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samedi, 10 octobre 2020

L’escalade des tensions entre la France et la Turquie : entre guerre économique, jeux d’influence, désinformation et rivalités géopolitiques

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L’escalade des tensions entre la France et la Turquie : entre guerre économique, jeux d’influence, désinformation et rivalités géopolitiques

par Sophie Guldner

Ex: https://infoguerre.fr

A la suite d’un sommet réunissant les pays méditerranéens du sud, le Président Macron a tweeté le 10 septembre dernier « Pax Mediterranea ». Quelques jours plus tard, on apprenait que la France allait vendre des rafales à la Grèce. De ce fait, ce tweet a été accueilli avec scepticisme par de nombreux analystes d’autant plus que la France a répondu militairement par l’envoi de rafales et de navires de guerre à l’incursion dans les eaux territoriales grecques de navires turcs de prospection gazière, ce qui a suscité en outre l’inquiétude de ses alliés européens. En juillet dernier, Erdogan a signé un accord de coopération militaire avec le Niger, pays se situant dans la zone d’influence de la France, et a en outre intensifié sa présence économique dans ce pays dans le secteur minier et celui des infrastructures. L’affrontement actuel entre la France et la Turquie en méditerranée orientale est aussi le corolaire de rivalités géoéconomiques sur de multiples terrains.

Il revient d’analyser les causes de cette escalade qui combinent des intérêts économiques, des rivalités géopolitiques et des enjeux liés à l’agenda politique interne de ces deux dirigeants. Il revient également de mener une réflexion sur les stratégies déployées par ces deux Etats qui font appel à toute une gamme d’instruments :

  • Une démonstration classique de puissance fondée sur la capacité militaire ;
  • l’usage de la désinformation sur les réseaux sociaux émanant particulièrement de la Turquie et imitant le savoir-faire russe dans ce domaine ;
  • L’exercice d’une influence au sein de l’OTAN et de l’UE en vue de diviser ou de former un consensus.
  • La conquête de nouveaux marchés par la Turquie dans la sphère d’influence française en mobilisant des ressources idéologiques.

Cette analyse s’avère d’autant plus nécessaire que cet affrontement suscite de nombreux débats et polémiques sur les réseaux sociaux en particulier entre journalistes, chercheurs et diplomates que l’on peut qualifier de véritable guerre informationnelle tant les échanges sont vifs et les thèses contradictoires.

De manière schématique, deux camps se sont constitués autour de cette polémique :

  • D’une part, les partisans d’une politique de conciliation avec la Turquie. Ils s’opposent à l’escalade unilatérale de la France tant verbale que militaire avec un allié stratégique au sein de l’OTAN et louent la politique de médiation de la chancelière allemande ;
  • D’autre part, ceux qui sont favorables à la posture de fermeté à l’encontre de la Turquie tenue par la France du fait de la violation par cette dernière du droit international, de ses attaques répétées à l’encontre de la France et de sa « politique impérialiste » dans son environnement régional. Selon eux, la négociation avec la Turquie doit s’accompagner d’une politique dissuasive au plan militaire.

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L’affrontement entre la France et la Turquie en Méditerranée orientale s’inscrit plus largement dans un contexte régional tendu où s’affrontent des puissances régionales, ce qui se traduit par des conflits internationalisés en Syrie et en Libye. Et la guerre informationnelle susmentionnée porte plus globalement sur la stratégie française en Libye de soutien au générale Haftar contre le gouvernement d’union nationale (GNA) de tendance islamiste soutenue par la Turquie. De ce fait, il est nécessaire d’avoir en arrière-plan les rivalités de puissance dans la région pour comprendre les enjeux de cet affrontement en Méditerranée orientale.

Ces tensions ne sont pas nouvelles, l’offensive turque en Syrie avait déjà induit une montée des tensions entre les deux pays. Pour mémoire, Emmanuel Macron avait critiqué l’opération turque contre les kurdes du PYD dans le Nord de la Syrie, alliés de la France dans le cadre de la lutte contre Daesh et ayant joué un rôle de premier plan contre ce groupe terroriste. La Turquie considère que ce groupe kurde est terroriste du fait de son affiliation au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). En réponse à la critique du Président français, le ministère turc des affaires étrangères Mevlut Cavusoglu avait qualifié Macron de « sponsor du terrorisme ».

Dans cette nouvelle escalade des tensions en Méditerranée orientale, la France et la Turquie font appel à leur capacité militaire, d’influence voire de nuisance. Cet épisode s’accompagne en outre d’une escalade verbale très virulente tant du côté de la Turquie que du côté de la France. Le Président Turc jugeant le président français « incompétent », « arrogant » et « développant une politique néo coloniale ». Le président français caractérisant la politique turque « d’inadmissible » et de « responsabilité criminelle » sans aller jusqu’à attaquer personnellement le président Erdogan. Néanmoins, la France, tout en se lançant dans une surenchère verbale et en menaçant la Turquie de sanctions, continue à rappeler dans ses communiqués la nécessité de dialoguer avec la Turquie.

La Mer Méditerranée orientale est le théâtre de confrontations autour d’enjeux géoéconomiques et géostratégiques : des tensions autour de la délimitation des frontières et du partage des réserves de gaz, la gestion des flux migratoires et la sécurité de l’Etat d’Israël. En outre, la Libye est confrontée à un conflit internationalisé opposant le camp de la contre-révolution autoritaire dans le monde arabe qui comprend les Emirats, l’Arabie-Saoudite, l’Egypte et la Russie au camp de soutien à l’islam politique et, dans le cas précis de la Libye, au gouvernement d’union nationale (GNA), dans lequel se trouve la Turquie et le Qatar. Comme susmentionné, la France y a joué un rôle ambigu en soutenant le général Haftar au motif qu’il serait plus à même de combattre le terrorisme que le GNA de tendance islamiste et reconnu par l’ONU et en vue d’empêcher une vague de réfugiés libyens de déferler en Europe. Cette stratégie se double d’un alignement de la diplomatie française sur l’agenda politique émirati et saoudien dans la région. Enfin, le partage du pétrole libyen est également un axe de ce conflit.

Quels sont alors les enjeux de cet affrontement ? Commet expliquer une telle escalade verbale et militaire entre deux alliés au sein de l’OTAN ? Quels sont les leviers mobilisés par ces deux pays ? Qui sort vainqueur de cet affrontement ?

  1. Les multiples grilles de lecture de l’affrontement franco-turc

Une lecture géoéconomique de cet affrontement

Tensions autour de l’émergence d’un nouveau pôle énergétique en Méditerranée

La dimension de « guerre économique » des tensions autour du gaz de la méditerranée orientale est évidente. De fait, la Méditerranée orientale est devenue un pôle énergétique majeur après la découverte en 2009-2010 de gisement gazier ravivant les nombreux conflits frontaliers dans cette mer étroite où les zones économiques exclusives (ZEE) se chevauchent.

Les enjeux de ces tensions portent tant sur l’exploitation du gaz que sur son transport. Concernant le volet transport, la Grèce, Chypre et Israël ont signé un accord gazier qui prévoit la construction d’un gazoduc « East Med » visant à transporter du gaz naturel entre 9 milliards et 11 milliards de mètre cube depuis les réserves off-shore de Chypre et d’Israël vers la Grèce. La Turquie a été mise à l’écart de ce projet alors que, de son point de vue, sa position géographique entre l’Orient et l’Occident la prédestine à devenir un hub gazier et qu’elle a développé des ambitions dans ce sens. C’est dans ce cadre que la Turquie et la Russie ont formé un projet concurrent le « Turkstream » visant à acheminer en Turquie et en Europe du gaz en Russie.

En outre, un Forum du gaz de la Méditerranée orientale (EMGF) réunissant l’Egypte, Chypre, la Grèce, l’Italie, Israël, la Jordanie a été créé en vue de former des projets communs et de développer des infrastructures. La Turquie n’a pas non plus été intégrée à ce forum.

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Sur le volet de l’exploitation du gaz naturel, le Turquie a signé accord fin 2019 afin de s’octroyer une large part du gaz en méditerranée orientale. Elle vise à réduire sa dépendance au gaz, en particulier vis-à-vis de la Russie. La Grèce a répliqué par la signature d’un accord similaire avec l’Egypte en aout 2020, ce qui a constitué l’élément déclencheur de l’envoi par la Turquie d’un navire de prospection dans les eaux territoriales grecques et qui a débouché sur l’escalade militaire actuelle que l’on connait. Cette découverte de gaz sert les intérêts européens en ce qu’elle leur offre l’opportunité de réduire leur dépendance énergétique  à la Russie.

En outre, à l’annonce de la vente de rafales par le France à la Grèce dans ce contexte inflammable, des analystes ont considéré que cette vente était la cause de l’appui au plan militaire apporté par la France à la Grèce. Or même si elle est bien consécutive de cet appui, cette lecture mettant en avant exclusivement la défense des intérêts économiques de la France est à relativiser au regard de la pluralité des enjeux que révèle cette crise.

Enfin, le conflit en Libye où la France et la Turquie soutiennent des parties différentes présente un volet énergétique concernant le partage des réserves pétrolières libyennes. En conséquence, l’enjeu énergétique est un axe majeur de l’affrontement franco-turc.

La Turquie à la conquête de marchés au Maghreb et en Afrique subsaharienne

Au-delà des enjeux énergétiques, l’intervention de la Turquie en Libye vise également à renforcer les liens commerciaux entre les deux pays ainsi que la présence des entreprises turques en Libye. Cette ambition a été formalisée par un accord commercial entre les deux pays. La Turquie est devenue le deuxième plus grand exportateur en Libye après la Chine.

Enfin, la Turquie est en discussion avec la GNA pour implanter une base turque à Misrata afin de devenir une grande puissance en Afrique du Nord.  Les enjeux sont donc aussi géopolitiques comme cela sera analysé plus bas. Mais ce statut de puissance poursuivi en Afrique du Nord vise également à lui ouvrir l’accès aux marchés de l’Afrique subsaharienne, en particulier au Sahel où elle avance ses pions. Elle pénètre aussi la Corne de l’Afrique, ce qui suscite des tensions avec l’Egypte, les Emirats et l’Arabie Saoudite, en particulier en Ethiopie qui a un différend majeur avec l’Egypte autour de la construction du barrage de la renaissance sur les eaux du Nil. Du point de vue de certains analystes, cette  guerre économique en Afrique entre ces puissances a contribué à consolider l’alignement de la, politique étrangère de la France, des Emirats et de l’Egypte.

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La conquête de nouveaux marchés par la Turquie dans son environnement régional, en particulier en Afrique (Maghreb et Afrique Subsaharienne) s’intensifie depuis plusieurs années. Son isolement, consécutif du gel des accords d’adhésion avec l’Union européenne, constitue à l’évidence le principal moteur de cette stratégie de conquête qui inclut dans son périmètre la sphère d’influence de la France, ce qui constitut un facteur de tension entre ces deux pays.

La Turquie remporte des succès au Maghreb, en particulier en Algérie, où le pouvoir politique aurait développé « un tropisme turc ».  La Turquie a depuis l’époque Bouteflika investit dans le marché des infrastructures en Algérie. Elle compte alors 800 entreprises dans divers secteurs (BTP, textile, sidérurgie, agroalimentaire, énergie) et elle est le premier investisseur du pays si l’on exclut le secteur des hydrocarbures. Néanmoins, le France reste le premier pays exportateur en Algérie et la Turquie se situe loin derrière. Si les relations entre les deux pays se sont distendues pendant la période de transition du général Gaid Sallah proche de l’axe autoritaire émirati et saoudien, celles-ci sont de nouveau au beau fixe depuis l’élection du Président Tebboune qui a fait un voyage officiel en Turquie et qui cherche à prendre ses distances avec l’axe emirati et saoudien en Libye. En outre, le président Tébboune a été ministre de l’habitat pendant cinq années où il a eu à négocier avec des sociétés turques, et a dû être impliqué dans le passage de marché douteux. Enfin, se rapprocher de la Turquie est un moyen de se légitimer en interne dans une société où le sentiment anti-français est encore vivace et où le pouvoir y est contesté par un mouvement populaire le « hirak ». Enfin, de la même manière qu’en Libye, l’Algérie comme l’a affirmé le président Erdogan est  « l’un des principaux points d’entrée vers le Maghreb et l’Afrique ». Les ambitions d’Erdogan ne se limitent donc pas à ce pays ami.

En Tunisie, la Turquie a une réelle influence sur le plan culturel où elle y exporte ses séries, et où des instituts dispensent des cours de langue turque et où l’on mange des Kebabs et où la Sublime Porte inspire chez certains de la nostalgie. Son modèle politique a aussi été attractif auprès d’un pan de la population et du pouvoir lui-même qu’ils s’agissent du Kémalisme dont Bourguiba s’inspirait ou de celui de l’AKP qui a permis une forte croissance économique dans les années 2000. Néanmoins, sur le plan économique, la Tunisie souffre d’un déficit d’attractivité .pour les investisseurs turcs. Enfin, avec le Maroc, les relations sont éminemment moins chaleureuses, et des frictions entre les deux pays, notamment dues à un accord de libre-échange liant ces deux pays et déséquilibré en faveur de la Turquie, nuisent à leurs relations.

Face à la montée de l’influence turque dans la sphère d’influence de la France au Maghreb, la diplomatie française du point de vue de certains experts [1]ne permet pas de répondre au défi actuel. L’Union pour la Méditerranée crée en 2008 à l’initiative du Président Sarkozy est une coquille vide. Selon, Beligh Nabli (IRIS), l’absence de concertation de la France avec les pays européens en amont de sa création est la principale cause de cet échec, l’Allemagne aurait en représailles imposé que cette union inclut tous les pays de l’UE et non les pays du pourtour méditerranéen. Dans la même veine, l’initiative du Président Emmanuel Macron intitulé « le sommet des deux rives » qui s’est tenu à Marseille les 23 et 24 juin 2019 réunissant les pays de la rive sud et de la rive nord de la Méditerranée n’a pas eu l’écho escompté et est passé presque inaperçu. De la même manière, le travail de mémoire de la guerre d’Algérie confié à Benjamin Stora, aussi louable soit-il, ne suffira probablement pas à refonder les relations entre la France et l’Algérie[2].

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La France dispose de forces opérationnelles au sud du Maghreb, en Mauritanie, au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad ainsi que des bases militaires au Sénégal, en Cote d’Ivoire et au Gabon. Cela n’a pas empêché la Turquie et le Niger de signer un accord de coopération portant sur l’économie et la défense en juillet dernier par lequel la Turquie prend part à l’industrie minière, secteur hautement stratégique pour la France. Erdogan a également réalisé une tournée au Sénégal et en Gambie en janvier 2020. En Afrique Subsaharienne, la Turquie mobilise dans sa stratégie des ressources idéologiques. Le thème d’un néocolonialisme est l’un des éléments de cette stratégie. De fait, à l’occasion d’un sommet d’affaires Turquie-Afrique en 2016, Erdogan a mis en avant la formation d’un nouveau modèle de colonisation mis en place par l’Occident et les institutions internationales et a déclaré « nous autres Africains et Turcs incarnons la résistance à ce modèle ». Ce discours révèle que la Turquie a parfaitement assimilé la thèse de Bertrand Badie [3] selon laquelle le système international est « oligarchique » et dominé par les vieilles puissances qui imposent leurs normes « aux faibles », et que « l’humiliation » du faible permet de mobiliser contre la domination. De fait, ce discours montre une instrumentalisation de « la dénonciation du fort » [4]par la Turquie en vue de conquérir de nouveaux marchés. C’est en particulier en exploitant le sentiment anti-français que la Turquie étend son influence en Afrique. C’est certainement dans ce cadre qu’il faut comprendre les attaques actuelles de la Turquie contre la France autour de son passé colonial, et sur l’exploitation financière de l’Afrique.

A l’heure où la France est confrontée à la montée d’un sentiment anti-français au Sahel où elle est embourbée dans une guerre ressemblant par bien des aspects à la guerre en Afghanistan face aux Talibans, et à l’heure où elle connait au Sénégal une opposition dirigée contre ses intérêts économiques et ciblant ses entreprises (Orange) et où elle fait face à des mobilisations contre la monnaie CFA dont la réforme à minima annoncée en décembre dernier par Emmanuel Macron et Alassane Ouattara ne suffira probablement  pas à éteindre le sentiment anti-CFA en Afrique, le thème d’une nouvelle forme de colonialisme est porteur. Et la France doit réagir et ne pas négliger ces attaques informationnelles.

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Enfin, la Turquie mobilise également l’islam dans sa stratégie de conquête. Tel est le cas au Sénégal. Elle est devenue un partenaire économique de premier plan du Sénégal en particulier dans le secteur des infrastructures (participation à la réalisation du TER, gestion de l’aéroport international Blaise Diagne pendant 25 ans, construction du centre international de conférence Abou Diouf…). En outre, les relations commerciales entre ces deux pays s’intensifient. Selon Oumar Ba, professeur au centre d’études diplomatiques et stratégiques de Paris, le fait que ces « deux pays partagent le même islam sunnite » a contribué à consolider les relations économiques et commerciales entre ces deux pays. Ils sont tous les deux membres de l’Organisation de la Conférence islamique qui constitue un cadre d’échange privilégié. Le financement en 2018 par la fondation turque Diyanet d’une des plus grandes mosquées d’Afrique de l’Ouest au Ghana est un autre exemple de cette diplomatie mobilisant l’islam. A côté de l’islam, la Turquie mobilise d’autres registres tels que le sport qui est très populaire en Afrique. C’est le groupe turc Yenigun qui a la charge de la construction du complexe sportif de Japoma au Cameroun qui accueillera la coupe d’Afrique des nations en 2021. La Turquie a aujourd’hui établi un réseau de 41 ambassades en Afrique et possède 20 agences de l’agence de coopération TIKA et a densifié ses liaisons aériennes via sa compagnie Turkish Airlines. [5]

La Turquie à travers la poursuite d’une influence dans son environnement régional cherche également un soutien ou du moins une neutralité dans le dossier Libyen où elle est isolée. Toutefois, cette stratégie a ses limites et la réflexion d’Erdogan sur les « crimes coloniaux » de la France n’a pas particulièrement plu au pouvoir à Alger qui s’efforce à « afficher une neutralité de façade » en dépit de son soutien au GNA. Il propose en outre de jouer un rôle de médiateur.

Ainsi ce volet d’influence économique de la Turquie de l’Afrique Subsaharienne, en passant par le Maghreb et la Méditerranée orientale – ou cet encerclement cognitif Turc – est un axe de cet affrontement entre la France et la Turquie.

Néanmoins, une lecture exclusivement géo économique ne suffit pas à cerner tous les enjeux de cet affrontement. Il est nécessaire d’y superposer une grille de lecture géopolitique.

Une lecture géopolitique : des rivalités de puissance au cœur de l’affrontement franco-turc

La confrontation symbolique entre deux puissances

La Turquie, au même titre que d’autres puissances au Moyen-Orient (Iran, Emirats, l’Arabie-Saoudite), déploie une politique nationaliste que d’aucuns qualifient même d’impérialiste ou de « néo-Ottomane » en ceci qu’elle s’accompagne d’un expansionnisme en Syrie et en Libye mais aussi sur d’autres terrains comme susmentionné. Ce nationalisme est probablement porté par l’humiliation du traité mort-né de Sèvre qui visait à démanteler la Turquie. Elle résulte de manière plus évidente des négociations d’adhésion avec l’UE qui sont actuellement gelées et du rôle ambivalent de l’Europe à l’égard de l’adhésion de la Turquie. Enfin, cette affirmation du nationalisme turc repose également sur des causes internes en lien avec l’alliance de l’AKP et d’un parti ultranationaliste désormais nécessaire au maintien au pouvoir de l’AKP qui a perdu sa majorité.

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La délimitation des frontières est au cœur des tensions en Méditerranée orientale. Et la découverte de gisement de gaz vient alors raviver ces tensions. La Convention de Montego Bay sur droit de la Mer est complexe concernant la délimitation de frontières autour des iles. Des lors, cette délimitation requiert une négociation bilatérale entre les Etats de la région, ce qui n’est pas acquis compte tenu des tensions entre ces Etats (Israël/Liban, Grèce/Turquie, division de Chypre). En outre, la Turquie n’a pas ratifié cette Convention.

Pour les tenants de la position de fermeté avec la Turquie[6], l’appui militaire à la Grèce est justifié en ceci que l’UE doit montrer qu’elle est capable de défendre ses frontières extérieures. En outre, la France est une puissance en Méditerranée où elle possède un sous-marin d’attaque. Enfin, l’effacement des Etats-Unis dans la région octroie à la France le rôle de puissance stabilisatrice.

Pour les tenants de la posture de conciliation, l’appui militaire unilatéral de la France à la Grèce s’inscrit dans le contexte régional de rivalités entre puissances, en particulier en Libye. De leur point de vue, l’échec de la stratégie de la France en Libye après la défaite du général Haftar face au GNA soutenu par la Turquie est l’un des moteurs de l’implication au plan militaire de la France en Méditerranée orientale. Plus globalement, c’est le paradigme de soutien de la France à des partenaires « appartenant à l’école autoritaire »  (Sissi, Haftar, MBZ) qui est remis en cause. Et selon eux, les déboires de la France en Libye attestent de l’inanité de cette stratégie.  L’alignement de la position française sur celle des Emirats est masqué par la France, du fait de la politique autoritaire et peu soucieuse des droits humains des Emirats dont l’intervention au Yémen révèle de manière éclatante. Et cet échec de la diplomatie française en Libye alimente la virulence de la France contre la Turquie qui est dans le camp opposé. C’est d’ailleurs dans ce cadre que se comprend l’appui à la Grèce des Emirats, pays non méditerranéen, à travers l’envoi de quatre F16.

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Enfin, l’Irak, où la Turquie a lancé une offensive dans le Nord de grande envergure dite « Griffes du Tigres » et où elle est présente dans 35 bases irakiennes, est un autre terrain de rivalités entre les deux pays. Cette offensive turque serait au cœur de la volonté française de s’impliquer dans le pays, comme en témoigne la visite éclaire de Macron le 2 septembre dernier et son insistance sur son appui à la « souveraineté de l’Irak ». La France a également des intérêts économiques dans ce pays, en particulier dans le secteur pétrolier, et y voit une manière de retrouver une influence au Moyen-Orient bénéficiant du retrait américain.

La dimension de politique interne de cet affrontement

La politique extérieure d’un pays s’articule très souvent avec sa politique intérieure. Cette dernière est à prendre en compte dans l’analyse de l’affrontement entre la France et la Turquie.

De fait, la France a, par le passé, instrumentalisé l’adhésion de la Turquie à l’UE à des fins électorales. On se souvient du Président Sarkozy qui avait fait du refus de cette adhésion un thème de sa campagne électorale en vue de rallier l’électorat de l’extrême droite. Il est possible que la virulence des propos du Président Macron vise également à mobiliser l’opinion publique.

En outre, Bertrand Badie y voir une volonté d’Emmanuel Macron de restaurer la souveraineté de l’Union européenne et de se présenter comme le leader. Il note néanmoins que cette stratégie a des limites, en ce que le conflit en méditerranée orientale ne peut que se terminer par une négociation entre les Turcs et les Grecs, ce qui est susceptible de conforter le bien-fondé de la posture de médiation de l’Allemagne et de préserver, voire de consolider les intérêts économiques de cette dernière.

Côté Turc, cette instrumentalisation apparait clairement. De fait, le pouvoir de l’AKP est en quête de légitimité alors que la Turquie connait une crise économique et qu’il a perdu la ville d’Istanbul lors des dernières élections. Le sentiment nationaliste turc particulièrement ancré dans la société fait que même l’opposition en Turquie soutient le pouvoir dans son escalade avec la France[7]. Sa stratégie se révèle ainsi gagnante à ce stade sur le plan de la politique interne turque.

  1. Analyse des stratégies turques et françaises

Le recours à une démonstration de force

La stratégie de ces deux pays repose sur le hard power. La France a envoyé des rafales et des navires militaires pour dissuader la Turquie en réponse à l’envoi par la Turquie de navires de prospection escortés par des navires militaires.

La Turquie est la deuxième armée de l’OTAN en effectifs et de ce fait, elle connait son importance dans le système de défense. En outre, les Etats-Unis, depuis l’administration Obama, cherchent à se retirer de la région dans une stratégie dite de « pivot vers l’Asie ». Ceci s’est accentué sous la présidence du Président Trump. De ce fait, les Etats-Unis considèrent que la Turquie pourrait jouer le rôle de puissance stabilisatrice dans la région[8]. A ce titre, la Turquie jouit d’une influence au sein de l’OTAN et de l’UE.

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Quant à la France, elle propose à la Grèce une alliance militaire qui inclut un volet industriel. L’acquisition de rafales par la Grèce va donner un avantage à l’armée grecque sur l’armée turque dans les airs.

Plus globalement, la région de la méditerranée orientale connait une véritable course aux armements incluant tous les pays à l’exception de Chypre et du Liban.

A côté de ce volet militaire, la stratégie de ces deux Etats repose sur l’exercice d’une influence et sur l’instrumentalisation des rapports de force au sein de l’OTAN et de l’UE.

L’exercice de leur influence au sein de l’OTAN et de l’UE

La Turquie joue sur les divisions au sein de l’OTAN et de l’UE. Ankara peut se permettre une surenchère en Méditerranée orientale en ceci qu’elle est un chainon central du système de défense otanien en Méditerranée. Certains considèrent qu’elle « jouit d’une forme d’impunité au sein de l’OTAN ».

De ce fait, La Turquie mène une « stratégie de mise en tension »[9]en sachant que les Etats-Unis, qui ne voient pas d’un bon œil la montée en puissance de la Russie en Méditerranées Orientale et qui ont basculé dans une forme d’isolationnisme, ne semblent pas enclins à intervenir. De fait, les Etats-Unis, à travers une déclaration de Mike Pompéo, appellent à une résolution pacifique du conflit. Néanmoins, l’accord de coopération en matière de défense signé entre les Etats-Unis et la Grèce en janvier dernier vient signifier à la Turquie une mise à distance avec son allié privilégié dans la région.

Les Européens eux-mêmes sont divisés. De fait, l’affaire de la frégate française « Courbet » visée par des radars d’une frégate turque soupçonnée de violer l’embargo sur les armes en Libye est révélateur du faible soutien apporté à la France par ses alliés dans le cadre de l’OTAN mais aussi par les Etats membres de l’Union européenne dont huit seulement l’ont soutenue. Selon Cyril Bret, la position de la France est loin d’être majoritaire tant sur les symptômes du « brain dead » de l’Otan pointés par celle-ci que sur le plan des remèdes proposés.

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Cette absence de soutien franc à la France, en particulier émanant de pays de l’Union européenne, a diverses causes.

