Par Moon of Alabama
Si vous vous demandez ce qui se passe au Myanmar, regardez simplement ces cartes.
La Chine a besoin de pétrole mais sa principale voie d’approvisionnement maritime, qui passe par le détroit de Malacca, est vulnérable.

Des oléoducs passant par le Pakistan et le Myanmar offrent des voies alternatives.

Les pipelines, les routes et les lignes ferroviaires qui traversent le Myanmar ne sont pas seulement dans l’intérêt de la Chine, mais aussi une grande chance pour le Myanmar de se développer. Tout cela est bon pour son intérêt national.
Les États-Unis et leurs alliés sont hostiles à la Chine. Menacer de couper ses approvisionnements en pétrole est probablement l’outil le plus puissant dont ils disposent. Du coup, toute voie d’approvisionnement alternative pour la Chine rend cet outil moins puissant. L’idée est donc d’empêcher l’utilisation éventuelle de ces routes.
Depuis sa fondation après la Seconde Guerre mondiale, le Myanmar a été dirigé, plus ou moins brutalement, par ses militaires anticolonialistes.
Le premier plan des États-Unis pour prendre le contrôle du Myanmar consista à installer un « gouvernement démocratique » qui se plierait à leurs exigences. En 2010, sous la pression des révolutions de couleur fomentées par les États-Unis, les militaires ont autorisé un gouvernement civil mais ont conservé une grande partie de leur pouvoir constitutionnel et économique. En 2016, la candidate préférée des États-Unis, Suu Kyi, la fille de l’ancien chef militaire et père de la nation, Aung San, a été installée à la tête d’un nouveau gouvernement.
Mais Aung San Suu Kyi s’est révélée être une nationaliste et a rapidement perdu de son utilité aux yeux des « changeurs de régime » américains. Elle était aussi amie avec la Chine que les militaires et se montrait tout aussi agressive envers les nombreuses minorités ethniques du Myanmar. Ce n’est donc pas sur ces sujets qu’elle s’est finalement brouillée avec les militaires. L’armée possède des industries clés au Myanmar et Aung San Suu Kyi, ainsi que les personnes de la « société civile » qui la soutiennent, voulaient avoir leur part.
Les élections de 2020, qui ont exclu du vote de nombreuses régions ethniques, ont apporté un soutien écrasant à Aung San Suu Kyi. Cela a alarmé les militaires, qui se sont mis à craindre que leur principale source de revenus ne soit bientôt menacée. Le 1er février, ils ont lancé un coup d’État et placé Aung San Suu Kyi en résidence surveillée.
Les États-Unis ont alors eu une nouvelle occasion d’intervenir. Ils ont immédiatement réactivé les 77 organisations de la « société civile » du Myanmar qu’ils financent par l’intermédiaire de la National Endowment for Democracy, une émanation de la CIA. Des manifestations ont été lancées en même temps que des attaques contre des entreprises et des biens chinois.
Comme je l’ai décrit à l’époque :
Il s'agit donc manifestement d'une tentative de révolution de couleur dirigée
contre l'armée.
Ce qui est intriguant, c'est la vitesse à laquelle elle a démarré. Les révolutions
de couleur nécessitent généralement des années pour constituer des groupes
et préparer des dirigeants. Elles ont besoin d'un soutien financier et de
communication, ainsi que d'orientations politiques de la part de "conseillers"
venant d’ambassades "occidentales". Celle-là, il n'a fallu que dix jours pour
la lancer.
En 2005, l'administration Bush entretenait la "société civile" du Myanmar et
Suu Kyi, qui était alors en résidence surveillée. Elle est apparue lors de la
"révolution de couleur safran" en 2007 et lors du cyclone Nargis en 2008,
lorsque l'administration Bush a tenté d'utiliser l’absurde responsabilité de
protéger (R2P) pour mettre une botte militaire sur le terrain.
Mais tout cela remonte à loin et, après l'arrivée au pouvoir de Suu Kyi,
il n'était plus nécessaire de poursuivre ces efforts.
D'ailleurs, en vertu de la constitution du Myanmar de 2008, les militaires
étaient toujours effectivement aux commandes. Avec la large victoire de
Suu Kyi aux dernières élections, il se pourrait qu'une tentative "occidentale",
planifiée de longue date, soit en cours pour enfin déloger les militaires de
leur position privilégiée et sortir le pays de l'orbite de la Chine.
Mais les chances que cela se produise un jour sont pratiquement nulles.
Environ 70 % de la population du Myanmar vit dans des zones rurales.
Les manifestations ne se produisent que dans les trois grandes villes,
Yangon, Mandalay et Naypyitaw, et sont relativement peu nombreuses.
Les militaires sont impitoyables et n'auront aucun mal à faire tomber les
manifestants.
Celui qui a lancé cette absurdité devrait être tenu responsable de la mise
en danger de ces personnes.
Comme je l’avais prédit, les manifestations et les grèves que le système
de révolution de couleur a lancées, sous la forme d’un mouvement de
désobéissance civile (MDC), se sont éteintes depuis :
Bien que Thiha ne veuille pas abandonner le MDC, il ne veut pas non plus
perdre son emploi à cause d’un contexte économique difficile. Après
avoir réfléchi pendant quelques jours, il a décidé de reprendre le travail.
"J'ai un prêt fait auprès d'une société de microfinancement que je dois
rembourser et une famille à soutenir - une femme et une fille de cinq ans",
a-t-il déclaré. "Il ne serait pas facile pour moi de trouver un autre emploi,
d'autant plus que je devrais changer de carrière".
Il n'y avait qu'une poignée d'employés présents lorsqu'il a repris le travail,
le 20 avril, mais leur nombre a augmenté chaque jour ; à la date limite du
29 avril, environ 80 % d'entre eux étaient revenus, même s'ils ne portaient
pas encore leur uniforme KBZ.
C'est une scène qui se répète dans tout le pays, alors que des dizaines
de milliers d’employés de banque en grève reprennent lentement le travail.
Cette tentative de révolution de couleur induite par les États-Unis
contre le coup d’État militaire a échoué.
Il est maintenant temps de passer au plan B, sur le modèle syrien :
« Si nous ne pouvons pas le soumettre, nous le détruirons ! »
Un important groupe rebelle ethnique birman a affirmé avoir abattu un
hélicoptère appartenant à l'armée du pays. Cet incident survient dans un
contexte de continuelles manifestations contre le récent coup d'État qui a
évincé le gouvernement civil du Myanmar.
L'Armée de l'indépendance de Kachin (KIA) a déclaré que l'hélicoptère avait
été abattu lundi dans la province de Kachin, située à l'extrême nord du
Myanmar. L'appareil aurait été détruit alors que l'armée du Myanmar effectuait
des frappes aériennes contre les rebelles. ...
Des images circulant en ligne montrent l'hélicoptère - probablement un Mi-17
de transport-assaut - apparemment touché par un lanceur de missiles
anti-aériens portable.
Les Kachins (en rouge), au nord-est, et les Karens (en orange), au sud-est, luttent depuis longtemps contre la majorité birmane (en violet foncé) et pour leur autonomie au sein du Myanmar. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée nationale birmane dirigée par Aung San a combattu aux côtés du Japon pour chasser la puissance coloniale britannique de Birmanie. La Grande-Bretagne, qui contrôlait également l’Inde à cette époque, a utilisé les Kachins et les Karens pour mener une guérilla contre les forces birmanes proxy du Japon.

