aurait réussi à arrêter plusieurs terroristes, mais elle aurait, aussi, essuyé des pertes, deux soldats tués et plusieurs autres blessés. Un reportage de la chaîne Surya TV a montré, jeudi soir, que la vie reprend progressivement son cours à Homs, théâtre depuis cinq jours d’une opération antiterroriste d’envergure. Pour sa part, l’opposition syrienne a signalé de lourdes pertes humaines.
D’après l’Observatoire syrien des droits de l’homme basé à Londres, plus de 400 personnes ont péri dans la ville depuis le 4 février. Les autorités syriennes démentent ce chiffre et assurent que la ville était pilonnée par des commandos qui, en outre, distribuaient des vidéos truquées pour compromettre le pouvoir et provoquer une ingérence étrangère en Syrie. Sur ce dernier point, personne n’a pu contredire jusqu’à présent les responsables syriens. Ni le Royaume-Uni, ni le Qatar, soupçonnés, eux, d’avoir envoyé des troupes au sol.
A. Abdelghafour
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dimanche, 12 février 2012
Le rapport de la Ligue Arabe donne des preuves de l’implication de la CIA, du MI6 et du Mossad derrière les violences en Syrie
Le rapport de la Ligue Arabe donne des preuves de l’implication de la CIA, du MI6 et du Mossad derrière les violences en Syrie
Des extraits du rapport des observateurs de la Ligue Arabe en Syrie montrent clairement que les médias ne disent qu’une partie de l’histoire et exagèrent la violence exercée par le gouvernement Al-Assad et ses forces de l’ordre.
Le rapport mentionne une “entité armée” qui tue des civils et des policiers et perpétue des attaques terroristes ciblant des civils innocents. Les pertes de ces attaques sont ensuite attribuées au gouvernement Al-Assad et utilisées pour construire de toute pièce un cas contre la Syrie aux Nations-Unies.
D’après le rapport de la Ligue Arabe, “l’armée libre syrienne” et les “groupes d’opposition armés” sont responsables de bon nombre des meurtres commis.
En Janvier, il a été rapporté que le MI6 britannique, la CIA et les forces spéciales du SAS britannique étaient en Syrie et travaillaient avec l’armée libre syrienne et le Conseil National Syrien (CNS) afin de renverser le régime du président Al-Assad. L’armée syrienne libre est largement reconnue comme étant une création de l’OTAN. Elle est pour la plus grande partie composée de militants des frères musulmans, confrérie elle-même création des services de renseignement britanniques et est soutenue et financée par les Etats-Unis, Israël et la Turquie.
Le rapport fait confiance à des rapports écrits en Novembre par le journaliste Webster Tarpley lors de sa visite dans la nation moyen-orientale.
“Ce que les citoyens de base de tous groupes ethniques confondus disent, est que ce sont des francs-tireurs qui leur tirent dessus. Les gens se plaignaient qu’il y avait des tireurs embusqués terroristes qui tiraient sur les civils, manœuvre de terrorisme aveugle désignée pour le simple but de déstabiliser le pays. Je n’appellerai pas cela une guerre civile, c’est un terme très ambigu. Ce à quoi les gens font face sont des escadrons de la mort, ils doivent gérer des commandos de la terreur, ce qui est une méthode typique de la CIA. Dans ce cas précis, c’est une opération jointe entre la CIA, le MI6, le Mossad, avec de l’argent saoudien, émirati et qatari”, avait dit Tarpley à RT.
Tarpley avait dit que les Etats-Unis poussaient un “modèle ruiné de révolution colorée, soutenu par des groupes terroristes, des gens d’Al Qaïda et des frères musulmans” et que l’objectif était de “détruire le Moyen-Orient en suivant les lignes ethniques”.
Les extraits du rapport des observateurs de la Ligue Arabe établissent “qu’il y a une violence émergeant des deux côtés, mais que l’opposition et les médias occidentaux ont exagéré la violence et le nombre de victimes imputées aux forces gouvernementales”, écrit Nicolas Davies pour le blog War Is A Crime, ex-After Downing Street.
“L’ONU a cessé d’accepter les chiffres des victimes donnés par l’opposition et a gelé ses estimations officielles de morts de civils au chiffre de 5 400, sans reconnaître le fait que cela pourrait déjà être exagéré”, a expliqué Davies. “Ceci n’est pas encore un bain de sang à l’échelle de la Libye, où même le nouveau gouvernement admet qu’au moins 25 000 personnes ont été tuées lors de la guerre menée par l’OTAN. La Syrie pourrait bien suivre le modèle Libyen si l’OTAN et le CCG continuent à donner des armes et de l’entrainement miliaire à l’armée libre syrienne et sont préparés à développer plus de forces spéciales au sol et aussi loin que l’ONU approuve une zone d’interdiction aérienne pour pouvoir protéger une nouvelle bordée de quelques 9 700 attaques aériennes.”
Les médias de masse mettent le nombre de morts à entre 1000 et 5000. La cour internationale de justice, Hisham Abu Hajer (des “rebelles libyens, en d’autres termes: Al Qaïda), la Pravda et d’autres sources mettent ce chiffre entre 50 000 et 100 000 morts. Tarpley a estimé le nombre à environ 150 000, un chiffre incroyable pour une population de juste 6 millions et demi de personnes.
Des extraits intéressants du rapport du chef de la mission des états de la Ligue Arabe en Syrie du 24 Décembre 2011 au 18 Janvier 2012 stipulent:
“La mission a déterminé qu’il y avait une entité armée qui n’est pas mentionnée dans le protocole. Ce développement sur le terrain peut indubitablement être imputé à l’emploi excessif de la force par les forces gouvernementales en réponse aux manifestations qui se sont déroulées avant le déploiement de la mission demandant la chute du régime. Dans certaines zones, cette entité armée a réagi en attaquant les forces de sécurité syriennes, ce qui occasionna une plus violente réaction du gouvernement. A la fin, des citoyens innocents paient le prix de ces actions de leur vie et de leurs membres.
…
A Homs, Idib et Hama, la mission d’observation a été témoin d’actes de violence commis contre les forces du gouvernement et des civils ce qui a résulté en plusieurs morts et de nombreux blessés. Des exemples de ces actes incluent le bombardement d’un bus de civil, tuant 8 personnes et en blessant d’autres, femmes et enfants inclus et le bombardement d’un train transportant du gasoil. Dans un autre incident a Homs, un bus de la police a explosé, tuant deux policiers. Un pipeline et des petits ponts ont également été endommagés par des bombes.
…
28. La mission a remarqué que beaucoup de parties ont reporté de manière erronnée que des explosions ou des violences ont eu lieu dans plusieurs endroits. Quand les observateurs se rendirent sur place, ils se rendirent compte que ces rapports étaient totalement infondés.
29. La mission a aussi remarqué que, d’après ses équipes de terrain, les médias exagéraient la nature des incidents et le nombre de personnes tuées dans ces incidents ainsi que les manifestations dans certains endroits.
D’après leurs derniers rapports et leurs briefings au chef de mission le 17 Janvier 2012, en préparation de ce rapport, les chefs de groupes ont été témoins de manifestations pacifiques à la fois par les supporteurs du gouvernement et de l’opposition et ce en plusieurs endroits différents. Aucune de ces manifestations ne fut dérangée, à part quelques disputes mineures entre la mission, les loyalistes et l’opposition. Celles-ci n’occasionèrent aucune mort depuis la dernière présentation devant le comité ministériel arabe sur la situation en Syrie du 8 Janvier 2012.
…
Quelques observateurs ont fait défaut à leur devoir et ont brisé le serment prêté. Ils ont pris contact avec des officiels de leur pays et leur ont donné un compte exagéré des évènements. Ces officiels ont conséquemment développé une image sombre et non réaliste de la situation.
Les audiences arabes et étrangères de certaines organisations médiatiques ont questionné la crédibilité de la mission parce que ces organisations utilisent les médias pour déformer les faits. Il sera difficile de résoudre ce probème à moins qu’il n’y ait un soutien politique et médiatique pour la mission et son mandat. Il est naturel que certains incidents négatifs se produisent alors qu’elle vaque à ses activités, parce que ces incidents sont normaux au cours de missions d’observation similaires.
…
75. Il y a eu récemment des incidents qui pourraient creuser le fossé et augmenter l’amertume entre les parties incriminées. Ces incidents pourraient avoir des conséquences graves et mener à la perte de vies humaines et de propriétés. Ces incidents incluent le bombardement de buildings, de trains transportant du fuel domestique, des véhicules transportant du gasoil et des explosions visant la police, des membres des médias et des pipelines. Certaines de ces attaques ont été perpétrées par l’armée syrienne libre et par d’autres groupes membre de l’opposition armée.
…
Depuis le départ, les attitudes envers la mission ont été caractérisées par le manque de sincérité ou, de manière plus générale, par un manque de sérieux. Avant même qu’elle commence à exercer son mandat et même avant que ses membres n’arrivent sur place, la mission a été prise pour cible dans une campagne vicieuse dirigée contre les états de la Ligue Arabe et le chef de mission, une campagne qui a augmentée en intensité après le déploiement des observateurs. La mission n’a toujours pas reçu le soutien politique et médiatique nécessaire pour remplir correctement son mandat. Si ce mandat est prolongé, les objectifs établis dans le protocole ne pourront pas être atteints à moins que le soutien ne soit fourni et que la mission reçoive le soutien nécessaire pour assurer le succès de la solution arabe.”
url de l’article orginal:
~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~
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vendredi, 10 février 2012
Auch Bin Laden wurde mal unterstützt. Der Westen gegen Assad
Geschrieben von: Robin Classen |
Ex: http://www.blauenarzisse.de/ |
Es war ein seltsames Schauspiel, was sich Beobachtern der letzten Tagung des UN-Sicherheitsrates bot. Schon vor der Abstimmung waren die Gesichter der Vertreter der westlichen Länder, insbesondere der US-Botschafterin Susan Rice, von Frustration und Missmut gezeichnet. Nach der Abstimmung, bei der Russland und China ihr Veto einlegten, eskalierte die Situation beinahe. Susan Rice giftete ins Mikrofon, dass man „angewidert“ sei, der britische Außenminister William Hague fragte offen, wie viele Menschen denn noch sterben müssten, bis Russland und China ihre eigenen Interessen hinten anstellten und handelten. Peter Wittig, deutscher Vertreter und der einzige Botschafter, der seine Erklärung nicht in der Landessprache vorlas, griff zum Schul-Englisch und kommentierte das Abstimmungsverhalten der beiden östlichen Vetomächte mit: „This is the real scandal.“ Russland und China legen Veto ein Man fragt sich, worum es bei dieser Abstimmung überhaupt ging, wenn das Thema offensichtlich so polarisierend wirkte. Die Resolution, über die letztlich abgestimmt wurde, sah keine zusätzlichen Sanktionen und auch keine Rücktrittsforderung vor, sondern unterstützte einfach nur die Forderungen der Arabischen Liga. Diese, euphemistisch „Friedensplan“ genannten, Forderungen besagten, dass Assad alle Sicherheitskräfte aus den syrischen Städten binnen 15 Tagen abziehen, sämtliche Terrorverdächtige freilassen und arabische „Beobachter“ ins Land lassen müsse. Für Syrien würden diese Forderungen letzten Endes bedeuten, dass Islamisten und Terroristen ohne Strafverfolgung auf freien Fuß gesetzt und die Sicherheit in Syriens Städten, gerade für ethnische und religiöse Minderheiten, völlig aufgegeben würde. Außerdem bliebe Assad im Falle einer Befolgung dieser Forderungen der mehrheitlich islamistischen Mitglieder der Arabischen Liga wohl nur noch der Rücktritt. Kein Wunder also, dass Assad zwar verbal zugestimmt, aber bisher noch nicht gehandelt hat. Dieser Umstand wird von China und Russland kritisiert, von denen vor allem die Russen natürlich auch eigene Interessen verfolgen dürfte, denn Syrien ist einer ihrer besten Handelspartner in der arabischen Welt. Nichtsdestotrotz erscheinen die Argumente der beiden Großmächte überzeugend: An die gewalttätigen Demonstranten, die Islamisten, stellt die UN-Resolution nämlich keinerlei Forderungen, verurteilt deren menschenverachtendes Treiben in keiner Silbe. Die Arabische Liga: Ein Zusammenschluss islamistischer Staaten? Es ist ein handfester Skandal, dass der UN-Sicherheitsrat sich allen Ernstes einer Forderung anschließt, die von theokratischen Diktaturen ausgearbeitet wurde, um ihren militanten Dschihadisten in Syrien an die Macht zu verhelfen. In der Arabischen Liga finden sich die üblichen Verdächtigen der islamischen Revolution von 2011, von Ägypten, Marokko, Tunesien über Libyen bis hin zum internationalen Islamisierungs-Financier Saudi Arabien. Wenn man bedenkt, dass Ägypten zeitweise ausgeschlossen war, weil es einen Friedensvertrag mit Israel geschlossen hatte, dürfte jeder wissen, woher der Wind in dieser Organisation weht. Am nächsten Tag ging es auf der Münchner Sicherheitskonferenz dann auch munter weiter mit dem Russen- und Chinesen-Bashing. Diesmal nahmen die arabischen Nationen Stellung zu den Geschehnissen im Sicherheitsrat. Zunächst durfte die vollverschleierte Tawakkul Karman die Bühne betreten und ins Mikrophon bellen, dass Russen und Chinesen „die menschliche Verantwortung“ für ein bis heute nicht bewiesenes „Massaker“ in Syrien trügen und sie „im Namen der arabischen Jugend“ die Haltung der beiden Länder aufs schärfste verurteile. Erstmals auf internationalem Parkett konnte sich auch gleich der tunesische Ministerpräsident Hamad Jebali von der radikal-islamistischen Ennahda-Partei in die internationale Front einreihen und kündigte an, er sei „stolz darauf“, nun den syrischen Botschafter nach Hause zu schicken. Meldungen über Syrien-Massaker berufen sich auf zwielichtige Nachrichtenagentur In Syrien gehen derweil die islamistischen Proteste weiter. Was die FAZ kleinlaut preisgibt, wird ansonsten in den Medien totgeschwiegen: Die Demonstrationen werden unter dem einfachen wie unmissverständlichen Motto „Alla'hu akbar“ beworben und durchgeführt. Der Grund für die einseitige Berichterstattung im Westen, ja sogar für die Haltungen der europäischen Regierungen, dürfte in einem handfesten Medienskandal liegen. Fast alle Horrormeldungen über angebliche Massenerschießungen und Ähnlichem gehen nämlich auf ein kleines Ein-Mann-Nachrichtenbüro in London zurück, das „Syrian Observatory for Human Rights“, von dem vorher noch kein Mensch etwas gehört hat, auf dessen Meldungen sich aber nahezu alle Presseberichte berufen. Unbekannt ist, welcher Geheimdienst oder welche Organisation diese selbsternannte Nachrichtenagentur nun ins Leben gerufen hat. Manche vermuten, es handle sich um eine US-Organisation, wahrscheinlicher könnte sogar sein, dass der „Präsident“ Rami Abdul-Rahman von Saudi Arabien finanziert wird, um Europa zu einem Eingreifen in seinem Sinne zu überreden. Fakt ist, dass Syrien mit Assad einen der liberalsten und menschlichsten Präsidenten in der gesamten arabischen Welt hat. Assad ist Alevit und gehört somit einer sehr liberalen Glaubensrichtung an, die von der Mehrheit der Muslime korrekterweise gar nicht zum Islam gezählt wird. Assad posiert mit seiner grundsätzlich unverschleierten Frau, die mit ihren engen Jeans, ihrem Schmuck und ihren modischen Blusen in keiner westlichen Großstadt auffallen würde, ganz offen im Fernsehen beim Spielen mit seinen Kindern. Assad gehört zu den liberalsten und menschlichsten Präsidenten der arabischen Welt Dabei scheint ihn noch nicht einmal zu stören, dass seine Frau steht und er mit den Kindern spielt, was dem aufmerksamen Araber wohl als Symbolik gelten dürfte, dass er „unter Pantoffel“ steht. Außerdem wird Assad von nahezu allen ethno-religiösen Minderheiten, gerade auch den Christen, offen unterstützt. Kaum ein Herrscher im Nahen Osten hat Minderheitenrechte so rigoros umgesetzt, kaum jemand hat Islamisten so effektiv von Übergriffen abgehalten, wie Präsident Assad. Richtig ist aber, dass er zu keinem Zeitpunkt ein Präsident der Mehrheit war, sondern immer nur ein überparteilicher, überkonfessioneller Verwalter, mit dem sich ganz Syrien mehr oder minder arrangieren konnte. Dies war nur deshalb möglich, weil er auch den Muslimen in vielerlei Hinsicht freie Hand ließ: Unvergessen ist der Besuch von Ahmadinedschad vor zwei Jahren, als das ganze Land mit iranischen Fahnen geschmückt war und man merkte, dass Assad für die muslimische Bevölkerung weniger als Identifikationsfigur diente, als der Präsident des islamistischen Nachbarstaates. Ins Fadenkreuz der USA dürfte Assad auch deshalb gelangt sein, weil unter seiner Regie ein nordkoreanischer Atomreaktor auf syrischem Boden gebaut wurde, der dann in einer international nur rudimentär medial behandelten Nacht-und-Nebel-Aktion von israelischen Militärflugzeugen noch während der Errichtung zerstört wurde. Auch Osama Bin Laden wurde mal unterstützt Gerade in der letzten Zeit war aber eine verstärkte West-Anbindung Assads zu bemerken – die Lage in Syrien hatte sich beruhigt. Dies lässt die jetzige harte Hand Amerikas gegenüber dem „Verwaltungsherrscher“ Assad als ungerechtfertigt und die Unterstützung der islamistischen Opposition als naiv erscheinen. Offensichtlich hat man in Amerika vergessen, dass man vor Jahren auch Osama Bin Laden im Kampf gegen die Sowjetunion unterstützte, und genau dieser Bin Laden dann im Jahr 2001 tausende amerikanische Staatsbürger tötete. Angesichts des islamistischen Mobs auf den Straßen, der dank der amerikanischen Unterstützung über kurz oder lang wohl Assad stürzen wird, könnte man meinen, die Geschichte würde sich wie so oft wiederholen. |
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samedi, 04 février 2012
L’OTAN et la CIA arment en cachette les rebelles syriens afin d’affaiblir l’Iran
L’OTAN et la CIA arment en cachette les rebelles syriens afin d’affaiblir l’Iran
La fourniture d’armements, de renseignements stratégiques, d’instructeurs militaires de la part de l’OTAN et de la CIA aux rebelles syriens s’inscrit évidemment dans un objectif de renversement du régime de Bachar El-Assad, mais surtout dans celui d’un futur conflit avec l’Iran car, comme l’écrit l’auteur de ce papier, “la route de Téhéran passe par Damas“.
Carte de la région
L’OTAN et la CIA arment en cachette les rebelles syriens afin d’affaiblir l’Iran
Par Daan de Wit, DeepJournal,
Traduction GV pour ReOpenNews
L’actuelle couverture médiatique sur l’Iran nous rapporte toute une série d’incidents, mais lorsque l’on regarde cela dans le contexte [plus large] des événements survenus ces dernières années – comme je l’ai fait dans mon livre « The Next War – The attack on Iran – A preview » et aussi dans une série d’articles parus dans le « DeepJournal », il est clair que tous ces éléments s’assemblent en vue d’une guerre contre l’Iran. C’est un projet de longue haleine qui a demandé des années de préparation, et son but ultime se rapproche chaque fois un peu plus. L’un des éléments de cette préparation est la fourniture en secret d’armes aux rebelles syriens.
Affaiblir la Syrie, c’est affaiblir l’Iran. Au lendemain de l’annonce par les États unis de nouvelles mesures contre l’Iran justifiées par son programme nucléaire, le conseiller à la Sécurité nationale de Barack Obama, Tom Donilon, a déclaré que « la fin du régime d’Assad représenterait le plus important revers de l’Iran dans la région – un coup stratégique qui ferait encore plus pencher la balance du pouvoir dans la région contre l’Iran. » Évoquant en novembre dernier la situation instable en Syrie, le secrétaire d’État d’Obama avait dit : « Je pense qu’il pourrait y avoir une guerre civile avec une opposition extrêmement déterminée, bien armée, et bien financée […] chose que nous haïssons, car nous sommes favorables aux protestations pacifiques et à une opposition non violente. » La première partie de la déclaration d’Hillary Clinton ressemblait davantage à l’expression d’un espoir qu’à l’avertissement qu’elle tentait d’envoyer, comme cela fut confirmé par le fait que l’OTAN et les USA sont en train d’alimenter en armes libyennes les rebelles syriens.
L’envoi secret par l’Occident d’armements aux rebelles syriens
Les opposants au régime du président Assad sont armés en secret par l’Occident. Des avions sans marques appartenant à des pays de l’OTAN atterrissent sur les bases militaires de la Turquie près de la frontière syrienne. Ces appareils apportent des armes provenant de l’arsenal de Mouammar Kadhafi. À bord des avions se trouvent également des combattants issus du CNT libyen, « qui ont l’expérience de dresser des volontaires locaux contre des soldats entrainés, une compétence qu’ils ont acquise en affrontant l’armée de Kadhafi. » Mais une étape de plus a été franchie. L’ex-officier de la CIA Phil Giraldi, [souvent] très bien informé explique que « les instructeurs des forces spéciales françaises et britanniques sont sur le terrain, et prêtent main-forte aux rebelles syriens, tandis que la CIA et la Division des Opérations spéciales US fournissent les moyens de communication et de renseignement pour soutenir la cause des rebelles, en permettant aux combattants d’éviter les zones où se concentrent les soldats syriens ».
La route de Téhéran passe par Damas
La stratégie visant à atteindre Téhéran à travers Damas semble avoir également été adoptée par l’Arabie Saoudite : « le Roi sait bien qu’excepté l’effondrement de la République islamique elle-même, rien ne pourrait plus affaiblir l’Iran que la perte de la Syrie, » a expliqué une source saoudienne au magazine Foreign Policy en août dernier. Depuis lors, la situation n’a cessé d’évoluer. La situation syrienne est surveillée de près par les Russes, qui ne la voient pas du même œil « sentimental » que le public occidental : « L’Ouest fait pression sur la Syrie parce que ce pays refuse de mettre fin à son alliance avec l’Iran, et non pour sa répression des opposants, » a indiqué Nikolai Patrushev, qui a travaillé pour le KGB aux côtés du premier ministre Vladimir Poutine pendant l’ère soviétique. Patrushev a poursuivi : « Cette fois, ce n’est pas la France, la Grande-Bretagne ni même l’Italie, qui fourniront la principale force de frappe, mais sans doute le voisin turc, qui [pourtant] était en bons termes avec la Syrie jusque très récemment, mais est un rival de l’Iran extrêmement ambitieux. »
La vacance du pouvoir syrien pourrait profiter aux islamistes
La Russie s’inquiète pour l’avenir : « La Russie, qui possède une base navale en Syrie et vend des armements aux pays du Moyen-Orient, est très inquiète de la possibilité que des islamiques radicaux puissent arriver au pouvoir, » a indiqué Irina Zvyagelskaya, une analyste du Moyen-Orient travaillant pour l’Académie des sciences de Moscou. Mme Zvyagelskaya a expliqué lors d’une interview téléphonique aujourd’hui : « Notre crainte est que la Syrie s’écroule et que des forces dirigées par des extrémistes islamiques s’emparent du pouvoir, ce qui ne plairait à personne. Cela déstabiliserait la région tout entière. »
Phil Giraldi fait la même analyse. Il écrit : « Aux États-Unis, de nombreux sympathisants d’Israël sont pour un changement de régime d’Assad, convaincus qu’une Syrie affaiblie, en proie à la guerre civile, ne présenterait pas de risque pour Tel-Aviv. Mais ils devraient y penser à deux fois, car la situation pourrait bien se retourner contre eux. [En effet] en Syrie, le mouvement politique d’opposition le mieux organisé et disposant des financements les plus importants n’est autre que celui des Frères musulmans. » Hillary Clinton a déclaré : « Ecoutez, Assad va partir ; ce n’est qu’une question de temps. »
Des professionnels du renseignement mettent en garde Obama
Cela fait plusieurs années maintenant que Phil Giraldi met en garde contre une éventuelle guerre contre l’Iran, qui selon lui, pourrait déclencher la 3e guerre mondiale. « En tant que professionnels possédant à nous tous plusieurs centaines d’années d’expérience dans le Renseignement, la politique étrangère, et le contre-terrorisme, nous sommes inquiets de voir les rumeurs basées sur une déformation grossière des faits qui tentent de vous convaincre de déclencher une nouvelle guerre. » Telle est la première phrase d’une lettre envoyée au président américain par les Veteran Intelligence Professionals for Sanity (ex-professionnels du Renseignement), dont Giraldi fait partie des signataires. Ce groupe de spécialistes du renseignement demande [au président] de ne pas lancer une guerre contre l’Iran. « Nous assistons à un remake de la [soi-disant] menace des armes de destruction massive (AMD) irakiennes. » C’est un argument solide, que je développe dans mon livre The Next War. Ce groupe d’experts conclut sa lettre par cette phrase : « Nous nous dirigeons très certainement vers ce que vous appelez une « guerre idiote » (dumb war) ; nous devrions éviter de nous engager dans une nouvelle « guerre idiote » contre un pays presque trois fois plus grand que l’Irak, qui pourrait donner naissance à un conflit régional majeur et créer des générations de djihadistes. Une telle guerre, contrairement à ce que disent certains, ne rendrait pas Israël et les USA plus sûrs. »
Daan de Wit
Traduction GV pour ReOpenNews
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vendredi, 03 février 2012
Contre la Syrie, les armes de la subversion
Bernhard TOMASCHITZ:
Contre la Syrie, les armes de la subversion
Les premières élections libres en Egypte n’ont pas amené les “libéraux pro-occidentaux” au pouvoir, mais, en dépit de cette apparente “déconfiture”, les Etats-Unis continuent à soutenir l’opposition syrienne
Les élections égyptiennes n’ont pas donné le résultat qu’attendait l’Occident depuis, qu’il y a environ un an, des dizaines de milliers d’Egyptiens manifestaient sur la Place Tahrir au centre du Caire pour obtenir la démission d’Hosni Moubarak, détenteur du pouvoir depuis trente bonnes années. Ce ne sont donc pas les “partis libéraux” et les représentants de la “génération Facebook” qui ont été les vainqueurs des élections pour le parlement égyptien mais les formations islamistes. Le parti des Frères Musulmans, qui se pose comme “modéré”, est nettement en tête, avec 45% des votes, suivi du parti radical-islamiste “Nour” (= “la Lumière”).
Les partis séculiers n’ont pas obtenu grand chose des élections législatives: jamais aucun d’entre eux n’a dépassé les 10%. Les investissements américains, effectués depuis tant d’années pour qu’un changement de régime survienne au pays du Nil, n’ont apparemment rien donné. Car en avril 2011, deux mois après la chute de Moubarak, le sous-secrétaire d’Etat américain Michael Posner confirmait, d’après une dépêche de l’AFP, que “le gouvernement américain avait, au cours des deux années écoulées, mobilisé un budget de 50 millions de dollars pour développer de nouvelles technologies destinées à aider les activistes à se protéger de toute arrestation et de toute condamnation par un régime autoritaire”. Cette campagne de financement au bénéfice de contestataires portait essentiellement sur l’Afrique du Nord et le Proche Orient: fin février, une diète s’est tenue quelque part au Proche Orient, au cours de laquelle “des activistes de Tunisie, d’Egypte, de Syrie et du Liban ont participé, pour revenir ensuite dans leurs pays respectifs dans le but de former leurs camarades de combat”.
Posner n’a laissé planer aucun doute quant à l’importance de Facebook, de Twitter ou d’autres services procurés par l’internet, pour autant qu’ils soient mieux coordonnés en réseau; dans ce cas, ils peuvent aider à réaliser les objectifs de Washington: “La puissance des technologies créatrices de réseaux permet d’attiser les incendies et d’obtenir, in fine, un changement politique, social et économique”. Plus particulièrement, le gouvernement américain a financé toutes les tentatives de doter les activistes des pays du monde arabe d’un accès aux technologies qui parviennent à contourner les systèmes mis en place par les gouvernements pour géner tout accès direct à la grande toile, pour empêcher que le pouvoir en place n’efface ou ne modifie les messages écrits ou parlés et pour l’empêcher aussi de s’attaquer à certaines pages d’internet. Toutefois, cette nouvelle technologie n’est pas encore parfaite au quotidien, admet Posner. Finalement, il y a encore suffisamment de lieux, en ce monde arabo-musulman, où les “activistes pro-démocratiques” ont dû être mis à disposition, comme en Syrie.