La première cause est liée à son soutien au général Haftar en Libye contre le GNA reconnu par l’ONU. En outre, les pays du sud de la Méditerranée, en particulier l’Italie, considèrent la Turquie comme un partenaire important dans la gestion des flux migratoires. L’Italie se situe en outre en Libye dans le camp de soutien au GNA. Les pays de l’Europe de l’Est considèrent également que la Turquie est un partenaire central au sien de l’OTAN dont l’un des volets est la lutte contre la menace russe. L’Allemagne considère aussi la question migratoire comme majeure et a en outre une large diaspora turque favorable à l’AKP et des intérêts économiques en Turquie. Si elle est alignée sur la France concernant les inquiétudes soulevées par l’expansionnisme de la Turquie, elle diffère sur la méthode et elle privilégie la négociation et les sanctions[10]. Enfin, la virulence de la rhétorique de Macron a pu susciter la méfiance au sein de ses partenaires. [11]

La France et la formation d’un front uni contre la Turquie

Si la Turquie joue sur les divisions au sein de ses organisations, la France cherche à former un consensus en vue de l’imposition de sanctions additionnelles à l’encontre de la Turquie à l’occasion du sommet européen des 24 et 25 septembre. De fait Emmanuel Macron a réuni en Corse les dirigeants du sud de la Méditerranée en vue de définir une ligne commune. Il a eu des propos très durs déclarant que la Turquie n’était plus un partenaire en Méditerranée.

Une communication virulente émanant de l’exécutif de ces deux Etats

Les deux présidents appuient leur stratégie d’influence d’une communication virulente.

Il n’est pas certain que cette stratégie soit gagnante côte française en ceci qu’elle suscite la méfiance chez ses partenaires, en particulier l’Allemagne mais aussi parmi les pays d’Europe du Sud et de l’est, qui voient avec inquiétude l’escalade entre deux partenaires au sein de l’OTAN. En outre, cette communication sert les intérêts politiques d’Erdogan en interne, le peuple turc étant réputé très nationaliste.

Enfin, la Turquie va encore plus loin en ceci qu’elle développe des méthodes de désinformation en imitant le savoir-faire russe en diffusant de fausses informations dans des langues étrangères.

La négociation

L’Allemagne a tenté d’opérer une médiation entre la Grèce et la Turquie. Si la Turquie a accepté cette initiative, les Grecs se sont montrés plus réticents, considérant qu’ils étaient sous la pression militaire de la Turquie mais aussi parce qu’elle se sent en position de force en ce que l’UE va probablement infliger des sanctions à la Turquie qui se trouve dans un relatif isolement. L’OTAN qui ne dispose pourtant d’aucun mécanisme de règlement des différends a proposé d’arbitrer ce conflit ce qui a été accepté par les deux parties.

Le retrait du navire de prospection turc des eaux territoriales grecques est de nature à apaiser les tensions actuelles et faciliter des négociations.

La mobilisation de ressources idéologiques par la Turquie

La politique expansionniste de la Turquie s’appuie sur des ressources culturelles (séries TV, nostalgie de l’empire Ottoman…) et sur des ressources idéologiques, à savoir l’islam (Sénégal), le sentiment néocolonial (Afrique) et le panturquisme.

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Une illustration de cette dernière ressource a été éclatante à l’occasion de la célébration  de l’anniversaire de la victoire seldjoukide de Manzikert contre l’empire Byzantin en 1071 qui a été accompagnée de discours nationalistes aux accents pan-turcs, proche d’un ethno nationalisme. Cette stratégie entre dans la volonté de redorer l’image de l’AKP. Mais ce panturquisme s’adresse également aux turcs à l’extérieur de la Turquie. A ce titre, la diplomatie éthno-nationaliste remporte quelques succès au Liban qui octroie la citoyenneté aux quelques milliers de Turkmènes dans le pays.

Le Liban où la Turquie cherche à prendre pied, profitant de la marginalisation de la communauté sunnite depuis que l’Arabie Saoudite s’est désengagée du fait d’un premier ministre sunnite, Saad Hariri, jugé insuffisamment ferme face au Hezbollah, pourrait constituer un nouveau terrain de concurrence entre la France et la Turquie à l’heure où la France revient sur le devant de la scène dans ce pays. La France considère que du fait de ses liens particuliers avec ce pays (histoire, diaspora, langue française), elle est la mieux placée pour peser sur la politique de ce pays en encourageant une meilleure gouvernance. La possibilité d’une nouvelle vague migratoire liée à la crise économique et institutionnelle au Liban est également un facteur de ce réengagement français.

Enfin, la normalisation des relations entre les Emirats et le Bahreïn et Israël sert la politique d’influence de la Turquie qui se présente comme la protectrice de l’islam sunnite et garante de la cause palestinienne aux côtés de l’Iran.

La France a-t-elle les moyens de cette diplomatie active ?

Ainsi, cet affrontement complexe, en ce qu’il mêle des enjeux économiques et politiques et qu’il a pour décor de multiples terrains, révèle une diplomatie active de la France. Néanmoins, du point de vue de nombreux analystes, la France en Afrique et au Moyen-Orient manque d’une stratégie de long-terme et d’une ligne claire[12]. En outre, sur le plan de la « guerre économique » en Afrique, la Turquie n’est pas la seule puissance à conquérir des marchés et la Chine représente un concurrent de taille. Enfin, il convient de se demander si la France a les moyens de cette diplomatie offensive et unilatérale face à la Turquie. A ce titre, le vente de rafale a la Grèce pose des difficultés à l’armée de l’air française qui fait face à un manque d’appareils permettant d’assurer toutes les missions extérieures de la France. Quant à la Turquie, en dépit d’une diplomatie active mobilisant tous les registres lui permettant de recueillir une neutralité, voire un soutien, sur le dossier Libyen (Algérie, Tunisie), une popularité croissante au sein de communautés marginalisées (sunnites du Liban, palestiniens) et la conquête de nouveaux marchés (Sénégal), il n’est pas certain qu’elle en sorte gagnante tant elle est isolée dans son environnement régional.

 

Sophie Guldner

Notes

[1] Didier Billon dans IRIS conférence Quels enjeux stratégiques en 2021, 15 septembre 2020

[2] Didier Billon dans IRIS conférence Quels enjeux stratégiques en 2021, 15 septembre 2020

[3] Bertrand Badie, Quand le Sud réinvente le monde, Essai sur la puissance de la faiblesse, La Découverte, 2018

[4] Bertrand Badie, Quand le Sud réinvente le monde, Essai sur la puissance de la faiblesse, La Découverte, 2018

[5] Le monde, en visite au Sénégal, le président turc confirme ses ambitions africaines, 30 janvier 2020

[6] Bruno Tertrais dans Cuture Monde : rentrée diplomatique, la France à la manœuvre : Méditerranée, Paris joue les gendarmes, 27 aout 2020

[7] Propos tenus par Ahmed Insel à l’antenne de France culture dans Méditerranée : la bataille du gaz

[8] Propose tenu par Dorothée Schmidt dans Affaires étrangères, Méditerranée : la bataille du gaz, 12 septembre 2020

[9] Propos tenus par Cyril Bret dans Affaires étrangères, Méditerranée : la bataille du gaz, 12 septembre 2020

[10] Drothée Schmidt dans dans Affaires étrangères, Méditerranée : la bataille du gaz, 12 septembre 2020

[11] Bruno Tertrais dans Cuture Monde : rentrée diplomatique, la France à la manœuvre : Méditerranée, Paris joue les gendarmes, 27 aout 2020

[12] Richard Banégas, la politique d’intervention de la France en Afrique vue d’en bas, Réflexions à partir du cas de la Cote d’Ivoire, Gallimard, « les Temps modernes », 2017, page 288 à 310

jeudi, 01 octobre 2020

Autonomie für die Afrikaanse Nation! Ein Superethnos in Südafrika

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Autonomie für die Afrikaanse Nation!

Ein Superethnos in Südafrika

von Dr. Christian Böttger

ISBN 9783938176832,
354 Seiten + 10 farbige Bilderseiten, Softcover

Preis: 24,80 Euro

Erscheinungstermin: 5. Oktober 2020

Moderne Geschichtswissenschaftler – Anhänger der konstruktivistischen Ideologie – wollen uns weismachen, Völker seien nichts als reine Erfindungen. Daß es sich bei dieser Betrachtungsweise um einen wissenschaftlichen Irrweg handelt, der durch eine nüchterne, sachliche Untersuchung aufgedeckt werden kann, beweist dieses aufschlußreiche Werk über die vielfältige Geschichte und Kultur Südafrikas.

Als Kampfansage gegen diese konstruktivistische Ideologie stellt der Autor deutlich die Charakteristika der Völker in Südafrika dar und arbeitet die Gemeinsamkeiten der Afrikaanssprachigen heraus, die diese zu einem Superethnos verschmelzen lassen. Dabei achtet er streng darauf, sprachliche, kulturelle und historische Gesichtspunkte in den Vordergrund zu stellen anstelle der Hautfarbe oder der ethnischen Abstammung. Damit grenzt sich die Untersuchung sowohl von der rassistischen Gesetzgebung der Apartheidszeit ab als auch von dem schwarzen Rassismus gegen Buren und Farbige, der seit dem Ende der Apartheid in Südafrika immer deutlicher zutage tritt.

Die heutige Politik der »Bevorzugung der ehemals Benachteiligten« ist lediglich ein Deckmantel für den neuen schwarzen Rassismus in Südafrika, der von ungerechten Quotenregelungen über die Ausgrenzung von Afrikaans als Sprache an den Schulen und Universitäten bis hin zu brutalen ethnischen Säuberungen reicht: »Kill the farmer, kill the boer« – tötet den Farmer, tötet den Buren!

Das vorliegende Buch stellt nicht nur umfassend die Geschichte und Kultur der Völker Südafrikas dar. Es richtet vor allem den Fokus auf die Autonomiebestrebungen der unterdrückten Minderheiten und bietet Impulse für eine mögliche, künftige afrikaanse Nation.

Über den Autor

Christian Böttger, geb. 1954, Facharbeiterausbildung als Gärtner für Zierpflanzenbau mit Abitur 1974. Er  studierte von 1983–1988 Ethnographie, deutsche Geschichte und Volkskunde an der Humboldt-Universität zu Berlin. Danach arbeitete er bis Ende 1991 als wissenschaftlicher Mitarbeiter im Wissenschaftsbereich Kulturgeschichte/Volkskunde am Zentralinstitut für Geschichte (Akademie der Wissenschaften der DDR) an einem Forschungsprojekt auf dem Gebiet der Kulturgeschichte sozialer Reformbewegungen in Deutschland um 1900. Ende 1993 promovierte er an der Humboldt-Universität zum doctor philosophiae. Anschließend war er als wissenschaftlicher Mitarbeiter an verschiedenen Lexikonprojekten beschäftigt. Seit 2019 schreibt Böttger auch für die wieder ins Leben gerufene Internetzeitschrift wir selbst.

Mit freundlichen Grüßen

Heiderose Weigel

Lindenbaum Verlag GmbH

Bergstr. 11, 56290 Beltheim-Schnellbach
Tel. 06746 / 730047
E-Brief: lindenbaum-verlag@web.de
Internet: www.lindenbaum-verlag.de

Inhalt

  • Vorwort
  • Begriffliches: Nation und Superethnos
  • 1. Nationsbegriff im Nachkriegs(west)deutschland
  • 2. Der „moderne“ und der ethnische Nationsbegriff – ein Exkurs
  • 3. Otto Bauer sagt’s genauer
  • 4. Nation als ethnosozialer Organismus
  • 5. Die Ethnos-Theorie Lew Gumiljows
  • Kurzer Abriß zur Geschichte Südafrika
  • Völker zwischen Superethnos und Nation
  • 1. Die Khoikhoi
  • 2. Die Buren
  • 3. Cape Coloureds – Kaapse Kleurlinge – Bruinmense
  • 4. Baster und Griqua
  • 5. Nama und Oorlam
  • 6. Die Korana
  • 7. Sonderfall Kapmalaien
  • 8. Überethnische Ganzheit als System
  • Der südafrikanische Dualismus
  • 1. Der klimatische Dualismus
  • 2. Widerspiegelung des Dualismus in der Vegetationstopographie
  • 3. Der politische Dualismus
  • 4. Der historische Dualismus
  • 4.1. Vom afrikaansen Superethnos zur Nation
  • 4.2. Vom Superethnos der Südostbantu zur Nation
  • 5. Mfecane und der südafrikanische Dualismus
  • Gemeinsame Züge einer afrikaansen Nationalkultur
  • 1. Die gemeinsame Sprache
  • 2. Die Niederländisch-Reformierte Kirche
  • 3. Gemeinsame Züge – Vom Vastrap zur Burenmusik
  • 4. Die ATKV – eine Kulturvereinigung des Superethnos?
  • Die politische Widerspiegelung der Nation
  • 1. Braunes Selbstbewußtsein erwacht
  • 2. Bruin Bemagtiging Beweging
  • 3. Freiheitsfront Plus
  • 4. Das Projekt „Orania“
  • 5. Die Kaapse Party (Cape Party)
  • 6. Kaapse Federale Alliansie (Kapländische Föderale Allianz)
  • 7. Die Change.org-Petition
  • Ergebnis und Ausblick
  • Verzeichnis der Abbildungen
  • Verzeichnis der Karten

mardi, 29 septembre 2020

L’Afrique à la croisée des chemins dans un monde multipolaire

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L’Afrique à la croisée des chemins dans un monde multipolaire

Mikhail Gamandiy-Egorov

Observateur-Continental

Dans une réalité en constante ébullition et à l’heure d’une confrontation géopolitique de plus en plus marquée entre les partisans de la multipolarité et les nostalgiques de l’ère unipolaire, plusieurs régions du monde observent, analysent, et entrevoient les actions à adopter dans le cadre de leurs intérêts. L’Afrique ne fait pas exception.

Selon le quotidien bulgare Douma «pendant que l’Europe coopère avec le continent africain par soi-disant clémence, des pays comme la Chine et l’Inde font preuve de relations d’égal à égal ». Et se pose par la même occasion la question: «quelle approche, occidentale ou orientale, serait plus attractive pour les Africains?».

Ledit média mentionne par ailleurs plusieurs points fortement importants. Notamment que le continent africain, malgré les défis existants et évidents, peut se vanter de perspectives fortement intéressantes, y compris dans le cadre des changements observés sur l’arène internationale. En effet, nombre d’experts estiment que les pays du continent africain sont capables d’une percée économique impressionnante semblable à celle qu’a pu réaliser l’Asie du Sud-Est. La population du continent croît rapidement et la part de la population en âge de travailler est déjà la plus importante au niveau de toutes les régions du monde. Et que dans des conditions favorables, la croissance économique de l’Afrique pourrait dépasser les attentes les plus audacieuses.

Pendant ce temps, le combat pour l’influence géoéconomique, mais également géopolitique, sur le continent si longtemps montré par des clichés au niveau du mainstream médiatique occidental, ne cesse de croître également. Plusieurs raisons peuvent être avancées à cela: les perspectives fortement intéressantes pour les pays africains sur le moyen terme, y compris celles avancées ci-haut, mais également une vision fortement, voire radicalement, différente sur l’avenir du monde entre les partisans de la multipolarité et de l’unipolarité. Les derniers souhaitant imposer via le réseau du système néocolonial préétabli, et s’il le faut par la force, leur agenda aux pays africains. Les partisans de la multipolarité privilégient quant à eux une interaction misant sur le respect de la souveraineté des Etats et des traditions respectives, sans la fameuse mentalité de donner des leçons – tout en pensant pour autant à leurs intérêts de façon logique et pragmatique.

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C’est d’ailleurs le cas de la Chine, premier partenaire économico-commercial du continent africain en tant qu’Etat, qui bien souvent accusée par l’establishment politique et médiatique occidental de pratiquer une conquête agressive en Afrique afin d’imposer sa domination mondiale, en réalité correspond justement à une vision pragmatique des relations internationales. A savoir que Pékin ne force personne de vivre et de penser à sa manière, mais est prêt à se battre dans la pure concurrence dans le cadre de ses intérêts, notamment économiques. L’Inde représente également un cas intéressant. Troisième partenaire économico-commercial de l’Afrique, dont les échanges avec le continent fin 2019 représentaient 65 milliards d’équivalent de dollars.

Bien que l’approche indienne se diffère de l’approche chinoise dans nombre de secteurs et de façon générale, New Delhi met également un fort accent sur le respect de la souveraineté. Pendant ce temps, d’autres acteurs renforcent également leurs positions. La Russie a fait son plein retour en Afrique et poursuit le processus engagé. Ou encore la Turquie, qui a elle aussi connu une forte progression des échanges avec les pays africains au cours des 5-10 dernières années. Faisant le bonheur de nombreux habitants du continent africain souhaitant voir des puissances non-occidentales renforcer les liens avec leurs pays et leur continent. Tout en stimulant la concurrence et donc l’attractivité des conditions offertes par chaque acteur.

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Evidemment, l’Occident ne reste pas les bras croisés. Observant le développement sans précédent des relations entre l’Afrique et les puissances non-occidentales – ayant pour la plupart lancé ouvertement le défi à l’unilatéralisme si désiré par l’élite occidentale, cet Occident tente par tous les moyens de reprendre la main. Que ce soit les Etats-Unis, pour qui l’un des objectifs majeurs officiellement déclaré sur la scène internationale est d’empêcher la poursuite de montée en puissance de la Chine et de la Russie, y compris en Afrique. La France qui bien que maintenant encore son réseau françafricain, voit son influence aller en chute libre au niveau de la société civile africaine, surtout appartenant aux pays d’Afrique francophone. Le Royaume-Uni tente de maintenir sa propre influence au niveau des pays anglophones du continent, là aussi bien souvent sans le succès recherché. L’Allemagne quant à elle essaie de se frayer son propre chemin.

Mais le plus important probablement à dire dans ce paradigme de lutte géopolitique et géoéconomique, c’est que l’Afrique doit comprendre qu’elle fait désormais partie intégrante du monde multipolaire. Et qu’elle possède, à terme, tous les moyens pour s’imposer comme un bloc majeur d’influence dans cette réalité relativement récente. C’est n’est évidemment pas ce que l’Occident souhaitait pour l’Afrique. Pas plus que pour les autres blocs du monde, qu’ils soient d’Eurasie ou d’Amérique latine. Mais l’histoire mondiale suit son cours. Les événements contemporains aussi. Et en ce sens la minorité occidentale devra l’accepter. Plus particulièrement les élites occidentales et pas tant les peuples qui pour nombre d’entre eux approuvent le concept multipolaire.

Lorsque cette réalité sera acquise pour une large part des pays africains, il sera également important à bâtir une véritable unité africaine, tellement voulue et rêvée par les grands leaders du continent: de Lumumba à Sankara, de Mandela à Kadhafi et par beaucoup d’autres grands noms. Tout en s’organisant à bâtir une capacité réelle de défense commune de la souveraineté – car si aujourd’hui nombre de pays africains ont cette capacité, ce n’est pas malheureusement pas le cas de tout le monde. Et dans le cadre de cette véritable souveraineté et d’appartenance de plein droit au monde multipolaire en qualité de bloc puissant, les nations africaines sauront choisir les partenaires stratégiques externes au continent dans l’objectif d’une coopération qui saura tenir compte des intérêts de chaque partie impliquée.

Mikhail Gamandiy-Egorov

 

Observateur-Continental

dimanche, 06 septembre 2020

Le Pharaon contre le Sultan: une nouvelle guerre en perspective en Libye?

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Le Pharaon contre le Sultan: une nouvelle guerre en perspective en Libye?

par Alexander Markovics

Si l’on prend la peine de jeter un regard rétrospectif sur l’histoire de l’Afrique du Nord, on tirera aisément la conclusion que la Libye, depuis l‘ „intervention humanitaire“ de l’Occident en 2011, suivie de l’assassinat de Mouamar Khadafi, a connu le sort le plus tragique subi par un Etat depuis la fin de la guerre froide.

Si l’on dresse un parallèle avec la Syrie, le véritable visage des „printemps arabes“ apparaît sans détours. Ce mouvement en apparence démocratique s’est très vite révélé pour ce qu’il était: un cocktail d’intérêts tribaux, appuyé par des mercenaires occidentaux, des islamistes radicaux et des éléments criminels, chargés par l’Occident de faire le sale boulot de déstabiliser et de détruire un Etat jadis prospère mais rétif à exécuter les politiques dictées par les Etats-Unis.

La destruction d’une des puissances les plus emblématiques de l’Afrique, appuyée par l’intello français Bernard-Henri Lévy, n’a pas apporté là-bas la „démocratie“ à l’occidentale mais, au contraire, y a rétabli l’esclavage et déclenché une guerre civile qui dure depuis 2014 et provoque des migrations transméditerranéennes de masse, au détriment de l’Europe.

D’un côté, nous avons le gouvernement d’unité nationale, reconnu par les Etats-Unis et par de nombreux pays occidentaux et influencé par les frères musulmans et, d’autre part,  le Général Chalifa Haftar. Les deux camps s’affrontent pour arriver au pouvoir dans le cadre de cette guerre civile. Mais quand Haftar, après avoir éliminé les forces de l’Etat islamique en Libye, a déployé ses troupes pour entamer la bataille de Tripoli afin de mettre un terme au conflit interne, un retournement s’est subitement opéré: le Président turc Erdogan est intervenu et est parvenu à mettre en fuite les soldats du général est-libyen. Pour Erdogan, il ne s’agit pas seulement d’étendre sa propre zone d’influence mais surtout de créer à terme la „patrie bleue“, soit la portion de la Méditerranée que réclame pour elle la Turquie. Le gouvernement de Tripoli soutient dans cette optique les revendications d’Ankara.

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La contre-offensive, lancée par le gouvernement de Tripoli et les Turcs, inquiète les Egyptiens: le Président al-Sissi a bien fait comprendre, en date du 20 juillet dernier, que l’armée égyptienne entrerait en Libye, si les troupes du gouvernement d’unité nationale prenaient Syrte, ville importante pour le transit du pétrole dans l’Est du pays. Pourquoi l’Egypte s’inquiète-t-elle tant de l’avance des troupes tripolitaines? Le Président al-Sissi est arrivé au pouvoir en 2013, après avoir réussi un putsch contre Mohammed Mursi, membre des Frères musulmans. Al-Sissi se présente comme un pieux musulman mais s’inscrit toutefois dans la tradition nationaliste arabe de Nasser: il ne s’embarrassa pas de scrupules quand il s’est agi de réprimer durement les frères musulmans et les salafistes égyptiens. Depuis, l’Egypte doit faire face à un problème de terrorisme, qui frappe principalement les Coptes.

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Al-Sissi veut aussi intervenir en Libye car il veut éviter que les frères musulmans, ses ennemis, ne puissent agir en Egype en bénéficiant d’un poumon extérieur libyen. Les bruits de sabre en Afrique du Nord doivent dès lors nous préoccuper: car tant pour Erdogan, qui veut du pétrole et ressusciter certaines spleneurs de l’Empire ottoman, que pour Al-Sissi, qui entend protéger la paix intérieure en Egype, les enjeux sont très importants.

Alexander Markovics.

 

 

mardi, 30 juin 2020

La modernité en son principe de Peter - à propos des dernières déclarations de Kémi Seba

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La modernité en son principe de Peter
 
à propos des dernières déclarations de Kémi Seba
 
Ex: http://www.dedefensa.org
 
La crise que nous désignons “Grande-Emeute2020”, à partir de la mort de George Floyd, ou de son assassinat à Minneapolis le 25 mai, n’a cessé d’enfler aux États-Unis, et de se compliquer également, tandis qu’elle touchait divers pays hors des USA, – phénomène très nouveau et important. En même temps, ce qui semblait être l’extrême simplicité de cette crise, comme les aime aujourd’hui notre culture postmoderniste et vertueuse, – il y a des “gentils” contre des “méchants, – s’est remarquablement complexifiée et ne cesse de l’être encore plus chaque jour. Les vedettes de la crise, l’épicentre originel des “gentils” largement et diversement subventionné jusqu’à être couvert de $millions venus des gros bras du Système, c’est BLM, pour Black Livres Matter, à l’échelle mondiale (BFM-GNF) puisque “BLM, [c’est] une affaire qui swingue”. Là aussi, les choses changent ; là aussi, elles se sont complexifiées et se compliquent chaque jour.

L’intervention, lors d’un passage en France le 26 juin, de celui qui est désigné comme “activiste anticolonialiste”, Kémi Seba, est un de ces événements qui symbolisent et illustrent, et mettent en lumière cette complexification. Ce qui nous intéresse et nous paraît bien plus important, c’est que Seba est également un panafricain qui milite pour le “black power”, contre le “victimarisme” pseudo-intégratrice de BLM. Il se place dans la même logique de certaines politiques, comme le “retournisme” du Ghana qui dit aux Noirs américanistes (et en Europe également) : “Puisqu’on ne veut plus de vous, venez vous installer chez nous, revenez et retrouvez vos racines et votre origine ; nous avons besoin de vos qualifications et de vos investissements”. Enfin, la logique de Seba rejoint celle d’un Malcolm X (et d’un King dans sa dernière évolution avant son assassinat), qui prenait comme cible le Système bien plus que le seul “racisme blanc”, et tendait à recommander une sorte de “nation noire” comme objectif idéal, c’est-à-dire une marche vers le séparatisme. Il s’agit bien entendu de la sorte d’arguments jusqu’ici rarissimes et sacrilèges en France, puisqu’il s’agit d’envisager des concepts tels que “communautarisme“ et “séparatisme” qui sont absolument rejetés par l’esprit jacobin de la “Grande Nation”, – comme était perçue la France dans l’Histoire d’“avant”, avant la liquidation des statues. Justement, c’était “avant”, et la décadence française emportée par la décadence du Système, passant par son américanisation la plus complète, a installé les problèmes de l’américanisation en France même, puisqu’on manifeste désormais sur les consignes de BLM. Rien de nouveau : on sème, on récolte...

Voici, par RT-France, le compte-rendu de l’intervention devant la presse de Kémi Seba :

« L'activiste anticolonialiste Kémi Seba a défendu le concept de ‘Black Power’, centré sur l'identité africaine, l'opposant au mouvement ‘victimaire’ Black Lives Matter, qui sert selon lui les intérêts de la gauche néolibérale, et non des Noirs.
» Dans une très rare apparition en France ce 26 juin, l'activiste panafricaniste Kémi Séba a livré son point de vue sur le mouvement Black Lives Matter et les répercussions de celui-ci, notamment dans l'Hexagone.
»
“Un bon nombre d’Afro-descendants ne se sentent pas représentés par cette terminologie de ‘Black Lives Matter’, qui revient à dire ‘Eh les Blancs, la vie des Noirs compte !’”, a-t-il ainsi expliqué lors d'une conférence de presse. “Entre ‘black power’ et ‘Black Lives Matter’, nous préférons le pouvoir noir. Nous prônons l'autodétermination communautaire. Nous ne prônons pas la mendicité vis-à-vis des autres”, a-t-il poursuivi, jugeant ce mot d'ordre du mouvement de contestation parti des Etats-Unis comme étant “victimaire”.»
“Assa Traoré est notre sœur, mais nous disons clairement que le processus d'intégration dans lequel elle s'inscrit, notamment avec La France insoumise, on ne se reconnaît pas dedans”, a-t-il déclaré au sujet de la figure de proue actuelle de la mobilisation antiraciste en France.
ks-li.jpg» L’activiste a ainsi longuement détaillé le danger que fait peser selon lui sur sa cause le fait de s'allier à une gauche qui n'entend que récupérer le combat des Noirs pour ses propres intérêts : “On ne se reconnaît pas dans les forces néolibérales de gauche, ou de prétendue extrême gauche, qui disent vouloir accompagner notre communauté. Nous en avons marre de ce paternalisme exacerbé, de cette gauche qui pendant des années nous a fait croire qu'elle était notre amie, alors qu'en réalité elle était toujours là pour nous manipuler, et pour qu'on soit leurs ‘tirailleurs’ vis-à-vis de leurs intérêts.”
» D’après Kémi Seba, de la même manière qu'aux Etats-Unis “on instrumentalise la souffrance des Noirs pour que le vote des Noirs atterrisse dans les mains de Joe Biden”, La France Insoumise, avec “son mariage quelque peu étrange avec la gauche néolibérale représentée par les Inrockuptibles”, est en train de “créer un cordon sanitaire autour de la prétendue cause noire en France”.

