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lundi, 19 septembre 2022

Fascination américaine et suicide européen

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Fascination américaine et suicide européen

par Nicolas Bonnal

L’Amérique nous hypnotise à volonté, elle nous pousse au suicide et sans forcer son talent : la dette et les usuriers des fonds de pension comme Fink, c’est elle ; le transhumain et le Reset c’est elle et ses milliardaires ; le virus et les vaccins c’est elle (Bourla veut dire « plaisanterie », burla, en espagnol) ; la russophobie et l’extermination nucléaire en Europe, ce sera aussi elle (elle est sûre que jamais la Russie complexée ne s’en prendra à elle directement) ; les nouvelles chasses aux sorcières et le nouveau puritanisme moral, c’est elle ; les privatisations et la déglingue à la Dick, c’est toujours elle. Elle va nous exterminer et nous l’en remercions, et nous la divinisons. Elle fait penser au serpent biblique : elle amène la connaissance, une connaissance vide et creuse, et nous perdons tout au passage. Mais nous sommes contents. Comme le serpent du Livre de la Jungle, elle nous hypnotise avant de nous bouffer l’Amérique.

Je me souviens des années 90 ; il y avait encore des petites résistances en France ; et puis tout a fondu comme neige au sommeil sans qu’on y prenne garde (Chirac a adoubé Lagarde et Sarkozy). Et nous sommes devenus le pays le plus vil, le plus collabo et le plus déglingué avec fin des communistes et 1% maximum de gaullistes (le texte de Milgram est balayé). Nous n’avons pas été punis comme le voulait Condoleeza, nous avons été séduits, conquis, pressés et stressés. Pays d’abrutis prêts à crever pour Leur Maître. Le Parrain a triomphé comme partout en Europe ; mais comme c’est ici qu’on survit…

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Mais d’où vient cette fascination ? Pour le comprendre relisons Jean Baudrillard, pas le Baudrillard antiaméricain de la Fin, mais le Baudrillard tonitruant et talentueux qui dans un beau et long poème, intitulé Amérique, explique pourquoi ce serpent est décidément fascinant.

Quelques rappels ; l’Amérique c’est d’abord le pays conatif, le pays qui donne des ordres et doit être obéi (sinon on est anéanti, Allemagne, Japon, Irak, Lybie, bientôt Chine et Russie, car il ne faut douter de rien, on est avec le pays qui ose toujours tout, comme Keyser Sose) :

« Tout protéger, tout détecter, tout circonscrire – société obsessionnelle. Save time. Save energy. Save money. Save our souls – société phobique. Low tar. Low energy. Low calories. Low sex. Low speed – société anorexique.

Curieusement, dans cet univers où tout est à profusion, il faut tout sauver, tout épargner. »

Cela c’est le programme gastronomique et économique, avec l’obsession médicale (Rockefeller et les vaccins) et écologique qui était là bien avant Biden (Vance Packard en parle déjà). Ce puritanisme économique est aussi mémoriel :

« Tout recenser, tout stocker, tout mémoriser. »

Tout cela c’est l’obsession de la statistique, des maths, de l’informatique, du reste. L’Amérique nous contrôle. Amazon.fr va nous imposer l’euro numérique avec l’UE sous contrôle, et Gates nous a imposé vaccin, confinement et reset, le tout comme à la parade. Voyez notre texte sur Jack London et les milliardaires humanitaires et bienveillants qui ont progressivement détruit la planète et surtout l’humanité (ce qu’ils appellent le tikkun).

amerique-332185-264-432.jpgBaudrillard constate que l’Amérique contrôle tout avec ses images (l’alunissage), son cinéma, ses musiques. Elle domine notre cerveau et notre imaginaire. Aujourd’hui c’est Netflix et le format CNN qui a dévasté et reprogrammé le peu de cerveaux qui restaient (en termes de Milgram je maintiens que nous sommes 1%, pas plus). Nous sommes ses choses et ses prisonniers, comme dans la caverne de Platon (y compris ceux qui comme nous font mine de s’imposer à elle en utilisant ses concepts et même ses outils) ou comme dans l’Invasion des profanateurs de sépulture, tous remplacés psychiquement et tous reprogrammés pour devenir ces légumes dont parla notre génial Siegel à Benayoun un jour.

