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jeudi, 11 février 2021

Le concept d'Empire dans la pensée de Jiang Shigong

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Le concept d'Empire dans la pensée de Jiang Shigong

Par Daniele Perra

Ex : http://osservatorioglobalizzazione.it

Néo-maoïste, schmittien, nationaliste, socialiste conservateur, interprète de la pensée de Xi Jinping, le philosophe politique chinois Jiang Shigong a été défini de différentes manières mais personne ne le décrit vraiment de façon complète. Ce qui est évident, c'est le fait que sa pensée est totalement "illibérale". Dans cet article, nous allons tenter de l'analyser à partir d'un concept central dans son élaboration théorique : l'idée de l'empire comme acteur principal de l'histoire du monde.

L'histoire mondiale est l'histoire des affrontements et de la concurrence pour l'hégémonie entre les différents empires et l'histoire de l'évolution des formes impériales. L'État-nation est un produit relativement récent et moderne, et ses activités politico-économiques ont toujours été garanties par des formes d'ordre impérial.

Sur la base de cette hypothèse, Jiang Shigong, professeur à la faculté de droit de l'université de Pékin, propose de réexaminer l'histoire du monde dans une perspective impériale et en dépassant l'idéologie de l'État-nation. Une telle perspective est déjà en total contraste avec une forme de pensée particulièrement en vogue en "Occident" ces dernières années, qui a trouvé sa plus grande expression dans l'œuvre du théoricien israélien Yoram Hazony.

En fait, Hazony, dans son livre, The Virtues of Nationalism, avance l'idée que "le nationalisme est aussi vieux que l'Occident" (un concept, à vrai dire, assez obscur si l'on ne précise pas à quelle réalité "occidentale" on se réfère, étant donné que l'"Occident", tel que nous le connaissons aujourd'hui, est le produit d'une construction idéologique assez récente) et que le premier prototype de l'État-nation était représenté par le Royaume biblique d'Israël. Ce qui est surprenant dans la théorie de Hazony, c'est qu'elle (peut-être aussi pour éviter une confrontation directe avec la pensée schmittienne) se tient bien à l'écart de l'examen du processus concret de création de l'État dans l'Europe moderne. Les Etats-nations par excellence, dans la pensée de l'idéologue israélien, sont en fait les Etats-Unis et l'Etat d'Israël actuel [1]. Il va sans dire qu'une telle approche, derrière le désir de morcellement du monde, cache le principe impérialiste traditionnel du "diviser pour régner" et la volonté d’assurer la domination de l'État fort sur l'État faible. Au contraire, Shigong, à l'instar du géopolitologue français François Thual [2], se demande combien d'États parmi les plus de 200 existants sont réellement souverains et si l'ordre mondial issu de la Seconde Guerre mondiale et de la fin de la Guerre froide est réellement constitué d'une multitude d'entités politiques ayant les mêmes droits dans la sphère internationale ou non. La réponse à ces questions ne peut être séparée d'une analyse du concept d'empire tel que le conçoit le penseur chinois.

L'empire comme forme universelle

Shigong utilise le terme "empire" comme un concept sociologique et intellectuel descriptif. L'Empire, moteur de tous les grands changements et développements de l'histoire, est le système politique qui régit les "grands espaces"[3]. L'idée impériale est toujours universelle mais, historiquement, elle a toujours été limitée dans l'espace et le temps. Ce n'est qu'avec l'accélération de la mondialisation au cours des dernières décennies que s'est développée l'idée d'une civilisation mondiale fondée sur les valeurs de l'empire qui est sorti victorieux du choc entre les formes impériales aux aspirations mondiales : le modèle libéral-démocrate nord-américain et le modèle communiste soviétique.

À cet égard, il est bon de rappeler la particularité intrinsèque de la forme impériale nord-américaine imprégnée de messianisme par l'idéal du "destin manifeste". Cette idée a été amplement étudiée par Anders Stephanson qui, en observant les différences et les similitudes entre le modèle nord-américain et les formes impériales du passé, est arrivé à la conclusion que tous, plus ou moins indistinctement, ont conservé leur propre unicité et, par certains aspects, ont prétendu avoir été consacrés par un ordre supérieur. Cependant, ce n'est que dans le cas nord-américain que cette idée de "consécration" a été présentée comme entraînant le droit de transformer le monde à sa propre image et ressemblance dans le but d'atteindre ce qui est correctement défini comme la "fin de l'histoire"[4].

