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samedi, 20 septembre 2014

Traité transatlantique: un résumé magistral et une description sans fards de ce monstre économique

 

Traité transatlantique: un résumé magistral et une description sans fards de ce monstre économique à l’affût

Auteur : Frédéric Viale
 
On ne peut pas nier que cela n’existe pas, que cela ne se déroule pas, que c’est une théorie du complot! Pour ceux qui se poseraient encore des questions, seule une recherche sur le blog (comme ailleurs…) qui a multiplié les sujets sur les accords de libre-échange, dont celui-ci. Non seulement nos politiques refusent de nous en parler pour mieux nous l’imposer, mais les médias eux non plus ne sont pas très loquaces sur le sujet. Ces accords, nous allons les subir, et au prix fort, en y laissant nombre de libertés, notre santé, notre argent, et bien plus encore!

Le 14 juin 2013, le Commissaire européen chargé du commerce recevait du Conseil des ministres européen le mandat de négocier avec les États-Unis un traité de commerce dont l’appellation officielle marque l’ambition : Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI, en anglais TTIP). Le traité est plus connu sous le sigle TAFTA (Transatlantic Free Trade Area, Traité de libre-échange transatlantique), généralement utilisé par le mouvement social, qui le nomme également « Grand marché transatlantique ».

Un large mandat

D’emblée, l’objectif est posé par le point 3 du mandat : « L’accord prévoit la libéralisation réciproque du commerce des biens et services ainsi que des règles sur les questions liées au commerce, avec un haut niveau d’ambition d’aller au-delà des engagements actuels de l’OMC. » Il s’agit de négocier ce qu’on appelle dans le jargon un accord « OMC plus », c’est-à-dire un accord prenant pour base les principes qui se trouvent dans les accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour aller plus loin et plus profondément dans la libéralisation du commerce.

Le mot « libéralisation » désigne, depuis presque vingt ans que l’OMC a été mise en place (janvier 1995), la mise en concurrence de tous les opérateurs de commerce internationaux. Cette mise en concurrence passe par la possibilité pour les entreprises d’avoir « accès aux marchés » (étrangers), de réaliser une « présence commerciale » (droit d’installation à l’étranger), de bénéficier au moins de la « clause de la nation la plus favorisée » (un traitement non moins favorable que celui dont bénéficie une autre entreprise étrangère) et, à terme, du « traitement national » (traitement identique de toutes les entreprises quelle que soit leur provenance), sans se voir opposer des « mesures distorsives » au commerce que constituent les décisions publiques de toute nature qui amènent à fausser la concurrence.

C’est le cas des subventions et plus largement des « obstacles au commerce », ou encore des « obstacles techniques au commerce ». Il s’agit généralement de toutes les mesures intérieures jugées « disproportionnées au but poursuivi », « inéquitables » et sans justification économique, sachant que protéger son marché intérieur n’est pas une justification économique par définition.

De la sorte, les gouvernements ou les instances infra-étatiques ne peuvent plus opposer aux entreprises des décisions publiques qui, au prétexte de protéger les populations de certains risques sanitaires, environnementaux ou autres (« obstacles techniques au commerce »), au prétexte de régulation économique, voire d’intervention économique (« obstacles au commerce ») constituent autant de mesures faussant la concurrence. Le point 23 du mandat reprend la nécessité de la clause de la nation la plus favorisée, du traitement national, de l’interdiction des obstacles au commerce qui sont la base des accords de l’OMC.

Mais cet accord entend aller plus loin.

Il aurait pour conséquence de renforcer les droits de la propriété intellectuelle. Dans le contexte de mondialisation actuelle, il s’agit là d’une tendance de fond qui s’approfondit depuis les années 1990 et qui peut avoir pour cadre l’OMC mais aussi, et d’abord, les législations nationales, particulièrement celle des États-Unis qui tend à exporter ses modèles de régulation dans le monde.

Concernant le projet TAFTA, certaines incertitudes planent sur la question de la protection de la propriété intellectuelle et notamment sur celle de la durée durant laquelle l’auteur pourrait prétendre à l’exploitation exclusive de son œuvre. Vu l’opacité des négociations, il est impossible de savoir si les dispositions du type de celles qui étaient présentes dans l’ACTA ne seraient pas présentes. On se souvient que les mécanismes de sanctions à l’encontre des utilisateurs d’Internet avaient déclenché une vive opposition des mouvements sociaux et finalement le rejet du Parlement européen. Il se trouve que la version fuitée de l’Accord économique commercial global (AECG), accord en voie de finalisation entre le Canada et l’Union européenne, porte les mêmes dispositions que le TAFTA et qu’on y trouve ce qui se trouvait dans l’ACTA.

Par ailleurs, le gouvernement français manque rarement de rappeler qu’il a réussi à imposer l’exclusion d’un secteur sensible des négociations : la culture. En fait d’exception culturelle, il s’agit uniquement de l’audiovisuel. Les autres aspects de la culture (livre, spectacle vivant, musique, etc.) ne sont pas concernés. Au demeurant, le Commissaire européen au commerce extérieur a rappelé qu’il ne manquerait pas de demander sur ce point l’élargissement du mandat, selon l’évolution des négociations – comprenez s’il est utile de pouvoir négocier la libéralisation de la culture pour obtenir autre chose. Jusqu’ici, le gouvernement affirme une position inébranlable. Mais, dans le secret de quelques réunions de la Direction générale du commerce, qui se tiennent sans publicité, sans ordre du jour ni compte rendu diffusés, il peut se passer bien des revirements.

Cet accord comporte également deux mécanismes qui, à eux seuls, constituent une des attaques les plus lourdes contre les principes démocratiques fondamentaux jamais tentées à ce jour : le mécanisme de règlement des différends investisseur-État ; le mécanisme de coopération réglementaire.

Deux mécanismes particulièrement dangereux

1. Le mécanisme de règlement des différends investisseur-État :

Le point 23 du mandat le prévoit. Ce mécanisme permettrait à un investisseur (une entreprise ou un financier) de porter plainte contre une décision publique, de quelque nature et de quelque niveau que ce soit, qui serait une mesure « arbitraire », « inéquitable », « disproportionnée », ou qui réaliserait une « expropriation directe ou indirecte » et qui, de ce fait, aurait une conséquence négative sur les bénéfices escomptés de l’investisseur. Cette plainte serait portée devant un organe d’arbitrage international, celui-ci pouvant décider d’une compensation en faveur de l’investisseur correspondant aux pertes découlant de la mesure incriminée, pertes actuelles ou futures.

Revenons sur les deux points importants de cette définition.

Premièrement, les motifs par lesquels les plaintes peuvent être déposées : ils sont extraordinairement flous. Qu’est-ce qu’une mesure « arbitraire », « inéquitable », « disproportionnée » ? Face à un tel flou, il faut savoir que les instances chargées de trancher (et nous verrons que la nature de ces instances également est très problématique) se baseront sur les traités qui les ont instituées. Quel est l’objectif de l’accord en négociation ? Atteindre le plus haut niveau de libéralisation possible. Il n’est pas utile d’espérer que, dans ce cadre, la référence à d’autres textes légaux puisse être faite. Déjà, l’OMC nous a donné l’exemple de traités de commerce ne se référant qu’à eux-mêmes et excluant la possibilité de faire référence à d’autres textes moins contraignants (ceux de l’Organisation internationale du travail, de l’Organisation mondiale de la santé par exemple). On voit mal pourquoi les « arbitres » institués par le TAFTA et qui seront chargés, en dernière instance, d’apprécier les demandes des entreprises le feraient en se référant à autre chose qu’à l’accord qui reconnait leur compétence. Ainsi, nous pouvons prédire sans risque d’erreur que les arbitres décideraient que sera « arbitraire », « inéquitable », « disproportionnée » toute mesure publique qui déviera de l’objectif à atteindre : la libéralisation maximale du commerce international.

Cela ouvre des perspectives, et pas seulement aux entreprises transnationales : quel périmètre sera-t-il laissé à la décision publique par les entreprises et les arbitres ? Quel type de mesures protectrices des populations pourra-t-elle passer au laminoir de ce mécanisme ?

La question se pose d’autant plus si on regarde ce que sont les « arbitres internationaux ».

Ils existent depuis de nombreuses années et ont été créés initialement pour « sécuriser » les investissements dans les pays où n’existent pas de systèmes judiciaires efficaces et hors du contrôle des gouvernements : le CIRDI, la CNUDCI, les Chambres de commerce ou autres organes ad hoc reconnus par les traités. Le « panel » se compose généralement de trois arbitres, un désigné par le plaignant, un par l’État, un en commun accord ou par les deux autres. Ce sont des personnes privées, petit groupe appartenant à la vingtaine de cabinets d’avocats internationaux dans le monde (14 aux EU, 6 dans l’UE, 1 en Asie) et ils ne sont tenus à aucune des règles qui pèsent normalement sur un juge : les conflits d’intérêts ne les concernent pas, et ils peuvent ainsi siéger dans un organe arbitral, conseiller un État, un investisseur, à moins qu’un de leurs confrères ne s’en charge. Ils peuvent être payés jusqu’à 3000 dollars de l’heure.