Ce qu’il faut comprendre c’est que le simulacre c’est la force et la réalité, le simulacre ce n’est pas ce dont il faut se moquer comme font certains vieux distraits. Le simulacre c’est la réalité et nous sommes devenus d’illusoires ombres. Baudrillard cite Baudelaire et son culte moderne des artifices et il ajoute :

« Inutile de chercher à décinématographier le désert pour lui garder une qualité originelle, la surimpression est totale, et elle continue. Le Indiens, les mesas, les canyons, les ciels : le cinéma a tout absorbé. Et pourtant, c’est le spectacle le plus saisissant du monde. Faut-il préférer les déserts « authentiques » et les oasis profondes (p. 69) ? »

Le simulacre américain : voyez ces queues d’affamés à Moscou au début des années 90 pour entrer dans le premier McDonald’s ouvert. La malbouffe c’est l’unique vraie bouffe, pauvre José Bové.

Baudrillard ajoute : « Les États Unis, c’est l’utopie réalisée. »

Et il va même plus loin. Pourquoi elle triomphe dans les âmes l’Amérique (Renan l’avait bien dit dans ses Souvenirs) :

« La conviction idyllique des Américains d’être le centre du monde, la puissance suprême et le modèle absolu n’est pas fausse. »

Elle conquiert même ses ennemis l’Amérique. Le Vietnam bosse pour les actionnaires américains (Gap et les textiles) et il s’arme avec son ancien bourreau (quatre millions de morts ?) pour résister contre la Chine. Peut-on résister à cette pieuvre ? Baudrillard le nie :

« Quoi qu’il arrive, et quoi qu’on pense de l’arrogance du dollar ou des multinationales, c’est cette culture qui fascine mondialement ceux mêmes qui ont à en souffrir, et ce de par cette conviction intime et délirante d’avoir matérialisé tous leurs rêves. »

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L’Amérique matérialise les rêves, c’est la magie hollywoodienne. On voit d’ailleurs que le wokisme s’impose sans coup férir en Europe et surtout en France.

Baudrillard n’oppose pas le capital à la révolution : le capital c’est la révolution, il emporte et ravage tout. En ceci Baudrillard est marxiste : le capital, dit Marx dans le Manifeste, c’est celui qui fait tomber la Grande Muraille. On verra pour la Chine et on se rappellera que pour McCarthy comme pour d’autres conservateurs façon Mullins, Céline, Belloc ou Chesterton, les USA ont créé à la fois l’URSS et la Chine communiste. Ce pays est si puissant qu’il peut créer à volonté ses (faux) opposants. Là il a deux gros morceaux, mais faites-lui confiance.

Donc le capital est plus rapide que nos rebelles (voyez Klein et No Logo) :

« Non seulement l’histoire ne se rattrape pas, mais il semble que l’actualité même du capital, dans cette société « capitaliste », ne se rattrape jamais. Ce n’est pourtant pas faute, chez nous critiques marxistes, de courir après le capital, mais il a toujours une longueur d’avance (p. 79). »

Baudrillard ajoute un élément essentiel : l’Amérique est ontologiquement supérieure. Elle complexe l’Europe et l’Europe bafouée et humiliée s’en veut et veut s’exterminer. Pourquoi est-elle supérieure ? Lisons le Maître :

« L’Amérique, elle, s’est trouvée en position de rupture et de modernité radicale : c’est donc là que la modernité est originale, et nulle part ailleurs. Nous ne pouvons faire que l’imiter, sans pouvoir la défier sur son propre terrain (p. 80)… »

Et d’enfoncer le clou avec l’inévitable (que dis-je, fatidique) Hannah Arendt :

« Cette auto-indulgence non dénuée d’humour témoigne d’une société sûre de sa richesse et de sa puissance, et qui aurait en quelque sorte intériorisé la formule de Hannah Arendt selon laquelle la révolution américaine, au contraire de toutes celles d’Europe, c’est une révolution réussie (p. 86). »

