Parution du n°459 du Bulletin célinien
Sommaire :
Entretien avec Yoann Loisel
La guerre, en vérité
Une lettre de Paul Bonny à Céline [1961]
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Parution du numéro 66 de la revue War Raok
EDITORIAL
Il faut oser affronter l’État français et son ministère de l’Éducation coloniale
De plus en plus de voix s’élèvent pour que soit enseigné, de façon officielle, l’Histoire de la Bretagne aux jeunes élèves bretons. Un enseignement obligatoire et non pas une certaine « liberté pédagogique » des enseignants qui consiste à enseigner l’Histoire de France à travers des exemples locaux afin d’agrémenter et embellir le programme ! Voilà le subterfuge, l’échappatoire du ministère français de l’Éducation nationale pour ne pas intégrer officiellement l’Histoire de la Bretagne dans tous les programmes scolaires. Une fidélité aux règles intangibles imposées par les Grands Maîtres de l' Éducation nationale depuis le 19ème siècle.
La République française a choisi de laisser les enfants bretons dans l’ignorance de leur Histoire
Cette Histoire de la nation bretonne, véritable roman national au cœur de notre identité, serait-elle si sulfureuse pour que lʼÉtat français et sa belle République souhaitent la passer sous silence ? Une connaissance parfaite susciterait-elle une prise de conscience et éveillerait-elle soudain un désir d’émancipation au sein du peuple breton ?
Les motifs du refus d’enseigner cette grande Histoire du peuple breton se trouvent en fait dans ces deux interrogations ! Nos braves « Hussards noirs de la République française » ont bien flairé le danger et lorsqu’ils daignent évoquer notre Histoire, ils la falsifient et osent les pires contrefaçons. On va même user des pires arguments fallacieux et s’adjoindre la collaboration de piètres historiens nourris par des visions idéologiques peu recommandables.
Ainsi, on apprend que les Bretons tireraient leur origine des tribus gauloises qui occupaient l’Armorique avant notre ère. Que la langue bretonne serait un miraculeux échantillon conservé de la langue que l’on parlait dans toute la Gaule… et donc que les Bretons seraient ainsi deux fois Français, puisque descendants directs des grands guerriers blonds aux yeux bleus, que la mythologie officielle assigne pour aïeux lointains à l’ensemble des hommes qui habitent entre l’Atlantique, le Rhin et les Alpes.
La vérité est toute autre messieurs. Le berceau historique de notre ethnie est l’Île de Bretagne, où vivaient entre autres peuples, des hommes qui parlaient une langue apparentée à celle des Celtes continentaux et qui possédaient un type physique assez différent.
Peu à peu refoulés vers l’Ouest suite aux diverses invasions, ils ne parvinrent à se maintenir que dans les deux péninsules occidentales de l’Île : le Pays de Galles et la Cornouailles où leurs fils habitent encore. Étaient-ils trop nombreux pour ces territoires ? Toujours est-il qu’ils se mirent à émigrer vers l’Armorique toute proche. L’Armorique ainsi repeuplée devint la Bretagne.
On voit déjà combien, par cette brève première partie de notre Histoire, les débuts de la Bretagne la font différente de la France et l’erreur que l’on commettrait en l’assimilant à une quelconque et vulgaire province française.
La suite de son histoire ne fit que creuser le fossé qui séparait la Bretagne, dès l’origine, de ses voisins de l’Est ! A peine établis en Armorique, les Bretons durent lutter contre les assauts successifs des Francs et repousser les multiples tentatives d’invasion pour sauvegarder leur liberté. Du point de vue historique, une chose est certaine, et personne ne le niera, la Bretagne vécu indépendante pendant de très longs et heureux siècles. Je ne vous ferai pas l’histoire de cette glorieuse période où les souverains bretons donnèrent au pays une prospérité remarquable et où les autres nations regardaient avec envie ce petit peuple européen actif et entreprenant.
L’État français et sa République n’ont eu de cesse de répéter aux Bretons qu’ils n’avaient pas d’Histoire ! Il nous faut maintenant mettre un terme à cette politique bornée où se mêlent peur et méfiance, mais aussi totalitarisme et négationnisme culturel piliers jacobins de l’Éducation nationale française.
Il faut abattre cette féodalité.
Padrig MONTAUZIER.
Sommaire War Raok n°66
Buhezegezh vreizh page 2
Editorial page 3 (Padrig Montauzier)
Buan ha Buan page 4 (Julien Dir, Yann Vallérie)
Europe
Réflexion sur l’identité européenne page 10 (Enric Ravello)
Tribune libre
L’Occident a tendu un piège perfide aux Russes ? Page 12 (Peter G. Feher)
Histoire
Deux peuples, deux destins page 14 (Fulup Perc’hirin)
Politique
Immigration : la prochaine étape du libéralisme page 17 (Enric Ravello Barber)
Hent an Dazont
Votre cahier de 2 pages en breton page 18 (Tepod Mab Kerlevenez/Eostig Pont-Eon)
Solidairté Kosovo
Le convoi de Noël, contre vents et marées page 23 (Goulc’hen Danio de Rosquelfen)
Plantes et santé
L’herboristerie… et le pouvoir des plantes page 25 (Jérôme Marchin)
Civilisation celtique
Littératures écrites et orales des civilisations celtiques page 27 (Fulup Perc’hirin)
Nature
Le ver de terre page 31 (Per Manac’h)
Lip-e-bav
Soupe de poisson à la bretonne page 33 (Youenn ar C’heginer)
Keleier ar Vro
Le Gwenn ha Du de l’Hôtel de ville de Saint-Nazaire page 34 (Meriadeg de Keranflec’h)
Bretagne sacrée
Le dolmen de la Roche-aux-fées page 35 (Per Manac’h)
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Parution du n°459 du Bulletin célinien
Sommaire :
Entretien avec Yoann Loisel
La guerre, en vérité
Une lettre de Paul Bonny à Céline [1961]
Sous l’Occupation, Céline bénéficiait dans la presse collaborationniste du statut de “prophète”. C’est que, dans ses terribles brûlots d’avant-guerre, il avait prédit l’imminence du danger et le péril d’un conflit dans lequel la France serait entraînée. « Ne tirez pas sur le prophète » s’exclame, par exemple, Robert Brasillach en janvier 1942 lorsque des exemplaires des Beaux draps sont saisis en zone non occupée. Sera-t-il un jour considéré par certains comme le prophète du “grand remplacement” ? Certes il n’était pas le seul à s’inquiéter. « C’est une immense tragédie que la diminution de la race blanche, sa disparition… », confiait Paul Morand peu de temps avant sa mort. Au journaliste qui lui demandait pourquoi cette disparition l’affligeait particulièrement, il répondait tout uniment : « Parce que c’est ma race. » Dans un ouvrage savant consacré à ce sujet, on ne s’étonne pas de voir Pierre-André Taguieff consacrer tout un chapitre à Céline. Il est précisément intitulé : « La fin de la “race blanche” : Céline prophète ». Truffé de nombreuses citations, ce chapitre montre, si besoin était, que ce fut chez lui une préoccupation constante, non seulement à l’époque des pamphlets, mais jusqu’à la fin.
Est-ce chez certains célinistes un sujet tabou ? Le simple fait d’avoir posé une question sur le racialisme célinien à un auteur dont le livre récent fait précisément le lien entre cette obsession et le sentiment de décadence a suscité chez lui des pudeurs de gazelle et le refus d’accorder un entretien. Dans le même ordre d’idées, ceux qui se disent soulagés de ne pas être confrontés à une telle thématique dans les romans d’après-guerre montrent qu’ils ne les ont pas bien lus. Ces livres, tout autant que les interviews de l’époque, fourmillent d’observations de ce genre. Le chapitre que nous propose Taguieff en constitue une sorte de florilège. « L’homme blanc est mort à Stalingrad » est une sentence qu’il prononce, à plusieurs reprises, au début des années soixante. Lorsqu’une journaliste du Monde lui demande ce qu’est, selon lui, le tragique de notre temps, la réponse fuse : « C’est Stalingrad. Ça, comme catharsis ! La chute de Stalingrad c’est la fin de l’Europe. Il y a eu un cataclysme. L’épicentre c’était Stalingrad. Là on peut dire que c’était fini et bien fini, la civilisation des Blancs. »
Son refus du métissage est tout aussi emblématique : « Le monde devient peu à peu comme le Brésil. Le grand mélange. Brasilia capitale du Monde. » Ambivalence toujours dans le cas de Céline : ailleurs, il précise : « Le métissage ne veut pas dire mauvaise santé. Il y a bien un peu de bizarrerie mentale, mais ce n’est pas gênant. Et çà a tout de même fait des Alexandre Dumas, des Pouchkine, des Leconte de Lisle, des Heredia, des Gaugin, et une immense partie du personnel artistique. » On aura compris que, pour lui, ces exceptions ne doivent pas constituer la loi générale. Pierre-André Taguieff affirme que les projections démographiques permettent de prévoir qu’à l’horizon 2050 les États-Unis deviendront un pays majoritairement non blanc. Nul doute que Céline eût été conforté dans ses prédictions par ce constat. Constat ne signifie pas théorie complotiste. Demeure la crainte d’une page qui se tourne. L’auteur, lui, tient à se tenir à égale distance de l’angélisme des adeptes du “politiquement correct” et du catastrophisme de ce qu’il nomme les “nationalistes exaltés”, qui dénoncent, écrit-il, l’« immigration-invasion ». Mais n’est-ce pas l’expression qu’utilisait, voici déjà trente ans, un ancien président de la République ?
• Pierre-André TAGUIEFF : Le grand remplacement ou la politique du mythe, Éditions de l’Observatoire, 2022, 328 p. (23 €)
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Parution du n°458 du Bulletin célinien
Sommaire :
La biographie de Gen Paul
Rentrée scolaire 1900, rue de Louvois
Un dessinateur inattendu de Voyage. Le sculpteur Alfred Bottiau
L.-F. Céline sur Internet
Quand Charles Plisnier revenait sur son engouement pour Voyage au bout de la nuit.
On se souvient qu’à l’occasion du 30e anniversaire de la mort de Brasillach, l’historien Pascal Ory, partisan résolu de l’abolition de la peine de mort, avait déclaré qu’en février 1945, il aurait volontiers « figuré parmi les douze hommes qui exécutèrent au petit matin le condamné Robert Brasillach »¹. Pierre-Yves Rougeyron, militant de droite souverainiste, fait tout aussi bien. Faisant allusion au sort des manuscrits de Céline à la Libération, il clame : « Il fallait lui laisser ses œuvres, il fallait pas les piquer. C’est lui qu’il fallait pendre. C’est là où je suis très gaulliste : moi, je touche pas aux œuvres, c’est aux hommes que je touche. »². Cet épurateur au petit pied comprend-il que si l’on avait liquidé Céline en 1944, nous eussions été privés d’une grande part (et non la moindre) de son œuvre ? Mais cet admirateur éperdu de Malraux n’en a certainement cure. Quant à l’auteur des Quatre jeudis, notre justicier à rebours ne fait pas davantage dans la dentelle : « Brasillach, je l’aurais flingué de mes mains. » [sic]. Vouant aux gémonies tous les écrivains de la Collaboration, sait-il que son idole voyait en Drieu la Rochelle « l’être le plus noble » qu’il ait jamais connu ? Mais un militant obtus peut-il comprendre ce genre de paradoxe ? Malraux forçait peut-être même son talent en déclarant que « Drieu n’a jamais trahi la France, même sous l’Occupation. » Rougeyron s’en remettra-t-il ?
Sur cette période, bien des légendes circulent. Et il arrive que l’on parvienne à en créer de nouvelles dès lors que certaines affabulations sont reprises. Dans un livre récent, un prétendu historien – il n’en a pas la formation – affirme que « depuis l’arrivée des occupants, [Céline] ne cesse d’envoyer des lettres à l’ambassade d’Allemagne ou à la Wehrmacht [sic], par lesquelles il exige un durcissement des mesures raciales. »³. La seule correspondance adressée à un officiel allemand que l’on connaisse est celle adressée à son ami Epting, directeur de l’Institut allemand, où il ne demande rien de ce genre. À moins que l’auteur ne détienne une correspondance inédite de Céline à Otto Abetz ainsi qu’à quelque hiérarque de l’armée allemande ? Passons…
Dans le genre bobard étincelant, signalons aussi une vidéo sur Gen Paul dans laquelle une “spécialiste”4 affirme ceci : « L’amitié entre Paul et Céline a probablement été l’une des plus importantes dans la vie des deux hommes, mais elle est devenue de plus en plus difficile, lorsque Céline s’est engagé à promouvoir ses idées plus que controversées, qui engendrera la rupture entre les deux hommes. » Vous pouvez me croire : la dame prononce cette phrase sans ciller. Comme on le sait, la rupture qu’elle évoque intervint bien après que Gen Paul eut accompagné Céline à l’ambassade d’Allemagne (février 1944), et auparavant à Berlin (mars 1942). Ignore-t-elle aussi que, cette même année 42, l’artiste illustra Voyage et Mort à crédit ? Étonnant pour une experte en œuvres artistiques… Que n’a-t-elle lu, avant son exposé, la biographie de Gen Paul par Jacques Lambert qui vient d’être rééditée.
Notes:
16:11 Publié dans Littérature, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, lettres, lettres françaises, littérature française, louis-ferdinand céline, revue | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Parution du numéro 65 de la revue War Raok
EDITO
Transformer le crépuscule présent en une nouvelle aurore
En ces temps perturbés et dans un contexte particulièrement trouble, face à l’arrogance et à l’indécence de certains grands prêtres, grands guides ou nouveaux ayatollahs de la terre brûlée plaidant en faveur de cette funeste et aberrante religion révolutionnaire qui consiste à faire du « passé table rase », nous devons plus que jamais affirmer notre attachement aux traditions et aux valeurs, fondements de nos sociétés bretonnes et européennes.
Si la tradition est un ensemble de représentations et de pratiques considérées comme indiscutablement vraies par le peuple qui s’y réfère, elle est également un trait culturel spécifique particulièrement chargé de valeurs. La tradition est intemporelle, incarnée et réalisée puisque, comme l’indique son nom, elle est transmission de principes. Un autre nom de la tradition est mémoire, à condition de ne pas entendre par là une fabrication imposée : un peuple sans mémoire, et plus encore un peuple sans souvenir, est un peuple sans âme.
Elle ne s’oppose pas au « futur », au « progrès » ou au « moderne », elle les fonde. Les projets et les visées d’avenir sont des mises en perspective de traditions. La tradition touche aussi bien les attitudes mentales que les rites qui doivent demeurer immuables. Nos rites populaires sont un ensemble de coutumes dictées par notre tradition. Ils sont aujourd’hui soit réduits, par déculturation, soit neutralisés par muséification dans un ridicule folklore-spectacle pour touristes. Mais les traditions peuvent être régénérées ou réinventées même après une période d’apparente interruption. En fait, rien ne disparaît jamais, tout est soumis à la loi du changement et demeure susceptible de revenir. Une tradition peut être occultée, nous pouvons la manifester de nouveau. La tradition est un perpétuel recours.
Il nous faut donc refuser tout système de pensée que nous imposent les fanatiques idéologues nourris de la philosophie des « Lumières » : leur but est l’homogénéisation générale des peuples et par conséquent la destruction de tous référents communautaires. Nous refusons de voir l’âme du peuple breton remplacée par l’absence d’âme de ses plus mortels ennemis.
On ne peut pas évoquer la tradition sans y associer le concept de valeurs qui font qu’il n’y a pas de vie possible pour un peuple sans la reconnaissance et l’adoption d’un certain nombre de valeurs fondatrices. Elles ne s’appréhendent pas rationnellement mais dans le vécu d’une communauté ethnique. Des valeurs, qui ne se confondent pas avec des dogmes moraux imposés, mais sont essentiellement une attitude de vie. Il faut savoir lire, à travers la crise qui affecte notre Europe aujourd’hui, le déclin de cadres idéologiques déliquescents et la naissance de nouvelles valeurs, encore indistinctes, mais que nous devons formaliser selon les données immémoriales de nos héritages propres. Les peuples ont besoin d’un système de valeurs renouvelé, réinventé, qui puisse transformer le crépuscule présent en une nouvelle aurore.
Chaque peuple peut placer au-dessus de tout ses propres valeurs, tout en les considérant comme relatives, comme son bien propre et non comme celui de l’humanité tout entière.
Enfin, toute tentative de promouvoir des valeurs universelles est en fait un instrument du déracinement idéologique pour vider de leur substance les morales concrètes des peuples authentiques.
Nous pouvons être guidés dans ce choix de valeurs réelles par notre propre tradition culturelle.
Nous ne voulons pas être tenus pour responsables de la mort du peuple breton et de notre Bretagne. Aussi, nous devons avoir le courage de la résistance et de l’abnégation et convaincre autrui de la portée civilisationnelle de notre combat politique qui occupera obligatoirement l’ensemble des prochaines années à venir.
D’an holl ac’hanoc’h e hetan un Nedeleg laouen hag ur Bloavezh mat 2023.
Padrig MONTAUZIER.
Sommaire War Raok n° 65
Buhezegezh vreizh page 2
Editorial page 3
Buan ha Buan page 4
Peuples d’Europe
Les Hellènes oubliés page 8
Billet d’humeur
Le nouvel opium du peuple page 9
Europe
La Suède détruit le cauchemar social-démocrate page 10
Environnement
De la mondialisation à la civilisation page 12
Tribune libre
Le destin français de l’Alsace, une tragédie page 14
Hent an Dazont
Votre cahier de 4 pages en breton page 19
Politique
Faut-il affirmer une dimension européenne ? Page 23
Histoire de Bretagne
Un point de vue politique (2ème partie) page 26
Religion
Le sanctuaire de Sainte-Anne-d'Auray page 30
Histoire de Celtie
Les Culdee, Lug et Merlin page 31
Tradition
La San Esteban, la Catalogne et l’axe carolingien page 32
Civilisation celtique
Littératures écrites et orales des civilisations celtiques page 33
Nature
La lamproie page 36
Lip-e-bav
Filet mignon de porc au cidre et son confit page 37
Keleier ar Vro
La statue de Louis XIV dévoilée page 38
Bretagne sacrée
La chapelle Sainte-Barbe page 39
21:09 Publié dans Revue, Terres d'Europe, Terroirs et racines | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bretagne, celtisme, pays celtiques, terres d'europe, armorique, nationalisme breton | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Parution du numéro 457 du Bulletin célinien
Sommaire :
Londres : splendeur et misère des courtisanes
Guerre traduit en créole
Londres face à la critique
Entretien avec Émeric Cian-Grangé
Notre Rabelais [1939]
Maurice Nadeau, troisième service.