Cinq formes d'empire pour cinq civilisations

Aujourd'hui, Shigong identifie cinq civilisations impériales qui ont historiquement distingué la masse continentale eurasienne : la civilisation sino-confucéenne, la civilisation hindoue, la civilisation islamique, la civilisation chrétienne de l'Europe et la civilisation des steppes dont est issue l'entité impériale tsariste. Tous étaient indistinctement des civilisations impériales "terrestres", du moins jusqu'à l'âge d'or de la navigation transocéanique.

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La civilisation européenne chrétienne a toujours perçu les civilisations islamique et russe comme des menaces pour le simple fait que celles-ci, situées à mi-chemin entre l'Ouest et l'Est de l'espace eurasien, bloquaient la voie européenne vers l'Inde et l’Orient, voire l’Inde et l'Extrême-Orient. Les relations étroites entre la civilisation islamique et l'Orient, selon Shigong, ont permis à ce dernier de maintenir une supériorité militaire et intellectuelle substantielle sur l'Europe tout au long du Moyen Age. Cependant, l'équilibre des pouvoirs a changé lorsque les Européens, contraints de prendre la route des océans, ont "découvert" le Nouveau Monde et ont commencé à naviguer autour de l'Afrique.

Avec la colonisation du "Nouveau Monde" a également commencé la compétition au sein de l'Europe et le processus de formation de l'État-nation en tant qu'entité moderne en contraste ouvert avec les modèles impériaux "datés" (Russie, Empire ottoman et Chine). Mais la concurrence à l'intérieur de l'Europe est projetée une fois de plus comme une compétition entre différents modèles d'empire colonial. Les modèles ibériques "inclusifs" (chaque "Indien" était de toute façon considéré comme un sujet de la Couronne), toujours imprégnés des caractéristiques traditionnelles des empires terrestres, étaient contrastés par les modèles britanniques et néerlandais "exclusifs" et racistes (la population indigène des Amériques, également en vertu d'un modèle de colonisation idéologique centré sur le mythe puritain du nouvel exode biblique, était considérée comme digne d'être anéantie), centrés sur la puissance commerciale maritime.

Le modèle nord-américain, qui est sorti victorieux de la confrontation entre les nouvelles formes impériales au cours du XXe siècle, est l'héritier du modèle britannique, mais possède également ses propres caractéristiques. Il s'agit d'un système mondial global qui ne se maintient qu'en termes relatifs par l'occupation militaire (limitée uniquement à des zones spécifiques d'intérêt stratégique). L'empire mondial nord-américain est fondé sur la domination scientifique, technologique et commerciale (sur le rôle du dollar en tant que monnaie d'échange internationale qui permet d'imposer des sanctions unilatérales aux pays "dissidents"), sur des institutions internationales plus ou moins hétéro-dirigées par Washington et sur l'utilisation extensive et abusive du droit international lui-même. En fait, les relations entre la Chine (pays exportateur de biens et importateur de la dette nord-américaine) et les États-Unis ont continué jusqu'à ce que les Chinois commencent à menacer sérieusement la puissance technologique de Washington qui, dans le passé, avait déjà écrasé les tentatives japonaises et européennes dans le même domaine.

Selon M. Shigong, la Russie et la Chine évoluent toutes deux au sein du système impérial mondial des États-Unis et non en dehors de celui-ci. Leur défi part donc de l'intérieur de ce système, même s'il vise à le surmonter. Il va sans dire qu'une telle conception démasque ouvertement la tromperie de la dichotomie politique "occidentale" globalisme/souverainisme. Le choc politique entre "souverainistes" et "mondialistes" s'inscrit à nouveau dans un ordre mondial qui existe déjà et tous deux visent à rester dans cet ordre et non à en sortir (les souverainistes qui aspirent tout au plus à une souveraineté sous la protection de Washington), voire à le renforcer encore davantage (les mondialistes). Et, par conséquent, il n'est pas surprenant que la Chine, avec son objectif de construire un nouveau "nomos de la terre", soit alternativement vitupérée par les deux parties.