9782859840693-us.jpgCitant un texte anti-américain de Guillaume Faye, Baudrillard établit que tout ce qu’on reproche à l’Amérique se retourne en sa faveur. On dit qu’elle est violente, criminelle, surendettée, obèse, crétine, bolchevique, féministe, raciste, antiraciste, libérale, clochardisée, fasciste, elle s’en fout : elle se nourrit de nos insultes. Ce qui l’insulte la rend plus forte. On dit depuis cinquante ans qu’elle est moribonde, déclinante, décadente, cool, dégénérée, elle s’en fout encore et nous mène à la chambre à gaz. L’Amérique n’est pas décadente, au contraire donc :

« Bien sûr tout cela est une parodie !  Si toutes ces valeurs ne supportent pas d’être parodiées, c’est qu’elles n’ont plus d’importance. Oui, la Californie (et l’Amérique avec elle) est le miroir de notre décadence, mais elle n’est pas décadente du tout, elle est d’une vitalité hyperréelle, elle a tout l’énergie du simulacre. C’est le lieu mondial de l’inauthentique » – bien sûr : c’est ça qui fait son originalité et sa puissance. Cette montée en puissance du simulacre, vous l’éprouvez ici sans effort (p. 101). »

L’Amérique a même gagné la guerre du Vietnam en faisant pleurnicher le public pour ses bidasses : qui a jamais vu un film vietnamien sur cette guerre ? Elle a même imposé son apocalypse à l’Asie, qui s’est ensuite couverte de gratte-ciels, de fastfoods, d’autoroutes, d’aéroports, de centres de recherches, d’ateliers et de camps de vacances – puis de centres de vaccination anti-covid. Elle a même pu se barrer en se marrant de l’Afghanistan (voyez Mozinor).

Croyez-moi, cessons de la sous-estimer.

Nicolas Bonnal

A propos de Piłsudski  et de l'Intermarium

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A propos de Piłsudski  et de l'Intermarium

par Danny Sguera

Source : Danny Sguera & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/intermarium-30382

La politique extrémiste et belliciste de l'OTAN et des États-Unis n'est rien d'autre, aujourd'hui sur fond de conflit russo-ukrainien, qu'une répétition de la stratégie militaire conçue au début du 20ème siècle par le général polonais Piłsudski (connu pour le "Miracle de la Vistule") qui soulignait la nécessité de canaliser une union de nations non russes afin d'encercler la Russie (voir l'extension récente de l'OTAN) qui appartenait alors, comme aujourd'hui, à partir de l'après-guerre, à la sphère tsariste ou du Pacte de Varsovie. Ces pays s'étendaient de la Baltique à la Caspienne et au Caucase et auraient dû recevoir comme tâche précise de stabiliser leurs souverainetés, celles-ci étant toutefois hétéro-dirigés par les diktats étrangers franco-britanniques à l'époque et placés sous l'égide des États-Unis aujourd'hui (le garant de la Pologne, à l'époque, était l'entente franco-britannique qui a misérablement abandonné Piłsudski en poussant le chef de l'ethnat ukrainien Skoropads'kij, à l'époque, vers la Russie pour réduire les empires allemand et austro-hongrois).

Piłsudski croyait, par le biais de la vision de l'INTERMARIUM et des méthodes propres à son idéologie PROMETHEISTE, qu'il était indispensable de stabiliser le territoire ukrainien afin de contenir les visées de l'Empire tsariste d'abord, puis du régime soviétique, de manière à rompre toute relation avec l'Est et à proclamer ensuite la Pologne, porte d'entrée du monde slave, gardienne de ce rôle de premier plan. Piłsudski préférait être un franc-tireur méfiant tant à l'égard de l'Est que de l'Ouest, car il était conscient qu'il pouvait être écrasé par les empires de l'époque, notamment celui des Habsbourg et l'empire allemand qui étaient en constante progression. Aujourd'hui, comme à l'époque, il est possible de tracer les similitudes avec le rôle assumé par la Pologne dans le domaine géostratégique, qui, en cohabitation avec d'autres Etats vassaux (Ukraine, Finlande, Lettonie, Lituanie, Géorgie, en partie Azerbaïdjan), exerce certes des politiques d'intérêt mutuel mais aussi et surtout des politiques coïncidant avec les intérêts des Américains. Ces États jouent le rôle de chiens enragés envers la Russie en soutenant les politiques les plus militaristes de la zone européenne.... mais pas seulement. En fait, aujourd'hui comme à l'époque, la Pologne, à la lumière du récent conflit interne avec l'Union européenne, peut encore conserver des espaces d'autonomie obtenus grâce à l'hégémon américain, du moins tant qu'elle restera subordonnée aux plans géopolitiques de la superpuissance qui, en échange, lui permettra d'exprimer un revanchisme nationaliste axé principalement sur la détestation de la Russie.