» “L'objectif est de nous pousser dans un processus d'oubli de nous-même, d'intégration, sans que nous puissions revendiquer notre identité”, met en garde l'activiste.
» Son mouvement a annoncé soutenir sous forme de bourses d'éventuelles actions coup de poing en Afrique dans les semaines à venir contre les symboles hérités, selon lui, de la période coloniale. “Nous ne sommes pas obsédés par la volonté de détruire des statues en France, mais sur le continent africain, nous allons chasser tous les symboles qui portent des noms coloniaux”, a fait savoir Kémi Seba.


Cette intéressante intervention attire de nombreuses remarques ; On commencera par deux observations de base :

1) le propos de Seba se rapproche jusqu’au quasi-identique des discours des Noirs US radicaux dans leurs jugements comme héritiers du Black Power des années 1960-1970, mais aussi, de l’autre côté de l’échiquier, du discours des Africains-Américains non seulement intégrés mais américanisés, comme le milliardaire Robert Johnson, et alors comme dans le cas de Seba il y a chez ces Africains-Américains un égal mépris et une très sévère critique des progressistes-sociétaux blancs, qui utilisent la “cause des Noirs” pour leur avantage électoraux. Ce que Seba dit de La France Insoumise (LFI) acoquinée avec Les Inrockuptiblesest particulièrement édifiant et donne une idée du chemin de croix (expression de choix pour lui) qu’a été pour l’esprit et la loyauté l’évolution du Mélenchon 2012-2017 jusqu’au Mélenchon d’aujourd’hui ;

2) si un Seba peut aborder le problème dans ces termes pour la France, c’est bien du fait de l’évolution d’effondrement dans la décadence de la susdite France et de la politique de constante démission de ses dirigeants, permettant à l’américanisation de progresser, notamment dans “les quartiers”, jusqu’à l’introduction sans douleur ni protestation de la problématique typiquement US autour de BLM.

41ifBf8HKgL._SX343_BO1,204,203,200_.jpgLes choses étant donc catastrophiquement ce qu’elles sont, avec un État réduit aux acquêts de son aveuglement et de sa lâcheté, il importe impérativement d’en tenir très-grand compte, par pur souci tactique de la réalité et quoi qu’il en soit de ce qu’on en pense tristement. Dans ce cadre, effectivement, nous répétons que l’intervention de Seba a tout son sens, toute sa logique et même sa sagesse, et elle nous invite à envisager des hypothèses prospectives qui valent pour les pays du bloc-BAO confrontés aux troubles de type-BLM, et la France par conséquent puisqu’elle y est inscrite et membre actif du club comme si elle avait besoin de dépendre d’une identité collective (?).

• Il semble nécessaire de considérer que les tentatives évidemment républicaines et démocratiques, pour ne pas dire postmodernes, d’intégration et d’assimilation pourraient fort bien ne plus avoir leur raison d’être tant elles sont ridiculisées à force d’être hors de propos du fait de l’impuissance des pouvoirs, et de l’adoption par ces pouvoirs de tous les réflexes et postures supranationales et globalistes qui les châtrent de toute capacité et alimentent tout ce qui empêche l’assimilation et l’intégration. De ce fait, il ne resterait que le communautarisme, évidemment honni par les républicains et les patriotes loyaux, mais auquel il faudrait bien s’habituer ; et d’ailleurs, on pourrait s’y habituer d’autant plus aisément que cet état de fait hypothétique (le communautarisme ne serait plus une option mais un état de fait) serait à notre sens promis à se réduire rapidement, très-rapidement selon ce que nous dit l’intervention de Seba, et à se transmuter, à se morphe en séparatisme identitaire.

• On remarquera le dernier qualificatif employé qui doit faire réfléchir ceux qui, parmi “les républicains et les patriotes loyaux” dénoncent radicalement et affreusement cette possible évolution. Toutes les tendances dites “souverainistes” ou “populistes”, hors de toutes les idéologisations complètement obsolètes (fascisme & Cie), s’appuient peu ou prou, d’une façon ou l’autre, sur une tendance identitaire forte, exprimée ou intuitive. Par conséquent, dans cette sorte d’esprit, l’intervention de Seba et l’évolution qu’il représente devraient effectivement être considérées comme “identitaires” et considérées a priori avec une certaine faveur, comme étant antiSystème face au Système globalisant et entropique qui n’a pas de meilleur allié que la tendance progressiste-sociétale absolument ennemie de l’identité. (Cela permet de mesurer où LFI en est arrivé en France, et où se situe les “Blancs” dans le parti démocrate US.)

• Bien entendu cette possible évolution hypothétique poserait d’énormes problèmes géopolitiques et éventuellement psychologiques. Nous entrons alors dans le cadre totalement imprévisible de la Grande Crise d’Effondrement du Système (GCES), qui prendrait en compte, ou serait accélérée par l’évolution hypothétiquement considérée. Bien entendu, dans ce cadre il est impossible d’envisager d’une façon prospective loyale les changements géopolitiques et psychologiques auxquels nous serions confrontés. Le seul point qui semble assez aisé à prévoir pour notre zone-‘bloc’ est l’accélération exponentielle de l’inutilité catastrophique et malfaisante de l’Union Européenne, qui, à son tour accélérerait le processus général de la GCES.

• Mais non ! Il y a bien plus important, et là quasiment prévisible... Il s’agit notamment, et fondamentalement bien entendu, du fait que nous serions (que nous serons) confrontés à l’immense événement que constituera la désintégration des USA concernés en premier par le modèle d’évolution envisagé ; événement inévitable dans les circonstances et les dynamiques en cours, et dont nous avons souvent dit et depuis fort longtemps qu’il représentera quelque chose que nous tenons comme le plus énorme changement de la situation présente jusqu’à conduire à un changement de civilisation (« Nous l’avons déjà écrit et nous le répétons avec force : il ne peut y avoir, aujourd’hui, d’événements plus important pour la situation du monde qu’une dynamique de dislocation des USA. [...] La fin de l’‘American Dream’, qui interviendrait avec un processus de parcellisation de l’Amérique, constituerait un facteur décisif pour débloquer notre perception, à la fois des conditions de la crise, de la gravité ontologique de la crise et de la nécessité de tenter de chercher une autre voie pour la civilisation – ou, plus radicalement, une autre civilisation. »)

• ... Tout cela signalant que la modernité avec toutes ses “valeurs” qu’elle nous faire prendre pour des “principes” a atteint, elle, son “principe de Peter”, lorsqu’on atteint son seuil d’incompétence, confirmant pour ce cas qu’elle est en route et à pleine vitesse sur la voie de l’effondrement.
 

dimanche, 28 juin 2020

Libye : la victoire du sultan ?

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Libye : la victoire du sultan ?

Ex: https://institutdeslibertes.org
 

Bientôt 10 ans (2011) qu’a eu lieu l’intervention franco-anglaise en Libye, dont les conséquences néfastes se font encore sentir. Outre le chaos libyen, c’est l’ensemble de la zone sahélienne qui a été perturbée et qui est déstabilisée du fait de la propagation de la révolte touareg à cet espace. Un temps on a pensé que le général Haftar allait gagner la mise en prenant le pouvoir d’une Libye fracturée entre est et ouest, Cyrénaïque et Tripolitaine, dans laquelle se sont affrontés de multiples groupes djihadistes et notamment Al-Qaïda et l’État islamique. L’irruption de la Turquie est en train de changer la donne en fragilisant un espace méditerranéen qui est proche du nôtre et donc dans la zone directe de notre souveraineté. De façon fort classique, ce qui se passe en Libye nous rappelle les luttes méditerranéennes de l’époque moderne : empire ottoman, Angleterre, France, Égypte, un monde arabe fragilisé, mais central et Chypre, acteur clef dans cette partie.

Une Libye détruite et instable

Depuis la chute de Kadhafi en 2011, la Libye s’est fracturée et s’est installée dans une guerre d’enlisement conduite par les différentes tribus, soutenues plus ou moins ouvertement par les Occidentaux. Les accords de Skhirat (2015) signés sous l’égide de l’ONU n’ont pas permis la réconciliation ni empêché l’affrontement de deux camps, qui correspond à une fracture historique de la Libye : Tripoli d’un côté, Benghazi de l’autre. La Russie a officiellement soutenu le gouvernement de Benghazi à l’automne 2018 afin de disposer d’une tête de pont en Méditerranée. Pour Vladimir Poutine, c’était un coup plutôt réussi : soutien à Assad en Syrie et soutien à Haftar en Libye, donc opposition au gouvernement de Tripoli reconnu par l’ONU. Cela signait le retour de la Russie en Méditerranée. Mais si en Syrie la situation a tourné en faveur d’Assad, en Libye Haftar n’a jamais réussi à prendre le contrôle de l’ouest du pays. Ce n’est pas faute d’engagement de la part de la Russie, qui a envoyé des avions de chasse et des soldats de la société militaire privée Wagner. Au total, Moscou a envoyé près de 2 000 hommes en Libye (Wagner + des miliciens de Syrie).

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Certain de sa victoire, Haftar a dénoncé l’accord de Skhirat en avril 2019, lançant une vaste offensive contre Tripoli. Il a réussi à prendre une partie de la Tripolitaine et à contrôler les faubourgs de la ville, mais sans jamais pouvoir renverser le gouvernement ni asseoir sa domination. Le 21 décembre 2019, le parlement turc a ratifié un accord de soutien au gouvernement de Tripoli, s’opposant ainsi à Haftar et à ses alliés occidentaux, mais se plaçant du côté de l’ONU et de ses résolutions. Habile façon d’exercer sa puissance tout en restant derrière le bouclier du droit international. En dépit d’un soutien constant des Occidentaux et d’une aide militaire et financière, Haftar n’a jamais réussi à prendre Tripoli. L’offensive turque l’a chassé de terres qui n’étaient pas les siennes.

Le beau coup d’Ankara

L’intervention militaire d’Ankara qui a apporté son soutien au GNA (Gouvernement d’union nationale) a renversé la donne et a privé Haftar d’une victoire qui lui semblait acquise. Il y a un an, plus rien, sauf le temps, ne s’opposait à la prise de pouvoir du général Haftar qui contrôlant l’est de la Libye avançait vers Tripoli. Un temps qui lui fut fatal et qui a permis un renversement inattendu. Haftar est soutenu par l’Égypte, la France, l’Arabie Saoudite et la Russie. Moscou l’a reçu en visite officielle et a envoyé de nombreux soldats à ses côtés via une société militaire privée. Cette conjugaison des forces devait permettre la prise de Tripoli et le renversement de Fayez al-Sarraj, lié aux Frères musulmans.

Erdogan a pris sa revanche sur la Syrie où il a été doublé par les Russes. Il a soutenu al-Sarraj en lui fournissant des armes, des hommes (près de 7 000), des conseillers lui permettant de réaliser une contre-offensive audacieuse qui a fait perdre l’ensemble de ses conquêtes à Haftar. La défaite est telle que l’on voit mal comment il pourrait reprendre la main et comment il pourra justifier un nouveau soutien auprès de ses alliés. Désormais, c’est à Ankara que passe la résolution du conflit.

La réussite semble totale pour la Turquie. Elle double l’Égypte et s’érige en acteur principal en Afrique du Nord. Elle prend sa revanche sur sa déroute en Syrie en doublant les Russes. Elle s’installe sur la rive sud de la Méditerranée, repoussant les Français et les Anglais. Elle contrôle la zone maritime gazière autour de Chypre. En quelques mois, Ankara a engagé et gagné un bras de fer et s’est positionné comme un acteur majeur en Méditerranée. Jusqu’à présent, sa puissance était mineure et consistait à ouvrir ou fermer le robinet migratoire, exerçant de ce fait sa pression sur l’Europe. Désormais, elle a montré qu’elle était une vraie puissance militaire, capable de pensée et de stratégie, de projection de forces et de contrôle de la mer. Ce n’est plus une puissance mineure, tampon entre plusieurs mondes, mais une vraie et authentique puissance politique et militaire, qui a des ambitions et qui les exploite.

Le 4 juin dernier, le Premier ministre libyen Fayez al-Sarraj était reçu par le président Erdogan à Ankara, montrant ainsi aux yeux de tous les alliances et les connivences du jeu méditerranéen. Le contrôle de la Tripolitaine est désormais assuré, ce qui ne règle pas complètement la question libyenne et maintien la fracture territoriale et culturelle. Ankara réalise de plus un beau coup diplomatique puisque al-Sarrraj est le dirigeant officiel de la Libye, reconnu comme tel par l’ONU. La Turquie peut donc se prévaloir de faire respecter le droit international et de maintenir la légalité, contrairement à ceux qui soutiennent le général Haftar.

L’Europe dans l’embarras

L’Europe a provoqué une situation dont elle a perdu le contrôle. Lancée en 2011, pour les mêmes raisons que la guerre d’Irak de 2003, la Libye s’est révélée être un échec majeur. Kadhafi éliminé, c’est la route migratoire vers l’Europe qui s’est soudainement ouverte. Comme dans un Monopoly géopolitique, la Turquie contrôle désormais l’ensemble des routes migratoires : la route asiatique, qui passe par son pays, la route africaine, qui passe par la Libye. Il va devenir beaucoup plus aisé pour Ankara de faire pression sur l’Europe en utilisant le chantage migratoire et en menaçant d’ouvrir le robinet. Nous risquons de connaître une situation beaucoup plus tendue qu’en 2015, arrivant dans des pays désormais saturés. Qui du Sahel et de la bande touarègue ? Ankara va-t-elle intervenir également dans cet espace et déstabiliser une présence française déjà mal assurée ?

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L’autre enjeu est énergétique. La Libye est le premier producteur africain de pétrole, devant le Nigéria et l’Algérie. Jusqu’à présent, les gisements étaient partagés entre Total et ENI. L’immixtion turque risque de changer la donne. L’enjeu majeur concerne le gaz de Méditerranée, au large de l’Égypte et de Chypre, un gisement dont les premières prospectives ont montré qu’il pouvait être l’un des plus importants au monde. L’accord conclu entre Erdogan et al-Sarraj prévoit que la Libye soutienne les prétentions turques à une extension de sa ZEE dans l’espace méditerranée. Les Européens vont pouvoir s’en vouloir de n’avoir jamais réellement cherché à régler la question chypriote, dont le nord est illégalement occupé par la Turquie depuis 1974. La Turquie, qui était depuis 1922 aux marges de l’Europe, se retrouve désormais en son cœur. Un siècle après la disparition de l’Empire ottoman, celui-ci ressurgit, sous une forme modernisée, mais non moins volontariste. C’est toute la pensée mentale européenne qu’il va falloir revoir : la notion d’intervention humanitaire (toujours un échec), le refus de la puissance, la minoration de la force militaire. Pendant longtemps ont a cru que la guerre opposerait des États à des tribus et qu’elle serait asymétrique. Voilà que ressurgit la guerre classique, celle qui oppose des États à des États, qui conduit à des combats en ville et à des contrôles de territoire. La vraie guerre en quelque sorte, intense, destructrice, qui nécessite une articulation entre stratégie et tactique. L’attaque de la frégate Courbet le 10 juin par un bateau de la marine turque illustre cet état de fait. Le contrôle de la mer est une nécessité, tout comme la préparation à la gestion de ce type d’agression. Le bateau français tentait d’intercepter un navire livrant des armes à Tripoli, probablement financé par la Turquie.

Reste à voir si Ankara pourra tenir longtemps sa position. La situation libyenne est très loin d’être réglée. Les beaux succès d’aujourd’hui ne signifient pas la victoire finale d’Ankara. Pour l’Europe, et surtout pour la France, cet affrontement est une chance : confronté au réel de l’affrontement, la direction militaire et politique va être contrainte de se renouveler et d’adapter son positionnement.

Auteur: Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).

lundi, 20 avril 2020

«Une annulation des dettes ne changera rien aux difficultés de l’Afrique» Entretien avec Caroline Galactéros

Entretien avec Caroline Galactéros*

paru dans le FigaroVox le 17/04/2020

Ex: http://www.geopragma.fr

FIGAROVOX.- Le chef de l’État s’est engagé à «effacer» une partie de la dette des pays africains, était-ce la meilleure manière d’aider ces pays face à la crise économique sans précédent qui guette le monde entier?

Caroline GALACTÉROS.- La France a décidé de réorienter une partie de son aide au développement à hauteur d’1,2 milliard d’euros pour alléger les dettes bilatérales de certains pays africains envers nous et renforcer les systèmes de soins, de recherche et de détection, notamment via les instituts Pasteur. Paris a par ailleurs poussé le Club de Paris, qui réunit les créanciers de l’Afrique, à déclarer un moratoire sur 20 des 32 milliards de dollars dus cette seule année, par 76 pays pauvres dont 40 africains. Il s’agit donc à ce stade d’un moratoire, non d’une annulation ni même d’un allègement ou d’un rééchelonnement. Par ailleurs, le FMI et la Banque mondiale ont eux aussi activé certains de leurs mécanismes pour pouvoir prendre en charge le service de la dette durant quelques mois ou prêter (comme d’ailleurs l’UE à hauteur de 20 milliards d’euros) aux pays africains dont le budget est très lourdement au service de la dette et qui risquent une trop grande fragilisation si la crise du coronavirus venait à les toucher massivement submergeant leurs structures sanitaires notoirement insuffisantes et souvent dépendantes de l’intervention humanitaire.

“Au regard du sous-équipement de notre système de soins, on peut imaginer l’incidence d’une propagation soudaine du Covid-19 en Afrique.”

Quand on voit le sous-dimensionnement et le sous-équipement de notre propre système de soins, alors que nous pérorions sur sa supériorité mondiale il y a encore quelques mois, on peut imaginer l’incidence d’une propagation soudaine du Covid-19 sur certains grands ou petits États africains. Pour l’heure, le continent est toutefois peu touché à l’exception de l’Algérie, de l’Égypte et de l’Afrique du Sud. Les pays les plus à risque sont paradoxalement les plus développés et ceux qui dépendent fortement du tourisme et du pétrole, deux ressources en chute libre. La crise économique liée à la pandémie menace au bas mot 20 millions d’emplois, pourrait priver les États africains d’un tiers de leurs recettes fiscales et faire chuter leur croissance d’au moins 1%, sans parler du fait que les économies africaines demeurent majoritairement informelles, ce qui rend le concept du confinement tout simplement impraticable.

De ce point de vue, Paris est donc une fois encore dans l’incantation généreuse, sans grands risques, mais aussi un peu décalée par rapport à la réalité des nouveaux équilibres de puissance et d’influence. L’initiative française masque mal la préoccupation grandissante qui est la nôtre. En appelant à l’annulation de la dette, Emmanuel Macron a aussi saisi l’opportunité, après son offensive européenne manquée sur la mutualisation des dettes européennes, de mettre une nouvelle fois LE sujet brûlant sur la table. Celui de notre propre dette que les vannes désormais grandes ouvertes de la création monétaire pour parer l’effondrement de l’économie nationale (et européenne) va rendre elle aussi ubuesque et de fait bientôt irremboursable! Un peu comme lorsqu’on veut poser une question personnelle à un psychologue et qu’on lui «demande conseil pour un ami».

Toutefois, cette salve de générosité envers l’Afrique correspond sans doute aussi à un élan plus large et partiellement sincère, que le tragique de la situation mondiale actuelle permet d’invoquer…sans trop y croire. En effet, la France est aussi en train de «tester» auprès des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, un texte appelant à une trêve mondiale des conflits en cours, tandis que la Russie a, de son côté, proposé son aide à l’Amérique. Donald Trump avait semblé prêter l’oreille. Crise du Pétrole oblige probablement. La Chine enfin a, à plusieurs reprises, appelé à l’unité du monde et au renforcement du multilatéralisme face à une menace qui vise la communauté humaine dans son ensemble.

“Les attaques sur la propagande des démocratures respirent la frustration et l’impuissance.”

Évidemment, comme pour les cargaisons de matériel sanitaire et médical livrées par la Russie à l’Italie ou par Pékin à l’Europe, on crie à la propagande et à l’instrumentalisation de la solidarité. Comment imaginer qu’il puisse exister, à côté d’un évident opportunisme et de la gestion bien comprise des intérêts nationaux, une once d’empathie ou de générosité gratuite dans l’action de ces démocratures? À mon sens, ces attaques sont à la fois puériles et contre-productives. Elles respirent la frustration et l’impuissance. Nous aimerions bien, nous aussi, être sortis de la tempête, avoir protégé nos populations, limité les pertes et remis notre appareil productif en branle, nous offrant le luxe de nous porter au secours des autres et de leur faire sentir combien ils dépendent de nous pour avoir abandonné leur souveraineté industrielle ou sanitaire…! Nous en sommes très loin. La crise du Coronavirus est une crise d’humanité. Elle révèle l’indifférence, la rapacité, l’absence d’appréhension globale de notre sort au-delà des envolées abstraites sur le multiculturalisme. C’est déjà le multilatéralisme qui est en morceaux et qu’il faudrait savoir ranimer.

N’est-ce pas la Chine qui est le plus gros créancier de l’Afrique?

En effet, la Chine détient environ 40% de la dette africaine: 145 milliards de dollars sur 365. Il faut savoir que cette dette n’est pas que publique, mais détenue partiellement par des fonds d’investissement, des banques, des entreprises privées. La Chinafrique n’est pas un mythe. La Chine achète l’Afrique depuis déjà près de 20 ans, sur les décombres de notre influence viciée par la repentance. L’absence de conditionnalité politique mise à son appui financier (il suffit de reconnaître l’existence d’une seule Chine pour être dans les clous) lui a assuré un immense succès qui lui fait posséder des pans entiers de l’économie de certains États ou parfois leur dette entière.

“La Chinafrique n’est pas un mythe.”

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Pékin n’a donc pas d’intérêt à annuler quoi que ce soit, mais à creuser plus encore son emprise économique et monétaire, comme d’ailleurs en Amérique latine. Le projet des Nouvelles Routes de la Soie y pourvoie notablement et vise à installer des têtes de pont notamment portuaires pour les produits chinois à destination des marchés locaux mais aussi européens. Il est d’ailleurs évident qu’au moment où se conclut ce «généreux» moratoire, de multiples contreparties en concessions minières, pétrolières agricoles doivent être négociées sans doute à des conditions léonines, contre le secours chinois (comme probablement contre celui des autres créanciers occidentaux du continent). La pandémie a juste accéléré la bascule en cours depuis plus d’une décennie du leadership global du monde vers l’Asie et chacun cherche à en tirer parti, ou du moins, à n’en point trop faire les frais.

Cette aide sera-t-elle suffisante?

Évidemment non. Ce n’est pas à la mesure des problèmes de l’Afrique qui sont endémiques. Rien ne garantit d’ailleurs qu’elle sera véritablement «fléchée» vers les bons usages et qu’elle ne disparaîtra pas au moins partiellement dans les poches de ses récipiendaires africains officiels. C’est un geste qui ne coûte pas grand-chose au Club de Paris au G20 et mais ne rapportera pas non plus beaucoup aux populations africaines.

“C’est un geste qui ne rapportera pas non plus beaucoup aux populations africaines.”

C’est à mon sens surtout un moyen d’espérer retarder les effets déstabilisateurs de la pandémie sur un continent surpeuplé dont nous voudrions en Europe qu’il fixe ses populations afin d’enrayer la perspective de flux migratoires à sens unique incontrôlables, et ce plus encore maintenant que nos propres populations vont par millions se retrouver hors de l’emploi et que les coûts économiques et sociaux de l’épidémie en Europe vont exploser.

La fermeture des frontières européennes a ralenti pour un temps la pression migratoire. Faut-il s’attendre à ce qu’elle s’intensifie dans les années qui viennent à cause de la crise?

Oui. D’abord car il faudrait une prise de conscience durable pour que l’espace Schengen demeure véritablement fermé, ce qui est impératif. Je rappelle que la France, tandis que la pandémie fait toujours rage, n’a toujours pas jugé bon de fermer ses frontières nationales avec ses voisins immédiats tandis que l’Allemagne ou l’Italie sont infiniment plus pragmatiques…Nos tabous européistes et idéologiques nous affaiblissent dans la réponse à la crise.

“Le pire en matière de pression migratoire est à venir.”

S’agissant de l’Afrique, le pire en matière de pression migratoire est donc à venir. À cause de la crise, à cause des guerres de déstabilisation suicidaires que nous soutenons toujours au Moyen-Orient sans voir qu’elles creusent au loin le lit de la déstructuration nationale. À cause aussi des questions environnementales qui affectent une Afrique déjà si structurellement frappée par les éléments. Plus encore que cette pandémie sans doute, le défi migratoire est et sera pour l’Europe le test de sa survie. Si elle ne sait pas comprendre que la souveraineté de ses membres et le rétablissement d’États lucides et solides au socle régalien assumé sont, non des handicaps, mais les conditions de sa renaissance comme ensemble qui compte, alors l’UE mourra progressivement de son européisme hors sol, de son allégeance mentale et stratégique naïve à une Amérique plus patriote et unilatéraliste que jamais, dont elle ne constitue en fait docilement que la profondeur stratégique continentale face à la Russie et face à la Chine. Pour survivre, et d’autant plus après ce coup d’arrêt économique, l’Europe va devoir réserver ses forces et ses moyens pour ses propres populations et valoriser la préférence communautaire dans tous les domaines. Pour reconstituer ses forces et ses équilibres, sans indifférence au reste du monde, mais sans vivre dans un permanent renoncement à elle-même. Ce sursaut ne sera possible qu’avec des gouvernants dotés de vision, de cohérence et de courage politique.

*Caroline Galactéros, Présidente de Geopragma

mardi, 25 février 2020

La soumission de l’Allemagne à la repentance coloniale

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La soumission de l’Allemagne à la repentance coloniale

 
 
par Bernard Lugan
Ex: http://www.zejournal.mobi

Outre-Rhin, bien que la parenthèse coloniale n’ait duré que deux décennies, l’exigence de repentance atteint en ce moment des sommets inégalés. Même en France où, pourtant, il n’est pas possible de parler de la colonisation sans avoir préalablement revêtu le cilice de pénitence, l’exigence de soumission au dogme de la culpabilité coloniale n’a pas (encore ?) une telle ampleur.

En Allemagne, il est aujourd’hui impossible, tant elle est longue, de dresser la liste des rues, des places, des squares, des musées, des instituts et des casernes débaptisés au seul motif qu’ils ont un rapport avec la période coloniale ou avec des personnages ayant un lien avec cette dernière. Dirigé par la gauche, le Land de Berlin a même fait de la repentance coloniale un de ses principaux axes politiques, comme si la ville n’avait pas de problèmes plus urgents et plus concrets à régler…

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Ici, il n’est pas un jour sans qu’il soit demandé aux habitants transformés en chiens de Pavlov de l’auto-flagellation, de psalmodier la liste des péchés ultramarins de leurs grands-parents et de « regarder en face les crimes coloniaux allemands ainsi que le génocide des Herero et des Nama » commis en Namibie, l’ancien Sud-Ouest africain.