La parution du second manuscrit inédit, Londres, a suscité beaucoup de commentaires dont nous rendons compte dans ce numéro. Certains estiment que ces textes n’auraient pas dû être publiés. C’est le cas de Yann Moix, par ailleurs admirateur de l’écrivain, qui reproche, d’une part, à Gallimard d’avoir cédé aux pressions relatives à la réédition des pamphlets, et, d’autre part, d’avoir édité « de manière tout à fait cynique un roman de Céline qui est, en fait, un brouillon de brouillon de brouillon [sic] de Voyage au bout de la nuit. » Ce qui, selon lui, « abîme la réputation de Gallimard pour très longtemps. »¹ Il évoquait alors uniquement Guerre, le second inédit n’étant alors pas encore paru. Et faisait sienne l’hypothèse (fallacieuse) selon laquelle ce texte date de 1932. Accusation absurde : d’un auteur majeur, on souhaite tout connaître, même les brouillons qui, sans être destinés à la publication en l’état, apportent un éclairage inédit sur une période d’écriture féconde. Nul doute que si Moix était édité par Gallimard, il serait moins intransigeant. Henri Godard a raison de rappeler que l’œuvre proprement dite est constituée des romans que Céline a publiés lui-même, le reste étant à considérer comme des documents de genèse. Ce qui est précisément bien le cas des deux inédits qui sont apparus. Tout au plus pourrait-on reprocher à Gallimard de les avoir édités dans la fameuse collection “Blanche”, et non pas, par exemple, dans les Cahiers Céline où ils auraient eu naturellement leur place.
Mais va-t-on reprocher à une maison d’édition, qui est aussi une entreprise commerciale, de rentabiliser au mieux deux inédits d’un de ses écrivains-phares ? Affirmer, par ailleurs, que ces textes n’auraient dû trouver leur place qu’en annexe d’une édition de la Pléiade est faire bon marché de l’exigence économique la plus élémentaire, d’autant que Guerre s’est déjà vendu à plus de 150.000 exemplaires. Le reproche émane, cette fois, de l’universitaire italien Pierluigi Pellini². Selon lui, le fait de publier ces textes comme des romans à part entière fausse la réception de l’œuvre. Désormais, dit-il, des milliers de personnes n’ayant jamais lu Voyage au bout de la nuit ou Guignol’s band auront lu Guerre et Londres qui leur donneront une fausse image de l’écrivain. Cette appréciation est-elle fondée ? Il faudrait pouvoir vérifier que les nombreux acheteurs de ces inédits sont majoritairement de nouveaux lecteurs découvrant l’œuvre de Céline et non pas d’anciens lecteurs qui s’y replongent. Dans un article récent, un journaliste a relevé qu’en quatre mois, de mai à août 2022, les ventes en collection de poche (Folio) ont déjà augmenté de 50 % par rapport à l’année dernière³. Chaque année, Gallimard vend environ 20.000 exemplaires (en poche) des livres de Céline. Or, cette année le chiffre de 30.000 a déjà été atteint. La parution de ces inédits fait donc, au contraire, naître un nouvel intérêt pour l’œuvre. Le même universitaire italien critique aussi « une sorte de fétichisme où chaque page, chaque brouillon devient un objet sacré pour adeptes du culte célinien ». Mais n’en va-t-il pas de même pour Proust dont on commémore cette année le centième anniversaire de la mort ?4 C’est le lot de tous les écrivains importants et c’est bien naturel. Fétichisme bien partagé…
20:09 Publié dans Littérature, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lettres, lettres françaises, littérature, littérature française, louis-ferdinand céline, revue | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Parution des numéros 455 et 456 du Bulletin célinien
N°455:
Sommaire :
Hommage à Robert Le Vigan [1972 – 2022]
Le Vigan à Montmartre
Rencontre avec Le Vigan (1939)
Une amitié épistolaire
Propos d’exil
Le procès de Le Vigan
À Fresnes
Les historiens, qui n’aiment guère Céline, sont rarement d’accord entre eux. « Céline a été un collaborateur enthousiaste de l’Allemagne nazie », déclare Pierre-André Taguieff¹. Ce n’est pas l’avis de Pascal Ory qui évoque « une collaboration hypocondriaque »². Divergence aussi quant au jugement du 21 février 1950 : « Le jugement qui le sanctionne est d’une sévérité extrême », constate Anne Simonin³. Pas du tout, affirme sa consœur Odile Roynette observant que « le verdict de la Cour de Justice s’avéra indulgent »4. À cet égard, elle commet une erreur dans le livre qu’elle lui a consacré : Céline a été uniquement condamné au titre de l’article 83-4 du Code pénal (pour “actes de nature à nuire à la défense nationale”), et non du fait de ses prises de position antisémites (p. 177). La même cite Drieu la Rochelle et Brasillach, « anciens combattants de la Grande Guerre, comme Céline » (p. 243). Apprenons lui que Brasillach avait cinq ans en 1914 et que son père mourut au combat. Il est assez étonnant que ces historiennes, rigoureuses l’une et l’autre, commettent de telles erreurs. Ainsi, Simonin affirme avec force que la seule fois où Céline utilise une note infrapaginale, c’est dans Les Beaux draps. Or il recourt à ce procédé dans Semmelweis [1936, éd., p. 89] et dans L’École des cadavres. (p. 35). Les allégations erronées sont une chose, les commentaires où perce de manière constante le dénigrement en sont une autre. À propos de la guerre de Louis Destouches, Roynette évoque des « actes prétendument héroïques » et dresse, au fil des pages, le portrait d’un homme humainement peu fréquentable, affabulateur médiocre et calculateur. Il s’agit surtout de tenter de démontrer que sa blessure n’était pas si grave et que Destouches aurait logiquement dû retourner au combat au lieu de « s’embusquer » à Londres. Simonin renchérit et évoque « une médaille [militaire] que Céline a obtenue sans qu’on sache comment [sic]. »5 Et de faire l’amalgame entre Louis Destouches et le narrateur de Guerre pour mieux discréditer le premier. Bien entendu, elle est hostile à la réédition des pamphlets, ne comprenant pas cette « insistance à revisiter la bibliothèque antisémite française. » Or ce corpus est abondamment commenté ici et là : ne serait-il pas utile qu’il soit autant accessible que les explications le concernant ? On s’étonne qu’un historien ne veuille résoudre ce paradoxe. On peut aussi se demander si celui-ci est dans son rôle lorsqu’il adopte de manière constante une rhétorique moralisatrice même quand la conduite de Louis Destouches est exempte de tout reproche, comme ce fut assurément le cas en 1914. Pas que les historiens. Ainsi, un lecteur de L’Express, domicilié à Courbevoie (!), déplore que, dans un article consacré à Guerre, il ne soit pas rappelé que Céline « fut aussi collaborationniste, antisémite et frappé d’indignité nationale »6. Ce lecteur est-il également déçu lorsqu’un article sur Aragon ne rappelle pas ses turpitudes staliniennes ? Étant entendu que les dévoiements de l’un n’excusent pas ceux de l’autre.
N°456
Sommaire :
Entretien avec Frédéric Hardouin –
Deux points de vue inattendus sur Guerre –
Le cas Thibaudat –
Yvon Morandat –
Héritage –
Les Hussards, suite et fin –
“Martynabe” persiste mais ne convainc pas.
Au départ, il s’agit d’une thèse de doctorat : “Le style réactionnaire : positions de la droite littéraire française sur la langue et le style au XXe siècle ». Ayant à y revenir afin de l’adapter pour l’édition, son auteur ne cache pas que cela lui a procuré « un sentiment nauséeux » [sic]¹. Une plongée dans l’œuvre de Bernanos, Marcel Aymé, Paul Morand, Antoine Blondin, Jacques Laurent, pour ne citer qu’eux, est-elle de nature à susciter cette réaction répulsive ? Pour ce jeune universitaire qui traque les menées de la Réaction dans les lettres, c’est assurément le cas. Et lorsqu’un bas-bleu lui demande si prendre du plaisir à lire Céline fait d’elle une réactionnaire qui s’ignore, il recommande « de lire du Sartre pour se laver un peu l’esprit »². C’est que pour ce jeune universitaire, animateur d’un séminaire “Lectures de Marx”, il s’agit de combattre l’idée selon laquelle les réactionnaires sont de grands stylistes irréprochables. Ce livre rappelle irrésistiblement celui de l’inénarrable Daniel Lindenberg qui, dans son Rappel à l’ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires (2002) fustigeait déjà Houellebecq mais aussi Philippe Muray. Si Berthelier ne lui accorde pas un chapitre entier, il consacre tout de même quelques pages à Céline, histoire de tancer au passage ses « idées exterminatrices ». Peu importe que les exégètes céliniens les moins complaisants à son égard, tels Godard ou Tettamanzi, répètent à l’envi qu’il n’y a pas chez lui d’appel au meurtre des juifs.
Berthelier maîtrise manifestement mal ce sujet. Si l’on trouve des tropismes réactionnaires chez Céline, il ne peut de toute évidence être réduit à ça. La Réaction étant ce qui s’oppose au progrès social, cela cadre mal avec les réformes proposées, par exemple, dans Les Beaux draps. En réalité, vouloir enfermer Céline dans un carcan (conservateur, fasciste ou anarchiste) s’avère une impasse. Il apparaît davantage comme un hapax que comme un échantillon représentatif des écrivains de droite. Précisément en raison du style. Dans sa Poétique de Céline, Henri Godard affirme que son écriture est à contre-courant de son idéologie, le plaisir que procure au lecteur le style célinien ayant un pouvoir libérateur. Lequel serait en opposition avec un fascisme de l’ordre réprimant les instincts³. Ce qu’avait contesté, on s’en souvient, Marie-Christine Bellosta qui estime au contraire que son style est en phase avec cette idéologie dans la mesure où elle se présente précisément comme un triomphe de l’instinctif sur l’intellectualité4. Il est exact que la droite révolutionnaire a souvent utilisé les ressources de la verve populaire. Mais est-ce typiquement “fasciste” ? On retrouve des procédés analogues chez Hébert, le créateur du Père Duchesne. Rendant compte du livre de Berthelier, un critique en arrive même à se demander s’il faut considérer le lyrisme célinien comme le véhicule de son fascisme (!)5. Tout cela est grotesque. Sur son site internet, l’auteur clame que son livre mérite d’être acheté. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.
• Vincent BERTHELIER, Le style réactionnaire (De Maurras à Houellebecq), Éditions Amsterdam, 2022, 385 p. (22 €)
19:02 Publié dans Littérature, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : revue, bulletin célinien, louis-ferdinand céline, lettres, lettres françaises, littérature française | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Parution du numéro 454 du Bulletin célinien
Sommaire :
L’épigraphe de Voyage au bout de la nuit (Le chant de la Bérézina)
Entretien avec Jean Guenot (5e et dernière partie)
Guerre, antérieur à Voyage ?
Jean-Pierre Maxence, critique de Céline.
Thibaudat a lâché le morceau cet été : le détenteur des fameux inédits n’était autre qu’Yvon Morandat (1913-1972), celui que Céline appelle comiquement « mon occupant » puisqu’il emménage dans son appartement, réquisitionné par la Résistance, à la Libération. Ailleurs il évoque « celui qui occupe [s]on lit à Montmartre ». On savait que ce résistant, gaulliste de la première heure, avait placé le mobilier de Céline dans un garde-meuble. Et que celui-ci avait refusé de le récupérer contre le paiement des frais de gardiennage. On savait aussi que l’écrivain n’avait pas tenu à recouvrer ces manuscrits qui n’avaient, disait-il, aucun intérêt pour lui ¹. Ce qui ne l’empêcha pas de se poser en victime de Morandat. Mais se souvenait-il de tout ce qu’il avait laissé ? On ignorait par ailleurs que le nouveau locataire détenait aussi, dans une malle, des documents personnels de Céline dont des lettres, photographies et autres archives privées. C’est l’une des filles du résistant qui, via un ami de la compagne de Thibaudat, lui a remis le tout à l’aube des années 80. Il a donc détenu ces inédits pendant quarante ans. Il ne s’agissait en aucun cas de les remettre à Lucette Destouches car c’était « s’exposer à voir des documents gênants pour Céline disparaître ou être interdits de publication. » Il importait aussi de ne pas faire de cadeau à celle qui « avait déployé beaucoup d’efforts pour tenter de gommer l’ignominie antisémite de son époux » [sic]. On comprend aussi qu’il ne fallait pas entacher la mémoire de Morandat que de mauvais esprits eussent pu accuser de recel puisqu’il conserva par-devers lui, outre les manuscrits (que Céline déclina), des documents privés qu’il aurait pu lui remettre en mains propres lorsqu’il le rencontra, au domicile de Pierre Monnier, au début des années cinquante. Quid d’Oscar Rosembly ? C’est de toute évidence lui qui, en août 1944, subtilisa le manuscrit complet de Casse-pipe (plus de 800 pages, selon Céline), la version cédée par Morandat étant, elle, très lacunaire ².
Que sont devenus les manuscrits dérobés par Rosembly (car il y aurait aussi la version finale de La volonté du roi Krogold) ? Les ayants droit comptent-ils s’adresser au petit-fils de Rosembly, journaliste à Marseille, afin de savoir ce qu’il en est ? Guère d’espoir de ce côté puisqu’on se souvient qu’il tomba des nues lorsqu’il apprit, l’été précédent, les “exploits” de son grand-père. Comme on le voit, bien des zones d’ombre subsistent et, avec Céline, on n’est pas au bout de nos surprises. Toutes ces péripéties sont d’ailleurs très céliniennes. De même le fait que cette histoire suscite tant de commentaires imbéciles. Ainsi, à la suite de l’ineffable Roussin, l’ancien journaliste de Libération relève que, dans l’exposition organisée par Gallimard, la médaille militaire de Louis Destouches a été exposée sans que ne fût rappelé qu’il n’avait plus le droit de la porter par décision de justice. Cette hargne envers un auteur mort il y a 60 ans a quelque chose de fascinant…
• Jean-Pierre THIBAUDAT, « Céline, le trésor retrouvé. La piste Morandat », Mediapart, 10 août 2022. Neuf épisodes ont été publiés au total [https://blogs.mediapart.fr]
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Parution du numéro 453 du Bulletin célinien
Sommaire :
- Céline et Paul Mondain
- Entretien avec Jean Guenot (IV)
- Une conférence sur Céline en 1950
- Chez Lacloche à Nice, 1912
20:07 Publié dans Littérature, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louis-ferdinand céline, littérature, littérature française, lettres, lettres françaises, revue | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Parution du n°64 de War Raok
EDITORIAL
A quoi bon… combattre !
De toutes les objections faites à l’action militante en faveur de l’émancipation du peuple breton, la plus affligeante est sans conteste celle qui se résume en cette expression, toute de faiblesse et de démobilisation : « A quoi bon »…
Certains Bretons semblent avoir perdu le sentiment de leur nationalité, or, en réalité, le sentiment national breton existe bien plus qu’on le croit généralement, seulement ce sentiment, dont personne ne leur ont appris à être fiers, est refoulé et caché au fond de leur cœur. Et pourtant, combien en avons-nous vu de ces femmes et ces hommes de Bretagne vibrer lors d’un fest-noz, s’émouvoir en écoutant les chants traditionnels, brandir le Gwenn ha Du avec orgueil et chanter notre Bro Gozh ma Zadoù, défendre la langue bretonne, protéger un illustre patrimoine profane et sacré, ou encore vanter une histoire de Bretagne prestigieuse…
C’est une réalité et nous avons cette chance que les Bretons, néanmoins, sont fiers d’être Bretons... fiers de leur identité.
Mais la flamme qui, à un moment, a brillé dans les regards, s’éteint. Les visages un instant détendus se ferment voire se figent, on hausse les épaules, cependant que les mots lamentables tombent des lèvres désabusées : « A quoi bon !». Une attitude de vaincu qui peut s’expliquer mais qui n’a pas d’excuses car si l’on commence à s’abandonner soi-même de quel droit exiger d’autrui qu’il vous respect ?
A quoi bon lutter pour que la Bretagne vive, pour que la Bretagne, qui a été une nation prospère et organisée, ressurgisse des cendres du passé sous lesquelles on veut la maintenir pour mieux l’étouffer !
A quoi bon lutter pour que la Bretagne retrouve sa place au sein des autres nations européennes, pour que sa personnalité soit reconnue, pour que ses intérêts économiques soient protégés au lieu d’être sacrifiés, pour que, en un mot, les Bretons recouvrent leurs libertés et leur souveraineté !
Cela ne vaut-il pas la peine de sortir de l’attitude résignée de celui qui se complet dans sa médiocrité ? Que ceux qui, au fond d’eux-mêmes, se sentent Bretons mais qui n’ont que le triste courage de murmurer « A quoi bon » sachent qu’en agissant ainsi ils se dévalorisent eux-mêmes et se font les complices silencieux de ceux qui veulent détruire notre pays.
Alors, à quoi bon combattre ne serait-ce que pour se sentir un homme fier, libre, sûr de soi et non un vaincu qui traîne sa résignation comme une chaîne. Ce que ne pourrait faire une poignée de militants déterminés qui jettent le bon grain, l’effort du plus grand nombre le réalisera lors de la moisson qui se prépare. Il ne faut pas s’abandonner, se résigner, mais marcher la tête haute et au coude-à-coude avec ceux qui ne souhaitent que le salut de la Bretagne et le bonheur du peuple breton. L’essentiel est d’agir, ensemble si possible.
Aujourd’hui, des voix de plus en plus nombreuses et de plus en plus influentes s’élèvent pour que la Bretagne soit dotée d’un « statut » spécifique au sein de l’Europe. On ne peut que s’en réjouir. La revendication n’est pas nouvelle, mais qu’elle s’amplifie incontestablement est un signe des temps.
La Bretagne est notre pays, notre maison et cela doit rester ainsi parce que nous n’en avons pas d’autre.
Padrig MONTAUZIER, directeur de publication.