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La politique actuelle à courte vue des États-Unis vise, comme il y a quelques décennies et pendant tout le siècle dernier, à espérer une chute progressive et providentielle du système régissant la Fédération de Russie, comme elle l'a fait avec l'URSS pour des raisons endogènes, par l'effondrement politico-économique dû à la course aux armements, au système économique dépassé de planification contre l'économie de marché et avec, en prime, quelques raids ici et là des états de l'INTERMARIUM exerçant une force perturbatrice qui n'est pas vraiment efficace mais utile pour gagner du temps afin que les deux premières causes, déjà expliquées dans le présent article, se réalisent finalement dans le temps (voir aujourd'hui le déploiement et l'effort militaire en Ukraine plus les glissements de terrain entre la Géorgie et le Nagorno Karabagh combinés avec les sanctions occidentales).

Ces théories politiques du maréchal et ministre de la guerre polonais en 1915-1918 ont laissé leur empreinte sur le modus operandi euro-américain en produisant des crises successives qui se répercutent aujourd'hui sur tout notre continent en raison des grandes similitudes avec les conflits de 2008 en Géorgie et de 2014 en Ukraine. Une approche insensée qui, en élargissant le front de l'OTAN, a rassemblé tous les États dits "prométhéens" (selon la définition donnée par les idéologues autour de Pilsudski) qui, en réitérant leurs provocations au fil du temps, entendent contrecarrer la forte résurgence de la Russie dans le monde eurasien, résultat de la politique de réaffirmation de Vladimir Poutine.

Le fait est qu'entre-temps, le monde a changé, la Russie n'est plus ni un empire ni l'URSS, même si cela arrange le monde occidental de lui coller des étiquettes du siècle dernier pour ne pas avoir à dire la vérité ou du moins à avouer les changements historiques à ses citoyens. Les espoirs d'un effondrement socio-économique à la manière de l'URSS, complétés par des théâtres de guerre pour user et harceler la Russie, révèlent un Occident vieux, malade et fortement colonialiste qui préfère se bercer d'illusions en retournant inlassablement à de vieilles pages du passé tout en éludant les changements structurels internationaux qui, sauf en cas de conflit mondial, sont INÉVITABLES.

Le système économique russe a changé et adopte désormais un modèle hybride de marché et de souveraineté. Mais, à côté de cela, tout un monde a changé avec les BRICS.  L'Inde mais surtout la Chine offrent des opportunités de marché qui font voler en éclats les politiques d'isolement dépassées et rétrogrades que l'on veut appliquer contre la Russie. Au contraire, par une propagande immorale, l'Américanosphère a convaincu ses citoyens qu'il y a un monstre de l'autre côté de la ligne, et par des décisions politiques précises, elle a choisi obtusément de faire sauter tout un échafaudage économique et culturel, en se retranchant, comme elle l'a fait jadis pour l'URSS, dans une économie fermée (SEV/COMECON), qui non seulement n'a pas de débouchés économiques en politique étrangère, mais fait de ses Etats membres des sujets politiques soumis au pouvoir hypercentralisé de Washington. En bref, des Etats fantoches sans autonomie ni réel pouvoir législatif en matière internationale !