Pour avoir une idée des conséquences de l’application de ce mécanisme, il est utile de se référer à l’étude annuelle de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement. En effet, le mécanisme de règlement des différends investisseur-État existe déjà dans le chapitre 11 de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et dans les nombreux accords bilatéraux sur l’investissement (BIT), plus de 3000 à l’heure actuelle.

Quelques conflits emblématiques :

- Philips Morris agit dans le cadre de deux accords bilatéraux sur l’investissement contre l’Uruguay et l’Australie pour contrer des politiques de lutte anti-tabac

- Vattenfall exige de l’Allemagne 3,7 milliards d’euros de compensation suite à l’arrêt de deux de ses centrales nucléaires du fait de la sortie du nucléaire de ce pays ;

- CMS Energy (États-Unis), Suez et Vivendi (France), Aguas de Barcelona (Espagne) ont obtenu 1,15 milliard de dollars de l’Argentine, poursuivie par plus de 50 plaintes de sociétés après la décision de figer les prix courants essentiels (énergie, eau…) et de dévaluer sa monnaie durant la crise financière de 2001-2002 ;

- Lone Pine Resources, entreprise énergétique des États-Unis, filiale « boîte-aux-lettres » d’une entreprise canadienne, poursuit le Canada pour 250 millions de dollars, suite à la décision du Québec de décider un moratoire sur l’extraction d’huile et de gaz de schiste ;

- Achmea, assureur privé néerlandais, a obtenu de la République slovaque une compensation de 22 millions d’euros pour avoir remis en cause la privatisation de la santé effectuée par l’administration précédente ;

- Véolia réclame à l’Égypte compensation après que ce pays a décidé d’augmenter le salaire minimum de 400 à 700 livres égyptiennes (de 41 à 72 euros). Notons d’ailleurs que l’Égypte est devenue le deuxième pays le plus poursuivi après l’Argentine, et ce depuis la récente Révolution.

Ainsi, il n’est ni plus ni moins question que de conférer aux entreprises et aux investisseurs un privilège, au sens premier du terme, c’est-à-dire le droit de bénéficier d’une règle particulière, taillée à leur mesure et les extrayant de la règle commune.

Précisions : ce droit de poursuivre les États n’est ouvert qu’aux entreprises étrangères (celles qui ont leur siège ou simplement une boîte-aux-lettres dans le territoire de l’autre partie à l’accord), il n’est pas réciproque (les États ne peuvent dans ce cadre poursuivre des entreprises) et, de fait, il est fermé aux petites entreprises. En effet, l’utilisation du mécanisme d’arbitrage est extrêmement onéreuse, il coûte plusieurs millions d’euros, ce qui en fait un instrument aux mains des entreprises transnationales.

2. Le mécanisme de coopération réglementaire

Le point 43 du mandat est assez elliptique là-dessus, mais nous avons bénéficié de fuites du document de décembre 2013 par lequel le Commissaire européen adresse à son homologue des États-Unis ce qu’il entend par « mécanisme de coopération réglementaire ».

Il s’agit de créer un organisme chargé de la mise en place et de l’approfondissement de l’accord qui aurait pour nom « Conseil de coopération réglementaire » (CCR). Il aurait une double mission.

La première serait d’organiser une « alerte précoce ». Si, dans l’avenir, un État souhaite prendre une mesure affectant le commerce (et toutes les mesures publiques sont susceptibles d’affecter le commerce), il faudra au préalable qu’il informe l’autre partie à l’accord, de sorte que celle-ci organise une consultation des opérateurs privés concernés, afin qu’ils donnent leur avis sur la mesure en question. On voit ainsi quelle influence déterminante auraient les desiderata des entreprises avant toute délibération publique et bien en amont des votes législatifs ou des décisions réglementaires.

Sa seconde mission serait d’organiser un lissage systématique et étalé dans le temps des réglementations existantes, si celles-ci devaient apparaître comme trop lourdes pour les opérateurs privés. Ainsi, les entreprises et leurs lobbies auront tout loisir de parvenir à amoindrir ou éradiquer une réglementation déjà existante en passant par la procédure discrète, opaque, non publique consistant à saisir le Conseil de coopération réglementaire, même largement après qu’une réglementation aura été décidée, afin de la rendre « moins lourde ».

À ce propos, on voit se profiler la stratégie nouvelle des promoteurs de l’accord qui semblent, pour certains d’entre eux, s’inquiéter de l’opposition grandissante au projet d’accord. Avec le mécanisme de coopération réglementaire, il sera parfaitement possible de conclure un accord ne comportant pas ce qu’il serait politiquement difficile d’assumer (la venue des OGM, la fracturation hydraulique pour les gaz de schistes, le poulet chloré, le porc à la ractopamine, etc.) mais qui renverrait les inévitables amoindrissements de réglementations à plus tard, aux bons soins de ce Conseil discret, technocratique, et affranchi des règles minimales de débat démocratique.

Conséquences de ces mécanismes

Il s’agit d’un projet d’accord qui porte essentiellement sur l’harmonisation des normes. Ce qui est possible d’un côté de l’Atlantique doit être accepté de l’autre. Au motif de faciliter le commerce, d’amoindrir les coûts découlant de réglementations différentes, il prévoit que, si les processus de fabrication et de certification peuvent rester différents aux États-Unis ou dans l’Union européenne, néanmoins les produits circuleront sans entraves et sans qu’il soit nécessaire que ceux fabriqués d’un côté répondent à toutes les normes spécifiques de l’autre côté, mais seulement à celles des normes du côté où ils auront été fabriqués.

C'est ainsi que doit disparaître le principe de précaution, car celui-ci est incompatible avec celui de reconnaissance mutuelle des normes. Le principe de précaution est prévu dans les textes européens et en France il a valeur constitutionnelle. Il s'applique a priori et prévoit qu'en cas de doute sur les effets d'un nouveau produit, d'un nouveau processus de fabrication, d'une nouvelle molécule, ceux-ci ne sont pas mis en contact avec le public pour éviter de faire face à de possibles conséquences négatives. Aux États-Unis, il en va différemment : l'interdiction de la mise sur le marché ne peut être le fait que de l'autorité de régulation qui aura réussi à démontrer les effets nocifs du produit nouveau, les entreprises engageant leur responsabilité en devant éventuellement faire face à des actions collectives de consommateurs (class actions) a posteriori. Du fait du principe de reconnaissance mutuelle des normes, les entreprises des États-Unis ne pourront pas être empêchées d'introduire sur le marché de l'Union des produits par ailleurs interdits de fabrication sur place. Nous pouvons prédire la suite de cet état de fait : un double système de certification des produits, un abaissement de la sécurité des consommateurs et, pour finir, un laminage du système le plus protecteur, que ce soit celui de l'UE ou des États-Unis, au nom de l'équité et de l'efficacité économique. Dans tous les cas, une course vers le fond.

Il faut envisager les conséquences possibles secteur par secteur :

- Dans le domaine agricole, deux éléments se conjuguent : la baisse des tarifs douaniers encore existants, l'harmonisation des normes par le bas.

Pour l'activité agricole, en effet, la moyenne des droits de douane est faible (environ 2 %). Toutefois, ils restent élevés dans certains secteurs : selon les produits, ils peuvent dépasser 200 %, dans l'élevage mais aussi pour les céréales, le sucre, de nombreux produits laitiers, les alcools. Un abaissement complet des droits de douane rendrait impossible de se protéger contre une agriculture états-unienne plus industrielle et plus compétitive.

Aux États-Unis, la taille moyenne des fermes est de cent soixante-dix hectares. Sur mille hectares, on emploie six personnes. Dans l'UE, la taille moyenne d'une ferme est de treize hectares, et on emploie cinquante-sept personnes par mille hectares. Les protections sociales et environnementales moins rigoureuses aux États-Unis permettent des coûts de production bien plus faibles. De plus, la concentration des productions autorise des économies d'échelle. Si les droits de douane sont abaissés, si les produits à bas coût et à qualité faible des États-Unis affluent en Europe, la seule solution pour les producteurs européens sera de s'aligner. Conséquences : concentration des fermes pour atteindre le seuil de rentabilité, davantage encore d'intrants chimiques, de pesticides, d'OGM, plus grand sacrifice de l'environnement, de la santé humaine et du bien-être animal. La victoire du contre-modèle productiviste serait complète.