SOMMAIRE du numéro 64
Buhezegezh vreizh, page 2
Editorial, page 3
Buan ha Buan, page 4
Environnement
Le Green Deal européen et l’effondrement industriel de l’Europe, page 8
Société
La Bretagne défigurée ?, page 11
In Memoriam
Décès de l’abbé Marcel Blanchard, page 13
Politique
Éducation, les droits des parents, page 16
Hent an Dazont
Votre cahier de 4 pages en breton, page 19
Histoire de Celtie
Les femmes-champions dans la mythologie irlandaise, page 23
Histoire de Bretagne
Un point de vue politique (1ère partie), page 25
Géopolitique
La guerre en Ukraine
Un traumatisme vécu dans cette partie de l’Europe, page 28
Santé
Alimentation : un enjeu culturel majeur, page 31
Tradition
Les animaux sacrés et leur nom tabou, page 32
Civilisation celtique
Littératures écrites et orales des civilisations celtiques, page 33
Nature
La vie du saumon atlantique, page 36
Lip-e-bav
Tartare de Saint-Jacques, page 37
Keleier ar Vro
Une face cachée de la colonisation en Bretagne, page 38
Bretagne sacrée
Le château de Suscinio, page 39.
19:39 Publié dans Revue, Terres d'Europe, Terroirs et racines | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bretagne, revue, indépendantisme breton, pays celtiques, armorique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Parution du n°63 de War Raok
EDITORIAL
Nous n’avons jamais tant envie de sortir d’une maison que lorsque l’on y est enfermé de force !
Le jacobinisme, fruit de la Révolution française, sévit impitoyablement sur ce pauvre Hexagone. D’autant plus dangereux qu’il se pare de toutes les qualités et vertus, et apparaît encore pour la grande majorité des hommes politiques français comme une nécessité ! Il est un des pires fléaux auquel il faut ajouter ce colonialisme exercé par l’État français, depuis l’avènement de sa belle Révolution, à l’encontre des peuples ethniques comme le peuple breton. Est-il utile de rappeler que cette Révolution française prétendant libérer le peuple du pouvoir absolu du Roi en rétablissait un autre encore plus absolu avec son système totalitaire.
La Bretagne qui, depuis la perte de son indépendance, jouissait d’une large autonomie, a vu, par un tour de passe-passe, ses libertés purement et simplement supprimées car assimilées à des privilèges. Dorénavant, il faut une Bretagne incolore, docile, soumise qui ne soit plus qu’une banale province française, que le reflet de cette France issue des Lumières.
On cherche ainsi à rendre les Bretons amnésiques et à effacer toute trace de souvenirs historiques ! Dans quelques temps plus tard on commettra sans vergogne, au nom de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, les pires excès, les pires crimes. La France s’est faite par le fer, le feu et le sang reconnaissent volontiers les jacobins et c’est pourquoi ils pensent qu’elle ne peut se maintenir que par la contrainte et la coercition. Ils n’ont pas compris que la contrainte engendre obligatoirement des réactions, légitimes et parfois violentes, et que l’on a jamais tant envie de sortir d’une maison que lorsque l’on y est enfermé de force. Ils ne se demandent jamais comment on peut être ou devenir autonomiste, souverainiste ou indépendantiste Breton, Corse, Flamand, Catalan, Basque...etc. Ils jugent et condamnent sans chercher à comprendre. Leurs actions néfastes n’ont que trop duré.
La France reste aujourd’hui le pays le moins évolué de toute l’Europe occidentale
Depuis qu’ils sont au pouvoir, nos braves et indécrottables jacobins, épris de liberté, pratiquent en fait le centralisme démocratique. Sûrs d’eux, insensibles au temps qui passe, aux évolutions géopolitiques, ils demeurent immuables dans leurs convictions. Par leur aplomb, leur suffisance, ils donnent à leur République une renommée usurpée. L’ « Une et Indivisible » commence sérieusement à se fissurer, l’Europe des peuples sans État est en marche ! On entend des craquements dans la charpente vermoulue et fatiguée de l’édifice France aux fondations instables et mal assurées.
Jacobins, fanatiques « nationalistes » (les guillemets s’imposent car la France n’est pas une nation mais un État composé de nations) n’ont pas compris qu’en favorisant le nivellement, ils sont en train de creuser eux-mêmes leur propre tombe. Une véritable nation, un véritable peuple ne peuvent être qu’une communauté ethnique.
En fait les tenants de l’indivisibilité de la République française ne font-ils pas tout pour détruire leur République ? Ils se plaignent aujourd’hui ! Ils gémissent et pleurent même… Par leurs conceptions irréalistes et universalistes ils ont amené leur France à ce degré de dissolution et d’inconsistance que l’on connaît aujourd’hui.
Pour le peuple breton et les autres peuples embastillés dans la forteresse France, une émancipation s’impose et si l’ennemi reste encore aujourd’hui la République française, qui s’essouffle et qui n’engendre guère plus aucun enthousiasme, un nouvel ennemi menace et met en danger notre civilisation européenne et l’ensemble de nos peuples européens... Et contre cet ennemi-là nous devrons opposer un front résolu et sans faille.
Padrig MONTAUZIER
SOMMAIRE N° 63
Buhezegezh vreizh
Editorial
Buan ha Buan
Dossier Environnement
Hent an Dazont
Votre cahier de 4 pages en breton
Politique
Quand les petits remplacements mènent au Grand Remplacement
Tribune libre
Nations et nationalismes : la grande confusion
Santé
De pauvres fruits et légumes
Tradition
Le symbolisme du cerf
Civilisation celtique
Littératures écrites et orales des civilisations celtiques
Nature
Petit musicien de nos foyers : le grillon
Lip-e-bav
Andouille de Guéméné poêlée et lapin au cidre
Keleier ar Vro
La longue affaire du Bugaled Breizh
Bretagne sacrée
Les cimetières marins
14:58 Publié dans Revue, Terres d'Europe, Terroirs et racines | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : revue, bretagne, nationalisme breton, celtisme, pays celtiques, terroirs, racines, terres d'europe | | del.icio.us | | Digg | Facebook
PROMETHEICA : la voie de l'action
Luca Leonello Rimbotti
Source: https://www.centroitalicum.com/prometheica-la-via-dellazione/
Le prométhéisme est la volonté surhumaine (prométhéenne, précisément) de dépasser l'indécision et la peur immobiliste en se jetant à corps perdu dans la postmodernité radicale, en concevant l'action comme l'élément simultané de la pensée.
Dans le désert inintelligent et dans le silence des cultures éteintes par la brutalité de la consommation, nous tendons l'oreille et entendons le cri du contraste. Quelque chose qui appelle à la mobilisation. Qui avec des mots anciens en forme de nouveaux. Contre l'immobilisme substantiel du présent, qui ne sort pas des hypocrisies autour de la psycho-pandémie ou de la semi-guerre, et qui véhicule des modèles illusoires d'un dynamisme de rat, il faut rassembler des idées, les enflammer volcaniquement et les jeter incandescentes dans les mains des nouveaux artisans de la volonté européenne. S'il y en a encore, quelque part, un, mais un qui ne trahit pas, qui n'a pas de maîtres, qui ne veut que lui-même.
Au-delà des faits, il y a l'espoir de forger des esprits et des caractères capables de porter un regard sur les événements. Il n'est même pas important de comprendre réellement ce qui se passe, car tout se passe dans le circuit du pouvoir financier et cosmopolite. Vouloir trop comprendre l'ennemi, après tout, c'est aussi accepter de lui ressembler, d'être infecté par ses éruptions.
Cependant, si la culture n'existe pas aujourd'hui en Occident/Europe, il existe une contre-culture. C'est à ce tourbillon de la surface de l'eau qu'il faut s'intéresser. En bas, un animal idéologique nourri par les abysses est peut-être sur le point d'émerger.
Si nous prenons le magazine Prometheica, qui se présente comme une "revue d'études sur le surhumanisme, la technologie et l'identité européenne", nous nous rendons immédiatement compte qu'il existe quelque part un désir barbare de contraste. On agite des mots d'indignation, on se moque du cosmos des fausses terreurs dans le laboratoire duquel l'homme-masse est amené à croupir, on constate avec un acte volontariste que la société actuelle, dense de mensonges, n'est qu'un cadavre décomposé dans des eaux usées, psychédéliques.
Un groupe d'intellectuels aguerris a entrepris de fournir des armes d'opposition à ceux qui acceptent de mettre la main à la pâte pour se révolter. Et c'est la main. Concevoir l'action comme l'élément simultané de la pensée. Ainsi, nous pouvons imaginer le dépassement du présent et l'érection d'une machine oppositionnelle en recourant à la totalité des forces mobilisables par l'homme d'opposition. Et précisément dans le sens avec lequel Heidegger a rappelé un jour quel était le sens de la main : "penser, c'est agir dans ce qui vous est le plus propre, si agir signifie prêter la main à l'essence de l'être". À l'époque où l'on apprend d'abord à taper sur le clavier, puis à parler, le symbole exclusif de la main - comme organe maîtrisant la techne primordiale - tombe à l'eau.
Le premier numéro du magazine Prometheica, publié au Solstice d'hiver de 2021, contenait un Manifeste du prométhéisme. Le spectre idéologique de la nouvelle subversion y était présenté. Quelques points essentiels, à la manière des manifestes du vingtième siècle.
Le premier point a déjà clarifié les idées : la technologie, dans toutes ses déclinaisons, y compris l'intelligence artificielle, le génie génétique, la robotique, etc., est non seulement acceptée, mais poussée vers le toujours plus loin. Se jeter à corps perdu dans les applications techniques et technologiques sans les freins inhibiteurs des obscurantismes monothéistes et moralisateurs : voilà la nouvelle frontière de ceux qui lient les origines primordiales doriques de notre civilisation à son destin faustien, la condamnant à gérer dans les proportions les plus denses tout ce qui est connaissance, action, mythe, rituel, symbole.
En fait, ce point et les dix autres du Manifeste illustrent la volonté surhumaine (prométhéenne, précisément) de dépasser l'indécision et la peur immobiliste en plongeant à corps perdu dans la postmodernité radicale. Ces nouveaux argonautes de l'ultraïsme voient notre destin dans l'accélération évolutive du processus de désintégration dans lequel se tord la civilisation actuelle, poussant à la limite les possibilités d'engendrer par tous les moyens l'homme nouveau invoqué sans succès par les révolutions du passé.
C'est l'homme amélioré, et voyons si au moins cela fonctionne.
Serviteur des annonces de Nietzsche, réalisateur des rêves éveillés que portent les traits saillants de notre haute histoire : l'au-delà de la tenue, l'au-delà du lancer, une constance tourbillonnante, et voici l'homme dessiné par les intellectuels spartiates de "Prométhée", qui laisse entrevoir ses contours.
L'élevage de l'homme nouveau naît essentiellement du conflit, cette soupe primordiale bouillonnante dans laquelle se forment des créatures supérieures qui s'extraient du magma et deviennent un gigantesque organisme biopolitique dans lequel bête et dieu se confondent. Des éclairs d'expérimentation futuriste surgit l'individu, qui résume toutes les formes du passé : l'anarque, l'unique, le rebelle, le scientifique, le mystique, le soldat politique : combien d'horizons jamais atteints ? Et combien d'autres doivent surgir à chaque aube, avant que nous ne voyions la civilisation de l'amas libéral s'effondrer ?
Le manifeste de Prometheica veut une Europe des forts, le pays "dans lequel le feu de la technologie a brûlé le plus brillamment". Et donc un impérialisme spatial européen, une "souveraineté technologique totale", un biocommunautarisme qui observe et évalue avec une froideur naturelle même les mondes périlleux de la génétique, peut-être pour redresser les démographies paralysées par la prospérité.
La maîtrise de l'espace tellurique dans lequel la révolution faustienne doit s'accomplir ne laisse aucun champ libre : la souveraineté et l'autodétermination sont revendiquées comme des absolus. Tout ce qui est technique doit être mis à la disposition du nouvel homme : de l'écosystème aux méthodes de coexistence, de la grande politique aux nouvelles ressources. La bataille préconçue oppose l'homme bas du présent, hétéro-dirigé en sourdine par des usuriers sans terre, au grand homme du futur proche, doté d'une volonté organisée et libre.
L'organique de la vie biologique est marié à la puissante machinerie d'un cerveau qui fixe, veut et crée ; il est flanqué de l'inorganique, devenu événement et philosophie : la civilisation n'a-t-elle pas toujours été une heureuse combinaison de la main de l'homme et de la nature, de l'organisme qui croît et de l'instrumentation qui donne du pouvoir ? Et la culture, d'où tout jaillit, n'est-elle pas précisément une culture, d'où tout porte des fruits ? Sans la correction technique de la volonté humaine, la nature, laissée à elle-même, déchaîne la cruauté, l'absurdité, la contradiction ; c'est alors que tout se décompose vigoureusement en amas d'enchevêtrements irrésolus et sans logique, plongeant dans le chaos. La technique faustienne, dont l'homme européen - pour le meilleur et pour le pire - est l'excellence suprême, c'est l'ordre, la discipline irriguée des besoins et l'expérimentation des attentes, ce qui n'offense pas mais flatte le dieu ; c'est la complicité avec la création, c'est le défi à la mort.
Francesco Boco a écrit que "l'être humain s'expose ainsi au risque suprême, expose sa nature déficiente et puissante aux éléments et à l'adversité et accepte le défi capital de devenir lui-même ou de périr". Sur la corde de Nietzsche où sont tendus le plus et le pas encore, l'homme prométhéen ne doit en vérité ni accélérer ni retarder la dissolution. Au contraire, il doit la "transcender". Il s'agit d'un mot : comment faire ? "La modernité doit être transcendée", écrit Adriano Scianca, "c'est-à-dire traversée, même dans ce qu'elle a de plus fictif et aliénant, mais avec une traversée toujours surmontée, laissant les fétiches de l'humanisme occidental dans le rétroviseur".
Un nouveau nihilisme actif ? C'est un fait que ce modèle de modernité nous souille rien qu'en le regardant ; le combattre, c'est aussi se souiller de sa laideur.
En jouant sur les dangers que l'on court en manipulant les extrêmes de la technologie et de la technique, on vit dangereusement, certainement, on est en contact avec le risque radical. C'est ce qui arrive, par exemple, à ceux qui parcourent les méandres de l'imaginaire : le héros robotique cache les possibilités d'un "dieu tonnant", comme l'écrit Carlomanno Adinolfi dans le deuxième volume de Prometheica (Equinoxe de printemps 2022), selon le binôme classique tradition/innovation japonais. Mais une telle "voie herculéenne" cachera toujours, pour l'homme massifié, un ensemble de dangers effrayants. Donc, une aristocratie des suprêmes, insensible au calcul et au risque ? Les indomptables Marinettistes ? Un futurisme ultra-social, ultra-vital ?
Cependant, il existe un danger qui n'est pas seulement ressenti dans l'âme basse de l'individu indifférencié. L'homme massifié n'est pas le seul à avoir du nez pour les insidiosités qui se cachent dans l'illimité. Une fois la société usuraire des sectateurs cosmopolites liquidée, par on ne sait laquelle des catastrophes possibles, l'homme faustien aura en effet devant lui, une fois de plus, une énigme titanesque à démêler. Celle qui a divisé Alexandre, dévoreur d'espace et d'expériences, de ses généraux macédoniens, désireux à la fin d'un nòstos ulisside.
Les Prométhéens d'aujourd'hui et de demain devront réaliser le mariage impossible du fini avec l'infini.
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Parution du numéro 452 du Bulletin célinien
Sommaire :
- Guerre vu par la presse
- Personnages & avatars dans Guerre
- Cascade ou l’Œdipe des bas-fonds.
Pour le premier numéro de sa revue, Littératures & Cie, Joseph Vebret nous gratifie de deux articles relatifs à la découverte des manuscrits de Céline. Celui signé David Alliot, « Qui a volé Louis-Ferdinand Céline ? », retrace l’étonnante histoire de ces manuscrits inédits qui firent surface l’été dernier. L’autre, « Céline en valises », est dû à Emmanuel Pierrat, conseil du receleur Thibaudat. Certes, il faut savoir gré à celui-ci d’avoir préservé ces trésors et de ne pas avoir cherché à les monnayer. Mais comment ne pas songer à Lucette qui eût été heureuse de savoir que ces manuscrits n’avaient pas disparu et dont l’exploitation commerciale l’aurait aidée à la fin de sa vie ? On pense aussi aux amis céliniens, aujourd’hui disparus, qui n’auront jamais pu lire ces textes que Thibaudat dit détenir depuis une quinzaine d’années alors même qu’il savait leur origine frauduleuse.
Manuscrits volés, et non pas “abandonnés« , puis “confisqués” par la Résistance comme certains se plaisent à l’affirmer aujourd’hui¹. Les mêmes soulignent le piquant paradoxe du “sauvetage” des manuscrits par des résistants mais se font discrets sur la personnalité de Rosembly, se gardant bien d’indiquer qu’avant de devenir un résistant de la onzième heure (emprisonné à la Libération pour pillage d’appartements), il fut un militant actif d’un parti collaborationniste radical. Mais est-ce vraiment lui l’auteur du vol ? Et, si tel est le cas, a-t-il conservé longtemps ces manuscrits ? Ou sont-ce les (vrais) résistants, membres du futur Comité parisien de la Libération, qui se réunissaient dans l’appartement en-dessous de celui de Céline ? Ce qui n’est pas davantage rappelé, c’est que la plainte des ayants droit fut suscitée par le refus catégorique de Thibaudat de restituer ce qui ne lui appartenait pas.
Mieux : il entendait, comme l’un de ses courriels l’atteste, imposer ses conditions : 1) céder les manuscrits à l’IMEC dont il est proche (alors que la BNF, qui dispose déjà d’un important fonds Céline, a la préférence des ayants droit) ; 2) en assurer seul l’édition scientifique. Son intransigeance s’évanouit dès qu’une plainte pour recel et vol fut déposée : il s’exécuta alors sans barguigner et remit les manuscrits à l’OCBC (Office central de lutte contre le trafic des biens culturels). Pierrat affirme que si sa relation avec les ayants droit s’est rapidement dégradée, c’est parce que Véronique Chovin s’est dite effrayée à l’idée que fût révélé l’’antisémitisme de Céline (!). Sollicitée par le BC, elle s’insurge : « En aucune façon je n’ai pu exprimer une telle crainte d’autant plus que je suis résolument contre toute censure et ne chercherai jamais à cacher l’antisémitisme de Céline si de nouveaux documents venaient à apparaître. Les seuls propos que j’ai échangés avec Pierrat traitaient du vol qu’il n’a d’ailleurs jamais cherché à nier (prescrit, m’a-t-il répondu), et du recel qui n’aurait posé aucun problème si nous avions été d’accord. »
Toute la vérité au sujet du vol et de la restitution sera-t-elle un jour révélée ? Thibaudat annonce un livre dans lequel il « promet de tout révéler »³. …Chiche !