Jean-Luc Godard ou le cinéma en tant qu'œuvre d'art totale

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Jean-Luc Godard ou le cinéma en tant qu'œuvre d'art totale

L'histoire du cinéaste français est le récit d'une indépendance artistique obtenue en essayant de ne répondre à rien d'autre qu'à sa propre conscience au prix d'aller à l'encontre de l'esprit du temps

par Andrea Piran

Source: https://www.barbadillo.it/106075-jean-luc-godard-ovvero-il-cinema-come-opera-darte-totale/

Ce n'est pas une hyperbole de dire que Jean-Luc Godard appartient à cette catégorie de cinéastes, composée d'une poignée de noms, qui ont forgé la grammaire du septième art, élevant son rang d'attraction de cirque à une discipline digne d'une étude académique. Le début de sa carrière, cependant, c'est en tant que critique de cinéma pour divers magazines avec un intérêt particulier pour le cinéma américain et en essayant d'élaborer une haute idée de cette discipline au point d'écrire : "à la question 'qu'est-ce que le cinéma ?' je répondrais d'abord : l'expression de sentiments nobles".

Cette approche le conduira au cours de sa filmographie à repenser les formes du cinéma afin de résoudre la contradiction qui existe parce que le film est simultanément un produit industriel et une œuvre d'art. Le principal problème théorique que pose la notion d'auteur au cinéma est lié au fait que, pour des raisons de production, le nombre de personnes impliquées dans la réalisation d'un film est si important que la personne responsable du résultat artistique ne peut être identifiée au premier coup d'œil. Ce n'est pas un hasard si la définition du cinéaste en tant qu'auteur est liée à l'existence d'éléments esthétiques qui permettent de définir un style et qui sont cohérents dans sa production. Ce n'est pas un hasard si l'intérêt de Godard pour la technologie et les techniques cinématographiques est lié à sa conviction que l'indépendance économique du cinéaste est essentielle pour parvenir à un contrôle esthétique du film.

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Sa production cinématographique peut essentiellement être divisée en trois phases : la première, qui s'étend de Jusqu'au dernier souffle en 1959 à La Chinoise en 1967, est la plus connue car elle est propre au mouvement dit de "la nouvelle vague" et à son importance historique bien établie, et parce qu'elle est la plus facile à apprécier. Dans le cadre des innovations formelles de ces films : l'absence de salles de cinéma et le montage inégal c'est-à-dire, une scène est découpée en parties divisées par une ellipse temporelle au lieu d'un lien, l'utilisation d'un scénario de type traditionnel, bien que soumis à des réécritures et des modifications en cours de production, est le lien avec une forme de cinéma à caractère également populaire, sachant que Godard n'a jamais caché sa considération critique du cinéma de genre, notamment américain, et, ce n'est pas un hasard, de nombreux topos de ces formes populaires sont présents bien que filtrés par la poétique personnelle de l'auteur. Dans cette phase, le projet de l'auteur est le renouvellement d'une forme qui est de toute façon liée, ou conséquente, aux maîtres du passé, mais à moderniser en éliminant les traits les plus nettement théâtraux et en insérant un élément de réalité d'une matrice éminemment photographique.

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La deuxième phase, qui s'étend de British Sounds en 1969 à Tout va bien en 1972, est liée à l'idée d'un cinéma marxiste : c'est-à-dire que Godard entame une réflexion sur la relation entre les conditions économiques de la réalisation d'un film et sa forme esthétique, et par conséquent sur la manière dont le cinéma peut jouer un rôle politique dans la construction de la conscience de classe. De nombreux films de cette période sont signés "Groupe Dziga Vertov" et réalisés avec d'autres cinéastes, notamment Jean-Pierre Gorin, en référence aux tendances de l'époque qui prônaient la centralité de l'action collective par rapport à l'action individuelle. L'hommage au maître soviétique se reflète dans l'utilisation de formes de nature documentaire, notamment dans Un film comme les autres, et dans la capacité à faire un cinéma éloigné de la propagande fade tout en étant idéologiquement orienté en vertu d'un détachement programmatique de l'artifice.