La Syrie, où Bashar el-Assad détient le pouvoir, a connu une année de manifestations, parfois rudement réprimées. Mais le chef de l’Etat est toujours en place. Son pays, à côté de l’Iran, focalise pour l’instant toute l’attention des Etats-Unis qui veulent y voir survenir un “changement de régime”. Finalement, la Syrie, d’après les propres paroles de l’idéologue-en-chef des néo-conservateurs et ancien vice-ministre de la défense, Paul Wolfowitz, “est devenue une composante de l’Axe du Mal”, en tant qu’allié étroit de l’Iran et soutien des milices du Hizbollah au Liban voisin. Bachar el-Assad s’avère beaucoup plus dur à cuire qu’on ne l’avait imaginé: même les sanctions prises et appliquées ne l’ont pas fait fléchir. Avec habilité, il sait utiliser la Ligue Arabe à son profit, malgré qu’elle compte parmi ses membres d’importants alliés des Etats-Unis, comme l’Arabie Saoudite. Début janvier 2012, une mission d’observation de la Ligue Arabe a sillonné le pays, sans pouvoir constater ces entorses gravissimes aux droits de l’homme que dénoncent à qui mieux mieux l’Occident et l’opposition syrienne. On ne s’étonnera pas, dès lors, qu’un représentant de l’opposition syrienne décrit la mission d’observation de la Ligue Arabe comme un “animal édenté”.
Les rebelles syriens seront toutefois plus heureux d’apprendre les plans concoctés par le gouvernement d’Obama. Fin décembre 2011, la revue américaine “Foreign Policy” révélait que le Conseil National de Sécurité des Etats-Unis avait décidé de “démarrer un processus informel et tranquille pour élaborer et trouver des possibilités de soutenir l’opposition syrienne”. Cette revue, considérée généralement comme bien informée, compte parmi ses rédacteurs plusieurs anciens conseillers du ministère de la défense. Elle évoque, dans son dossier consacré à la Syrie, l’éventualité d’un soutien humanitaire et logistique à l’opposition, voire la création d’un “corridor humanitaire” ou d’une “zone de protection pour les civils”, le long de la frontière avec la Turquie. Ensuite, les stratégistes américains évoquent la nomination d’un “coordinateur spécial”, selon le modèle inauguré en Libye, pour coopérer directement avec l’opposition syrienne.
Toutefois, à Washington, il y a tout de même des voix critiques qui s’élèvent, surtout quand on se demande quel sera l’avenir de la Syrie après el-Assad. Ces voix critiques craignent un vide de pouvoir, des flots de réfugiés, la disparition d’armes de destruction massive et, pire, des troubles dans l’ensemble de la région. Quant à la constitution d’un corridor humanitaire, elle semble “très improbable” car, dans ce cas, il faudrait aussi prévoir une “zone d’interdiction de survol”, ce qui impliquerait, en conséquence, “de déclencher des attaques de grande envergure contre les installations anti-aériennes, les postes de commandement militaire et les systèmes de contrôle de l’armée syrienne”. Il faudrait également une résolution du conseil de sécurité de l’ONU, pour créer une zone d’interdiction de survol car une telle mesure implique automatiquement de limiter la souveraineté d’un Etat. Or une telle résolution est fort improbable car la Chine et surtout la Russie entendent bien ne pas laisser tomber Damas.
Comme le rapporte “Foreign Policy”, “le gouvernement américain, avec l’aide d’alliés comme la France ou peut-être la Turquie, devrait travailler à une justification propre pour amorcer une intervention non militaire en Syrie”. Cela ne peut signifier qu’un soutien renforcé à l’opposition, d’autant plus que le “Conseil National Syrien” a décidé, selon ce que nous rapporte un haut fonctionnaire du gouvernement, “d’entrer dans la phase critique de la révolution syrienne”. La semaine dernière l’opposition a fait savoir qu’elle collaborerait avec l’“Armée Syrienne Libre”. Si l’on se souvient de l’exemple libyen, ce serait là une coalition des forces en présence.
Bernhard ROMASCHITZ.
(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°3/2012; http://www.zurzeit.at ).
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jeudi, 02 février 2012
Ilan Pappé, historien postsioniste: juge et vengeur
Markus BRANDSTETTER
Ilan Pappé, historien postsioniste: juge et vengeur
Le philosophe juif-allemand Theodor Lessing publiait en 1930 son fameux ouvrage “Der jüdische Selbsthass” (= “La haine de soi chez les Juifs”). Dans ce livre, il nommait le critique Karl Kraus et le désignait comme “l’exemple le plus patent de la haine de soi chez les Juifs” et aussi comme “le vengeur et le juge de notre temps”, dont il “comprenait profondément et sanctionnait” “la voie vers le combat”.
Ce sont là des mots qui attestent d’une admiration certaine, quoique pleine d’amertume, et d’une reconnaissance qui relève du défi: aujourd’hui, mutatis mutandis, ces mêmes paroles peuvent être dites de l’historien et publiciste Ilan Pappé. En effet, peu d’autres intellectuels israéliens provoquent autant la controverse que le fait Pappé. Les uns tiennent cet auteur du livre, aujourd’hui disponible en allemand, “Der Kampf um die akademische Freiheit in Israel” (= “Le combat pour la liberté académique en Israël”), pour un humaniste et un adepte de l’idéal des Lumières qui dévoile au grand jour la vérité, celle qui constate qu’Israël, en dépit de ses dissimulations et de ses maquillages, a bel et bien expulsé les Palestiniens par la violence en 1948-49. Pour d’autres, il est un vilain oiseau qui souille son propre nid, un prédicateur de marché et un idéologue qui n’hésite jamais à détourner la vérité si cela lui permet de jeter le discrédit sur Israël.
Le grand thème des recherches de Pappé est l’expulsion de près de 800.000 Palestiniens en 1948. Cette catastrophe, il la considère comme une “épuration ethnique” dans son ouvrage “The Ethnic Cleansing of Palestine” (= “L’épuration ethnique en Palestine”), qui était paru en 2006 et avait aussitôt soulevé et l’admiration et la polémique. En toute conscience, Pappé classe cette “épuration ethnique” de la Palestine dans le voisinage direct de la pratique génocidaire et du crime contre l’humanité. La polémique survient surtout parce que Pappé ne se borne pas à émettre une hypothèse de départ, qu’il confronte ensuite aux faits historiques; non, notre homme pose sa vérité dès le départ: les hommes politiques et les commandants militaires d’Israël, de même que les simples soldats et policiers, ont tous été, sans exception, des assassins et des criminels. Dans les travaux de Pappé tout ce qui est israélien est mauvais et méchant, tout ce qui est palestinien est inoffensif et bon.
Pappé n’a pas toujours eu une position aussi tranchée. Après ses études à Jérusalem et son doctorat à Oxford, cet intellectuel, né en 1954 à Haïfa, s’est fait un nom au sein du groupe dit des “nouveaux historiens”, aréopage regroupant des historiens israéliens qui, avec virulence, mettaient en doute les “mythes créateurs” de leur Etat. Tandis que les cinq autres membres du groupe finissaient tous par considérer que la fondation de l’Etat d’Israël participait d’un acte d’auto-affirmation du peuple juif au Proche Orient, dans un environnement hostile (justifiant plus ou moins l’expulsion par la violence des Arabes), Pappé a été le seul à attribuer à l’Etat hébreu en gestation des intentions malignes et cela, dès le départ.
Il a défendu ses positions de manière offensive et, de plus, veut les traduire dans l’orbe de la politique concrète. C’est la raison qui l’a poussé, en 1999, à se porter candidat aux élections de la Knesset sur les listes du Khadach socialiste. Il n’a pas été élu. Simultanément, il en appelait au boycott d’Israël, ce qui lui a coûté son capital de sympathie puis, en bout de course, ses chaires académiques. Mais ces persécutions ne sont pas venues à bout de l’entêtement de Pappé: il dirige aujourd’hui le “Centre Européen pour les Etudes Palestiniennes” à l’Université d’Exeter en Angleterre.
Markus BRANDSTETTER.
(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°5/2012; http://www.jungefreiheit.de ).
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mardi, 31 janvier 2012
Erdogan règle ses comptes avec l’armée turque
Günther DESCHNER:
Erdogan règle ses comptes avec l’armée turque
Certaines pratiques douteuses du gouvernement d’Erdogan approfondissent les césures qui existent déjà dans le monde politique et la société en Turquie
L’arrestation spectaculaire de l’ancien chef de l’état-major de l’armée turque, Ilker Basbug (photo), et la plainte déposée contre l’ancien chef de la direction militaire du coup d’Etat de 1980 et ex-président de la République, Kenan Evren, a crée l’événement et éveillé toutes les attentions, bien au-delà des frontières turques. Cette arrestation et cette mise en examen ont montré clairement combien profondes sont les césures qui déchirent la société et le monde politique dans ce pays, qui est une pierre angulaire de l’OTAN. Le motif qui se profile derrière ces manoeuvres politico-judiciaires est à rechercher dans le fameux procès, qui est en cours depuis 2007, contre le réseau secret “Ergenekon”, auquel les organes du gouvernement d’Erdogan et le procureur général reprochent d’entretenir, par le biais de la terreur, des peurs et des émotions dans la population pour justifier un nouveau putsch militaire.
Avec l’arrestation de Basbug, le cercle des hommes soupçonnés d’intentions putschistes s’accroît. Il faut savoir que l’ancien chef de l’armée du deuxième pays le plus militarisé de l’OTAN, du moins sur le plan quantitatif, est considéré comme un “réaliste” (dans un commentaire publié dans le journal “Hürriyet”), “qui savait que le climat politique en Turquie avait atteint un point où plus aucun putsch militaire n’aurait été accepté, ni en Turquie même ni dans la communauté internationale”. On reproche aujourd’hui à ce général retraité depuis 2010 d’avoir été, en tant que “membre d’une association terroriste”, impliqué “dans un plan visant à renverser le gouvernement islamo-conservateur de l’AKP”.
Basbug se retrouve ainsi dans un aréopage illustre: plus de trois cents personnes —des militaires de haut rang, des professeurs, des recteurs d’université, des avocats et des journalistes— sont désormais considérées comme membres ou comme soutiens d’une ligue soi-disant secrète et incarcérées, pour partie, depuis de nombreuses années. L’opinion publique turque attend en vain, et depuis longtemps, qu’un premier jugement soit rendu ou que des preuves tangibles soient présentées. Plus le cas est trainé en longueur, plus le cercle des “putschistes” supposés va s’accroître et plus les arrestations se succéderont au sommet de la hiérarchie sociale et politique; quant à la crédibilité de l’opération, elle se réduira quasi à néant.
Certains commentateurs remarquent que le système juridique turc est responsable de cette lenteur: les procès durent longtemps parce que le système ne prévoit pas de libération conditionnelle sous caution. D’autres, plus critiques, reprochent au gouvernement d’Erdogan, de se contenter de simples suspicions et d’en profiter pour baillonner définitivement d’éventuels opposants kémalistes. Le procès, pris dans son ensemble, ne servirait en réalité qu’à consolider les positions de l’AKP dans les appareils de la justice et de l’Etat.
Certes, il s’avère exact que la Turquie est un pays où, par trois fois depuis 1960, des putsch militaires ont renversé le gouvernement. On ne peut donc pas dire que tout soupçon, quant à l’éventuelle planification d’un coup d’Etat, soit le fruit de purs fantasmes conspirationnistes. Néanmoins bon nombre d’observateurs pensent que le procès intenté sert surtout à réduire au silence ceux qui critiquent le régime.
Depuis la fondation de la république par le Général Mustafa Kemal, surnommé plus tard “Atatürk”, l’armée turque se pose comme la gardienne des principes séculiers, porteurs du “kémalisme” en tant qu’idéologie d’Etat. A ce titre, l’armée a pu acquérir une influence qui aurait été impensable dans d’autres démocraties. Jusqu’à nos jours, elle a gardé ses positions privilégiées. Au cours des années écoulées, le premier ministre Erdogan a pu réduire quelque peu cette influence, sans que les dirigeants de l’armée cessent vraiment de constituer un facteur de puissance. Ce n’était un secret pour personne: les généraux toisaient avec un grand mépris les politiciens de la “contre-élite” islamique, qui gouvernent aujourd’hui le pays.
Atatürk, fondateur de l’Etat, avait, expressis verbis, donné à l’armée la mission, après sa mort, de maintenir intact le système politique qu’il avait mis en place. Les militaires sont demeurés fidèles à cette mission et, par trois fois, en 1960, en 1971 et en 1980, ils ont renversé des gouvernements élus. Le coup d’Etat du 12 septembre 1980 fut de loin le plus sanglant: la Turquie avait été au bord de la guerre civile; 230.000 personnes furent inculpées; 50 condamnés ont été exécutés; des centainesd’autres sont morts en prison. Des dizaines de milliers de Turcs quittèrent le pays. Les généraux ont alors imposé une nouvelle constitution, dont les dispositions autoritaires ont marqué la Turquie.
Plus de trente ans après ces faits, l’ancien chef des militaires, Kenan Evren, aujourd’hui âgé de 94 ans, et l’ex-général Tahsin Sahinkaya, 86 ans, devront subir un procès. Pendant longtemps, Evren a été protégé contre toute poursuite judiciaire mais, après une modification de la constitution en septembre 2010, il a perdu son immunité. Depuis, plusieurs victimes de la junte militaire ont insisté pour que les officiers putschistes de 1980 soient poursuivis.
Une chose est sûre aujourd’hui: le moral, déjà sérieusement entamé, des dirigeants de l’armée turque, vient de prendre un nouveau coup dur avec l’arrestation de Basbug et l’inculpation d’Evren. Une fois de plus, l’AKP islamique vient de remporter un évident succès dans la lutte qui l’oppose à l’ancienne élite séculière, à laquelle appartient le sommet de la hiérarchie militaire. Le fossé se creuse de plus en plus entre le gouvernement islamisant et l’établissement séculier en Turquie.
Günther DESCHNER.
(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°4/2012; http://www.jungefreiheit.de ).
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lundi, 30 janvier 2012
Syrie, Egypte: les guerres civiles menacent
Syrie, Egypte: les guerres civiles menacent
Entretien avec Peter Scholl-Latour
Propos recueillis par Bernhard Tomaschitz
Q.: Lors des élections législatives égyptiennes, la parti radical islamiste “Nour” sera le deuxième parti du pays, immédiatement derrière les Frères Musulmans. En êtes-vous surpris?
PSL: Que les Frères Musulmans allaient constituer le premier parti d’Egypte, ça, nous le savions dès le départ. Ce qui m’a surpris, c’est la force des mouvements salafistes; elle s’explique partiellement par deux faits: d’abord, les petites gens, surtout dans les campagnes, adhèrent à une forme rigoriste de l’islam; ensuite, les salafistes reçoivent appui et financement de l’Arabie Saoudite.
Q.: Les Frères Musulmans ont annoncé qu’ils organiseront un référendum populaire sur le traité de paix avec Israël; cette consultation amènera une majorité d’Egyptiens à rejeter ce traité de paix. Quelles vont en être les conséquences?
PSL: Pour israël, cela créera une situation entièrement nouvelle, où l’état de guerre sera restauré en pratique. Cela signifie que l’armée israélienne devra à nouveau se renforcer le long de la frontière du Sinai: c’est une charge supplémentaire et considérable. Et surtout l’Egypte ira soutenir le Hamas dans la Bande de Gaza, ce qui créera une situation très lourde à gérer pour Israël, surtout si, en Syrie, le régime d’El-Assad tombe et que, au Nord aussi, la frontière cessera d’être plus ou moins sûre.
Q.: Récemment, vous étiez à Damas et vous y avez rencontré El-Assad: quelle est le situation que vous avez observée en Syrie?
PSL: Lorsque j’étais à Damas, tout était absolument calme. Je suis allé me promener et j’ai pu voir quelques manifestations organisées pour soutenir El-Assad. Dans une autre partie de la ville, se déroulait, paraît-il, une manifestation contre El-Assad, où il y aurait eu trois morts. Mais ce genre d’incident est à peine perceptible dans une ville qui compte six millions d’habitants: les magasins étaient ouverts et les Syriens sirotaient comme d’habitude leur café aux terrasses. L’impression que donnait la ville était absolument pacifique; surtout, on ne voyait pas d’uniformes, sans doute parce la police secrète patrouillait en civil.
Q.: La guerre civile menace-t-elle en Syrie, comme le pense la Ligue Arabe?
PSL: Pour partie, on peut dire que la guerre civile sévit déjà, mais elle se limite aux régions frontalières du Nord, le long de la frontière turque. A Homs, la frontière libanaise est toute proche et, au-delà de celle-ci, un mouvement radical islamiste est très actif et offre un appui aux rebelles syriens. La guerre civile, qui éclatera probablement à l’échelle du pays entier, est indubitablement téléguidée depuis l’étranger.
Q.: Et qui incite à la guerre civile en Syrie, et pour quels motifs?
PSL: Dans le fond, l’enjeu n’est pas tant la Syrie. Ce pays est certes géré par une dictature qui n’hésite jamais à faire usage de la violence, mais ni plus ni moins que d’autres dictatures de la région; cependant, il faut savoir que la Syrie a amorcé une certaine coopération avec l’Iran et l’objectif de la manoeuvre en cours est d’empêcher les Iraniens de bénéficier d’un lien territorial, via l’Irak et la Syrie, avec le Hizbollah libanais et de créer ainsi de facto une zone chiite entre l’Afghanistan et la Méditerranée.
(entretien paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°3/2012 – http://www.zurzeit.at ).
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mardi, 24 janvier 2012
Survol de la Syrie et des Alaouites
Survol historique de la Syrie et des Alaouites
Ex: http://mediabenews.wordpress.com/
Introduction
La prise du pouvoir par les Alaouites en Syrie marque une rupture profonde avec le passé et l’histoire. Depuis des siècles, l’aire syrienne a été gouvernée, en général depuis Damas, par une bourgeoisie commerçante musulmane sunnite des plus orthodoxes, soumise à l’Empire Ottoman, qui a su par la suite composer, non sans diverses manoeuvres, avec la puissance mandataire avant de profiter de la confusion européenne pour échapper à son emprise et tenter, de façon un peu brouillonne, plusieurs formules de partage oligarchique du pouvoir. Quoi qu’il en soit, Damas demeurait, avec Le Caire, l’un des deux grands pôles de la pensée orthodoxe arabe et musulmane. Quant aux minorités religieuses ou ethniques, Chrétiens, Druzes, Alaouites, Juifs, Kurdes, Arméniens, bien que proportionnellement les plus importantes [1] de la région, ou peut être à cause de cela, elles étaient soigneusement tenues dans un état de marginalité politique et sociale, éloignées géographiquement ou institutionnellement des centres et instruments de pouvoir.
L’erreur fondamentale de la bourgeoisie affairiste et conservatrice sunnite de Syrie est sans doute d’avoir cru que son monopole économique et financier lui garantissait sans risque le contrôle permanent d’un appareil d’État plus conçu comme un lieu d’arbitrage et de représentation que comme un réel instrument de pouvoir. L’appareil de contrainte de l’État, Armée, Police, Administration fiscale ou douanière, avait toujours été dans des mains étrangères et l’on avait bien su s’en accommoder. De fait, il n’était nullement perçu comme un instrument valorisant, facteur de promotion et de contrôle sérieux de la société civile. Les minorités ont su profiter de cette lacune politique et culturelle et, au premier rang d’entre elles, les Alaouites. Hérétiques de l’Islam, méprisés, persécutés, démunis, relégués dans leurs montagnes peu hospitalières surplombant la Méditerranée entre les frontières libanaise et turque, désignés à la vindicte depuis la fatwa d’Ibn Taymiya (1268-1328)[2], les Alaouites ne paraissaient pas les mieux placés pour se lancer à la conquête de l’État syrien. En fait ils n’ont pas eu les hésitations des Chrétiens syriens, en majorité orthodoxes, qui ne bénéficient pas comme les Maronites du Liban d’une solution de repli territorial en cas d’échec. Contrairement aux Druzes, qui sont restés fidèles à leur tradition séculaire de ne jamais se mettre en avant pour ne pas désigner la communauté aux coups, les Alaouites, malgré leur passé et leur passif, ont entrepris de profiter d’une conjoncture favorable qui laissait le pouvoir en partie vacant à l’intérieur du pays et qui, au début des années 50, relativisait le poids de l’Islam dans le monde arabe en faveur d’idéologies peu connotées sur le plan religieux (nationalisme, marxisme).
Depuis le coup d’État du 8 mars 1963, la minorité alaouite de Syrie s’est donc progressivement assuré, sous la conduite de l’un des plus discrets mais des plus déterminés de ses membres, le général Hafez el-Assad, un contrôle étroit du pouvoir, de l’appareil civil et militaire de l’État et aussi des ressources économiques et financières du pays. Cette emprise à la fois communautaire et minoritaire n’est ni revendiquée ni même avouée. Elle s’exerce derrière le paravent, parfois avec l’alibi, d’une organisation centralisée et autoritaire mais qui se proclame résolument égalitariste, moderne et progressiste. En fait, elle met en jeu, tant en Syrie même que dans son contexte régional, les ressorts complexes de stratégies et de tactiques communautaires, tribales, claniques et familiales où dominent les rapports d’obligations interpersonnelles. L’édification de ces rapports, ainsi que la sanction de leur respect ou de leur violation, détermine et rythme depuis trente ans la vie publique intérieure mais aussi la politique extérieure de la Syrie qui y gagnent en cohérence et en détermination ce qu’elles y perdent en termes d’ouverture et d’image. Il reste à savoir si cette longue marche au pouvoir de Hafez el-Assad peut conduire à l’intégration de la communauté alaouite dans le pays et dans le siècle, ou si elle porte les germes de sa dissolution et de sa destruction. Car en sortant de son isolement géographique et social pour assumer le pouvoir d’État, la communauté perd ses repères internes, gomme ses différenciations, confrontée au double besoin de faire bloc pour s’imposer à un environnement hostile et de conclure avec cet environnement des alliances permettant de rentabiliser le présent et garantir l’avenir. Elle est bouleversée en son sein par les démarches de légitimation d’élites nouvelles, dynamiques et conquérantes, bousculant les cadres traditionnels qui puisaient leur pouvoir dans une capacité à gérer des réseaux de soumission et de transaction avec un extérieur dominateur. À mesure que s’affermit, s’étend, mais aussi se disperse le pouvoir alaouite sur l’ensemble du pays, la segmentation tribale de la communauté, fondée sur un état donné d’occupation physique d’un terrain précis, s’estompe au profit d’une segmentation en clans, voire en familles, dont les réseaux de solidarités et d’alliances dépassent les limites traditionnelles internes et externes de la communauté dans un contexte d’accès au pouvoir d’État et aux rentes économiques et politiques qui y sont liées [3]. Au terme d’une histoire presque millénaire d’isolement, de soumission et de discrétion, les Alaouites sont entrés dans le siècle, mais à quel prix pour leur identité et leur devenir ?
Repères
Dès le paléolithique et le néolithique, des groupes humains peuplèrent cette région. Dans la vallée de l’Euphrate, formant avec celle du Tigre la Mésopotamie, apparurent l’agriculture, puis les premières villes, les premiers royaumes, ainsi que l’écriture cunéiforme et l’alphabet.
La Syrie de l’Antiquité
Du fait qu’elle était un lieu de passage entre l’Égypte et la Mésopotamie, la Syrie fut livrée très tôt aux invasions des grandes puissances commerciales du monde de l’époque. Soumise à la domination des Sumériens, puis des Akkadiens, la région passa, à la fin du IIIemillénaire, sous l’influence des Amorites, un peuple sémite nomade. Au XIXe siècle avant notre ère, les Amorides fondèrent la première dynastie de Babylone. Hammourabi, roi de Babylone, étendit sa domination sur toute la région au siècle suivant.
À partir du XVIe siècle, l’Égypte des pharaons (la XVIIIe dynastie) prit le contrôle de la Syrie méridionale, tandis qu’au nord s’établirent les Hittites. Au carrefour commercial entre la Méditerranée et l’Asie, la région prospéra grâce à l’activité des marchands phéniciens qui fondèrent de nombreux ports (Tyr, Byblos, Sidon au Liban, Ougarit en Syrie).
L’équilibre fut rompu par l’arrivée des «Peuples de la mer» qui déferlèrent au XIIIe siècle avant notre ère et dévastèrent le littoral. Alors que les Araméens établissaient de petites principautés de la vallée de l’Oronte à celle de l’Euphrate, le royaume d’Israël étendit sa domination sur la région aux Xe et IXe siècles, en créant des liens de vassalité avec les Araméens. Le royaume de Damas fut fondé vers 1000 avant notre ère. Nabuchodonosor II, illustre représentant de la Xe dynastie de Babylone qui s’établit sur les restes de la puissance assyrienne, étendit son pouvoir jusqu’à Jérusalem; maître de l’Orient, il fit de sa langue, l’araméen, l’idiome de tous les peuples sous sa domination.
En 539, Cyrus le Grand, accueilli en libérateur par les peuples sous le joug babylonien, dévasta l’empire chaldéen. La Syrie passa sous domination perse et fut administrée par les satrapes des Grands Rois pendant les deux siècles qui suivirent. Alexandre le Grand l’annexa ensuite à son empire en 333-332 avant notre ère. Sous influence hellénistique, la Syrie échut après la mort du conquérant à Séleucos Ier Nikator, l’un de ses généraux. Une partie de la Syrie s’hellénisa au cours des siècles suivants, car le grec s’est imposé dans la région.
Par la suite, le royaume de Syrie fut envahi par les Romains de Pompée venus en Orient vaincre les Parthes; le royaume devint une province romaine en 64 avant notre ère. Mais la Syrie demeura quand même hellénisée sous la domination romaine, à tel point qu’elle devint l’une des principales provinces de l’Empire. Toutefois, après la fragmentation de l’Empire romain en 395 de notre ère, la Syrie fut intégrée à l’Empire byzantin. Elle connut une période de prospérité économique et de stabilité politique, troublée par les querelles religieuses qui déchirèrent l’Église d’Antioche. À partir de 611, les Perses tentèrent de mettre à profit les troubles religieux pour rétablir leur domination sur la région. Les Byzantins les chassèrent définitivement en 623, pour faire face à une nouvelle menace, celle de l’islam.
La Syrie arabe
Dès le IVe siècle avant notre ère, des tribus arabes venues du sud de l’Arabie s’étaient établies en Syrie. Affaiblis par les luttes qui les opposaient, Byzantins et Perses ne purent résister à l’expansion arabo-musulmane. La victoire du Yarmouk (636) sur les troupes d’Héraclius Ier permit aux Arabes de s’assurer le contrôle de la Syrie, qui s’islamisa et s’arabisa. La dynastie omeyyade (661-750), fondée par Moawiyya, exerça son rayonnement depuis Damas, la capitale. La marine du calife s’empara des îles de la Méditerranée orientale (Chypre, Crète, Rhodes), tandis que les troupes terrestres virent camper sous les murs de Constantinople. L’administration fut réorganisée, les sciences se développèrent, les mosquées et les palais se multiplièrent. Pourtant, les Omeyyades tombèrent sous les coups des Abbassides, qui firent de Bagdad la capitale de leur nouvel empire (750-1258), dont la Syrie devint une simple province. Le pays connut ensuite une période troublée lorsque l’empire commença à se démembrer.
Aux Xe et XIe siècles, le désordre qui régnait dans le pays, divisé entre des dynasties arabes et turques rivales, favorisa l’établissement des croisés occidentaux qui, après la prise d’Antioche (1098) et de Jérusalem (1099), occupèrent le littoral et le nord de l’actuelle Syrie. Les croisés édifièrent une série de châteaux forts tournés vers la mer. En 1173, Saladin, fondateur du sultanat ayyubide, mena la lutte des musulmans contre les croisés et unifia l’intérieur de la Syrie. Affaibli par la guerre opposant croisés et musulmans, le pays subit au XIIIe siècle l’invasion destructrice des Mongols. Les mamelouks, dynastie d’esclaves qui s’était imposée en Égypte, stoppèrent leur avance, expulsèrent les croisés en 1291 et dominèrent la Syrie jusqu’en 1516.
En réalité, la multiplicité des invasions étrangères s’est traduite dans le domaine religieux. Ainsi, si 90 % de la population est devenue musulmane, 10 % de celle-ci est restée chrétienne, avec le maintien de minorités chiite, druze, ismaélienne et surtout alaouite.