• Littératures & Cie, n° 1, 1er semestre 2022, 218 pages.
Notes:
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Parution du n°451 du Bulletin célinien
Sommaire :
Le procès de Nord (1962)
Simone Saintu (1892-1939)
Bardamu au fast-food
En marge de cette parution, une exposition se tient à Paris jusqu’à la mi-juillet à la Galerie Gallimard. Plusieurs feuillets, extraits des liasses des manuscrits retrouvés, y sont présentés, dont le manuscrit de Guerre, particulièrement mis en valeur. Des documents plus intimes (lettres, cartes postales, tirages d’époque, portraits,…), issus des archives de l’écrivain, sont présentés. Cette documentation apporte un éclairage sur les sources biographiques de l’œuvre, en particulier sur les liens entre Louis Destouches et ses parents, sur sa formation militaire à Rambouillet et sur sa convalescence de blessé de guerre à Hazebrouck et au Val-de-Grâce. Les médailles militaires du maréchal des logis sont exposées, ainsi que le journal de marche de son régiment (conservé par le Service historique de la Défense), et le livret matricule (prêté par les Archives de Paris). L’ensemble est complété par des documents d’histoire éditoriale provenant des archives des Éditions Gallimard et des Éditions Denoël. En cette année du 90e anniversaire de la parution de Voyage au bout de la nuit, toute l’œuvre célinienne est ainsi à nouveau sur le devant de la scène littéraire.
• Louis-Ferdinand CÉLINE, Guerre, Gallimard, coll. “Blanche”, 2022, 192 p. Édition établie par Pascal Fouché ; avant-propos de François Gibault.
18:40 Publié dans Littérature, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louis-ferdinand céline, céline, lettres, lettres fraçaises, littérature, littérature française, revue | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Parution des numéros 449 et 450 du Bulletin célinien
N°449:
Sommaire :
Entretien avec Damian Catani –
Le Céline de Damian Catani –
Dr Destouches versus Dr Ichok. Retour sur une rivalité médicale.
Suite à la parution de Céline à hue et à dia, un ami m’écrit qu’il n’apprécie guère que l’on prenne D’un château l’autre pour une œuvre historique. « Les malheureux exilés de Sigmaringen ne méritaient pas cela, et ces sarcasmes à leurs dépens me chagrinent », ajoute-t-il. Il n’est pas le seul. À la différence d’un Rebatet, Pierre-Antoine Cousteau se sentit, lui, franchement offensé par ce livre qu’il considérait comme une trahison. C’est que celui qu’on appelait « PAC » avait l’esprit clanique et réagissait comme tel. Céline, lui, se voulait libre et n’entendait pas être assimilé aux journalistes de la presse collabo qui, contrairement à lui, étaient rémunérés et soumis à la censure allemande. D’un autre côté, nombreux furent les témoins de l’époque à dire que, malgré ses outrances et affabulations, Céline est le seul à avoir restitué la vérité de ce que fut le chaudron de Sigmaringen. La déception de Cousteau fut à la mesure de l’admiration qu’il portait auparavant au pamphlétaire. En mars 1957, dans le premier numéro de la revue de son ami Coston, il rappelle que Céline est « le plus grand polémiste de l’immédiate avant-guerre ». Mais trois mois plus tard paraît D’un château l’autre, précédé dans la presse de la fameuse interview à L’Express, qui va susciter l’ire de PAC. Au point de lui consacrer, en quelques semaines, pas moins de trois articles. Le premier paraît le 20 juin dans l’hebdomadaire Rivarol sous le titre « M. Céline rallie le fumier (doré) du système ». Le seul fait qu’il ait accordé un entretien à L’Express, dirigé par Schreiber et Giroud-Gourdji, le hérisse, et plus encore le fait que Céline renie, selon lui, ce qu’il écrivit jadis dans ses pamphlets.
Dans la revue Lectures françaises, il remet le couvert, pratiquant la satire avec un art consommé. Parodiant le titre du roman qui marque le grand retour de Céline sur la scène littéraire, il porte l’estocade, le 11 juillet, avec un brûlot titré « D’un râtelier l’autre ». Son goût de la parodie y fait merveille. Cet article vient d’être repris dans une anthologie des écrits journalistiques de Cousteau. Bien entendu, Céline ne laissera pas ces attaques sans réponse : il y répliquera dès son roman suivant, Nord, précisant qu’il n’avait pas besoin d’autres haineux, ceux de son clan lui suffisant. PAC y est cité une dizaine de fois. Idem dans Rigodon (posthume), où il se voit traité d’employé de la Propagandastaffel, et de « bourrique » aussi enragée que Sartre. Toutes ces querelles appartiennent au passé. Ce qui importe désormais c’est le talent. Et, s’il n’atteignait pas, loin s’en faut, le génie de Céline, Cousteau n’était pas dépourvu de savoir-faire. Dans un style bien différent, ce prince de la litote était un sacré polémiste. Qu’il se soit, lui aussi, fourvoyé ne change rien à l’affaire. Depuis qu’il est à la retraite, son fils, cardiologue émérite, a entrepris de publier sa biographie et différents inédits, dont son journal de prison, qui constitue un document exceptionnel. Reste à rééditer Les Lois de l’hospitalité, sans doute son meilleur livre. Il n’a jamais été republié depuis sa parution, l’année même où parut D’un château l’autre. Cousteau mourut prématurément l’année suivante, victime d’un cancer qui suscita, il faut bien en convenir, les sarcasmes malvenus de Céline dans Rigodon. Ce qui lui vaudra d’être vilipendé post-mortem par l’un des amis de Cousteau lorsque ce livre fut réédité en Pléiade¹.
• Pierre-Antoine COUSTEAU, Portraits et entrevues [textes réunis et présentés par Jean-Pierre Cousteau], préface de Pierre-Alexandre Bouclay , Via Romana, 2022, 410 p. (29 €)
N°450:
Sommaire :
Woinville, 22 septembre 1914
Les affabulations de Marc-Édouard Nabe
Bibliographies
Entretien avec Jean Guenot (3e partie)
Céline sauvé par ses pamphlets ? Telle est la thèse hétérodoxe d’un prêtre catholique, docteur en philosophie. Ils sauvent, selon lui, l’œuvre célinienne « de la banalisation, de l’embourgeoisement, bref du “classicisme” ». …Comme si cette œuvre avait besoin de ça ! Jamais les lettrés ne risqueront de la trouver banale ou conformiste. Ni même classique au sens où l’entend l’auteur. Et Céline n’a aucunement besoin du scandale pour demeurer un auteur vivant, comme l’a récemment montré l’écho suscité par la découverte des manuscrits inédits. Le scandale suscité par ses écrits polémiques aurait plutôt pour effet d’écarter de lui de nombreux lecteurs. Ce scandale, l’auteur ne craint pas de l’affronter, rendant compte, de manière probe, de la teneur des “pamphlets”. (Pas tous. Mea culpa n’est pas pris en compte, ce qui est dommage car il s’y trouve un passage qui plairait au philosophe chrétien.) À juste titre, il estime Bagatelles supérieur aux deux suivants, appréciant notamment l’épisode à l’hôpital de Leningrad, « absolument hilarant ». D’une manière générale, il estime que ce livre, en beaucoup d’endroits, est « un ouvrage intensément drôle, qui fait hurler de rire son lecteur. » Commentaire audacieux alors que certains s’attachent aujourd’hui à culpabiliser ceux qui osent rire à la lecture de ce brûlot. À propos de L’École des cadavres, l’auteur rappelle qu’il faut se garder de verser dans l’anachronisme et rappelle que le livre a été publié en novembre 1938 : « La France n’est nullement en guerre contre l’Allemagne, encore moins envahie par les Allemands. » Et d’ajouter que ce pamphlet n’est pas un livre « collaborationniste ». Mais sait-il que, quatre ans plus tard, Céline le revendiquera comme étant « collaborateur (avant le mot) » ? Quant aux Beaux draps, il écrit que ce livre est « beaucoup plus lisible et intéressant » que le précédent. L’auteur commet, en revanche, un contresens lorsqu’il estime que Céline se contredit, ayant d’abord proclamé, rappelle-t-il, son intention de ne jamais « s’engager ». Si le pamphlétaire affirme dans Bagatelles qu’il n’a, en effet, jamais pris parti pour tel ou tel, bref qu’il n’a voulu être inféodé à personne, cela ne signifie pas pour autant qu’il n’ait pas pris position. Lorsque les Allemands confisquent son or en Hollande, il écrit à Brinon : « J’espère que l’on voudra bien ne pas me “punir” d’avoir été partisan. »
L’auteur n’est pas un célinien patenté. Ainsi n’apprécie-t-il guère, dans la trilogie allemande, les passages savoureux où Céline évoque sa vie à Meudon. Il assure aussi que, même lorsqu’on l’apprécie, Nord est « un peu longuet » (!). En le lisant, on comprend que ses goûts l’orientent davantage vers des écrivains, également sulfureux, mais plus conventionnels. Il a devancé le reproche qu’on pourrait lui adresser en rappelant que ces auteurs – également traités dans son livre –, pour critiquables qu’ils soient, n’ont jamais assassiné personne. Et d’ajouter ceci qui ne manque pas de force : « Quand je pense que de grands massacreurs comme Danton et Robespierre possèdent respectivement une vingtaine de rues à leur nom en France ; quand je songe qu’un archi-criminel scandaleux comme Lénine est gratifié de près de quatre-vingt-dix rues, toujours en France, je me dis que parler de Drumont, de Barrès, ou de Maurras, est vraiment permis aux honnêtes gens¹. »
• Grégoire CELIER, Le XIXe parallèle (Flâneries littéraires hors des sentiers battus), Via Romana, 2022, 348 p.
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Parution du n°448 du Bulletin Célinien
Sommaire :
Gianni Celati nous a quittés
Entretien avec Jean Guenot (II)
Un professeur suisse nous fait relire Bagatelles
Oscar Rosembly (1909-1990)
Rosembly dans Gringoire
Mais c’est aux prisons françaises de l’épuration qu’un historien, Pierre-Denis Boudriot, vient de consacrer un livre d’autant plus passionnant que le sujet n’a jamais été traité auparavant. Cette plongée dans le monde carcéral de l’immédiate après-guerre est basée sur les nombreux témoignages de condamnés politiques. Aussi retrouve-t-on dans ce livre des personnages connus tels ceux déjà cités mais aussi Ralph Soupault, Lucien Combelle, Claude Jamet et d’autres qui payèrent parfois très cher leur engagement. L’auteur s’est également appuyé, ce qui est plus rare, sur les nombreuses notes et circulaires de l’administration pénitentiaire relatives aux maisons centrales et à leurs prisonniers. L’exceptionnelle richesse documentaire de ce fonds donne à cet ouvrage tout son prix. La confrontation de ces deux sources a permis de confirmer la véracité des écrits des épurés, souvent jugés tendancieux car pétris de ressentiment. De manière exhaustive, l’auteur analyse tout ce qui constitue la vie carcérale : le personnel pénitentiaire, la discipline, l’alimentation, le travail, la correspondance et le parloir, les lectures (autorisées), puis l’amnistie et les libérations conditionnelles ou anticipées. Et enfin, sous le titre « Une vie à recommencer », le retour au foyer. Ce sujet a concerné pas moins de 10.000 hommes et 4.000 femmes de toutes conditions sociales, connus ou pas. Un ouvrage dont le réalisme suscite une certaine compassion rétrospective tant les conditions de détention étaient dures à cette époque.
• Pierre-Denis BOUDRIOT, Bagnes & camps de l’épuration française (1944-1954), Auda Isarn [BP 80432, 31004 Toulouse cedex 6], 2021, 239 p., bibliographie et index (20 € franco)
09:05 Publié dans Littérature, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louis-ferdinand céline, littérature, littérature française, lettres, lettres françaises, revue, livre, épuration, univers carcéral, prison, années 40 | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Parution du n°447 du Bulletin célinien
Sommaire :
Entretien avec Jean Guenot
Céline dans France-Soir (1946-47)
Entretien avec Oskar Hedemann
Suspicion et mauvaise foi. C’est ce qui caractérise l’article de Philippe Roussin sur l’affaire des manuscrits retrouvés. Il tance les ayants droit et loue le receleur. Selon lui, il n’y eut d’ailleurs pas de recel puisqu’il n’y eut pas de vol ! Explication : les manuscrits furent « abandonnés » [sic] par Céline. Spécieux. Tout juste si Roussin ne le suspecte pas d’avoir laissé ouverte la porte de son appartement lorsqu’il s’enfuit le 17 juin 1944. Peu importe que celui-ci ait écrit : « On ne va rien toucher à l’appartement on reviendra… l’on ne peut pas dire que l’on ne reviendra jamais. » Si Céline avait été propriétaire (et non locataire) de l’appartement rue Girardon, Roussin serait-il aussi péremptoire ? Ce qui l’insupporte, c’est que, dans cette affaire, l’écrivain soit considéré comme un volé, et donc une victime. Logique : si l’écrivain n’a pas été volé, les ayants droit n’avaient aucune raison d’ester en justice. Ce que Roussin omet soigneusement de préciser, c’est que si François Gibault et Véronique Chovin ont déposé plainte, c’est parce que Thibaudat refusait obstinément de restituer ces manuscrits qui leur appartiennent. Et entendait décider seul de leur sort : en l’occurrence, en faire don à l’Institut Mémoire de l’Édition (IMEC) dont il est proche. Par ailleurs, le fait que ce recel ait privé Lucette d’une joie certaine ne préoccupe nullement Roussin. Pas davantage le fait qu’à la fin de sa vie, elle avait un pressant besoin d’argent, ayant à rémunérer plusieurs personnes qui s’occupaient d’elle en permanence. Thibaudat, lui, se considérait comme le dépositaire des manuscrits, ce qui l’a autorisé à les garder par devers lui pendant des années. Le conseil des ayants droit, Jérémie Assous, n’a pas tort de dire que le journaliste de Libé est comparable à quelqu’un qui aurait gardé pendant des décennies dans son salon une toile de maître volée. Mais, de toute évidence, le droit moral et patrimonial des héritiers, Roussin n’en a cure. Mieux : il leur fait un procès d’intention en subodorant qu’ils pourraient garder sous le boisseau des textes compromettants, ce qui est saugrenu, connaissant l’objectivité du biographe qu’est Gibault. Roussin, auteur d’un livre sur Céline de 800 pages, a-t-il jamais éprouvé pour l’écrivain « une admiration sans bornes », à l’instar de Taguieff et Duraffour qui nous firent cette confidence dans leur livre obèse ? Sûrement pas. On comprend même, entre les lignes, que Céline ne mérite pas, selon lui, le statut de « plus grand écrivain français du XXe siècle » qu’on lui accorde généralement. Et de citer complaisamment l’appréciation de Houellebecq qui le considère comme « un auteur ridiculement surévalué ». Venant de la part de quelqu’un dont le style est aussi plat qu’une limande, cela prête à sourire. Quant à Roussin, il estime qu’il faut rendre grâce à ceux qui ont “recueilli” ces manuscrits pendant des décennies. Et qu’il faut, en revanche, juger âprement les ayants droit qui ont eu le front de déposer plainte. Il importe surtout de condamner, une fois encore et toujours, les fautes dont Céline s’est rendu coupable. Et de ressasser ad libitum les éléments du procès qui lui est intenté depuis près de 80 ans. C’est qu’il s’agit pour Roussin de conjurer « le mauvais vent d’hiver maurrassien de l’époque ». De la part d’un fonctionnaire, on pouvait s’attendre à davantage de réserve. L’ironie de l’histoire étant que cet article soit publié sur un site internet placé sous l’égide de Maurice Nadeau qui prit fait et cause pour Céline lorsqu’il était exilé.
• Philippe ROUSSIN, « Déshonneur et patrie : retour sur l’affaire Céline », En attendant Nadeau, 15 décembre 2021 [https://www.en-attendant-nadeau.fr/2021/12/15/deshonneur-patrie-affaire-celine].
Marc Laudelout
Céline à hue et à dia
Louis-Ferdinand Céline est un immense écrivain. Il fut aussi antisémite et souhaita la victoire des forces de l’Axe. Deux raisons pour lesquelles il est légitime pour beaucoup de le honnir. Mais ce n’est pas suffisant pour certains qui, ajoutant la diffamation à la détestation, l’accusent d’avoir été un vil délateur, un auxiliaire de la police allemande et un partisan du génocide. Sans apporter aucune preuve formelle et contredisant ainsi les spécialistes intègres de l’écrivain : « Ses pamphlets ne présentent pas d’appel au meurtre explicite » (R. Tettamanzi) ; « Céline n’avait pas voulu l’holocauste et n’en avait pas même été l’involontaire instrument » (F. Gibault) ; « Les mesures que Céline préconise contre les juifs se suffisent à elles-mêmes, sans qu’on aille jusqu’à lui prêter une idée ou un désir d’extermination » (H. Godard).
D’autres enfin, pour enfoncer le clou, affirment que c’est un écrivain surévalué. Dans cet ouvrage, Marc Laudelout, éditeur du Bulletin célinien depuis 40 ans, épingle ces anticéliniens rabiques. Il évoque aussi diverses interférences littéraires, dresse le portrait de quelques figures (dont les « céliniens historiques ») et explore quelques faits liés à la biographie ainsi qu’à la réception critique de l’œuvre.
Un volume broché de 412 pages, 25 € frais de port inclus.
Exemplaire dédicacé sur demande.
Mode de règlement : chèque (bancaire ou postal) à l’ordre de M. Laudelout. Ou par virement bancaire sur le compte LCL du Bulletin célinien à Lille : IBAN : FR59 3000 2082 3100 0019 5794 L60 (BIC : CRLYFRPP).
Dans ce cas, il est recommandé de nous adresser un courriel signalant ce virement.
Autre mode de paiement : virement sur le compte du BC à Bruxelles : BE 79 0637 1647 0933 (BIC : GKCCBEBB).