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Dans cette phase, la tendance à passer d'un cinéma qui doit raconter une histoire à un cinéma qui doit représenter une pensée commence à émerger et, par conséquent, une utilisation marquée des voix off commence, qui ont pour tâche de créer une relation dialectique entre le son et l'image ainsi que de rompre la cohérence cinématographique habituelle entre ces deux éléments. À la fin de cette phase, il y a un silence artistique essentiellement lié à l'épuisement d'une saison politique et à la crise pratique d'un projet esthétique (le "Groupe Dziga Vertov" se dissout en raison de désaccords entre ses membres) où l'aspect esthétique est relégué à l'aspect fonctionnel.

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Après une phase intermédiaire d'œuvres réalisées avec Anne-Marie Miéville en 1980, commence la troisième phase, qui s'étend de La vie sauve ceux qui peuvent, jusqu'à Le livre d'image de 2018, qui est, selon l'écrivain, la plus importante de son œuvre. Dans cette phase, en s'émancipant d'une cohérence narrative de type littéraire, c'est-à-dire raconter une histoire, le cinéma devient un véritable Gesamtkunstwerk dans lequel convergent les influences et les suggestions de tous les arts, tenus par une cohérence formelle de type philosophique, c'est-à-dire développer une pensée.

L'une des œuvres symboliques de cette période est Histoire(s) du cinéma, dans laquelle des fragments de toute l'histoire du cinéma sont articulés dans une réflexion complexe sur la forme, montrant les éléments qui se répètent et se modifient au fil du temps, et dans laquelle le spectateur est appelé à les analyser et à les interpréter dans le contexte de la réalisation ; une œuvre rendue possible par l'utilisation de la bande vidéo, car ce support permet une extraction du contenu et une duplication beaucoup plus simples que la pellicule, et surtout, il permet l'absence de recours à des figures tierces.

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En définitive, l'histoire de Jean-Luc Godard est l'histoire d'une indépendance artistique obtenue en essayant de ne répondre à rien d'autre qu'à sa propre conscience au prix d'aller à l'encontre de l'esprit du temps : on se souvient qu'il ne s'est pas rendu à Los Angeles, l'une des patries du salutisme politiquement correct, pour recueillir l'Oscar de sa carrière, sous prétexte que le voyage était long et qu'il était interdit de fumer dans l'avion. Pour la postérité, il tente de répondre à la question qui sous-tend son dernier film : est-il possible d'écrire un livre, c'est-à-dire d'atteindre le même niveau de discursivité que l'écrit, en utilisant des images ? Quelles sont les implications pour les techniques d'édition ? L'alternative est de rester obstinément ancré à la tradition et à ses codes esthétiques, mais cela signifie être persuadé de la fin de l'histoire.

Andrea Piran.

19:44 Publié dans Cinéma, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-luc godard, cinéma, film, 7ème art | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Le monde multipolaire esquissé par Xi, Poutine et Modi à Samarkand

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Le monde multipolaire esquissé par Xi, Poutine et Modi à Samarkand

Source: https://piccolenote.ilgiornale.it/mondo/il-mondo-multipolare-delineato-da-xi-putin-e-modi-a-samarcanda

L'assemblée de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Samarkand, en Ouzbékistan, a fait la une des journaux en raison de la rencontre entre Poutine et Xi Jinping, duo désormais identifié comme l'actuel axe du mal (avec différentes modulations).

Et il a été dit que Poutine a subi un nouveau camouflet à cette occasion, car il n'a pas bénéficié du soutien inconditionnel du président chinois, qui le condamnerait même à un abandon imminent du pouvoir.

Poutine - Xi : simul stabunt simul cadent

Cela fait partie de l'art de la guerre de présenter les adversaires comme des perdants et cette technique a été adoptée avec beaucoup d'effet dans la guerre d'Ukraine. Il suffit de penser à l'époque où, au début du conflit, tous les médias parlaient de la prétendue maladie incurable du tsar, ce qui a été démenti, mais seulement quelques mois plus tard, par le chef de la CIA.

Pourtant, malgré tout, il n'est pas courant de transformer ses espoirs en nouvelles certaines, comme c'est le cas ici. Mais, pour en revenir aux faits, il faut répéter que Xi et Poutine ont désormais un lien indissoluble, grâce aussi à la politique étrangère américaine qui les a longtemps mis tous les deux dans le collimateur, favorisant ainsi leur proximité, sachant bien que simul stabunt simul cadent.