Dans le cadre du projet Quad de lutte contre la Chine, ces anciens liens ont été réactivés. L’ancien ambassadeur indien, M.K. Bhadrakumar, explique ce plan :
Parallèlement, le MI6 britannique a cherché à réunir les principaux groupes de
guérilla séparatistes ethniques du Myanmar, les encourageant à profiter du
chaos pour ouvrir un second front.
En effet, une certaine proximité s'est développée depuis lors entre les
manifestants birmans de Yangon et de Mandalay d'une part et les groupes
ethniques minoritaires non birmans d'autre part. Malgré une histoire
d'antipathie mutuelle, leurs intérêts convergent aujourd'hui pour saigner
les militaires. C'est une coalition improbable de bouddhistes et de chrétiens,
mais comme l'évalue prudemment un analyste américain, c'est faisable : ...
Quoi qu'il en soit, à la mi-avril, la première attaque armée majeure contre
l'armée a été menée par l'Union nationale karen, le plus ancien groupe rebelle
du Myanmar (créé à l'origine par la puissance coloniale britannique pour
lui servir de force proxy).
Aujourd'hui, le gouvernement dit d'unité nationale a annoncé son intention
de créer une armée d'union fédérale - une force militaire composée de
transfuges des forces de sécurité, de groupes ethniques rebelles et de
volontaires. Ce serait un tournant qui transformerait l'agitation anti-militaire
en une confrontation armée contre les militaires. Le Myanmar entre dans
la phase cruciale où se trouvait la Syrie en 2011.
Le missile Man Portable Air Defense (Manpad) utilisé par les Kachin contre
un hélicoptère de l’armée du Myanmar n’est pas sorti de nulle part.
Il doit provenir du MI6 ou de la CIA, via les frontières largement ouvertes entre le Myanmar et l’Inde, pays membre du Quad. (Il est probablement plus compliqué d’obtenir des provisions pour les Karens près de la frontière thaïlandaise, car l’armée thaïlandaise est elle-même soumise à la pression d’une révolution de couleur américaine et n’aimerait pas contribuer à de tels efforts).