On ne peut qu'entr'apercevoir les conséquences en termes de sécurité alimentaire de l'application du principe de reconnaissance mutuelle : aux États-Unis où les OGM sont massivement présents, où les hormones de croissance sont légales et où la chaîne de production tout entière tournée vers le rendement oblige à l'utilisation de produits tueurs de bactéries pour laver des produits mis en œuvre dans des conditions sanitaires déplorables, les intoxications alimentaires sont légion. Aussi, nous verrions, dans un premier temps, une entrée massive de ces produits ; puis, dans un second temps, l'alignement des modes de production vers le bas.

- Dans le domaine social, là encore les choses sont assez largement imprévisibles, ce qui en soit est une problème : le gouvernement français répète à qui veut bien l'entendre qu'il ne laissera les négociateurs franchir aucune « ligne rouge », et qu'il considère que le respect des normes sociales en est une. Il affirme même travailler à ce que cet accord soit l'occasion de hisser les normes sociales au plus haut niveau existant.

Outre le fait qu'il n'existe aucun exemple d'accord de commerce ayant réalisé cet exploit, rappelons que les États-Unis n'ont pas ratifié six des huit conventions de l'Organisation internationale du travail. Dès lors, certaines des obligations qui pèsent sur les employeurs de l'Union européenne ne pèsent pas sur ceux des États-Unis, qui peuvent produire à un coût plus bas. Là encore, il ne faut pas être devin pour prédire que le patronat européen saisira l'occasion de cette concurrence pour exiger des pouvoirs publics un alignement au nom de la compétitivité des entreprises de l'UE, vers des normes sociales moins coûteuses, donc plus basses.

Par ailleurs, il est bon de conserver à l'esprit les cas de la « jurisprudence arbitrale », et ici celui de Véolia poursuivant l'Égypte : cette poursuite est « motivée » par une augmentation du salaire minimum. Où se trouvent les garanties réelles que cela ne sera pas possible, en dehors des promesses verbales d'une ministre ?

- Dans le domaine environnemental, il apparaît clairement avec le projet de TAFTA que l'agenda de l'Union européenne est en contradiction complète avec les objectifs climats affichés. Tout d'abord, ce projet générera des contraintes pour les décideurs publics nationaux et locaux, ce qui risque d'inhiber davantage leur action. Mais surtout, il promeut les intérêts des grandes entreprises extractives et avec eux un modèle de « développement » qui n'est qu'une fuite en avant.

Dans un document du 20 septembre 2013, l'Union indique clairement que son objectif est d'obtenir que tombent les restrictions aux exportations de pétrole et de gaz des États-Unis - le président des États-Unis peut bloquer certaines exportations au nom de l'intérêt national. Il faut dire que le gaz de schiste se situe à un prix bas dont aimeraient profiter les opérateurs industriels.

L'article D du document permettrait que le droit des États de mettre en place une obligation de service public dans le domaine énergétique soit soumis à un test de nécessité. Celui-ci serait défini de manière objective, restrictive et exclurait des obligations pour les entreprises « plus lourdes que nécessaire ».

L'article E0 vise les mesures de localisation des secteurs de l'énergie renouvelable prises par les décideurs locaux : la définition des cahiers des charges des marchés publics serait concernée.

On voit mal, dans ces conditions, comment la France, qui soutient la tenue des négociations TAFTA, peut, dans le même temps, affirmer qu'elle nourrit des ambitions élevées pour la réunion COP21 qu'elle accueille en 2015.

- Concernant les libertés publiques, et notamment celles sur Internet, plusieurs inquiétudes apparaissent.

Tout d'abord celle relative à la collecte de données personnelles. La définition même de cette notion n'est pas la même des deux côtés de l'Atlantique : si dans l'UE les données personnelles sont constituées de l'ensemble des informations qui permettent de définir une personne (nom, adresse, etc.), aux États-Unis elle inclut aussi les données commerciales, c'est-à-dire l'ensemble de celles qui permettent de constituer le profil des consommateurs. Les données commerciales ne sont pas exclues des négociations.

Sachant qu'actuellement les plus grands opérateurs de collecte et de traitement des données commerciales sont sis aux États-Unis, la question se pose de savoir à quelles conditions il serait possible, pour ces opérateurs, de traiter des données personnelles de personnes vivant dans l'Union européenne. Sous quelles modalités les données personnelles seraient collectées par les entreprises des États-Unis ? Les quelques garanties existant actuellement sur le consentement préalable ou l'anonymisation des données pourront-elles encore exister ?

Un règlement est actuellement en préparation au niveau de l'Union européenne. Il viendra abroger la directive 95/46 applicable aux données personnelles. Ainsi, les instances de l'Union préparent un texte qui risque d'entrer en contradiction frontale avec les négociations pour le TAFTA. Cela pose non seulement un problème de cohérence, mais aussi de démocratie. En effet, à quoi servirait que le Parlement européen se prononce sur le nouveau texte si on sait déjà qu'il risque d'être vidé de son contenu par une définition différente des données personnelles qui ne permettrait plus une protection efficace des droits des personnes ?

- La question de la régulation des banques et des marchés financiers est cruciale.

L'Union, dans ce domaine, est la partie agressive. Après la crise financière de 2008, on a assisté aux États-Unis à un mouvement de re-régulation du secteur, avec une intervention accrue des régulateurs publics. Le gouvernement fédéral n'a manifesté jusqu'ici aucune volonté de changer ce mouvement. Mais le mécanisme de coopération réglementaire sera crucial pour amener à un affaiblissement des règles, pourtant timides, des États-Unis sur les marchés financiers : dès qu'une nouvelle règle financière serait envisagée, il faudrait que l'autre partie en soit informée et qu'elle n'affecte par les opérateurs financiers de l'autre côté de l'Atlantique.

Cela va même plus loin. Dans une note conjointe France/Royaume-Uni, ces deux pays posent que l'accord ne serait utile que si les opérateurs pouvaient opérer sur les deux territoires selon les règles de leur pays d'origine. Ainsi, les opérateurs européens interviendraient aux États-Unis selon les règles européennes. Les banques bénéficieraient donc du privilège, exorbitant, d'extra-territorialité. Comment envisager des lois plus dures pour la finance à l'avenir ?

On peut se poser la question de savoir pour quels bénéfices ce projet est négocié.

Juste avant la délivrance du mandat, la Commission européenne a demandé une étude d'impact au Centre pour la recherche en économie politique, le CEPR. L'étude réalise des projections en 2027. N'importe quel économiste un peu sérieux refuserait de se prêter à cet exercice digne de Madame Irma, le CEPR l'a fait. Est-ce qu'il l'a fait parce qu'il est financé par les plus grandes banques, par les plus grandes entreprises ? Ne soyons pas mauvaise langue et écoutons son pronostic : non seulement l'accord entraînerait une hausse de la création de richesse (119 milliards d'euros par an pour l'UE, 95 pour les États-Unis) mais aussi la création de cinq cent mille emplois.

Ces chiffres sont ridicules pour au moins deux raisons : d'une part, ils sont tellement faibles qu'ils justifieraient plutôt l'abandon des négociations que leur poursuite ; d'autre part, ils sont basés sur des hypothèses qui ont fait leur preuve, celle de leur inanité.

Ils sont faibles : 119 milliards d'euros, c'est 0,7 % du PIB de l'Union. Soit 545 euros par foyer. Statistiquement, c'est la marge d'erreur. Les cinq cent mille emplois prévus sont à mettre en regard des presque vingt-sept millions de chômeurs de l'Union. Ces chiffres sont ridicules surtout parce qu'ils sont basés sur l'hypothèse du modèle macroéconomique dit de « l'équilibre général ». Rappelons que ce modèle postule notamment la rationalité parfaite des individus, une information complète des prix, une connaissance commune de la nature des biens, l'absence d'incertitude radicale, dont la réunion forme les conditions d'une concurrence parfaite. Qui peut croire des hypothèses pareilles ?

La réalité est plus triviale : ce projet est d'abord porté par les grands lobbies d'affaires. De ce point de vue, le TAFTA n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel bleu. Le TABC, l'ESF le réclament, Business Europe le réclame, la Chambre de commerce américaine le réclame : la liste est longue. Déjà, en 1998, le Partenariat économique transatlantique était créé pour instaurer un « haut niveau de dialogue » entre les deux zones. Et, surtout, l'Accord économique et commercial global (AECG), négocié depuis plus de quatre ans entre le Canada et l'UE, comporte exactement ce même type de dispositifs. La Commission a l'ambition de le déclarer « finalisé » le 25 septembre, et il ouvrirait un boulevard au TAFTA.

Conclusion

Face à l'instauration de privilèges pour les entreprises transnationales et les banques, les mobilisations populaires sont fortes. Nous avons les moyens d'avoir la peau de ces accords (car il faut ajouter désormais l'AECG) : non seulement les échéances nous laissent encore un an (si finalisation de l'AECG en septembre) et plus, mais nous sommes organisés au niveau européen et national. Au Canada, aux États-Unis, les mobilisations sont conséquentes.