À tel point que les deux présidents ont désormais modelé un horizon commun : renforcer l'élan vers un monde multipolaire, sortant ainsi de la sphère étroite de l'unipolarisme actuel, né après 1989 et alimenté par des guerres sans fin, qui soumet la planète à l'hégémonie et aux caprices cruels des États-Unis. Un horizon ouvertement déclaré même à Samarkand.

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Pour donner une idée plastique de la proximité entre les deux pays, il y a eu aussi l'exercice conjoint des marines respectives dans le Pacifique, commencé, sous l'œil attentif de Poutine, dans la semaine précédant le sommet et poursuivi pendant la réunion de Samarcande.

L'Inde à l'OCS dans un monde polarisé par le conflit ukrainien

Mais, au-delà des relations entre la Chine et la Russie, il convient de souligner certains aspects de cette rencontre d'une certaine pertinence.

Tout d'abord, il s'agit certainement de la réunion la plus importante depuis sa création, comme en témoigne le fait que Xi y a assisté en personne, quittant son pays pour la première fois depuis le début de la pandémie.

Il convient également de noter que la présence de Narendra Modi est apparue plus importante à cette occasion qu'aux précédentes, précisément parce que la guerre d'Ukraine, qui polarise le monde, semble indiquer que la présence du président indien constitue une sorte de choix de camp.

Pas tant un choix pro-russe, mais un choix décisif - et on pourrait dire inébranlable (à moins d'une révolution de couleur à l'indienne) - en faveur de la perspective multipolaire soutenue par la Chine et la Russie.

Pas seulement : la présence indienne renforce cet apaisement avec la Chine qui avait déjà été mis en évidence avec le terme mis aux escarmouches entre les deux pays à la frontière himalayenne, qui avaient fait des dizaines de victimes des deux côtés. Un apaisement dans lequel les deux géants asiatiques acceptent de contenir leur rivalité - fondée sur le chevauchement de leurs projections géopolitiques respectives en Asie - afin de travailler ensemble sur la perspective multipolaire.

La relation entre l'Inde et la Chine est une question géostratégique cruciale pour le destin du monde, comme le montre la prudence avec laquelle l'Occident aborde les démentis de l'Inde à ses diktats sur l'Ukraine et autres, l'Amérique ne peut tout simplement pas risquer d'effilocher ses relations avec New Delhi, car cela jetterait les Indiens dans les bras de la Chine, ce qui ouvrirait la voie au "siècle asiatique", au détriment de l'hégémonie mondiale américaine/occidentale.

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L'équidistance de la Russie par rapport aux grands rivaux asiatiques est également propice à l'apaisement, ce qui lui a permis de jouer un rôle de médiateur lorsque des problèmes sont survenus entre les deux pays (ce qui explique également le détachement apparent entre Xi et Poutine, qui est fonctionnel dans une perspective plus large).

La portée de l'OCS et l'Iran

Un autre point à souligner est la portée de l'OCS, qui, dans les médias grand public, est normalement abordée comme un organe géopolitique de faible importance mondiale.

Les différents participants donnent pourtant une idée de sa portée. Ses membres sont l'Inde, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Chine, la Russie, le Tadjikistan, le Pakistan et l'Ouzbékistan. Les États observateurs sont l'Afghanistan, le Belarus, l'Iran et la Mongolie, les partenaires de dialogue sont l'Azerbaïdjan, l'Arménie, le Cambodge, le Népal, la Turquie et le Sri Lanka. Et lors du sommet de 2021, la procédure a également été lancée pour accorder le statut de partenaire de dialogue à l'Égypte, au Qatar et à l'Arabie saoudite...

Un autre aspect important du sommet de Samarkand a été la signature de l'adhésion officielle de l'Iran à l'OCS, une nouvelle qui a fait le tour du monde, comme s'il s'agissait de quelque chose de sensationnel, alors qu'il ne s'agissait que d'une étape formelle, puisqu'en fait Téhéran était déjà un participant à part entière.