La Syrie ottomane
Après avoir pris Constantinople, les Ottomans vainquirent les mamelouks en 1516, annexèrent la Syrie à leur nouvel empire et divisèrent celle-ci en trois, puis en quatre pachaliks ou provinces (Damas, Tripoli, Alep et Saïda). La Syrie ottomane fut gérée au nom du sultan par des gouverneurs nommés pour un an. Cependant, la domination turque se fit principalement sentir dans les villes, les émirs locaux exerçant partout ailleurs leur propre pouvoir.
Durant quatre siècles, la Syrie redevint un carrefour commercial important et développa des relations avec le monde occidental. Puis l’affaiblissement graduel de la puissance ottomane attisa les ambitions territoriales, tantôt du premier consul Bonaparte en 1799, tantôt par les troupes du vice-roi d’Égypte Méhémet Ali en 1831. En 1860, Napoléon II intervint en Syrie afin de favoriser les chrétiens.
Puis ce fut le tour des Britanniques. Ayant gagné l’appui des Arabes syriens, les Anglais promirent l’indépendance du pays en cas de victoire sur l’Empire ottoman. Cependant, le 16 mai 1916, la Grande-Bretagne et la France conclurent des accords secrets, les accords Sykes-Picot, par lesquels les deux puissances se partageaient les terres arabes sous domination ottomane. Cet accord résulte d’un long échange de lettres entre Paul Cambon, ambassadeur de France à Londres, et sir Edward Grey, secrétaire d’État au Foreign Office; par la suite, un accord ultra-secret fut conclu à Downing Street entre sir Mark Sykes pour la Grande-Bretagne et François Georges-Picot pour la France. Cet accord équivalait à un véritable dépeçage de l’espace compris entre la mer Noire, la Méditerranée, la mer Rouge, l’océan Indien et la mer Caspienne. La région fut découpée de la façon suivante:
1) Une zone bleue française, d’administration directe (Liban et Cicilie);
2) Une zone arabe A, d’influence française (Syrie du Nord et province de Mossoul);
3) Une zone rouge anglaise, d’administration directe (Koweït et Mésopotamie);
4) Une zone arabe B, d’influence anglaise, (Syrie du Sud, Jordanie et Palestine);
5) Une zone brune, d’administration internationale comprenant Saint-Jean-d’Acre, Haiffa et Jérusalem.
Bref, la Syrie et le Liban actuels revirent à la France, l’Irak et la Palestine furent attribuées au Royaume-Uni.
Le mandat français (1920-1941)
Les Britanniques et les Arabes participèrent à la prise de Damas en 1918. L’année suivante, les forces britanniques se retirèrent de la zone d’influence revenant à la France, cédant le contrôle aux troupes françaises. En 1920, la Société des Nations (SDN) confia à la France un mandat sur la Syrie et le Liban, lesquels devaient rapidement aboutir, du moins en théorie, à l’indépendance des deux territoires. Toutefois, les nationalistes syriens, organisés depuis la fin du XIXe siècle, espéraient la création d’une Syrie indépendante, incluant la Palestine et le Liban. En mars 1920, le Congrès national syrien (élu en 1919) refusa le mandat français et proclama unilatéralement l’indépendance du pays. Celui-ci devint une monarchie constitutionnelle dirigée par le fils de Hussein, le prince Fayçal.
Néanmoins, en avril 1920, la conférence de San Remo confirma les accords Sykes-Picot, qui légitimaient l’intervention militaire française: les troupes du général Gouraud entrèrent à Damas en juillet. Fayçal, contraint à l’exil, trouva alors refuge en Irak, où il sera couronné en 1921. Ce fut alors l’effondrement du «grand projet arabe» de rassembler autour de Damas les terres arabes autrefois placées sous contrôle ottoman. Alors qu’elle avait été hostile envers les Turcs, la population syrienne développa rapidement un sentiment antifrançais.
Le Mandat français sur la Syrie fut organisé en un «Grand Liban» composé de quatre provinces: l’État de Damas, l’État d’Alep, l’État des Alaouites (1920) et l’État du Djebel druze (1921), auxquels s’ajouta, en mars 1923, le sandjak d’Alexandrette (au nord) détaché d’Alep et peuplé d’une minorité turque. La même année, le général Gouraud créa la Fédération syrienne, qui regroupait Damas, Alep et l’État alaouite, sans le Djebel druze, ni Alexandrette. En 1924, l’État alaouite en fut également séparé. De 1925 à 1927, le Djebel druze entra en état d’insurrection, dirigée par le sultan Pacha-El-Atrache. Le général Sarrail y fut chargé de rétablir l’ordre français. En 1926, le «Grand Liban» devint la République libanaise. |
La frontière syro-libanaise fut tracée par les Français, protecteurs traditionnels des chrétiens dans la région, afin de satisfaire les ambitions des maronites à la création d’un «plus grand Liban». La Syrie ne reconnut jamais ce tracé. Sachant proche l’indépendance du mandat français du Levant, la Turquie fit savoir, dès 1936, qu’elle se refusait à ce que la population minoritaire turque du Sandjak d’Alexandrette puisse passer sous l’autorité syrienne indépendante. Paris, soucieux de ne pas contrarier un État dont la position revêtait une grande importance stratégique quant à la défense des intérêts français au Levant, accéda à la demande d’Ankara, et le Sandjak d’Alexandrette (ou république du Hatay) passa sous souveraineté turque le 23 juin 1939, sous le nom de «province du Hatay», au grand dam des nationalistes syriens.
Malgré son hostilité à l’égard de la France, la Syrie se rangea aux côtés des Alliés en 1939. En juin 1940, après la capitulation française, la Syrie passa sous le contrôle du gouvernement de Vichy. En 1941, les forces de la France libre et les Britanniques chassèrent le général Dentz, haut-commissaire du Levant. Le général Catroux, au nom de la France libre, reconnut officiellement l’indépendance de la Syrie, mais les troupes franco-britanniques demeurèrent sur le sol syrien. Les Français ne se retirèrent totalement du Liban et de la Syrie qu’en 1946, après avoir violemment réprimé de nouvelles émeutes nationalistes et bombardé Damas. Cette même année, la Syrie devient membre des Nations unies.
Soulignons que, lors du mandat français, les Kurdes ne firent l’objet d’aucune mesure répressive. Même s’ils ne jouissaient d’aucun statut officiel, ils pouvaient librement pratiquer leur religion et utiliser leur langue, voire diffuser leurs journaux. C’est dans le Kurdistan syrien que beaucoup d’intellectuels Kurdes persécutés en Turquie vinrent trouver refuge, bien qu’ils ne disposaient d’aucun droit politique. Les Kurdes ont bel et bien demandé leur autonomie à l’intérieur des frontières du pays. Une pétition fut adressée à l’Assemblée constituante de Syrie le 23 juin 1928 et y a inclus les trois demandes suivantes:
1) L’usage de la langue kurde dans les zones kurdes, concurremment avec d’autres langues officielles (arabe et français);
2) L’éducation en langue kurde dans ces régions;
3) Le remplacement des employés du gouvernement de ces régions par des Kurdes.
Les autorités du mandat français ne favorisèrent pas l’autonomie kurde dans cette partie de la Syrie en raison de l’intolérance manifestée par la Turquie et l’Irak à l’égard «d’un territoire autonome kurde» près de leurs frontières. En fait, l’usage du kurde était libre, sans être officielle, dans la région. Mais l’absence de matériel pédagogique en langue kurde aurait rendu l’organisation de l’éducation particulièrement difficile, bien que ce soit des considérations d’ordre politique qui ait joué.
Quant à la minorité religieuse alaouite, elle fut favorisée par les Français. Longtemps persécutés dans le passé, les alaouites (issus des chiites) purent s’instruire et se faire embaucher dans l’armée coloniale française, ce qui assura leur promotion sociale, dont les élites dirigeront ensuite le Parti Baas à partir de 1963. Les Français avaient créé le «Territoire des alaouites», qui allait devenir l’«État des Alaouites», puis en 1930 le «territoire de Lattaquié» ou «gouvernement de Lattaquié». Afin de faire contrepoids au nationalisme arabe des sunnites, les Français encouragèrent pendant l’entre-deux-guerres le particularisme alaouite, qui prétendait faire des alaouites un peuple à part entière, mais cette politique colonialiste échoua.
LES ALAOUITES
Dans les années 860, Ibn Nosayr, originaire de Bassorah et disciple du dixième imam chiite Ali al-Hadi, entre en dissidence et prêche une foi chiite extrémiste divinisant Ali [4] au sein d’une sorte de trinité dont Mahomet et son compagnon Salman sont les autres pôles. Fuyant l’Irak, les disciples de Ibn Nosayr sont récupérés par les Hamdanides de Alep qui trouvent expédient de les envoyer stimuler le zèle des tribus vivant aux marches de l’Empire Byzantin en Syrie du Nord. La prédication d’Ibn Nosayr rencontrera un succès inespéré parmi ces populations mal islamisées, encore fortement imprégnées de christianisme oriental chez qui son mysticisme, son culte du martyre et sa doctrine trinitaire provoquent des échos familiers. Il en résultera un syncrétisme mystique incorporant des éléments du chiisme le plus extrême, du christianisme byzantin et de paganisme ou de panthéisme hellénistique.
La constitution des royaumes francs, qui jouaient sur les divisions locales, a favorisé localement l’adhésion au Nosaïrisme et son implantation durable dans le nord-ouest de la Syrie, mais la répression qui a suivi la reconquête musulmane n’en a été que plus féroce. Traqués en tant que traîtres et apostats, les membres des tribus alaouitisées de Syrie se réfugient dans les montagnes surplombant Lattaquieh où elles vivent en retrait du reste du pays, tributaires d’une maigre agriculture de subsistance, en butte à de permanentes persécutions politiques et religieuses, entretenant des relations de dépendance difficile avec les villes de la côte et de l’intérieur. Cette situation, émaillée d’affrontements sporadiques et toujours sanglants avec les autorités de droit ou de fait, durera jusqu’à l’effondrement de l’Empire Ottoman. Des expéditions punitives de Baïbars vers 1360 à l’établissement du mandat français en 1920, les Alaouites se sont figés en collectivités défensives régulièrement décimées dans toutes les hauteurs de la montagne côtière qui s’étend de Tartous à Alexandrette, ne descendant dans la plaine que pour louer leurs services comme ouvriers agricoles ou vendre leurs filles comme servantes [5]. Ce régime de persécutions religieuses et sociales conduit la communauté à se réfugier, comme les Druzes, dans l’hermétisme et la dissimulation. Les secrets ultimes de la religion sont réservés à une petite classe d’initiés et l’ensemble de la communauté intègre au plus haut degré la pratique de la taqiya [6]qui peut aller jusqu’au reniement public de l’appartenance à la communauté et la reconnaissance de l’appartenance à la religion dominante. Cependant contrairement aux Druzes, les Alaouites ne refusent pas les alliances matrimoniales hors de la communauté et même les encouragent quand elles peuvent lui profiter.
On retrouve chez les Alaouites de Syrie toutes les formes les plus classiques des sociétés côtières sédentarisées de la Méditerranée. La structure de base de la communauté est la famille (ahl) au sens élargi, sur laquelle règne sans partage l’autorité patriarcale. La famille est elle-même membre d’un clan (‘ashîra) regroupant plusieurs familles alliées, qui est la véritable unité de base de la communauté en laquelle on se reconnait principalement. Ces clans informels sont, regroupés par agrégation ou seuls suivant leur importance, constitutifs d’une tribu (qabîla) dont l’existence est plus liée aux relations d’alliance et aux solidarités de voisinage qu’à la référence à un lignage attesté ou mythique commun. La sédentarité des Alaouites explique évidemment que, contrairement aux nomades, ils se réfèrent plus au sol qu’au sang et, dans la pratique courante, l’Alaouite se réfère essentiellement à son “village”, entité à la fois humaine et géographique, lieu géométrique de ses relations affectives et sécuritaires. La tribu est dominée par un sheikh “temporel” dont l’autorité ne se confond pas avec celle des chefs religieux. Enfin, la plupart des tribus alaouites sont regroupées en quatre grandes “fédérations” (ahlaf) dont la segmentation, perpendiculaire à la côte, paraît essentiellement due aux contraintes locales de la géographie physique qui conditionnent l’orientation des voies de communication et a contribué à donner des caractéristiques communes aux tribus qui les constituent [7] :
- Les Haddâdîn dans la région de Dreikish et Safita,
- Les Khayyâtîn dans la région de Qadmus et Marqab,
- Les Matawira dans la région de Matwa et Aïn Sharqiyyah,
- Les Jurûd [8] dans le triangle Qardaha-Slenfé-Alexandrette, fédération dont la tribu des Kalbiyyeh, la plus importante en nombre, est celle de Hafez el-Assad qui appartient au clan des Karahil [9].
Ces quatre fédérations regroupent environ 80% des Alaouites de Syrie, les autres se répartissant en tribus au rattachement incertain comme les Bichraghiyyah (du nom de la région de Bichragh dont ils sont les habitants, qui marque la limite entre les tribus du nord du Djebel alaouite et celles du sud aux pratiques religieuses et sociales légèrement différentes) ou en sortes de confréries à vocation plus religieuse que sociale comme les Murchidiyyin ou les Hawakhissa. D’une manière générale, la notion de tribu chez les Alaouites, agriculteurs attachés à leur terroir, apparaît donc plus liée à l’établissement de liens de solidarité et de protection réciproques entre familles élargies voisines qu’à des références communes à des ancêtres ou des passés mythiques qui sont le fondement du tribalisme nomade des pasteurs dans l’hinterland steppique [10]. Il en résulte une certaine perméabilité et un flou des contours, un caractère mouvant des critères de légitimité, une grande disponibilité aux modifications des systèmes d’alliances ou d’antagonismes.
A la tête de la communauté on trouve traditionnellement un “Conseil communautaire des Alaouites” (Majlis al-Milli) qui paraît tenir plus d’un conseil de famille consultatif que d’une autorité exécutive ou contraignante. Composé de dix-huit membres cooptés parmi les cheikhs religieux et temporels des différentes tribus, il rend les grands arbitrages et définit les lignes de conduite générales de la communauté. Sa composition est en principe secrète et il se réunit de façon informelle. Son importance paraît avoir fortement diminué à mesure que se développait le pouvoir personnel de Hafez el-Assad pour lequel a été créé le siège inédit de Président d’honneur.
L’instauration du mandat français en 1920 introduit une rupture brutale dans l’ordre interne de la communauté et dans ses rapports avec le reste du pays. Elle pose en fait les bases de la future accession au pouvoir de la communauté. Le 31 août 1920, la France, fidèle à sa politique de protection des minorités et soucieuse de se prémunir contre un “empire arabe” en jouant sur les divisions régionales, crée le Territoire autonome des Alaouites auquel font pendant diverses entités minoritaires chrétienne ( Liban) et druze (Djebel Druze). Un grand nombre de notables alaouites se rallient avec enthousiasme à l’idée d’une indépendance par rapport à la Syrie sunnite et, malgré quelques fausses notes comme la révolte de 1921 menée par cheikh Saleh al-Alawi, ils iront, en comparant leur sort à celui des Juifs de Palestine, jusqu’à élaborer en 1936 une déclaration de refus de rattachement à la Syrie à laquelle plusieurs centaines d’entre eux, dont le grand-père du Président, souscrivent. Sur le plan religieux et juridique, l’autorité mandataire essaie d’appliquer les principes qu’elle met en oeuvre dans ses autres possessions arabes. Le trop petit nombre et le manque de formation des cadres locaux conduisent, par une assimilation abusive des Alaouites au chiisme, à faire appel à des experts en matière religieuse et de statut personnel issus des communautés chiites du sud du Liban. Ils se sont plutôt bien adaptés, en laissant à la fois leur empreinte et quelques systèmes de relations utiles pour l’avenir quand le désordre interne du Liban conduira la Syrie dominée par des Alaouites à y rendre des arbitrages entre les communautés. C’est auprès de leur chef charismatique, l’Imam Moussa Sadr, que Hafez el-Assad avait d’ailleurs été se faire délivrer , au début des années 70, des brevets d’appartenance de la communauté alaouite à l’Islam chiite (Kramer, 1987:246 sqq.). Enfin, toujours soucieux de s’appuyer sur les minorités pour faire pièce au pouvoir sunnite de Damas, les Français favorisent et organisent la scolarisation, jusque là presque inconnue, des enfants des communautés minoritaires et poussent les plus brillants d’entre eux vers les carrières administratives et, en particulier, le métier des armes.
La confusion européenne au lendemain de la seconde guerre mondiale, le départ sans gloire de la puissance mandataire, suivi peu après de l’affrontement généralisé avec l’État juif nouvellement créé, a contraint la communauté alaouite dans son ensemble à revoir son système d’insertion dans le contexte régional selon trois grandes lignes directrices :
- Les effondrements successifs de l’Empire Ottoman puis des grands États d’Europe intéressés au Levant ont prouvé qu’aucune puissance extérieure à la région ne peut garantir durablement la survie d’une entité alaouite autonome ou indépendante. La communauté doit donc accepter de vivre à l’état de minorité dans l’ensemble arabe et musulman. Cette considération condamnait les notables qui s’étaient ouvertement prononcés, presque en totalité, pour une indépendance sous protection française et, en les dévalorisant, conduisit dans un premier temps et par défaut au renforcement du pouvoir des responsables religieux de la communauté qui avaient eu la prudence de ne pas s’engager sur ce terrain, puis à l’émergence rapide de cheikhs tribaux plus jeunes et plus dynamiques que ne le voulait la coutume.
- L’Islam sunnite demeurant l’adversaire principal, il convenait d’en neutraliser la menace en faisant si possible reconnaître la communauté comme musulmane en “gommant” sa spécificité, donc en adoptant en toutes circonstances des postures qui ne prêtent le flanc à aucune critique tant sur le plan de la religion que de l’arabisme. Cette stratégie conduira la communauté et ses leaders à des positions maximalistes sur tous les dossiers régionaux et internationaux concernant la question nationale arabe et les problèmes musulmans. Ils seront toujours, parfois jusqu’à la caricature, à la pointe des causes du monde arabe et les derniers à faire des concessions dans ce domaine, après que tous les responsables sunnites auront montré l’exemple.
- Enfin il convient de s’assurer le contrôle de l’État syrien afin de se prémunir, puisqu’il va bien falloir vivre avec eux, contre la vindicte prévisible des notables sunnites locaux ou étrangers, contre leur volonté latente d’islamiser les institutions ou de fondre le pays dans un vaste ensemble “arabo-musulman” [11]. Ce contrôle de l’État doit viser essentiellement celui de son appareil de contrainte et tendre à dissocier par tous les moyens le concept d’arabisme de celui d’Islam, en tous cas d’Islam sunnite.
La prise du pouvoir
C’est dans ce contexte et en fonction de ces principes que de jeunes responsables civils et militaires alaouites vont s’emparer du pouvoir en février 1966. Sans verser dans une explication conspiratoire de l’histoire [12], on doit constater qu’ils s’y sont longuement préparés. L’initiative en est venue principalement du nord de la région alaouite, c’est-à-dire de la confédération des Jurûd, probablement pour la double raison qu’ils étaient à la fois les plus humbles de la communauté et les plus exposés au voisinage turc. Dès 1933, Zaki al-Arsouzi, Alaouite d’Alexandrette, fonde une “Ligue d’action nationale” qui se veut nationaliste et socialiste sur le modèle des partis fascistes européens, comme le feront peu après les Maronites avec les “Phalanges” de Pierre Gemayel et les Grecs-orthodoxes avec le Parti Populaire Syrien d’Antoun Saadé. Au-delà de ses objectifs affichés d’indépendance, de réveil culturel et de panarabisme, la Ligue se veut intégratrice. Il s’agit, comme pour le P.P.S., de substituer à la référence religieuse une référence nationale qui permettrait à la minorité de ne plus voir son existence sociale et politique contestée sur une base religieuse. Arsouzi se heurte à la fois aux Français, aux Turcs à qui la puissance mandataire cède en 1939 le Sandjak d’Alexandrette, mais aussi aux notables indépendantistes alaouites des autres confédérations et au pouvoir bourgeois de Damas. Ses idées font cependant leur chemin chez les jeunes Alaouites du nord et chez les Druzes tandis que leur volet social séduit les jeunes Sunnites des provinces périphériques, “oubliés” eux aussi du développement industriel et commerçant des villes. Fin 1940, Arsouzi quitte la Ligue, maintenant exclusivement tournée vers la contestation de l’occupation turque du Sandjak, et crée à Damas une première version d’un “Baath al-Arabi” (Parti de la résurrection arabe), avec une idéologie similaire à celle initiale de la Ligue. Il ne rencontre guère de succès dans la capitale et se retire en 1942 à Lattaquieh où son influence morale reste très grande et d’où il poussera ses jeunes coreligionnaires à adhérer massivement au nouveau Baath, totalement inspiré du sien, que fondent en 1943 le Chrétien Michel Aflaq et le Sunnite Salaheddin Bitar. Panarabe, nationaliste, laïque, social, le Baath séduit à la fois les minorités non musulmanes ou dissidentes de l’Islam et nombre de ruraux musulmans orthodoxes face à l’hégémonie de la bourgeoisie sunnite. Son caractère authentiquement arabe le rend plus attractif et moins sujet à controverse que le “syrianisme” réducteur du P.P.S. ou l’athéisme importé du P.C., autres refuges idéologiques et militants des minoritaires. Pendant vingt ans, le Parti va être patiemment infiltré puis instrumentalisé par les Alaouites au détriment des autres groupes qui le composent (Chrétiens, Druzes, Ismaéliens, Sunnites provinciaux) pour prendre le contrôle de l’appareil militaire, puis politique et enfin économique et financier de l’État syrien.
Là encore, le rôle des Jurûd et, en leur sein, celui des Kalbiyyeh et de la famille Assad est déterminant. Originaire du bourg de Qardaha, la famille Assad, sans être pauvre, vit modestement de l’agriculture. Le père, Ali ben Sleiman, a voulu sortir de sa condition mais n’en a guère les moyens. Comme la plupart des Jurûd, il ne dispose ni des réseaux d’affaires dont bénéficient les Shamsites [13], ni des réseaux de pouvoir en général accaparés par les Matawira. Après la tentative familiale infructueuse de donner des signes d’allégeance aux Français, il mise tout sur ses fils pour lesquels il consentira de lourds sacrifices en vue de leur assurer une instruction la plus complète possible. Intelligent et rusé, discret et opiniâtre, doté d’une force physique peu commune, Hafez el-Assad, né en 1930, adhère au Parti Baath alors qu’il est encore lycéen sur l’instigation de Zaki Arsouzi et de son disciple Wahib Ghanem, également Alaouite d’Alexandrette, qui est un ami de la famille. Après avoir animé la section étudiante du parti au lycée de Lattaquieh, où il rencontre beaucoup de ceux qui seront ses compagnons de route, Hafez el-Assad passe son baccalauréat à Banyas puis se présente à l’école des officiers de Homs en 1950. Nanti de ses épaulettes de sous- lieutenant, il choisit l’aviation et rejoint en 1952 la toute nouvelle école de l’air d’Alep. Comme au lycée, il noue dans ces deux écoles les liens d’amitié, de confiance et de solidarité de promotion, les “réseaux”, qui le conduiront au pouvoir. Si dans son environnement les Alaouites comme son “co-pilote” Mohammad el-Khouli dominent, Assad sait aussi rechercher l’amitié de Sunnites modestes, provinciaux, hostiles aux bourgeois damascènes comme Naji Jamil, originaire de Deir ez-Zor – son équipier à l’Ecole de l’Air dont il fera son premier coordinateur des services de sécurité – ou Moustafa Tlass, né à Rastan – son compagnon à l’Ecole de Homs – qui deviendra son inamovible ministre de la Défense – assez forts pour l’aider, pas assez pour lui nuire…
On voit déjà se dessiner l’esquisse du dispositif ternaire qui reste encore aujourd’hui le schéma de base de toutes les stratégies du Président syrien, toujours entouré de trois cercles concentriques constitués chacun de trois éléments fidèles à sa personne et rivaux entre eux, donc manipulables. Si les Kalbiyyeh sont bien représentés dans son entourage, il sait qu’il lui faut composer avec les autres tribus alaouites qui ne verraient certainement pas d’un bon oeil l’un des moins prestigieux d’entre eux monopoliser le devenir communautaire. Il se lie donc à des représentants d’autres tribus comme Mohammed Omran (jeune cheikh d’un des clans les plus prestigieux des Haddâdîn) et Salah Jedid (du plus puissant des clans Matawira à l’époque), avec lesquels il formera en 1960 le noyau d’un comité militaire hostile à l’union avec l’Egypte, ou Mohammed el-Khouli (Haddâdîn), qui sera le chef de son premier “service de renseignements” personnel quand il sera lui-même le chef de l’armée de l’air. En 1958, il épouse Anisseh Makhlouf, d’une famille aisée de la prestigieuse confédération des Haddâdîn. Elle lui donnera cinq enfants et la collaboration fidèle de tout son clan puisque Adnan Makhlouf, son plus proche cousin, est depuis plus de vingt ans le chef de la garde présidentielle.
Quand, confrontés à la double pression des Anglo-Saxons pour un alignement de la Syrie sur le Pacte de Baghdad et des jeunes officiers subalternes pour une politique encore plus indépendante et nationaliste, les dirigeants bourgeois de Damas, soutenus par la “vieille garde” du Baath, s’en remettent à la tutelle de l’Égypte
nassérienne le 12 janvier 1958, les Alaouites comprennent vite qu’ils sont victimes d’un marché de dupes. Rapidement confirmés dans cette opinion par les maladresses de l’administration égyptienne qui les marginalise aussi bien en tant que minorité que dans leurs privilèges de fonction si difficilement acquis, ils entreprennent une série de manoeuvres souterraines pour sortir de l’union qui reçoivent vite l’adhésion de tous les laissés pour compte de l’unité. Le comité militaire clandestin, alors constitué autour de Omrane, Jedid et Assad, va devenir pour presque dix ans le creuset où va s’élaborer la prise du pouvoir par les prétoriens alaouites aux dépens des Sunnites de Damas d’abord, puis des politiciens du Baath et enfin des “aventuristes” de la communauté. Hafez el-Assad et ses fidèles y développent jusqu’au raffinement l’art de l’action clandestine, les vertus de la patience et de la discrétion, l’habileté des manipulations complexes.
Le 28 septembre 1961, un premier coup d’État militaire à Damas prononce la rupture avec Le Caire et rétablit une République bourgeoise dominée par ses éléments traditionnels contre lesquels la réaction égyptienne ne peut qu’être mesurée. Le 8 mars 1963, un second pronunciamento militaire conduit par le capitaine druze Salim Hatoum renverse le régime civil, rappelle les officiers limogés, dont Hafez el-Assad, pendant la période unioniste ou la république “sécessionniste” et remet le pouvoir au parti Baath renforcé par sa prise du pouvoir en Irak un mois plus tôt. L’armée passe cependant sous le contrôle du comité militaire animé par les Alaouites. Devenu chef de l’Armée de l’Air, Assad y met sur pied, dès 1963 et dans la plus stricte illégalité, un service de renseignements efficace relayé dès 1965 au niveau de l’action par une milice au statut ambigu, les Détachements de Défense (saraya ad-difaa) qu’il confie à son frère Rifaat, passé en 1962 de l’administration des douanes au service de l’Armée. Le 23 février 1966, un nouveau putsch militaire chasse la vieille garde politique du Baath. Le Chrétien Aflaq et le Sunnite Bitar prennent le chemin de l’exil, remplacés par l’aile gauchiste du Parti pilotée par des militaires populistes sous la direction de Salah Jedid. Ce dernier commet l’erreur des bourgeois damascènes en abandonnant le contrôle de l’armée pour se consacrer à une action politique qu’il veut résolument socialiste et nationaliste sans référence réelle aux intérêts particuliers de sa communauté. Hafez el-Assad devient ministre de la Défense et asseoit son emprise sur l’Armée, laissant son rival s’user en projets généreux et utopiques, sans omettre de saisir toute occasion de saper subtilement son pouvoir et ses plans. Le 25 février 1969, l’Armée prend le contrôle du pays et, sans chasser Salah Jedid, l’oblige à mettre un terme à ses expériences progressistes devenues impopulaires et à son monopole sur les décisions politiques en rappelant aux affaires des membres de l’establishment traditionnel ainsi que des ténors de diverses formations politiques. Jouant sur ce pluralisme qu’il a suscité, Hafez el-Assad, sans apparaître personnellement, fait prononcer le 12 novembre 1970 la destitution de Jedid, l’arrestation des officiers qui lui sont encore hostiles et prend enfin le contrôle de l’État qui lui sera officiellement confié début 1971 par son accession à la Présidence largement plébiscitée.