Le calendrier prévu : le 11 octobre se tiendra une journée de mobilisation en Europe, une initiative citoyenne européenne sera lancée en septembre et, d'ores et déjà, une pétition est en ligne sur le site du collectif StopTAFTA et sur celui d'Attac.

De plus un vaste mouvement de déclarations de collectivités locales hors TAFTA se dessine, l'idée étant de ne pas attendre le dernier moment pour changer le rapport de force à la base et faire monter dans la population la nécessaire prise de conscience des risques encourus.

La ratification, ou non, de l'accord UE-Canada constituera un test. Les gouvernements, dont le nôtre, et les parlementaires cautionneront-ils l'instauration de tels privilèges pour les entreprises ?


- Source : Frédéric Viale

Discours d'Aymeric Chauprade au Forum sur la Famille à Moscou

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Photo: Aymeric Chauprade – Forum sur la famille à Moscou 10 sept. 2014

Discours d'Aymeric Chauprade au Forum sur la Famille à Moscou, le 10 septembre 2014

Ex: http://medias-presse.info

L’eurodéputé Front national, Aymeric Chauprade, invité d’honneur du forum « Grande famille et avenir de l’humanité » qui s’est tenu au Kremlin à Moscou les 10 et 11 septembre 2014, est intervenu lors de son inauguration.

Voici le texte de son intervention qui a été interrompue par les applaudissements à de nombreuses reprises:

Eminences honorables, invités, chers amis !

Je voudrais remercier les organisateurs de ce forum sur la famille et le futur de l’humanité. Avec une attention particulière pour la fondation St. André et pour mon ami Konstantin Maloféev que je salue ici, qui s’investit beaucoup pour la défense de notre cause patriotique et spirituelle. Je salue aussi Mme Mizoulina qui ce matin encore à la Douma d’Etat défendait la famille, la cause des enfants et des femmes aussi menacés par cette barbarie qui s’installe chaque année d’avantage. Je remercie aussi Vladimir Yakounine dont le rôle en faveur du dialogue des civilisations oh combien précieux pour la paix mondiale est bien connu. C’est un honneur d’être à côté de tous ceux qui se battent ici pour cette cause, d’être ici à Moscou pour la défense à la fois du monde multipolaire et d’un monde fondé sur les valeurs solides de famille, des valeurs naturelles.

La guerre du mondialisme euro-américain contre les nations et leurs civilisations est en marche. Nous en voyons chaque jour d’avantage les dommages. Cette guerre a deux volets, deux facettes. La première est une facette géopolitique. C’est une guerre visant à empêcher l’établissement d’un monde multipolaire au profit d’un monde unipolaire dominé par les USA et par les oligarchies qui leur sont asservies. C’est un monde qui se bat pour le contrôle de l’énergie, pour l’extension de l’OTAN au détriment des intérêts de la Russie, qui se bat contre l’établissement de pays émergeants, la Russie, la Chine et d’autres pays et qui se bat au fond contre la paix et l’équilibre des puissances. C’est la dimension géopolitique. Moi qui suis parlementaire européen, qui dirige la délégation des députés du Front national, première délégation française au Parlement européen. Eh bien, je vous dis que ce combat je le mesure chaque jour au Parlement, je vois chaque jour les lobbys LGBT et les lobbys antirusses à l’œuvre pour soutenir les actions illégales et meurtrières du gouvernement ukrainien en place à Kiev.

Cette guerre a aussi un volet idéologique qui est le pendant du volet géopolitique. Ce volet idéologique puise ses sources dans la philosophie libérale, celle de l’individu-roi, celle du matérialisme, de l’émancipation de Dieu, celle de la dictature de la matière sur l’esprit. Et c’est cela qu’ils veulent établir – une dictature mondiale de la matière contre l’esprit. Cette guerre prend une forme individualiste dont les gouvernements de l’UE et le gouvernement des USA sont les principaux promoteurs. Ils se font les promoteurs de la culture de mort contre la culture de vie, de l’avortement, de la destruction du mariage fondé sur la différence sexuelle, de la théorie du genre, de tout ce qui va contre la vie et de tout ce qui est en train de construire un monde de barbarie.

Face à cela il y a aujourd’hui un espoir. C’est qu’un pays important sur la scène mondiale, un pays qui pèse, un pays qui s’est redressé depuis 1999 grâce à son président Vladimir Poutine, la Russie, apporte l’espoir aux peuples qui défendent leur nation, leur civilisation et leurs valeurs. Cette Russie est l’espoir du monde aujourd’hui. Et je dis qu’il faut que tous les patriotes s’unissent autour d’elle !

La Russie est une puissance géopolitique, la Russie est une civilisation, elle a une profondeur historique. Elle a un président doté d’une volonté forte et d’une raison claire face aux jeux dangereux menés par les USA et les gouvernements soumis de l’Union européenne. C’est cette Russie qui apporte l’espoir à tous les partisans de la multipolarité, de la paix et de l’équilibre des civilisations, à tous les partisans de la supériorité de l’esprit sur la matière.

Tous ensemble aujourd’hui nous allons travailler, nous unir pour que ce monde infernal qui se met en place échoue et que nous puissions l’espoir. A bientôt dans ce combat pour les nations, les civilisations et la vie ! (Source)

QU’EST CE QUE L’ETAT ISLAMIQUE ?

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QU’EST CE QUE L’ETAT ISLAMIQUE ?

Romain Caillet*
Ex: http://metamag.fr

Propos recueillis par Marcelle Champagne. Romain Caillet est chercheur et consultant sur les questions islamistes. Il analyse pour "les Clés du Moyen-Orient" comment s’est formé l’EILL, les différences avec al-Qaeda, qui sont les combattants de l’EI et la structure du mouvement.

Depuis quelques semaines, l’avancée de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) - aussi connu sous l’acronyme arabe Daech - dans les territoires de l’est de l’Irak, inquiètent les dirigeants arabes et occidentaux. Prenant la tête d’une coalition opposée à la pénétration salafie au Levant, les dirigeants américains et iraniens, en appui de l’armée régulière irakienne, conjuguent leurs efforts pour parvenir à une solution militaire. Qu’est-ce que l’EIIL ?
 
Précisons avant tout que l’acronyme Daech est un terme impropre et péjoratif, utilisé par les opposants à l’Etat islamique. L’expression a été popularisée par le média al-arabya. La chaîne qatari al-jazeera n’utilise d’ailleurs plus ce terme. Si en langue arabe il peut y avoir une légitimité à l’employer, son utilisation en français est clairement idéologique.

Il convient de retenir trois dates clefs dans la formation et l’évolution de l’Etat Islamique (EI) : le 15 Octobre 2006, date de la création de l’Etat Islamique d’Irak (Dawlat al-’Irâq al-Islâmiyya) ; puis, avril 2013, l’extension de l’EII en Syrie qui devient l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL). Enfin, le 29 juin 2014 où le mouvement prend le nom d’Etat Islamique (EI) lorsqu’il annonce la restauration du califat. Une nouvelle appellation sans précision géographique qui témoigne de la volonté du mouvement d’établir un califat universel.
 
Pour comprendre les relations qu’entretient l’EI avec al-Qaeda, il convient de revenir sur la genèse du mouvement. Tout d’abord, le précurseur de l’Etat islamique d’Irak est un jihadiste jordanien, Abû Mus’ab az-Zarqâwî (1966-2006), gracié en 1999 à l’occasion du couronnement du roi Abdallah II de Jordanie. Il fonda son propre camp d’entraînement en Afghanistan dans la région d’Herat, indépendant du groupe al-Qaeda avec lequel il ne semblait pas partager pas les mêmes aspirations. L’offensive américaine d’octobre 2001 en Afghanistan le poussa à traverser l’Iran et à se réfugier au Kurdistan irakien en 2002, où il mit ses hommes au service d’Ansar al-Islam - un groupe fondamentaliste sunnite proche d’al-Qaeda. Lors de l’invasion américaine en Irak en 2003, le jihadiste jordanien forma un groupe du nom de tawhid al-Jihad, « monothéisme et jihad », qui reprenait le nom de son camp d’entraînement en Afghanistan. Il mena sa première grosse opération le 19 août 2003 contre le siège de l’ONU à Bagdad, et dont il revendiqua publiquement la responsabilité le 8 décembre 2003. L’attentat suicide au camion piégée avait couté la vie à 22 personnes dont Sergio Vieira de Mello, Représentant spécial de l’ONU en Irak. 