Il existe d’autres groupes ethniques des deux côtés de la frontière indienne qui peuvent être et seront utilisés pour mener une guérilla contre l’armée du Myanmar. Disposant gratuitement d’armes modernes, ils peuvent créer des dégâts considérables.
Pendant ce temps, un « gouvernement d’unité nationale » en exil, du genre de celui de Juan Guaido, sera utilisé pour faire croire qu’il existe une réelle opposition au gouvernement militaire. L’« armée d’union fédérale » sera une copie de l’« armée nationale syrienne » – un assemblage perdu de mercenaires et de divers groupes de seigneurs de guerre. Une organisation de propagande du type des « Casques blancs » devrait également faire son apparition prochainement.
L’objectif est de déclencher une vaste guerre civile qui rendra impossible la mise en œuvre de tout projet chinois au Myanmar.
Bhadrakumar constate que le projet est bien coordonné :
Le secrétaire d'État américain Antony Blinken s'est entretenu avec son
homologue indien S.Jaishankar pas moins de trois fois en autant de mois
depuis la prise du pouvoir par les militaires au Myanmar. Il est certain que
la coopération de l'Inde est cruciale pour le succès de l'entreprise
anglo-américaine au Myanmar.
Le Myanmar a occupé une place importante lors de la réunion des
ministres des affaires étrangères du G7 à Londres du 3 au 5 mai.
Jaishankar s'est rendu à Londres et a rencontré Blinken. Aucune
des deux parties n'a divulgué de détails, mais un rapport de
Deutsche-Welle a signalé que "la Chine était en tête de l'ordre du
jour alors que les ministres des affaires étrangères du G7 discutaient
d'une série de questions relatives aux droits de l'homme. La question
du coup d'État au Myanmar et de l'agression russe était également
à l'ordre du jour".
Le communiqué ajoute que les ministres du G7 ont regardé une vidéo
du gouvernement d'unité nationale du Myanmar afin "d'informer les
ministres de la situation actuelle sur le terrain". Le communiqué conjoint
publié à l'issue de la réunion de Londres consacre une grande attention
au Myanmar (paragraphes 21 à 24). Il exprime sa "solidarité" avec le
gouvernement d'unité nationale et appelle à des sanctions globales
contre l'armée du Myanmar, y compris un embargo sur les armes.
Les douleurs de naissance des insurrections ne sont jamais exposées au
public, car les agences de renseignement mettraient les acteurs en jeu.
La situation au Myanmar a atteint ce stade. C'est la première grande action
du Royaume-Uni post-Brexit ("Global Britain") sur la scène mondiale.
Comme souvent dans l'histoire moderne, Londres mènera la danse
depuis l'arrière.
Les contre-mouvements aux plans américains et britanniques viendront de Russie et de Chine. Une semaine avant le coup d’État, le ministre russe de la Défense, Sergei Shoigu, s’est rendu au Myanmar. Le 27 mars, le vice-ministre russe de la défense, Alexander Fomin, était présent lors du défilé annuel de la Journée des forces armées à Naypyidaw.
La Russie a des intérêts pétroliers au Myanmar et vend des armes à son armée. Elle empêche toute mesure contre le Myanmar au Conseil de sécurité des Nations unies. Signe qu’elle connaît les enjeux, elle a prévenu que des sanctions contre l’armée pourraient conduire à une véritable guerre civile.