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Marc Laudelout
139 rue Saint-Lambert
B. P. 77
BE 1200 Bruxelles
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Parution du numéro 446 du Bulletin célinien
Sommaire :
Classement sans suite pour Thibaudat
Fantasmes et travail éditorial
L.-F. Céline : les derniers secrets
Céline dans France-Soir (1944-1945)
Catherine Rouayrenc nous a quittés
Almansor, ou le secret de famille. Les origines de Lucette Destouches.
L’expression « les années noires » désigne généralement les années d’occupation allemande durant la dernière guerre mondiale. On songe, par exemple, au Journal des années noires, 1940-1944 de Jean Guéhenno. Pour Céline, les années noires correspondent à l’exil, d’abord en Allemagne, puis au Danemark. La fin du bonheur, comme dit l’un de ses biographes. La période la plus éprouvante étant naturellement son arrestation survenue en décembre 1945, suivie d’une détention qui se prolongea jusqu’en janvier 1947. Aussi est-ce bien opportunément que Christophe Malavoy titre son dernier opus, L.-F. Céline. Les Années noires. Superbement illustré par José Correa, cet album s’avère le cadeau idéal à offrir en cette période de fêtes. En tout cas à ceux qui aimeraient en savoir plus sur cette partie de la vie de l’écrivain. Célinien patenté, Malavoy nous avait déjà montré sa bonne connaissance de la biographie avec un livre paru l’année du cinquantenaire de la mort. Ce qui surprendra, voire heurtera, certains, c’est que le texte soit ici rédigé à la première personne, l’auteur empruntant la voix, sinon le style, de Céline.
Cette initiative ne peut que susciter la perplexité puisque l’écrivain a lui-même narré cette partie de sa vie dans les derniers romans. Pourquoi dès lors paraphraser un écrivain de cette envergure en étant, nécessairement, en deçà de l’original ? Sur cette période, on aurait pu, tout aussi bien, choisir des extraits de l’œuvre qui eussent été en harmonie avec l’iconographie. Mais, après un temps d’adaptation, le lecteur se laisse prendre par le flux du récit, Malavoy réussissant, comme le comédien professionnel qu’il est, à endosser le rôle sans jamais verser dans la parodie. Ce qui est notable, c’est l’absence d’erreur factuelle. Lorsque c’est le cas, c’est à la suite de céliniens éminents. Ainsi, Céline n’a jamais songé à intituler l’une de ses œuvres Maudits soupirs pour une autre fois (p. 114). Comme cela a été rappelé ici – Nabe ayant récemment commis la même erreur –, c’est suite à une faute de lecture que deux titres envisagés par Céline furent amalgamés : “Au vent des maudits” et “Soupirs pour une autre fois”. Et c’est sous ce titre fallacieux qu’une version primitive de Féerie parut en 1985. Les autres erreurs relèvent vraiment du détail¹.
Comme les lecteurs du Bulletin le savent, José Correa est actuellement le meilleur portraitiste de Céline. C’est aussi un aquarelliste de talent comme en attestent les illustrations en couleurs qui figurent dans cet ouvrage. Lequel n’apprendra rien aux célinistes. Mais cet ouvrage leur est-il destiné ? Il s’adresse plutôt au grand public s’intéressant à Céline et ignorant des conditions de l’exil et du procès. Ce livre offre surtout la particularité d’être en empathie avec son sujet, ce qui, dans le cas de Céline, est suffisamment rare pour être relevé.
• Christophe MALAVOY & José CORREA, L.-F. Céline. Les Années noires, Les Éditions de l’Observatoire, 2021, 245 p. (22 €). Un second tome, racontant les dix années ultérieures, Le Misanthrope de Meudon, est en préparation.
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Parution du n°62 de War Raok
EDITORIAL
La culture est l’ensemble des valeurs, des traditions et coutumes d’un peuple. Elle reflète le mode de vie et la vision du monde d’une communauté donnée. C’est toute l’identité d’un peuple. La culture est aussi le reflet de l’histoire, c’est-à-dire le vécu d’un peuple dès son origine et à travers les âges. L’acculturation est le rejet de ses valeurs, ses coutumes et traditions pour s’approprier des valeurs culturelles d’un autre groupe humain, en cherchant à s’identifier à ces mœurs et coutumes. Cette domination culturelle est une nouvelle forme de colonisation dont les médias aux ordres constituent les véritables instruments d’acculturation et en sont les principaux organes de promotion. Nous ne sommes pas sans savoir que tout changement de comportement, des coutumes et traditions, reflets du passé d’un peuple, conduisent à la disparition de ce peuple, de son identité et de sa culture.
La culture est l’âme vivante d’une nation et c’est ce qui fait qu’une nation est différente d’une autre. Selon un principe anthropologique, toutes les cultures se valent, ce qui veut dire qu’il n’y a pas de culture qui soit supérieure à d’autre, puisque chaque culture a ses particularités et reflète un passé différent et unique d’un peuple. Et, c’est à travers les spécificités culturelles qu’on distingue les peuples, à savoir leur mode de vie, leur vision du monde, leur croyance.
Dans le cas de la Bretagne, si la politique de l’État français a été de tout temps de s’attaquer particulièrement à la langue bretonne, l’enseignement de l’histoire de la Bretagne n’a pas été épargné pour autant. Il est vrai que si les Bretons avaient eu une parfaite connaissance de leur histoire, nous ne serions très certainement pas dans cette situation actuelle de sujétion, dans cet état de dépendance et aurions recouvré depuis fort longtemps nos libertés perdues. La dimension celtique de l’histoire et de la culture bretonnes est en fait une manière de la singulariser par rapport au modèle culturel français, héritier de la tradition gréco-latine. Ainsi, on comprend mieux la méfiance, l’acharnement et l’opposition du « pays des droits de l’homme » à dispenser un enseignement généralisé de l’histoire millénaire du peuple breton à la jeunesse bretonne. Méfiance toutefois ! L’enseignement que nous voulons est celui d’une histoire de Bretagne authentique écrite par des historiens honnêtes et intègres et non par ce que pourrait proposer l’État français, par le biais de son Éducation nationale, un programme d’enseignement revu et corrigé, une histoire à sa convenance, une histoire falsifiée fleurant bon le négationnisme, une histoire convenable écrite par des idéologues manipulateurs !
Langue, histoire, coutumes, traditions… un rejet de ces valeurs peut inéluctablement conduire à une disparition de la culture bretonne en tant que telle si rien n’est fait. Dans ce constat de déperdition, quelle est donc la place d’une politique culturelle devant mettre en évidence les valeurs culturelles de la Bretagne au passé mémorable dans l’histoire de l’Europe ? Nous sommes à l’heure où la tendance fait croire que tout ce qui est étranger est bon et tout ce qui est local est mauvais. La Bretagne est reconnue comme un pays riche culturellement d’après son histoire, ses origines et l’ensemble des valeurs et traditions qui lui sont propres, cependant, elle n’est pas épargnée d’être un jour dans la liste des anciennes sociétés. En somme, le combat contre l’acculturation est avant tout une responsabilité de tous les Bretons, mais il incombe aux responsables politiques en Bretagne, en particulier au « croupion » Conseil Régional, de faire la promotion de la culture bretonne par tous les moyens. C’est une affaire politique qui nécessite l’apport de tous les secteurs concernés.
L’hostilité de la république française à l’égard de la Bretagne est toujours d’actualité. Avons-nous alors encore quelque chose à partager avec elle, qui bafoue notre identité et nous dénie toute autonomie, jusqu’à l’enseignement aux enfants de Bretagne de leur langue et de l’Histoire de leur pays ? Les Bretons doivent reprendre en mains l’enseignement de leur langue, mais également de leur histoire refusant ainsi les hérésies qui, par lavage des cerveaux, ont été introduites dans leurs esprits. Seul, un authentique pouvoir breton sera à même de défendre et de promouvoir cette culture bretonne à la fois héritière du passé de nos aïeux et tournée vers la créativité du futur.
Padrig MONTAUZIER
Sommaire War Raok n° 62
Buhezegezh vreizh page 2
Editorial page 3 (Padrig Montauzier)
Buan ha Buan page 4
Société
La cancel culture et la délégitimation de la mémoire page 9 (Giulio Battioni)
Politique
L’Alliance souverainiste bretonne,
un élan majeur pour la Bretagne page 11 (Meriadeg de Keranflec’h)
Tradition
Le symbolisme du cheval page 15 (Per Manac’h)
Hent an Dazont
Votre cahier de 4 pages en breton page 19 (Donwal Gwenvenez/Yann Mikael)
Histoire de Celtie
Importance du celtisme dans les Asturies page 23 (Carlos X. Blanco)
Tribune libre
Sur les prénoms non-français, objection M. Zemmour ! Page 25 (Youenn Caouissin)
Histoire de Bretagne
Le faux traité de 1532 page 26 (Docteur Louis Melennec)
Politique
La mosquée de Cologne, la charia en marche page 30 (Erwan Houardon)
Civilisation celtique
Littératures écrites et orales des civilisations celtiques page 32 (Fulup Perc’hirin)
Nature
L’écureuil, petit rouquin de nos forêts page 36 (Youenn Caouissin)
Lip-e-bav
Gratin du pêcheur aux herbes page 37 (Youenn ar C’heginer)
Keleier ar Vro
Un statut de résident pour la Bretagne page 38 (Meriadeg de Keranflec’h)
Bretagne sacrée
Les lavoirs page 39 (Per Manac’h)
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Parution du numéro 2 de la revue Sparta !
10:51 Publié dans Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : revue, philippe baillet, tradition, traditionalisme, traditionalisme révolutionnaire | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le Japon selon la revue Limes
par Riccardo Rosati
Ex: https://www.barbadillo.it/76650-focus-il-giappone-secondo-il-periodico-limes-con-insofferenza-per-il-nazionalismo-al-governo/?fbclid=IwAR2iDgug2BU7isJXNpWRK6Jw5WoesNnc3BQFG5VXfbHElxcrpXjHMFlQ9y8
Une clarification et une orientation méthodologiques essentielles
Parler de Roland Barthes, c'est généralement parler de l'écriture, du texte, de la signification, et plus encore du sens. La question plus que légitime serait de savoir pourquoi cette référence au grand linguiste et homme de lettres français est faite dans une analyse de la monographie que le célèbre magazine géopolitique Limes a consacré au Japon en février dernier. À première vue, on pourrait penser à une référence au merveilleux texte que Barthes a adressé à ce pays, intitulé L'Empire des signes (1970), mais ce n'est pas le cas. La raison qui nous a poussés à commencer ces réflexions en parlant de l'écriture elle-même réside dans le fait que même un champ d'investigation et de recherche comme la géopolitique change de perspective, tout en révélant son identité, en fonction du lexique utilisé et de la manière dont les phrases sont formées. La première, qui est celle du Limes, tend à ne pas être hostile au global et au progrès d'une matrice technocratique; la seconde, suivie par moi-même, est au contraire encadrée par une position traditionaliste, pour laquelle, reprenant un concept cher au célèbre géopolitologue allemand Karl Haushofer (1869-1946), les nations sont toujours et avant tout: "le sang et le sol".
Nous avons ressenti le besoin de faire une telle introduction, car si, pour le volume que nous allons analyser, il nous arrive d'être en désaccord avec certaines des positions qui y sont exprimées, dans la plupart des cas, ce ne sera pas à cause de la qualité intrinsèque des articles individuels, qui sont pour la plupart d'un bon niveau, mais presque exclusivement à cause d'une distance méthodologique et intellectuelle insoluble.
La contribution la plus intéressante du numéro de Limes est intitulée : La révolution japonaise, et se trouve probablement dans l'éditorial lui-même (7-29), dans son examen articulé qui ne se limite pas à anticiper synthétiquement, comme cela arrive souvent dans des écrits de ce genre, les thèmes abordés ensuite par les différents articles, mais se concentre à proposer, même avec une certaine conviction, la perspective que Limes a sur la situation politique actuelle de l'Archipel. Il n'y a pas d'objection à cela, si ce n'est l'absence de signature de la personne qui a écrit cet éditorial ; un défaut, à notre humble avis, qui dénote une vocation d'écriture plus journalistique qu'académique. Moins "neutre", en revanche, est la compréhension schématique et partielle du Premier ministre japonais Abe Shinzō, qui apparaît comme une sorte de "refrain" dans les différentes contributions, mais uniquement dans celles signées par des Italiens. Néanmoins, malgré l'intolérance habituelle de la gauche italienne envers les soi-disant "hommes forts" aux penchants nationalistes, l'honnêteté intellectuelle nous oblige à reconnaître une part de vérité dans le jugement suivant sur la politique du Premier ministre japonais: "Jouer la carte de l'accord entre les démocraties libérales à des fins de propagande [...]" (18-20).
Le Japon est un monde à part, comme le savent les spécialistes, et un aspect important de ce numéro est précisément l'utilisation des réflexions de divers chercheurs et professeurs japonais, afin d'offrir une perspective interne sur les changements en cours au Soleil Levant. Plus d'une de ces contributions traite de la manière dont l'Empire japonais a étendu son influence pendant des années brèves mais décisives, en essayant en vain d'ériger la Sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale, jusqu'à son effondrement en 1945, lorsque les États-Unis, afin d'éviter une invasion directe du Japon, l'ont contraint à se rendre par un double bombardement atomique, criminel selon nous. Pour la première fois dans son histoire légendaire, l'Empire du Soleil est soumis au joug étranger, asservi à ceux que l'on appelle les "yeux bleus" (aoime), c'est-à-dire les Occidentaux.
Depuis son formidable redressement d'après-guerre, le Japon est synonyme, pour le reste du monde, d'avant-garde technologique, de locomotive industrielle internationale et de puissance financière et commerciale qui, dans les années 1980, semblait sur le point de dépasser même les États-Unis, dont ce pays asiatique complexe a été pendant des années une sorte de "serviteur géopolitique", agissant comme un porte-avions naturel, gardant l'océan Pacifique. La Seconde Guerre mondiale a fait du Japon un cas rare de coexistence d'une puissance économique et d'une minorité politique.
Bien que réduit à l'état de vassal des États-Unis, le Soleil Levant a su préserver son caractère, rester fidèle à sa mission patriotique supérieure en s'adaptant, par la force et non par le choix, et il faut toujours le garder à l'esprit, aux contraintes imposées par l'allié gênant. Néanmoins, cette grande nation a vécu jusqu'à aujourd'hui, changeant de peau mais certainement pas d'âme. Et pourtant, comme le souligne à juste titre l'éditorial, le "problème américain" existe toujours, ou plutôt est encore plus grand que par le passé, pour le Japon, dans sa nécessité, qui n'est guère facile: "Mais les réalistes de tonalité modérée - faisons abstraction des nombreux pacifistes et autres idéalistes - tendent à constater que la contrainte américaine subie reste pour l'instant indispensable face à la résurgence de la puissance chinoise, à l'hypothèque nucléaire nord-coréenne [...]" (15).
Deux écrits particulièrement intéressants
Comme mentionné, en général, toutes les contributions de la revue sont au moins intéressantes. Pour des raisons compréhensibles d'espace, nous nous attarderons ci-dessous sur ceux qui ont le plus retenu notre attention.
Nous aimerions tout d'abord mentionner l'article de Dario Fabbri, intitulé : L'importanza di essere Giappone (33-45), qui est essentiellement un "écho" de ce qui a déjà été dit dans l'éditorial, mais dans lequel nous trouvons quelques indications valables sur la formidable capacité de résistance et d'innovation de l'Archipel et de son Peuple.
Tōkyō réintègre la dimension géopolitique, sous le signe d'un ancien adage japonais : Keizoku wa chikara nari (継続は力なり, "Continuer, c'est pouvoir"). En fait, il n'y a aucun autre pays qui ait changé aussi radicalement, aussi rapidement et avec des effets aussi extrêmes au cours des deux derniers siècles que le Japon. D'un archipel isolé à une puissance coloniale en moins de trente ans ; d'une nation, bien que seulement formellement, historiquement vassale de la Chine, à un hégémon asiatique ; d'un ennemi juré des Américains à leur allié, tout en s'imposant comme l'avant-garde technologique de la planète. Des bouleversements effrayants qui auraient désintégré n'importe quelle communauté, démembré n'importe quel peuple, mais certainement pas les Japonais, telles sont les observations correctes de l'auteur.
Après tout, malgré l'ascension fulgurante du géant chinois au cours des quinze dernières années, le Japon reste la troisième économie mondiale. De même, la modernité obligatoire qui s'est emparée d'elle depuis la Seconde Guerre mondiale a sapé divers éléments: la langue, les coutumes et même le régime alimentaire, mais certainement pas sa véritable identité ethnique. En outre, au Pays du Soleil Levant, la confiance absolue dans la hiérarchie reste inchangée, ce qui a permis à la nation de se survivre et d'être essentiellement la culture unique qu'elle est. Un pays que l'on pourrait se risquer à résumer par un double axiome : la solidité en a fait un sujet ethnique incontournable ; tant de substance empêche ponctuellement sa compréhension à l'extérieur.
Le document de Fabbri, non pas en termes de style, mais en termes de contenu, nous trouve substantiellement en accord, sauf que la perspective que nous avons mentionnée au début nous oblige à reconnaître une erreur, et nous espérons qu'on nous pardonnera d'être draconien, ce qui est capital. C'est-à-dire définir le Japon comme une "thalassocratie" (33). Techniquement, une telle affirmation est correcte, mais seulement si l'on conçoit la géopolitique comme un réseau d'interactions économico-politiques; selon un point de vue moderne, donc dépourvu de la compréhension de l'essence spirituelle qui connote les lieux habités par les peuples, surtout dans le cas du Japon, puisque, comme l'explique encore Haushofer dans son texte extraordinaire: Il Giappone costruisce il suo impero (Parma, All'insegna Del Veltro, 1999), le Soleil Levant s'est effectivement déplacé dans la période de son expansionnisme en Asie à travers le vecteur maritime, mais pas du tout poussé par les vils objectifs mercantiles qui ont caractérisé d'abord l'Empire britannique et ensuite les Etats-Unis. Le Japon impérial était "en forme" une thalassocratie, mais dans la réalité historique, il s'est comporté comme une "tellurocratie". Ces différences de perspective peuvent sembler anodines, mais elles ne le sont pas ; au contraire, on mesure ici deux visions du monde absolument irréconciliables.