Or, dans cette affaire, l’acte d’accusation contre l’Allemagne est un montage datant de la Première Guerre mondiale, quand Français et Britanniques qui avaient besoin d’arguments « moraux » pour s’emparer de ses colonies, accusèrent l’Allemagne d’avoir « failli » à son « devoir de civilisation ». Fut alors constitué le dossier à charge de la guerre des Herero réutilisé aujourd’hui par la gauche allemande.

Ce dossier passe totalement sous silence les actes atroces commis par les Herero : familles de colons massacrées, torturées, les femmes dépecées vivantes sous les yeux de leurs enfants, les hommes émasculés puis éventrés... Quand elles tombaient entre leurs mains, et après avoir été violées, les femmes allemandes étaient suspendues par les pieds à un arbre, jambes écartées, puis éventrées et éviscérées, comme des bêtes de boucherie…

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Or, ce furent à ces mêmes arbres, qu’après les avoir jugés, les Allemands pendirent ceux des Herero qui s’étaient rendus coupables de ces meurtres abominables. Mais, alors que nous n’avons que des témoignages concernant les premiers crimes, les exécutions judiciaires furent quant à elles photographiées et ces clichés furent ensuite utilisés par la propagande alliée pour « démontrer » la « culpabilité coloniale allemande ». Aujourd’hui, ce sont ces mêmes photos qui alimentent la campagne de repentance nationale.

Pour la gauche allemande et pour les Églises qui soutiennent naturellement, et même avec gourmandise, son combat, tous ceux, civils et militaires qui participèrent, de près ou de loin, à la guerre des Herero sont donc par définition des criminels.

En premier lieu Paul Emil von Lettow-Vorbeck (1870-1964), légendaire officier colonial qui devrait pourtant figurer au Panthéon des gloires allemandes pour sa campagne de l’est africain (1914-1918) [1].

Or, tout au contraire, bien qu’il ait été un adversaire du III° Reich, présenté aujourd’hui comme l’archétype du « criminel colonial », il est donc devenu une des principales cibles de ce politiquement correct qui achève d’émasculer une Allemagne étouffée sous ses complexes. Les rues et les casernes von Lettow-Vorbeck sont ainsi débaptisées pour recevoir les noms de déserteurs ou de militants de gauche, comme à Brême, à Bad Segeberg, à Hambourg-Jenfeld et à Leer. Quant au conseil municipal de Sarrelouis, sa ville natale, il s’est déshonoré en débaptisant l’avenue qui portait son nom et en lui retirant la citoyenneté d’honneur de la ville. Il en fut de même à Wuppertal, Brême, Cuxhaven, Mönchenglabach, Halle, Radolfzell et même à Graz, en Autriche. Des ouvrages indigents et d’une rare malhonnêteté intellectuelle sont également publiés afin de salir sa mémoire.

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Mais, face au Mythe, que pèsent les pelotes fécales roulées par les bousiers de la repentance ? Ces derniers pourront toujours débaptiser, interdire, détruire, condamner, vociférer et finalement trépigner. Ils ne parviendront jamais à faire oublier la dévotion que les Askaris vouaient au général Paul von Lettow-Vorbeck, un chef qu’ils admiraient et auquel ils avaient donné, avec amour et respect, le nom de « Bwana mukubwa ya akili mingi » (le grand homme qui peut tout).

Ils ne pourront également jamais, ces coprophages, empêcher les jeunes européens rebelles de chanter le Heia Safari [2] durant leurs randonnées et lors de leurs veillées. Cet hymne à la liberté et aux grands espaces qui résonne encore du Kilimandjaro à la Rufidji porte, avec les échos lointains des fifres et des caisses plates, les rêves d’une Europe en dormition dont le réveil sera douloureux aux hypnotiseurs vicieux qui pensaient la tenir définitivement en leur pouvoir…

Notes:

[1] Voir à ce sujet ma biographie du général von Lettow-Vorbeck intitulée « Heia Safari ! Du Kilimandjaro auxcombats de Berlin (1914-1920) ».

[2] En français « La petite piste ». Mélodie composée à la veille du premier conflit mondial par Robert Götz, également l’auteur du très célèbre Wildgänse (Les Oies sauvages). Dans mon livre, Heia Safari, je retrace l’origine de ce chant et je donne ses paroles en swahili, telles que les chantaient les askaris du général von Lettow-Vorbeck.

mercredi, 29 janvier 2020

Libyen im Patt: Wer will vom rohstoffreichsten Land Afrikas profitieren?

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Libyen im Patt: Wer will vom rohstoffreichsten Land Afrikas profitieren?

 
Der Berliner Libyen-Gipfel ist vorbei. Einige verbuchen ihn als großartigen Erfolg, andere nur als den Beginn eines langwierigen Prozesses. Wieder andere sehen ihn als unzureichende Darstellung des komplexen Konfliktes in der Region. Wir sprachen mit dem Nah- und Mittelost-Experten Professor Udo Steinbach über die wahren Interessenkonflikte in Libyen.
 
Bildnachweise:
Quelle 1: Das Erste “Anne Will“ vom 19. Januar 2020
Quelle 2: Libyan National Army Information Office
Quelle 3: YouTube // Adeyinka Makinde
Quelle 4: Reuters Pictures Quelle 5: GNA Media
Quelle 6: UNIFEED-UNTV
Quelle 7: Libyan National Oil Corporation Folge
 
"Der Fehlende Part" auf Facebook: https://www.facebook.com/derfehlendep...
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samedi, 11 janvier 2020

Tensions en Méditerranée : le retour de la Turquie ?...

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Tensions en Méditerranée : le retour de la Turquie ?...

par Bernard Lugan
Ex: http://euro-synergies.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bernard Lugan, cueilli sur son blog et consacré à l'annonce de l'engagement l'armée turque en Libye. Historien et africaniste, Bernard Lugan a publié de nombreux ouvrages, dont  Histoire de l'Afrique du Nord (Rocher, 2016), Algérie - L'histoire à l'endroit (L'Afrique réelle, 2017), Atlas historique de l'Afrique (Rocher, 2018) et Les guerres du Sahel (L'Afrique réelle, 2019).

Et si son intervention militaire en Libye était d’abord pour la Turquie un moyen de pression pour obtenir la révision du Traité de Lausanne qui fixa ses frontières maritimes en 1923 ?

Trois événements de grande importance rebattent le jeu géopolitique méditerranéen :

1) Le 7 novembre 2019, afin de contrôler le tracé du gazoduc EastMed par lequel se feront les futures exportations de gaz du gigantesque gisement de la Méditerranée orientale vers l’Italie et l’UE, la Turquie a signé avec le GUN (Gouvernement d’Union nationale libyen), l’un des deux gouvernements libyens, un accord redéfinissant les zones économiques exclusives (ZEE) des deux pays. Conclu en violation du droit maritime international et aux dépens de la Grèce et de Chypre, cet accord trace aussi artificiellement qu’illégalement, une frontière maritime turco-libyenne au milieu de la Méditerranée.

2) La sauvegarde de cet accord passant par la survie militaire du GUN, le 2 janvier 2020, le Parlement turc a voté l’envoi de forces combattantes en Libye afin d’empêcher le général Haftar, chef de l’autre gouvernement libyen, de prendre Tripoli.

3) En réaction, toujours le 2 janvier, la Grèce, Chypre et Israël ont signé un accord concernant le tracé du futur gazoduc EastMed dont une partie du tracé a été placée unilatéralement en zone maritime turque par l’accord Turquie-GUN du 7 novembre 2019.

Ces évènements méritent des explications:

AVT_Bernard-Lugan_2614.jpgPourquoi la Turquie a-t-elle décidé d’intervenir en Libye ?

La Libye fut une possession ottomane de 1551 à 1912, date à laquelle, acculée militairement, la Turquie signa le Traité de Lausanne-Ouchy par lequel elle cédait la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Dodécanèse à l’Italie (voir à ce sujet mes deux livres Histoire de la Libye  et Histoire de l’Afrique du Nord des origines à nos jours).

Depuis la fin du régime Kadhafi, la Turquie mène un très active politique dans son ancienne possession en s’appuyant sur la ville de Misrata. A partir de cette dernière, elle alimente les groupes armés terroristes sahéliens afin d’exercer un chantage sur la France : « Vous aidez les Kurdes, alors nous soutenons les jihadistes que vous combattez  »…

A Tripoli, acculé militairement par les forces du général Haftar, le GUN a demandé à la Turquie d’intervenir pour le sauver. Le président Erdogan a accepté en échange de la signature de l’accord maritime du 7 novembre 2019 qui lui permet, en augmentant la superficie de sa zone de souveraineté, de couper la zone maritime économique exclusive (ZEE) de la Grèce entre la Crête et Chypre, là où doit passer le futur gazoduc EastMed.

En quoi la question du gaz de la Méditerranée orientale et celle de l’intervention militaire turque en Libye sont-elles liées ?

En Méditerranée orientale, dans les eaux territoriales de l’Egypte, de Gaza, d’Israël, du Liban, de la Syrie et de Chypre, dort un colossal gisement gazier de 50 billions de m3 pour des réserves mondiales de 200 billions de m3 estimées. Plus des réserves pétrolières estimées à 1,7 milliards de barils de pétrole.

En dehors du fait qu’elle occupe illégalement une partie de l’île de Chypre, la Turquie n’a aucun droit territorial sur ce gaz, mais l’accord qu’elle a signé avec le GUN lui permet de couper l’axe du gazoduc EastMed venu de Chypre à destination de l’Italie puisqu’il passera par des eaux devenues unilatéralement turques… Le président Erdogan a été clair à ce sujet en déclarant que tout futur pipeline ou gazoduc nécessitera un accord turc !!! Se comportant en « Etat pirate », la Turquie est désormais condamnée à s’engager militairement aux côtés du GUN car, si les forces du maréchal Haftar prenaient Tripoli, cet accord serait de fait caduc.

Comment réagissent les Etats spoliés par la décision turque ?

Face à cette agression, laquelle, en d’autres temps, aurait immanquablement débouché sur un conflit armé, le 2 janvier, la Grèce, Chypre et Israël ont signé à Athènes un accord sur le futur gazoduc EastMed, maillon important de l’approvisionnement énergétique de l’Europe. L’Italie, point d’aboutissement du gazoduc devrait se joindre à cet accord.

De son côté, le maréchal Sissi a déclaré le 17 décembre 2019 que la crise libyenne relevait de « la sécurité nationale de l’Egypte » et, le 2 janvier, il a réuni le Conseil de sécurité nationale. Pour l’Egypte, une intervention militaire turque qui donnerait la victoire au GUN sur le général Haftar représenterait en effet un danger politique mortel car les « Frères musulmans », ses implacables ennemis, seraient alors sur ses frontières. De plus, étant économiquement dans une situation désastreuse, l’Egypte, qui compte sur la mise en chantier du gazoduc à destination de l’Europe ne peut tolérer que ce projet, vital pour elle, soit remis en question par l’annexion maritime turque.

Quelle est l’attitude de la Russie ?

La Russie soutient certes le général Haftar, mais jusqu’à quel point ? Quatre grandes questions se posent en effet quant aux priorités géopolitiques russes :

1) La Russie a-t-elle intérêt à se brouiller avec la Turquie en s’opposant à son intervention en Libye au moment où Ankara s’éloigne encore un peu plus de l’OTAN ?

2) A-t-elle intérêt à voir la mise en service du gazoduc EastMed qui va fortement concurrencer ses propres ventes de gaz à l’Europe ?

3) Son intérêt n’est-il pas que la revendication turque gèle la réalisation de ce gazoduc, et cela, pour des années, voire des décennies, compte tenu des délais impartis aux cours internationales de justice ?

4) A-t-elle intérêt à affaiblir le partenariat qu’elle a établi avec la Turquie à travers le gazoduc Turkstream qui, via la mer Noire, contourne l’Ukraine et qui va prochainement être mis en service. ? D’autant plus que 60% des besoins en gaz de la Turquie étant fournis par le gaz russe, si Ankara pouvait, d’une manière ou d’une autre profiter de celui de la Méditerranée orientale, cela lui permettrait d’être moins dépendante de la Russie…ce qui ne ferait guère les affaires de cette dernière…

Et si, finalement, tout n’était que gesticulation  de la part du président Erdogan afin d’imposer une renégociation du Traité de Lausanne de 1923 ?

La Turquie sait très bien que l’accord maritime passé avec le GUN est illégal au point de vue du droit maritime international car il viole la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM) que la Turquie n’a pas signée. Cet accord est également illégal au regard des Accords de Skrirat du mois de décembre 2015 signés sous les auspices des Nations Unies et qui constituèrent le GUN car ils ne donnent pas mandat à son chef, Fayez el-Sarraj, de conclure un tel arrangement frontalier. De plus, n’ayant que le Qatar pour allié, la Turquie se trouve totalement isolée diplomatiquement.

Conscient de ces réalités, et misant à la fois sur l’habituelle lâcheté des Européens et sur l’inconsistance de l’OTAN effectivement en état de « mort cérébrale », le président Erdogan est soit un inconscient jouant avec des bâtons de dynamite soit, tout au contraire, un calculateur habile avançant ses pions sur le fil du rasoir.

Si la seconde hypothèse était la bonne, le but de la Turquie serait donc de faire monter la pression afin de faire comprendre aux pays qui attendent avec impatience les retombées économiques de la mise en service du futur gazoduc EastMed, qu’elle peut bloquer le projet. A moins que l’espace maritime turc soit étendu afin de lui permettre d’être partie prenante à l’exploitation des richesses du sous-sol maritime de la Méditerranée orientale. Or, pour cela, il conviendrait de réviser certains articles du Traité de Lausanne de 1923, politique qui a déjà connu un début de réalisation en 1974 avec l’occupation militaire, elle aussi illégale, mais effective, de la partie nord de l’île de Chypre.

Le pari est risqué car la Grèce, membre de l’OTAN et de l’UE et Chypre, membre de l’UE, ne semblent pas disposées à céder au chantage turc. Quant à l’UE, en dépit de sa congénitale indécision, il est douteux qu’elle acceptera de laisser à la Turquie le contrôle de deux des principaux robinets de son approvisionnement en gaz, à savoir l’EastMed et le Turkstream.

Bernard Lugan (Blog de Bernard Lugan, 5 janvier 2020)

mercredi, 08 janvier 2020

Guerre totale en Libye, débarquement de l’armée turque…

L’embrasement de l’autre côté de la Méditerranée et jusqu’aux pays du Golfe semble plutôt s’accélérer.

Alors qu’Erdogan, le grand mamamouchi truc, veut débarquer ses soldats pour « stabiliser » la Libye… ainsi que ses réserves de pétrole, c’est le Général Haftar qui est à la manœuvre en Libye et vient de lancer ses troupes dans la conquête de la ville de Syrte et de son… port !

Où donc Erdogan va-t-il pouvoir débarquer ses chars…? Voilà qui va compliquer la tâche des Turcs, surtout que l’Algérie est vent debout contre l’intervention turque.

Bref, encore un nouveau front à surveiller de près car que ce soit le gaz ou le pétrole algérien ou les approvisionnements libyens, tout cela alimente et irrigue l’Europe en énergie peu coûteuse.

Charles SANNAT

L’Armée nationale libyenne de Haftar entre dans la ville de Syrte et occupe le port, selon une source militaire

Les troupes du maréchal Khalifa Haftar sont entrées à Syrte, ont pris le contrôle du port et de certains quartiers de la ville, a appris Sputnik auprès d’une source militaire au sein de l’Armée nationale libyenne (ANL).

Au cours de la première phase de la prise de Syrte, des forces de l’Armée nationale libyenne ont débarquées et se sont emparées du port de la ville, a indiqué à Sputnik une source militaire.

«[Des unités de Khalifa Haftar] ont pris le contrôle de la base militaire d’As-Saadi, de certains quartiers de la ville et s’avancent à présent vers le centre-ville», a-t-il ajouté.
Les informations sur l’avancement des troupes d’Haftar ont été confirmées par un représentant des Forces de la défense de Syrte à la chaîne Al-Jazeera.

«Les troupes du GNA [Gouvernement libyen d’union nationale dirigé par Fayez el-Sarraj, ndlr] mènent les combats contre les forces d’Haftar qui tentent de s’approcher de la ville de Syrte. Nous confirmons que les troupes d’Haftar se sont emparées de la base militaire de Kardabia au sud de la ville et essayent d’atteindre le centre-ville», a-t-il détaillé.
À son tour, la chaîne de télévision Sky News Arabia signale, se référant aux déclarations de l’ANL, que cette dernière a pris le contrôle complet de la ville.

Source agence russe sputnik.com ici

Les grandes tendances géopolitiques de 2020, région par région

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Les grandes tendances géopolitiques de 2020, région par région


Par Andrew Korybko 

Source oneworld.press

Ex: https://www.lesakerfrancophone.fr

La nouvelle année constitue une opportunité idéale d’attirer l’attention sur les trois tendances géopolitiques les plus importantes pour chaque région, qui pourraient fortement influencer la course des événements au cours des 12 mois à venir.

Amérique du Nord

Trump tenté (piégé?) par Les Démocrates vers une nouvelle guerre

Les périodes d’élections présidentielles constituent systématiquement un moment très sensible en matière de politique étrangère étasunienne : le président sortant (s’il y en a bien un cette fois-ci) essaye en général d’éviter de se faire prendre dans des missions controversées à l’étranger, cependant que l’opposition fait tout son possible pour le pousser à commettre une intervention en vue de faire baisser ses chances de ré-élection.

La possible désignation par les États-Unis des cartels de drogue comme terroristes

Sur les exhortations de son homologue mexicain, Trump a remis dans sa poche sa décision controversée de désigner les cartels de drogue comme terroristes, mais il pourrait la ressortir cette année pour améliorer ses chances de ré-élection, en dépit des conséquences qu’une telle décision pourraient engendrer dans les relations bilatérales avec le Mexique.

L’impact économique de l’ACEUM

On s’attend à ce que la mise en œuvre de l’ACEUM1 (« NAFTA 2.0 ») porte des impacts très positifs sur les économies des trois pays impliqués, chose qui, conjuguée avec une stabilisation relative de la situation au Mexique, pourrait propulser Trump vers un deuxième mandat, en particulier sur le dossier de l’immigration illégale motivée par des raisons économiques vers les États-Unis.

Amérique latine

Possible diffusion du « printemps sud-américain »

L’éclatement à différents niveaux d’une révolte authentiquement populaire dans plusieurs pays d’Amérique du Sud au cours des derniers mois de l’année 2019 peut se diffuser sur le reste du continent, la question qui occupe l’esprit de la plupart des observateurs étant de savoir si le Brésil de Bolsonaro sera épargné par ce scénario.

La poursuite de l’« Opération Condor 2.0 »

Aucun doute que la guerre hybride fomentée par les États-Unis d’Amérique à l’encontre des gouvernements multipolaires-socialistes de cet hémisphère va se poursuivre en 2020, avec le Venezuela, Cuba et le Nicaragua en cibles de premier plan, suite à la réussite de l’opération de changement de régime sur Morales, le président de Bolivie allié de ces pays, en 2019.

La « Citadelle Amérique »

À l’arrière de ses réussites géopolitiques de la décennie écoulée, les États-Unis vont tâcher d’institutionnaliser leur hégémonie fortement rétablie sur l’Amérique latine, au travers d’accord commerciaux bilatéraux bloc à bloc entre l’ACEUM (déjà rattachée à l’ALÉAC2, l’Alliance Pacifique, et le Mercosur, afin de créer une méga-région pro-États-Unis.

Europe

La montée des « Trois Mers »

L’« Initiative des trois mers« , soutenue par les États-Unis et dirigée par la Pologne, va poursuivre sa montée en puissance en matières géopolitique, militaire et économique ; il s’agit d’une cale étasunienne visant à empêcher tout rapprochement non approuvé par Washington entre l’Europe occidentale et la Russie.

La bataille du pouvoir post-Brexit au sein de l’Union européenne

Les traits que prendra de facto le pouvoir politique dans l’UE post-Brexit ne sont pas encore bien distincts, mais il pourrait s’agir ou bien d’une poursuite de l’hégémonie allemande, de l’émergence de la France comme rivale de celle-ci, ou d’une division entre une Europe franco-allemande à l’Ouest et une Europe centrale menée par la Pologne (EuroLibéraux contre EuroRéalistes).

La triangulation des relations commerciales

L’UE constitue un des angles du triangle économique mondial, complété par les États-Unis et la Chine, mais il faut s’attendre à ce que les États-Unis fassent pression sur l’UE pour qu’elle prenne ses distances avec la Chine, suite à la conclusion de la « première phase » de leur accord commercial plus étendu, ou qu’elle assume sa propre possible guerre commerciale contre Trump.

Afrique

La crise des États faillis en Afrique de l’Ouest

Le triangle des frontières Mali-Burkina Faso-Niger est devenu le nouveau « Syrak« , au sens où cet espace constitue une zone stratégique, sans loi mais très étendue, comprenant des millions de personnes, déstabilisée par les menaces terroristes. Les conséquences pourraient déboucher sur une réaction en chaîne d’États faillis et de crises migratoires.

Les élections à venir en Éthiopie

L’Éthiopie va connaître des élections en 2020, qui sont largement décrites comme les plus libres et les plus justes de l’histoire récente de ce pays ; mais le risque est que les lignes de fracture ethnoreligieuses exacerbées par le premier ministre Abiy, lauréat du prix Nobel de la paix, s’approfondissent à l’issue de l’élection et plongent le pays dans une totale « Balkanisation ».

Le conflit de Cabo Delgado au Mozambique

Qu’on en attribue les causes à des terroristes étrangers, à des insurgés locaux, ou à une combinaison des deux, le conflit de Cabo Delgado au Mozambique semble voué à s’empirer en 2020 ; ce qui pourrait porter à conséquences en matière de sécurité sur le plan régional : la communauté Est-africaine est une voisine proche, mais aussi sur le plan mondial, le pays hébergeant d’immenses projets d’extraction de Gaz naturel liquéfié.

Moyen Orient-Afrique du Nord

Ça passe ou ça casse pour le « néo-ottomanisme »

La grande ambition stratégique de la Turquie, visant à rétablir sa sphère d’influence historique, sera mise à l’épreuve en Méditerranée orientale, avec d’une part la construction de l’oléoduc GRISCY par ses rivaux régionaux, et d’autre part, au-delà les étendues maritimes d’Afrique du Nord, sur le dossier incertain de la survie des autorités pro-Ankara à Tripoli.

Le « Nouveau Moyen-Orient »

La baisse d’intensité des guerres en Syrie et au Yémen pourrait déboucher sur un accord tacite de l’ensemble des parties prenantes, tant intra qu’extra-régionales (on pense à la Russie, à la Chine et aux États-Unis dans cette seconde catégorie) quant à un nouveau statu quo régional, qui pourrait même connaître l’influence de l’« Accord du Siècle » de Trump.

Une réconciliation du CCG

Des étapes petites mais réelles ont été actées au cours des dernières semaines dans la perspective d’une réconciliation du Conseil de Coopération du Golfe, entre le Qatar et ses partenaires dans l’organisation (en premier chef, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis), mais ce processus pourrait n’en être qu’à ses débuts ; et le débouché final sera corrélé aux liens futurs de Doha avec Ankara.

Ex-URSS

Vacillement du « numéro d’équilibriste » de la Russie

La Russie va devoir recalibrer son exercice d' »équilibrage » si elle veut espérer poursuivre cette stratégie de manière crédible, suite à son pivot vers l’Inde, et suite à l’hypothèse très sérieuse d’une vente de missile BrahMos à des prétendants sur la Mer de Chine, comme les Philippines ; la situation de confiance avec la Chine, durement gagnée au cours des deux décennies passée, en dépend.

L’Asie centrale poursuit son intégration régionale tous azimuts

Les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale progressent dans leur intégration régionale tous azimuts dans la lignée des réformes pragmatiques en matière de politique étrangère pratiquées par Mirziyoyev, le nouveau président de l’Ouzbékistan, qui ont établi une atmosphère de confiance facilitant la participation volontaire de ces pays à l’OTSC, à l’OCS et aux Nouvelles routes de la soie.

Fin du « numéro d’équilibriste » du Bélarus

Le Bélarus va se voir pressé de choisir entre, d’une part, rester membre des processus d’intégration menés par la Russie, ou d’autre part s’associer aux processus soutenus par les États-Unis et l’UE (« initiative des trois mers » y compris) : ce n’est pas là la résultante d’une « ingérence russe » mais simplement l’échec du « numéro d’équilibriste » de Lukashenko en 2019.

Asie du Sud

Un accord de paix afghan déclencherait un changement de paradigme

On assisterait à un vrai changement de paradigme en matière géostratégique régionale, si les États-Unis réussissaient à conclure un accord de paix avec les Talibans, qui conjuguerait la montée en puissance des parties prenantes multipolaires dans cet État enclavé perclus par la guerre, avec un basculement de l’approche régionale étasunienne, d’un axe militaire vers un axe économique.

Des progrès tangibles sur CPEC+

On assistera très probablement à une expansion du corridor économique Chine-Pakistan en direction du Nord, de l’Ouest et du Sud (respectivement, N-CPEC+, W-CPEC+, et S-CPEC+) courant 2020, l’État pivot mondial du Pakistan commençant lentement mais sûrement à intégrer cette vision dans son approche stratégique générale.

Implosion interne en Inde

Les tentatives du parti BJP au pouvoir d’imposer une « Hindu Rashtra«  à l’État constitutionnel séculaire ont provoqué un niveau de tumulte ethnique, religieux, séparatiste et politique sans précédent depuis la tristement célèbre « urgence » de l’Inde au cours des années 1975-1977 ; la situation va sans doute s’empirer, l’État doublant la mise en matière de violences, et l’économie poursuivant son déclin.

Asie orientale

Implications indo-japonaises dans le grand Est russe

Le « Couloir maritime Vladivostok-Chennai«  (VCMC) va faire monter l’influence de l’Inde sur le grand Est de la Russie, et une percée dans la conclusion d’un accord de paix russo-japonais pourrait en faire autant pour Tokyo, les deux nations asiatiques alliées pouvant aller jusqu’à inviter la Russie à rejoindre leur « Couloir de croissance Asie-Afrique » (AAGC).

« Deuxième Phase » de l’accord commercial?

On ne sait pas encore quand, ni même si, les États-Unis et la Chine conviendront d’une « seconde phase » de leur accord commercial élargi, cette variable étant d’une influence considérable quant à leurs relations en 2020, ainsi que sur l’état de leurs économies.

Le point d’interrogation coréen

Nul ne sait vraiment ce que décidera la Corée du Nord, mais tout recul sur son engagement symbolique à la dénucléarisation pourrait porter à des conséquences très déstabilisantes pour la région, du fait de la réaction que cela pourrait engendrer de la part des États-Unis, en particulier si Trump accuse la Chine d’exercer de supposées pressions sur son partenaire pour qu’il « se comporte mal ».