Notes
[1] En 1994, la Syrie compte environ 13 millions d’habitants. Les minorités non sunnites et/ou non arabes représentent environ 35% de la population (extrapolations selon la méthode préconisée par Seurat, 1980:92): Alaouites (12%), Chrétiens de diverses obédiences (7%), Kurdes (6%), Druzes (5%), Arméniens (3%), Divers (Juifs, Tcherkesses, Assyriens, etc…environ 2%).
[2] “La guerre sainte est légitime…contre ces sectateurs du sens caché, plus infidèles que les Chrétiens et les Juifs, plus infidèles que les idôlatres, qui ont fait plus de mal à la religion que les Francs…”. (Cité par Pipes 1989:434.)
[3] Si l’on prend cette évolution en considération, les controverses entre Perthes (1992:105-113) et Landis (1993:143-151) ou entre Pipes (1989:429-450) et Sadowsky (1988:168), que l’auteur n’a ni vocation ni surtout autorité à trancher, peuvent apparaître comme la vision d’un même phénomène selon deux perspectives différentes.
[4] D’où le nom d’Alaouites qui leur a été donné par les Sunnites (‘Alawiyyîn, partisans de Ali); comme il a été donné, sans qu’il y ait aucun lien entre eux, à l’actuelle dynastie filalienne marocaine qui revendique sa descendance au Prophète via Abdallah Kamil, l’un des arrière petit fils de Ali et Fatima, qui serait venu s’installer au Tafilalet. Selon les périodes, les Alaouites de Syrie se désignent eux-mêmes sous le nom d’Alaouites quand ils souhaitent entretenir la confusion sur leur appartenance à l’Islam chiite ou sous celui de Nosaïris quand ils entendent être clairement distingués des Musulmans.
[5] Jusqu’aux années 60, les familles aisées des grandes villes de Syrie et du Liban “embauchaient” comme bonnes à tout faire des fillettes alaouites dès l’âge de huit ou dix ans. L’enfant étant mineur, une somme forfaitaire était versée , au titre de sa rémunération et pour solde de tout compte, au père ou au représentant légal qui abandonnait de facto tout élément de puissance parentale au profit de l’employeur. Prise en charge, mais non rémunérée, par la famille d’accueil, l’enfant entrait alors dans une vie de quasi-esclavage. La mémoire collective de cette pratique séculaire courante, que l’on se garde bien d’évoquer aujourd’hui, a pesé extrêmement lourd dans les formes de l’établissement du pouvoir alaouite en Syrie et dans son comportement au Liban.
[6] La taqiya (aussi connue sous le nom persan de ketman) est, très grossièrement, la faculté laissée au croyant de dissimuler son appartenance ainsi que de mentir ou de ne pas tenir ses engagements pour protéger la collectivité ou sa propre personne en tant que membre de la communauté.
[7] Voir carte
[8] Littéralement, “ceux qui habitent le jurd (zone de la montagne où rien ne pousse)”. De fait, avec la cession du Sandjak, cette confédération s’est trouvée pratiquement réduite en territoire syrien à sa composante Kalbiyyeh sous le nom desquels on la désigne usuellement..
[9] Une légende tenace veut que Hafez el-Assad se rattache au clan Noumeïtila de la confédération des Matawira, sans doute parce que ces derniers ont été les premiers de la communauté à investir les circuits de pouvoir en Syrie et qu’il était alors inconcevable qu’un Kalbiyyeh pût avoir des prétentions à ce sujet. On remarque aussi que Qardaha, village situé à l’extrémité sud du territoire des Jurûd, à quelques kilomètres de Matwa, est limitrophe du territoire des Matawiras. La même confusion s’attache à d’autres responsables actuels du régime (Mohammed el-Khouli, Ali Aslan). Voir sur ce point Le Gac (1991:78-79).
[10] Sur le passage d’un référentiel de solidarité à l’autre, voir Khalaf (1993:178-194)
[11] Il convient de noter que de 1946 à 1958 , sous la pression des diplomaties anglo-saxonnes pour la constitution d’un Pacte anti-soviétique ancré à Baghdad et pour la protection des accès aux ressources pétrolières, le Moyen Orient était dominé par les faits séoudite et hachémite. L’édification d’un grand “Royaume arabe” était encore un mythe vivace et la seule alternative offerte était le ralliement, à partir de 1952, au panarabisme nassérien peu sensible aux intérêts minoritaires.
[12] Plusieurs auteurs cités par Pipes (1989:429) font allusion à des réunions “secrètes” tenues dans les années 60 entre responsables civils, militaires et religieux de la communauté pour mettre au point une stratégie clandestine de prise et de gestion du pouvoir organisée dans ses moindres détails. L’impartialité de ces auteurs -quand ils ne se réfugient pas dans l’anonymat – est cependant sujette à caution et ils n’apportent guère d’éléments incontestables permettant d’étayer l’idée d’une démarche aussi élaborée.
[13] Les quatre grandes confédérations alaouites se partagent en “shamsites” (Haddâdîn, Khayyâtîn) et en “Qamarites” (Jurûd, Matawira) suivant des considérations subtiles sur l’importance religieuse respective qu’ils accordent au Soleil (shams) et à la Lune (qamar). Lors de sa brève existence sous le mandat français, l’État des Alaouites s’était doté d’un drapeau représentant un soleil flamboyant sur fond blanc, témoignant à la fois une distance par rapport aux couleurs et symboles traditionnels de l’Islam et la dominance des confédérations du sud.
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vendredi, 20 janvier 2012
"La Syrie est une tête de pont pour une agression contre l’Iran" ou Le "printemps arabe" lui-même était-il une opération américaine ?
" La Syrie est une tête de pont pour une agression contre l’Iran " ou Le "printemps arabe" lui-même était-il une opération américaine ?
En dépit de la focalisation de l’actualité sur l’Iran, la Syrie demeure sujet à préoccupation de la part des observateurs. Ce pays rétif à l’instauration du Nouvel Ordre Mondial reste est « victime d’actes de terrorisme planifiés et organisés par des puissances étrangères ». Quelle part des services secrets occidentaux dans cette tentative de déstabilisation ? Instrumentalisation de l’OTAN par l’impérialisme US, bras armé de l’ONU ainsi que d’autres questions auxquelles Joëlle Penochet, journaliste, ethnologue et sociologue des mass-médias a répondu dans cet entretien accordé exclusivement à La Nouvelle République.
Ex: http://mediabenews.wordpress.com/
La NR/ Quelle est votre analyse de la situation en Syrie?
J.P/ Ce n’est pas Bachar el-Assad qui est visé, mais la Syrie en tant que pays laïc, nationaliste et indépendant, ennemi d’Israël et rétif à l’instauration du Nouvel Ordre Mondial. Après l’Iraq et la Libye, ce pays doit inéluctablement être détruit à son tour pour permettre la réalisation du vieux projet atlantiste de «Grand Moyen Orient». Par ailleurs, la Syrie est une tête de pont pour une agression contre l’Iran et la poursuite de l’encerclement de la Russie et de la Chine.
Après l’élimination du colonel Kadhafi, dans les conditions ignobles que l’on connait, Bachar-el-Assad est le nouvel homme à abattre, l’Hitler du moment. L’agenda atlanto-sioniste (qui correspond à celui des néo-conservateurs du PNAC (Projet pour un nouveau siècle américain) a pris du retard, et le rythme infernal de l’enchaînement des guerres contre les pays ciblés (annoncé par Bush dans le cadre d’une «guerre de cent ans contre le terrorisme) doit s’accélérer. La Syrie est depuis longtemps sur la liste étasunienne des «Etats-Voyous» dont le régime doit être renversé. L’ancien commandant en chef de l’OTAN, le général Wesley Clark, a rapporté en 2007 qu’un officier d’état-major de haut rang lui avait confié, quelques semaines après les attentats du 11 septembre, qu’une campagne militaire de cinq ans était programmée, pour des motifs inconnus, pour attaquer sept pays: l’Irak, la Syrie, le Liban, le Libye l’Iran, la Somalie et le Soudan.
Concernant l’application de ce projet en Syrie, c’est le scénario libyen, à quelques détails près, qui est répété: la même propagande guerrière contre le régime et la diabolisation de son chef, les mêmes mercenaires et combattants professionnels étrangers lourdement armés déguisés en manifestants pacifiques, les mêmes faux-témoignages de «victimes», la création d’un «Conseil national de transition» (le 1er octobre à Istanbul) – un clone du CNT libyen -, et des sanctions économiques répétées pour asphyxier le pays.
Car, depuis la chute du mur de Berlin, c’est toujours le même schéma qui est utilisé pour lancer une guerre «humanitaire» (en Yougoslavie, en Iraq, en Libye…): on déclare que le dirigeant du pays ciblé «massacre son propre peuple», ensuite on fait des discours droits-de-l’hommistes enflammés à l’ONU («nous devons libérer le peuple de son tyran»), on impose des sanctions économiques de plus en plus lourdes, on menace, on lance des ultimatums innacceptables. Siimultanément, on prépare méthodiquement l’opinion publique internationale (que l’on doit émouvoir en lui racontant des histoires atroces préfabriquées – de bébés, de femmes et d’enfants torturés, massacrés par le régime…) à une intervention «humanitaire».
Actuellement, Washington et ses vassaux – en premier lieu la France – se disent «mécontents» des rapports des observateurs de la Ligue arabe, qui les a «trahis» en ne remplissant pas leur mission véritable qui était de de confirmer la version de la Maison Blanche. Ils leur font le même reproche qu’au projet de résolution russe, celui de mettre sur le même plan les violences du régime et celles des «contestataires». Les américains ont d’ores et déjà déclaré que, quelles soient les recommandations de la délégation des observateurs arabes, leur position resterait inchangée. On s’en serait douté!
Mais Washington a oublié que la Syrie n’est pas la Libye. C’est un pays de 23 millions d’habitants, avec des moyens militaires plus importants, des forces militaires aguerries, et des alliances qui semblent plus sûres, du moins pour l’instant. Le pays est toujours en état de guerre larvée avec Israël depuis 1948 – avec l’épisode douloureux de la prise du Golan en 1967 (territoire qu’Afez el-Assad avait toujours essayé de récupérer) et la guerre de 1973 -, et en froid avec l’Egypte et la Jordanie qui ont signé des traités de paix avec Israël.
La Syrie étant alliée de l’Iran, du Hezbollah au Liban, et du Hamas à Gaza, pour contrer l’expansionnisme de l’état d’Israël, elle connait des tentatives de déstabilisation récurrentes: rappelons-nous l’accusation de l’assassinat de Rafic Hariri en 2005, invalidée par la révélation que les chefs d’accusation reposaient totalement sur une série de faux-témoignages. Ce n’est pas à la Syrie que profitait cet assassinat…
Les puissances occidentales, par l’intermédiaire des dictatures théocratiques du Golfe et de la Turquie veulent en finir avec ce pays comme ils l’ont fait de Iraq et de la Libye. On peut malheureusement redouter qu’il ne s’agisse que d’une question de temps, car Washington est déterminé à appliquer son agenda quoi qu’il en coûte, quitte à provoquer l’embrasement de la région entière et le déclenchement d’une troisième guerre mondiale, avec l’utilisation d’armes thermonucléaires.
Une nouvelle fois, il ne s’agit en aucun cas d’une révolte populaire, comme les media mainstream, aux mains des banksters et des multinationales de l’armement, veulent le faire accroire. Le gouvernement syrien est victime d’actes de terrorisme planifiés et organisés par des puissances étrangères pour le renverser. On assiste depuis le début des événements à une militarisation impressionnante de la soi-disant «contestation», et à son escalade sans fin: attaques à l’arme lourde contre les forces armées gouvernementales et les bâtiments publics, tirs de snipers sur les policiers, les manifestants et la population, enlèvements et assassinats de fonctionnaires et de civils qui refusent d’obéir au diktat des bandes armées.
Le niveau d’agression a monté d’un cran avec des sabotages d’infrastructures du pays, comme celui d’un pipe-line approvisionnant l’une des principales centrales électriques, revendiquée par l’Armée syrienne libre (ASL, la branche armée du CNS). Et maintenant l’escalade se poursuit avec des attentats, qui risquent de se multiplier. Ceux de Damas, qui ont fait 44 morts et 166 blessés graves à Damas à la veille de Noël, revendiqués par les Frères musulmans, ont été cyniquement attribués au régime par l’opposition et les puissances occidentales! Le 6 janvier, une nouvelle explosion à la voiture piégée a fait des dizaines de morts et de blessés. Plusieurs milliers de personnes, dont plus de deux mille soldats et membres des forces de sécurité, auraient déjà été tuées par les terroristes depuis l’apparition des troubles.
A l’instar des «rebelles» libyens, qui n’ont jamais existé que sur les écrans de télévision et les photos de presse, les bandes armées qui opèrent en Syrie sont des mercenaires et des terroristes islamistes armés de matériels lourds et sophistiqués par des puissances étrangères et l’OTAN : fusils de chasse, antichars, lance-roquettes, roquettes antiaériennes, mortiers, mitrailleuses lourdes, équipement électronique, lunettes laser…).
Ces gangs instillent un climat de terreur dans la population, menaçant de mort ou exécutant froidement ceux qui refusent de participer à leurs manifestations, ou à leur grève générale. Ces méthodes terroristes ressemblent étrangement à celles du GIA en Algérie dans les années 90′, dont on peut se demander, avec le recul du temps, pour qui il roulaient vraiment… Le gros des troupes de «l’Armée syrienne libre» (ASL) serait composé d’éléments étrangers, principalement des terroristes islamistes armés par le Qatar, monarchie théocratique richissime. Après avoir servi de base à l’état-major américain pour ses opérations en Irak, il avait envoyé cinq mille combattants professionnels en Libye. L’ASL est dirigée par Abdelhakim Belhaj, chef historique d’Al Qaida en Libye déjà sacré gouverneur militaire de Tripoli par l’OTAN.
Abdelhakim Belhaj
C’est pourquoi la population syrienne est en quasi-totalité derrière son président pour contrer l’agression étrangère (les grandes manifestations de soutien au régime n’ont jamais cesser depuis le début – rassemblant plus d’un million de personnes, à Damas et à Alep) et qu’elle ne cesse de réclamer plus de protection de la part de l’armée et de la police. Même les opposants, qui critiquaient la lenteur des autorités à réformer le pays pour éradiquer la corruption et instaurer plus de libertés et de justice sociale, soutiennent activement le régime pour contrer à tout prix une agression étrangère. Les réformes entamées par Bachar el Assad dès son entrée en fonction ont pris d’autant plus de retard qu’après avoir été freiné par la vieille garde de son père Afez, il a du faire face à des menaces extérieures et que le pays est l’objet de sanctions économiques du plus en plus dures.
Les minorités religieuses ont particulièrement menacées par les terroristes islamistes. Grâce au régime laïc, quarante-cinq communautés avaient jusqu’à présent coexisté en harmonie en Syrie: les Chrétiens – qui représentent 15% de la population -, les Druzes, les Kurdes, les Chiites et les Alaouites. Ces minorités soutiennent leur président et craignent l’instauration d’un régime religieux dont les persécutions les contraindraient à l’exil. Deux millions de réfugiés irakiens et près d’un-demi million de Palestiniens ont été accueillis généreusement par la Syrie, où ils ont les mêmes droits que les citoyens syriens. Provoquer et attiser les violences inter-confessionnelles ou inter-ethniques est un moyen classique pour instaurer le chaos, provoquer des guerres civiles, et imposer ensuite un nouvel ordre.
La Soeur Agnès-Mariam de la Croix soutient le régime de Bachar
En revanche, il n’est jamais question de Résolution de l’ONU contre les dictatures sanguinaires amies de l’Occident comme l’Arabie saoudite, théocratie obscurantiste qui a massacré des milliers de manifestants au Barhein depuis le début de 2011. En Iraq, les nouveaux «dirigeants» font tirer à balles réelles sur les rassemblements – faisant à chaque fois des dizaines de morts et de blessés, et ont assassiné un journaliste co-organisateur des «Jours de la colère» contre le régime. Tout cela, dans le silence assourdissant de la dite «communauté internationale».
Ces préparatifs de guerre se déroulent honteusement avec le soutien de l’opinion publique occidentale, façonnée par la propagande des media mainstream. Les slogans (en anglais, donc à destination de l’étranger) sont conçus par des officines américaines spécialisées. Les accusations les plus grotesques ont été lancées contre Bachar el-Assad: enfants torturés, blogueuse lesbienne persécutée et prise en otage (en réalité un étudiant américain émettant d’Ecosse…). Sachant que la guerre de l’information se déroule maintenant sur l’Internet, les rejetons électroniques des media mainstream (comme le Post et Rue89 en France) se répandent en faux témoignages de soi-disant victimes (dont les noms ne sont jamais cités et dont les photos sont floutées…).
Blogueuse syrienne persécutée
Ces accusations odieuses sont basées sur de faux documents audio-visuels provenant généralement d’ Al-Jazira et Al-Arabiya (les Voix de son Maître de l’OTAN et du Pentagone). Ces media prennent aussi leurs «informations» – relayées sans vérification – auprès «d’ONG» basées dans des pays occidentaux (Londres-Paris-Washington), financées paradoxalement par des organisations para-gouvernementales! C’est le cas d’Amnesty International, dont l’antenne américaine est dirigée par une assistante d’Hillary Clinton.
Mais la première source des médias mainstream est l’obscur «Observatoire syrien des Droits de l’Homme» (OSDH), basé à Londres et membre du CNS aux mains des Frères musulmans (les plus radicaux de la région), dont le but est l’instauration d’une république islamique. Son porte-parole, en exil en Turquie, s’exprimant au nom du «peuple syrien» réclame depuis des mois une «intervention extérieure».
En vue d’obtenir le feu vert pour déclencher l’agression, les Etats-Unis ont même fait pondre au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU un rapport sur mesure, totalement bidon sur les «crimes syriens contre l’humanité”. Fabriqué entièrement «en chambre» à Genève, il est basé uniquement sur les pseudo «témoignages» de 223 «déserteurs» et «victimes» dont, bien sûr, l’identité ne peut être révélée! En outre, il a été co-écrit par la directrice d’un Think-Thank de Washington (le Middle East Policy Council), qui inclut des représentants du gouvernement, de l’armée américaine, de la chambre de commerce américano-qatarie (comprenant Chevron, Exxon, Raytheon et Boeing) et agents de la CIA. Comme attendu par la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, ses conclusions préconisent une intervention militaire. Ce «rapport» a permis au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU d’adopter une résolution condamnant «les violations des droits de l’Homme et des libertés fondamentales » en Syrie. La menace d’une “guerre civile” pourrait justifier une intervention militaire «humanitaire».
Mercenaire
Bachar-el-Assad n’a rien d’un dictateur. C’est un médecin formé à Londres qui n’avait aucune ambition de devenir président. Il a été élu par référendum en 2000 et la population – même ses opposants-, est plus que jamais massivement derrière lui. Les forces militaires qu’il déploie – bien insuffisantes au demeurant – pour tenter de contenir cette insurrection armée de grande ampleur, font face à des escadrons de la mort redoutables entraînés par des forces spéciales américaines, françaises et israéliennes en Turquie et au Liban Nord. Le président a regretté publiquement des bavures – attribuées au fait que les forces de l’ordre étaient exaspérées par des assassinats massifs de leurs membres par des «insurgés» armés alors qu’eux-mêmes n’avaient pas le droit de tirer. De nombreux soldats ont été atrocement torturés et mutilés avant d’être jetés d’un pont, comme le montrent des vidéos de témoins directs.
Manifestation de soutien au régime à Tartous
Tout est fait pour isoler la Syrie sur la scène internationale. La décision obtenue le 25 novembre de la Ligue arabe, dominée par l’Arabie Saoudite et autres suppôts des Etats-Unis, de suspendre la Syrie, pays fondateur de l’organisation – et dernier état arabe à s’opposer à Israël – avait pour objectif d’assurer une couverture arabe à l’agression.
Cette fois, c’est la Turquie, membre de l’OTAN et alliée d’Israël, qui tient le rôle de paravent pour les Etats-Unis que la France avait joué en Libye. En effet, ruinés et en campagne électorale (l’opinion publique américaine étant défavorable aux opérations extérieures – c’était le sens du vote à la présidentielle de 2008), les Etats-Unis ne peuvent plus se permettre d’apparaître au premier plan, mais orchestrent toute l’opération en coulisses.
Par ailleurs, on remarquera que les nouvelles guerres sont déclenchées avec l’assentiment quasi-unananime de l’opinion publique occidentale. La démobilisation des anti-guerre ne s’explique pas totalement par le découragement qui a gagné les participants aux grandes manifestations de 2002-2005 contre la guerre en Iraq (qui ont rassemblé plus de 10 millions de personnes dans le monde, et à plusieurs reprises plus d’un demi-million de personnes à New-York, Washington et à Londres). La fièvre de la guerre humanitaire a contaminé les milieux traditionnellement anti-guerre, comme en France, la «Gauche de la gauche» et les «écologistes» – révélant ainsi la véritable nature de ces mouvances très médiatisées-, et aux Etats-Unis les «libéraux», depuis que le milliardiaire Georges Soros (l’inventeur génial des « révolutions colorées ») a mis la main sur le mouvement pacifiste en 2004 pour canaliser ses énergies derrière le candidat belliciste démocrate (à l’aide de slogans aussi fédérateurs que «Anybody but Bush»), en lui faisant prendre des vessies pour des lanternes.
La NR/ Dans la guerre libyenne, certains observateurs ont souligné le rôle des services secrets occidentaux dans la préparation de l’insurrection ; assisterait-on au même scénario en Syrie ?
Ce type d’opération de déstabilisation ne peut pas se réaliser sans une longue préparation. Les services secrets occidentaux et israéliens fomentent la déstabilisation de la Syrie depuis des années. Des agents de la DGSE (les renseignements français) sont basés au Nord du Liban et en Turquie. On sait que les Frères musulmans, qui dominent le CNS, ont des liens étroits avec les services anglais (MI6) et la CIA depuis des décennies. Les mouvements islamistes ont souvent été manipulés par les puissances occidentales pour contrer le nationalisme arabe (par exemple le nassérisme dans les années 50′). Les mercenaires étrangers (saoudiens, qatari, libanais…) sont armés, formés et financés par les mêmes services, et le Mossad, l’Arabie Saoudite, la Turquie, le Liban et la Jordanie.
L’émir du Qatar
La NR/ Certains pensent qu’une guerre contre la Syrie aurait de lourdes conséquences sur la région. A quelle configuration géopolitique pourrait-on s’attendre dans ce cas ?
C’est un scénario à la Yougoslave qui se dessine. On essaie de déclencher une guerre civile pour créer des divisions ethniques, politiques et religieuses menant à l’éclatement du pays. Déjà dans l’ex-fédération yougouslave, en Bosnie et au Kosovo, l’objectif avait été atteint grâce à la création d’organisations paramilitaires armées (comme l’UCK) similaires à l’ASL. La propagande mensongère (faux-charnier de Timisoara, faux massacre de Raçac, faux camp de concentration..) voulait démontrer que le gouvernement de Belgrade avait commis des crimes atroces, afin de pouvoir justifier une «guerre humanitaire». Là aussi, on avait utilisé des groupes islamistes, et créé par la suite, en toute illégalité, un état sur des bases ethniques et confessionnelles, le Kosovo (où les rares Serbes et Chrétiens qui n’ont pas fui sont toujours persécutés).
Mais la Syrie n’est une étape de plus après la Libye dans le plan de remodelage de la région programmé par l’axe atlanto-sioniste, qui passe ensuite par l’Iran. Il faut éliminer tous les régimes encore récalcitrants au Nouvel ordre mondial, et les partitionner les pays à l’instar de la Yougoslavie ou du Soudan (en 2011), sur des bases ethniques et/ou confessionnelles.
La NR/ La Russie et la Chine ont opposé leur veto à cette campagne anti-syrienne. Sauront-ils résister face à l’axe américano-occidental ? Et pour combien de temps ?
Les dirigeants chinois et russes portent une part de responsabilité dans les massacres du peuple libyen et la chute du régime. Saurons-nous jamais à la suite de quels marchandages sordides ils en sont arrivés là?
L’intervention militaire en Syrie, qui avait été planifiée pour la mi-novembre 2011, a été stoppée in extremis le 5 octobre par les vétos russe et chinois au Conseil de sécurité. Exaspérée par cette résistance inattendue, les puissances impérialistes ont décidé d’intensifier leur campagne de propagande de guerre et les provocations meurtrières sur le terrain. Les media multiplient les calomnies odieuses contre le régime, et diffusent quotidiennement des bilans des morts fantaisistes de plus en plus lourds. Tout cela pour préparer les opinions publiques à une nouvelle bonne guerre humanitaire qui réduirait le pays en cendres et ferait des dizaines de milliers de morts.
La Chine, qui a dénoncé l’instrumentalisation du rapport du Conseil des Droits de l’Homme pour forcer le Conseil de sécurité à voter une Résolution, a tout de même reconnu le CNS et appelé à deux reprises le régime syrien à «respecter et répondre aux aspirations et aux revendications légitimes du peuple». La Russie a jugé le rapport Pillay «inacceptable», mais elle a finalement opéré un recul tactique en proposant une Résolution au Conseil le 5 décembre. Il semble évident que la nouvelle tentative de déstabilisation de la Russie à l’occasion des récentes élections est liée à sa position, même si elle a été infléchie (les media évoquent même aujourd’hui un «Printemps Russe»!). Se retrouvant isolée, et étant dépendante des ressources pétrolières de la région, elle doit assurer ses arrières. Le 8 janvier, une flotte russe comprennant des navires de guerre, des sous-marins, des avions de combat, des hélicoptères et plusieurs systèmes de missiles anti-aériens a accosté en rade de Tartous, la seule base dont disposerait la Russie en Méditerranée.
Porte-avions russe Amiral-Kuznetsov dans les eaux syriennes
La Syrie offrant plus de résistance que prévu, et les premiers rapports de la Ligue arabe n’étant pas à la mesure des espérances des puissances occidentales, désignent de nouveau à la vindicte publique l’adversaire principal dans la région, l’Iran, le plus gros morceau. Pour l’instant, la Syrie ne fait plus la une des media, même avec les attentats odieux qui ont frappé Damas. Mais les exactions des terroristes continuent de s’amplifier, avec cette fois des attentats à répétition.
La NR/ Vous êtes de ceux qui pensent que le « printemps arabe » lui-même était une opération américaine, une nouvelle « révolution de couleur » ; pouvez-vous explicitez ?
Le renversement des potentats corrompus régnant en Egypte et en Tunisie était espérée depuis longtemps. Mais les multiples révoltes de la faim et les manifestations contre la politique étrangère de ces marionnettes (notamment contre leur alliance tacite avec Israël) avaient toujours été jusqu’à présent matées dans le sang sans que la «communauté internationale» s’en émeuve. La situation en Egypte et en Tunisie, pays rongés par la corruption et en proie à un taux de chômage extrêmement élevé, est très différente de celles de la Libye et de la Syrie. La Tunisie compte 800.000 sans-emploi et un taux de chômage de 30% dans certaines régions (contre 8% en Syrie, et une quasi-inexistence en Libye, grâce au système social mis en place par Mouammar Khadafi). Les soi-disant «Révolutions» arabes louangées par les occidentaux n’ont abouti qu’à la mise en place de régimes islamistes et d’un gouvernement militaire qui continue de réprimer la population.
Beaucoup trop d’indices semblent indiquer que ce dénommé «printemps» n’était pas aussi spontané qu’il a été décrit. Le matériel standardisé, comme les nouveaux drapeaux et les pancartes, fabriqués à grande échelle et distribués aux manifestants, les slogans en anglais, sont également le signe d’une main extérieure, de même que les noms donnés à ces révoltes, baptisées abusivement «Révolutions», comme la «Révolution du Jasmin» tunisienne, après les révolutions «Orange» (en Ukraine), «des Roses» (en Géorgie), Verte, Pourpre, etc. Tout cela a un air de «déjà vu». Tout est bien trop ordonné pour être spontané…
Le nom même de «printemps» était réapparu en 1967 en Tchécoslovaquie (avec le «printemps de Prague»), au moment où son nouveau dirigeant, Dubcek, s’était rapproché de l’Ouest, provoquant l’ire de l’URSS et l’invasion du pays par les troupes soviétiques l’année suivante.
La NR/ Quels enjeux, pour Washington, présentent ces guerres menées par procuration via l’OTAN, notamment dans le monde arabe et en Afrique ; comment voyez-vous la nouvelle répartition des rôles dans ce nouvel ordre mondial ? Quel rôle pourrait jouer Israël dans cette éventuelle redistribution des rôles ?