Fabbri a également édité une conversation très intéressante avec Tōmatsu Haruo (47-52), historien de la stratégie et doyen de la faculté des relations internationales de l'Académie de défense nationale (防衛大学校, Bōei Daigakkō) à Yokosuka. Nous considérons cette contribution comme la plus précieuse parmi celles incluses dans ce numéro de Limes. En effet, la précieuse perspicacité de Tōmatsu, notamment dans sa réflexion aiguë sur le dualisme entre Armée et Marine dans les hiérarchies militaires japonaises (48), constamment développé à partir de la restauration Meiji (1868), est une donnée historique cruciale pour la compréhension de la première période Shōwa (1926-1945) et que nous avons rarement eu la chance de retrouver dans les études des noms blasonnés - plus pour la gloire que pour la valeur tangible - de la yamatologie contemporaine. Cette rivalité acharnée entre l'armée et la marine s'accentue avec l'implication directe du Soleil Levant dans les affaires chinoises, faisant que la première, c'est-à-dire l'armée, gagne de plus en plus de poids politique, jusqu'à s'imposer comme le pouvoir du gouvernement proprement dit, inaugurant ce que les spécialistes ont l'habitude d'appeler le militarisme japonais, également défini comme: "Vallée sombre" (黒い谷, "Kuroi Tani").
Tōmatsu fait référence à un changement en cours au Japon, empreint de malaise, qu'il décrit comme: "Une phase délicate de suspension, en attente de devenir autre chose". D'un côté, il y a les bureaucrates, en charge de la politique étrangère depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui ont perdu toute sensibilité stratégique parce qu'ils sont habitués à compter sur les États-Unis. [Enfin, il y a des amiraux et des généraux, nostalgiques de l'empire, qui voudraient inaugurer une nouvelle saison expansionniste, sans envisager les graves conséquences que cela entraînerait. Le résultat est un pays qui oscille entre un nihilisme indolent et une agressivité réprimée [...]". (47). En répondant précisément à chacune des questions que Fabbri lui pose, l'érudit japonais offre de nombreuses pistes de réflexion non seulement sur le positionnement politique et stratégique actuel de son pays, mais surtout en le reliant à l'histoire récente de l'Archipel. Pour cette raison, nous considérons cet entretien comme un élément bibliographique qui devrait être constamment présent dans les futures études géopolitiques sur le Japon.
Autres écrits plus utiles
Il y a cependant d'autres écrits d'un intérêt certain inclus dans ce volume. Par exemple, celle de Nishio Takashi: Long live the todōfuken (53-59), dans laquelle il aborde la question de savoir comment les préfectures du pays ne sont plus aujourd'hui de simples unités administratives, mais des "entités écologiques", linguistiques et culturelles, capables même de façonner l'identité individuelle des citoyens.
Nishio explique comment, dans le système de gouvernance japonais actuel (un mot mal aimé, à juste titre, par le courant géopolitique traditionnel), le système des autonomies locales (todōfuken) est le plus ancien et le plus consolidé. On dénombre pas moins de 47 todōfuken dans l'archipel, dont les noms et les limites sont restés quasiment inchangés depuis la restauration Meiji. Cependant, si ces unités d'autonomie locale semblent être restées inchangées, leurs caractéristiques politiques et sociales ont, au contraire, changé de façon spectaculaire depuis l'établissement de l'État centralisé de la période Meiji.
Le thème est traité dans l'article intitulé The Demographic Crisis and a New Meiji Restoration (73-78) de Stephen R. Nagy et est d'une actualité brûlante. Il y aborde la question du vieillissement très rapide de la population au Japon, une situation qui crée d'énormes problèmes sociaux et, surtout, économiques. Résoudre ce problème, même si une véritable solution ne semble pas avoir été trouvée par les dirigeants du pays, est d'une importance vitale. Par exemple, on tente de "remplacer" les gens par des robots - l'automate a toujours été un élément de grande fascination dans cette culture - pour certains emplois sociaux, bien que cela semble un remède plus proche de la science-fiction que de la vie réelle.
L'urgence démographique a incité le Parlement à adopter des politiques économiques, sécuritaires, migratoires et culturelles qui promettent de changer le visage du pays, même si dans le cœur des Japonais, à chaque grand changement, ils espèrent rester les mêmes.
Un thème que très peu de gens connaissent, et que presque aucun japonologue italien n'est coupable d'aborder, est celui que l'on trouve dans l'article de Ian Neary : Burakumin, the last ones will remain last (83-87), où il raconte la discrimination à l'égard des membres de la caste des exclus (en particulier les descendants des tanneurs de cuir), une forme de "racisme interne" qui révèle l'obsession toute japonaise de la pureté du sang. En fait, il existe même au Japon des agences d'enquête spéciales qui recherchent le passé des gens pour empêcher les mariages "mixtes". Toutefois, il convient de mentionner qu'en décembre 2016, la Diète (le Parlement japonais) a adopté une loi visant à promouvoir l'élimination de la discrimination à l'égard des burakumin (un terme que l'on peut traduire par "gens du village" ou "gens du canton"). C'est la première fois qu'un texte législatif fait référence à la ghettoïsation des communautés buraku.
Peu de pays ont lié leur histoire nationale à celle de leur marine autant que le Japon au cours des deux cents dernières années, comme nous le raconte Alberto de Sanctis dans son article : La rinascita della flotta nipponica nel nome delle antiche glorie (97-105). Au cours des quelques décennies entre les XIXe et XXe siècles, la flotte de combat japonaise (海軍, kaigun) a connu une croissance rapide et exponentielle qui lui a permis de jouer un rôle crucial dans l'histoire de l'Asie. Pendant des décennies, symbole incontesté du pouvoir impérial, la marine japonaise a contribué à faire du pays l'une des plus grandes puissances militaires de la première moitié du XXe siècle.
Il était bien sûr inévitable que la question de l'abdication prochaine du roi Akihito, prévue en 2019, soit abordée. Hosaka Yuji le fait dans : Le visage humain de l'empereur (121-125). Cet événement rappelle, bien qu'à distance, l'abdication du pape Benoît XVI le 28 février 2013, et fait prendre conscience au monde entier de la fragilité embarrassante, pour les Japonais, d'un souverain que, malgré les événements constitutionnels de la Seconde Guerre mondiale, beaucoup dans l'Archipel n'ont jamais cessé de considérer comme divin. De plus, étant donné que le système actuel de l'empereur-symbole n'envisage pas un tel cas, la population japonaise a réagi avec une grande consternation à la décision de l'empereur (Tennō) d'abandonner essentiellement son rôle pour des problèmes personnels, comme si la nature humaine et divine de Tennō pouvait être séparée.
Enfin, si nous pensons à l'évolution du scénario politique de l'Extrême-Orient, il est très utile d'avoir abordé l'occupation japonaise (de 1910 à 1945) de la péninsule coréenne ; un épisode colonial qui a vu les Japonais commettre parfois de véritables crimes, notamment le phénomène des femmes dites de réconfort : de jeunes Coréennes contraintes de satisfaire les besoins sexuels de l'armée impériale. Une blessure, comme le raconte Antonio Fiori dans son article: Le détroit de Corée est toujours plus large (227-234), qui continue de peser sur les relations entre Tōkyō et la Corée du Sud, tandis qu'à l'opposé, l'enlèvement jamais élucidé de citoyens japonais par des agents de Pyongyang crée toujours des tensions. À cet égard, en Occident également, le cas de Yokota Megumi, qui a été enlevée par des agents infiltrés par la Corée du Nord, en novembre 1977, et n'est jamais rentrée chez elle, a fait la une des journaux. A ce sujet, le texte du journaliste Antonio Moscatello a été récemment publié : MEGUMI. Histoires d'enlèvements et d'espions de Corée du Nord (Naples, Rogiosi, 2017).
Le Japon ne fait pas de révolution, mais renaît !
En résumé, nous pouvons constater qu'il y a de nombreuses cartes et graphiques dans cet intéressant numéro de Limes, comme pour réitérer la primauté de la géographie sur la philosophie politique si chère à Haushofer lui-même. Ce n'est pas pour rien qu'il est à l'origine de la création de l'école géopolitique japonaise, qui a fortement orienté les choix du gouvernement pendant la période du militarisme. Certains des principes fondateurs du Nippon Chiseigaku (chi/terre [地], sei/politique [政], gaku/étude [学]) visaient à dénoncer la "brutalité des Blancs", dont Julius Evola fut le premier à parler dans son article, comme toujours prophétique: Oracca all'Asia. Il tramonto dell'Oriente (initialement publié dans Il Nazionale, II, 41, 8 octobre 1950 et maintenant inclus dans Julius Evola, Fascismo Giappone Zen. Scritti sull'Oriente 1927 - 1975, Riccardo Rosati [ed.], Rome, Pages, 2016). Pour les Japonais, leur expansion imparable en Asie était une "guerre de libération de la domination coloniale blanche" (23). Et, comme le rapporte à juste titre l'Editorial cité ici, l'apport de la pensée de Haushofer a été d'une énorme importance dans la structuration d'une haute idée de l'impérialisme japonais: "Le pan-continentalisme de l'école haushoferienne a contribué à structurer le projet de la Grande Asie orientale [...]" (26).
Le " Japon profond " dont on parle parfois n'est pas aussi connu qu'on le croit. Elle a été, et est encore, un noyau, essentiellement familier, au sommet duquel se dresse la figure du Souverain. L'américanisme de l'après-guerre a affaibli cette structure sociale exceptionnelle, exclusivement japonaise. Ce phénomène dissuasif de colonisation culturelle a été partiellement stoppé par la tragédie naturelle qui a frappé la région du Tōhoku le 11 mars 2011. Cet événement malheureux a cependant permis la renaissance du kizuna (絆, "lien"), recompactant toute une nation, alors hébétée par une aliénation de l'individu qui a atteint son apogée avec le phénomène des Hikikomori (引き篭り, littéralement: "ceux qui restent entre eux"), les jeunes qui s'enferment chez eux pendant des années, vivant une réalité faite uniquement d'Internet et de télévision, refusant tout contact direct avec les autres (à ce sujet, nous vous recommandons la série animée intelligente: Welcome to the N. H.K. [24 épisodes, 2006], réalisé par Yamamoto Yūsuke).
Aujourd'hui, c'est un devoir pour un japonologue qui n'est pas esclave du globalisme de parler d'un Japon très différent, peut-être même meilleur et plus fort que celui que nous aimions quand nous étions enfants, puisqu'il est redevenu un Pays/Peuple, ce dont nous, Italiens, ne parvenons jamais à comprendre l'importance.
L'éditorial du Limes se termine par une sorte de provocation: "Parmi les survivances des anciennes gloires, le bushidō ne semble pas briller. Pour la tristesse, nous l'imaginons, des esprits samouraïs" (29); presque comme si nous voulions nous moquer de manière incompréhensible de l'héritage politique et moral du grand Mishima Yukio, encourageant ainsi ce "Japon perdant", auquel nous avons consacré il y a quelques années un volume spécialisé agile (voir Riccardo Rosati, Perdendo il Giappone, Roma, Armando Editore, 2005). Nous ne pouvons certainement pas nous réjouir de cette position, car elle révèle précisément cette méconnaissance déjà stigmatisée du " Japon profond ".
Il est nécessaire de réaliser que ce que certains dirigeants conservateurs de l'Archipel, comme Ozawa Ichirō, voulaient et veulent encore aujourd'hui, c'est un retour à un "Japon normal" (22). En effet, un message, pas trop voilé, que l'on peut voir courir sous la surface de cette publication, est que le "révisionnisme historique" au Japon a des racines vigoureuses et que l'Occident atlantiste, qui est un point de référence pour un magazine comme Limes, ne le voit pas d'un bon œil. Encore une fois, bien que nous soyons loin de ces positions, nous ne pouvons pas nier l'exactitude des données ; il suffit de rappeler une figure telle que l'homme politique et écrivain Ishihara Shintarō, qui était aussi un ami de Mishima, qui a toujours soutenu que le Massacre ou le Viol de Nankin, perpétré pendant les six semaines qui ont suivi l'occupation de la ville par les troupes japonaises en décembre 1937, n'était que le résultat de la propagande du gouvernement de Pékin.
L'éditorial confirme également que quelque chose est en train de renaître au Soleil Levant, qui fera peut-être reculer les mains de l'histoire: "D'où le caractère unique de la nation japonaise, qui change tout en restant elle-même. Capable de voir sans être vu. Offrir au "barbare" le visage commode (tatemae), pour lui-même garder la pensée intime, authentique (hon'ne). Garder l'harmonie (wa), le bien suprême" (8). Ceci dit, pour rappeler combien le lexique est aussi un élément géopolitique, nous pensons que le titre même de ce livre est conceptuellement incorrect, étant donné qu'associer ce pays au mot "révolution" est mystifiant, puisqu'il l'a toujours abhorré, voir la Restauration (ou Renouveau) Meiji de 1868. D'ailleurs, l'un des plus grands spécialistes du Japon au siècle dernier, l'Italien Fosco Maraini, ne pensait pas différemment de nous: "Le cas japonais est extraordinairement intéressant en ce qu'il offre un exemple classique d'imperméabilité obstinée aux interprétations marxistes, de transparence lumineuse aux interprétations wébériennes" (Fosco Maraini, Ore giapponesi, Milan, Corbaccio, 2000, p. 13).
* Merci à la collègue orientaliste Annarita Mavelli pour ses suggestions et sa révision du texte.
@barbadilloit
Riccardo Rosati
16:01 Publié dans Géopolitique, Géopolitique, Histoire, Histoire, Revue, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : revue, géopolitique, histoire, japon, asie, affaires asiatiques, revue, géopolitique, histoire, japon, asie, affaires asiatiques | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le Japon selon la revue Limes
par Riccardo Rosati
Ex: https://www.barbadillo.it/76650-focus-il-giappone-secondo-il-periodico-limes-con-insofferenza-per-il-nazionalismo-al-governo/?fbclid=IwAR2iDgug2BU7isJXNpWRK6Jw5WoesNnc3BQFG5VXfbHElxcrpXjHMFlQ9y8
Une clarification et une orientation méthodologiques essentielles
Parler de Roland Barthes, c'est généralement parler de l'écriture, du texte, de la signification, et plus encore du sens. La question plus que légitime serait de savoir pourquoi cette référence au grand linguiste et homme de lettres français est faite dans une analyse de la monographie que le célèbre magazine géopolitique Limes a consacré au Japon en février dernier. À première vue, on pourrait penser à une référence au merveilleux texte que Barthes a adressé à ce pays, intitulé L'Empire des signes (1970), mais ce n'est pas le cas. La raison qui nous a poussés à commencer ces réflexions en parlant de l'écriture elle-même réside dans le fait que même un champ d'investigation et de recherche comme la géopolitique change de perspective, tout en révélant son identité, en fonction du lexique utilisé et de la manière dont les phrases sont formées. La première, qui est celle du Limes, tend à ne pas être hostile au global et au progrès d'une matrice technocratique; la seconde, suivie par moi-même, est au contraire encadrée par une position traditionaliste, pour laquelle, reprenant un concept cher au célèbre géopolitologue allemand Karl Haushofer (1869-1946), les nations sont toujours et avant tout: "le sang et le sol".
Nous avons ressenti le besoin de faire une telle introduction, car si, pour le volume que nous allons analyser, il nous arrive d'être en désaccord avec certaines des positions qui y sont exprimées, dans la plupart des cas, ce ne sera pas à cause de la qualité intrinsèque des articles individuels, qui sont pour la plupart d'un bon niveau, mais presque exclusivement à cause d'une distance méthodologique et intellectuelle insoluble.
La contribution la plus intéressante du numéro de Limes est intitulée : La révolution japonaise, et se trouve probablement dans l'éditorial lui-même (7-29), dans son examen articulé qui ne se limite pas à anticiper synthétiquement, comme cela arrive souvent dans des écrits de ce genre, les thèmes abordés ensuite par les différents articles, mais se concentre à proposer, même avec une certaine conviction, la perspective que Limes a sur la situation politique actuelle de l'Archipel. Il n'y a pas d'objection à cela, si ce n'est l'absence de signature de la personne qui a écrit cet éditorial ; un défaut, à notre humble avis, qui dénote une vocation d'écriture plus journalistique qu'académique. Moins "neutre", en revanche, est la compréhension schématique et partielle du Premier ministre japonais Abe Shinzō, qui apparaît comme une sorte de "refrain" dans les différentes contributions, mais uniquement dans celles signées par des Italiens. Néanmoins, malgré l'intolérance habituelle de la gauche italienne envers les soi-disant "hommes forts" aux penchants nationalistes, l'honnêteté intellectuelle nous oblige à reconnaître une part de vérité dans le jugement suivant sur la politique du Premier ministre japonais: "Jouer la carte de l'accord entre les démocraties libérales à des fins de propagande [...]" (18-20).
Le Japon est un monde à part, comme le savent les spécialistes, et un aspect important de ce numéro est précisément l'utilisation des réflexions de divers chercheurs et professeurs japonais, afin d'offrir une perspective interne sur les changements en cours au Soleil Levant. Plus d'une de ces contributions traite de la manière dont l'Empire japonais a étendu son influence pendant des années brèves mais décisives, en essayant en vain d'ériger la Sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale, jusqu'à son effondrement en 1945, lorsque les États-Unis, afin d'éviter une invasion directe du Japon, l'ont contraint à se rendre par un double bombardement atomique, criminel selon nous. Pour la première fois dans son histoire légendaire, l'Empire du Soleil est soumis au joug étranger, asservi à ceux que l'on appelle les "yeux bleus" (aoime), c'est-à-dire les Occidentaux.
Depuis son formidable redressement d'après-guerre, le Japon est synonyme, pour le reste du monde, d'avant-garde technologique, de locomotive industrielle internationale et de puissance financière et commerciale qui, dans les années 1980, semblait sur le point de dépasser même les États-Unis, dont ce pays asiatique complexe a été pendant des années une sorte de "serviteur géopolitique", agissant comme un porte-avions naturel, gardant l'océan Pacifique. La Seconde Guerre mondiale a fait du Japon un cas rare de coexistence d'une puissance économique et d'une minorité politique.