ASEAN & Océanie

Des missiles supersoniques pourraient perturber l’« l’équilibre des pouvoirs » en Mer de Chine du Sud

Les intérêts importants qu’ont la Russie et l’Inde à vendre leurs missiles de croisières supersoniques BrahMos, produits conjointement, à des États entretenant des différends territoriaux avec la Chine, pourraient complètement remettre en cause l’« équilibre des pouvoirs » qui a jusqu’ici empêché l’éclatement d’une guerre, tout comme pourrait le faire toute tentative étasunienne de les dépasser en livrant le même type d’armement dans la région.

La déstabilisation par l’« armée Arakan » de l’État Rakhine du Myanmar

Au Myanmar [que les médias dominants s’obstinent en occident à nommer « Birmanie », préférant l’appellation néocolonialiste à l’auto-détermination des nations, NdT], l’État Rakhine est connu mondialement comme la région où les efforts contre-terroristes menés par l’armée en 2017 avaient amené à l’exode de plus d’un demi-million de « Rohingyas », mais à présent c’est devenu le dernier front en date dans la longue guerre civile, l’« armée Arakan«  y ayant mené des assauts tout au long de l’année 2019.

La compétition sino-australienne dans le Pacifique Sud

Il est très peu probable que la compétition sino-australienne en cours, visant à gagner l’influence sur le Pacifique Sud (encouragée qu’est l’Australie dans ce jeu par les États-Unis d’Amérique), puisse voir baisser son intensité en 2020 : la constellation de petits États insulaires à faible population continuera de faire l’objet d’une attention mondiale accrue. [A noter que la Chine est le 1er client de l’Australie ce que met cett dernière sur le grill sans jeux de mots, NdSF]

Monde

Les organisations d’intégration régionales sont d’une importance plus grande que jamais

La plus grande partie du monde fait de nos jours partie de blocs d’intégrations politiques et/ou économiques régionaux — ACEUM, Alliance Pacifique, Mercosur, UE, Union Eurasienne, AfCFTA, CCG, SAARC, OCS, ASEAN, OBOR, RCEP —, ce qui amène à l’émergence de relations entre blocs (en opposition aux relations purement inter-nationales) comme vecteur de changement mondial.

Le retour de Kissinger

La stratégie étasunienne kissingerienne de « diviser pour mieux régner » devient relativement plus facile à mener qu’au cours des quelques années passées, du fait du développement de plusieurs lignes de failles entre l’Europe occidentale et centrale, entre la Turquie et ses voisins, entre la Chine et l’Inde, et le vacillement de l’« exercice d’équilibre » russe, parmi d’autres.

Le « grand partenariat eurasiatique » (GEP) constitue le meilleur espoir du supercontinent

Le meilleur espoir de réduire les conséquences déstabilisantes des résurgences de la stratégie ravivée kissingerienne étasunienne réside dans l’intégration par le GEP russe du supercontinent, sur une base bloc-à-bloc. Sa réussite dépend cependant fortement de la capacité de Moscou à recalibrer son « exercice d’équilibre », et de la décision de l’Inde de s’allier ou de contrer ce projet.

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Traduit par José Martí pour le Saker Francophone

  1. 1) 2) Accord Canada–États-Unis–Mexique, en anglais USMCA
  2. Accord de libre-échange entre l’Amérique centrale, les États-Unis d’Amérique et la République dominicaine (communément appelé Accord de libre-échange d’Amérique centrale, ALÉAC, en anglais CAFTA-DR

Libye. Les Etats-Unis sont-ils derrière Khalifa Haftar ?

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Libye. Les Etats-Unis sont-ils derrière Khalifa Haftar ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Sans gouvernement national depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est en proie à des luttes d'influence désastreuses pour la population

Deux autorités se disputent aujourd'hui le pouvoir: le Gouvernement d'Union Nationale GNA à Tripoli, dirigé par Fayez al-Sarraj, reconnu par l'ONU et un gouvernement à Benghazi, dirigé par le maréchal Haftar. considéré comme l'homme fort de l'Est libyen.

Or le 2 janvier 2020 les députés turcs ont approuvé une motion permettant au président Recep Tayyip Erdogan d'envoyer des troupes en Libye pour soutenir le  GNA qui est menacé par une offensive du maréchal Haftar. Il faut rappeler que l'intérêt de la Turquie pour la Libye remonte à l'Empire Ottoman. La régence de Tripoli (carte ci-dessus) était une province plus ou moins autonome de celui-ci, fondée au XVIᵉ siècle et correspondant au territoire de l'actuelle Libye. Sa capitale était Tripoli.

Mais l'intérêt turc a des raisons plus immédiates. A la suite d'un accord maritime avec le gouvernement de Fayez al-Sarraj, la Turquie peut faire valoir ses droits sur de vastes zones maritimes en Méditerranée orientale. Cette région de la Méditerranée contient de très importants gisements de gaz naturel estimés à plus de 100 mille milliards de mètres cubes. Ankara cherche donc à s'octroyer une large part de ces richesses.

L'accord concerne un projet de gazoduc connu sous le nom d'"Eastmed" qui vient d'être signé entre la Grèce, Chypre et Israël afin de sécuriser l'approvisionnement énergétique de l'Europe est venu entraver les tentatives de la Turquie d'étendre son contrôle sur la Méditerranée orientale. L'alliance de la Turquie avec le GNA apparaît comme est une réponse à cet accord. Une présence militaire turque pourrait le rendre inapplicable.

La Turquie est actuellement la partenaire de la Russie dans le cadre d'un accord permettant aux deux pays d'envoyer des patrouilles militaires au nord-est de la Syrie et d'assurer le contrôle en commun d'une grande partie de la frontière turco-syrienne. Cet accord vise à mettre fin à l'offensive turque contre les forces kurdes des Unités de Protection du Peuple, YPG, considérées comme des terroristes par Ankara.

Officiellement présenté comme destiné à assurer une meilleure coordination de la Turquie et de la Russie dans la lutte contre les éléments djihadistes de l'Etat Islamique, l'accord est perçu par les Etats-Unis comme une tentative de la Russie pour étendre son influence sur l'ensemble de la zone. La Russie y apparaît en effet comme un médiateur disposant d'une autorité perdue depuis longtemps par l'Amérique.

Dans ce contexte, le maréchal Haftar, qui s'opposera inévitablement aux contingents militaires turcs envoyés soutenir son concurrent Fayez al-Sarraj, paraît un moyen pour Washington de rétablir son influence non seulement en Libye mais plus généralement au Moyen-Orient, face à l'importance prise désormais par la Russie. Beaucoup d'observateurs se demande dans ces conditions si Haftar, l' « Homme fort » de l'Est libyen, ne se sent pas aujourd'hui encore plus fort du fait d'un appui des Etats-Unis.

jeudi, 14 février 2019

Du mémoriel à la repentance, l’esprit en déroute...

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Du mémoriel à la repentance, l’esprit en déroute...

Ouverture libre

Nous ne sommes plus historiens, ni moins encore mémorialistes, nous sommes “mémoriels” ; c’est-à-dire que nous élargissons l’Histoire, ou bien nous la réduisions, à notre vaste mémoire qui est quelque chose de tout à fait actuel et qui doit servir les causes actuelles en cours de développement hystérique. Tout cela doit aboutir à une narrative de l’Histoire-du-monde telle qu’acceptable aujourd’hui selon le Système ; lequel Système, en cours d’effondrement, est surpuissant et auto-destructeur parallèlement, autrement dit complètement fou.

Attachons-nous à un seul cas parmi les myriades de désordre qui secouent nos relations, nos psychologies, nos jugements, nos certitudes qui sont toutes grosses d’une incertitude au-delà du concevable. L’État de Virginie, aux USA pour être précis et post-Civil War, le monde politique et la moraline psychologiques tremblent sur leurs bases. Cela se situe dans les effets de la révélation que le gouverneur démocrate de l’État, Ralph Northam, s’était grimé en “noir” (“Blackface”) en 1988, photo à l’appui, mais difficilement en raison de la difficulté de reconnaître le coupable derrière sa couche de cirage noir. Exigences de démission partout, y compris chez les n°2 et n°3 de l’État, qui ont depuis, eux-mêmes, été accusés d’avoir fait du Blackface, et ainsi de suite... Northam a répliqué en soulevant un point d’histoire, savoir que les premiers Noirs arrivés en Virginie (en 1619) n’étaient pas nommés “esclaves” (terme adopté en 1661, semble-t-il) mais “serviteurs sous contrats” (IS, ou Independent Servants). Quelques mots sur ces dernières péripéties, où l’on reconnait l’habile tartufferie à la fois puritaine et capitaliste... 

 « Déjà confronté à des appels à démissionner à la suite du scandale “blackface”, le gouverneur de Virginie, Ralph Northam, a suscité une nouvelle vague d’indignation, de moquerie et une vérification sérieuse des faits [historiques], après avoir qualifié les premiers Africains aux États-Unis de “serviteurs sous contrat”.

» Quelque 400 ans après que les premiers Africains eussent été amenés à Point Comfort, connu aujourd'hui sous le nom de Fort Monroe à Hampton, en Virginie, la société américaine reste divisée sur son héritage amer, – ainsi que sur la sémantique du terme ”esclavage”. La [polémique] des premiers esclaves noirs a éclaté dimanche, après que le gouverneur Northam eut présenté sa perception de l'histoire de l'État de Virginie. »

Voilà pour ce qui semble être les faits de cette fascinante polémique, – enfin peut-être les faits véridiques, qui sait, – et nous laissons à chacun, sans grandeur mais aussi sans intérêt aucun pour le cas, le soin de trancher.... 

Passons à autre chose.

Qu’est-ce que font tous ces gens ? Ceux qui s’étripent aux USA, ceux qui s’étripent en Europe, au sein et autour de la civilisation du bloc-BAO ? Qui le font en apparence à propos de l’Histoire, en vérité à propos de l’instant présent et réduit à Rien d’autre, de l’Histoire du Big Now et de l’Histoire réduite au Big Now ?  Rien avant, Rien après, un Grand Tout qui est un Grand-Rien dans le Big Now, – et Avant Nous, et Après Nous le Déluge, et En avant/En arrière la zizique... L’Histoire réduite aux seules polémiques, affrontements, écharnements d’hybris de l’immédiat, Moment immobile de la postmodernité réduite à elle-seule.

Dans les temps anciens, l’historien se nommait “historien” ou bien, d’une façon plus large, “mémorialiste”. Dans ce dernier cas, le mot avait à voir avec le souvenir d’une chose passée ou avec un témoignage sur son temps, avec toutes les possibilités du simulacre de la subjectivité (quand la subjectivité se fait simulacre), complotistes et accidentelles que cela suppose et dont chacun avait la possibilité à l’esprit, – à cet esprit-là qu’on nomme en général, entre “honnête homme” au sens du XVIIème siècle, un “esprit critique” : « Mémorialiste : Auteur de mémoires historiques (chroniqueur, historien) ou d'un témoignage sur son temps. » En aucun cas, sinon simulacre né de la subjectivité, accidentellement ou par esprit de complot, n’entrait en jeu d’une façon impérative une dimension morale et objective. Le “mémorialiste” était historien “à la fortune du pot”, selon son intelligence, son honnêteté, ses principes, les normes de l’harmonie et de l’équilibre des choses et des formes qu’il voulait respecter , etc.

Aujourd’hui, nous avons, – quasi-pléonasme, nous n’avons trouvé qu’une seule référence, sans aucun intérêt, – le “mémoriéliste”, le personnage chargé universellement du “devoir mémoriel”, ou “devoir de mémoire”.

(Les tartuffe qui abondent-en-marche aujourd’hui vont jusqu’à dire “Faisons mémoire ensemble”, ou mieux, comme au début de début de l’interview dite Le Grand Jury de Richard Ferrand, le 28 janvier 2019 : « Je voulais faire mémoire avec vous ». La première question posée concernait la présence du président LREM de l’Assemblée Nationale à la manifestation des “Bonnets Rougies“ anti-Gilets-Jaunes. Ferrand dit toute sa sympathie aux premiers mais que son devoir de réserve empêchait une telle participation ; mais certes, il dit d’abord, s’adressant aux journalistes présents, qu’il voulait « faire mémoire avec [eux] » pour le 75èmeanniversaire de la libération du camp d’Auschwitz. Pour encore mieux faire, Ferrand aurait pu saluer l’Armée Rouge qui fut la libératrice du camp le même jour où prenait fin la bataille de Leningrad avec ses 400 000-1 500 000 morts en 900 jours. Mais les Russes méritent-ils aujourd’hui de partager ce même “faire mémoire” de l’exemplaire serviteur de la République qu’est Ferrand ?)

L’“Histoire” a changé de nature, en France, comme accidentellement par rapport aux énormes effets qui ne cessent de se multiplier, par le vote en 1990 d’un amendement à une loi dite depuis “Loi Gayssot” dont on connaît bien la définition. Diana Johnstone en entretenait parfaitement Noam Chomsky le 13 juin 2010 dans une “Lettre ouverte”, au paragraphe dit « La “Loi Gayssot” et la religion d’État », où se trouve les deux mots essentiels de “mémoire” et de “pénitence” : 

« Personne ne pouvait être pleinement conscient à l’époque, au début des années 1980, de jusqu'où mènerait “l’affaire Faurisson”. Le scandale suscité par le professeur de littérature qui entreprit de contester la réalité de l’utilisation des chambres à gaz pour exterminer les juifs dans les camps nazis s’est avéré être un moment clé dans un processus qui a mené à l’établissement du génocide des juifs, sous la désignation de “Shoah”, comme religion de mémoire et de pénitence, promue au statut de dogme officiel.

» Loin de suivre vos conseils, en juillet 1990, l’Assemblée nationale adopta un amendement à la loi de 1881 sur la liberté de la presse appelé la loi Gayssot, d'après le nom du membre du Parti communiste qui l’avait introduit. Selon cet amendement, seront punis “ceux qui auront contesté […] l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité, tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international” de Nuremberg, commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle par ce statut, “soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale”. »

Dès lors, et quelles que soient ici les circonstances et les soi-disant nécessités, l’histoire avait complètement changé de nature. Dans ce cas de l’institution d’une “religion d’État”, elle se définissait d’un point de vue moral et objectif sans révision possible d’aucune sorte, – d’où le caractère quasi-diabolique que cette “religion d’État” mit aussitôt dans le thème de “révisionnisme” immédiatement mis en équivalence du terme nihiliste de “négationnisme”, tout cela selon une pratique pseudo-historique promise à un immense succès, qui est la politique de la repentance. Dès lors, l’histoire n’avait plus rien à voir avec ce qu’elle avait été, et le mémorialiste, personne dont l’intérêt est tourné vers la compréhension de l’instant passé, devint un “mémoriéliste”, personne dont l’intérêt se définit par la capacité de ramener l’instant passé aux normes présentes, actuelles, aux normes du Big Now si l’on veut.

Le problème de cette mutation est que l’histoire devenue “religion d’État”, et manifestement religion monothéiste, se mettait en place au momentoù se développaient, postmodernité oblige et continue à obliger, le multiculturalisme, le multi-ethnisme, les diverses facettes de l’antiracisme et du “genrisme” et ainsi de suite, tout cela à la lumière de la bienpensance-Système. A ce moment, l’histoire passait de l’enquête sur le passé et le souvenir à l’affirmation d’une mémoire du Big Now devant adapter tout le contenu mémoriel aux exigences idéologiques du susdit Big Now. Ainsi se trouve confronté le dogme d’une religion d’État, ou disons plus postmoderne d’une religion du Big Now aux exigences infiniment multiples de toutes les catégories énoncées. 

Tout cela nous ramène à l’affaire initiale qui nous paraît à première vue si dérisoire et si évidente du point de vue du phénomène nommé “esclavage”, pour être confrontée à l’appréciation d’une école historique africaine réclamant que la lumière soit faite et acceptée, et adoubée pourrait-on dire en termes religieux, sur la responsabilité des “nations arabo-musulmanes” quant à la carastrophe de leur “leur traite négrière”. Les “esclaves” africains venus aux USA et devenus Africains-Américains sont nombreux aujourd’hui à se tourner vers l’Islam (The Nation of Islam, de Louis Farrakhan) et en même temps à demander réparation aux Blancs (Caucasiens-Américains, ou WASP) ; mais savent-ils ce que vaut la référence islamique dans leur cas du fait du sort de leurs ancêtres africains ?

Il ne s’agit pas ici, en aucun cas parce que notre cible reste le Système et la situation qu’il impose, de prendre position mais de poser la question de la relation existante entre la condamnation de toute approche “trop” (?) critique (islamophobie) du comportement de ce qu’on nomme “l’Islam en général” par rapport à ce que l’on doit penser (antiracisme) de ce que l’on nomme “l’esclavage en général”, toutes choses selon les consignes du Système ; et, ayant posé cette question, de constater l’impossibilité d’une réponse acceptable qui ne contienne pas, d’une façon ou l’autre et dans un sens ou l’autre, une contrainte, une mise à l’index, un attentat meurtrier et catastrophique contre “l’esprit critique”, – pour ne point parler des débris de ce qui fut la liberté du jugement.

Cette question sans réponse pour notre compte, – nous laissons le Système surpuissant face à ses contradictions autodestructrices, – est illustrée ici par une interview du 9 février 2019 par le site suisse LesObservateurs.ch du « Chercheur, anthropologue, économiste et écrivain franco-sénégalais, Tidiane N’Diaye [qui] a publié de nombreux essais sur l’esclavage des Noirs. L’un d’eux, Le Génocide voilé (2008), est une brillante enquête historique sur les traites négrières arabo-musulmanes. » (Le titre initial de l’interview est « Que les nations arabo-musulmanes se penchent enfin sur leurs traites négrières ».)

dedefensa.org

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Interview de Tidiane N’Diaye

Dans Mémoire d’errance (1998), vous aviez écrit que « malgré son  isolement, l’Afrique a vu de grandes civilisations se développer sur son sol. Mais elle est longtemps restée méconnue de l’Europe et plus généralement du monde ». En savons-nous maintenant plus sur ces civilisations ? 

Tidiane N’Diaye : Avant d’être asservie, l’Afrique fut le siège de civilisations grandioses. Selon certains scientifiques, qui font de l’Afrique le berceau de l’humanité, l’histoire des peuples noirs commence même bien avant celle des peuples indo-européens. Il est temps de revisiter ces remarquables civilisations que sont les royaumes du Grand Zimbabwe, de l’Egypte négro-africaine (25ème dynastie nubienne des pharaons noirs), d’Ethiopie, du Ghana, du Mali. L’Empire du Ghana est considéré comme le premier Etat structuré de l’Afrique de l’Ouest. L’Empire du Mali a été fondé au XIIe siècle. Tombouctou, ville du Mali, a connu un âge d’or au cours duquel des milliers de livres auraient été écrits. Ces livres, près de 100 000 manuscrits qui commencent à être exhumés, vont permettre de mieux connaître l’histoire de l’Afrique. Leurs contenus, qui couvrent les domaines de l’astronomie, de la musique, de la botanique, du droit, des sciences, de l’histoire, de la religion, du commerce, témoignent d’une Afrique qui écrit sa propre histoire. Hélas, l’histoire des royaumes subsahariens des deux derniers millénaires, est mal connue par manque de sources écrites ou de vestiges archéologiques.

Au début du VIIe siècle, dans quel état se trouve l’Afrique? 

Tidiane N’Diaye : Pendant plusieurs siècles, le continent noir a vécu en quasi-autarcie. Il fut coupé du reste du monde du néolithique à l’âge de fer. Grecs et Romains n’avaient visité que les régions de la partie nord, sans pousser plus en avant leurs entreprises. L’usage de l’oralité n’a jamais empêché la pratique de bon nombre de disciplines scientifiques au sein des civilisations africaines. Pendant très longtemps, cette tradition orale a également servi de vecteur naturel dans la transmission des connaissances en Europe où, jusqu’au XIIIe siècle, seule une minorité d’aristocrates savait lire et écrire. À Tombouctou, haut lieu de culture, dès le XIIe siècle l’université de Sankoré soutenait avantageusement la comparaison avec les universités européennes. Là s’enseignait depuis bien longtemps la géométrie, l’astronomie et l’arithmétique.

ndiayelivre.jpgDans Le Génocide voilé (2008), vous situez le début de la traite négrière arabo-musulmane au moment de l’islamisation du continent. Vous évoquez l’année 711, où les Arabes reviennent de la péninsule ibérique pour islamiser les peuples africains…

Tidiane N’Diaye : La conquête arabe du continent s’était déroulée à l’Est et au Nord. Selon des sources orales que nous avons difficilement vérifiées, il semblerait qu’au moment où, sous le commandement du gouverneur Hasan, les Arabes occupaient l’Afrique du Nord en 703, une autre tentative d’invasion militaire ait eu lieu vers le Sud du continent. Mais elle fut stoppée par la mouche tsé-tsé, qui sévit dans les forêts. Si cette bestiole a la particularité de transmettre la maladie du sommeil à l’homme, elle tue les chevaux. Ainsi, l’action des forces d’invasion arabes s’arrêtera, dans un premier temps, aux territoires situés à la limite du Sahara et, d’une façon marginale, à l’Est africain. Par la suite, les Arabes, ayant conquis l’Égypte, allaient y asservir de nombreux peuples venant de la Nubie, de Somalie et du Mozambique ou d’ailleurs, au cours de la première expansion islamique.

Pour les soldats de la guerre sainte islamique, le monde est divisé en deux parties : il y a les territoires de l’Islam et le reste. Pour ces fous de Dieux, il était du devoir des musulmans de soumettre et de convertir tous ceux qui ne l’étaient pas. Aussi, devant les assauts répétés des « djihadistes » arabes, les Nubiens préférèrent négocier la paix en concluant en 652 un traité connu sous le nom de « Bakht ». Ce traité inaugurait une traite négrière en grand, car l’émir et général Abdallah ben Saïd imposa aux Nubiens, par ce « Bakht », la livraison annuelle et forcée de 360 esclaves. La majorité des hommes objets de ce contrat, était prélevée sur les populations du Darfour. Et ce fut le point de départ d’une énorme ponction humaine, qui sera effectuée non seulement dans toute la bande soudanaise, mais aussi de l’océan Atlantique à la mer Rouge passant par l’Afrique orientale. Cette ponction se répartira soit localement, soit beaucoup plus loin que toutes les régions du monde musulman et ce, du VIIe au XXe siècle.

Dix-sept millions de victimes tuées, castrées ou asservies pendant plus de treize siècles sans interruption. Le Génocide voilé contient de nombreuses horreurs qui font froid dans le dos. Comment se fait-il que cette page sombre de l’Histoire reste encore peu connue ? 

Tidiane N’Diaye : Un tel génocide, chose curieuse, très nombreux sont ceux qui souhaiteraient le voir recouvert à jamais du voile de l’oubli, souvent au nom d’une certaine solidarité religieuse voire politique. L’Afrique compte aujourd’hui entre 500 et 600 millions de musulmans. Raison pour laquelle la plupart des historiens africains ou autres, ont restreint le champ de leurs recherches sur les traites négrières à celle pratiquée par les nations occidentales. Notre propos n’a rien de moralisateur, car comment comparer ce qui fut, compte tenu des mentalités et des sensibilités de l’époque, avec notre présent. Le souhait est que les générations futures soient informées de l’antériorité et de la dimension de la traite transsaharienne et orientale. Et que les nations arabo-musulmanes se penchent enfin sur cette sinistre page de leur histoire, assument leur responsabilité pleine, entière et prononcent un jour leur aggiornamento comme les autres et c’est cela aussi, l’Histoire.

Vous avez écrit trois ouvrages sur la traite transatlantique. On ne peut donc absolument pas vous soupçonner de complaisance envers cette dernière. Mais vous racontez dans Le Génocide voilé que c’est la colonisation européenne, notamment française, qui a mis fin à la traite arabo-musulmane… 

Tidiane N’Diaye : Après les abolitions occidentales, des traités furent signés pour éradiquer cette ignominie. Au congrès de Vienne, en 1815, et à celui de Vérone, en 1822, l’horreur de la traite négrière fut dénoncée comme « un fléau qui a longtemps désolé l’Afrique, dégradé l’Europe et affligé l’humanité ». Par la suite, la publication des récits de voyages de David Livingstone et de Henry Stanley incita sans doute le roi des Belges, Léopold II, à agir. Du moment que la traite arabe ne pouvait plus trouver de débouchés sur l’océan Indien, le souverain belge se proposait d’en extirper les dernières racines dans l’Est du Congo. Il entreprit d’inviter à Bruxelles la Conférence internationale de Géographie. Préparée par Émile Banning, cette rencontre se déroula du 12 au 19 septembre 1876 et rassemblait des personnalités aussi éminentes que Georg Schweinfurth (Allemagne), Verney Cameron (Grande-Bretagne) et le vice-amiral de la Roncière-le Noury (France). Une « Association Internationale pour l’Exploration et la Civilisation de l’Afrique centrale » fut créée. Les Arabes seront battus et chassés du Congo. Le 1er aout 1890, les Anglais poussèrent officiellement – comme les Français en Afrique du Nord – le sultan de Zanzibar à promulguer un décret, interdisant la traite et l’esclavage.

Ceci étant, l’abolition de la traite transatlantique n’a pas mis fin à des rapports pervers et déshumanisants entre colons français et colonisés africains. Sans même se référer à des études historiques, il suffit de relire l’aventure coloniale de Céline en Afrique relatée dans Voyage au bout de la nuit pour en avoir le cœur net…

Tidiane N’Diaye : Au XIXe siècle, l’Europe était en pleine révolution industrielle et urbaine. Ses puissances tentaient de convaincre qu’un tel tournant dans l’histoire de l’humanité était lié au triomphe de leur civilisation. Du fait de la toute nouvelle industrialisation, comme des avancées scientifiques et techniques, elles prétendaient apporter le progrès à des « peuples attardés ». Alors qu’après l’abolition de l’esclavage, l’intérêt que ces pays portaient encore à l’Afrique, était éminemment mercantile. L’horreur passée, que des raisons économiques avaient engendrée, les mêmes raisons aidèrent tout simplement à la défaire. L’abolition de l’esclavage devait beaucoup plus à l’économie qu’à la morale. Elle intervenait, à un moment où la révolution industrielle opérait une grande mutation. Et les industries de transformations nées de cette révolution avaient besoin d’autres choses que de bras serviles à mener par le fouet. Elles étaient tributaires d’un nouveau type de main-d’œuvre, de matières premières et de débouchés. Comme par malédiction, tous ces éléments indispensables à la nouvelle économie se trouvaient encore en Afrique. Les rapports entre Européens et Africains seront donc pendant longtemps ceux de dominants à dominés.

L’actuel racisme anti-noirs des pays du Maghreb est-il lié aux très longues traites arabo-musulmane auxquelles ces pays ont participé ? 

Tidiane N’Diaye : Dans l’inconscient des Maghrébins, cette histoire a laissé tellement de traces que, pour eux, un « nègre » reste un esclave. Ils ne peuvent pas concevoir de noirs chez eux. Regardons ce qui se passe en Lybie, au Maroc ou ailleurs dans les pays du Golfe. On retrouve des marchés d’esclaves en Libye ! Seul le débat permettrait de dépasser cette situation-là. En France, pendant la traite et l’esclavage, il y a eu des philosophes des Lumières, comme l’abbé Grégoire ou même Montesquieu, qui ont pris la défense des noirs alors que, dans le monde arabo-musulman, les intellectuels les plus respectés, comme Ibn Khaldoun, étaient aussi des plus obscurantistes et affirmaient que les « nègres » étaient des animaux. Cette posture a survécu au temps et dans l’esprit des arabo-musulmans en général.