Le mouvement prit une importance croissante et devint à l’octobre 2004 la branche irakienne d’al-Qaeda, prêtant allégeance à Oussama Ben Laden. En Janvier 2006, le groupe d’Abû Mus’ab az-Zarqâwî fut intégré à une coalition de plusieurs factions jihadistes rassemblées au sein du Conseil consultatif des Mujâhidîn d’Irak (Majlis Shûrâ al-Mujâhidîn fî-l-’Irâq), dont l’Irakien ’Abd Allâh Rashîd al-Baghdâdî prit le commandement. Le but de cette réorganisation était d’« irakiser » le jihad en Irak contre l’occupation américaine, jusqu’alors géré par des étrangers. Après la mort d’Abû Mus’ab az-Zarqâwî en juin 2006, l’Egyptien Abû Hamza al-Muhâjir (1968-2010) prit sa succession à la tête d’al-Qaeda en Mésopotamie, faisant parti du Conseil Consultatif des mujahideen, soumis à l’autorité de ’Abd Allâh Rashîd al-Baghdâdî, rebaptisé à l’octobre 2006, Abû ’Umar al-Qurashî al-Baghdâdî. Le 15 octobre 2006, le conseil consultatif des Mujâhidîn s’élargit en intégrant une trentaine de tribus irakiennes ainsi que de nouveaux groupes jihadistes, prenant à cette occasion le nom d’Etat islamique d’Irak et annonçant la dissolution d’al-Qaeda en Mésopotamie. 
 
A partir de 2007, l’EII connut des difficultés notamment face aux troupes américaines et à la résistance de groupuscules opposés à leur autoritarisme politique et religieux. Le mouvement de la sahwa [1] (« réveil » en arabe), une force supplétive irakienne composée pour l’essentiel d’anciens insurgés sunnites ayant prêté allégeance au gouvernement de Nouri al-Maliki, combat l’EII. Le gouvernement irakien les évinça du pouvoir et peina à honorer la promesse qui leur avait été faite d’intégrer leurs membres au sein des forces nationales de sécurité. Devenues les cibles des conflits sectaires du pays, les anciens insurgés sunnites choisirent finalement progressivement de se rallier à l’EII. Les attentats se multiplièrent. Implanté en Irak, l’EII observait de loin les événements en Syrie dès 2011. Il prit la décision de dépêcher un petit groupe en Syrie qui prit le nom de Jabhat al-Nusra fin 2011. Le mouvement devint si puissant que l’émir n’écoutait plus le chef de l’EII. Il ne fit pas sécession pour autant mais devint quasiment une branche autonome de l’organisation. En avril 2013, le chef de l’EII, Abû Bakr al-Baghdâdî (à la tête de l’organisation depuis 2010), annonça que Jahbat al-Nusra et l’EII n’était qu’une seule et même organisation. Ils supprimèrent alors les deux appellations – Etat islamique d’Irak (EII) et Jabhat al-Nusra - pour former l’Etat islamique en Irak et au Levant - ad-Dawlat al-Islâmiyya fî-l-’Irâq wa-sh-Shâm - (EIIL). Le lendemain de cette déclaration, le chef de Jahbat al-Nusra, Abû Muhamad al-Jûlânî, reconnut qu’il avait combattu pour l’EII en Irak et bénéficié de son soutien financier et militaire en Syrie mais il désapprouva la fusion des deux unités. La scission s’effectua alors entre ceux qui souhaitaient rejoindre le commandement de l’EIIL, et ceux qui souhaitaient rester sous celui d’al-Jolani. La majorité des combattants rejoignit l’EIIL. Le 9 juin 2013, Zawahiri annonca la dissolution de l’EIIL et stipula que l’EII devrait quitter la Syrie au profit de Jahbat al-Nosra, dont il reconnut officiellement son affiliation avec Al-Qaeda. Le 10 juin 2013, le chef de l’EIIL, Abu Bakr al-Baghdadi, invalida cette décision affirmant que l’EII resterait en Irak et au Levant, sans se soucier des frontières de Sykes-Picot. Plus tard, son porte-parole, Abu Muhammad al-‘Adnani, évoqua également l’argument théologique pour justifier ses positions, rappelant que les deux premiers califes, Abu Bakr et ‘Umar b. al-Khattâb n’avaient jamais séparé le commandement des armées d’Irak et du Levant. Les relations se dégradèrent entre les deux mouvements. En Janvier 2014, la plupart des rebelles syriens se liguèrent pour attaquer l’EIIL. Le chef de Jabhat al-Nusra rejeta la faute sur les dirigeants de l’EIIL. Les relations continuèrent de se dégrader. En mars 2014, la prise de contrôle de plusieurs puits de pétrole en Syrie par l’EIIL précipita la déclaration de guerre entre l’EIIL et Jabhat al-Nusra, menacé dans son poumon économique de la région de Deir ez-Zor. Au mois de Juin 2014, après ses victoires retentissantes en Irak, le mouvement de l’EIIL acquit une telle force qu’il parvint à prendre les dernières villes encore aux mains des rebelles dans la région frontalière de Deir Ez-Zor, l’ancien foyer jihadiste de Jabhat al-Nusra.
 
Quelles différences existent-ils entre al-Qaeda et l’EI ?

Bien qu’ils aient des repères idéologiques communs, l’EI et al-Qaeda sont deux organisations différentes. On peut retenir trois critères de divergence d’ordre générationnel, politique et doctrinal. Les deux mouvements ont en effet des stratégies militaires et un agenda politique distincts. Premièrement, l’expérience de référence d’al-Qaeda reste celle du jihad afghan contre les Russes dans les années 1980 et de la lutte contre l’Occident, pour les partisans de l’EI, la référence, plus récente, est celle du jihad en Irak contre l’invasion américaine de 2003. Il existe dès lors une différence générationnelle mettant en parallèle la génération Ben Laden et la génération Zarqâwî, plus virulente et plus efficace en communication. Contrairement à al-Qaeda, l’EI estime qu’il vaut mieux combattre les ennemis d’aujourd’hui, plutôt que ceux d’hier, autrement dit, l’Iran et ses velléités expansionnistes (dénommé le « projet Safavide » - al-mashrû’ as-safawî - selon la terminologie jihadiste), et les Chiites plutôt que les Etats-Unis. Deuxièmement, il existe des divergences politiques afférant au mode d’administration et de gouvernance. Les partisans de l’EI sont favorables à l’administration immédiate du territoire conquis et à la mise en place de la charia, avant même que le conflit n’ait pris fin ; al-Qaeda prône un jihad déterritorialisé dont la cible principal reste l’Occident. Troisièmement, l’EI se distingue par sa cohérence idéologique interne qui tranche avec l’hétérogénéité caractéristique des multiples branches d’al-Qaeda, notamment Jabhat al-Nusra.
 
Qui sont les combattants de l’EI ?
 
Le commandement de l’EI est exclusivement irakien. Il est formé en majorité de chefs militaires qui sont principalement d’anciens officiers de l’armée de Saddam Hussein et d’anciens cadres des services de renseignement, reconvertis en jihadistes, souvent après avoir été humiliés par les Américains. Contrairement au haut-commandement quasiment exclusivement irakien, on trouve des combattants de toute nationalité, notamment en Syrie où les étrangers représenteraient près de 50% des troupes, qu’ils soient Arabes (Libyens, Saoudiens, Tunisiens…), originaires du Caucase (des Tchétchènes), de l’Occident (Français, Belges, …) ou encore, à titre anecdotique, de la République Populaire de Chine (RPC). Plusieurs tribus syriennes des villes de Jarâblus, de Raqqa et de la province de Deir ez-Zor ont également prêté allégeance à l’émir de l’EI. Répartis entre la Syrie et l’Irak, l’EIIL compterait environ 20 000 combattants [Charles Lister, chercheur au Brookings Doha Centre, estime que l’EIIL compte de 5.000 à 6.000 combattants en Irak et de 6.000 à 7.000 combattants en Syrie.]. La libération par l’EI de plusieurs milliers de prisonniers en Irak ces derniers jours est venue grossir les rangs du mouvement.

Comment l’EI est-il structuré ? De quel(s) appui(s) dispose-t-il pour mener ses offensives ?
 
L’EI se distingue par la qualité de ses combattants et les compétences militaires de leurs commandants. Leur unité idéologique et politique assure une organisation et une discipline inédites sur le terrain. Il dispose d’un commandement intégré et d’une hiérarchie distincte du groupe autour duquel des brigades quasi autonomes gravitent. L’équipement militaire de l’EI leur vient d’abord des armes lourdes récupérées en Syrie que les combattants utilisèrent par la suite en Irak pour prendre des bases remplies d’équipement moderne, et avoir ainsi accès à l’arsenal militaire américain. Le M998 High Mobility Multipurpose Wheeled Vehicle (HMMWV ou Humvees), un véhicule de transport à roues de l’armée américaine acquis par l’armée irakienne, est désormais aux mains des jihadistes. Ils disposent par ailleurs de leurs propres camps d’entraînement. De peur d’être dénoncé, leurs entrainements aux combats se déroulent dans des camps itinérants. Le lieu de l’entrainement change en permanence. Il est par conséquent très difficile de les suivre. S’il ne dispose pas encore d’uniforme ou de grade, l’EI a l’intention de former un corps militaire sur le modèle des armées classiques. Enfin, la force du mouvement tient également à un service de renseignement perfectionné, très présents en Syrie, où seul l’émir local connaît l’identité des personnes travaillant pour ce service, appelé amniyyin (« les chargés de sécurité » en arabe).