Téhéran avait jusqu'à présent évité cette étape, craignant qu'elle ne donne en quelque sorte à ses adversaires américains matière à renforcer leur pression contre le rétablissement de l'accord sur le nucléaire iranien. Maintenant que les États-Unis ont clairement fait savoir qu'une telle mesure n'est plus à l'ordre du jour, ils ont fait ce qu'ils voulaient faire depuis longtemps (nous reviendrons sur l'échec de la signature de l'accord nucléaire dans une autre note).

L'OCS et la détente dans l'espace post-soviétique

Aucune importance n'a cependant été accordée à trois aspects tout à fait positifs du sommet. Tout d'abord, au cours de la réunion, le Kirghizistan et le Tadjikistan ont convenu de mettre un terme aux désaccords qui avaient provoqué certains affrontements frontaliers entre les deux pays.

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La seconde est qu'avant le sommet, l'Arménie et l'Azerbaïdjan ont trouvé le moyen de mettre fin aux affrontements entre les deux pays, notamment parce qu'Erdogan, qui soutient la position de l'Azerbaïdjan, ne pouvait pas venir à la réunion, où Poutine était présent, avec ce conflit non résolu, le Tsar étant irrité par la déstabilisation qu'il produit aux frontières de son pays (ce dont se réjouissent, en revanche, les néoconservateurs américains, comme l'écrit Responsible Statecraft et comme le souligne l'annonce par Pelosi de son prochain voyage dans la région, la présidente de la Chambre étant un vecteur délirant dans la propagation de conflits).

Le dernier aspect important du sommet concerne toujours Erdogan, qui, avant de partir pour Samarkand, avait exprimé son souhait de rencontrer Assad, si le président syrien se rendait à l'assemblée, ce qu'il n'a pu faire pour des raisons de sécurité.

Ceci a été rapporté par Reuters dans une note d'agence reprise par Haaretz, qui conclut de manière significative: "Toute forme de normalisation entre Ankara et Damas remodèlerait la guerre de Syrie qui dure depuis des décennies".

En effet, la Turquie a été l'un des parrains du changement de régime en Syrie et a été utilisée comme plaque tournante par des puissances étrangères qui l'ont alimenté en envoyant des miliciens, des armes et de l'argent par son territoire (un peu comme ce qui se passe en Ukraine, où les plaques tournantes sont plus dispersées et sous le contrôle total de l'OTAN).

La Russie et le dégel syrien

Mais à Samarkand, Erdogan a apparemment réitéré son intention, disant même qu'il était prêt à se rendre en Syrie pour rencontrer Assad. Et ce serait un coup fatal pour les partisans des guerres sans fin, qui ont rencontré leur premier échec en Syrie, après leurs succès en Libye et en Irak, Assad ayant survécu à l'assaut.

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Ce qui est encore plus significatif, c'est ce qui est rapporté ailleurs dans la note, qui donne une idée de la façon dont une telle perspective n'est en aucun cas aléatoire : "Le rapport [sur l'intention d'Erdogan] a été publié après que quatre sources différentes ont déclaré à Reuters que le chef des services de renseignement turcs avait eu plusieurs réunions avec son homologue syrien à Damas ces dernières semaines, un signe des efforts russes pour encourager un dégel entre les États qui se sont opposés dans la guerre en Syrie".

Un tel dégel ne serait pas de trop pour le peuple syrien, qui souffre encore des conséquences de la dévastation et des deuils causés par la guerre et par les sanctions occidentales, qui pèsent encore tragiquement et de manière tout à fait arbitraire sur lui.

Malheureusement, beaucoup (qui sont puissants) de ceux qui s'arrachent aujourd'hui les cheveux pour le salut de la pauvre Ukraine ont participé - et participent - à la légion étrangère qui a alimenté la boucherie syrienne. Et ils feront tout pour empêcher le dégel susmentionné. Nihil sub sole novum.

Ps. Alors que le Kazakhstan accueillait l'assemblée de l'OCS, le pape François se trouvait également dans ce pays asiatique, en visite apostolique. Une simple coïncidence dans le temps, bien sûr, mais qui suscite autant de curiosité que d'intérêt.