Maintenant, dans la perspective de Shigong, le système impérial nord-américain est en crise parce qu'il a essayé d'imposer une uniformité totale à l'échelle mondiale, uniformité basée sur son propre système idéologique, alors que la force de l'empire a toujours résidé dans la possibilité ouverte d'une hétérogénéité féconde au sein d'un grand espace. Un grand ordre politique, en effet, doit nécessairement agir comme un scénario pour le développement de modèles locaux qui, à leur tour, ne peuvent exister en dehors du même ordre. Un empire, s'il veut avoir des aspirations mondiales, doit être capable de fournir un mécanisme de coordination à l'échelle planétaire qui permette une concurrence productive et une coexistence pacifique entre les différents modes d'organisation politique et économique.

L'"Occident", au contraire, a essayé de surmonter l'antagonisme par une uniformité idéologico-politique (plus ou moins forcée selon les scénarios). Mais l'idéologie politique de l'"Ouest" dirigé par l'Amérique du Nord, intrinsèquement décadent dans son libéralisme politique et culturel, a conduit ce même "Ouest" à la crise actuelle et au début d'une implosion du centre impérial qui, à l'époque, avait déjà été prédite par un autre penseur chinois et aujourd'hui conseiller de Xi Jinping : Wang Huning, auteur du livre L'Amérique contre l'Amérique.

imageswang.jpgFace à l'effondrement rapide du système, la Chine, en tant qu'État dissident au sein de l'empire, si elle veut assumer un rôle de premier plan dans la construction de ce qui a été défini par Schmitt comme le "nouveau nomos de la terre", devra fournir une solution capable de faire coexister différentes instances ; une "harmonie sans uniformité" (ou "unité dans la multiplicité"). Le concept d'"harmonie sans uniformité" occupe une place centrale dans la pensée traditionnelle chinoise. Cette pensée, en fait, n'a jamais été "unipolaire". La représentation chinoise de l'Univers lui-même n'a jamais été moniste. Elle s'inspire traditionnellement de l'idée que l'ensemble est réparti en groupements différents et hiérarchisés différemment. Le ciel est un et la terre est multiple. Le Dieu du Ciel, selon la cosmogonie sinique, a été conçu d’emblée comme une seule personne, fragmentée en différentes hypostases. Et ces hypostases tiraient leurs attributs des particularités des régions terrestres auxquelles elles étaient affectées.

Les racines de la pensée chinoise

En ce sens, la pensée traditionnelle chinoise, incapable de saisir le mode de pensée occidental qui distingue "sujet" et "objet" (ou en termes hégéliens la dichotomie maître/esclave), est déjà en soi multipolaire et anti-impérialiste. Mais si la Chine veut vraiment travailler à un dépassement du modèle unipolaire nord-américain, sur la base de sa propre Tradition, selon Shigong, une "volonté constante et terrible" sera nécessaire.

Il est un fait que depuis quelque temps déjà, la Chine ne s'inspire plus d’idées d'origine "occidentale". La pensée chinoise du XXe siècle, comme l'a déclaré un autre intellectuel chinois "schmittien", Liu Xiaofeng, s'est développée en réaction à la pénétration coloniale et culturelle de l'Occident, et a trouvé dans le marxisme-léninisme un instrument pour la combattre [5]. Mais le maoïsme, en même temps, a réussi à transcender le préjugé matérialiste du marxisme-léninisme. Le marxisme, en Chine, a fusionné avec le principe traditionnel de la "connaissance du cœur". La culture chinoise a insufflé au communisme une capacité spirituelle entièrement nouvelle [6]. Et dans ce sens, la pensée de Xi Jinping, en tant qu'évolution du maoïsme et opérant un renouveau du socialisme en regardant en arrière, se caractérise comme une intégration de la pensée traditionnelle et de la théorie du communisme.

L'interprétation de Shigong du rapport de Xi Jinping au 19e Congrès du PCC est particulièrement intéressante [7]. En effet, ce rapport positionne l'ère Xi dans l'histoire de quatre manières différentes.