Une fois débarrassé des régimes qui le gênaient, l’axe atlanto-sioniste pourrait remodeler le Moyen Orient à sa guise. Israël pourrait élargir ses frontières à l’intérieur de l’actuelle Syrie, de l’Iraq et du Liban. La politique d’Israël est une politique d’extension sans limites du pays et de son influence à travers le monde. Sa soif d’extension et de domination mégalomaniaque est inextinguible, et elle peut donner libre cours à la réalisation de tous ses phantasmes, étant assurée que tous ses crimes passés et à venir resteront à jamais impunis. Israël contrôle aujourd’hui pratiquement tous les media occidentaux mainstream, et nombre de gouvernements. Il est impossible à un candidat aux présidentielles américaines d’être élu sans son soutien. Le même phénomène semble s’être étendu à la France où, aujourd’hui, même la candidate du Front National en campagne semble rechercher l’appui d’Israël.
Si le plan occidental réussissait, Israël serait reconnue par les nouveaux dirigeants mis en place par les Etats-Unis. Les nouveaux gouvernements fantoches (comme ceux d’Iraq, d’Afghanistan, et de Côte d’Ivoire…) permettraient également aux grandes multinationales américaines (notamment les géants du pétrole, du bâtiment et de l’agroalimentaire) de s’implanter dans les pays recolonisés.
La NR/ Certains pensent que la guerre de l’OTAN contre la Libye est dirigée contre la Chine notamment pour l’accès aux ressources énergétiques, d’autres avancent qu’elle est dirigée contre l’Afrique, qu’en pensez-vous ?
A la fois contre les deux en réalité. Les Etats-Unis sont en concurrence avec la Chine pour le contrôle des ressources énergétiques. Ils ne peuvent tolérer que la Chine cherche à s’approprier les champs pétroliers les plus riches connus, alors qu’il est prévu que l’économie américaine sera supplantée par celle de la Chine dans les cinq ans à venir. Ils n’avaient pas pardonné à Kadhafi d’avoir refusé, en 2008, de rejoindre l’AfriCom, le commandement régional créé par le Pentagone pour contrer la pénétration de la Chine en Afrique. Il faut savoir que le tiers des importations de pétrole de la Chine provient du continent africain.
Et, en même temps, il faut éviter qu’un nouveau continent (de surcroît le plus riche!) puisse sortir du sous-développement: il faut maintenir l’Afrique la tête sous l’eau pour éviter qu’elle devienne une puissance émergente. Le colonel Kadhafi, symbole de la lutte anti-impérialiste en Afrique parce qu’il avait toujours oeuvré pour le développement et l’indépendance du continent, devait être éliminé. Il avait financé le satellite RASCOM, qui a permis à l’Afrique de sortir de la dépendance des multinationales occidentales en matière de télécommunications. Il était sur le point de lancer une monnaie basée sur l’Or, travaillait à nouveaux projets panafricains, dont les États-Unis d’Afrique et une Organisation du Traité de l’Atlantique Sud. Les puissances impérialistes ne pouvaient le tolérer. L’Afrique est un continent extrêmement riche en matières premières indispensables aux pays développés: pétrole, gaz naturel, minerais rares utilisés pour les nouvelles technologies… La carte des conflits en Afrique se superpose avec celle des richesses de son sous-sol.
C’est pourquoi les pays africains les mieux dotés en matière premières sont voués à la famine et à des guerres civiles programmées de l’extérieur. On pourrait dire que plus un pays est riche, plus il va s’enfoncer dans le sous-développement, car les puissances étrangères ne peuvent piller un pays que s’il est faible et dépendant des «aides» extérieures (du FMI, de la Banque mondiale…) qui l’étranglent, avec des «dirigeants» installés par ses soins. Ce n’était le cas ni de l’Iraq ni de la Libye, comme ce n’est pas le cas de l’Iran ni du Venezuela – également sur la liste noire des Etats-Unis depuis l’élection d’Hugo Chavez à sa tête.
La NR/ Selon ses statuts, l’OTAN est un pacte défensif dont l’objectif consiste dans l’aide mutuelle en cas d’attaque d’un de ses membres. Elle n’est absolument pas habilitée à intervenir hors de son territoire, dans des pays non membres. Or, on constate aujourd’hui qu’elle est instrumentalisée. Elle est devenue une force de frappe militaire de l’ONU pour renverser des gouvernements de part le monde. Comment expliquer ce revirement ?
L’OTAN n’est qu’un instrument au service de l’impérialisme US, le bras armé de l’ONU. C’est en prévision des nouvelles guerres américaines programmées de longue date que Sarkozy, l’agent américain, a fait revenir en 2009 la France dans le commandement intégré de l’OTAN duquel le général de Gaulle l’avait fait fait sortir en 1966. Comme G.W. Bush, Obama – le nègre blanc -, ne fait que suivre la feuille de route.
L’OTAN, qui aurait logiquement du disparaître à la fin de la guerre froide, s’est au contraire notablement renforcée depuis, avec notamment l’adhésion des anciens pays de l’Est. C’est à l’OTAN qu’Obama, prix Nobel de la Paix, a transféré sa guerre contre la Libye lorsque les pays qui lui servaient de paravent se sont trouvés en difficulté. Toujours en contradiction avec sa Charte, L’OTAN participe aussi à des guerres d’occupation et mène avec la CIA des opérations criminelles.
L’accord entre l’OTAN et l’ONU, alliance militaire pourvue d’armes nucléaires, est incompatible avec la Charte de l’ONU, qui exige que les conflits soient résolus pacifiquement. L’OTAN n’est plus qu’un instrument des États Unis pour mettre en œuvre le plan concocté par les néoconservateurs dans les années 90′ (le PNAC) dans le cadre de l’instauration d’un Nouvel Ordre mondial.
Peut-on distinguer les interventions de l’ONU de celles de l’OTAN, si trois des cinq membres permanents du Conseil de sécurité sont aussi membres de l’OTAN? Comment les violations du droit commises par l’OTAN pourraient-elles être poursuivies par les tribunaux internationaux?
La NR/ Actuellement, on assiste à une dépravation de l’application du droit international de la part du Conseil de sécurité, comme on l’a constaté notamment en Libye, avec la malversation de la résolution 1973. Quelle crédibilité pourrait avoir l’ONU dont la Charte a été détournée de sa vocation première ?
C’est une vaste fumisterie pour donner l’illusion que le droit international serait respecté, alors qu’il n’y a qu’un seul droit qui régit notre monde, la loi de la jungle.
Certes, la résolution 1973 a été violée, mais elle avait été conçue et votée justement dans le but de pouvoir l’être. C’était un cheval de Troie en vue d’une escalade militaire pour faire tomber le régime. Au demeurant, elle n’avait pas lieu d’être, puisqu’il avait été prouvé rapidement que le Guide libyen n’avait jamais fait bombarder son peuple ni fait tirer sur lui. La Résolution a été votée sans qu’aucune enquête soit diligentée pour vérifier les faits allégués.
Combien de guerres d’agression ont été menées avec ou sans l’aval de l’ONU ? En 2003, les Etats Unis et la Grande-Bretagne ont violé le droit international en attaquant l’Iraq sans résolution du conseil, parce que la France avait prévenu qu’elle utiliserait son droit de veto. Nous avions le précédent de l’attaque de la Yougoslavie, qui avait pour but l’implantation de bases américaines en Europe de l’Est comme nouvelle étape de l’encerclement de la Russie, et contrôle de l’acheminement des produits pétroliers… Israël avait elle obtenu un mandat de l’ONU avant d’attaquer le Liban en 2006 et la bande de Gaza en 2009 ? A-t-elle été poursuivie pour violation du droit international et pour crimes contre l’Humanité?
Le Conseil de sécurité et le secrétariat de l’ONU sont devenus depuis la chute du mur de Berlin (qui avait le mérite au moins de maintenir «l’équilibre de la terreur») sont les premiers responsables des catastrophes humanitaires. Ainsi, l’embargo contre l’Iraq decrété en 1990 (et jamais levé jusqu’à 2003 malgré le respect de ses clauses) a causé 1.500.000 morts, dont un demi-million d’enfants. Pour protester, quelques honnêtes hauts-fonctionnaires de l’ONU avaient préféré démissionner plutôt que de rester complices de ce génocide à petit feu, comme deux coordinateurs des opérations humanitaires en Irak successifs (Dennis Halliday en 1998 et Hans Christof von Sponeck en 2000), suivis par la responsable du Programme alimentaire mondial (PAM).
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont attaqué plus de cinquante pays en totale impunité. Sans compter tous les coups d’Etat organisés à travers le monde pour renverser les dirigeants gênants… Et Israël a été condamnée plus de deux cent cinquante fois par des résolutions de l’ONU, mais n’a jamais été sanctionnée. Le sionisme a été stigmatisé comme «une forme de racisme» par l’ONU en 1975, mais cela n’a pas empêché la construction d’un mur de l’Apartheid aussi ignoble que le mur de Berlin sans que la « communauté internationale» s’en émeuve.
Les dirigeants de tous ces pays-voyous (qui possèdent tous l’arme nucléaire) ont-ils été jugés et condamnés par un tribunal international? Leur a-t-on envoyé les troupes de l’OTAN pour les mater?
Par contre, les dirigeants vaincus des pays attaqués et vaincus sont jugés par des tribunaux fantoches et sont condamnés à mort après un simulacre de jugement (Saddam Hussein, Tarek Aziz, et bientôt Saïf Al Islam Kadhafi), sont laissés mourir à petit feu (Milosevic), quand ils ne sont pas tout simplement lynchés, comme Mouammar Kadhafi, sans que personne n’y trouve à redire. Dans quel monde vivons-nous ?
(On pourra noter au passage que les «grandes» démocraties où la peine de mort a été abolie se réjouissent des exécutions sommaires de dirigeants extra-occidentaux, et acceptent d’être responsables ou complices de millions de morts aux cours des guerres d’agressions. Ceci est pour le moins grotesque…).
Par ailleurs, l’ONU n’est jamais intervenue lorsque des dirigeants démocratiquement élus ont été assassinés ou chassés par les Etats-Unis : Mossadegh en Iran en 1953, Allende au Chili en 1973, Manuel Zelaya au Honduras en 2009 pour n’en citer que quelques uns… Les dictateurs sanguinaires qu’on leur a substitués n’ont jamais été jugés pour crimes de guerres ou crimes contre l’Humanité devant un tribunal international comme comme ils auraient du l’être selon les lois en vigueur. Le général Pinochet est mort tranquillement chez lui, et les généraux argentins n’ont pas été inquiétés malgré toutes les manifestations de familles de dizaines de milliers de « disparus ».
Tous les dirigeants africains intègres qui ont tenté de développer leur pays et d’échapper au Diktat des néo-colonisateurs ont été assassinés (Thomas Sankara au Burkina Faso, Patrice Lumumba au Congo…)… Et le président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, aussitôt après avoir démocratiquement réélu en 2011, a été kidnappé et chassé par la France au profit d’Alexandre Ouattara, la marionnette sanguinaire du FMI. C’est le vainqueur des élections qui se retrouve maintenant devant le tribunal international de La Haye! C’est vraiment le monde à l’envers! Un exemple de plus qui démontre que l’ONU n’est qu’un instrument au service de l’Occident et de ses sbires.
Il nous faut donc nous demander si le monde serait différent en l’absence de cet organisme dévoyé et corrompu, au service exclusif des gendarmes du monde.
En effet, depuis sa fondation, l’Organisation des nations unies s’est avérée inefficace pour maintenir la paix et n’a jamais empêché ses membres les plus influents de contourner ses mécanismes pour mener des opérations unilatérales. Les secrétaires généraux du «machin», comme l’appelait si bien le général de Gaulle, sont tous des marionnettes des USA, comme Ban Ki-Moon, après Koffi Annan et bien d’autres. C’est un organisme de convenance, un paravent créé pour servir les intérêts des Etats-Unis et ceux de leurs valets tout en faisant croire à une justice internationale. Point final.
Ainsi, le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye n’a jamais eu à juger les responsables des Etats-Unis et de ses alliés, qui ont commis des massacres à très grande échelle, et utilisé des armes nucléaires et chimiques, que ce soit au Vietnam (avec l’agent Orange), en Iraq, en ex-Yougoslavie, en Palestine, au Liban, en Libye (avec les armes à l’uranium appauvri, au phosphore, au napalm «amélioré»…). Le président Clinton a été inquiété dans son pays pour des délits sexuels, mais il ne sera jamais jugé pour l’assassinat de centaines de milliers d’Iraqiens (pas plus que son acolyte, le prix Nobel de la Paix, Al Gore). De même que Richard Nixon fût chassé pour des écoutes téléphoniques, et non pour ses crimes de guerre. En récompense des atrocités dont il était responsable au Vietnam ou au Chili, son secrétaire d’Etat Henry Kissinger avait lui-aussi reçu le Prix Nobel de la Paix! Ajoutons que les Etats-Unis ont refusé de ratifier le traité instituant la Cour pénale internationale (CPI), afin d’éviter tout jugement à ses dirigeants politiques et militaires.
Les agences spécialisées de l’ONU sont pour la plupart tout aussi inefficaces et dévoyées. Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), assujettie à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) par un accord de 1959, n’a pas le droit de reconnaître officiellement la nocivité de l’uranium appauvri, substance à la fois hautement chimiotoxique et radioactive utilisée dans toute la panoplie des armes depuis plus de vingt ans et de façon de plus en plus intensive. Le Programme des nations-unies pour l’environnement (PNUE) ignore ce très grave problème de pollution de l’environnement. Irréversible, il condamne les populations victimes des bombardements à vivre dans un environnement de plus en plus radioactif, et va induire la mort de centaines de milliers, voire de millions de personnes sur plusieurs siècles, et la destruction du génome… L’ONU s’en est-elle souciée ? En Iraq, plus de trois millions de personnes ont déjà été tués depuis vingt ans par les Etats-Unis et ses laquais. Mais on ne pourra jamais inclure parmi les victimes le nombre de morts différées dues à cette substance diabolique.
Certains traités, comme celui de non-prolifération nucléaire (TPN), sont instrumentalisés pour assurer la domination des uns, et menacer d’extermination les autres. Notons qu’Israël, qui posséderait aujourd’hui plus de troix-cents têtes nucléaires, a pu développer en toute illégalité son programme, sans avoir signé le traité de non-prolifération (à l’inverse de l’Iran) et sans que ses installations soient jamais inspectées. (Sans compter toutes les autres armes de destruction de masse qu’elle développe en secret). Cette situation n’a jamais été sanctionnée par l’Organisation censée garantir la Paix entre les nations… Pourtant cet état hors-la-loi ose menacer sans vergogne un pays voisin, l’Iran, d’annihilation.
La NR/ N’est-il pas temps de réformer cette Organisation qui, malheureusement, n’est plus en mesure de remplir la mission essentielle pour laquelle elle a été créée, c’est-à-dire garantir la paix ; alors qu’on en est arrivé au point où l’on mène des guerres d’agression en son nom ? Si oui, comment ?
Une réforme radicale de l’ONU s’impose pour la soustraire au contrôle des USA, mais c’est un voeux pieux. Il faut d’abord se poser la question: a-t-elle jamais garanti la paix? Sa mission a été dévoyée depuis le début de son existence. Elle a pour mission fondatrice la paix internationale, mais elle n’a jamais, à ma connaissance, empêché les guerres (Cf. Vietnam, Yougoslavie, Iraq… ). L’ONU n’a jamais été plus efficace que la Société des nations (SDN,) fondée après la guerre de 14-18, qu’elle a remplacée après la deuxième guerre mondiale.
Bien au contraire, elle a favorisé les guerres d’agression et les coups d’état menés par les Etats-Unis et ses laquais pour renverser des présidents élus démocratiquement – mais qui n’avaient pas l’heur de plaire aux gendarmes du monde -, et les remplacer par des dictateurs sanguinaires à leur botte.
Depuis 1945, et surtout depuis 1989 et 2001, les violations du droit international par les plus puissants se sont intensifiées à l’envi. Nombre de populations (pas seulement dans le Tiers-Monde) se voient privées de leurs droits fondamentaux (à l’alimentation, à la santé, à l’habitat, à la culture, au travail, à un environnement sain et à la liberté d’opinion), et peuvent être victimes d’agressions militaires si leurs ressources naturelles sont convoitées.
Qui pourrait se charger de réformer l’ONU? Ceux qui sont aux commandes aujourd’hui et qui ont dévoyé sa mission originelle à leur profit en bafouant en permanence sa Charte? Il s’agirait d’abord de faire respecter le droit international qu’elle a elle-même fondé! Il y aura certainement un replâtrage censé donner plus de représentativité aux pays du Sud émergents (Inde, Brésil…) au sein du conseil de sécurité, et permettant d’éviter les blocages comme celui qu’on connait actuellement pour la Syrie.
Entretien réalisé par Chérif Abdedaïm, La Nouvelle République du 14 janvier 2012
00:05 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique internationale, entretiens, syrie, proche orient, monde arabe, monde arabo-musulman, géopolitique, printemps arabe, révoltes arabes | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 17 janvier 2012
Al-Qaïda en Syrie: les ambitions "impériales" de l'Emirat du Qatar
Al-Qaïda en Syrie: les ambitions "impériales" de l'Emirat du Qatar
Ex: http://mediabenews.wordpress.com/
La Démocratie, cette Démocratie des puissances impérialistes et colonialistes qui nous écrasent et exploitent, cette Démocratie proclamée par l’Empire, écrite en majuscules, sur le front de l’Occident, sur chaque prison, sur chaque Guantanamo, sur chaque missile Cruise ou Tomahawk, son expression véritable, authentique, prosaïque, c’est le chaos constructif, les guerres civiles, les conflits religieux, ethniques et tribaux sous leurs formes les plus effroyables, les guerres au Moyen-Orient.
La Démocratie ! tel fut le cri de guerre de Caesar George W. Bush. La Démocratie ! cria Barak Obama, le jour où Syrte devint cendres, par la grâce de la « mission humaine » de l’OTAN en Libye. La Démocratie ! cria Hamad, le despote absolu du Qatar, écho brutal des monarchies absolues du Golf et de la décadence arabe. La Démocratie ! gronda l’explosion terroriste à Damas en déchirant le corps du peuple syrien.
Al-Qaïda en Syrie
Dans une vidéo marquant le dixième anniversaire des attentats du 11 Septembre, le nouveau leader d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, a exhorté les Syriens à « poursuivre leur résistance » au président Bachar al-Assad : « Ce tyran semble chanceler. Maintenez la pression sur lui jusqu’à sa prochaine chute », promet-il [1].
Il n’aurait pas été difficile pour un observateur débutant, qui montrait une certaine curiosité – innée ou acquise – aux conflits du Moyen-Orient, de remarquer qu’une certaine similarité rassemblait, dans un même panier, les derniers attentats terroristes qui ont frappé la capitale syrienne, Damas, et ceux qui avaient frappé l’Irak, depuis l’invasion du pays par les légions de l’Empire étatsunien ; de remarquer, par conséquent, que le « cerveau » qui a commandité les attentats à Damas avait aussi dirigé la terreur partout dans le monde, depuis les attentats des ambassades américaines en Afrique[2], jusqu’à la dernière attaque contre les civils en Irak, laissant au moins 68 morts[3]; et de constater, en plus, que tous ces attentats, ceux du passé et ceux du présent, – mais aussi ceux qui pourraient arriver au futur proche – étaient issus d’une même idéologie, celle fondée sur l’élimination de l’Autre, voire le salafisme wahabite ; et cela vu 1) la méthode employée – attentats suicides, voitures piégées – ; 2) la victime ciblée – des établissement gouvernementaux et des places civiles – surtout en Irak – et 3) la justification idéologique – une idéologie islamiste salafiste takfiriste appelant à la mort des « infidèles », voire l’Autre religieux.
Parallèlement, il n’aurait pas été aussi difficile – cette fois-ci pour un observateur chevronné – de remarquer qu’au lendemain du retrait des légions de l’Irak, l’Empire étatsunien rêve encore de « renverser la table » sur la tête du joueur iranien, et cela pour établir un nouvel ordre régional, qui permettrait de maintenir le Moyen-Orient sous son contrôle. Mais la Bastille n’est pas encore prise. Le triomphe momentané des groupes terroristes à frapper au cœur de la capitale syrienne est payé par l’anéantissement de toutes les illusions et chimères camouflant la prétendue « révolution » syrienne, par la désagrégation de tout le discours « philanthrope » des puissances impérialistes, par la scission de la Ligue arabe en trois camps : les pays résistant à l’Empire, les pays dociles à l’Empire et ceux qui se sont mis à l’écart.
Ainsi naquirent les ambitions impériales de l’émirat du Qatar.
Taliban au Qatar : l’ennemi d’hier l’ami d’aujourd’hui
Nous nous rappelons tous du discours patriotique de Caesar George W. Bush le soir des attentats du 11 septembre, depuis la Maison Blanche. Pendant cette nuit très obscure, Bush s’adressa à la nation en parlant avec une certaine gravité, qui évoqua en nous le souvenir des grands patriarches bibliques :
“Ce soir je vous demande de prier pour toutes les personnes affligées, pour les enfants dont le monde est brisé, pour tous ceux dont le sentiment de sûreté et de sécurité a été menacé. Et je prie pour qu’ils soient soulagés par une puissance plus grande que nous dont nous parle le psaume 23 : ” Bien que je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal car tu es avec moi”[4].
Le soir même, après s’être adressé à la nation, deux anges seraient arrivés à la Maison Blanche et auraient pris Caesar George W. Bush par la main, en lui chuchotant à l’oreille : ” Va donc, conduis le peuple où je t’ai dit. Voici, mon ange marchera devant toi, mais au jour de ma vengeance, je les punirai de leur péché” [5].
Quelques jours plus tard, jeudi 20 septembre, Caesar Georges W. Bush prononça un discours devant les deux chambres réunies du Congrès. Parmi les points forts de son discours, nous lisons:
“Livrer aux autorités américaines tous les dirigeants de l’organisation Al-Qaïda qui se caches sur votre terre”[6]. “Ces demandes ne sont pas ouvertes à la négociation ou à la discussion. Les Taliban doivent agir et agir immédiatement. Ils livreront les terroristes ou bien ils partageront leur sort”[7]. “Notre guerre contre la terreur commence avc Al-Qaïda mais elle ne se termine pas là. Elle ne se terminera que lorsque chaque groupe terroriste qui peut frapper partout dans le monde aura été repéré, arrêté et vaincu”[8].
En dépit du Saint-Esprit qui eut soufflé l’audace dans la bouche de Caesar, ces déclarations historiques sont devenues d’ores et déjà copyright de l’Histoire. En effet, tous les obstacles semblent aujourd’hui levés pour que des négociations puissent commencer entre les ennemis d’hier, amis d’aujourd’hui.
Depuis l’été 2011, on entend chuchoter, dans les couloirs des puissances impérialistes, à propos de l’ouverture d’un bureau de représentation des Taliban au Qatar, comme symbole du processus de paix engagé avec le principal groupe insurgé en guerre contre l’OTAN et le gouvernement de Kaboul[9].
Certainement, cette initiative honorable de la part de l’émir du Qatar, n’aurait pas pu voir la lumière sans la bénédiction de l’Empire. Ainsi, des émissaires américains rencontrèrent seuls, “une petite dizaine de fois”, des représentants talibans[10].
Cependant, cet événement n’est en aucun sens un fait isolé. Par contre, il fait partie d’un continuum de messages d’amour entre les groupes islamistes salafistes – Taliban et Frères musulmans – d’un côté, et l’Empire étatsunien – par le biais de son concessionnaire au Moyen-Orient, l’émirat du Qatar – d’un autre côté. Les premières lueurs de la nouvelle aube commencèrent en mars 2009, après que l’administration Obama eut abandonné l’expression « guerre contre le terrorisme », adoptée par son prédécesseur Bush[11].
Sur un autre plan, des responsables américains ont entamé, récemment, des négociations avec le gouvernement de Kaboul pour transférer, aux autorités afghanes, des responsables Taliban du haut rang emprisonnés au Goulag de l’Empire, à Guantanamo, depuis l’invasion de l’Afghanistan ; et cela dans l’espoir de parvenir à une trêve entre Washington et les insurgés. Des responsables américains ont déjà exprimé leur accord d’ « expédier », hors de la baie de Guantanamo, les détenus Taliban[12].
En plus, des sources de l’administration Obama ont indiqué que des détenus talibans seront libérés une fois que les insurgés auront accepté d’ouvrir un bureau au Qatar et entamé des pourparlers avec les Américains[13]. De leur côté, les Taliban ont dit qu’ils étaient prêts à aller d’avantage avec ces pourparlers.
Il faut noter que ces échanges romantiques du genre épistolaires entre l’Empire et les insurgés viennent après dix ans de guerre atroce[14].
Loin des affections foudroyantes entre les ennemis d’hier amis d’aujourd’hui, au cours d’une réception de la délégation de la Ligue arabe, comprenant le cheikh Hamad, à Damas le 26 Octobre dernier, le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, aurait « lutté » pour amender certains articles du texte de l’Initiative arabe, comme l’article concernant le « retrait de l’armée syrienne » ; un article considéré comme le plus dangereux par les autorités syriennes, qui voient impossible d’envisager de retirer l’armée de régions désormais devenues le théâtre d’une guerre civile comme à Homs. Mais le cheikh Hamad a exigé ce retrait : « Il est impératif de retirer l’armée et de cesser de tuer les manifestants ! », dit-il. Ce à quoi le président syrien a répondu : « L’armée ne tue pas des manifestants, elle poursuit plutôt des terroristes armés. Si jamais tu avais une solution pour en finir avec ces derniers, elle serait bienvenue ! »[15]. Pourtant, le cheikh Hamad persistait à faire croire à ses hôtes qu’il refusait toute utilisation du terme « terrorisme », et a même failli récuser l’évocation de bandes armées dans les villes[16].
Une question s’impose fortement : pourquoi cette anélisation attendue des groupes islamistes armés – les ennemis d’hier – de la part de l’Empire et son concessionnaire au Moyen-Orient ?
Le nouveau rôle accordé au Qatar : Le Corbeau voulant imiter l’Aigle
Il est clair d’emblée que le rôle que joue le Qatar sur la scène des événements régionaux, depuis l’accord de Doha en 2008[17], vise à imposer ce petit émirat, dont la population ne dépasse pas un million et quelques centaines de mille de sujets[18], comme joueur principal aux conflits du Moyen-Orient.
De façon similaire, depuis sa précipitation théâtrale sur la scène des événements du présumé Printemps arabe, l’émir du Qatar, cheikh Hamad, insiste à se présenter en costume de despote éclairé[19]. Pour en faire, il s’habille en Frédéric II de Prusse, dit Frédéric le Grand[20], et fréquente les voltaires de l’impérialisme français, tel que Bernard-Henri Lévy, et ceux de l’obscurantisme arabe, tel que Youssef al-Qardaoui[21].
Par contre, il est vrai que Hegel fait quelque part cette remarque que « tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce »[22].
De surcroît, le cheikh Hamad – on l’appelle aussi émir – s’est entretenu le 4 janvier avec le secrétaire général de l’ONU, monsieur Ban Ki-moon, de la possibilité d’associer l’ONU à la mission de la Ligue arabe en Syrie, afin que celle-ci profite de « l’expérience » de l’organisation internationale en matière de mission de paix et d’interposition[23].
Cette manœuvre de la part de l’émir vise à atteindre deux objectifs : premièrement, faciliter et légitimer une intervention de l’OTAN dans la crise syrienne – il n’est plus secret que parmi les récentes « expériences » de l’ONU figure le feu vert à l’OTAN pour la destruction de la Lybie – ; deuxièmement, contrecarrer le pouvoir de la Ligue arabe et réduire son rôle, comme organisation représentant les intérêts du monde arabe, pour qu’elle soit une sorte de Loya Jirga[24], rassemblant précisément les émirs et sultans des familles royales du Golf.
Il en va de même que l’émirat du Qatar, qui possède une armée de mille cinq cents mercenaires, mais qui abrite, par contre, la plus grande base militaire américaine dans la région, ambitionne jouer un rôle au niveau international, aussi énorme que l’énormité de la présence des troupes étrangères sur son territoire.
Ainsi, aux premières lueurs du prétendu Printemps arabe, le Qatar, qui s’est transformé en un outil médiatique aux mains des puissances impérialistes dans le monde arabe, s’est précipité sur la scène des événements. Nous soulignons dans ce sens le rôle que joue la chaîne al-Jazeera, dont l’objectif est de fausser les données réelles de la guerre impérialiste contre la Syrie, et cela en promouvant un discours de haine et de ressentiment religieux contre les groupes minoritaires au monde arabe. Aussi le Qatar, en s’alignant sur des positions qui suggèrent carrément l’intervention étrangère en Syrie, est allé loin dans la question des sanctions contre la Syrie, qui ont laissé des effets négatifs et directs sur le niveau de vie, l’alimentation et les médicaments du peuple syrien.