Jusqu’à présent, la Chine est restée silencieuse sur cette question. Elle s’efforcera de garder un profil bas. Une intervention ouverte de la Chine est hors de question, mais l’aide chinoise pourrait devenir importante si ou quand le gouvernement du Myanmar subit des pressions financières.
Il est dit qu’un autre petit pays, qui ne demande qu’à être laissé tranquille, sera bientôt détruit par la tentative « occidentale » de maintenir la Chine à terre. Une guerre par procuration entre grandes puissances dont personne, à part des personnes déjà riches, ne profitera.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone








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L'influence de Carl Schmitt en Chine dépasse largement le cercle des philosophes politiques. Gao Quanxi (photo) et Chen Duanhong, éminents représentants du constitutionnalisme politique chinois, ont utilisé l'élaboration théorique de Schmitt pour comprendre en profondeur la nature de la Constitution de la République populaire.
Selon Schmitt, toute Constitution positive découle d'une décision politique fondatrice. La Constitution se réfère directement au moment politique (à la décision du Sujet en possession du pouvoir constituant), tandis que le droit constitutionnel se réfère aux normes de la Constitution.
Gao Quanxi et Chen Duanhong soutiennent tous deux la thèse selon laquelle la Constitution chinoise se situe dans une sorte de juste milieu entre l'exceptionnalisme et l'ordinaire. Cependant, si le premier tente de réduire l'espace d'action du Parti par rapport à la Constitution en vue de la "normalisation" définitive, le second (et cela le rend plus proche du modèle de leadership théorisé par Xi Jinping) exalte le rôle et le pouvoir constituant permanent du Parti. Ce pouvoir coexiste avec le "pouvoir constitué" de l'Assemblée nationale populaire. Le parti exerce ainsi un pouvoir décisionnel ; ses choix, s'ils s'avèrent avantageux, sont repris sous forme d'amendements à la Constitution ou, dans le cas contraire, ils peuvent être suspendus.











Une déclaration similaire a également été faite quelques années plus tôt par Choudhry Rahmat Ali (photo) (exactement en 1933 et à la fin des tables rondes de Londres) dans un pamphlet qui a acquis une certaine notoriété sous le titre de « Déclaration du Pakistan ». Rahmat Ali écrit : "Nos religions et nos cultures, nos histoires et nos traditions, nos codes sociaux et nos systèmes économiques, nos lois sur l'héritage, la succession et le mariage sont fondamentalement différents de ceux des personnes vivant dans le reste de l'Inde. Les idées qui poussent notre peuple à faire les plus grands sacrifices sont essentiellement différentes de celles qui inspirent les hindous à faire de même. Ces différences ne se limitent pas aux principes de base. Ils s'étendent jusqu'aux moindres détails de nos vies. Nous ne dînons pas ensemble. On ne se marie pas entre nous. Nos coutumes nationales et nos calendriers sont aussi différents que notre nourriture et nos vêtements"[15]. Nous ne sommes pas les mêmes.


























Aujourd'hui comme hier la compétition est devenue stratégique et la limitation des espaces de manœuvre consentis, a provoqué la lente création de deux blocs d'alliances rivales, auxquelles le nationalisme ou le souverainisme renaissants fournissent l'aliment idéologique pour les futurs belligérants. En ce qui concerne l'analogie historique, toujours imprécise, entre la situation européenne du XIXème et celle eurasienne du XXIème, la question de fond,qui préoccupait la Grande Bretagne de l'époque et les États-Unis d'aujourd'hui, était de savoir si la crise d'hégémonie et le problème de l'alternance qui iraient se manifester, étaient dus à la structure générale de la configuration du système ou à une politique spécifique de l'un ou de l'autre des deux "compétitors" et si, in fine, l'existence même de l'empire américain serait menacée et avec elle, celle de l'Occident et de la civilisation occidentale, jusqu'à sa variante russo-orthodoxe. Le Mémorandum Crowe, dans le cas de l'Allemagne montante et dans le cadre d'une analyse de la structure de la puissance, concluait pour l'incompatibilité entre les deux pouvoirs, britannique et allemand, et excluait la confiance et la coopération de la part de la Grande Bretagne. Ainsi l'importance des enjeux, interdisait à celle-ci d'assumer des risques et l'obligeait à prévoir le pire.
L'évaluation des besoins de sécurité et de défense de la Chine est contenue dans le "Rapport 2010" concernant les forces armées du pays.
