Tout d'abord, il convient de préciser que l'utilisation des divisions historiques pour exprimer la pensée politique est une méthode traditionnellement employée par la culture chinoise. Ainsi, l'histoire récente de la Chine a été divisée selon un schéma générationnel (ère Mao, ère Deng, etc.) axé sur le principe hiérarchique confucéen qui met l'accent sur la primauté des anciens sur les jeunes. Ainsi, selon Shigong, Xi Jinping, en partie pour contrer les tentatives internes de ceux qui cherchaient à mettre ces périodes en opposition les unes avec les autres, a d'abord accompagné le schéma générationnel d'un système de périodisation en différentes étapes : s'élever, s'enrichir, devenir fort.

Deuxièmement, Xi Jinping souligne le passage de l'approche nationaliste du "socialisme à caractéristiques chinoises" à la recherche d'un rôle global de la Chine pour surmonter le modèle nord-américain. À cet égard, l'erreur occidentale a toujours été de comparer (pour des raisons évidentes liées à des stratégies précises de maintien de l'hégémonie idéologique) la montée de la Chine à celle de l'Allemagne nazie (comme le fait encore l'économiste américain Clyde Prestowitz en 2021) ou à la menace soviétique (idée largement diffusée dans les milieux néoconservateurs). Au contraire, l'idée chinoise, purement multipolaire, ne s'oppose pas ouvertement au libéralisme occidental. L'"Occident", s'il le juge bon, est libre de maintenir son modèle et de le renforcer (si nécessaire). Toutefois, elle ne peut en aucun cas prétendre l'imposer à d'autres.

Xi Jinping ne parle jamais de "modèle chinois" mais de "solution chinoise" ou de "sagesse chinoise". Cette "solution chinoise" n'est qu'une possibilité à adopter : une option possible pour tous les pays qui veulent accélérer leur développement tout en essayant de conserver leur indépendance.

Troisièmement, la Chine ne suit pas dogmatiquement les idées développées et produites par l'expérience occidentale du socialisme. Le socialisme chinois a des caractéristiques proprement chinoises en raison de la tradition chinoise. On y trouve une intégration entre l'État de droit (le nouveau code civil inspiré du droit romain est fondamental à cet égard) et l'État des vertus d'origine clairement confucéenne. Et elle ne s'est pas effondrée, comme le modèle soviétique, car Mao a été le premier à identifier cette voie en critiquant le révisionnisme de Khrouchtchev. Dans ce système, le Parti et le Congrès représentent les deux corps du peuple au sein d'une structure étatique qui comprend la politique, le droit, la culture et l'idéologie. Le Parti, en même temps, incarne et représente la constitution non écrite de la Chine. Le pays de l'Extrême-Orient se transforme ainsi en une unité organique où rien d'individuel n'est aliéné du collectif. Il s'agit d'un ensemble organique et spirituel. Shigong écrit : "Le communisme n'est pas seulement la promesse d’une belle vie future mais il est aussi et surtout la condition spirituelle des membres du Parti dans la pratique de la vie politique [...] dans le contexte de la tradition culturelle chinoise, la compréhension de cet idéal suprême n'est plus celle de Marx dont la pensée dépendait de la tradition théorique occidentale mais est intimement liée à la Grande Union de Tianxia, de tradition culturelle chinoise".

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Le concept traditionnel de Tianxia ("tout ce qui est sous le ciel") conduit directement au dernier point et à la "grande union" comme "unité dans la multiplicité" des nouveaux nomos de la terre. Le modèle impérial chinois a toujours été très hétérogène et axé sur la recherche d'une coexistence pacifique dans le respect des différences de chacun (un modèle similaire aux modèles achéménide et romain). Sur la base de cette idée traditionnelle, la Chine devrait être en mesure de proposer un système mondial dans lequel les antagonismes naturels sont surmontés par la pratique et la recherche d'une coopération constructive.