Nous partageons le même avis de l’analyste politique russe, Viatcheslav Matuzov, qui a souligné que le Qatar joue un rôle négatif au sein de la Ligue arabe, ajoutant que « les États-Unis veulent la chute et la destruction de la Syrie en tant qu’État arabe indépendant (…) L’Occident a une seule demande de la part de la mission des observateurs arabes, à savoir la prise d’une position en solidarité avec l’opposition extrémiste sans aucun souci de chercher après les faits réels sur le terrain », a estimé l’analyste russe, dans une interview à la chaîne « Russia Today »[25].
Il convient de mentionner que les ingérences hostiles du Qatar dans les affaires internes de la Syrie se font au moment où deux puissances se confrontent dans une sorte de guerre froide dans la région du golf Persique : celle du Pygargue à tête blanche[26] étatsunien et celle du Derafsh Kaviani[27] iranien. La présence de la première puissance est en déclin dans la région, surtout après le retrait des légions de l’Empire de l’Irak ; celle de la deuxième puissance est en croissance. Entre ces deux grandes puissances belligérantes – l’Iran et l’Empire étatsunien – les ambitions « impériales » du Qatar évoquent en nous la fable de La Fontaine, Le Corbeau voulant imiter l’Aigle[28].
Le Qatar pirate la Ligue arabe
Pendant toutes les périodes précédentes au prétendu Printemps arabe, l’Égypte jouait un rôle central au sein de la Ligue, qui lui permettait de diriger le monde arabe, surtout à l’époque du président Nasser (1956 – 1970) et la montée de l’idéologie nassérienne[29].
Dès sa naissance en 1945, la Ligue arabe était toujours divisée en deux camps aux visées politiques opposés. D’abord, dans les années quarante et cinquante, l’entente égypto-saoudienne favorable aux projets d’indépendance s’opposait à l’axe hachémite jordano-irakien, plus enclin à une coopération avec la puissance britannique, encore maîtresse de nombreux protectorats et mandats (Soudan, Palestine, Émirats, etc.). Par la suite, dans le contexte d’anticolonialisme et de la Guerre froide, la division prit une nouvelle démarcation entre États socialistes proches de l’URSS (Libye, Syrie, Algérie, Égypte de Nasser, l’Irak, le Yémen du Nord) et États proches des États-Unis (les émirats et sultanats arabes du Golf)[30]. Enfin, après la chute de l’Union soviétique, la Ligue arabe se trouvait divisée encore en deux camps : d’un côté, les pays résistants aux projets américains de domination (surtout la Syrie et le Liban) ; de l’autre côté, les pays dociles à l’Empire (toujours les émirats et sultanats arabes du Golf, l’Égypte de Moubarak).
Suite à la chute du dernier pharaon, Moubarak, en 2011, l’Égypte se trouve occupée par ses problèmes internes, ce qui l’empêche de continuer à jouer un rôle principal dans le monde arabe ; même si le secrétaire général de la Ligue continue à faire privilège de l’Égypte. Il n’est plus secret que l’absence « transitoire » de l’Égypte comme leader du monde arabe a entrainé une diminution du rôle que joue la Ligue. Autre que l’Égypte, aucun pays n’est en mesure de diriger le monde arabe. L’Égypte reste le seul pays « habile » de jouer ce rôle, vu son poids démographique[31], économique et culturel. Sur un autre plan, l’Arabie saoudite n’est plus dans une situation lui permettant de remplir ce vide laissé par l’enfermement de l’Égypte sur ses propres crises et problèmes internes, et cela vu la fragilité et l’instabilité intérieure – la menace chiite à l’Est du Royaume – et les tremblements politiques aux portes du Royaume – la révolution au Bahreïn et la guerre civile au Yémen. Simultanément, les pays du Maghreb ne sont pas non plus en mesure de diriger le monde arabe, vu premièrement leur position géographique, au bout du monde arabe, et deuxièmement la nature démographique de ces pays, qui ne constituent pas vraiment des agglomérations de masses, comme l’Égypte et le Levant, mais plutôt des centres urbains dispersés au long de la côte méditerranéenne de l’Afrique du Nord. De même, la Tunisie reste, au lendemain de sa révolution Jasmin, instable du point de vue politique ; et la Lybie se trouve ruinée par la grâce de la « mission humanitaire » de l’OTAN.
Donc, le retrait temporaire de l’Égypte de la scène des événements a créé un vacuum, aux niveaux politique et diplomatique. Ajoutant à cela le retrait des légions de l’Empire de l’Irak, qui a ouvert les portes devant la puissance iranienne ascendante. Pour faire « barrage » à l’expansion iranienne, seul le Qatar semble capable de jouer ce rôle aux niveaux politique et diplomatique, en tant que concessionnaire de l’Empire et négociant – plutôt que négociateur – ; pour la simple raison que du point de vue militaire, le Qatar n’est, en réalité, qu’une base militaire américaine dans la région.
Pour contrecarrer le rôle de la Ligue arabe, l’ingérence hostile du Qatar dans la crise syrienne et son engagement complet à la conjuration impérialiste visent, en premier lieu, à créer des divisions entre ses membres, basées sur des sensibilités religieuses – sunnites vs. chiites – et ethniques – Arabes vs. Perses – et deuxièmement, à transformer la Ligue en une sorte de Loya Jirga, rassemblant les émirats et sultanats arabes du Golf, dont les monarchies se justifient par une idéologie islamiste wahabite, la même que celle des Taliban. Plus tard, ce nouveau bloc sunnite wahabite, qui comprend les émirats et sultanats arabes du Golf, les Taliban de l’Afghanistan et les Frères musulmans de l’Égypte et de la Syrie – bénéficiant de l’énorme support des puissances impérialistes – tenterait à démembrer l’Arc chiite qui s’étend de l’Iran jusqu’au Liban, tout en passant par l’Irak et la Syrie ; et cela en renversant le régime syrien, en premier lieu, ensuite en isolant le gouvernement pro iranien de Maliki en Irak, en second lieu. Par conséquent, le Hezbollah au Liban se trouverait coupé totalement de son arrière-front, l’Iran ; ce qui faciliterait, à une étape plus avancée, à envahir l’Iran.
En un mot, l’ouverture d’un bureau de Taliban au Qatar met, officiellement, fin à la guerre étatsunienne contre le terrorisme ; et les ennemis d’hier deviennent les amis d’aujourd’hui. Ce qui revient à dire que les dernières attaques terroristes au cœur de la capitale syrienne expriment l’application concrète de ces nouvelles Liaisons dangereuses[32] qui sont émergées, récemment, entre le vrai Patron – l’Empire étatsunien – représenté par son concessionnaire arabe – le Qatar – d’un côté, et les Taliban de l’autre côté – derrière eux Al-Qaïda, évidemment.
La réplique syrienne et le déclin de la Ligue arabe
Un diplomate arabe au Caire a rapporté que lors de la réception de la délégation de la Ligue arabe à Damas le 26 Octobre 2011, le président syrien, Bachar al-Assad, aurait accusé le premier ministre du Qatar, Hamad, d’être l’exécuteur de « diktats américains » et lui aurait dit : « Moi, je protège mon peuple avec l’aide de mon armée, mais toi tu protèges le tien par les bases américaines implantées sur ton sol (…) Si vous venez ici en tant que délégation de la Ligue arabe, vous êtes les bienvenus. En revanche, si vous êtes les délégués des Américains, il vaudrait mieux que nous cessions toute discussion »[33].
Pourtant, le cheikh qatari devait attendre le 10 janvier pour entendre le président syrien prononcer sa réplique finale à l’ingérence du Qatar dans les affaires internes de son pays. Ce jour même, l’ambassadeur de Syrie auprès de la Ligue arabe, monsieur Youssef Ahmed, a invité le cheikh qatari à dire qui l’avait mandaté pour parler au nom de la Syrie : « Il doit se taire et s’abstenir de toute ingérence dans les affaires internes syriennes », a-t-il dit[34].
Dans un discours prononcé à l’amphithéâtre de l’université de Damas, le président syrien, Bachar al-Assad, déploya son artillerie lourde et déclara le commencement d’une nouvelle étape de la guerre impérialiste contre la Syrie, celle de la contre-offensive syrienne : « Nous avions fait preuve de patience et d’endurance dans un combat sans précédent dans l’historie moderne de la Syrie et ceci nous a rendu plus solide, et bien que ce combat porte de grands risques et des défis fatidiques, la victoire est à deux doigts tant que nous nous maintenons capables de résister, d’exploiter nos points forts qui sont nombreux, et de savoir les points faibles de nos adversaires, qui sont plus nombreux »[35], déclara-t-il.
Au cours de son discours, le président Assad attaqua la Ligue arabe à plusieurs reprises. Il l’accusa d’avoir accepté de se transformer en une sorte de vitrine diplomatique, derrière laquelle se cachent les vrais conjurateurs, les puissances impérialistes : « Après l’échec de ces pays au Conseil de Sécurité de convaincre le monde de leurs mensonges, il était indispensable de recourir à une couverture arabe qui est devenue une base pour eux »[36], souligna le président Assad.
Le président Assad a voulu « expédier » plusieurs messages à plusieurs destinataires. Nous pouvons résumés ces messages en trois points :
Premièrement, la Syrie ne craint pas une suspension de la Ligue arabe. Les conséquences d’une telle suspension semblent sans effets énormes sur la Syrie. Par contre, la Syrie se trouvera « libre » des exigences de la Ligue, surtout maintenant que le Qatar a piraté son rôle, et que toutes les résolutions de la Ligue se préparent dans les coulisses des puissances impérialistes.
Deuxièmement, sans la Syrie, la Ligue perdra sa légitimité et sa validité, car le monde arabe, comme entité culturelle, ne peut pas exister – ni en théorie ni dans la réalité – sans la Syrie, berceau de la culture et de la civilisation arabo-musulmane. A fortiori, l’aube de la civilisation arabo-musulmane rayonnait en Syrie omeyyade (661 – 750). Dans le domaine des arts, des littératures, de la langue, des sciences, de l’Histoire, de la mémoire collective et des religions, la Syrie reste le « cœur » du monde arabe. Du point de vue géographique, sans la Syrie, le monde arabe ne peut pas exister comme entité politique ; au contraire, il sera déchiré en plusieurs zones géographiques séparées : la péninsule Arabique, la vallée du Nil et l’Afrique du Nord. Il faut bien noter ici que la Syrie, comme entité culturelle et géographique, dépasse les frontières de la République arabe syrienne, imposées par le colonialisme franco-britannique au lendemain du démembrement de l’Empire ottoman en 1918. Nous parlons ici de la Syrie naturelle. Le président Assad était clair à ce propos quand il a indiqué que « si certains pays arabes avaient œuvré pour suspendre notre arabité à la Ligue, nous disons qu’ils suspendraient plutôt l’arabité de la Ligue, or, sans la Syrie, c’est l’arabité de la Ligue qui est suspendue. Si certains croyaient pouvoir faire sortir la Syrie de la Ligue, ils ne peuvent pas faire sortir la Syrie de l’arabité, car l’arabité n’est pas une décision politique, mais un patrimoine et une histoire »[37], a-t-il poursuivi.
Troisièmement, La Syrie ne sera jamais aux genoux des puissances impérialistes. Les sanctions imposées par les puissances impérialistes et celles imposées par les monarchies absolues arabes pourraient sans doute avoir des conséquences négatives sur l’économie de la Syrie. Cependant, dans le monde, se trouvent d’autres puissances économiques ascendantes, hors du système de subordination à l’Occident, telles que la Russie, la Chine, l’Inde, l’Iran ; autrement dit, l’Orient. Le président Assad a fait noter que la Syrie doit s’orienter vers l’Orient, et ceci elle l’avait fait depuis des années : « L’Occident est important pour nous, nous ne pouvons pas nier cette vérité, mais l’Occident aujourd’hui n’est pas celui qui était une décennie avant (…) Les relations de la majorité des pays du monde avec la Syrie sont bonnes en dépit des circonstances actuelles et des pressions occidentales »[38], a-t-il fait savoir, soulignant que l’embargo imposé à la Syrie et les circonstances politiques et sécuritaires auraient des répercussions, mais « nous pourrions réaliser des accomplissements diminuant les pertes »[39], a-t-il précisé.
Ce qu’ambitionner veut dire
En guise de conclusion, nous trouvons utile de retourner rapidement aux ambitions « impériales » de l’émirat du Qatar.
Profitant de la présence militaire des légions de l’Empire sur le territoire de son fief, l’émir du Qatar, Hamad, semble convaincu que la deuxième résurrection du Royaume de Prusse, pour ainsi dire, devient jour après jour inévitable ; cette fois-ci non pas au bord de la Vistule ni aux mains des Hohenzollern, mais plutôt au bord du golf Persique et aux mains de Al-Thani, la famille royale qatarie.
Il reste à ajouter que s’il est vrai que le Qatar ambitionne jouer un rôle dans la région plus grand que sa « taille » réelle, il n’est pas moins vrai que le Corbeau qui a voulu, un jour, imiter l’Aigle ne put faire retraite. Le Berger vient, le prend, l’encage bien et beau, le donne à ses enfants pour servir d’amusette[40].
Fida Dakroub, Ph.D
Notes
[2] Les attentats de Nairobi et de Dar es Salaam, le 7 août 1998.
[4] http://www.20minutes.fr/monde/107840-11-septembre-2001-9-11-Discours-de-Bush-apres-les-attentats.php
[5] Exode 32 : 34.
[6] http://www.20minutes.fr/monde/107840-11-septembre-2001-9-11-Discours-de-Bush-apres-les-attentats.php
[7] http://www.20minutes.fr/monde/107840-11-septembre-2001-9-11-Discours-de-Bush-apres-les-attentats.php
[8] http://www.20minutes.fr/monde/107840-11-septembre-2001-9-11-Discours-de-Bush-apres-les-attentats.php
[12] http://rt.com/usa/news/obama-afghan-taliban-war-035/
[13] http://rt.com/usa/news/obama-peace-taliban-us-219/
[14] http://rt.com/usa/news/obama-peace-taliban-us-219/
[15] http://www.algeria-watch.de/fr/article/pol/ligue_arabe/syrie_visees_inquietantes.htm
[16] http://www.algeria-watch.de/fr/article/pol/ligue_arabe/syrie_visees_inquietantes.htm
[17] L’accord de Doha est un arrangement politique conjoncturel, en situation de nécessité et sans changement constitutionnel, entre l’opposition libanaise pro syrienne et le gouvernement libanais, alors pro saoudien, suite aux événements de 8 mai 2008, qui ont entrainé la chute totale de la capitale Beyrouth aux mains des combattants de l’opposition.
[18] La population totale du Qatar est de 1 699 435 personnes. http://www.qsa.gov.qa/QatarCensus/
[19] Le despotisme éclairé est une variante du despotisme qui s’est développée au milieu du XVIIIe siècle, le pouvoir y est exercé par des monarques de droit divin dont les décisions sont guidées par la raison et qui se présentent comme les premiers serviteurs de l’État. Les principaux despotes éclairés ont ainsi entretenu une correspondance suivie avec les philosophes des Lumières.
[20] Frédéric II de Prusse fait entrer son pays dans la cour des grandes puissances européennes. Après avoir un temps fréquenté Voltaire, il devient célèbre pour être l’un des porteurs de l’idéal du prince du siècle des Lumières en tant que « despote éclairé ».
[21] http://www.legrandsoir.info/youssef-al-qardaoui-bernard-henry-levy-meme-combat.html
[22] Marx, Karl. Le 18-Brumaire de Louis Bonaparte. http://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum3.htm
[23] http://www.infosyrie.fr/actualite/mission-arabe-le-qatar-nest-decidement-pas-satisfait/
[24] La Loya Jirga (Grande assemblée ou Grande réunion), est un terme d’origine Pashto qui désigne une assemblée convoquée afin de prendre les grandes décisions concernant le peuple afghan.
[25] http://www.sana.sy/fra/55/2012/01/08/393114.htm
[26] Le Pygargue à tête blanche est le symbolisme officiel du Grand sceau des États-Unis d’Amérique.
[27] Derafsh Kaviani est e légendaire drapeau de l’Empire perse signifiant le Glorieux drapeau de l’Iran.
[28] Les Fables de La Fontaine ; Livre II, fable 16.
[29] Le nassérisme est une idéologie panarabe révolutionnaire, combinée avec un socialisme arabe, mais qui reste opposée aux idées marxistes.
[30] Jean-Christophe Victor, « Mondes arabes », Le Dessous des cartes, 10 septembre 2011.
[31] L’Égypte est le pays le plus peuplé du Monde arabe et du Moyen-Orient, avec une population de 82 million. http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_population
[32] Les Liaisons dangereuses est le titre d’un roman épistolaire écrit par Pierre Choderlos de Laclos, et publié en 1782.
[33] http://www.algeria-watch.de/fr/article/pol/ligue_arabe/syrie_visees_inquietantes.htm
[35] http://www.sana.sy/fra/51/2012/01/10/pr-393414.htm
[36] http://www.sana.sy/fra/51/2012/01/10/pr-393414.htm
[37] http://www.sana.sy/fra/51/2012/01/10/pr-393414.htm
[38] http://www.sana.sy/fra/article/31.htm
[39] http://www.sana.sy/fra/article/31.htm
[40]Les Fables de La Fontaine. Le Corbeau voulant imiter l’Aigle ; Livre II, fable 16.
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samedi, 14 janvier 2012
Die Zerschlagung von Großsyrien
Die Zerschlagung von Großsyrien
Jürgen Schwab
Ex: http://sachedesvolkes.wordpress.com/
Im Falle Syriens argumentieren westliche Medien ähnlich wie zuvor bei den Auseinandersetzungen in Libyen: Die Staatsführung schieße auf ihr eigenes Volk. Diese Behauptung entspricht nur einer Teilwahrheit, da die Rebellen nur einen Teil des Staatsvolkes repräsentieren, bei ihren Aktionen ebenso bewaffnet vorgehen wie die staatliche Armee. Westlichen Medien- und Geheimdienstkreisen geht es darum, Unruhen in Ländern, deren aktuelle Staatsführungen nicht nach der Pfeife von USA und Zionisten tanzen, einseitig als „Schlächter“ an ihrem eigenen Volk vorzuführen, um gegebenenfalls mittels militärischer Intervention einen „Regime Change“ (Staats- und Regierungswechsel) einzuleiten. Allerdings hält sich das westliche Lager im Falle Syriens noch zurück, da dieses Land in Sachen Rohstoffen weniger interessant ist (sinkende Ölförderung, wichtiger sind die Erdölleitungen, die das Land durchqueren). Geostrategische Bedeutung besitzt Syrien allerdings als Anrainer zu Israel, um dessen Sicherheitsinteresse die „Westliche Wertegemeinschaft“ besonders besorgt ist.
Nun wird man selbst in Washington und Jerusalem Zweifel daran haben, ob ein möglicher Systemwechsel in Damaskus in Richtung Islamismus auf Dauer dem Zionistenstaat mehr oder weniger Sicherheit bringt. Schließlich hat sich das Assad-System bislang mit der Abtrennung der Golanhöhen, die Israel 1967 im Sechstagekrieg eroberte, arrangiert – zwar nicht mit dem Gebietsraub abgefunden, aber es finden keine militärische Auseinandersetzungen um das Gebiet statt. Jörg Schönenborn, Moderator des „Presseclubs“ der ARD (vom 07.08.2011) meinte, daß die islamistischen Rebellen in Syrien „keine Demokratiebewegung“ im westlichen Sinne darstellten.
Laut der linken Berliner Tageszeitung „Junge Welt“ ist der militante Konflikt in Syrien durch Waffenschmuggel entstanden, der über die Grenze zum Libanon und über See abgewickelt werde. „Als die syrische Armee nun den Waffenschmuggel stoppen wollte, kam es zu Gefechten.“ („Junge Welt“ vom 21.06.2011) „Bereits seit langem subventionieren die USA syrische Oppositionsgruppen, nach eigenen Angaben mit etwa sechs Millionen Dollar jährlich, um die Unzufriedenheit zu schüren.“ (ebenda)
Die Unzufriedenheit an sich ist freilich nicht von den USA erfunden worden, die liegt vielmehr in bereits vorhandenen religiösen Gegensätzen begründet. So sind etwa 75 Prozent der Bevölkerung sunnitische Muslime. Die Einwohner von Hama, Palmyra und einigen kleineren Städten wie Dschisr asch-Schugur gelten als besonders konservativ. (vgl. den Eintrag im Internet-Lexikon „Wikipedia“ über Syrien) Die Stadt Hama im Süden des Landes, die derzeit von der syrischen Armee belagert wird (Stand 9. August 2011), ist die sunnitisch geprägte Hochburg des Widerstandes gegen den Staatspräsidenten Assad, der selbst den Alawiten (auch Nusairier genannt), einer schiitischen Abspaltungsgruppe, angehört. Schon 1982 kam es in Hama zu einem bewaffneten Aufstand von sunnitischen Islamisten gegen das laizistische System in Damaskus. Der damalige Staatspräsident war Hafiz al-Assad, Vater des heutigen Staatsoberhauptes Bachar al-Assad.
Das syrische System ähnelt in vielem dem nationalsozialistischen bzw. faschistischen Modell, in mancher Hinsicht auch – etwa in den vielen Staatsbetrieben und im Blockparteiensystem mit dem Führungsanspruch der Baath-Partei – der DDR (die Baath-Partei gab es auch bis 2003 im Regime von Saddam Hussein im Irak). In der Ära des Kalten Krieges galt Syrien – neben dem Irak, Libyen und Ägypten – als Bündnispartner der Sowjetunion, während die USA – bis heute als Schutzmacht Israels gelten. Anfang August dieses Jahres beschloß der UN-Sicherheitsrat eine recht ausgewogene Erklärung in Sachen Syrien, in der beide Seiten – Staatsführung und Rebellen – zur Mäßigung in dem Konflikt aufgerufen wurden. Diese Erklärung trägt die Handschrift der sogenannten BRICS-Staatengruppe (Brasilien, Rußland, Indien, China und Südafrika). Somit scheint Rußland wieder in seine alte Rolle als Schutzmacht Syriens zurückzufinden. Möglicherweise zieht man somit auch in Moskau die richtige Konsequenz aus der inkonsequenten Stimmenthaltung im Falle Libyens. Hier hätte Rußland mit einer Nein-Stimme sein Vetorecht einlegen und somit die UN-Aktion zu Fall bringen können. Die USA, Frankreich und Großbritannien hätten dann nur noch in einem Alleingang – ohne UN-Mandat – gegen das Gaddafi-Regime losschlagen können (wie 1999 gegen das Milosevic-Regime Jugoslawiens).
Wie im Irak spielen die USA auch in Syrien die Interessen zwischen ethnischen und Religionsgruppen gegeneinander aus. Laut Teilungsplänen der USA soll der südliche Teil des Landes an Jordanien abgetreten werden. Somit würde Syrien den sogenannten Hauran, die Kornkammer des Landes, verlieren. Der Teilungsplan des US-Geheimdienstes CIA reicht bis ins Jahr 1952. Ziel ist es, die Region „Großsyrien“ in viele kleine, ohnmächtige Nachbarn Israels zu zerstückeln. Dieser Konflikt begann bereits 1920. Die Osmanen mußten sich infolge des verlorenen Ersten Weltkrieges auf das Gebiet der heutigen Türkei zurückziehen. Unter der Leitung des Völkerbundes, dominiert von Frankreich und Großbritannien, begann die Aufteilung der ehemaligen osmanischen Provinz Großsyrien. Aus ihr wurden Palästina und der Libanon im Westen, Jordanien im Süden und im Osten der Irak – neben Syrien. („Junge Welt“, ebenda)
Jürgen Schwab
Bücher von Jürgen Schwab:
Die Manipulation des Völkerrechts. Wie die „Westliche Wertegemeinschaft” mit
Völkermordvorwürfen Imperialismus betreibt. Kyffhäuser Verlag, Mengerskirchen
2011, 14,95 Euro.
Angriff der neuen Linken – Herausforderung für die nationale Rechte. Hohenrain
Verlag, Tübingen 2009, 19,80 Euro.
Die „Westliche Wertegemeinschaft”, Abrechnung, Alternativen. Hohenrain Verlag,
Tübingen 2007, 19,50 Euro.
Volksstaat statt Weltherrschaft. Das Volk – Maß aller Dinge. Hohenrain Verlag,
Tübingen 2002, 9,80 Euro
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lundi, 09 janvier 2012
Syrie : une possible solution politique sous égide russe ?
Syrie : une possible solution politique sous égide russe ?
Voici un très intéressant article sur une possible « solution politique » de la crise syrienne sous égide russe. C’est notre ami et quasi-collaborateur Mohamed qui a assuré la traduction de ce texte signé du journaliste Sami Kleib et paru dans le périodique libanais Assafir. L’article est long, mais vaut la peine d’être lu.
Sami Kleib, en effet, est un homme du sérail en matière d’analyse géopolitique sur le Proche-Orient : un temps figure d’al-Jazeera dont il fut non seulement un journaliste mais un producteur, Kleib a claqué, comme pas mal d’autres, la porte de la chaîne qatarie à l’été 2011, dénonçant sa dérive islamiste et fondamentaliste. Kleib est aussi un collaborateur émérite du quotidien libanais al-Safir, et a été rédacteur en chef du service arabe de Radio France International. Asssafir (ou As Safir) est un quotidien généraliste libanais, fondé en 1974.
Et donc Sami Kleib décortique le fameux projet – ou contre-projet – de résolution russe présenté en décembre. Il montre comment ce texte, dans ses différents articles, constitue une réfutation des thèses et mensonges du bloc occidental sur le dossier syrien, notamment en insistant sur la responsabilité des groupes d’opposition dans la violence. Et en continuant de faire de Bachar al-Assad l’arbitre du calenndrier politique syrien.
On comprend mieux alors, pourquoi ce texte russe a suscité – entre autres- la colère d’un Alain Juppé. Mais Kleib souligne que le Quai d’Orsay s’est quelque peu isolé, par son intransigeance et son rejet, du reste de ses partenaires occidentaux qui, Américains en tête, ont accepté de prendre le texte russe pour une base nouvelle de discussions. Un texte qui pourtant épouse les positions fondamentales du gouvernement syrien, tout en proclamant la nécessité d’un dialogue inter-syrien effectif.
Sami Kleib passe en revue ensuite les divers événements diplomatiques et politiques étant intervenus ces toutes dernières semaines et qui ont modifié l’atmosphère et les rapports de force dans le dossier syrien : et de fait on peut dire que l’unanimité anti-syrienne de la Ligue arabe a fait long feu, les alliés ayant tenu bon, et des « glissements » s’observant dans l’autre camp, peut-être jusque chez les Séoudiens, qui voudraient tenir la bride à l’activisme qatari. Kleib souligne d’ailleurs que la Ligue a dû finalement lâcher du lest sur les conditions d’exercice de sa mission d’observation, acceptant certaines exigences du gouvernement syrien. Un examen de la situation intérieure syrienne, marquée à la fois par la radicalisation et la marginalisation de l’opposition radicale, et une mainmise intacte du régime sur ses forces militaires et policières, ainsi que sur l’administration, complète ce panorama de l’état des forces politiques syriennes au tournant de l’année.
Kleib conclut son long examen des tenants et aboutissants en posant la question essentielle : le régime est-il sauvé ? Il se montre évidemment prudent mais insiste sur le fait que le climat est en train de changer, certains secteurs occidentaux s’inquiétant tout de même d’une montée en puissance des forces islamistes à la faveur des révolutions arabes, et la plupart des parties prenantes à la crise syrienne étant conscientes que l’opposition n’a absolument pas les moyens, militaires et politiques, de renverser le régime. Dès lors, Bachar demeure l’interlocuteur n°1 de la crise. A la condition évidente qu’il continue le mouvement de réforme, un retour au passé n’étant plus possible.
Bref, Sami Kleib fait preuve d’un optimisme mesuré – mais argumenté : ces dernières semaines, un certain nombre de faits sont venus affaiblir les positions et l’unité du front anti-syrien, et ont renforcé d’autant celle du régime. C’est aussi notre sentiment.
La crise syrienne près d’une transaction made in Russia !