Ce livre est par ailleurs l'illustration d'un courant nationaliste, qui n'exclut aucune hypothèse, y compris une confrontation avec les États-Unis. Cette hypothèse s'inscrit d'une part dans l'analyse des tendances stratégiques contemporaines et de l'autre dans le débat sur le destin national chinois, permettant d'accorder, au moins théoriquement, la "montée pacifique" du pays, avec la conception d'un "monde harmonieux"(ou d'un ordre politique juste et bienveillant) Cependant son point d'orgue repose sur l'idée de profiter d'une grande "opportunité stratégique", à l'ère post-américaine, dont témoigne le texte le "Rêve Chinois" du Colonel Liu Mingfu, prônant la consolidation de la puissance chinoise et le rattrapage de l'Occident. En effet le rétablissement du rôle central de la Chine dans les affaires internationales, régionales et mondiales, opère dans une période d'affaiblissement des États-Unis (années 2010). Dans ce début de millénaire, l'Amérique ne serait plus "un tigre un papier", comme à l'époque de Mao Zedong, mais "un vieux concombre peint en vert" (Song Xiao JUn), de telle sorte que la Chine ne peut plus se contenter d'une "montée économique" et a besoin "d'une montée militaire". 

La nouvelle doctrine militaire chinoise est à toutes fins utiles une redécouverte et une extension des théories de L'Art de la guerre de Sun Tzu. L'objectif tactique est de conditionner l'esprit et la volonté de l'ennemi dans un cadre stratégique en constante évolution en profitant de situations favorables grâce à divers stratagèmes et tromperies. La pensée militaire chinoise se caractérise par une approche indirecte, il existe chez les Chinois une vision holistique des objectifs qui, contrairement à l'Occident, ne se concentre pas sur une cible spécifique mais sur l'ensemble du système, et le recours à la force doit être utilisé dans le cadre d'une stratégie à long terme en intégrant les sphères militaire et civile, en utilisant la guerre hybride et la cyberguerre dans la conduite des opérations de guerre traditionnelles. L'Armée populaire de libération est en effet en train de développer des capacités opérationnelles et technologiques incroyables dans le cyberespace, non seulement en ce qui concerne l'espionnage et l'acquisition d'informations sensibles, mais aussi en ce qui concerne les attaques sur les infrastructures critiques pendant les conflits armés. La RPC considère le contrôle du cyberespace comme une prérogative essentielle pour affirmer son pouvoir national.

Face à l'effondrement rapide du système, la Chine, en tant qu'État dissident au sein de l'empire, si elle veut assumer un rôle de premier plan dans la construction de ce qui a été défini par Schmitt comme le "nouveau nomos de la terre", devra fournir une solution capable de faire coexister différentes instances ; une "harmonie sans uniformité" (ou "unité dans la multiplicité"). Le concept d'"harmonie sans uniformité" occupe une place centrale dans la pensée traditionnelle chinoise. Cette pensée, en fait, n'a jamais été "unipolaire". La représentation chinoise de l'Univers lui-même n'a jamais été moniste. Elle s'inspire traditionnellement de l'idée que l'ensemble est réparti en groupements différents et hiérarchisés différemment. Le ciel est un et la terre est multiple. Le Dieu du Ciel, selon la cosmogonie sinique, a été conçu d’emblée comme une seule personne, fragmentée en différentes hypostases. Et ces hypostases tiraient leurs attributs des particularités des régions terrestres auxquelles elles étaient affectées.