À la lumière de ce qui a été dit jusqu'à présent, il n'est pas surprenant que Shigong accorde une attention particulière à la situation de Hong Kong. En fait, la ville représente le banc d'essai de la capacité des Chinois à expérimenter un ordre capable de coordonner plusieurs systèmes (ou même de les opposer) au sein d'un même système. Hong Kong, dans la perspective de Shingong, est le point d'appui avec lequel l'"Occident" peut donner vie aux nouveaux nomos de la terre mentionnés plus haut. S'attaquer au problème de Hong Kong signifie s'attaquer au renouvellement de la civilisation chinoise et sanctionner le succès potentiel ou non de la "solution chinoise". C'est pourquoi le théoricien politique chinois croit fermement que Pékin doit agir avec une extrême circonspection dans ce domaine[8].

Notes :

[1]    Y. Hazony, Le virtù del nazionalismo, Guerini e Associati, Milano 2019, pp. 22-33.

[2]    Voir F. Thual, Il mondo fatto a pezzi, Edizioni all’insegna del Veltro, Parma 2008.

[3]    Pour approfondir ultérieurement ce concept d’empire dans la pensée de Jiang Shigong voir The internal logic of super-sized political entities: empire and world order, www.aisixiang.com.

[4]    A. Stephanson, Destino manifesto. L’espansionismo americano e l’impero del bene, Feltrinelli, Milano 2004, p. 18.

[5]    Pour approfondir la pensée de Liu Xiaofeng voir Sino-Theology and the philosophy of history. A collection of essays by Liu Xiaofeng, Brill, Boston 2015.

[6]    Sur la fusion entre doctrine communiste et pensée traditionnelle chinoise, les Quaderni del Veltro ont publié en 1973 un bref texte anonyme intitulé Maoismo e Tradizione. Ce texte a été récemment republié dans le numéro 1/2021 de la revue “Eurasia. Rivista di studi geopolitici”.

[7]    Voir Jiang Shigong, Philosophy and history: interpreting the Xi Jinping era through Xi’s report to the nineteenth National Congress of CCP, www.aisixiang.com.

[8]    A ce propos, voir le texte de Jiang Shigong China’s Hong Kong: a political and cultural perspective (Chinese Academic Library 2017).

 

dimanche, 06 janvier 2019

Le Saint Empire Romain peut aider à inspirer une Union Européenne différente

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Le Saint Empire Romain peut aider à inspirer une Union Européenne différente

Peter Wilson

Traduction française par Chlodomir

Le passé de l’Allemagne projette encore son ombre. L’été dernier, les Grecs protestant contre les termes rigoureux du renflouement de l’UE brandissaient des portraits d’Angela Merkel portant une moustache à la Hitler et un brassard nazi avec la croix gammée à la place du symbole de l’euro.

De telles images restent puissantes mais elles empêchent de poser les vraies questions concernant la manière dont l’Allemagne utilisera son actuelle influence économique et politique et dans quelle mesure l’UE peut ou doit endiguer cette puissance. Pour répondre à cela, nous devons regarder dans le passé, à l’époque où l’Allemagne faisait partie du Saint Empire Romain.

L’empire semble à peine digne de discussion aujourd’hui. S’il conserve une résonance minime, c’est généralement grâce à la formule de Voltaire selon qui l’empire n’était « ni saint, ni romain, ni un empire ». Fondé par Charlemagne le jour de Noël de l’an 800, l’empire sembla se diriger vers le déclin presque immédiatement jusqu’à ce qu’il soit balayé comme une chose obsolète et inutile par Napoléon en 1806. Selon les mots de James Madison, quatrième président des Etats-Unis, l’empire était « un corps sans nerfs, incapable de réguler ses propres membres, sans défense contre les dangers extérieurs et agité de fermentations incessantes dans ses propres entrailles ».

Savoir pourquoi l’empire a été interprété de cette manière peut nous aider à comprendre la position de l’Allemagne actuelle en Europe, en particulier son rôle dirigeant dans l’UE.

L’héritage des deux guerres mondiales a encouragé les voisins de l’Allemagne à craindre son leadership comme une hégémonie potentielle, mais l’histoire du Saint Empire Romain révèle une époque où l’Allemagne faisait partie d’un ordre plus large et pacifique.

L’interprétation négative de l’empire vient du fait qu’on le voit comme une série de tentatives manquées pour créer un Etat-nation allemand. Dans cette version de l’histoire, une succession de monarques tenta de créer des institutions centrales capables d’imposer un système uniforme de gouvernement, et n’en fut empêchée que par les ambitions égoïstes des petits princes allemands.