Revenons chez nous : le 7 novembre 2018, la Cour de Cassation de Paris a rejeté une demande de réparation et d’indemnisation des descendants  d’esclaves de la traite transatlantique. Que vous inspire le rejet de cette demande ? 

Tidiane N’Diaye : Les Antilles françaises ont enregistré un boom économique sans précédent grâce aux esclaves africains. Le travail de ces déportés a fait la fortune des colons et des maîtres créoles mais aussi de la France. À la fin du XVIIIe siècle, les échanges de la Martinique, de la Guadeloupe et de Saint-Domingue avec l’étranger, constituaient les deux tiers du commerce extérieur français. Grâce à l’économie des îles antillaises, la France des négociants de 1787 était le plus grand distributeur d’Europe de produits exotiques. Après l’abolition, en compensation de leur « perte de main d’œuvre », la France a versé aux anciens maîtres esclavagistes, la somme de 6 millions de francs, ce qui, en franc constant converti à l’Euro actuel, est énorme. Dans le même temps, les noirs ou « nouveaux libres », seront jetés dans la rue comme si la liberté seule pouvait gommer toutes les horreurs du passé. A ces esclaves libérés, rien ne fut accordé. Au demeurant, si réparations il doit y avoir, cela devrait concerner avant tout les descendants de ces enfants, de ces femmes et de ces hommes, dont la vie a basculé sans retour dans l’horreur et la désolation. Ils vivent aujourd’hui aux Antilles, en Guyane et à la Réunion. Quelles formes pourraient prendre ces réparations ? Aux autorités françaises d’examiner un jour la question.

vendredi, 06 juillet 2018

La ruée vers l'Europe (Stephen Smith)

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La ruée vers l'Europe (Stephen Smith)

 
Une note de lecture sur l'ouvrage d'un journaliste spécialiste de l'Afrique à propos des perspectives migratoires
 

samedi, 05 mai 2018

MAROC : Quels enjeux stratégiques pour l'Europe et l'Afrique ?

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MAROC : Quels enjeux stratégiques pour l'Europe et l'Afrique ?

Conférence de Charles Saint-Prot et Michel Ruimy à l’Ecole de guerre économique, le 19 mars 2018
 
 
 

dimanche, 22 avril 2018

Geopolitics of water

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Geopolitics of water

 
https://www.geopolitica.ru
 
At the center of the earthly paradise is the Tree of Life. From its roots are born four rivers whose branches, according to St. John Damascene, are to be identified respectively with the rivers Nile (Gihon), Tigris (Hiddekel), Euphrates (Prath) and Ganges (Pison). No coincidence that the four lines along which some of the most important civilizations of antiquity evolved. The water of these rivers has a sacred value that exceeds the function of source and sustenance of life of which they are carriers. From the floods of the Nile, to which a divine character was attributed, depended on the prosperity or otherwise of the ancient Egyptian dynasties. And on an island of Lake Tana, at the source of the Blue Nile, it is said that it was kept, before its transfer to Axum (ancient spiritual center long disputed between Fascist Italy and Britain in the previous century), the Ark of the Covenant, given, according to the Ethiopian national poem The glory of Kings, from King Salomon to Menelik I, the son he had with the Queen of Sheba. And again in 2009, the then patriarch of the Ethiopian Orthodox Church of Coptic Rite, Abuna Paulos, said: Ethiopia is the throne of the Ark of the Covenant.
 
For those familiar with sacred geography, it will not be surprising to see the presence of profound archetypal reminiscences of the aforementioned subject in today's geopolitical dispute around the waters of the Nile. This river, which has a course of over 6000 km, with its tributaries, is a vital and cultural resource for at least 160 million people divided over ten different nations. International jurisprudence regarding the use of this resource is surprisingly limited. In 1929 a Treaty about the waters of the Nile was signed between the Kingdom of Egypt (formally independent) and Great Britain which recognized the country of the Pharaohs the exclusive right to exploit the resource with a small share to be allocated to Sudan. The 1959 Treaty between Egypt and Sudan touched this quota in favor of Khartoum (75% of the water to Egypt and 25% to Sudan) but continued to exclude the eight upstream countries from which the water comes. Nearly 85% of the Nile's waters come from Ethiopia.

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Precisely Ethiopia was the main architect of the Cooperation Framework Agreement of 2010: an agreement made by the Nile Basin Initiative which, without the consent of Egypt and Sudan, has called into question the 1959 Treaty and the volume of water intended for Egypt. The renewed regional ambitions of Ethiopia do not derive exclusively from its proud nationalism or its imperial heritage. These are also born from the observation that the ever increasing rates of economic and demographic growth (the country, with a rate of 8.7%, ranked second in the world as economic growth in 2015) will require an ever-increasing need for water and energy at low cost to support industrial and agricultural development.

The Grand Ethiopian Renaissance Dam

Already in the thirteenth and in the fourteenth century the Ethiopian emperors threatened to intervene to block the course of the Nile. Today, this perspective, long been feared by an Egypt that for centuries has considered the river as an exclusive and intractable property (just think that Mubarak during the entire course of his long presidency has never visited a country in sub-Saharan Africa ), is becoming a reality with the project of the Grand Ethiopian Renaissance Dam: a project capable of annihilating the famous Aswan dam of Nasserian memory in importance and scope and which is leading the region to the brink of the umpteenth armed conflict inherent the rights of exploitation of natural resources. The dam, whose construction site was inaugurated in 2013 (during the Morsi presidency in Egypt) and whose construction is protected by a no-fly zone over the surrounding area, was founded on the basis of a substantial Chinese funding associated with the Italian project by Salini-Impregilo. 1.8 km long and 155 m high, the dam will be the largest structure of its kind in Africa and will support what will be the largest power plant on the continent with a capacity of 6000 megawatts.

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The project, despite the Ethiopian assurances, has naturally upset the Egyptian plans that continue, threatening also the military intervention, to consider inalienable their right to 55.5 billion cubic meters of water on the 88.8 that the river produces every year. For al-Sisi, water is a matter of national security. And Egypt, as he said, is able to protect his national security. A statement that sounds at least paradoxical if one considers that the Arab state, despite the proclamations and the grandiose projects of economic development (doubling of the Suez Canal and exploitation of the Zohr gas field), continues to remain a sort of Saudi economic protectorate: it’s enought think of the transfer of sovereignty to the Saudis, obviously approved by Israel, of the islands of Tiran and Sanafir located at the entrance to the Gulf of Aqaba.
 
The arrogance with which Egypt seeks to prevent a real emancipation or the development of neighboring countries reminds us the Zionist geostrategy all directed to the exclusive possession of natural resources and the maintenance of neighbors in an eternal state of necessity and under the constant threat of retaliation. Consider the fact that recently, in defiance of any rule of international law and in total antithesis with what is the classic deterrence (threat to a potential enemy not to harm you on "your" territory), Israel has managed to threaten the Lebanon of attack in case it builds military infrastructures on its territory or if it exploits the resources of its territorial waters. In fact, even before it was born, the Zionist geopolitical strategy was based on the possession and control of the water resources of the region. It is not simply by religious feeling that the living space for the Jewish state designed by Theodor Herzl recalled the biblical verse:
 
from the river of Egypt (the Nile) to the great river (the Euphrates)
 
The exclusive possession of water is the foundation of Israel's very existence. On it the Zionist entity was able to found the myth, however wholly questionable, of the desert transformed into a garden.
 

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Thus, in the instant after the creation of the state, the first objective was the deviation of the river Jordan. Today, Jordan can only take 30% of this river's waters. And then, with the wars of aggression of 1967 and 1982 (Operation Peace in Galilee in southern Lebanon), Israel managed to seize all the major water resources of historic Palestine, including a good part of the Yarmouk River on Syrian heights of the Golan and part of the Litani River in southern Lebanon. At the same time, Zionist settlers from the West Bank, despite repeated UN convictions and failing to comply with the same conventions Israel is signatory to (above all the IV Geneva Convention of 1949 prohibiting the destruction of property in the occupied territories or the transfer of these to the occupying authorities), exploit water resources and prevent access to the Palestinians. Not to mention that the Israeli national water companies, Mekorot and Tahal, continue to extract water from the Palestinian wells and then resell it at increased price to the Palestinians, while the bills of the Zionist settlers remain at the expense of the World Zionist Organization.
 
Now, returning to the Nile game, it is important to underline that Sudan, so unpopular with the West, is playing a decisive role in it. After its exit from the coalition that attacks Yemen since 2015 and after renewing the diplomatic and commercial ties with Turkey (Egypt's sworn enemy), through the sale of the former Ottoman port of Suakim (an island close to Port Sudan and port with an ancient reputation as a crossroads between Asia and Africa), Sudan began to be represented in the Egyptian media as a nation that is conspiring against Egypt under the shadow of Turkey and, not to mention, of the Iran. In fact, the Sudan of Omar al-Bashir, thanks to the secession of the South imposed by the invading hand of the International Community, despite the parties in conflict had reached a historic agreement in Nairobi shortly before, has lost 50% of its oil resources and was forced to implement programs of profound economic diversification that, once again, affected the problem of exploitation of the waters of the Nile. And this time he could not help but align himself with the Ethiopian claims and firmly oppose the project of division into five parts of the country desired by the United States whose realization would be entrusted, according to al-Bashir, to Eritrea: a nation that has supported not a few terrorist groups in the region and in which Egypt and United Arab Emirates have deployed their troops.

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The situation is deeply unstable and the recent meeting between al-Bashir and al-Sisi does not seem to have mitigated the tension despite the promise of new future meetings. Undoubtedly,  United States can not allow nations like Ethiopia and Sudan to become new pivots of multipolar order. The request to Russia to protect against North American aggression, accompanied by the offer of a military base on the Red Sea and a preferential channel for trade relations, sounds like a further threat to the thalassocratic control over the Eurasian rimland after the weary and unpopular role that the US is playing in the unsuccessful aggression of their Wahhabi allies in Yemen.
 
A country rich in natural resources, Sudan is a crucial junction between North Africa and sub-Saharan Africa. Two arrest warrants of the International Criminal Court are already hanging on the head of its president, unpopular to the West for its unprecedented union between nationalism and Islam. An institution to which 120 countries in the world belong but from which, not accidentally, USA and Israel look good from adhering to: two nations, war criminals in effect, who are in the front row in demanding the capture of al -Bashir. China, in spite of Western sanctions, has sensed the enormous potential of the country and has started the project for the construction of a railway that connects Port Sudan to the capital of Chad, N'Dajamena: a sort of African silk road that in the future could connect the west coast of the continent with the east coast.
 
The repositioning of Ethiopia in a perspective of opposition to the North American hegemonic design (already during the previous US administration prominent exponents of the Church had indicated in Barack Obama the incarnation of the Black Antichrist, sign of the times in the Ethiopian Coptic tradition) and the Sudan's approach to Russia and China are news in the geopolitical dynamics within the macro-region that includes the western shore of the Arabian peninsula, the Red Sea with the basic passages of Suez and Bab el-Mandeb and the northeastern band of Africa . In this context, the match of the Nile can mark a further turning towards the establishment of a real multipolar order.
 
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Original article by Daniele Perra:
 
Translation by Costantino Ceoldo – Pravda freelance
 

lundi, 19 mars 2018

Mayotte ou l'Europe dans 50 ans

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Mayotte ou l'Europe dans 50 ans

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Mayotte a recensé à ce jour 50% d'immigrés comoréens sur l'ile. La plupart sont clandestins, si bien que leur nombre exact reste peu connu. La ministre française des Outre-mer a évoqué cette question lors de son séjour actuel à Mayotte. Malgré les discours, aucune solution réelle au problème n'est envisageable.
 
Il faudrait en effet déployer des moyens considérables de gendarmerie maritime, complétés de forces navales importantes, pour empêcher toute intrusion d'embarcations surchargées de migrants dans les eux territoriales de l'Ile. Et que signifierait empêcher, sinon après des tirs de sommation qui resteraient inévitablement sans effet, tirer sur elles à balles réelles. On imagine le scandale international qui résulterait de l'exhibition du cadavre d'un de ces migrants, notamment par les diverses ONG se disant humanitaires qui combattent la présence française dans cette partie du monde.

Les Français de la Métropole restent indifférents. Mayotte est loin, et que faire en effet ? Il en est de même des quelques observateurs européens de la situation.

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Mais aucun Européen ne réalise apparemment que dans un demi-siècle, la situation des Mahorais sera la leur, face aux 3 ou 4 milliards d'habitants que comptera l'Afrique. Le continent sera frappé par le changement climatique. Quant aux espoirs de développement énergétique, agricole et industriel que se plaisent à évoquer les spécialistes, il y a tout lieu de penser qu'ils n'auront pas d'effets sensibles dur la disproportion entre ressources et besoins. Ceci d'autant plus qu'aucun contrôle de la démographie ne pourra être assuré, à supposer que des populations encore imbues de religiosité le veuillent.

Il se produira donc des migrations massives d'Africains vers l'Europe durant la période envisagée. Les Etats européens, à supposer qu'ils l'aient voulu, n'auront rien pu faire pour les empêcher. On comptera donc dans les frontières de l'Europe actuelle 50% de populations africaines ou d'origines africaines, qui n'auront en rien voulu renoncer à leurs croyances et à leurs moeurs. Encore faudra-t-il se féliciter si les islamistes radicaux du type de Boko Aram ne se soient pas multipliés parmi eux.

Pourquoi constater cela ici, si effectivement aucune solution ne permettrait aux Européens et à leur civilisation de disparaître? Sans doute parce que fermer les yeux ne pourrait en aucun cas être une bonne attitude

Référence

Selon France info du 13/03/2018 https://www.francetvinfo.fr/economie/crise-a-mayotte/mayo...

La ministre des Outre-mer, Annick Girardin, a annoncé ce lundi des renforts de gendarmerie pour assurer la sécurité des habitants. Je crois que c'est très insuffisant. Elle n'a pas compris ce qui se passe à Mayotte. Elle n'a pas compris ce qu'attendent les Mahorais, car elle est arrivée à Mayotte avec des solutions toutes faites à Paris sur la sécurité, alors que les Mahorais attendent qu'elle se mette autour d'une table pour négocier", explique Younous Omarjee, député européen de la Gauche unitaire, en direct de Strasbourg.

Concernant l'immigration illégale venue des Comores, "la France a la responsabilité de contrôler et de surveiller ses frontières, car Mayotte se situe hors de l'espace Schengen". De plus, à Mayotte, "près de la moitié de la population est clandestine", ajoute-t-il. Younous Omarjee préconise de "refonder la relation avec l'Union des Comores" et critique la politique européenne qui "crée la désespérance". Il déplore également que "les moyens qui devaient accompagner la départementalisation" de la région de Mayotte n'aient "pas été au rendez-vous". Selon lui, la priorité est "d'investir massivement dans les services publics, parce que c'est le désert dans les domaines de la santé et de l'éducation".

jeudi, 11 janvier 2018

Kémi Séba et l’«Effet-Dakar»: le défi anti-mondialiste des afro-descendants

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Kémi Séba et l’«Effet-Dakar»: le défi anti-mondialiste des afro-descendants

Dany Colin
Ex: http://www.geopolitica.ru

Les récents événements survenus à Dakar au sujet du combat panafricaniste ET anti-mondialiste (la précision est primordiale) du camarade Kémi Séba qui ont chevauché la fin du mois d’août et le début du mois de septembre sont symptomatiques à plus d’un titre de la fin d’un cycle historique. Les mobilisations récurrentes qui se sont organisées en cette année 2017 dans l’ensemble de la sphère francophone du continent africain contre le Franc CFA et qui ont abouti à l’incarcération temporaire puis à l’expulsion du militant hors du territoire sénégalais semblent faire bouger les lignes de la lutte panafricaniste. Bref état des lieux de la situation : pour celles et ceux qui auraient encore du mal à s’y faire, l’Afrique est la chasse gardée d’une civilisation occidentale vieillissante, tellement débandante que l’on peine à croire que la pente soit raide ! Et ce système s’appuie en majeure partie sur les méfaits des chefs d’états africains à l’encontre de leur peuple. Un tel constat a pour effet de résumer la croyance en une dimension strictement raciale du combat à un délirium pour afrocentristes et autres Hotep ! égarés. Des blancs rougissant péniblement sous les éclats généreux du Soleil pour fouetter nos nègres insolents ? Plus besoin ! Les « nègres de maison », pour citer le défunt Malcolm X, s’en chargent très bien ! Et pour étendre la citation de l’activiste afro-américain, le terme « maison » devrait plutôt s’étendre au terme « hôtel », voire « hôtel de passe », ce genre d’établissement hôtelier tant souhaité par nos grands échiquiers du mondialisme qui appellent de leurs vœux la réduction de toute nation souveraine à ce genre d’immondices…

La lutte panafricaniste n’est pas une lutte panégriste. Le panafricanisme, au regard d’un contexte actuel pétri de bouleversements géopolitiques et de redéfinitions d’alliances autant chez les atlantistes que chez les non-alignés, est avant tout une lutte de classe. Et à ce titre, l’afro-descendant qui prétendra être un panafricaniste ou un afro-militant déterminé à libérer le Monde Noir sera dès aujourd’hui mis au défi de s’installer en Afrique non pas pour y faire du tourisme ou des selfies, mais pour y trimer sous les coups de poings que lui assèneront quotidiennement les fossés sociaux et ethno-tribaux où l’injustice est reine. Ses « tous ensembles, frères et sœurs noirs de tous les horizons ! » se verront quelque peu piétinés. L’organisation de son travail se verra ralentie par une autre conception du temps et du rythme. Il sera trompé par les hochements de tête d’autoproclamés panafricanistes convaincus mais qui s’avèreront être, lorsqu’il sera question d’actions concrètes, des cons vainqueurs par excès de blabla, cette excroissance se doublant généralement d’une ignorance totale et d’un mépris affiché de ses engagements les plus sincères. Mais si la foi en son combat reste intacte, s’il sait se rattacher à des êtres de souffle qui lui susurreront l’objectif de sa mission, ce militant malmené se relèvera sans compromissions pour un nouvel affront, plus vivace, plus efficace, où stratégie et minutie seront de mise.

Le mondialisme, dont le néocolonialisme n’est qu’une facette, déforme de fond en comble l’infrastructure, l’architecture et les mentalités du territoire sur lequel il s’exerce. Il est à cet égard important d’observer la ville de Dakar. En digne représentante de l’ « Afrique Occidentale », la capitale du pays de Cheikh Anta Diop est une ville aménagée comme on les aime au-dessus de la Méditerranée ! Les routes sont goudronnées, les taxis sont policés dans leur conduite. « Nous ne sommes pas comme les chauffeurs guinéens peuhls qui ne sont pas homologués ! » peut vous dire un taximan dakarois. Peuhls qu’il reconnait « à leur teint clair ». Oui, il est important de préciser par extension aux Hotep légèrement ou carrément café-crèmes qui n’ont jamais mis les pieds sur le continent africain qu’ils seront considérés comme des Toubabs ! C’est une précaution toujours bonne à prendre pour éviter les crises identitaires aiguës qui peuvent vous accabler au détour d’une conversation ou d’un comportement à votre encontre. Mais rassurez-vous, les trottoirs sont propres, les feux et les signalisations abondent comme à Paris ! Les travailleurs en service font la gueule et saluent à peine, on se croirait vraiment à Paname ! Paris s’est inscrit dans le logiciel dakarois depuis que ses maîtres, tout en meurtrissant le petit peuple de France à coups de révolutions bourgeoises et libérales, ont jeté leur dévolu sur la terre sénégalaise. C’est-à-dire depuis très longtemps ! Et cela d’ailleurs n’a pas échappé à Kémi Séba qui a su anticiper, par le biais de son happening, les réflexes de leurs successeurs. Notre camarade doit par ailleurs certainement relativiser, par expérience, l’épisode dakarois en comparaison d’un pays comme la République Démocratique du Congo, immense plateforme de tout ce que le continent africain peut abriter en violences, en cruautés et en opportunités mondialistes sans fins…

Le panafricanisme doit se faire essentiellement et prioritairement sur le continent africain. Autrement, il n’est qu’une vue extérieure et inoffensive de l’esprit où le panafricanisme est à la fois partout et nulle part. Trop d’organisations politiques (souvent diasporiques) voulant peser politiquement sur les élections africaines par nostalgie des coups d’éclats de nos aînés africains (Patrice Emery Lumumba, Ahmed Sékou Touré en passant par Mouammar Kadhafi et Thomas Sankara) sans maîtriser le terrain ne prennent pas suffisamment en compte la dimension spirituelle voire mystique qui redéfinira l’Afrique face à l’Atlantisme (à combattre avec la plus grande des intransigeances) mais aussi face à l’Eurasisme (à considérer comme allié stratégique). Nos militants ne doivent pas omettre de puiser dans les prémisses des luttes de libération africaine des siècles derniers qui ne se situent pas forcément sur le continent (de Zumbi Dos Palmares au Brésil en passant par Marcus Mosiah Garvey aux Etats-Unis voire la Nation Of Islam actuellement dirigée par l’Honorable Ministre Louis Farrakhan). Le panafricaniste doit étudier avec attention les préceptes religieux propres à l’Afrique (dont le kémitisme qu’il ne s’agit pas de négliger mais de réadapter et de concrétiser) pour impulser, par la force de la connaissance historique et d’une foi exaltée, la création d’autorités spirituelles enfouies et renouvelées par l’héritage matérialiste de nos luttes contemporaines.

Une praxis sans vision, tout comme une vision sans praxis, est un échec…Les militants africains et afro-descendants voulant arracher l’émancipation de leur peuple n’ont plus le droit à l’erreur ! Le dépassement de nos aliénations premières (complexes d’infériorité, rivalités mimétiques) auxquelles un Frantz Fanon a consacré son œuvre, tout comme le dépassement de nos aliénations actuelles que le consumérisme et la Société du Spectacle digèrent sans reflux gastriques, est notre première tâche. La consolidation des structures afro-militantes sur une convergence commune en ré-inculquant l’esprit du collectif et en ravalant nos prétentions mégalomaniaques de négros frustrés est une de nos priorités. « Balayer devant sa porte avant de balayer devant celle du voisin ! ». En d’autres termes, le combat panafricaniste est en première instance un combat interne. Le reste suivra, par la grâce de Dieu et de nos ancêtres…

Courage à Kémi Séba, à son conseiller politique Hery Djehuty et à toutes les sections « Urgences Panafricanistes » !

Panafricainement.

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19:30 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, afrique, affaires africaines, kémi seba | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 19 novembre 2017

Sur la crise au Zimbabwé

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Sur la crise au Zimbabwé

par Jean Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le Zimbabwé est venu brutalement dans l'actualité à la suite de ce qu'il faut bien nommer un coup d'état militaire

Ceux qui connaissent peu la situation au Zimbabwé, (voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Zimbabwe) après ce qui est apparu comme un coup d'état militaire, ont encore du mal à comprendre les tenants et les aboutissants de cette crise. Le Zimbabwe, dite précédemment Rhodésie, est une ancienne colonie britannique, disposant de grandes richesses agricoles et minières. Depuis son indépendance, il a été le terrain d'une lutte permanente entre ceux des anciens propriétaires, les « fermiers blancs », qui s'efforçaient de conserver leurs biens, et les descendants des esclaves noirs qui revendiquaient pour eux la totalité du pays. Robert Mugabe avait dès l'origine pris le parti de l'indépendance complète à l'égard de ce qui restait du pouvoir blanc.

Or pourtant, dans la nuit du 14 au 15 novembre, des officiers ont annoncé être intervenus contre les « criminels » de l'entourage du président Mugabe, 93 ans, ce terme de criminels désignant la faction du parti au pouvoir, la Zanu-PF, qui soutient la femme du président,, Grace Mugabe 52 ans. Celle-ci ambitionnait de devenir présidente et avait beaucoup intrigué – et dépensé d'argent – pour ce faire. Elle était entrée en conflit ouvert avec le vice président Emmerson Mnangagwa, qui espérer succéder à Mugabe, le plus vieux chef d'Etat de la planète mais encore actif. Elle avait obtenu de son mari qu'il le limoge.

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Le Crocodile

Emmerson Mnangagwa dit Le Crocodile (voir image), dont le limogeage a provoqué mercredi le coup de force de l'armée contre le régime de Robert Mugabe, avait fui le Zimbabwe dans la suite de son éviction le 6 novembre, mais il avait promis de défier le président Mugabe et son épouse. Or il vient de rentrer au Zimbabwe le 17 novembre, manifestement avec l'accord des militaires ayant pris le pouvoir après le coup d'état.

L'armée, qui contrôle la capitale Harare, a annoncé ce même jour avoir arrêté plusieurs proches du président, se félicitant de « progrès significatifs » dans son opération de purge au sein du parti au pouvoir de la Zanu-PF. « Nous avons mis la main sur plusieurs des criminels, tandis que d'autres sont toujours en fuite », a fait savoir l'armée dans un communiqué publié dans le journal d'Etat The Herald.

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Rappelons qu'au Zimbabwe, les tensions entre factions au sein du parti au pouvoir, l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF), ont dégénéré, dans la nuit de mardi 14 à mercredi 15 novembre, en un coup d'Etat qui n'a pas voulu se dire comme tel. Mercredi, l'armée contrôlait les rues de la capitale, Hararé, dans le cadre d'une opération destinée, selon elle, à éliminer des « criminels » de l'entourage du président Robert Mugabe.

Pendant des années, l'armée a toujours été loyale à Robert Mugabe. Des officiers lui étaient redevables, car avec le système de patronage existant au Zimbabwe, le parti au pouvoir faisait en sorte de satisfaire les généraux en leur offrant des fermes, souvent de celles fermiers blancs expropriés. Mais ils ont eu peur que Grace Mugabe, ne prenne en main les commandes de l'Etat. Le limogeage de Mnangagwa était le geste de trop, car celui-ci était l'homme fort au sein du pouvoir. Grâce Mugabé s'appuyait sur la faction au sein de la Zanu-PF opposée à Emmerson Mnangagwa dont elle avait réussi à obtenir le soutien. Celle-ci était bien moins favorable à l'armée

Emmerson Mnangagwa fut d'abord un personnage important de la lutte pour l'indépendance dans les années 1970, puis il a été ministre la plupart du temps depuis les années 1980, il a travaillé pour les services de renseignement — il fut notamment chargé de la répression dans le Matabeleland (dans l'ouest du pays) contre ce que le pouvoir percevait comme une opposition. Il a toujours été perçu comme un partisan de la ligne dure et un soutien de l'armée au sein du gouvernement.

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La Chine

Pour comprendre la situation actuelle, il faut essayer aussi de comprendre les pouvoirs et intérêts extérieurs qui s'intéressent au pays. Sans entrer dans les détails, on notera le rôle de l'Afrique du sud, qui s'est toujours positionnée comme alliée et protectrice du Zimbabwé. Par contre les pays occidentaux, et notamment la Grande Bretagne et les Etats-Unis, multiplient les manœuvres diplomatiques pour reprendre sous contrôle le gouvernement du pays. Elles ont deux buts, récupérer l'accès aux ressources considérables de celui-ci, et empêcher qu'il ne tombe davantage dans l'orbite de la Chine.