Les responsables russes sont à l’aise vis-à-vis de l’action russe au Conseil de Sécurité de l’ONU. Il est presque certain que Moscou, qui a formé un solide rempart, jusqu’à maintenant, contre toute résolution onusienne contre la Syrie, continue sa défense de ce pays, au milieu des importants développements survenus, dernièrement, dans la région, les Russes étant conscients que les choses évoluent vers une transaction politique plus large dans la région, du moment que l’explosion n’est pas possible.
Pourquoi donc les Russes ont-ils présenté un projet au conseil de sécurité?
Tout pousse les autorités syriennes à l’optimisme plutôt qu’à l’inquiétude, car la Russie – qui a eu des contacts de haut niveau avec Damas – détient la présidence tournante du Conseil de Sécurité, et aspire à un règlement historique, qui consisterait, d’une part, à sauver la face de l’Occident et des Arabes, puisque le dossier syrien sera déféré au Conseil de sécurité, mais sera préservé, d’autre part, de toute action internationale contre le régime syrien, alors que les Occidentaux avec certains Etats arabes ont voulu, depuis des mois, ouvrir les portes de la Syrie à une telle intervention.
A la lecture du texte de la résolution, on peut trouver qu’il est plus favorable à l’autorité syrienne qu’aux thèses de l’Occident et de certains Arabes, car « il appelle toutes les parties, en Syrie, à mettre fin à la violence, y compris l’usage disproportionné de la force par les autorités syriennes et condamne les activités des groupes extrémistes, y compris les attaques contre les institutions de l’Etat et les fonctionnaires du maintien de l’ordre ».
Le 2ème article du projet russe signifierait, au cas où le Conseil de sécurité l’approuve, que la plus haute autorité internationale au monde, reconnaît, pour la première fois, l’existence de « groupes extrémistes » qui attaquent l’Etat. C’est un aspect que les Etats occidentaux et la Ligue des pays arabes, aussi, refusent de reconnaître, depuis le début de la crise, et font porter aux autorités syriennes la pleine responsabilité de ce qui se passe.
Le projet de résolution, dans son troisième article, appelle « les autorités syriennes » à punir tous les responsables des actes de violence, et à enquêter, rapidement, de façon indépendante et impartiale, sur « tous les cas de violation des droits de l’homme », c’est-à-dire qu’il restreint à l’Etat syrien la décision de punir, comme il ajoute, dans son troisième alinéa, l’invitation à compléter les enquêtes menées par la commission judiciaire syrienne, « dans tous les incidents dans lesquels ont été tués ou blessés des civils ou des éléments de la sécurité ».
Et, dans son quatrième article, le projet russe va encore plus loin puisqu’il exhorte tous les groupes de l’opposition syrienne de se distancer des extrémistes, et à accepter l’initiative de la Ligue arabe et d’entrer, sans conditions préalables, dans un dialogue politique avec les autorités syriennes ». Et, cette invitation a été réitérée aux membres du « conseil national » syrien, lors de leur visite à Moscou, et on dit même qu’ils ont entendu des propos encore plus durs, surtout quand ils ont dit aux Russes que le régime allait tomber et qu’il n’y avait pas de dialogue possible avec lui.
Par ailleurs, dans une claire référence à la position officielle syrienne, le projet russe exprime « sa grande préoccupation au sujet de la fourniture d’armes illégales aux groupes armés, en Syrie, et appelle les pays voisins et autres, à prendre les dispositions nécessaires pour empêcher ces opérations de fourniture », ce qui indique, pratiquement, que Moscou soutient la position syrienne, selon laquelle les armes entrent avec force à partir des pays voisins, et qu’il y a des « groupes armés et violents » en Syrie.
Et, en appuyant l’initiative de la Ligue arabe pour l’envoi d’observateurs, le projet russe assure, dans son premier alinéa, que la solution passe par « un processus politique global, sous direction syrienne », c’est-à-dire que c’est la direction actuelle, coiffée par Bachar al-Assad, qui va diriger ce processus, et cela est important, vis-à-vis des parties arabes : de fait, la Ligue des pays arabes n’a pas mis le président Bachar al-Assad sur la liste des personnes visées par les sanctions, laissant la porte ouverte pour qu’il conduise, personnellement, le processus du compromis politique et du dialogue.
Mais les Russes sont conscients du caractère délicat de leur position au Conseil de sécurité, et ils savent que leur projet ne peut passer s’ils soutiennent, uniquement, les autorités syriennes ; c’est pourquoi nous trouvons, au paragraphe trois du projet, une « invitation aux autorités syriennes à mettre un terme à l’interdiction du droit à la liberté d’expression, par ceux qui veulent exercer leurs droits »; de même ce texte exhorte les autorités syriennes, dans son deuxième alinéa, à alléger la situation humanitaire dans les zones de crise, et à permettre un accès rapide et sans entraves à l’aide humanitaire internationale dans les zones de crise, ainsi qu’aux aux médias internationaux, et à fournir une pleine coopération avec le bureau du Haut commissariat aux droits de l’homme, et garantir la libération de tous les détenus emprisonnés pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression ».
Quant aux termes du projet russe sur la nécessité « d’accélérer la progression vers le multipartisme politique par l’adoption d’une nouvelle loi électorale et des réformes constitutionnelles » et autres, ce sont ceux-là même que les autorités syriennes, elles-mêmes, ont approuvés dans leur projet de réformes. Et c’est pourquoi il est frappant de constater que le projet russe n’a pas précisé de dates pour la mise en œuvre de ces réformes et a, délibérément, omis d’exercer des pressions sur Damas, dans ce cadre.
Nous pouvons dire que les termes les plus durs, dans le projet de résolution russe, ont trait au rejet de toute intervention internationale. Le quatrième paragraphe affirme, littéralement, « la nécessité de résoudre la crise actuelle, en Syrie, paisiblement, sans aucune intervention militaire de l’étranger, et décide que rien dans la présente résolution ne peut être interprété comme une autorisation à aucune sorte d’intervention militaire en Syrie, (de la part de qui que ce soit) ». Autrement dit, même si le ministère syrien des affaires étrangères avait voulu présenter un projet de résolution équilibré, au conseil de sécurité, ils n’auraient pas fait mieux que ce qu’ont rédigé les russes, au milieu de pressions internationales, arabes et régionales énormes, actuellement, sur Damas.
Que veulent les Russes ?
De ce qui précède, il est clair que l’action russe est préventive : le projet est ancien, et a fait l’objet de consultations avec la Chine ; il est venu pour empêcher de présenter un projet de résolution occidental, surtout que ce texte russe a coïncidé avec un rapport humanitaire dur contre la Syrie, avant la réunion de la Ligue des pays arabes. Les Russes et les Chinois et certains pays amis de Damas sont conscients que le chemin sera épineux, et qu’un vif débat va avoir lieu au Conseil de sécurité avant d’atteindre une formule de compromis, qui va en prendre et en laisser du projet russe et lui ajouter des amendements occidentaux et arabes. Les Russes sont conscients de cela, il y a en face de puissantes nations avec à leur tête Washington, Paris et Londres, qui considèrent que le régime d’al-Assad « est fini », et le président Barack Obama s’est comporté, en fonction de cette analyse, il ne croyait pas, alors, que la Russie allait le défier jusqu’à ce point.
La position russe soutient avec force le régime syrien, et pour preuve, la dure déclaration présentée par le délégué russe, en réponse au rapport du commissariat aux droits de l’homme des Nations-Unies.
Dans cette déclaration, dont le journal Assafir a pu obtenir une copie originale de New York, le délégué russe s’est interrogé sur « la source des informations sur lesquelles s’est fondé le rapport, le commissariat ayant traité les plaintes comme étant des faits, alors qu’elles proviennent des militants eux-mêmes », et il s’est demandé « comment ce commissariat peut vérifier que le militant en ligne, se trouve effectivement à Homs et non pas en Nouvelle Zélande, par exemple », accusant le « rapport de partialité, parce qu’il ne fait pas référence aux actes de violence que commettent les groupes armés, en Syrie ». Le délégué est allé jusqu’à dire : « Nous avons dans notre pays (Russie) des citoyens syriens qui affirment l’inexactitude des informations sur le ciblage des manifestants par les autorités syriennes », soulignant que Moscou était au courant de l’existence de manifestations armées depuis le début des évènements en Syrie, et rappelant l’histoire de la jeune syrienne Zaïneb Al Hosni, que le Haut commissariat, lui-même, a cité comme étant violée et tuée, alors qu’il s’est avéré, deux mois plus tard, que ce n’était pas vrai, et le délégué russe s’est demandé pourquoi la commission n’a pas corrigé ce faux rapport.
Moscou a créé la confusion (chez l’adversaire)
Ces positions russes, – qui font suite à des déclarations de haut niveau – soutiennent Damas, et s’opposent à toute intervention internationale, condamnent l’usage des armes et les gens armés ; elles sont arrivées à leur « zénith » diplomatique par la présentation, par Moscou, de ce fameux projet de résolution au Conseil de Sécurité.
Il est clair que cette action a créé une grande confusion, pas seulement au conseil, mais dans les couloirs de la Ligue arabe, et dans les milieux de l’opposition.
La position américaine semble plus encline à discuter le projet : le ministre de la Défense américain, Leon Panetta, s’exprimant depuis Ankara, a décrit le projet comme étant une « étape importante », alors que les déclarations françaises ont varié entre la suggestion de l’acceptation du principe de la négociation autour du projet, et la tenue de propos stigmatisant le texte russe comme « creux et déséquilibré ». La position française a contredit l’accueil favorable des Européens, puisque Michel Mann, porte-parole du haut représentant pour la politique étrangère et la sécurité de l’Union européenne – Catherine Ashton – a dit que « le projet de résolution russe sur la Syrie est un pas dans le bon sens et que le texte, dans sa forme actuelle, est bon pour la discussion ».
Le secret de la fermeté russe et du recul arabe ?
Il faut s’arrêter sur l’ensemble des développements qu’a connus la région, dernièrement, et qui poussent à croire qu’un « règlement » ou une « transaction » commence à émerger derrière la crise, malgré la manipulation, la violence, l’oppression. Considérons plus particulièrement les éléments suivants :
- Les critiques occidentales sévères des récentes élections en Russie ont suscité un avertissement du Kremlin, dénonçant une atteinte au régime démocratique, et le chef du gouvernement russe, Vladimir Poutine (futur président russe en mars prochain, et ferme soutien de Bachar al-Assad), est allé jusqu’à adresser de sévères reproches aux Etats-Unis, disant notamment que « les gens en ont assez des diktats d’un Etat unique (…) Vous parlez de l’alliance avec les Etats-Unis, nous aussi nous voulons être des alliés avec eux, mais ce que je vois, et ce dont j’ai parlé à Munich, ce n’est pas une relation d’alliance, mais il me semble, parfois, que les Etats-Unis ne veulent pas d’alliés, mais des disciples et des serviteurs ».
- Les promesses européennes et internationales n’ont pas réussi, jusqu’à maintenant à rassurer la Russie sur le bouclier anti-missile. Le ministre russe de la défense Anatoli Serdioukov a averti, vendredi dernier, que le « déploiement du bouclier antimissile américain en Europe va bouleverser l’équilibre des forces stratégiques, et que la Russie va commencer à prendre des mesures pour répondre, après les premiers éléments de défense antimissiles, en Pologne ».
Le premier responsable militaire russe a révélé « des informations qui éclairent le plan des Etats-Unis pour déployer des missiles anti-missiles standard 3 en Pologne ». Il a averti que la Russie pourrait déployer des missiles Escanar sur le territoire de Kaliningrad. Propos importants après toutes les rencontres entre l’OTAN et la Russie.
Ces propos militaires russes « sont répétés par la bouche de la plus haute autorité politique russe, également » : le président Dimitri Medvedev a écrit, dans une correspondance adressée, le 30 novembre dernier, à l’assemblée fédérale russe : « Nous devons faire face dans la prochaine décennie à l’option suivante : soit parvenir à un accord au sujet du bouclier anti-missile et former un mécanisme conjoint de coopération ; soit commencer un nouveau cycle de course aux armements et alors nous aurons à prendre la décision de déployer de nouveaux moyens de frappe, dans le cas de notre incapacité à parvenir à un accord constructif ».
Mais celui qui lit en détail les actes du sommet euro-russe va découvrir une volonté d’arriver à une large transaction qui inclut, aussi, la Syrie. Le porte- parole de l’Union-Européenne a notamment indiqué : « Nous avons évoqué, au sommet, la nécessité d’adresser un message fort et unifié au régime syrien », et il faisait allusion, bien sûr, à la discussion à ce sujet avec les Russes.
De son côté, Medvedev a déclaré que « son pays est prêt à aider l’Europe à faire face à la crise financière qu’elle affronte. Lorsque le monde fait face à des tempêtes et des crises et que les choses en arrivent aux menaces et aux intimidations au sujet d’armements stratégiques, c’est que, souvent, le monde cherche à parvenir à des transactions, et peut-être que la position russe qui défend l’Iran et refuse de discuter des armes nucléaires ou stratégiques sur le territoire iranien, montre la capacité de Moscou à gérer de grandes négociations internationales. Et l’on ne peut s’attendre, dans ce genre de négociations, à ce que la Russie abandonne des alliés stratégiques actuels, tels l’Iran et la Syrie. Or un pays arabe a proposé cinq milliards de dollars à Moscou pour abandonner le régime syrien.
Quid de la Ligue arabe et de la Syrie
Dernièrement, un certain nombre d’initiatives diplomatiques ont montré que les Arabes reviennent sur leurs décisions et leurs diktats vis-à-vis du régime syrien.
Il semble que le Premier ministre qatari, Cheikh Hamad Bin Jaber Al Thani, se sente aujourd’hui, plus que quiconque, dans une position embarrassante. Il a été le premier à utiliser le langage des avertissements, vis-à-vis de Damas, qu’il a accusé d’atermoiements, et a avisé la communauté internationale que l’initiative arabe devait être appliquée, telle quelle, sans changement, et tout de suite. Ce qui est apparu comme impossible à appliquer, tandis que que le régime syrien continuait à gérer sa crise avec beaucoup de confiance en soi, sur la base d’une puissante action sécuritaire et d’un grand soutien russe et iranien.
Rappelons que la région et la Syrie ont connu, dernièrement, les évènements suivants :
- Le retrait américain, presque calme, de l’Irak, ce qui n’aurait pas pu se passer sans une coordination avec les autorités iraniennes, mais aussi, sans un feu vert indirect de la Syrie.
- La visite du ministre de la sécurité iranienne, Heidar Moslehi, à l’Arabie Saoudite et sa rencontre avec le prince héritier et l’homme fort, actuellement, du royaume, le prince Naef ben Abdelaziz, qui a échangé avec Bachar al-Assad des messages positifs ; et l’on dit que l’Arabie Saoudite veut diminuer le rôle du Qatar dans la région.
- La visite du Premier ministre irakien, Nouri Al Maliki, aux Etats-Unis, et ce qui s’en est suivi, puisque le président Al Assad a reçu le conseiller à la sécurité nationale irakienne Falah Al Fayad, en compagnie d’une délégation gouvernementale. Ali Al Moussaoui, le conseiller médiatique d’Al Maliki, a déclaré que « l’initiative irakienne vise à instaurer un dialogue entre le gouvernement syrien et l’opposition ». Et, abstraction faite de l’existence effective ou non d’une initiative irakienne, ce qui est certain c’est que la délégation irakienne a informé les Syriens des résultats des discussions d’Al Maliki à Washington, et les a assurés du soutien de l’Irak à la Syrie, ce qui est en soi une chose très intéressante, qui contredit, dans les faits, les thèses unanimistes de la Ligue arabe. Il faut signaler, dans ce contexte, que M. Moqtada Al Sadr (leader religieux chiite irakien) a qualifié la visite d’Al Maliki à Washington de « trahison envers l’autorité religieuse et les sentiments des musulmans dans les pays de la réticence, de l’opposition et de résistance », et de « faiblesse politique et soumission ». Ce qui peut être interprété comme un avertissement déguisé à Al Maliki pour l’empêcher d’être influencé par la politique américaine dans la région.
- La visite d’Al Maliki aux Etats-Unis et la visite du Vice-Président américain Joe Biden, avant, à Bagdad, ont révélé qu’il n’y avait pas de changement dans la position irakienne vis-à-vis de la Syrie, et pas d’acceptation des demandes nuisibles à l’Iran et à la Syrie, y compris la présence militaire aérienne américaine dans le ciel irakien.
- Le financement du TSL (tribunal spécial pour le Liban), chargé du jugement de l’affaire de l’attentat contre l’ancien Premier ministre libanais défunt, Rafiq Al Harir, avec un accord tacite du Hezbollah et une couverture syrienne et russe. A relier à l’échec de Jeffrey Filtman à remonter le moral des adversaires de la Syrie au Liban.
- L’explosion du convoi des forces internationales (FINUL) opérant dans le sud du Liban, qui a ciblé les militaires français, a été interprété (en France notamment) comme une réponse syrienne au fait que la France est à la tête des pays qui veulent renverser le régime syrien ; ce qui constitue une tentative d’impliquer davantage la Syrie, certains se précipitant pour l’accuser avec Hezbollah, d’être responsable de l’attentat. C’est ce qu’a démenti le Hezbollah, arguments précis à l’appui, et d’ailleurs présentés aux Français.
- Le guide suprême iranien s’est impliqué personnellement dans le dossier syrien, et a pris la décision fondamentale de défendre la Syrie et son régime, à tout prix, coupant court ainsi à certaines hésitations iraniennes, qui considéraient qu’il fallait traiter le dossier syrien de façon ouverte sur toutes les éventualités, y compris la chute du régime.
- L’organisation par la Syrie d’exercices militaires de tirs par missiles, publiques, cette fois, sous appellation de « projet », qui a dans le langage militaire une dimension plus importante et plus vaste que la simple « manœuvre ».
- L’organisation d’élections locales, sans incidents importants, et l’échec de la grève générale à laquelle avait appelé l’opposition.
- L’information donnée par le Hamas aux dirigeants syriens, selon laquelle elle n’a pas l’intention de quitter Damas, et que le départ de familles de certains responsables du Hamas est dû uniquement à l’inquiétude quant à la situation sécuritaire et non à une raison politique. Et l’on dit que c’est Khaled Mechaal, en personne, qui a adressé plus d’un message d’amitié, dernièrement, à Bachar al-Assad ; et certains dirigeants du Hamas ont révélé que de grandes pressions ont été exercées sur eux pour abandonner la Syrie, et même certains membres du Hamas ont informé Damas de la volonté de certains frères musulmans de négocier.
- Le mouvement de la Jordanie orientale et des courants de l’opposition jordanienne contre toute ingérence dans les affaires syriennes, soutenu par la position des militaires et des services de renseignements jordaniens, et le mouvement simultané de certaines parties turques s’opposant à toute intervention et refusant les aventures d’Erdogan, dans le dossier syrien.
Qu’en est-il de la situation en Syrie ?
Les développements précités ont coïncidé avec des événements frappants en relation avec la situation intérieure syrienne, et concernant tant le régime que l’opposition, et en particulier :
- Les progrès enregistrés par des actions militaires importantes à Jabal Zaouia et autour de Homs, et la prédisposition effective pour entrer dans la troisième ville du pays, une fois la décision politique prise ; il est clair que ce qui empêche les forces de sécurité d’intervenir pour ramener la situation à Homs à la normale, ne relève pas uniquement de la forte présence de groupes armés, bien organisés, et pas d’avantage d’un manque de capacités, mais surtout la volonté des autorités syriennes de ne pas heurter les positions arabes et de ne pas embarrasser la Russie aux Nations-unies et au Conseil de sécurité. Des sources sécuritaires indiquent que la solution est possible, une fois que la décision politique sera prise, et on dit qu’un plan militaire, bien ficelé, a été élaboré pour empêcher les groupes et les terroristes de se déplacer dans une autre zone ; la décision d’en finir avec cette situation s’impose, et elle peut être prise à n’importe quel moment, mais les responsables veulent d’abord ménager l’opportunité dégagée par les efforts russes, et aussi faire réussir l’initiative arabe, malgré le peu de conviction qu’a la direction syrienne de son utilité.
- Pour la journée de protestation du vendredi placée par l’opposition sous le thème « La Ligue arabe nous tue » (31 décembre), le nombre de manifestants s’était limité à 36.000 personnes, dont 15.000 à Idleb, et 21.000 dans les différentes régions syriennes, et aucun mort n’a été à déplorer, selon un rapport sécuritaire précis, parvenu à une ambassade arabe à Damas.
- Il s’est avéré lors des rencontres des différentes parties de l’opposition au Caire, que le CNS traite l’Instance de coordination (autre regroupement d’opposants) comme une institution de second rang, ce qui a conduit à l’échec de l’unification dans les rangs de l’opposition, malgré les pressions internationales et arabes appelant à cette unification. Et le militant des droits de l’homme et leader de l’opposition dans l’Instance de coordination, le docteur Haytham al-Manna, aurait exprimé une grande déception quant à ce qui s’est passé.
Tout cela fait que les autorités syriennes se sentent , à nouveau, dans une position de force, mais il y a aussi une tendance évidente des autorités, actuellement, à s’ouvrir davantage sur le dialogue avec certaines parties de l’opposition, et il n’est pas à écarter que le discours officiel syrien ne s’appuie dorénavant sur ces deux piliers, c’est-à-dire la discussion des points essentiels et la volonté d’ouverture et d’accélération du rythme des réformes et des élections.
Un règlement est-il possible ?
Les efforts russes actuels tendent dans ce sens. L’acceptation par la Syrie du plan arabe et la signature du protocole ne découlent pas d’une conviction effective que la Ligue arabe serait capable d’apporter une solution, mais d’une volonté de renforcer la position russe, et celui qui visite Damas, ces jours, entendra des propos durs sur la Ligue et son rôle, mais il entendra, aussi, des informations indiquant qu’au sein de la Ligue, il y a deux courants différents, et que la diplomatie qatarie, qui exerce des pressions fortes sur Damas, sent que les choses vont lui échapper, et c’est ce qui pousse certains responsables syriens à croire que la précipitation de Hamad à tenir une conférence de presse pour renouveler la menace de déférer le dossier syrien au Conseil de Sécurité, était non appropriée, parce que l’échange des correspondances entre le secrétaire général de la ligue arabe, Nabil Al Arabi, et le ministre des affaires étrangères syrien, Walid Al Moallem, était en cours, et que la Ligue a accepté, après un refus antérieur, plus de 70% des amendements syriens sur le projet du protocole. Elle a même accepté la coordination, au sujet des observateurs, avec le gouvernement syrien, et elle a pris en charge la somme d’un million de dollars, frais des observateurs, alors qu’antérieurement, elle avait voulu que Damas assume ces frais, comme elle a accepté que le protocole soit le résultat d’un accord entre les deux parties, et non plus seulement un diktat de la Ligue, l’intitulé du protocole étant « Projet du protocole du centre juridique et des missions de la délégation des observateurs de la Ligue arabe entre la République Syrienne et le Secrétaire Général de la ligue des pays arabes au sujet du suivi des développements de la situation en Syrie ».
Et si nous apprenons que le nombre des observateurs serait limité entre 50 et 70, avec leurs gardes, et que le protocole est pour une durée d’un mois renouvelable, sur accord des deux parties, Ligue arabe et gouvernement syrien, on peut dire que la Ligue a lâché beaucoup de lest, et que cela a été une raison supplémentaire pour la signature du protocole au Caire, et non pas à Doha ou ailleurs, et que les prochaines rencontres auront lieu en Syrie.
Le régime est-il sauvé ?
Il est prématuré d’avancer cette hypothèse, car beaucoup de pays occidentaux, régionaux et arabes, continuent à travailler à renverser le régime et, probablement, ils vont accentuer leur action dans la phase suivante. Mais ce qui est certain, c’est qu’il y a à l’horizon la préparation, sur feu doux, d’une recette qui peut changer l’équation, tout particulièrement si l’année se termine et que les choses restent en leur état actuel, la crise syrienne étant entrée dans son dixième mois, et l’on commence à parler de l’inquiétude américaine, israélienne et occidentale quant à l’extension de l’intégrisme dans les pays qui ont connu des révolutions.
Devant tout cela, et à la lumière de l’entrée de la crise syrienne dans son dixième mois, sans que l’une des deux parties ne soit en mesure de conclure, la Russie, les pays occidentaux et arabes se sont mis à envisager, sérieusement, que la solution unique réside dans un dialogue, sous direction de Bachar Al Assad, qui nécessitera l’élargissement de la base de participation au pouvoir, et qui aboutira à des élections qui feront participer l’opposition au pouvoir et à la prise de décision. Le retour en arrière n’est plus possible, le régime n’a plus les moyens de perdurer dans sa forme actuelle, au milieu des tempêtes des grands changements qui secouent les pays arabes, tandis que l’opposition est incapable de renverser le régime sans intervention internationale, et cette intervention est presque impossible, tant que les Russes continuent à camper sur leurs positions, et alors que le monde est préoccupé par l’extension de l’incendie dans la meule de foin régionale.
Les Russes vont-ils réussir ?
Probablement, mais le chemin est encore long, et peut-être que la signature du protocole de la Ligue arabe est le début effectif d’une discussion politique profonde, mais les hypothèses du succès balancent encore les hypothèses de l’échec, car certains pays ne sont intéressés ni par les réformes, ni par la protection des civils, mais par la chute du pouvoir et le resserrement de l’étau sur l’Iran.
Article rédigé en arabe par Sami Kleib, publié sur les colonnes d’Assafir, en date du 19.12.2011, et traduit en français, pour Infosyrie, en date du 29.12.2011.
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jeudi, 05 janvier 2012
La Syrie et le projet de démembrement du monde arabe
La Syrie et le projet de démembrement du monde arabe |
http://www.lnr-dz.com/pdf/journal/journal_du_2011-12-31/lnr.pdf
Pour vous la campagne anti-Bachar est un complot. Qui sont les instigateurs de ce complot et à quel dessein ?
Le complot vise la Syrie, Bachar al-Assad se trouve en être le président. L’ordre instauré par les grandes puissances après la Première guerre mondiale est en fin de course. L’élan nationaliste qui a tenu la dragée haute aux Occidentaux est épuisé, faute d’avoir pu évoluer. Les peuples arabes se révoltent contre la corruption, l’arrogance et les compromissions de leurs dirigeants. L’influence grandissante de l’Iran, allié de la Syrie, gêne les plans géostratégiques de l’Otan. L’Occident tente de reprendre en main la situation.
La déstabilisation de la Syrie, comme celle de l’Irak, fait partie du projet de démembrement du monde arabe sur des bases ethniques, tribales ou confessionnelles. Les contre-mesures adoptées pour détourner les « Printemps arabes » de leurs objectifs semblent inspirées du plan Yinon de 1982, du nom d’un fonctionnaire du ministère israélien des Affaires étrangères qui préconisait la création de mini-Etats antagonistes partout dans le monde arabe. En Syrie, il s’agirait, au mieux, de reconstituer la fédération d’Etats confessionnels créée par le général Gouraud en 1920, du temps du mandat français, c'est-à-dire : un Etat d’Alep, un Etat de Damas, un Etat alaouite et un Etat druze. A l’époque, ce fut un échec. Rien ne dit que les occidentaux parviendront cette fois à leurs fins. En Libye, par exemple, le colonel Kadhafi a été renversé, mais la situation est loin d’être stabilisée, la donne peut changer. Le « chaos constructif et maîtrisé », prôné par les néo-conservateurs américains, sous George W. Bush, risque fort d’aboutir au chaos tout court. Cela, les multinationales n’en ont cure, le principal étant pour elles de contrôler les champs pétroliers… et qu’Israël survive en tant qu’Etat juif.
Parmi cette opposition, il faut compter également les Frères Musulmans; n’est-il pas à craindre une guerre civile si demain le régime de Bachar venait à chuter ?
La guerre civile, c’est le scénario du pire. La Syrie l’évitera si un dialogue franc et décomplexé s’instaure entre les Frères Musulmans et les baasistes, s’il aboutit à des élections réellement démocratiques, ouvertes à tous les courants politiques représentatifs. Bachar al-Assad y est favorable, mais il a trop tardé à le proposer. Les Frères Musulmans, incontournables, le refusent pour l’instant. Comme toujours, la confrérie mise sur les anglo-saxons pour accéder au pouvoir, une politique opportuniste à courte vue qui lui fait négliger les réalités du terrain, les arrières pensées de l’Otan et de la France, l’ancienne puissance coloniale.
Dans le cas syrien la situation semble plus complexe qu’on le croit notamment avec plusieurs acteurs dont les intérêts géostratégiques diffèrent. D’un côté, Washington, OTAN, Israël, les monarchies arabes sunnites et la Turquie ; et de l’autre, l’axe Téhéran-Damas comprenant le Hezbollah, le Hamas, soutenu par la Chine et la Russie. Une guerre contre la Syrie ne risquerait-elle pas de déborder et de provoquer un embrasement généralisé de la situation au Proche-Orient, dont les conséquences seraient incalculables.