L’EI finance ses activités sur des fonds propres. Avant la prise de Mossoul, l’EI disposait déjà d’un revenu annuel de plus de 100 millions de dollars prélevé sous la forme d’impôts, d’extorsions de fonds ou de soutien des populations locales. En plus de l’impôt révolutionnaire, ils recourent à l’exploitation des puits de pétrole, aux otages occidentaux et, dans une moindre mesure, des financements leur viennent de particuliers du Golfe (5%). L’EI ne semble pas bénéficier du soutien ouvert d’un Etat.

[1] Créée par le cheikh Ahmed Abou Richa et financée par l’armée américaine fin 2006, elle est la cible d’attentats. « Les Sahwa représentent le changement de posture remarquable des éléments tribaux sunnites qui, après avoir soutenu les djihadistes insurgés, ont commencé à coopérer avec les troupes américaines pour combattre al-Qaida (en fait à cette époque il n’y a plus d’al-Qaïda c’est l’Etat islamique d’Irak) et les milices shiites. Cette évolution avait été facilitée par le regain de pression politique exercé sur le mouvement djihadiste et la décision de l’armée américaine d’armer et de rémunérer les membres des forces armées non officielles Sahwa - qui ont fini par compter plus de 100 000 hommes dans leurs rangs. Les forces Sahwa sont demeurées dans leur grande majorité, mais pas totalement, arabes, sunnites, tribales et basées localement » in http://www.fmreview.org/fr/non-etatiques/taraghi.html

* article publié sur Les Clés du Moyen-Orient




Völkerpsychologie

Völkerpsychologie

von Ernst Hofer

Ex: http://www.blauenarzisse.de

 
Völkerpsychologie
Völker unterscheiden sich. Nicht nur in der Kultur, jedes Volk hat auch ein bestimmtes psychologisches und genetisches Profil. Das auszusprechen kann heute viel Ärger bedeuten.

Besonders die politische Linke sieht sich durch jeden derartigen Hinweis herausgefordert. Zu sehr rütteln diese wissenschaftlichen Erkenntnisse an der Utopie der Gleichheit aller Menschen.

Andreas Vonderach hat in seinem 2014 erschienen Buch Völkerpsychologie. Was uns unterscheidet Belege aus den verschiedenen wissenschaftlichen Fächern zusammengetragen. Diese umfassen vor allem die sogenannte Völkercharakterologie und die kulturvergleichende Psychologie, aber auch Hinweise aus dem Bereich der Linguistik, Soziobiologie und der Verhaltensgenetik.

Jedes Volk hat seinen Charakter

Zu den besten Büchern, die sich mit der Völkercharaktereologie beschäftigen, gehört Die Seelen der Völker. Ihre Eigenarten und Bedeutung im Völkerleben (1920) des deutsch-​jüdischen Soziologen Elias Hurwicz. Aber auch die Werke von Willy Hellpach oder Friedrich Keiter sind von großer Bedeutung für die differentielle Völkercharakterologie im deutschsprachigen Raum. Nach dem Zweiten Weltkrieg verlor diese Fachrichtung allmählich an Bedeutung.

Bei allen völkercharakterologischen Ergebnissen kann es sich natürlich nur um Häufigkeits– und Mittelwerte des ganzen Volkes handeln, die nicht immer für Rückschlüsse auf das Individuum geeignet sind. Besonders deutlich erscheint nach der Analyse der Unterschied zwischen Nord– und Südeuropa. Temperament und Erregbarkeit, Kontakt– und Geselligkeitsbedürfnis sind im Mittelmeerraum am stärksten ausgeprägt und nehmen nach Norden hin ab. Die Nordeuropäer sind nach diesem Paradigma introvertierter, die Südeuropäer extrovertierter. Auch innerhalb der großen Völker gibt es einen starken Unterschied zwischen den Bewohnern des nördlichen und des südlichen Landesteils.

Nordisches Temperament in Mitteleuropa

Daneben existiert ein West-​Ost-​Gefälle innerhalb Europas. Während der Westen nüchterner und rationalistischer ist, besteht eine stärkere Emotionalität im Osten Europas. Die Deutschen nehmen innerhalb Europas eine Mittelstellung ein. Deutschland stellt – wie auch in anthropologischer Hinsicht – in Temperamentsfragen eine Ausbuchtung des nördlichen Temperaments nach Süden dar. Der Nordwesten Deutschlands steht in Sachlichkeit und Ernsthaftigkeit den germanischen Ländern Skandinaviens in nichts nach.

Süd– und Mitteldeutschland sind laut dieser Studien beweglicher und kommunikativer als die Norddeutschen, während in Österreich bereits viel von südlicher Impulsivität vorhanden ist. Auch auf der West-​Ost-​Achse nehmen die Deutschen eine Mittelstellung ein. Während die Deutschen den Franzosen als zu oberflächlich erscheinen, gelten sie besonders bei den Russen als „gefühlslose Macher“.

Die kulturvergleichende Psychologie

In den 50er– und 60er-​Jahren entstand in der Psychologie die Forschungsrichtung der kulturvergleichenden Psychologie. Geleitet wurde sie von der Frage, ob Verhaltensweisen, die durch psychologische Tests ermitteln wurden, auch außerhalb der westlichen Welt beobachtet werden können. Dabei blieb die kulturvergleichende Psychologie stark der Milieutheorie des amerikanisch-​jüdischen Ethnologen und Sprachwissenschaftler Franz Boas verwurzelt, die jeden Unterschied im Verhalten von Menschen auf soziale und kulturelle Faktoren (Umwelteinflüsse) zurückführt und nicht auf eine genetische Grundlage stellt.

Ein Ansatz war die Überprüfung von Lebensweise und Kindererziehung. Nach Herbert Barry und Irvin Child gibt es einen solchen Zusammenhang tatsächlich. In bäuerlichen Gesellschaften wird tendenziell mehr auf soziale Harmonie, Kooperation und Verantwortung geachtet als in Jäger-​und-​Sammler-​Gesellschaften. Die dazu verwendeten Daten sind heute in Form des Human Relation Area Files in digitaler Form verfügbar. Dadurch wird ersichtlich, dass Unterschieden zwischen den Völkern doch ein gewisser Wert beigemessen wird.

Spätfolgen des Krieges bis heute

Etwas später wurde versucht, die in der Persönlichkeitsforschung ermittelten Ergebnisse auf ganze Völker anzuwenden. Bei der verwendeten Methode der Faktorenanalyse werden mehrere Antworten in Persönlichkeitsfragebögen aufgrund von Korrelation untereinander zusammengefasst.

Die Extrempole nehmen Nigeria (als sehr schwach) und China (als sehr stark) ein. Angehörige westlicher Kulturen ordnen sind etwa im Mittelfeld dazwischen ein. Demnach sind Südeuropäer nicht extrovertierter als Nordeuropäer aber neurotischer. Besonders hoch sind die Werte bei Neurosen in Ländern, die den Zweiten Weltkrieg verloren haben oder im Krieg besetzt waren. Die Werte sinken mit der Zeit, sind aber bei den Verlierern heute noch immer höher als bei den Siegerstaaten.

Besonders bei außereuropäischen Völkern gibt es erhebliche methodische Problemen. Die Persönlichkeitsfragebögen lassen sich nur schwer wortgetreu in die jeweiligen Landessprachen übersetzen und auch die Stichproben sind oft nicht repräsentativ für die Bevölkerung. In Dritte-​Welt-​Ländern wurden besonders häufig Studenten als Testpersonen gewählt. Diese sind meistens sehr westlich geprägt, zudem besteht nur noch ein schwacher Bezug zur Kultur des Landes, was die Ergebnisse entsprechend verfälscht.

Das „Krieger-​Gen“

Durch die zunehmende Entschlüsselung des menschlichen Genoms im Zuge des Human Genome Project haben Wissenschaftler Genabschnitte gefunden, die besonders stark mit einem bestimmten Verhalten korrelieren. Interessant ist die genetische Entwicklung: Allein in den letzten 10.000 Jahren, also der Zeit nach der letzten Eiszeit, haben sich etwa sieben Prozent des Genoms verändert, besonders bei Europäern und Asiaten.

Ein Gen, das von großem Interesse ist, ist das MAOO-​Gen. Seit den 90er-​Jahren hat man starke Zusammenhänge zwischen dem Gen und aggressivem Verhalten gefunden. In der Folgezeit wurde es auch als „Krieger-​Gen“ bekannt. Besonders häufig tritt es bei außereuropäischen Völkern auf.