La Chine en effet a noué depuis plusieurs années de bonnes relations avec le Zimbabwé. Elle y investit massivement dans divers secteurs importants et a plusieurs fois aidé l'économie à sortir des crises considérables qu'elle n'a cessé de rencontrer depuis l'indépendance. Manifestement l'alliance avec le Zimbabwé sera un atout important dans l'effort de la Chine pour étendre son influence dans toute l'Afrique.

On aurait pu penser que le  coup d'état avait été organisé, sur le mode du « regime change », par les puissances occidentales pour obtenir un gouvernement plus docile. Mais les généraux ont affirmé qu'il n'en était rien. Les déclarations d'amitié avec la Chine ont été renouvelées.

Pour notre part, nous n'y voyons pas encore assez clair pour prévoir dans quel sens penchera Emmerson Mnangagwa, s'il revient définitivement  au pouvoir avec l'appui de l'armée. Tout laisse prévoir que ce sera dans le sens d'un approfondissement des relations avec la Chine. Cependant la forme dictatoriale du pouvoir ne devrait pas changer.  Nous y reviendrons si nécessaire. 

Référence

Nous publions ici, avec son accord, un article de Bernard Lugan, que l'on peut retrouver sur son blog L'Afrique Réelle - blog que par ailleurs nous conseillons Voir http://bernardlugan.blogspot.fr/2017/11/zimbabwe-fin-de-route-pour-robert.html. 
Le moins que l'on puisse dire est que l'auteur ne manifesta pas une sympathie aveuglante à l'égard des mouvements indépendantistes. Ceci ne retire rien à la pertinence de ses observations

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Zimbabwe : fin de route pour Robert Mugabe?

par Bernard Lugan

Robert Mugabe, dit « Comrade Bob », né en 1924 dans le dispensaire d'une mission protestante, eut, durant toute sa vie, des certitudes bornées par le christianisme révolutionnaire, par le marxisme et par la haine des Blancs.

En 1963, il fut un des fondateurs du mouvement nationaliste ZANU (Zimbabwe African National Union), avant d'être arrêté en 1964.

Le 11 novembre 1965, dirigés par Ian Smith, et en dépit des menaces de sanctions économiques et politiques, les Blancs de Rhodésie du Sud -228 000 pour 4.847.000 d'Africains-, rompirent avec la Grande-Bretagne et ils proclamèrent l'indépendance du pays sous le nom de Rhodésie. L'ONU vota des sanctions et un embargo total.

Libéré en 1975, Robert Mugabe partit pour le Mozambique où il devint le chef de l'aile militaire de la ZANU, la ZANA (Zimbabwe African National Army).

Quasiment cernée par des pays ennemis, la petite armée rhodésienne, rustique et pugnace résista à toutes les attaques. Jusqu'au moment, où, croyant acheter sa survie en la poignardant dans le dos, l'Afrique du Sud blanche lui coupa les approvisionnements en carburant. Les dirigeants rhodésiens furent alors acculés à signer les accords de Lancaster House. Puis, du 27 au 29 février 1980, eurent lieu des élections.

Ce fut un vote ethnique dans la mesure où les suffrages des 70 % de Shona se portèrent sur les candidats de Robert Mugabe, tandis que les votes des 30% de Matabélé se retrouvèrent sur les candidats de leur leader, Josuah Nkomo. Une fois de plus, l'ethno-mathématique avait donc parlé et en avril 1980, la Rhodésie devint officiellement indépendante, sous le nom de Zimbabwe.

Dans le sud du pays, en zone matabélé, une guerre tribale éclata aussitôt, les Matabélé n'acceptant pas de se voir dirigés par les Shona qu'ils avaient soumis avant la venue des Blancs. Cette révolte fut férocement écrasée par la 5° brigade de l'armée du Zimbabwe, exclusivement composée de Shona encadrés par des Nord-Coréens.

Depuis 1980, « Comrade Bob » régnait donc sur ce qui fut la prospère Rhodésie dont il fit un goulag ruiné. Et pourtant,  l'héritage laissé par le régime blanc était exceptionnel : le pays disposait d'excellentes infrastructures routières et ferroviaires, la population était largement alphabétisée et l'économie de type industriel avait un secteur agricole hautement compétitif. De plus, la politique des sanctions internationales avait contraint les Rhodésiens à créer une industrie de transformation.

Quelques années plus tard, l'héritage laissé par les « colons » ayant été dilapidé, la faillite était totale.

En 1995, l'augmentation de 67% du prix du litre d'essence et de 345% de celui du pétrole lampant utilisé pour la cuisine et l'éclairage domestique provoqua de graves émeutes dans les principales villes du pays. Leur répression fut sanglante.

En 1999 la catastrophe connut une nouvelle accélération avec l'effondrement  du dollar zimbabwéen qui  perdit 80% de sa valeur face aux devises. L'inflation dépassa alors les 57%, tandis-que le prix du gallon d'essence passa de 5 à 12 dollars zimbabwéens. Quant au taux de chômage, il atteignit les 50% Or, avec une croissance démographique de 2,8% par an, le Zimbabwe voyait arriver chaque année des dizaines de milliers de jeunes adultes sur le marché du travail.

Tentant une manœuvre de pure démagogie, Robert Mugabe fit voter par l'Assemblée l'expropriation sans indemnité des fermiers blancs, puis il ordonna à ses militants d'occuper leurs fermes. Plusieurs fermiers furent alors massacrés et leurs femmes violées...Dans le plus total silence des bonnes âmes européennes.

Or, comme les trois quarts des productions agricoles industrielles et commerciales soutenant la balance des paiements du Zimbabwe, à savoir le tabac, le paprika, le coton et l'élevage, avaient pour origine les 4000 fermes encore possédées par les Blancs, le résultat de cette spoliation ne se fit pas attendre. Dès 2001, jadis exportateur de nourriture, le Zimbabwe  fut ainsi contraint de lancer un appel à l'aide internationale pour éviter la famine... Et comme 300 000 emplois avaient été perdus dans le secteur agricole et ses dérivés, le taux de chômage bondit à 65%...

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A la fin de l'année 2007, l'inflation avoisinait en cumulé les 100 000 %. En 2008, les prix des produits alimentaires augmentèrent de 30 à 40% par jour et ceux des  transports publics de 15 à 20% par jour...Au mois  de février 2008, l'inflation était de 165 000 %, au mois de juillet de 2,2 millions de % et  le 19 août de 15 millions de % !!! Début août, la canette de bière coûtait 800 milliards de dollars zimbabwéens.

Pour le clan qui avait fait main-basse sur le pays, tout allait cependant bien puisque, le 31 juillet 2013, Robert Mugabe remporta les élections présidentielles en étant élu pour un 6° mandat...

A partir de ce moment, Grace Mugabe, l'épouse du président, prit de plus en plus d'importance dans la vie politique du pays en devenant  secrétaire nationale de la ligue féminine du parti au pouvoir.

En 2016, le pays fut une nouvelle fois au bord de la famine et le gouvernement se vit obligé d'importer des cargaisons massives de nourriture. Au mois de février, la situation fut à ce point grave que les entreprises furent contraintes de participer à l'achat de vivres à l'étranger...Mais, le 27 février, alors que le pays était en état de quasi famine, les 92 ans du président Mugabe furent fastueusement célébrés devant 50 000 invités dans une débauche de dépenses.

Le mandat de Robert Mugabe s'achevant en 2018, et, compte tenu de l'âge du président, des remous commencèrent à parcourir le parti présidentiel ; d'autant plus qu'au mois de juillet 2016, tout le pays fut secoué par d'importants mouvements sociaux. C'est dans ce contexte lourd d'orages que le clan présidentiel tenta d'imposer Grace Mugabe (48 ans), pour succéder à son époux devenu cacochyme. La fracture au sein du parti de gouvernement apparut alors au grand jour car Grace Mugabe était plus que contestée en raison de ses frasques multiples et de son insolent train de vie.

Ses opposants se rangèrent alors derrière le vice-président Emmerson Mnangagwa mais, au mois d'octobre 2017, ce dernier fut démis et il s'enfuit au Mozambique.Tout  bascula alors, car l'armée, pourtant pilier du régime, prit son parti. Certes, afin d'empêcher l'installation au pouvoir de Grace Mugabe, mais d'abord pour précéder un mouvement de purge qui allait permettre la nomination aux postes de commandement de partisans de cette dernière.

Emmerson Mnangagwa succédera-t-il à Robert Mugabe dont il fut jusqu'à ces derniers mois, non seulement l'homme de main, mais celui qui, chef de ses services de renseignement, fut l'exécuteur de ses plus basses, de ses plus sanglantes et de ses plus sordides œuvres ?

Si tel était le cas, nul doute que les démocrates et les défenseurs des droits de l'homme trouveraient en lui un interlocuteur « bienveillant »...

Bernard Lugan


[1] Le numéro de décembre 2017 de l'Afrique Réelle que les abonnés recevront le 1er décembre contiendra un important dossier consacré au Zimbabwe.

mercredi, 01 novembre 2017

L'armée américaine en Afrique. Contre le terrorisme ou contre la Chine?

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L'armée américaine en Afrique. Contre le terrorisme ou contre la Chine?

par Jean Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le 4 octobre 2017, on a appris 1) que 4 soldats américains venaient d'être tués au Niger, en compagnie de 4 militaires nigériens, avec qui ils effectuaient une patrouille à la frontière avec le Mali. Les opinions publiques, aux Etats-Unis comme en Europe, notamment en France, la première intéressée, ont alors découvert la présence américaine sur le sol nigérien.

Pourtant près de 5 000 Américains dépendant du département d'État à la Défense sont aujourd'hui déployés en Afrique. Militaires ou contractuels civils, ils sont avant tout affectés à la lutte contre ce que les Etats-Unis  nomment « la lutte contre le terrorisme ». Ceci notamment au Niger, au Cameroun ou dans la région des Grands lacs.

Le commandement militaire américain en Afrique dit AFRICOM y avait pourtant mis en place plusieurs centaines d'hommes, appartenant aux Forces Spéciales (dits Bérets Verts) ou a des unités régulières, en soutien de ce qui a été nommé  la lutte contre les djihadistes au Sahel. Ils sont là officiellement en soutien des unités françaises ou appartenant à d'autres pays africains, engagées dans la lutte contre Daesh en Afrique sahélienne.

 Les Américains comptent même ouvrir une base aérienne dans la région d'Agadez, dans le nord du pays. Cette base devrait servir de support aux interventions de l'AFRICOM, visant le Mali, le Tchad, le Burkina Faso et la Libye, où ils effectuent d'ores et déjà des frappes aériennes. Il s'agit notamment de renseignement, formation, pilotage de drones... Au Sahel comme dans le bassin du lac Tchad, notamment au Cameroun, les Américains sont présents dans tous les secteurs. Ils sont censés collaborer avec les Français. Ainsi le 4 octobre, ce sont d'ailleurs les forces aériennes de l'opération Barkhane qui ont été appelées en soutien de la patrouille attaquée par les djihadistes à la frontière malienne.

Le président américain Donald Trump, comme son prédécesseur Barack Obama, n'en ignorent rien. Le 6 juin 2017, dans une lettre au Congrès, Trump  détaillait ainsi les différents théâtres d'intervention « contre-terroristes » nécessitant la présence de troupes. Il s'agit notamment de l'Afrique de l'Est, Djibouti (où les États-Unis entretiennent plus de 2 000 hommes dans le camp Lemonnier), en Libye, dans le bassin du lac Tchad (face à Boko Haram), en Ouganda, Soudan du Sud, RDC, Centrafrique (contre la Lord's Resistance Army) ou même en  Égypte.  

Trump a cependant feint l'ignorance, ou bien la Lettre au Congrès lui aurait été imposée par les généraux. Il a dit ceci  : “I have generals that are great generals. These are great fighters; these are warriors. I gave them authority to do what's right so that we win.”

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L'Afrique doit se méfier

Ceci dit, les Etats africains comme la France elle-même devraient se méfier. Washington ne va-il pas conduire en Afrique, par l'intermédiaire d'AFRICOM,  les mêmes interventions catastrophiques ayant eu pour résultats  au Moyen Orient la destruction d'Etats solides, générant à la place des dizaines de milliers de morts, des dizaines de millions de réfugiés et quelques dizaines de milliers de djihadistes.

.Le réalisme devrait montrer qu'en Afrique dorénavant sont à œuvre les mêmes intérêts géostratégiques qu'au Moyen-Orient. Dans cette région, il s'agissait de combattre l'influence russe. En Afrique c'est le début d'influence chinoise qu'il faut désormais combattre. Au début de l'année, le général américain  Thomas Waldhauser,  commandant l'AFRICOM, n'a pas caché que pour y maintenir les valeurs démocratiques, la transparence et la bonne gouvernance défendues par la présence américaine, il fallait dorénavant s'en prendre directement à la Chine. Celle-ci, selon lui, par le commerce, l'exploitation des ressources naturelles et les ventes d'armes, risquait de remettre en cause ces valeurs démocratiques, ainsi que la présence américaine.

Il est de fait, crime impardonnable, que la Chine est devenue depuis 2009 le plus grand partenaire commercial du Continent, le chiffre d'affaire étant passé de 10 milliards de dollars en 2000 à 220 en2014. Plus récemment, comme nous l'avons relaté dans de précédents articles, le président chinois Xi Jinping s'était engagé à contribuer pour 60 milliards au développement des infrastructures en Afrique – objectif dans lequel Washington n'avait jamais investi le moindre dollar.

Au plan militaire, la décision chinoise d'ouvrir une base navale à Djibouti avait semé l'alerte dans les bases militaires aéro-navales et terrestres américaines présentes non seulement dans ce port mais dans toute l'Afrique. On peut doter cependant que la Chine, déjà occupée à faire face à une offensive américaine de grande ampleur en Mer de Chine, puisse consacrer beaucoup de soldats à la conquête de l'Afrique. Ce qui n'est pas le cas de l'AFRICOM et plus généralement des Etats-Unis, très largement la première puissance militaire de la planète.

Emmanuel Macron, se voulant comme son prédécesseur grand défenseur de la lutte contre le terrorisme au Sahel, ignore-t-il tout ceci ?

1) voir notamment Jeune Afrique

http://www.jeuneafrique.com/480547/politique/niger-des-so...

dimanche, 14 mai 2017

Le raid allemand contre Fort Lamy

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Erich Körner-Lakatos

Le raid allemand contre Fort Lamy

Un appareil allemand de type He 111 détruit la plus grande réserve de carburant en Afrique centrale

Le matin du 21 janvier 1942, une terrible tempête de sable sévit en Cyrénaïque. Les officiers de l’Afrika Korps lisent à leurs camarades de combat l’ordre du jour lancé par Rommel aux forces armées du Reich et de l’Italie positionnées dans le désert libyen :

Soldats allemands et italiens !

Vous avez derrière vous de rudes combats contre un ennemi supérieur en nombre et en matériel. Votre esprit combattif est demeuré intact. Pour le moment, nous sommes supérieurs à l’adversaire en nombre sur le front. C’est pour détruire cet ennemi que notre armée passe aujourd’hui à l’attaque… J’attends que chaque soldat, en ces jours décisifs, donne jusqu’à ses dernières forces. Que vive l’Italie ! Que vive le Reich grand-allemand ! Que vive le Führer !

L’assaut de l’Afrika Korps s’élance en direction du nord-est. Huit jours plus tard, Benghazi tombe, puis Tobrouk et Marsa Matrouk. Rommel est en première ligne. Les contre-attaques des chars anglais échouent face aux canons de 88.

Mais, en cette journée du 21 janvier 1942, il n’y a pas eu que cette attaque en Libye. Un vol particulièrement audacieux commence aussi ce jour-là. Nous allons le narrer en détails. Depuis le petit aérodrome d’El-Agheila sur la rive méridionale de la Mer Méditerranée, un bombardier allemand prend son vol en direction du sud-ouest. C’est un appareil de type Heinkel 111, en abrégé un He 111. A son bord, cinq aviateurs dont le commandant Theo Blaich qui a mérité ses premiers galons tout jeune, pendant la première guerre mondiale. Après 1918, il gagne sa croûte comme planteur de bananes au Cameroun et en Amérique centrale, se distingue comme aviateur sportif et survit à pas mal d’aventures. Blaich fut le seul officier de la Luftwaffe à combattre à bord de son appareil personnel. Mais pourquoi, en ce 21 janvier 1942, a-t-il reçu la mission confiée à cet He 111 ?

Le Lieutenant-Général Fröhlich, l’homme de Göring auprès de l’Afrika Korps, a été impressionné par les propositions de Blaich, dont le plan était le suivant : un bombardier devrait s’élancer loin vers le sud pour mettre le feu aux gigantesques réserves de carburant des Anglais, stockées sur le Lac Tchad dans le centre de l’Afrique, plus exactement à Fort Lamy. Aujourd’hui, Fort Lamy s’appelle N’Djamena et est la capitale de la République Tchadienne au beau milieu du Sahel. Elle compte près d’un million d’habitants. En 1942, ce n’était qu’une triste bourgade de quelques milliers d’âmes. Fort Lamy est alors une vaste plaque tournante pour amener du carburant pour avions. En effet, les Anglo-Américains pompent et drainent énormément de matières premières au départ de leurs sources ou gisements en Afrique orientale et centrale. Elles sont destinées aux Anglais qui luttent en Egypte. Cinq mille avions y sont également parqués.

Le problème majeur dans le plan de Fröhlich réside dans le rayon d’action du He 111. Blaich doit d’abord voler vers l’oasis de Houn puis vers le minuscule aérodrome de Campo Uno dans le sud de la Libye, où l’on remplit encore une fois les réservoirs de l’appareil. A Campo Uno, un Commandant italien monte à bord, le Comte de Vimercati-Sanseverino, qui ne veut à aucun prix rater l’aventure aux côtés du lansquenet Blaich. La distance entre Campo Uno et Fort Lamy est exactement de 1490 km. Le plan de Fröhlich avait prévu une charge de 800 kg de bombes, pour que l’objectif puisse être réalisé dans de plus ou moins bonnes conditions.

Durant le vol en direction de Fort Lamy, l’harmattan, le vent alizé d’Afrique équatoriale, exige son tribut sous la forme d’un supplément d’essence. Vers deux heures de l’après-midi, Fort Lamy est en vue. Non la bourgade endormie mais les stocks immenses où les Alliés stockent leur essence pour leurs avions et leur charroi. Theo Blaich ordonne que les bombes soient lancées en chapelet. Les seize bombes de chacune cinquante kilos plongent dans les dépôts. Une mer de flammes se répand, avalant plus d’un tiers de tous les stocks et une douzaine d’appareils.

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L’alarme est déclenchée à Fort Lamy. Les servants des pièces de la défense anti-aérienne prennent position à tâtons, tant la fumée envahit tout, sur leurs canons Bofors de 40 mm. Ils ouvrent le feu. Mais ces canons suédois de toute première qualité sont sans effet car Theo Blaich monte à 3500 m, bien au-dessus de la portée maximale des pièces de ses ennemis.

L’équipage ne jouit du spectacle dantesque de son opération réussie que pendant quelques brefs instants car il s’agit de filer à nouveau vers le nord. Le gibli (de l’air mêlé à la poussière du désert) exige une consommation accrue de carburant. Lentement le soleil se couche. Depuis l’enfer déclenché sur les rives du Lac Tchad, quatre heures se sont écoulées. Chacun tente de repérer Campo Uno mais en vain. Blaich garde la tête froide et ordonne d’atterrir dans les sables du désert. Il se pose presque exactement sur la ligne du tropique du Cancer, à une demie heure de vol au sud de Campo Uno.

Pendant deux jours, le matin et en début de soirée, chaque fois pendant une heure, le radio Wichmann martèle son appareil. Il obtient enfin un contact avec le récepteur à haute fréquence du camion radio du chef des forces aériennes. Le Lieutenant-Général Fröhlich ordonne que des recherches soient immédiatement lancées pour retrouver l’équipage du He 111 en perdition. Mais la tempête sévit pendant de longs jours. Les hommes de Blaich se recroquevillent dans leur appareil. La ration d’eau par jour et par homme se réduit à un demi-litre. Six jours après la réussite du raid contre Fort Lamy, les secours arrivent sous la forme d’un avion italien de reconnaissance rapprochée qui se pose près des hommes de Blaich, à moitié morts. Il apporte de l’eau fraîche et transmets la position exacte du He 111. Quelques heures plus tard, un Ju 52 (une « Tante Ju ») des unités médicales du désert apporte trois barrils de carburant pour le Heinkel. Les deux appareils prennent l’air ensemble. Blaich, une fois de plus, a eu de la chance. A Fort Lamy, c’est la consternation : pendant plusieurs semaines toute activité sur le site est stoppée.

Erich Körner-Lakatos.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°11/2016, http://www.zurzeit.at ).

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mercredi, 29 mars 2017

Egypte: liquidation de la révolution de 2011?

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Bob Woodward

Ex: http://www.decryptnewsonline.com 

Avec la libération de l'ex-président égyptien Hosni Moubarak vendredi, et alors que plusieurs figures du Printemps arabe se trouvent encore en prison, c'est la révolution de 2011 qui vient d'être liquidée symboliquement dans l'Égypte de Sissi. C'est son avocat Farid al-Deeb qui a annoncé vendredi le départ d'Hosni Moubarak de l'hôpital militaire du Caire dans lequel il a passé l'essentiel de ses six années de détention. La libération d'Hosni Moubarak qui avait régné sans partage sur le pays pendant 30 ans vient briser définitivement les aspirations nées d'une révolution qui avait porté l'espoir d'un régime plus démocratique. Outre Moubarak, son ex-ministre de l’Intérieur, Habib al-Adly, qui symbolise la torture et les abus du régime, a aussi été acquitté pour les meurtres de manifestants pendant la révolte. En revanche, Alaa Abdel Fattah et Ahmed Douma, deux des plus importants meneurs de la révolution, sont toujours en prison.

Depuis que l’actuel président Abdel Fattah al-Sissi, ex-chef de l’armée, a destitué son prédécesseur islamiste Mohamed Morsi en 2013, il dirige à son tour le pays d’une main de fer, éliminant toute forme d’opposition. Six ans après la révolution, les détracteurs de Mohamed Sissi l’accusent d’avoir refermé la parenthèse démocratique ouverte avec le soulèvement de janvier-février 2011.

Outre Hosni Moubarak, son ex-ministre de l'Intérieur, Habib al-Adly, qui symbolise la torture et les abus du régime, a aussi été acquitté pour les meurtres de manifestants pendant la révolte. En revanche, Alaa Abdel Fattah et Ahmed Douma, deux des plus importants meneurs de la révolution, sont toujours en prison. Depuis que l'actuel président Abdel Fattah al-Sissi, ex-chef de l'armée, a destitué son prédécesseur islamiste Mohamed Morsi en 2013, il dirige à son tour le pays d'une main de fer, éliminant toute forme d'opposition. Six ans après la révolution, les détracteurs d'Abdel Fattah al-Sissi l'accusent d'avoir refermé la parenthèse démocratique ouverte avec le soulèvement de janvier-février 2011. Pour sa part, Hosni Moubarak a été jugé dans deux grandes affaires depuis son départ du pouvoir. Il a notamment été accusé d'avoir incité au meurtre de manifestants pendant la révolte, au cours de laquelle quelque 850 personnes ont été tuées lors d'affrontements avec la police. Condamné à la prison à vie en 2012, il a été blanchi en 2014. Et le 2 mars dernier, la Cour de cassation a confirmé cet acquittement.

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Pour Adel Ramadan, avocat pour l'organisation de défense des droits de l'homme Egyptian Initiative for Personal Rights, Hosni Moubarak a bénéficié d'un traitement spécial lors de son procès. « Il y a une différence entre la façon humaine dont M. Moubarak et les symboles de son régime ont été traités et celle dont ont été traités les militants de janvier 2011 », a-t-il dit à l'Agence France-Presse. Si des militants ont été remis en liberté, certains sont astreints à un contrôle judiciaire strict. Ahmed Maher, fondateur et porte-parole du Mouvement du 6 avril, un groupe très actif en 2011, a été libéré en janvier. Pendant trois ans, il devra se rendre chaque soir au commissariat de son quartier et y passer la nuit.

Toutefois, jeudi, la justice a ordonné la réouverture d'une enquête pour corruption contre l'ex-président, liée à des cadeaux pour lui et sa famille de la part du quotidien gouvernemental Al-Ahram, d'une valeur d'environ un million de dollars. Et la semaine dernière, les autorités ont gracié 203 détenus dans des procédures liées à l'interdiction de manifester. Mais aucun militant réputé n'est sorti de prison. Après la destitution de Mohamed Morsi, l'opposition islamiste a aussi été laminée. En août 2013, l'assaut est donné au Caire contre des milliers de pro-Morsi. Environ 700 d'entre eux sont tués.

Aujourd'hui, l'Égypte du président Sissi est confrontée aux mêmes inégalités, qui ont mené à la révolution de 2011. Le pays connaît de nouveau un régime autoritaire, et traverse une grave crise économique. En novembre dernier, le gouvernement a décidé de laisser flotter sa devise pour obtenir un prêt de 12 milliards de dollars du Fonds monétaire international. Résultat : l'inflation a explosé et la situation économique est devenue la préoccupation majeure des Égyptiens. « Les conditions qui ont mené à la révolution de janvier sont toujours présentes, bien que j'exclurais qu'une autre révolution puisse avoir lieu », explique Mostafa Kamel el-Sayed, professeur de sciences politiques à l'université du Caire.

Plusieurs organisations de défense des droits de l'homme accusent les autorités d'orchestrer disparitions forcées, arrestations arbitraires et autres détentions illégales. En septembre, la justice a gelé les avoirs d'organisations de défense des droits de l'homme soupçonnées de perception illégale de fonds étrangers.


La première et la principale leçon est que la croisée entre démocratie occidentale et démocratie islamique a commencé. Personne n’a la solution pacifique parce que de chaque côté l’on se croit dans la justesse et dans la suprématie de sa cause.

Aucun pays occidental n’avait vu la montée fulgurante de l’EI après l’élimination de Ben Laden. Quand Ben Ali a trinqué en premier, parce que la Tunisie était devenue un pays touristique de prédilection, peu d’analystes occidentaux avaient fait le rapprochement avec Bali, en Indonésie. Le tourisme est, par essence et par excellence, un vecteur d’échanges de cultures. Les Islamistes en sont allergiques à mourir ? Boko Haram ne le cache à personne.

Le verrou qui empêchait les islamistes de s’épanouir vers le sud du Sahara était Kadhafi et la Libye. Créer une insurrection occasionnerait une répression sanglante de Kadhafi qui mécontenterait les Occidentaux. Les rebelles de Misrata ont fait le jeu et la France de Nicolas Sarkozy y a été entraînée sur avis d’un « philosophe » qui se prenait dur comme pierre pour un philanthrope. Et comme le leadership international manquait à l’époque, Obama et Cameroon ont suivi.

L’impardonnable a été que la résolution 1973 (zone d’exclusion de vol » a été utilisée pour bombarder et pas pour réduire Kadhafi mais pour éliminer le verrou contre les islamistes.

Les « Frères musulmans » d’Egypte furent aussi matés dans le sang par Moubarak, les occidentaux  ont crié au scandale pour lui retenir la main. Il sera renversé par une marée humaine. Mais les réformes étaient contraires à la vision de la démocratie occidentale, la démocratie islamique fut renversée.