Fin octobre dernier, le président Bachar al-Assad a déclaré au Sunday Telegraph qui si le but des Occidentaux est de diviser la Syrie, il embraserait toute la région, qu’il y aurait des dizaines d’Afghanistan. Mais, cela ne fera pas reculer les faucons de l’Otan car, au-delà de la campagne contre la Syrie, se profile un conflit de grande ampleur, aux conséquences imprévisibles, avec l’Iran des mollahs…
« Arc chiite » contre « Croissant sunnite » ?
Vous pensez, comme certains, que frapper la Syrie sous couverture « humanitaire » vise à « cacher en fait une opération complexe anti-chiite et anti-Iran »…
Le nombre des victimes civiles annoncé par l’ONU, qui donne une couverture « humanitaire » à l’opération contre la Syrie, n’a jamais été corroboré. Pour l’Otan et Israël, le renversement du régime de Damas, la liquidation du Hezbollah libanais et du Hamas palestinien, ne sont que des étapes. Les Américains et les Français ont demandé à plusieurs reprises à Bachar al-Assad de prendre ses distances avec son allié iranien. Il a refusé, se doutant que son tour viendrait ensuite et qu’à ce moment là, il serait seul face à la machine de guerre occidentale.
Les camps antagonistes font le compte de leurs partisans. A Bagdad, par exemple, la crise traversée par la Syrie a fait naître des clivages contre-nature. Les sunnites pro-américains, Al-Qaïda au Pays des deux fleuves et le conseil de la région d’Al-Anbar soutiennent le CNS (Conseil national syrien), tandis que le régime de Nouri al-Maliki, Moqtada al-Sadr et, dans une certaine mesure, la résistance baasiste réfugiée à Damas, sont du côté de Bachar al-Assad. Nouri al-Maliki s’est débarrassé du vice-président de la République Tarek al-Hashemi, pro-américain et ancien chef du parti islamique issu du mouvement des Frères Musulmans, en l’accusant, sans preuve, de diriger un escadron de la mort et d’avoir voulu l’assassiner. Hashemi s’est réfugié au Kurdistan – sunnite - et la Turquie « néo-ottomane » lui accordera l’asile, s’il le demande. A toute fin utile, si la situation à Bagdad se détériore encore plus, 50 000 GI’s, basés dans cette perspective au Koweït, sont prêts à intervenir à nouveau en Irak.
Face à l’ « arc chiite » pro-iranien - l’expression est du roi Abdallah II de Jordanie – les occidentaux veulent opposer un « croissant sunnite » réunissant les émirs du Golfe, les rois d’Arabie et de Jordanie, et les partis politico-religieux qui leur sont plus ou moins favorables, ne serait-ce que par opportunisme, comme les Frères Musulmans.
A Moscou, le 18 novembre dernier, Vladimir Poutine a dit clairement à François Fillon qu’en Syrie la France ferait mieux « de s’occuper de ses oignons ». Aussi, la flotte russe se dirige vers Tartous. On a le sentiment que cela a valeur de message aux Occidentaux. Qu’en pensez-vous ?
Vladimir Poutine a qualifié la guerre de Libye de « croisade », mais je m’étonne que la Russie se soit laissée berner en votant la résolution 1973 permettant à la France et à l’Otan d’intervenir et de renverser le colonel Kadhafi. Le porte-avion Maréchal Kouznetsov vogue vers Tartous avec une escadre importante. Le message est clair, mais je crains qu’il ne soit pas suffisamment dissuasif pour empêcher les Occidentaux d’effectuer, le moment venu, des « tirs ciblés » en Syrie et au Liban.
La réponse de Barack Obama a été toute aussi claire. Les Etats-Unis se sont fait le porte-voix des blogueurs russes et des ONG qu’ils financent et qui dénoncent des fraudes présumées lors des dernières élections législatives. L’ancien président Mikhaïl Gorbatchev, soutenu par des oligarques réfugiés en Grande-Bretagne, est monté au créneau pour réclamer de nouvelles élections. Hillary Clinton lui a emboîté le pas. Des manifestations anti-Poutine ont été organisées et Gorbatchev est revenu à la charge pour « conseiller » à Poutine de démissionner. Tous les ingrédients utilisés par le milliardaire George Soros, spécialiste des « révolutions oranges », ont été réunis. Des « centaines de millions de dollars de fonds étrangers » auraient d’abord circulé en Russie, selon Vladimir Poutine, pour influencer le scrutin. Les fonds finançant les ONG russes pro-occidentales ont, dit-on, transité par le NDI (National Democracy Institute) que préside l’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Albright, une organisation que l’on retrouve derrière les blogueurs des « Printemps arabes ». Se débarrasser de Poutine, ou le déconsidérer, est crucial pour éviter les veto russes au Conseil de sécurité lorsqu’il sera question d’intervenir militairement en Syrie ou en Iran.
On en est là, mais quand on sait que le président Dmitri Medvedev a décidé de déployer de nouvelles armes pour répondre à l’Otan qui va construire un bouclier anti-missiles aux frontières de la Russie, sous prétexte de protéger l’Europe de tirs provenant d’Iran, on est en droit de s’inquiéter. Il suffirait d’un rien pour déclencher l’apocalypse.
Qatar, dictature obscurantiste
A travers son engagement en Libye et son influence au sein de la Ligue arabe pour sanctionner la Syrie, à quoi joue d’après-vous le Qatar ? Chercherait-il un rôle de leadership arabe ou ne serait-il qu’un simple vassal au service de Washington et de Paris?
Les Al-Thani qui dirigent le Qatar sont des vassaux des Etats-Unis, comme ils l’étaient hier de Londres ou, au 19ème siècle, du gouvernement des Indes britanniques via le Bahreïn dont ils dépendaient. Les réserves financières inépuisables de leur micro-Etat de 11 437 km², l’ombrelle protectrice de la base militaire US d’Al-Eideïd, la plus grande du Proche-Orient et d’une petite base navale française, leur sont monté à la tête.
Ce pays montré en exemple aux militants des « Printemps arabes » n’a rien de démocratique : les partis politiques y sont interdits, les membres du Majlis al-Shoura sont désignés par le pouvoir et n’ont qu’un rôle consultatif, les travailleurs étrangers - 80% de la population de l’émirat - n’ont aucun droit, l’information est bâillonnée. C’est une dictature obscurantiste. Seuls 200 000 nantis profitent, en rentiers à vie, des revenus pétroliers et gaziers. La chaîne Al-Jazeera, devenue un organe de propagande de l’Otan, n’a pas le droit de couvrir l’actualité locale. On ne saura rien sur la tentative de coup d’Etat monté fin février 2011 par des officiers qataris, soutenus par des membres de la famille régnante, qui mettaient en cause la légitimité de l’émir et l’accusaient d’entretenir des relations avec Israël et de créer la discorde entre pays arabes pour le compte des Etats-Unis. Aujourd’hui, l’émir Hamad bin Khalifa Al-Thani et cheikha Mozah, sa seconde épouse, se croient tout permis. Plus dure sera leur chute…
« Il faut accorder à Bachar al-Assad au moins le bénéfice du doute »
Quelle est votre vision personnelle de l’avenir de la Syrie ? Quelle(s) solution(s) possible (s) pour dénouer cette crise ?
La Syrie devrait recouvrer les territoires dont elle a été dépecée par les accords secrets Sykes-Picot de 1916, puis par la France, notamment la province d’Alexandrette. Je regrette que Damas se soit laissé embarquer dans des négociations sans fin avec Israël à propos des territoires syriens occupés. Il y a quelques jours, une manifestation d’opposants druzes syriens a eu lieu à Magdal Shams, gros bourg du Golan. Ils brandissaient l’ancien drapeau syrien, conspuaient Bachar al-Assad, l’accusant de tuer des manifestants syriens alors qu’aucune balle n’a été tirée, depuis 1973, en direction des colons sionistes. Nul doute que ce genre de slogan démagogique atteint son but dans les milieux nationalistes arabes.
L’avenir de la Syrie ne devrait appartenir qu’aux Syriens. Le président al-Assad a engagé le pays sur la voie des réformes. La question de savoir pourquoi il ne l’a pas fait plus tôt est dépassée. Pour dénouer la crise, il faut lui faire confiance, lui accorder au moins le bénéfice du doute. En août, il a autorisé, par décret, le multipartisme. L’article 8 de la Constitution qui faisait du parti Baas le parti dirigeant a été abrogé. Une nouvelle constitution sera proposée en février. C’est plus que ne réclamaient ses opposants en mars dernier, avant que l’Otan, enivrée par son expérience libyenne, les incitent à adopter des positions jusqu’au-boutistes. J’espère qu’au final les Frères Musulmans s’intègreront, comme en Egypte, dans le jeu démocratique. Sinon, la Syrie s’épuisera dans des combats sanglants, pires que ceux des guerres civiles au Liban.
Vers une 3ème guerre mondiale ?
D’après-vous, quelle serait la responsabilité de l’ONU dans les crimes qu’elle est en train de légaliser, notamment avec l’incongruité de son Conseil de sécurité, le principe des deux poids deux mesures appliqué par les cinq membres permanents et qui sert les intérêts d’une minorité, etc. ?
L’ONU a été créée pour servir les intérêts des vainqueurs de la Seconde guerre mondiale. Aucun membre de l’ONU ne devrait être au-dessus des lois et des conventions internationales, comme c’est le cas des Etats-Unis. Le secrétaire général de l’ONU et les officiers des missions dites de paix qui en dépendent, non plus. En avril dernier, la présidente brésilienne Dilma Roussef a déclaré que le temps des « politiques impériales », des « affirmations catégoriques » et des « sempiternelles réponses guerrières » n’étaient plus acceptables, qu’il fallait réformer l’ONU. Elargir le Conseil de sécurité aux grands pays émergents : Inde, Brésil, Afrique du Sud est nécessaire, mais pas suffisant. La réforme du droit de veto est primordiale ; mais on n’en prend pas le chemin. Estimant l’entreprise trop risquée, certains membres du Council on Foreign Relations, think tank américain qui a contribué au remplacement de la SDN (Société des Nations) par l’ONU, voudrait réduire l’organisation internationale à un « endroit pour faire des discours ». La gouvernance mondiale reviendrait au G20. Trop d’intérêts sont en jeu, il faudra peut-être, malheureusement, attendre une 3ème guerre mondiale pour que naisse une organisation plus représentative.
Certains considèrent que l’Occident est malade économiquement et politiquement, d’où cette politique de la canonnière au jour le jour. Qu’en pensez-vous ?
La politique de la canonnière – ou du porte-avion - est de retour, comme au 19ème siècle au service des intérêts économiques et géostratégiques occidentaux. L’Irak, la Yougoslavie, l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire, la Libye et bientôt, peut-être, la Syrie et l’Iran en ont été, sont ou seront les victimes. Je ne suis pas le seul à penser que pour enrayer leur déclin économique et politique, les Etats-Unis et leurs alliés s’en prendront à la Fédération de Russie et à la Chine.
Le plan actuel d’encerclement et de déstabilisation de ces deux pays en est le signe avant-coureur. Dans un discours prononcé à Camberra en novembre dernier, Barack Obama a déclaré que la région Asie-Pacifique est désormais une «priorité absolue» de la politique de sécurité américaine. Il a annoncé que 2 500 Marines seront basés à Darwin, en Australie, déclenchant des protestations de la Chine. Une guerre, inévitablement thermonucléaire, est à craindre à moyen terme. Si elle n’est pas évitée, une grande partie de l’espèce humaine et de l’écosystème de la planète disparaîtra.
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Gilles Munier?
A Alger où il résidait, Gilles Munier a milité dès 1964 dans des associations françaises de solidarité avec le monde arabe et de soutien à la lutte du peuple palestinien. Son père, favorable à l’indépendance de l’Algérie, avait rejoint, symboliquement, le colonel Amirouche au maquis. Arrêté à son retour, il a été plus tard interdit de séjour dans les départements algériens.
Depuis 1986, Gilles Munier est secrétaire général des Amitiés franco- irakiennes. A ce titre, il a milité contre l’embargo et rencontré le président Saddam Hussein à plusieurs reprises. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Les espions de l’or noir, collabore au magazine Afrique Asie, et analyse la situation au Proche-Orient sur le blog France-Irak- Actualite.com .
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lundi, 02 janvier 2012
Qui fut le Baron Max von Oppenheim?
Qui fut le Baron Max von Oppenheim?
Orientaliste, arabisant, archéologue et diplomate, il fut l’artisan d’une politique allemande au Proche Orient pendant la première guerre mondiale
La famille von Oppenheim est aujourd’hui sous les feux de la rampe: sa banque est accusée par les juges de Cologne de faillite frauduleuse, de malversations immobilières, suites logiques de la faillite de la société commerciale Arcandor (Karstadt/Quelle) en 2009. La société bancaire “Sal. Oppenheim”, ébranlée par la crise immobilière de l’automne 2008, est devenue insolvable et a été reprise par la Deutsche Bank. Ainsi s’est terminée l’histoire d’une famille de banquiers allemands qui a duré 220 ans. Elle avait été fondée en 1789 par un garçon de 17 ans, Salomon Oppenheim junior.
D’une toute autre trempe que les lamentables banquiers de la famille en ce début de 21ème siècle, était le Baron Max von Oppenheim, diplomate, orientaliste et archéologue. Né le 15 juillet 1860 dans la famille d’Albert von Oppenheim, un banquier converti au catholicisme en 1858, le jeune Max a toujours refusé le plan de vie que lui suggérait son père: faire des affaires et devenir banquier à son tour. Dès 1879, il étudie les sciences juridiques à l’Université de Strasbourg et obtient son titre de docteur en droit à Göttingen en 1883. En 1891, il réussit les examens d’”assesseur” à Cologne. L’année suivante, il s’installe au Caire, muni d’une bonne bourse offerte par son père. Max entend apprendre la langue arabe. En Egypte, depuis l’occupation du pays par les Britanniques en 1882, c’est le Consul Général anglais qui gouverne le pays de facto.
Max von Oppenheim entendait vivre en Egypte comme “un simple Mahométan, afin de parfaire sa connaissance de l’arabe et d’étudier l’esprit de la religion islamique, ainsi que les moeurs et les coutumes des indigènes”. Il entreprit pendant son séjour égyptien plusieurs voyages d’étude en Afrique orientale et au Proche Orient. En tant qu’archéologue, il découvrit en 1899 la colline de Tell Halaf, habitée dès la protohistoire et située sur le territoire de la Syrie actuelle; il géra ensuite les fouilles sur le site de la ville araméenne de Gouzana, vieille de 3000 ans, entre 1910 et 1913 puis entre 1927 et 1929. Sa réputation d’archéologue de premier plan était faite.
En 1896, Max von Oppenheim devient l’un des collaborateurs du Consul Général d’Allemagne au Caire. En 1900, il monte en grade: il est conseiller auprès de la légation et, jusqu’en 1910, assume le poste de ministre résident. A partir de septembre 1914, il organise et dirige à Berlin un bureau de traduction, qui, après avoir perçu des subsides de l’état-major général, devient l’“Office des renseignements pour l’Orient” (NfO ou “Nachrichtenstelle für den Orient”). Le motif qui a poussé l’état-major à financer et à annexer officieusement ce bureau de traduction était la nécessité de connaître l’importance stratégique de la Turquie pour le Reich allemand. Rappellons que la première mission militaire allemande a été envoyée en 1882 et que la construction du fameux chemin de fer vers Bagdad a commencé en 1903. Il convenait également de saisir les intérêts économiques d’une alliance avec l’Empire ottoman: la Deutsche Bank et Siemens avaient fondé en 1899 la “Société des chemins de fer anatoliens”; Krupp était le principal fournisseur d’armements à la Turquie. Enfin, il s’agissait aussi, dès les prémisses annonciatrices de la Grande Guerre, de contrer les campagnes de presse orchestrées contre l’Allemagne par les Anglais et les Français.
Lorsque l’Empereur Guillaume II, en automne 1898, tint quelques propos de table à Damas à l’adresse du Sultan ottoman Abdülhamid II et des 300 millions de musulmans du monde pour dire “que pour le reste des temps, l’Empereur d’Allemagne sera leur ami”, il s’inspirait directement de Max von Oppenheim. Celui-ci avait constaté au début du voyage de l’Empereur: “Plus que jamais, le Sultan est considéré aujourd’hui, dans tout le monde musulman, comme le plus puissant des princes mahométans et le souverain et le protecteur des lieux saints. Pour une grande puissance qui le considèrerait comme ennemi, il peut apparaître comme un adversaire peu dangereux mais serait au contraire un allié précieux dans une lutte contre tout Etat qui aurait de nombreux sujets musulmans”.
En effet, peu après l’entrée de la Turquie dans la Grande Guerre aux côtés de l’Allemagne, en novembre 1914, le Sultan Mohammed V proclame la Djihad. Mais cette proclamation n’a pas les effets souhaités dans le déroulement de la guerre, car les puissances de l’Entente, surtout les Anglais, parviennent, par l’action de leur agent T. E. Lawrence (dit “Lawrence d’Arabie”), à soulever les Arabes contre les Ottomans.
Le bureau NfO, qui ne dépendait pas du gouvernement allemand, mais travaillait étroitement avec le ministère des affaires étrangères, disposait d’un département de presse qui produisait et diffusait pamphlets et tracts, publiait un journal pour les prisonniers musulmans, un organe de dépêches et une revue intitulée “Der Neue Orient” (= “Le Nouvel Orient”). Cette revue recevait partiellement le soutien du ministère des affaires étrangères mais était largement financée par la fortune privée de Max von Oppenheim: c’est ainsi que furent édités plusieurs écrits comme “Indien unter britischer Faust” (= “L’Inde sous la férule britannique”), “Russische Greueltaten” (= “Atrocités russes”), “Englische Dokumente zur Erdrosselung Persiens” (= “Documents anglais sur l’étranglement de la Perse”), de même qu’une chronique illustrée sur le déroulement de la guerre (“Illustrierte Kriegschronik”), en langues arabe, perse, turque, ourdoue et tatar, selon le théâtre d’opération où elle était diffusée.
Après la mise sur pied de la NfO en 1915, Max von Oppenheim fut envoyé à Constantinople pour y créer une nouvelle organisation, qui devait travailler étroitement avec le ministère des affaires étrangères et le NfO. Dejà dans son memorandum de 1914 et dans un écrit sur le travail de propagande à effectuer en Orient au départ de l’ambassade allemande à Constantinople, Oppenheim déclarait: “La propagande turque doit être centralisée à Constantinople tout en étant téléguidée et soutenue par les Allemands mais cela doit être fait de telle manière que les Turcs puissent croire qu’ils ont à leurs côtés des conseillers amicaux et qu’ils sont en fait les seuls et vrais auteurs et diffuseurs de cette propagande”.
Ainsi, sur tout le territoire de l’Empire ottoman, 75 officinesd’information seront installées, entre le début des activités de von Oppenheim en 1915 et l’automne de 1916. Sur les murs de ces bureaux, on pouvait voir des portraits du Sultan, de ministres et de généraux turcs mais aussi des empereurs d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie et de généraux allemands. Les visiteurs pouvaient utiliser des pupitres de lecture pour y lire les dépêches du jour, les communiqués militaires et les brochures d’information et de propagande qui apportaient la contradiction à la presse de Turquie et du Levant, généralement dominée par les bureaux français. Les activités de la NfO et l’organisation des officines de propagande étaient gérées sur un mode professionnel et visait à donner une image favorable de l’Allemagne sur le long terme dans tout l’Orient: cette image s’est bien ancrée dans cette région du monde, n’a certes eu aucune influence concrète sur le déroulement des hostilités proprement dites pendant la Grande Guerre mais, en dépit de la défaite des puissances centrales, l’image de l’Allemagne bénéficie toujours là-bas d’une aura positive. C’est indubitablement un résultat tangible des activités de von Oppenheim.
Max von Oppenheim était un idéaliste mais aussi un homme d’esprit pétri de culture politique. Pendant la seconde guerre mondiale, il a résidé à Berlin jusqu’en 1943, avant de s’installer à Dresde. Il est décédé le 15 novembre 1946 des suites d’une pneumonie. Ce “demi-juif”, selon le jargon du Troisième Reich, s’était adressé le 25 juillet 1940 au ministère des affaires étrangères de son pays, en lui adressant un mémorandum. Envoyé au sous-secrétaire d’Etat Theo Habicht, ce mémorandum contenait les grandes lignes d’un projet germano-arabe. A propos de ce projet, l’arabisant et historien du Proche Orient G. Schwanitz écrit: “Max von Oppenheim n’a certes donné aucun titre à son mémorandum mais, s’il fallait en choisir un de pertinent, nous pourrions écrire ‘Révolutionner les territoires musulmans de nos ennemis’”. Deux jours plus tard, le 27 juillet 1940, le sous-secrétaire d’Etat Habicht répond au baron von Oppenheim et lui dit que “les questions soulevées dans son mémorandum sont d’ores et déjà traitées en long et en large par le ministère”.
Ce que visait von Oppenheim en 1940 est entièrement résumé dans l’introduction à son mémorandum: “Comme directeur des informations pour l’Orient auprès du ministère des affaires étrangères et, plus tard, auprès de notre ambassade à Constantinople pendant la Grande Guerre, je me permets, à l’heure où la guerre contre l’Angleterre entre dans sa phase décisive, de proposer ce qui suit: le moment est venu pour nous d’oeuvrer avec énergie contre l’Angleterre au Proche Orient. Deux tâches m’apparaissent urgentes: 1) Fournir à Berlin des informations directes et fiables venues du Proche Orient; 2) Il convient de révolutionner d’abord la Syrie contre les projets d’occupation des Anglais, ensuite de pratiquer la même politique dans les régions arabes voisines comme l’Irak, la Transjordanie, la Palestine et l’Arabie Saoudite. L’objectif serait de clouer là-bas un maximum de forces britanniques, de géner l’exportation de pétrole et, ainsi, d’handicaper sérieusement l’approvisionnement des flottes commerciales et militaires de la Grande-Bretagne, de paralyser le trafic maritime sur le Canal de Suez et de le bloquer pour les Anglais et, finalement, d’anéantir la domination britannique sur le Proche Orient”.
(article anonyme paru dans DNZ, Munich, n°51/2011).
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La Syrie est depuis longtemps dans le collimateur des faucons néo-conservateurs
Bernhard TOMASCHITZ:
La Syrie est depuis longtemps dans le collimateur des faucons néo-conservateurs
L’objectif est d’éliminer un ennemi d’Israël!
Le dirigeant de la Syrie, Bachar El-Assad, est mis sous pression. La Ligue Arabe a imposé des sanctions à son régime et les Nations Unies, à leur tour, entrent dans la danse. Le pays serait “au bord de la guerre civile” et la Haute Commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, Navy Pillay, exhorte la communauté internationale à prendre “des mesures effectives pour la protection du peuple syrien”. Comme si tout ce pandémonium n’était pas encore suffisant, on apprend qu’une “Armée syrienne libre”, soit une troupe de rebelles composée pour l’essentiel de déserteurs, attaque de plus en plus souvent des bâtiments abritant des institutions de l’Etat syrien afin de déstabiliser le régime d’El-Assad puis de le renverser.
Que cette “Armée syrienne libre” (ASL) soit réellement composée d’anciens soldats des forces régulières, qui auraient changé de bord, est une affirmation plus que douteuse. Plusieurs agences de presse arabes sur internet signalent que cette “ASL”, qui prétend aligner 20.000 hommes, aurait reçu le renfort de 600 “volontaires libyens”. Si la teneur de ces dépêches s’avérait exacte, la lutte qui se déroule aujourd’hui en Syrie prendrait une toute autre dimension. En effet, on sait déjà que bon nombre de “rebelles libyens” ont été militairement formés en Afghanistan et ont des liens avec Al Qaeda et d’autres organisations islamistes. C’est par la Turquie que ces “Libyens” ont été infiltrés en Syrie. Cela paraît d’autant plus préoccupant pour nous, Européens de l’Ouest et du Centre de notre sous-continent, que la Turquie est membre, comme nous, de l’OTAN. Or elle fournit des armes aux insurgés syriens depuis longtemps et, par la force des choses, nous implique dans le conflit civil syrien.
Qui plus est, il y a, via la Turquie, un lien entre les rebelles et Israël, Etat qui travaille à l’effondrement du régime d’El-Assad depuis de longues années. Dans le contexte qui nous préoccupe aujourd’hui, il est intéressant de rappeler l’existence d’un rapport rédigé en 1996 par un groupe d’études placé sous la double houlette du faucon néo-conservateur Richard Perle (surnommé le “Prince des Ténèbres”) et du Premier ministre israélien de l’époque, Benjamin Netanyahou. Ce rapport était intitulé “Une nouvelle stratégie pour sauvegarder la sécurité de l’Empire (en anglais: “Realm”)”. Le concept de “Realm” doit se comprendre ici comme synonyme de “domination”, soit la domination américano-israélienne dans la région. Le rapport Perle/Netanyahou explique qu’il ne croit plus à une “paix générale”, concrétisée par “un coup de force décisif” mais évoque la possibilité de prendre toutes sortes de mesures pour affaiblir la Syrie, pays auquel on reproche une belle quantité de manquements. Ainsi, Damas serait impliqué dans le trafic international des stupéfiants, tenterait également de prendre le Liban tout entier sous sa coupe, soutiendrait, conjointement avec l’Iran, des organisations islamistes comme le Hizbollah, ce qui aurait pour corollaire que la Syrie “défierait l’Etat sioniste sur le sol libanais”.
Richard Perle, qui était un des conseillers du Président américain George W. Bush et l’un des principaux architectes de la guerre d’agression contre l’Irak (guerre qui bafouait le droit des gens), propose la stratégie suivante: Israël pourrait “modeler son environnement stratégique en coopérant avec la Turquie et la Jordanie en affaiblissant, en endiguant et même en repoussant les Syriens”. Etape importante dans la réalisation de ce projet: “éliminer Saddam Hussein du pouvoir en Irak”, ce qui fut fait en 2003 sous le prétexte de “diffuser la démocratie dans le monde”. Une fois Saddam éliminé, les ambitions syriennes de devenir une sorte de petite puissance régionale allaient être torpillées. Nos deux auteurs mentionnent expressis verbis la Jordanie comme partenaire: en effet, ce royaume hachémite a signé un traité de paix avec Israël; ce qui explique sans doute que le royaume, dont le régime est fort éloigné du modèle démocratique à l’américaine, a connu la paix jusqu’ici.
L’attitude très rigide contre la Syrie s’explique aussi par le fait que les Israéliens souhaitent annexer définitivement les hauteurs du Golan, occupées depuis 1967. Car, vu la nature du régime de Damas, il est “naturel et aussi moral” qu’Israël rejette toute solution équivalant à une “paix générale” et préfère “endiguer” la Syrie, se plaindre de son armement et de son programme d’acquisition d’armes de destruction massive, que négocier sur la base dite de la “terre pour la paix”, en ce qui concerne les hauteurs du Golan.
Ce projet Perle/Netanyahou de 1996 n’est pas le seul plan imaginé pour bouleverser la région: le fameux plan Yinon de 1982 vise également l’affaiblissement de tous les Etats musulmans de la région. Oded Yinon, haut fonctionnaire attaché au ministère israélien des affaires étrangères, propose, dans son mémorandum, une balkanisation de la région qui serait entièrement remodelée et où ne subsisteraient plus que des Etats arabes petits et moyens, afin qu’Israël puisse conserver sa prépondérance stratégique sur le long terme.
Au nom du “retour à l’initiative stratégique” et pour donner à Israël une marge de manoeuvre afin que l’Etat hébreu puisse “mobiliser toutes ses énergies pour reconstruire le sionisme”, les faucons israéliens insistent pour que les Etats récalcitrants de la région, comme l’Irak en 2003 et la Syrie aujourd’hui, soient “ramenés à la raison”.
Comme Tel Aviv ne peut atteindre cet objectif seul, ou ne pourrait l’atteindre que très difficilement, les Etats-Unis et aussi, dans un deuxième temps, l’Europe, doivent être sollicités et entraînés dans la danse. Et finalement, ne trouve-t-on pas dans le rapport Perle/Netanyahou l’éternelle évocation des “valeurs communes” de l’Occident que partagerait, avec l’Europe et l’Amérique, la “seule démocratie” du Proche Orient.
Bernhard TOMASCHITZ.
(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°49/2011, http://www.zurzeit.at/ ).
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