Bien que réduit à l'état de vassal des États-Unis, le Soleil Levant a su préserver son caractère, rester fidèle à sa mission patriotique supérieure en s'adaptant, par la force et non par le choix, et il faut toujours le garder à l'esprit, aux contraintes imposées par l'allié gênant. Néanmoins, cette grande nation a vécu jusqu'à aujourd'hui, changeant de peau mais certainement pas d'âme. Et pourtant, comme le souligne à juste titre l'éditorial, le "problème américain" existe toujours, ou plutôt est encore plus grand que par le passé, pour le Japon, dans sa nécessité, qui n'est guère facile: "Mais les réalistes de tonalité modérée - faisons abstraction des nombreux pacifistes et autres idéalistes - tendent à constater que la contrainte américaine subie reste pour l'instant indispensable face à la résurgence de la puissance chinoise, à l'hypothèque nucléaire nord-coréenne [...]" (15).
Deux écrits particulièrement intéressants
Comme mentionné, en général, toutes les contributions de la revue sont au moins intéressantes. Pour des raisons compréhensibles d'espace, nous nous attarderons ci-dessous sur ceux qui ont le plus retenu notre attention.
Nous aimerions tout d'abord mentionner l'article de Dario Fabbri, intitulé : L'importanza di essere Giappone (33-45), qui est essentiellement un "écho" de ce qui a déjà été dit dans l'éditorial, mais dans lequel nous trouvons quelques indications valables sur la formidable capacité de résistance et d'innovation de l'Archipel et de son Peuple.
Tōkyō réintègre la dimension géopolitique, sous le signe d'un ancien adage japonais : Keizoku wa chikara nari (継続は力なり, "Continuer, c'est pouvoir"). En fait, il n'y a aucun autre pays qui ait changé aussi radicalement, aussi rapidement et avec des effets aussi extrêmes au cours des deux derniers siècles que le Japon. D'un archipel isolé à une puissance coloniale en moins de trente ans ; d'une nation, bien que seulement formellement, historiquement vassale de la Chine, à un hégémon asiatique ; d'un ennemi juré des Américains à leur allié, tout en s'imposant comme l'avant-garde technologique de la planète. Des bouleversements effrayants qui auraient désintégré n'importe quelle communauté, démembré n'importe quel peuple, mais certainement pas les Japonais, telles sont les observations correctes de l'auteur.
Après tout, malgré l'ascension fulgurante du géant chinois au cours des quinze dernières années, le Japon reste la troisième économie mondiale. De même, la modernité obligatoire qui s'est emparée d'elle depuis la Seconde Guerre mondiale a sapé divers éléments: la langue, les coutumes et même le régime alimentaire, mais certainement pas sa véritable identité ethnique. En outre, au Pays du Soleil Levant, la confiance absolue dans la hiérarchie reste inchangée, ce qui a permis à la nation de se survivre et d'être essentiellement la culture unique qu'elle est. Un pays que l'on pourrait se risquer à résumer par un double axiome : la solidité en a fait un sujet ethnique incontournable ; tant de substance empêche ponctuellement sa compréhension à l'extérieur.
Le document de Fabbri, non pas en termes de style, mais en termes de contenu, nous trouve substantiellement en accord, sauf que la perspective que nous avons mentionnée au début nous oblige à reconnaître une erreur, et nous espérons qu'on nous pardonnera d'être draconien, ce qui est capital. C'est-à-dire définir le Japon comme une "thalassocratie" (33). Techniquement, une telle affirmation est correcte, mais seulement si l'on conçoit la géopolitique comme un réseau d'interactions économico-politiques; selon un point de vue moderne, donc dépourvu de la compréhension de l'essence spirituelle qui connote les lieux habités par les peuples, surtout dans le cas du Japon, puisque, comme l'explique encore Haushofer dans son texte extraordinaire: Il Giappone costruisce il suo impero (Parma, All'insegna Del Veltro, 1999), le Soleil Levant s'est effectivement déplacé dans la période de son expansionnisme en Asie à travers le vecteur maritime, mais pas du tout poussé par les vils objectifs mercantiles qui ont caractérisé d'abord l'Empire britannique et ensuite les Etats-Unis. Le Japon impérial était "en forme" une thalassocratie, mais dans la réalité historique, il s'est comporté comme une "tellurocratie". Ces différences de perspective peuvent sembler anodines, mais elles ne le sont pas ; au contraire, on mesure ici deux visions du monde absolument irréconciliables.
Fabbri a également édité une conversation très intéressante avec Tōmatsu Haruo (47-52), historien de la stratégie et doyen de la faculté des relations internationales de l'Académie de défense nationale (防衛大学校, Bōei Daigakkō) à Yokosuka. Nous considérons cette contribution comme la plus précieuse parmi celles incluses dans ce numéro de Limes. En effet, la précieuse perspicacité de Tōmatsu, notamment dans sa réflexion aiguë sur le dualisme entre Armée et Marine dans les hiérarchies militaires japonaises (48), constamment développé à partir de la restauration Meiji (1868), est une donnée historique cruciale pour la compréhension de la première période Shōwa (1926-1945) et que nous avons rarement eu la chance de retrouver dans les études des noms blasonnés - plus pour la gloire que pour la valeur tangible - de la yamatologie contemporaine. Cette rivalité acharnée entre l'armée et la marine s'accentue avec l'implication directe du Soleil Levant dans les affaires chinoises, faisant que la première, c'est-à-dire l'armée, gagne de plus en plus de poids politique, jusqu'à s'imposer comme le pouvoir du gouvernement proprement dit, inaugurant ce que les spécialistes ont l'habitude d'appeler le militarisme japonais, également défini comme: "Vallée sombre" (黒い谷, "Kuroi Tani").
Tōmatsu fait référence à un changement en cours au Japon, empreint de malaise, qu'il décrit comme: "Une phase délicate de suspension, en attente de devenir autre chose". D'un côté, il y a les bureaucrates, en charge de la politique étrangère depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui ont perdu toute sensibilité stratégique parce qu'ils sont habitués à compter sur les États-Unis. [Enfin, il y a des amiraux et des généraux, nostalgiques de l'empire, qui voudraient inaugurer une nouvelle saison expansionniste, sans envisager les graves conséquences que cela entraînerait. Le résultat est un pays qui oscille entre un nihilisme indolent et une agressivité réprimée [...]". (47). En répondant précisément à chacune des questions que Fabbri lui pose, l'érudit japonais offre de nombreuses pistes de réflexion non seulement sur le positionnement politique et stratégique actuel de son pays, mais surtout en le reliant à l'histoire récente de l'Archipel. Pour cette raison, nous considérons cet entretien comme un élément bibliographique qui devrait être constamment présent dans les futures études géopolitiques sur le Japon.
Autres écrits plus utiles
Il y a cependant d'autres écrits d'un intérêt certain inclus dans ce volume. Par exemple, celle de Nishio Takashi: Long live the todōfuken (53-59), dans laquelle il aborde la question de savoir comment les préfectures du pays ne sont plus aujourd'hui de simples unités administratives, mais des "entités écologiques", linguistiques et culturelles, capables même de façonner l'identité individuelle des citoyens.
Nishio explique comment, dans le système de gouvernance japonais actuel (un mot mal aimé, à juste titre, par le courant géopolitique traditionnel), le système des autonomies locales (todōfuken) est le plus ancien et le plus consolidé. On dénombre pas moins de 47 todōfuken dans l'archipel, dont les noms et les limites sont restés quasiment inchangés depuis la restauration Meiji. Cependant, si ces unités d'autonomie locale semblent être restées inchangées, leurs caractéristiques politiques et sociales ont, au contraire, changé de façon spectaculaire depuis l'établissement de l'État centralisé de la période Meiji.
Le thème est traité dans l'article intitulé The Demographic Crisis and a New Meiji Restoration (73-78) de Stephen R. Nagy et est d'une actualité brûlante. Il y aborde la question du vieillissement très rapide de la population au Japon, une situation qui crée d'énormes problèmes sociaux et, surtout, économiques. Résoudre ce problème, même si une véritable solution ne semble pas avoir été trouvée par les dirigeants du pays, est d'une importance vitale. Par exemple, on tente de "remplacer" les gens par des robots - l'automate a toujours été un élément de grande fascination dans cette culture - pour certains emplois sociaux, bien que cela semble un remède plus proche de la science-fiction que de la vie réelle.
L'urgence démographique a incité le Parlement à adopter des politiques économiques, sécuritaires, migratoires et culturelles qui promettent de changer le visage du pays, même si dans le cœur des Japonais, à chaque grand changement, ils espèrent rester les mêmes.
Un thème que très peu de gens connaissent, et que presque aucun japonologue italien n'est coupable d'aborder, est celui que l'on trouve dans l'article de Ian Neary : Burakumin, the last ones will remain last (83-87), où il raconte la discrimination à l'égard des membres de la caste des exclus (en particulier les descendants des tanneurs de cuir), une forme de "racisme interne" qui révèle l'obsession toute japonaise de la pureté du sang. En fait, il existe même au Japon des agences d'enquête spéciales qui recherchent le passé des gens pour empêcher les mariages "mixtes". Toutefois, il convient de mentionner qu'en décembre 2016, la Diète (le Parlement japonais) a adopté une loi visant à promouvoir l'élimination de la discrimination à l'égard des burakumin (un terme que l'on peut traduire par "gens du village" ou "gens du canton"). C'est la première fois qu'un texte législatif fait référence à la ghettoïsation des communautés buraku.
Peu de pays ont lié leur histoire nationale à celle de leur marine autant que le Japon au cours des deux cents dernières années, comme nous le raconte Alberto de Sanctis dans son article : La rinascita della flotta nipponica nel nome delle antiche glorie (97-105). Au cours des quelques décennies entre les XIXe et XXe siècles, la flotte de combat japonaise (海軍, kaigun) a connu une croissance rapide et exponentielle qui lui a permis de jouer un rôle crucial dans l'histoire de l'Asie. Pendant des décennies, symbole incontesté du pouvoir impérial, la marine japonaise a contribué à faire du pays l'une des plus grandes puissances militaires de la première moitié du XXe siècle.
Il était bien sûr inévitable que la question de l'abdication prochaine du roi Akihito, prévue en 2019, soit abordée. Hosaka Yuji le fait dans : Le visage humain de l'empereur (121-125). Cet événement rappelle, bien qu'à distance, l'abdication du pape Benoît XVI le 28 février 2013, et fait prendre conscience au monde entier de la fragilité embarrassante, pour les Japonais, d'un souverain que, malgré les événements constitutionnels de la Seconde Guerre mondiale, beaucoup dans l'Archipel n'ont jamais cessé de considérer comme divin. De plus, étant donné que le système actuel de l'empereur-symbole n'envisage pas un tel cas, la population japonaise a réagi avec une grande consternation à la décision de l'empereur (Tennō) d'abandonner essentiellement son rôle pour des problèmes personnels, comme si la nature humaine et divine de Tennō pouvait être séparée.
Enfin, si nous pensons à l'évolution du scénario politique de l'Extrême-Orient, il est très utile d'avoir abordé l'occupation japonaise (de 1910 à 1945) de la péninsule coréenne ; un épisode colonial qui a vu les Japonais commettre parfois de véritables crimes, notamment le phénomène des femmes dites de réconfort : de jeunes Coréennes contraintes de satisfaire les besoins sexuels de l'armée impériale. Une blessure, comme le raconte Antonio Fiori dans son article: Le détroit de Corée est toujours plus large (227-234), qui continue de peser sur les relations entre Tōkyō et la Corée du Sud, tandis qu'à l'opposé, l'enlèvement jamais élucidé de citoyens japonais par des agents de Pyongyang crée toujours des tensions. À cet égard, en Occident également, le cas de Yokota Megumi, qui a été enlevée par des agents infiltrés par la Corée du Nord, en novembre 1977, et n'est jamais rentrée chez elle, a fait la une des journaux. A ce sujet, le texte du journaliste Antonio Moscatello a été récemment publié : MEGUMI. Histoires d'enlèvements et d'espions de Corée du Nord (Naples, Rogiosi, 2017).
Le Japon ne fait pas de révolution, mais renaît !
En résumé, nous pouvons constater qu'il y a de nombreuses cartes et graphiques dans cet intéressant numéro de Limes, comme pour réitérer la primauté de la géographie sur la philosophie politique si chère à Haushofer lui-même. Ce n'est pas pour rien qu'il est à l'origine de la création de l'école géopolitique japonaise, qui a fortement orienté les choix du gouvernement pendant la période du militarisme. Certains des principes fondateurs du Nippon Chiseigaku (chi/terre [地], sei/politique [政], gaku/étude [学]) visaient à dénoncer la "brutalité des Blancs", dont Julius Evola fut le premier à parler dans son article, comme toujours prophétique: Oracca all'Asia. Il tramonto dell'Oriente (initialement publié dans Il Nazionale, II, 41, 8 octobre 1950 et maintenant inclus dans Julius Evola, Fascismo Giappone Zen. Scritti sull'Oriente 1927 - 1975, Riccardo Rosati [ed.], Rome, Pages, 2016). Pour les Japonais, leur expansion imparable en Asie était une "guerre de libération de la domination coloniale blanche" (23). Et, comme le rapporte à juste titre l'Editorial cité ici, l'apport de la pensée de Haushofer a été d'une énorme importance dans la structuration d'une haute idée de l'impérialisme japonais: "Le pan-continentalisme de l'école haushoferienne a contribué à structurer le projet de la Grande Asie orientale [...]" (26).
Le " Japon profond " dont on parle parfois n'est pas aussi connu qu'on le croit. Elle a été, et est encore, un noyau, essentiellement familier, au sommet duquel se dresse la figure du Souverain. L'américanisme de l'après-guerre a affaibli cette structure sociale exceptionnelle, exclusivement japonaise. Ce phénomène dissuasif de colonisation culturelle a été partiellement stoppé par la tragédie naturelle qui a frappé la région du Tōhoku le 11 mars 2011. Cet événement malheureux a cependant permis la renaissance du kizuna (絆, "lien"), recompactant toute une nation, alors hébétée par une aliénation de l'individu qui a atteint son apogée avec le phénomène des Hikikomori (引き篭り, littéralement: "ceux qui restent entre eux"), les jeunes qui s'enferment chez eux pendant des années, vivant une réalité faite uniquement d'Internet et de télévision, refusant tout contact direct avec les autres (à ce sujet, nous vous recommandons la série animée intelligente: Welcome to the N. H.K. [24 épisodes, 2006], réalisé par Yamamoto Yūsuke).
Aujourd'hui, c'est un devoir pour un japonologue qui n'est pas esclave du globalisme de parler d'un Japon très différent, peut-être même meilleur et plus fort que celui que nous aimions quand nous étions enfants, puisqu'il est redevenu un Pays/Peuple, ce dont nous, Italiens, ne parvenons jamais à comprendre l'importance.
L'éditorial du Limes se termine par une sorte de provocation: "Parmi les survivances des anciennes gloires, le bushidō ne semble pas briller. Pour la tristesse, nous l'imaginons, des esprits samouraïs" (29); presque comme si nous voulions nous moquer de manière incompréhensible de l'héritage politique et moral du grand Mishima Yukio, encourageant ainsi ce "Japon perdant", auquel nous avons consacré il y a quelques années un volume spécialisé agile (voir Riccardo Rosati, Perdendo il Giappone, Roma, Armando Editore, 2005). Nous ne pouvons certainement pas nous réjouir de cette position, car elle révèle précisément cette méconnaissance déjà stigmatisée du " Japon profond ".
Il est nécessaire de réaliser que ce que certains dirigeants conservateurs de l'Archipel, comme Ozawa Ichirō, voulaient et veulent encore aujourd'hui, c'est un retour à un "Japon normal" (22). En effet, un message, pas trop voilé, que l'on peut voir courir sous la surface de cette publication, est que le "révisionnisme historique" au Japon a des racines vigoureuses et que l'Occident atlantiste, qui est un point de référence pour un magazine comme Limes, ne le voit pas d'un bon œil. Encore une fois, bien que nous soyons loin de ces positions, nous ne pouvons pas nier l'exactitude des données ; il suffit de rappeler une figure telle que l'homme politique et écrivain Ishihara Shintarō, qui était aussi un ami de Mishima, qui a toujours soutenu que le Massacre ou le Viol de Nankin, perpétré pendant les six semaines qui ont suivi l'occupation de la ville par les troupes japonaises en décembre 1937, n'était que le résultat de la propagande du gouvernement de Pékin.
L'éditorial confirme également que quelque chose est en train de renaître au Soleil Levant, qui fera peut-être reculer les mains de l'histoire: "D'où le caractère unique de la nation japonaise, qui change tout en restant elle-même. Capable de voir sans être vu. Offrir au "barbare" le visage commode (tatemae), pour lui-même garder la pensée intime, authentique (hon'ne). Garder l'harmonie (wa), le bien suprême" (8). Ceci dit, pour rappeler combien le lexique est aussi un élément géopolitique, nous pensons que le titre même de ce livre est conceptuellement incorrect, étant donné qu'associer ce pays au mot "révolution" est mystifiant, puisqu'il l'a toujours abhorré, voir la Restauration (ou Renouveau) Meiji de 1868. D'ailleurs, l'un des plus grands spécialistes du Japon au siècle dernier, l'Italien Fosco Maraini, ne pensait pas différemment de nous: "Le cas japonais est extraordinairement intéressant en ce qu'il offre un exemple classique d'imperméabilité obstinée aux interprétations marxistes, de transparence lumineuse aux interprétations wébériennes" (Fosco Maraini, Ore giapponesi, Milan, Corbaccio, 2000, p. 13).
* Merci à la collègue orientaliste Annarita Mavelli pour ses suggestions et sa révision du texte.
@barbadilloit
Riccardo Rosati
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Parution du n°445 du Bulletin célinien
Sommaire :
Entretien avec Henri Godard
Céline vu par un journaliste nazi [1943]
François Gibault nous écrit
Céline parmi les maudits
Du voyage au bout de l’Enfer de Dante au Voyage au bout de la nuit de Céline
Il est toujours divertissant de voir des intellectuels qui furent partisans d’un ordre totalitaire (communiste, puis maoïste) s’ériger en contempteurs des turpitudes idéologiques de Céline. La virulence de ces anciens commissaires politiques, jadis animateurs d’un “Front Culturel Révolutionnaire”, ne le cédait en rien à celle du pamphlétaire. Ainsi de Jean Narboni (1937), ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma à la pire époque de leur histoire. Il signe un petit livre, La grande illusion de Céline, s’apparentant davantage au libelle qu’à l’essai¹. Il y aurait pourtant des choses intéressantes à écrire sur la relation ambivalente de Renoir à Céline. Lequel avait détesté, comme on sait, le chef-d’œuvre de celui qui était son exact contemporain. Le film sortit sur les écrans la même année que Bagatelles où il fut étrillé pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le cinéma. Cela n’empêcha nullement Renoir de clamer son admiration à Céline. Pas seulement pour ses deux premiers romans mais aussi, plus tard, pour D’un château l’autre qualifié d’« épopée prodigieuse »². Il voulut même adapter Voyage au cinéma avant d’en être dissuadé par le producteur Pierre Braunberger.