En fait, l’empire ne fut jamais seulement l’« Allemagne ». Il recouvrait ce qui est maintenant l’Autriche, la Suisse, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, la République Tchèque, une bonne partie de l’Italie, et certaines parties de la France et de la Pologne.

empireotto.jpgDans tous ces pays, les historiens ne trouvèrent pas d’intérêt à l’empire lorsqu’ils entreprirent d’écrire leurs histoires nationales au XIXe siècle. Pour eux, comme les manifestants grecs, « empire » signifiait domination étrangère.

L’aspect impérial de l’empire est peut-être le plus difficile à comprendre pour nous aujourd’hui, en grande partie parce que nous tendons à concevoir l’empire à travers l’expérience de la puissance coloniale européenne.

Nous nous attendons à ce que les empires aient un noyau clair et stable habité par un peuple impérial imposant sa volonté aux régions périphériques. Mais le Saint Empire Romain n’avait pas de noyau central, parce qu’il ne posséda jamais un clair centre de gouvernement, ni même de capitale officielle. Au contraire, le pouvoir fut toujours multiple et pluriel. L’organisation de la vie quotidienne était laissée à des pouvoirs plus locaux.

Le changement le plus important au cours des siècles ne fut pas une fragmentation progressive d’un pouvoir originellement centralisé, comme le crurent les précédentes générations d’historiens.

Ce fut plutôt un renforcement graduel des pouvoirs locaux qui tiraient leur légitimité de leur relation avec l’empire dans son ensemble. Les chartes et les lois impériales reconnaissaient les droits locaux et les libertés locales.

Des couches additionnelles furent ajoutées avec le temps en réponse aux circonstances, plus particulièrement durant les XVIe et XVIIe siècles, quand les protestants obtinrent les mêmes droits juridiques que les catholiques romains.

Cependant, longtemps avant cela les Juifs avaient reçu des droits protecteurs qui fonctionnaient généralement mieux que ceux garantis par les monarques dans les royaumes plus centralisés d’Europe.

Et c’est ici que nous voyons le plus clairement ce que l’empire peut nous dire sur l’avenir possible de l’Europe. Ses habitants s’identifiaient généralement positivement avec lui, parce qu’il préservait leurs autonomies et leurs modes de vie.

Cela ne peut pas être un plan pour l’UE d’aujourd’hui, parce que l’ordre social qui étayait cette autonomie locale était aussi criblé d’inégalités que nous trouverions inacceptables.

Pourtant cela suggère une alternative au difficile choix entre l’UE conçue comme un super-Etat unique et homogène et un affaiblissement fatal de la position mondiale de l’Europe par sa fragmentation en une mosaïque d’Etats nationaux.

FT

samedi, 06 décembre 2014

De Rijksgedachte versus Jacobijns nationalisme

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De Rijksgedachte versus Jacobijns nationalisme

Ex: http://nsalternatief.wordpress.com

Deze tekst is niet bedoeld om de lezer te overladen met historische gegevens of namen en termen waar men niets mee kan aanvangen. Het is wel de bedoeling te wijzen op een aantal tekortkomingen die liggen in het streven naar een natiestaat voor elk volk. Die tekortkomingen worden in belangrijke mate geformuleerd door personen die de zogenaamde Rijksgedachte genegen zijn. Velen hebben jammergenoeg een broertje dood aan ideologische kwesties, nochtans een uiterst belangrijke zaak indien wij in debat treden met andersdenkenden. Op het eerste zicht lijkt dit onderwerp iets dat niet onmiddellijk bruikbaar is in dagdagelijkse discussies over politiek en maatschappij. De termen “Rijk” en “Rijksgedachte” komen bij velen oubollig of soms zelfs verdacht over. Ten onrechte.