Ernsthafte Wissenschaft im Zeitalter des Konstruktivismus

Genetik und Kultur stehen sich nur scheinbar gegenüber. Je stärker das genetisch bestimmte Verhaltensmuster eines Menschen dem Ideal seiner Kultur entspricht, desto höher ist auch der individuelle Fortpflanzungserfolg. Das Individuum gibt so seine besser angepassten Gene an seine Kinder weiter. Kulturen züchten sich über längere Zeiträume so auf ein bestimmtes Verhalten hin.

Der Linken all diese Argumente vorzulegen, die für starke Unterschiede zwischen Völkern sprechen, scheint aussichtslos, worauf Andreas Vonderach hinweist. Die Theorie des Konstruktivismus wertet jedes noch so methodisch einwandfrei gewonnene Ergebnis als Mittel zur Herrschaftslegitimation. Nahezu jedes Ergebnis lässt sich auf diese Weise „dekonstruieren“. Letztendlich wird Wissenschaft auf diese Weise politisch.

Vonderachs Buch bietet eine Fülle von Studien, die auf Unterschiede zwischen den einzelnen Völkern hinweisen. Wie auch schon in seinem Buch Sozialbiologie merkt man, dass Vonderach in seinem Themenbereich ein großes Wissen besitzt. Unter dieser Fülle an zusammengetragen Studien leidet allein die Übersichtlichkeit des Buches. Aufgrund einer reichhaltigen kommentierten Bibliographie zu den einzelnen Themen, ist es jedem selbst überlassen, sich in die ihn interessierenden Bereiche weiter hineinzuarbeiten.

Andreas Vonderach: Völkerpsychologie. Was uns unterscheidet. 448 Seiten, Verlag Antaios 2014. 29,00 Euro.

Entretien exclusif avec Oskar Freysinger

Entretien exclusif avec Oskar Freysinger

Propos recueillis en décembre 2013 par Alimuddin Usmani
Journaliste indépendant, collab. avec Radio Prague, Genève

FREYspb5a.jpgOskar Freysinger, personnalité politique suisse bien connue du public, exerce depuis 2013 la fonction de Conseiller d’Etat du canton du Valais. Alors qu’il s’exprime rarement dans les médias depuis son élection, il a accepté de répondre à quelques questions sur son rapport avec des personnalités françaises dissidentes en prenant soin de répondre de manière franche et directe.

Oskar Freysinger, vous connaissez la pensée d'Alain Soral, notamment pour avoir lu Comprendre l'Empire. Quels sont vos points de convergence avec cet essai?

Les voilà : une petite clique se prenant pour Dieu essaie de forcer les choses au niveau planétaire : globalisation des consciences par la propagation de la mauvaise conscience écologiste, culpabilisation des blancs, dénigrement de l’Etat Nation, destruction des racines et nomadisation des personnes, relativisme des valeurs, division pour régner, création de « l’homme nouveau ». C’est ce que j’appelle le « totalitarisme soft » qui a remplacé les dictatures traditionnelles. Le pouvoir reste opaque et diffus. Il est substitué par un contrôle planétaire cherchant  à manipuler les consciences et les comportements. Ce que Snowden et WikiLeaks (Assange) dénoncent est précisément une partie de la prise de contrôle planétaire de l’Empire (qui se prétend « du bien » !).

Concernant l'Islam vous avez une réelle divergence avec Alain Soral. Il estime que le réel problème n'est pas l'Islam mais l'immigration. Son constat s'appuie sur le fait que ceux qui critiquent l'islamisation, au nom de la laïcité, sont souvent les mêmes qui sont pour l'immigration au nom de l'universalisme maçonnique et de l'intérêt patronal bien compris. N'êtes-vous pas interpellé par ce qu'Alain Soral identifie comme une escroquerie politique?

Le dogme islamique est instrumentalisé, certes, mais le dogmatisme étroit qui le caractérise est néanmoins d’essence totalitaire. Ceux qui créent le communautarisme cherchent à détruire définitivement l’idée d’Etat Nation et par là-même d’Etat de Droit. Seul problème : l’instrument utilisé risque d’échapper à tout contrôle et de se retourner contre ceux qui ont ouvert la boîte de pandore. C’est ce qui est arrivé à la gauche iranienne qui a aidé les mollahs à faire chuter le Shah.

Depuis le Liban le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a récemment lancé l'appel suivant : « N'attribuez pas au christianisme les crimes des USA ni à l'Islam ceux d'Al Qaeda ». Le Hezbollah a conclu depuis quelques années une alliance avec les chrétiens du Général Aoun. Ne pensez-vous pas que la meilleure manière d'éviter le piège du choc des civilisations est de soutenir l'islamo-nationalisme du Hezbollah face au wahhabisme saoudien et qatari?

Qu’il soit d’essence chiite ou sunnite, le dogme islamique appliqué à la lettre tel que l’exigent les fondamentalistes et les intégristes, est une menace pour toute démarche d’émancipation démocratique. On ne vainc pas le diable par Belzébuth.

Comment expliquez-vous  l'acharnement du ministre de l'intérieur français Manuel Valls à l'égard d'Alain Soral et de Dieudonné dans ses discours? Ne trouvez-vous pas qu'il ferait mieux de combattre l'insécurité plutôt que de s'attaquer à un essayiste et à un humoriste?

Là, j’avoue que les socialistes au pouvoir se retrouvent face à un adversaire antisémite de nature inédite et bien plus difficile à combattre que le FN. Difficile de taxer Soral et Dieudonné de nazis ou de fachos, voire de racistes. De plus, ils ont une redoutable efficacité dans l’usage des technologies modernes de la communication. Finalement, qu’on partage ou non leur point de vue, on est forcé de reconnaître leur courage à user et abuser de la liberté d’expression qui est le pilier de toute démocratie qui se respecte. La censure gauchiste s’en retrouve toute chamboulée. Il est tellement plus facile de diaboliser la droite qu’une gauche islamophile et paradoxalement libertaire.

Vous exercez actuellement la fonction de Chef du département de la formation et de la sécurité en Valais. En mai dernier votre demande adressée aux enseignants a fait grand bruit. Vous aviez souhaité qu'ils signalent aux autorités les familles d'enfants dont les parents sont en situation illégale en Suisse[i]. Est-ce que des enseignants ont répondu à votre appel? Ne feriez-vous pas mieux de dénoncer l'élite patronale qui encourage et profite de cette manne à coût réduit plutôt que des individus qui ne font que récolter les miettes?

Je n’ai jamais incité les enseignants à dénoncer les illégaux pour deux bonnes raisons : un, ça ne fait pas partie de leur mandat d’enseignant, et deux, ils ne disposent d’aucune information à ce sujet. Ce sont les médias qui ont biaisé mon propos. D’ailleurs, aucune mesure allant dans ce sens n’a jamais été envisagée ou planifiée. À part ça, je dénonce le travail au noir et le dumping et je pense que le seul moyen de les combattre, c’est de retrouver la souveraineté dans la régulation des flux migratoires. Cela implique des contingents, des contrats de travail en bonne et due forme avant de venir en Suisse et des contrôles crédibles aux frontières. La libre-circulation détruit peu à peu les classes moyennes européennes, fragilise le tissu social, déracine les gens et paupérise encore plus les plus faibles, alors que les grands patrons et les multinationales se remplissent les poches.

La Suisse est une destination attractive pour les requérants d'asile et les migrants économiques. Le polémiste panafricain Kémi Seba dénonce le discours qui consiste à faire croire aux Africains que l'Europe est un Eldorado. Selon lui les élites africaines corrompues ainsi que l'oligarchie occidentale ont intérêt à aspirer les populations du continent africain pour créer un dumping social en Europe. Que pensez-vous de ces positions?

Cette analyse est parfaitement correcte. Elle confirme ce que je viens d’affirmer plus haut.

Le député vert européen Daniel Cohn-Bendit a lancé, avec la participation d'autres personnalités, un Appel du 14 décembre[ii]. Celui-ci est censé influencer le vote du budget de la Ville de Genève. N'êtes-vous pas agacé par les ingérences qu'il exerce dans les affaires de la Suisse?

Oui, ce Cohn-Bendit s’ingère tout le temps dans les affaires intérieures de la Suisse. Il se comporte comme une autorité tutélaire, voire coloniale. Or, la Suisse est un pays souverain, disposant probablement du système le plus démocratique au monde. C’est la seule « république démocratique » dans l’histoire qui mérite ce nom (même si c’est une confédération, mais je fais référence aux anciens pays du bloc communiste qui se qualifiaient ainsi). Plutôt que de s’occuper des dysfonctionnements patents du système UE, il préfère détourner l’attention des citoyens européens déçus en diabolisant la Suisse. C’est ce que font d’ailleurs les pays anglo-saxons en fustigeant les banques suisses pour mieux faire oublier Jersey, Guernesey, le Delaware et le Nevada où l’argent est blanchi en masse comme dans une « beautiful laundrette ».