Après 6 ans, Moubarak, qui avait été condamné à la peine de mort par les Frères musulmans pour le grand massacre de la place Tahrir vient d’être libéré, Ben Ali n’a pas bénéficier des mêmes considérations.

En Syrie, les choses ont été autres. N’eût été le refus des Russes et Chinois, Bachar Al-Assad aurait été renversé et toute la sous-région se trouverait actuellement sous commandement de l’EI.

La libération de Hosni Moubarak signifie que ce que l’on a qualifié de «Printemps arabe» n‘était autre chose qu’une flambée islamiste que les pays cherchent à tous prix à juguler. Mais le ver est déjà dans le fruit et la condition sociale et juridique favorable à son expansion est, ironie de l’histoire, la démocratie, elle-même. Aucun pays n’est épargné. 

En Afrique subsaharienne, il faut craindre que des petits machiavels jouent avec le feu et s’en servent pour garder ou pour prendre le pouvoir…

lundi, 20 février 2017

Äthiopiens Kaiser alliierte sich mit den Deutschen im Ersten Weltkrieg

Äthiopien liegt in Afrika. So viel werden wohl die meisten Menschen noch über das Land wissen. Weniger bekannt ist, dass die Nation Äthiopien die einzige afrikanische Nation war, welche sich erfolgreich gegen westliche Kolonialisierung zur Wehr setzen konnte. Über Jahrhunderte weg schmiedete Äthiopien als souveräner Staat Allianzen, schützte sich mit einer verhältnismäßig starken Armee und unterhielt enge Beziehungen zur orthodoxen und katholischen Kirche in Europa. Es ist eines der ältesten christlichen Länder dieser Erde und hat eine lange Geschichte, die auch in der Bibel Erwähnung findet. Dort bekannter als Abyssinien, welches zeitweise Kriege mit Ägypten führte. Die äthiopische Bibel ist womöglich die älteste Bibelübersetzung in einer nicht-europäischen Sprache. Und interessant ist, dass Äthiopien immer schon ein Vielvölkerstaat war. Multiethnisch, multikulturell und multireligiös. Muslime, Christen, Juden und heute über 80 verschiedene Sprachen/Dialekte.  Das ethnische Bild ist gemischt und die Einschläge aus Nordafrika, Arabien und dem Orient generell geben den Äthiopiern doch ein recht markantes Aussehen. Ähnlich den Nachbarnationen Eritrea und Somalia. Hungersnöte plagten das Land in den letzten Jahrzehnten immer wieder. Dabei war Äthiopien lange Zeit der Brotkorb Afrikas.

Aber wussten Sie, dass Äthiopien eine Nebenrolle im Ersten Weltkrieg spielte? Tatsächlich befand sich das Land damals im Tumult. Es ging um Erbfolge, Streitigkeiten im Königshaus und die Frage, auf welche Seite sich das unabhängige Königreich stellen sollte. Sowohl die Briten, als auch die Deutschen und Türken umwarben das afrikanische Reich.

Der deutsche Botschafter in Addis Abeba war der Mann, der dem äthiopischen (semi-legitimen) Kaiser Iyasu V. gut zuredete und ihm versprach, dass man das Königreich vor dem Kolonialismus der Briten, Franzosen und Italiener schützen würde. Ob das letztendlich stimmt, kann man anzweifeln. Aber Iyasu V. nickte im Laufe des Krieges nach 1916 deutlich den Deutschen zu. Deutschland garantierte den Äthiopiern im Gegenzug für ihre militärische Hilfe bei einem türkisch/deutschem  Angriff auf den von den Briten kontrollierten Suez Kanal, dass das Deutsche Reich die von Äthiopien gemachten Landgewinne anerkennen würde. Propagandablätter sollen zu dieser Zeit auch den Dschihad gegenüber den Briten ausgerufen haben. Die Nähe von Iyasu zum Islam war auch einer der Gründe, warum es mit seiner Herrschaft bald vorbei war.

Zu dem gemeinsamen Angriff kam es nicht. Im Oktober 1916 besiegte die Thronrivalin Zauditu die Loyalisten von Iyasu und verjagte das deutschenfreundliche Regime aus dem Land.  Die Orthodoxe Kirche Äthiopiens führte gegenüber Iyasu eine Exkommunikation durch und rekonstituierte eine christliche Identität als Leitbild Äthiopiens. Heute macht sich der Einfluss der Salafisten aus Arabien in Äthiopien breit und versucht in den traditionellen Sufi Gemeinden Fuß zu fassen, die von den Islamisten als unrein und ketzerisch bezeichnet werden. Denn der Einfluss der heidnischen Naturreligionen ist bei allen Religionen Äthiopiens groß, während Christen, Muslime und Juden dort religionenübergreifend auch die Feste des jeweils anderen Feiern können.  Die Wahhabisten kommen auch nach Äthiopien, wo über ein Drittel der Bevölkerung muslimisch ist und die uralte Frage aufkommt, wo die Identität des Landes liegen soll.

Im Jahr 1855 sandte die Sankt Chrischona-Pilgermission Handwerker und Missionare nach Äthiopien. Auch zu Zeiten des Deutschen Kaiserreiches kamen einige Deutsche hinunter, wo sie sich in meist christlichen Missionen betätigten.

jeudi, 26 janvier 2017

Pourquoi l'ont-ils tué?

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Bob Woodward:

Ex: http://www.decryptnewsonline.com 

Mouammar Kadhafi voit le jour en 1942. C’est un jeune Bédouin – aux origines anecdotiques - issu d’une famille si pauvre qu’il avait à peine de quoi se nourrir. Il est toutefois décrit comme brillant à l’école. Il réussit à étudier en quatre années seulement le programme de six années du cycle primaire. Il apprend avec une facilité qui étonne ses camarades et ses enseignants. Très vite, il dégage autour de lui une sorte d'autorité naturelle et une fierté qui contraste avec son cadre de vie très modeste. Féru de lecture, il fait la connaissance des grands personnages qui ont fait l'histoire du monde et de l’Afrique : Abraham Lincoln, le général de Gaulle, Mao Zedong, Patrice Lumumba et surtout Gamal Abdel Nasser le leader égyptien dont il s’inspire particulièrement. L'environnement politique de l'époque est marqué par une série d'évènements dans le monde arabe : la guerre d'Algérie, l'agression de l'Égypte, la bataille du Liban, la question palestinienne, la révolution au Yémen, la présence sur le sol libyen des bases militaires américaines et britanniques, l'état misérable du peuple libyen, victime d’un règne monarchique gangrené par la corruption et le népotisme. Autant de facteurs qui amènent Kadhafi à se sentir « investi d’une mission » celle de libérer son pays de la domination étrangère, de la pauvreté et des inégalités.

En 1963, Kadhafi obtient son baccalauréat de philosophie, mais refuse de travailler dans les compagnies pétrolières. Il a autre chose en tête. Il crée un groupe de jeunes pour entrer à l’école militaire de Benghazi, pas pour devenir des soldats de métier, mais pour infiltrer l’institution et s’en servir pour mener la révolution. Six ans plus tard, il prend le pouvoir avec ses compagnons d’armes, le 1er septembre 1969, à l’occasion d’un coup d’Etat sans effusion de sang. Mouammar Kadhafi n’est alors qu’un jeune officier de 27 ans. Son rêve de transformer la Libye peut commencer. Il durera tout le temps de son action aux commandes de son pays : 42 ans, et s’étendra sur l’Afrique.

Mouammar Kadhafi se révèle rapidement être un nationaliste souverainiste habité par l’idée de protéger son pays et de faire bénéficier à son peuple les revenus tirés des ressources pétrolières et gazières, jusqu’alors détournés et dilapidés par un régime corrompu, celui du Roi Idriss et les compagnies pétrolières. Le jeune pilote est particulièrement choqué face à la luxure et l’indécence déployée au cours des festins organisés dans son pays par les compagnies pétrolières et les autorités à côté d’une population qui manque pratiquement de tout. Kadhafi est un souverainiste. Il rejette tous les impérialismes, aussi bien l’impérialisme américain que l’impérialisme soviétique dont le côté athée » choque sa conscience de « croyant ». Ce refus du communisme, en pleine période de Guerre froide, va d’ailleurs l’épargner des ennuis avec les Occidentaux qui ne voyaient pas en lui une menace là où les leaders ouvertement communistes d’Amérique latine et d’Afrique étaient des cibles à abattre. Il parvient à contrôler les ressources de son pays et à renégocier les contrats là où les pays alignés derrière l’une ou l’autre des superpuissances disposaient des marges de manœuvres assez limitées. Il nationalise les principaux secteurs de la vie économique libyenne, moyennant compassassions. Dans le secteur pétrolier, les négociations sont ardues, mais en 1971, Kadhafi réussit ce qu’aucun autre pays pétrolier n’avait réussi auparavant : imposer aux compagnies pétrolières une augmentation des prix du brut. Le mouvement va faire des émules dans les pays de l’OPEP.

19799.jpgPour la première fois, le peuple libyen se réapproprie les richesses de son pays. Le revenu annuel qui était de 2 milliards 223 millions de dollars en 1973 passe à 6 milliards en 1974, pour atteindre 8,87 milliards de dollars en 1977. Des centaines de milliers de familles libyennes voient leur condition de vie s'améliorer considérablement. Sous le roi Idriss, la Libye était parmi les pays les plus pauvres de la planète. 94% de la population était analphabète. La mortalité infantile était parfois de 40%. Kadhafi va transformer un pays et un peuple tout entier. Et pas seulement la Libye. L’argent du pétrole libyen va financer plusieurs causes à travers le monde, notamment la cause du peuple palestinien et la lutte des Noirs en Afrique du Sud. La Libye est ainsi le premier pays que visite le leader de la lutte contre l’Apartheid, Nelson Mandela, dès sa sortie de prison en 1994. Kadhafi permet à l’Afrique de connaître sa première révolution technologique en finançant le premier satellite de télécommunication RASCOM-QAF1 permettant aux pays africains de se rendre indépendants des réseaux satellitaires occidentaux et d’économiser plus de 500 millions de dollars (ou de les faire perdre aux compagnies occidentales).

La Libye investit plusieurs milliards de dollars dans les secteurs variés des économies des pays africains. Contrairement aux Occidentaux qui investissent principalement dans l’industrie extractive, Tripoli investit dans les secteurs primaires (agriculture, élevage) et tertiaire (banques, hôtels, services), principalement dans les pays les plus pauvres du Continent. La Libye lance le chantier de trois organismes financiers qui devraient contribuer à asseoir l'émancipation monétaire et financière de l'Afrique : la Banque africaine d'investissement (BAI), le Fonds monétaire africain (FMA) avec un capital de 42 milliards de dollars et la Banque centrale africaine (BCA). Outre le rachat des dettes et engagements contractés auprès des Institutions financières internationales, le développement de ces trois organismes devait permettre aux pays africains d'échapper aux diktats de la Banque mondiale et du FMI et marquer la fin du franc CFA. Une émancipation que l’Occident voit de très mauvais œil.

Trois attentats terroristes ont valu à Kadhafi d’être présenté comme la figure emblématique du terrorisme international : l’attentat contre la discothèque La Belle, à Berlin, en 1986, l’attentat contre un avion de la Pan Am au-dessus du village écossais de Lockerbie en 1988 et l’attentat contre le DC10 d’UTA en 1989 au-dessus du Niger. Tant d' évènements tragiques pour lesquels ils avaient été injustement imputés à l’Etat libyen !

L’attentat de Berlin est le premier de la série. Il a failli coûter la vie à Kadhafi suite à la réaction du président américain Ronald Reagan. Ce dernier, dès son arrivée à la Maison Blanche, en 1981, s’était mis en tête l’idée d’éliminer le Guide libyen qu’il qualifiait en pleine Guerre froide, d’« agent de Moscou », « l’homme le plus dangereux du monde » ou encore « le chien enragé du Moyen-Orient ». L’attentat, non revendiqué, servit de justification aux bombardements américains sur Benghazi et Tripoli, dans la nuit du 15 avril 1986. Kadhafi en sortit indemne, mais une de ses filles fut tuée tandis que sa femme et ses sept enfants furent blessés. Qui a commandité cet attentat ? En tout cas, le procès ouvert en Allemagne a abouti au verdict selon lequel aucun élément probant ne permettait d’établir la responsabilité de Kadhafi dans cette affaire.

Vient ensuite l’attentat de Lockerbie. L'attentat du vol Pan Am 103 a eu lieu le 21 décembre 1988 contre un Boeing 747-100 de l'ancienne compagnie américaine Pan American World Airways, qui assurait la liaison Londres – New York. Il explosa au-dessus du village de Lockerbie en Écosse et causa la mort de 270 personnes. Patrick Mbeko revient sur l’historique des enquêtes et fait remarquer que les éléments recueillis par les enquêteurs américains, Britanniques et Allemands s’orientaient vers la piste des services secrets syriens et iraniens. L’enquête va connaitre un tournant dans les années 1990 suite à l’implication de l’enquêteur du FBI Tom Thurman laissant tous les observateurs ébahis. La piste libyenne fit, depuis, privilégiée. Pourquoi ? L’abandon de la piste syro-iranienne s’imposait au vu d’un gros embarras en perspective. Il existe un monde ténébreux où barbouzes et grand banditisme s’entremêlent si dangereusement que même la justice préfère ne pas voir « ce qu’il ne faut pas voir ». La Libye devint ainsi le coupable idéal, et tout fut mis en œuvre pour lui faire endosser la responsabilité d’un crime qu’elle n’avait pas commis. Tripoli subissait à peine les conséquences de l’affaire de Lockerbie qu’une autre affaire, celle du DC10 d’UTA, était mise à sa charge. Pour rappel, le 19 septembre 1989, soit neuf mois après la tragédie de Lockerbie, le DC-10 du vol UT 772 de la compagnie UTA assurant le trajet Brazzaville-Paris via N'Djamena, explose au-dessus du désert du Ténéré, au Niger. Tous les passagers et membres d’équipage sont tués. Parmi les victimes, des Français et l’épouse de l'ambassadeur des États-Unis au Tchad. La Libye n’avait aucune raison de s’en prendre à la France puisque la guerre du Tchad dans laquelle les deux pays étaient directement impliqués était en voie de règlement. L’auteur attribue l’abandon de la piste syro-iranienne à une alliance de circonstance entre les puissances occidentales et la Syrie durant la Guerre du Golfe et la volonté de ne pas exposer des alliés impliqués dans le dossier des otages au Liban.

kadhafi-jeune.jpgSur les accusations de terrorisme, des années plus tard, les langues se sont déliées et plusieurs preuves sont que la Libye fut injustement accusée des deux attentats. Mais le pays fut contraint de payer : 200 millions de francs d’indemnités aux familles des victimes françaises de l’UTA et 2,7 milliards de dollars aux familles des victimes de Lockerbie. Un acte souvent brandi comme un aveu de culpabilité. En réalité, la Libye perdait beaucoup de revenus suite aux sanctions qui lui avaient été imposées : 24 milliards de dollars. En payant 2,7 milliards de dollars et en reprenant sa place dans le concert des nations, Tripoli s’inscrivait dans la logique froide de la realpolitik : privilégier ses intérêts. Ce geste de décrispation permit à la Libye de redevenir un Etat fréquentable à une époque où il valait mieux ne pas figurer sur la liste des Etat de l’axe du mal. Parallèlement, ce geste de décrispation permit à la Libye d’attirer massivement des investisseurs étrangers dans son secteur pétrolier et même les dirigeants occidentaux. La lune de miel fut néanmoins de courte durée. En cause : le printemps arabe.

Il est nécessaire de remonter à l’épicentre du mouvement des contestations populaires : la petite ville tunisienne de Sidi Bouzid et son héros malheureux Mohamed Bouazizi, le jeune marchand des quatre-saisons immolé le 17 décembre 2010 après avoir été frappé et humilié par une policière, Fayda Hamdi, selon la version véhiculée. Il fait remarquer que les récits ne collent pas à la réalité. Le jeune homme immolé ne s’appelait pas Mohamed Bouazizi, mais Tarek Bouazizi. Il n’était pas diplômé d’université, il n’avait même pas passé son bac. Sur place, à Sidi Bouzid, la population a déjà fait disparaître les traces d’un jeune homme qui aurait pourtant dû être célébré comme une fierté nationale. Pourquoi ? On peut s’interroger sur la spontanéité des révoltes et l’attitude indolente des forces de sécurités pourtant habituées à réprimer violemment les contestataires du régime. De fil en aiguille,il est important de déconstruire l’histoire convenue du « printemps arabe ». On peut remarquer que, si l’étincelle est partie de la Tunisie profonde, sans que personne ne comprenne vraiment qui étaient les tireurs de ficelles en arrière fond, c’est en Libye et en Syrie que le vrai visage des instigateurs du « printemps arabe » est apparu au grand jour, balayant au passage l’invective de la « théorie du complot ». Ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte non pas d’une colère spontanée des masses populaires, mais l’exécution des plans préparés à l’avance.

Dès 2007, les jeunes tunisiens et Egyptiens avaient reçu une série de formations initiées par le CANVAS (Centre for Applied Non Violence), une organisation basée sur les principes tactiques de Gene Sharp. Il s’agissait d’étendre aux pays du monde arabe les expériences réussies dans les anciens pays communistes où les Etats-Unis avaient fait renverser des présidents alliés de Moscou, derrière les révolutions colorées. Les autorités tunisiennes, égyptiennes et libyennes n’avaient ainsi rien vu venir. Le rôle joué par les Etats-Unis en arrière-plan est si déterminant que l’auteur décide de renommer ces évènements : « PRINTEMPS AMÉRICAIN DANS LE MONDE ARABE » et non « printemps arabe ».

Arrive le tour de la Libye, un pays qui, contrairement à la Tunisie et à l’Egypte, n’entretient pas de coopération militaire avec les Etats-Unis. Kadhafi avait fait fermer les bases militaires américaines et britanniques sur le sol libyen dès 1970. Les hauts gradés libyens ne pouvaient donc pas obtempérer aux consignes de l’extérieur. Par conséquent, contrairement à la Tunisie et à l’Egypte, où les manifestations étaient globalement pacifiques et maîtrisées, en Libye, les manifestations pacifiques sont accompagnées de graves violences armées. Les casernes et les commissariats sont attaqués par des unités commandos particulièrement efficaces au combat. Des canons anti-aériens apparaissent. D’où viennent toutes ces armes et ces combattants particulièrement aguerri ? Dans un premier temps Kadhafi donne l’ordre de ne pas réagir et de laisser s’exprimer la colère populaire. Il adopte des mesures sociales et fait même libérer des prisonniers politiques. Mais, rapidement, il perd le contrôle de vastes régions qui passent sous contrôle des groupes islamistes, alors alliés de circonstance de l’OTAN. Lorsqu’il tente de reprendre le contrôle de la situation, il se heurte à la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU autorisant la mise en place d'une une zone d'exclusion aérienne. Cette résolution, qui ne concernait que Benghazi, sera rapidement violée puisque c’est un déluge de bombes et de missiles qui s’abat sur toute la Libye, ainsi qu’une offensive au sol, jusqu’au renversement du gouvernement libyen, ce que l’ONU n’avait pas autorisé. L’auteur décrit les dernières heures de Kadhafi comme un moment de trahison ultime, une traque. Alors qu’il avait obtenu l’aval de l’OTAN pour quitter le pays et s’installer en Afrique du Sud, son convoi fut saccagé par un missile Hellfire tiré par un drone américain et deux bombes de 200 kg larguées par un mirage français. Il parvint à survivre avec une poignée de fidèles mais tomba entre les mains des miliciens de Misrata. La suite, ce sont les images de lynchage qui feront le tour du monde. C’est aussi le discrédit du principe de « responsabilité de protéger » comme le fut celui de « l’intervention humanitaire en Somalie ».

En effet, « protéger la population libyenne » fut la raison brandie au Conseil de sécurité de l’ONU pour justifier l’intervention des pays de l’OTAN en Libye. Lorsqu’on regarde ce qu’est devenue la Libye, difficile d’obtenir un consensus international en évoquant, à nouveau, « la responsabilité de protéger ». Depuis, à l’ONU, Russes et Chinois bloquent les projets de résolution initiés par les Occidentaux, notamment sur la Syrie, en rappelant le précédent libyen. Barack Obama a reconnu que la Libye est le plus grand regret de sa présidence tandis que les parlementaires britanniques ont étrillé l’ancien président français Nicolas Sarkozy et l’ancien Premier ministre britannique David Cameron dans un rapport sur la guerre en Libye.

« Vous avez voulu la paix, vous avez voulu la liberté, vous voulez le progrès économique. La France, la Grande-Bretagne, l'Europe seront toujours aux côtés du peuple libyen », avait promis le 15 septembre 2011 le président Nicolas Sarkozy à Benghazi devant l'euphorie d’une foule acquise à l’avènement d'une « nouvelle Libye ». Cinq ans plus tard, la Libye s’est littéralement décomposée. Pire, les Libyens qui ont survécu aux bombardements de l’OTAN seront des milliers à mourir lentement pour avoir respiré sans le savoir les microparticules d'uranium volatilisées dans l'air, tandis que nombreux vont donner naissance à des enfants mal formés, sans bras, sans jambes… conséquence des bombes à uranium appauvri larguées sur le pays. L’occasion de rappeler ce qu’était la Libye avant la guerre.

Lorsque débute la crise, le niveau de vie de la population libyenne n'a rien à envier à celui des populations occidentales. C'est le pays qui avait l'indice de développement humain le plus élevé du continent africain. Le PIB/hab était de 13.300 $, soit loin devant l'Argentine, l'Afrique du Sud et le Brésil. La croissance dépassait les 10% et le PIB/hab augmentait de 8,5%. La Jamahiriya était un Etat social où des biens publics étaient mis à la disposition de la population : l'électricité et l'eau à usage domestique étaient gratuites ; tout le monde avait accès à l'eau potable. Les banques libyennes accordaient des prêts sans intérêts ; les libyens ne payaient pratiquement pas d'impôts. La TVA n'existait pas. La dette publique représentait 3,3 % du PIB contre 84,5 % pour un pays comme la France, 88,9 % pour les États-Unis et 225,8 % pour le Japon. Le système public de santé, gratuit, était aux normes européennes, tout comme le système éducatif (le taux d'alphabétisation moyen était de 82,6 %). Les meilleurs étudiants libyens poursuivaient leurs études supérieures à l'étranger en bénéficiant d'une bourse du gouvernement. Les produits d'alimentation pour les familles nombreuses étaient vendus moitié prix sur présentation du livret de famille. Les voitures importées d'Asie et des États-Unis étaient vendues à prix d'usine. Le prix d'un litre d'essence coûtait à peine 8 centimes d'euros. Le pays, en dépit des sanctions qui lui avaient été imposées, avait tout de même réussi à constituer des fonds souverains à hauteur de 200 milliards de dollars placés dans des banques étrangères, occidentales notamment, et gérés par un organisme public, la Libyan Investment Authority (LIA), contrairement aux accusations faisant état d’enrichissement personnel. Peu de dirigeants au monde peuvent revendiquer un bilan pareil.

Par ailleurs, la Libye de Kadhafi fut un solide bouclier contre les vagues migratoires puisque de nombreux migrants sub-sahariens, notamment, choisissaient de s’installer en Libye au lieu de tenter la traversée de la Méditerranée. Et non seulement. Kadhafi fut un bouclier contre la circulation des terroristes islamistes qu’il combattait, bien avant les attentats du 11 septembre 2001. La Libye est le premier pays à avoir lancé, dès 1998, un mandat d'arrêt international contre Ben Laden pour un double assassinat perpétré, en 1994, contre deux fonctionnaires allemands sur le sol libyen. Mais tout au long de la campagne de l’OTAN contre la Libye, et même après, aucune des réalisations susmentionnées n'a été relevée et les populations occidentales n'en savent presque rien. Elles ne sauront jamais que celui qui leur a été présenté par leurs dirigeants et médias comme un méchant dictateur dilapidant les deniers publics de son pays, était en réalité un homme qui a énormément investi dans le bien-être de son peuple et protégé l’Europe des vagues migratoires et des mouvements terroristes.

La Libye est aujourd’hui un pays complètement ruiné. Trois gouvernements et une multitude de groupes terroristes se disputent le contrôle du pays. L'enlèvement du premier ministre Ali Zeidan à Tripoli, le 10 octobre 2013, est un triste exemple du climat chaotique qui règne dans le pays. Les dirigeants de la première heure du CNT ont fui le pays pour se réfugier à l’étranger. Les meurtres et les attentats sont devenus monnaie courante, contraignant des centaines de milliers de Libyens à trouver refuge dans d'autres villes ou dans les pays voisins. Les attentats ainsi que l'escalade des combats se succèdent dans tout le pays. Même le consulat des Etats-Unis à Benghazi a été la cible d'une attaque à l'arme lourde qui a coûté la vie à l'ambassadeur Christopher Stevens, torturé, sodomisé puis assassiné. Les violences et l'insécurité persistante ont poussé la plupart des pays occidentaux à évacuer leurs ressortissants et à fermer leurs représentations diplomatiques.

Tout le monde s'en va, y compris l'ONU et bon nombre d'ONG, relève l’auteur. Plus d'un million de migrants sont arrivés en Europe en 2015, au terme de périples périlleux. L'opération de sauvetage à grande échelle de l'UE a secouru près de 100 000 embarcations de fortune en Méditerranée. Malgré les efforts déployés, au moins 3 000 migrants libyens ont péri en mer. Le trafic de drogue a explosé, faisant de l'ex-Jamahiriya un pays de transit de la drogue, essentiellement à destination d'Europe... Le pays est devenu le nouvel eldorado des groupes intégristes islamistes. Dès le lendemain de la chute de Kadhafi, Al-Qaïda en a profité pour hisser son drapeau au-dessus du palais de justice de Benghazi. AQMI se promène dans le grand sud. Les islamistes d'Ansar al-Sharia se sont implantés à Benghazi et Derna, tandis que l’État islamique / Daesh a profité de l'insécurité permanente dans le pays pour s'y implanter.

Se pose naturellement la question de savoir si la guerre et l’élimination physique de Kadhafi valaient vraiment la peine. L’auteur estime que dans la logique des stratèges occidentaux, la destruction de la Libye et l’élimination de Kadhafi sont, paradoxalement, « une bonne opération ». Les efforts de Kadhafi pour sortir l’Afrique de l’extrême dépendance vis-à-vis de l’Occident constituaient une menace pour des puissances qui prospère sur le sous-développement et la misère des Africains. Une indépendance économique de l’Afrique et quelque chose d’inacceptable comme le rappelle le professeur Maximilian Forte cité par l’auteur : « L'intervention en Libye est aussi une façon d'envoyer un message aux autres États-nations africains (…) qu'il y a des limites dans lesquelles ils doivent opérer ». S'ils se lancent dans un processus de défiance nationaliste et anti-impérialiste, il pourrait y avoir des conséquences qui ne sont plus de l'ordre de l'hypothèse.

Un message glaçant dont on apprécie la froideur en repensant à la menace du président Sarkozy aux chefs d’Etat africains qui envisageaient de se rendre à Tripoli pour proposer une médiation de l’UA[48] : leur avion sera « flingué » !