Narboni pratique le billard à trois bandes : pour mieux accabler Céline, il épingle Armand Bernardini, et surtout George Montandon qui eut les mêmes phobies racialistes mais à un degré plus avancé. Le témoignage du fils (alors adolescent) du metteur en scène dépeignant, début 1938, un Céline menaçant Renoir du peloton d’exécution quand les Allemands seront là, se veut accablant. Vraisemblable alors qu’il voulait précisément empêcher un conflit jugé fratricide ? Testis unus, testis nullus… On n’ose pour autant qualifier ce témoignage de douteux. …Douteux ? C’est l’adjectif qu’utilise, par antiphrase, l’auteur pour caractériser le patronyme de Lucette Almansor, s’étonnant que Céline « ne semble pas s’en être avisé ni inquiété » (!). S’il connaissait mieux son sujet, il n’aurait pas subodoré « un lointain ancêtre arabe » et saurait que le bisaïeul de Lucette, Émile Almansor (1828-1897), enfant trouvé par la portière de l’hospice de Mortagne-au-Perche, fut ainsi dénommé par l’adjoint au maire, sans doute inspiré par ses lectures ou une page du dictionnaire³. Nulle origine arabe donc. Celle-ci ne préoccupait d’ailleurs nullement son époux : il pensait benoîtement qu’elle expliquait le goût de sa femme pour les danses orientales et espagnoles. Mais peut-on reprocher à Narboni de ne pas s’être sérieusement documenté, lui qui ne reconnaît même pas Lucette sur une photo où Céline « parle avec une femme au turban » ? Sur le parcours sinueux de Renoir, il y aurait eu bien des choses à rappeler. Après avoir été proche des anarchistes du groupe Octobre et de la bande à Prévert, il fut compagnon de route du PCF sous le Front populaire avant d’aller tourner un film dans l’Italie fasciste à la veille de la guerre, puis de faire, vainement, des offres de service à Vichy. Déçu, il s’exila, comme on sait, en Amérique où son admiration pour Céline demeura intacte4. « Je l’aime parce qu’il est passionné », disait-il.
• Jean NARBONI, La grande illusion de Céline, Éd. Capricci, 2021, 140 p. (17 €)
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Parution du n°444 du Bulletin célinien
Sommaire :
Céline à Rennes, en 1923
De Rosembly à Thibaudat
Chronologie 1944
L’Église vue par Thibaudat
Schopenhauer, la musique et Céline
Pierre-Marie Miroux nous écrit.
Calendrier Editorial
Plusieurs éditeurs avaient sollicité les ayants droit de Céline afin d’éditer ses manuscrits inédits. Comme c’était prévisible, c’est l’éditeur « historique » de l’écrivain qui publiera ce corpus. Si le contrat n’a pas encore été signé, un calendrier éditorial se précise.
Le mois passé, François Gibault et Véronique Chovin ont rencontré Antoine Gallimard pour esquisser les étapes de publication des différents textes. Celui-ci a souligné qu’ils sont tous les trois animés par « le même souci de restituer ces textes de manière intégrale. »¹ Et de rappeler qu’il avait signé avec Lucette un accord lui donnant un droit d’option pour les éventuels inédits à venir. Pour l’édition, il n’y aura pas de travail d’équipe à proprement parler mais, vu le temps à rattraper, d’une attribution lot par lot aux célinistes compétents. Le professeur Henri Godard concentrera son travail sur Casse-pipe dont il a déjà assuré l’édition (partielle) pour la Pléiade. Il s’agit donc de numériser sans délai les manuscrits mis en sécurité dans une banque. Seuls quelques céliniens privilégiés, comme Émile Brami et David Alliot, ont eu jusqu’à présent la chance de les voir. Dans un premier temps, deux ouvrages vont être publiés : le manuscrit intitulé « Guerre », vraisemblablement écrit après Voyage au bout de la nuit, et la version considérablement augmentée de Casse-pipe, soit plus de 400 feuillets inédits qui viendront compléter ceux déjà publiés en 1949². Ces deux manuscrits devraient voir le jour dans la collection “Blanche” à l’automne prochain. Ultérieurement une nouvelle édition du troisième volume de la Pléiade (qui comprend Casse-pipe et Guignol’s band) sera édité. Le directeur de cette collection, Hugues Pradier, assistait d’ailleurs à cette réunion. Quant aux autres manuscrits, Antoine Gallimard assure que tout le travail éditorial sera mené de telle sorte qu’il aboutisse avant 2031, échéance à laquelle l’œuvre de Céline tombera dans le domaine public. Dans dix ans exactement. Nul doute qu’il faudra moins de temps à Henri Godard (1937) pour achever ce travail. Alors qu’il avait annoncé avoir définitivement mis un terme à ses travaux sur Céline³, il est donc appelé à se remettre au travail. Tout se présente au mieux et il s’est naturellement déclaré ravi de cette réapparition de manuscrits. Tout en marquant son étonnement de l’avoir appris par la presse. Sans doute estime-t-il à juste titre que les ayants droit eussent pu songer que cette découverte le concernait au premier chef. Il s’agit maintenant d’établir un planning et de répartir le travail. Sans doute ne faudra-t-il pas compter sur les transcriptions effectuées par le receleur dont les éditeurs peuvent, par ailleurs, très bien se passer.
13:52 Publié dans Littérature, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louis-ferdinand céline, revue, lettres, lettres françaises, littérature, littérature française | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Parution des numéros 441, 442 & 443 du Bulletin célinien
Sommaire du n°443 :
Céline en librairie
– La piste Rosembly
– Histoire d’une restitution
– Inventaire des manuscrits retrouvés
– Quand Libé s’invitait à Meudon
– Du braoum à la SEC
Céline n’a donc ni menti ni affabulé lorsque, dans sa correspondance et plusieurs de ces romans, il évoque ses manuscrits volés à la Libération. Extraordinaire affaire que ces trésors retrouvés près de 80 ans plus tard ! On la traite en détail dans ce numéro. L’écrivain revient ainsi à l’avant-plan de la scène littéraire, comme ce fut le cas lors de son éviction des “Commémorations nationales” ou de la réédition impossible des pamphlets par Gallimard. Cette découverte miraculeuse à suscité un important dossier de presse (écrite et audio-visuelle) nourri à la fois par l’importance de ces manuscrits et la controverse judiciaire. Cela a été aussi l’occasion pour les célinistes de disserter sur le sujet. Avec plus ou moins de perspicacité. La palme revient à Philippe Roussin qui s’était déjà distingué, il y a deux ans, en s’opposant de manière radicale à une édition scientifique des textes polémiques. Dans une interview à Libération, il assène plusieurs affirmations qui laissent pantois¹. À propos de la correspondance Céline/Brasillach, il affirme que le premier avait injurié le second dans la presse collaborationniste. C’est ignorer que l’accrochage eut lieu avant-guerre : Je suis partout avait publié un écho ironique lorsque les pamphlets furent retirés de la vente suite au décret Marchandeau. Mais Roussin sait-il que Céline fut très touché par la relecture de Voyage par Brasillach en 1943 et, plus encore, par le chapitre des Quatre Jeudis l’année suivante, où pour la première fois un critique reconnu lui donnait une place d’envergure dans une sorte d’histoire de la littérature française du XXe siècle ? Céline concluait son remerciement hâtif par un « Bien affectueusement », formule peu fréquente sous sa plume lorsqu’il s’adressait à un critique. À l’été 1943, il le pressa de demander comme lui un permis de port d’arme : « Si la plèbe se soulève un peu, ce ne sera sûrement pas pour assassiner les Allemands, le risque est trop grand ! mais pour nous assassiner, vous et moi et quelques autres ». À l’automne de cette année, il lui écrivit une lettre où il définit pour la première fois son style « tel le métro », « d’émotion en émotion » et en « transposition ». À propos des années londoniennes, Roussin écrit qu’il se pourrait que Céline s’y soit marié. A-t-il entendu parler de Suzanne Nebout et connaît-il les découvertes publiées il y a quinze ans sur le sujet ?² Pour parachever le tout, il se demande si la légende du Roi Krogold est une légende celte. Sait-il enfin que Céline la qualifiait lui-même de « légende gaélique » ? Tant de méconnaissance confond…
Parallèlement les jugements moraux n’ont pas été absents tant il apparaît impossible de parler de cette découverte sans rouvrir le procès Céline. À la télévision, David Alliot n’a pas craint de le qualifier d’« ordure humaine »³. On est loin de la position de Henri Godard dont je citai ici une déclaration qui lui avait été erronément attribuée. Il m’avait alors adressé ce rectificatif : « Je n’ai jamais prononcé pour mon compte la phrase “Céline est un pur salaud” qui m’est prêtée par l’AFP. Tout au plus ai-je pu la citer pour m’en dissocier, et le journaliste aura fait la confusion. J’avais négligé jusqu’à présent de faire la rectification, mais je vois que certains de vos lecteurs s’émeuvent de trouver cette phrase dans ma bouche, je les comprends, c’est pourquoi je vous serais reconnaissant de signaler ce démenti. »4
Sommaire du n°442 :
Entretien avec Jin Longge
– Céline dans Paris-Midi [1935-1939]
C’était assurément une belle idée de choisir cette date anniversaire pour la création de la Société des lecteurs de Céline. Elle entend promouvoir son œuvre sans esprit sectaire. Bien des projets sont en gestation. Nul doute que les lecteurs du Bulletin se feront un plaisir, sinon un devoir, d’y adhérer. On lira dans ce numéro l’allocution prononcée par Émeric Cian-Grangé, qui va présider aux destinées de cette nouvelle association¹.
Il y a donc soixante ans que disparaissait le grand fauve de la littérature française. Juillet 1961 : une vague de chaleur submerge la France, avec une nette tendance orageuse. C’est la présence d’un anticyclone, solidement ancré sur l’Europe centrale, qui commande sur l’hexagone un chaud flux du sud. Ce samedi 1er juillet, la chaleur est étouffante. Lucette, levée à six heures, trouve Céline à la cave, l’air absent, en quête d’un peu de fraîcheur. Elle le convainc de remonter dans sa chambre et de s’allonger. « Ferme tout. Je ne peux pas supporter la lumière ». Photophobie annonciatrice de l’hémorragie cérébrale qui le foudroiera vers dix-huit heures. Afin de ne pas être importunée par les journalistes, Lucette demandera aux amis de respecter la consigne de silence. Le 3 juillet, elle laisse publier un communiqué sur l’état de son mari « qui s’est subitement aggravé » [sic]. L’inhumation aura lieu le lendemain en présence de Claude Gallimard, Roger Nimier, Robert Poulet, Marcel Aymé, Lucien Rebatet, Jean-Roger Caussimon, Max Revol, Serge Perrault, Jean Ducourneau et deux journalistes : Roger Grenier (France-Soir) et André Halphen (Paris-Presse). Soixante plus tard, la fidélité est au rendez-vous. Sous un ciel radieux, quelques céliniens sont là : David Alliot, Laurent Simon, Pierre de Bonneville, Gérard Silmo,… Mais aussi diverses personnalités : Daniel Heck, président du Cercle des amis de Louis Bertrand, le peintre Serhgei Litvin Manoliu, Patrick Wagner, directeur de la revue Livr’arbitres, le libraire Pierre-Adrien Yvinec, l’écrivain Patrick Gofman, Pascal-Manuel Heu, spécialiste du 7e art, le journaliste Francis Puyalte,… Et des anonymes, simples admirateurs de Céline, qui ont tenu à assister à cet hommage. Cet anniversaire ne fut guère signalé par la presse². Et naturellement pas dans la revue municipale. Il faut remonter à plus d’une décennie pour y trouver trace de Céline dans un article consacré à quelques personnalités reposant au cimetière des Longs-Réages³.
Le même jour se tenait à Paris une vente exceptionnelle : celle de la collection de mon ami Patrice Espiau (†)4 qui consacra une bonne partie de sa vie à la constituer, réunissant de multiples éditions originales sur grand papier, mais aussi tout ce qui a été édité sur Céline : livres, plaquettes, revues, thèses, affiches, catalogues, etc. Une édition originale de Nord sur vélin (enrichi d’une page manuscrite), superbement reliée par Jean-Paul Miguet, fut adjugée pour plus de 20.000 €. La gloire posthume de l’écrivain est aussi faite de cela.
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Parution du n°61 de la revue bretonne War Raok
EDITORIAL
Peut-on parler de souverainisme breton afin d’assurer l’épanouissement de l’identité bretonne?
par Padrig Montauzier
En Bretagne nous sommes, depuis longtemps, familiarisés avec les termes autonomistes, indépendantistes, voire séparatistes. Une nouvelle dénomination semble voir le jour depuis quelque temps, celle de souverainisme breton ! Comment peut-on définir succinctement ce nouveau concept ?
Toute nation qui ne s’administre pas elle-même connaît une rapide décadence. La Bretagne depuis la perte de son indépendance, de l’union de 1532 et plus depuis son annexion totale de 1790, en donne un exemple frappant. La Bretagne, enserrée dans l’un des États les plus centralisé d’Europe, n’a pas la possibilité de « s’auto-déterminer ». Elle n’a pas non plus la possibilité de « s’auto-organiser » ni de « s’auto-gérer ».
L'idée de la souveraineté de la Bretagne est fondée sur une vision et une interprétation nationalistes des faits historiques et des réalités sociologiques de la Bretagne. L’argument clé consiste à soutenir que la population bretonne forme un peuple distinct qui, dans le cadre du système politique français, ne peut exister qu’à titre de minorité ethnique, ce qui implique que le peuple breton ne peut se diriger lui-même et que son destin dépend totalement de l’État français et de ses gouvernements. Accepter un tel statut de minorité signifierait que les Bretons donnent leur accord à une totale subordination impliquant qu’ils renoncent à leur identité propre.
Cette souveraineté ne se fera pas contre la France, mais pour la Bretagne !
On peut imaginer que, dans un premier temps, dans une première étape, la Bretagne dispose d’un statut de large autonomie administrative et politique comme cela est mis en pratique aujourd’hui tout près de nous en Europe: en Catalogne, en Écosse, au Pays Basque, en Flandre… etc.
Ce positionnement est une rupture totale avec le centralisme et le jacobinisme français qui tuent les peuples et avec le dogme de « l’une et indivisible » contre nos libertés. On peut alors parler de souveraineté-association, combinaison de deux concepts : l'obtention de la souveraineté de l'État breton et la création d'une association politique et économique entre le nouvel État souverain et la France. On peut définir ce statut de souveraineté partagée ou co-souveraineté comme étant les pouvoirs d'une Bretagne de faire ses lois, de prélever ses impôts et d'établir ses relations extérieures. Une démarche loin d’être utopique, elle est même au contraire parfaitement rationnelle et le peuple breton a toutes les aptitudes nécessaires pour l’assumer. Cette souveraineté souhaitée rendra donc aux représentants du peuple breton le droit de gérer les affaires bretonnes et permettra ainsi à la Bretagne de protéger ses intérêts matériels, d’assurer son développement économique, de défendre ses libertés culturelles spécifiques et ses intérêts spirituels.
Ainsi, les Bretons pourront bâtir une Bretagne authentiquement bretonne tout en s’intégrant au monde moderne par l’enrichissement de ses propres valeurs et le refus d’un repli ou d’une autarcie mortelle. La Bretagne sera une terre de libertés, non pas formelles mais réelles sur tous les plans.
La situation actuelle de peuple colonisé n’a rien de stimulant, rien qui invite au dépassement de soi ou qui pousse à l’audace créatrice. À ce destin, courbé sous les vents de l’histoire, le souverainiste préfère les risques de vie qu’offre l’indépendance. C’est le sens de l’appartenance, la définition de l’identité, qui est l’enjeu majeur de la souveraineté. Les Bretons ont à choisir entre le statut de minorité et le statut de peuple à part entière.
Cette émancipation politique, économique, sociale et culturelle du peuple breton, ainsi que l’édification d’une Bretagne enfin maîtresse de ses destinées personnelles dans le respect d’une interdépendance qui l’unira à ses voisins européens… peut parfaitement convenir à une définition du souverainisme breton.
Les Bretons doivent être en première ligne pour revendiquer cette souveraineté de la Bretagne avec la tranquille assurance de disposer des atouts économiques suffisants pour afficher cette ambition.
Mais les Bretons sauront-ils se doter d’un tel projet de société ?
Padrig MONTAUZIER
Sommaire War Raok n° 61
Buhezegezh vreizh page 2
Editorial page 3. Padrig Montauzier
Buan ha Buan page 4
Société
Le tatouage traditionnel celtique page 9. Ronan Danic
Politique
Kofi Yamgnane, ses mémoires d’outre-haine page 10. Erwan Houardon
Culture bretonne
La destruction de la langue bretonne page 14. Louis Melennec
Tradition
Le symbolisme de la sirène page 16. Riec Cado
Hent an Dazont
Votre cahier de 4 pages en breton page 19. Donwal Gwenvenez
Histoire de Celtie
Highland titles page 23. Jérôme Le Bouter
Tribune libre
Les origines de la culpabilité blanche page 24. Tomislav Sunic
Histoire de Bretagne
Enfants de la Chouannerie, sublimes cœurs de héros page 28. Youenn Caouissin
Environnement
L’éolienne, nouveau symbole de la Bretagne ? Page 30. Erwan Houardon
Civilisations celtiques
Littératures écrites et orales des civilisations celtiques page 32. Fulup Perc’hirin
Nature
Les petits réverbères de la nature page 36. Youenn Caouissin
Lip-e-bav
Un repas breton page 37. Youenn ar C’heginer
Keleier ar Vro
L’État français contre les langues “régionales” page 38. Meriadeg de Keranflec’h
Bretagne sacrée
Bretagne, terre de châteaux page 39. Per Manac’h
17:32 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Revue, Terres d'Europe, Terroirs et racines | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bretagne, revue, terre d'europe, pays celtiques, celtisme, celtitude, affaires européennes, régions d'europe | | del.icio.us | | Digg | Facebook