Propos recueillis par Alimuddin Usmani, le 23 décembre 2013

Hoffmann e Jünger: La natura perturbante della tecnologia

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Hoffmann e Jünger: La natura perturbante della tecnologia

di Marco Zonetti
Fonte: Arianna Editrice [scheda fonte]  

Leggendo il racconto “L’Uomo della Sabbia” di Ernst Theodor Hoffmann e il breve romanzo distopico “Le api di vetro” di Ernst Jünger, potremmo scoprire che i due autori non condividono soltanto il nome di battesimo e la nazionalità, bensì una peculiare e chiaroveggente diffidenza nei confronti della tecnologia, o perlomeno del suo potere manipolatore e disumanizzante.

Nel racconto di Hoffmann, scritto nel 1815, il giovane Nathanael è ossessionato dalla figura di un uomo misterioso, Coppelius, che fin dall’infanzia egli apparenta iconograficamente all’Uomo della Sabbia (o Mago Sabbiolino), una sorta di uomo nero delle tradizioni popolari che getta la sabbia negli occhi dei bambini, strappandoli e portandoli nel suo rifugio sulla “falce di luna” per darli da mangiare ai suoi “piccolini dai becchi ricurvi”.

Coppelius viene introdotto nel racconto in veste di vecchio avvocato amico del padre di Nathanael, per poi rivelarsi una specie di folle scienziato/alchimista nonché complice di un fabbricante di automi italiano, Lazzaro Spalanzani, che si spaccia per un innocuo professore di Fisica. Nathanael conosce la figlia di quest’ultimo, Olimpia, in realtà un automa costruito da Spalanzani con l’aiuto di Coppelius, e se ne innamora perdutamente finendo in un vortice di follia. Dopo una breve parentesi di serenità, accudito dalle amorevoli cure della fidanzata Clara e dell’amico Lothar, che rappresentano il focolare domestico e gli affetti sinceri non contaminati dall’unheimlich costituito dalle “diavolerie” della tecnica incarnate invece da Coppelius e Spalanzani, Nathanael sembrerà aver ritrovato brevemente la ragione, salvo poi risprofondare nelle antiche ossessioni – ridestate da un cannocchiale fabbricato da Coppelius – che lo condurranno al suicidio.

Lo stesso approccio alla scienza e alla tecnologia viste come “perturbanti” traspare dal breve romanzo di Ernst Jünger, “Le api di vetro” del 1957. Api di vetro, ovvero minuscoli automi intelligenti che popolano i giardini dell’industriale Zapparoni (un altro italiano) ove il protagonista Richard – reduce di guerra e di un mondo semplice fatto di tradizioni d’onore e di valori ormai perduti – è capitato in cerca di un impiego. Nei giardini di Zapparoni, arricchitosi grazie all'ideazione e costruzione di macchine tecnologicamente avanzate che dominano ormai il mondo, Richard osserva la “spaventosa simmetria”, per citare William Blake, delle api di vetro e della loro fisiologia ipertecnologica che, lungi dal migliorare o perfezionare la natura (imperfettibile in sé come fa notare Jünger in molte sue opere, ricordandoci che più la tecnologia progredisce più l’umanità subisce un’involuzione e viceversa), la impoveriscono, devastandola in ultima analisi – i fiori toccati dalle “api di vetro” sono infatti destinati a perire poiché deprivati dell’impollinazione incrociata..

Seppur concepite in due epoche diverse, Olimpia e le api di vetro rappresentano l’elemento perturbante di un mondo ossessionato dalla scienza, e in corsa dissennata verso un futuro ultratecnologico in cui uomini e macchine divengono intercambiabili sempre più a discapito dei primi. In cui la poesia dell’ideale romantico e dell’amore sincero, come quello di Nathanael per Clara, viene guastato dall’ossessione per la fredda e innaturale Olimpia, meccanismo perfetto ma inumano come quello degli “automi di Neuchatel” che devono aver ispirato Hoffmann per la sua protagonista. In cui uomini e animali vengono via via sostituiti distopicamente dalle macchine e dagli automi, e dove la stessa nascita, lo stesso atto d’amore che porta al concepimento dell’essere umano viene sostituito da un alambicco, da una provetta, da una miscela in laboratorio, in una sorta di “catena di montaggio” della riproduzione, di “fordismo” applicato alle nascite come nel “brave new world” di Aldous Huxley, “eccellente mondo nuovo” in cui sia Olimpia sia le api di vetro sarebbero cittadini onorari e abitanti privilegiati.

arman110.jpgAltra peculiare affinità fra le due opere è quella data dalla ricorrenza dell’elemento degli “occhi” e del “vetro”. Nel racconto di Hoffmann, troviamo per esempio il leitmotiv dei cannocchiali (“occhi” fatti di vetro come le api) costruiti dal solito Coppelius nelle vesti dell’italiano Coppola. Cannocchiali che ci riportano immediatamente a Galileo Galilei, sommo esponente dell’ambizione scientifica dell’uomo, ambizione che nel racconto di Hoffmann è tuttavia distorta dagli ambigui scopi di Coppelius, intenzionato a deprivare Nathanael degli occhi, per renderlo un cieco automa come la stessa Olimpia. Paradossalmente, anziché donargli una visione amplificata della realtà rendendolo più “lungimirante”, il cannocchiale che Nathanael acquista da Coppelius lo fa sprofondare in una follia primordiale che non riconosce affetti, amore, amicizia, né tantomeno connotati umani, portandolo infine all’annullamento di sé, ovvero al suicidio.

Come lo stesso Richard protagonista de “Le api di vetro”, Nathanael perde a poco a poco la propria umanità e l’attaccamento alle proprie tradizioni e ai propri valori, travolto dalla tecnologia malvagia di due esseri votati alla creazione di marionette e pagliacci destinati a divertire le folle, fenomeni da baraccone come Olimpia, o come gli automi di Zapparoni finiti a sostituire gli attori in carne e ossa nei film, quali li descrive Jünger nel suo romanzo.

Per tornare al tema degli occhi, il protagonista de “Le api di vetro” capirà a poco a poco che, per l’incarico che intende assumere, occorrono occhi disumanizzati, asettici, (occhi di vetro?) che devono vedere senza guardare, senza discernere, così da passar sopra alle atrocità perpetrate nel giardino (e nella società) degli orrori tecnologici di Zapparoni. Per poter sopravvivere nel mondo ipertecnicizzato e inumano insediatosi grazie alla perdita dei valori e della tradizione, Richard si renderà dunque conto che è necessario lasciarsi cavare metaforicamente gli occhi dall’Uomo della Sabbia rappresentato dall’ambizione e della protervia dell’uomo.

Con le derive della tecnologia, con il sacrificio dell’etica sull’altare della Hýbris, con la corsa dissennata a voler piegare la natura al nostro volere, sembrano quindi preconizzarci Hoffmann e Jünger, l’essere umano diventa simulacro di se stesso, automa (fintamente) perfetto, “ape di vetro” senz’anima, senza cuore, senza sesso. Transgender e ultragender costruito in serie come una marionetta, al punto che – nella nostra realtà più vicina – i genitori risultano tanto spersonalizzati da abdicare perfino al nome di padre e di madre per diventare “genitore 1” e “genitore 2”, espressioni che tanto piacerebbero all’ambiguo Zapparoni – che deve il suo successo al tramonto dell’etica e della tradizione – ma anche all’infido Coppelius, sorta di “tormento del capofamiglia” kafkiano, non meno inquietante del “rocchetto di filo” Odradek, protagonista del celebre racconto dello scrittore praghese. Ma soprattutto al mostruoso Uomo della Sabbia che, dal suo antro nella “falce di Luna”, non potrebbe che compiacersi oltremodo della nostra cieca ambizione, che ci impedisce di vedere la realtà distopica nella quale, superbi e protervi, ci stiamo gettando a capofitto inseguendo le derive della tecnologia e dell’ingegneria genetica.

La Hýbris demiurgica della tecnica rappresentata da Coppelius e Zapparoni, ovvero l’aspirazione a replicare la potenza creatrice divina, racchiude necessariamente l’annullamento di sé e dell’umanità, per questo il Nathanael di Hoffmann non può che suicidarsi e il Richard di Jünger tradire i propri princìpi per assoggettarsi al nuovo status quo e al nuovo regime di spersonalizzazione dell’uomo.

Privi degli occhi dell’etica, dei valori e del sacro rispetto della natura, accecati dalla nostra arroganza, siamo solo bambini sprovveduti destinati a diventare cibo della progenie di occulti “uomini della sabbia” o schiavi di scaltri e spietati “Zapparoni”.


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