Het Jacobijnse nationalisme is als kind van de Franse revolutie en het Verlichtingsdenken een ideologie die dan ook de meeste gebreken uit dit modernisme heeft overgenomen. Om te beginnen is het zo goed als onmogelijk en zelfs onwenselijk dat elk volk in de wereld z’n eigen staat(je) krijgt. We zouden dan naar een wereld met naar schatting 5000 staatjes evolueren waarvan vele zo goed als onleefbaar zouden zijn. Het is verkeerd te denken dat culturele, sociaal-economische, historische, geopolitieke,… grenzen steeds kunnen samenvallen. Een noodzakelijke voorwaarde is dat we vertrekken vanuit Europees perspectief. Een nationalist in Europa kan het zich zeker in de 21ste eeuw niet langer permitteren enkel met het eigen volk of z’n eigen staat(svorming) bezig te zijn.

De Rijksgedachte komt tegemoet aan een vraag die in Europa al eeuwen gesteld wordt: hoe kunnen we een evenwichtige, niet op dwang gebaseerde orde vestigen die volkeren en culturen van Europa volledig hun identiteitsbeleving waarborgt en hun verlangens en belangen op een stabiele, duurzame wijze federeert? Tegenover een Jacobijnse Europese superstaat en het “Europa van de nationale staten” ontwikkelde zich vooral bij regionalisten en volksnationalisten de visie van het “Europa der volkeren”. In feite zijn deze drie opvattingen nefast voor Europa en haar volkeren! Buiten het feit dat het “Europa der volkeren” vaak neerkomt op een verdediging van volksstaatjes die intern uniformiseren (een gelijkheid nastreven ten nadele van streekeigenschappen zoals dialecten), is het zo dat men bij aanhangers van het “Europa der volkeren” meestal een gebrek aan visie vaststelt over hoe het Europese geheel moet gebundeld worden en kan functioneren. Die bundeling kan in elk geval beter niet op economische grondslagen gefundeerd zijn zoals de huidige EU. Het primaat van het economische is een punt van overeenkomst in de socialistische en liberale ideologie. Europa heeft nood aan een politieke eenmaking, en die is van een hogere orde dan het economische marktgebeuren.

Een “Europa van nationale staten” is in de praktijk een bestendiging van de macht van de nationale staten met hun soms tegenstrijdige belangen waardoor de Europese cultuurgemeenschap nooit een vuist kan maken tegen externe bedreigingen. Het is dan ook in belangrijke mate anti-Europees. Een unitaire Europese superstaat is onwenselijk omdat dit de culturele, historische, sociaal-economische,… verschillen tussen de Europese volkeren volledig negeert en hen fundamentele rechten op hun niveau ontneemt door een overdreven centralisering van de macht. Zowel het “Europa van de 100 vlaggen” enerzijds als het confederale Europa van de nationale staten of één unitaire Europese superstaat anderzijds, zijn in het nadeel van zowel de Europese volkeren, als van een sterk en stabiel Europa. De ideale oplossing ligt ergens tussenin, en kan onmogelijk een beroep doen op de staatsnationalistische erfgenamen van de Jacobijnen.

Daarom is het van belang de Rijksgedachte als uitgangspunt te nemen voor een hedendaags, sterk Europa dat de diversiteit van z’n volkeren garandeert en deze volkeren op de juiste niveaus verenigt. “In dit Europees Rijk moet de eigenheid der volkeren –niet der staten en staatjes- weer tot uiting komen. In dit Rijk zal de “heimatkultuur” weer een voorname plaats moeten krijgen. (…) Het moet samengesteld worden uit levende, volkse, kultuurkringen waarin de volkse eigenheid weer tot volle bloei kan komen. Deze geest moet ook in de Nederlanden terug levend worden.” [1] Binnen een Europees imperium vindt geen uniformisering plaats, niet ieder volk bekomt hetzelfde (zoals in het “Europa der volkeren”) maar wel “elk het zijne”. Een Europees Rijk is niet op te vatten als een territorium maar wel als een orde en een Idee. Het is een open systeem waar volkeren vrijwillig in toetreden. Binnen dit Europees Rijk is het perfect mogelijk dat grenzen, culturen, talen en economische systemen veranderen. Europa is nooit “af” maar verkeert voortdurend in een wordingsproces. Om de betekenis van de Rijksgedachte ten volle te kennen zijn een aantal begrippen noodzakelijk:

1. De organische natie:

Een organische visie op wat een natie is, betekent het aanvaarden dat men als persoon niet buiten een aantal determinismen kan: niemand kan z’n ouders en geboorteplaats kiezen, niemand kan z’n moedertaal en basisopvoeding kiezen. Doordat geen enkele persoon als een geïsoleerd wezen geboren wordt, maakt iedereen vanaf de geboorte deel uit van een welbepaalde gemeenschap. Elke persoon vormt een “orgaan” van het grotere lichaam, de gemeenschap. Dit natiebegrip maakt zoiets als naturalisaties in feite onmogelijk. Tegenover dit organisch natiebegrip kan met het Jacobijnse anorganische natiebegrip plaatsen. Binnen deze visie kan een individu tot een natie gaan behoren als hij/zij voldoet aan een aantal voorwaarden die de staat oplegt en die door politici naar hartelust veranderd kunnen worden. Ook nationalistische partijen zoals N-VA en Vlaams Blok volgen –jammergenoeg- deze Jacobijnse visie: als een vreemdeling zich assimileert (onze taal leert en onze gebruiken, waarden, normen,… aanvaart) kan hij/zij deel uitmaken van de natie. In een organische visie daarentegen kan een neger of een Chinees dan ook geen Vlaming worden. Integenstelling tot het Jacobijnse nationalisme waar enkel de band tussen individu en natie(-staat) in rekenschap wordt genomen, wordt in een organische visie op “natie” ook aan tussenstructuren belang gehecht: regio’s, gemeenschappen, gemeenten en wijken. De samenleving wordt aanzien als opgebouwd uit concentrische cirkels rond een persoon.

In een organische opvatting is het dan ook evident dat de volkeren, regio’s en Rijksdelen samenwerken en elkaar aanvullen waar mogelijk. Ze zijn niet enkel een culturele, etnische familie. Doordat culturele, economische, geopolitieke,… grenzen niet kunnen samenvallen en er grensoverschrijdende realiteiten bestaan, is het noodzakelijk dat lokale gemeenschappen en structuren zelf samenwerkingsverbanden kunnen aangaan met elkaar, bijvoorbeeld via verdragen. Een goed voorbeeld daarvan is wat wij in ons land kennen als intercommunales (los van het financieel profitariaat dat er voor vele politici mee samengaat). Enkel wanneer het afsluiten van dergelijke samenwerkingsverbanden (tussen “de organen”) risico’s inhoudt voor het groter Rijksgeheel (“het lichaam”), moet een centrale leiding een dergelijke mogelijkheid tot ontwrichting onmogelijk maken.

2. Federalisme:

Federalisme kan hét “organisatiesysteem” bij uitstek zijn voor een Europees imperium. Dit federalisme dient per definitie organisch en asymmetrisch te zijn. Dit betekent dat de relaties tussen de deelstaten onderling en tussen hen en het Rijk niet allemaal gelijk zijn. Deze ongelijkheid impliceert geen discriminatie maar wel het ten volle respecteren en uitdragen van de culturele en historische eigenheden van een regio. Het statuut van deelstaten kan onderling erg verschillend zijn. Er is dus minder bestuurlijke eenvoud maar in het Rijksdenken krijgen cultureel-etnische factoren voorrang op bestuurstechnische. Het federalisme dat men vandaag in de meeste zichzelf federaal noemende staten terugvindt is vals. Dit geldt zeker voor de belgische staat, waar het federalisme enkel dient om deze staat langer in leven te houden. Het feit dat belgië geen asymmetrische regeringen verdraagt (noemenswaardig verschillende coalities op federaal en deelstatelijk niveau) zegt voldoende.

3. Subsidiariteitsbeginsel:

Dit beginsel heeft z’n wortels in de katholieke maatschappijvisie en moet een antwoord geven op de vraag waar het best een beslissingsbevoegdheid ligt in een hiërarchie. Kern van het subsidiariteitsprincipe is dat het beleid en de beslissingen geen vorm mogen krijgen op een hoger niveau (verder van de bevolking verwijderd) dan strikt noodzakelijk. Er wordt vanuit gegaan dat de beslissingen genomen worden door hen die er direct belang bij hebben en er het meest de gevolgen van ondergaan. In tegenstelling tot het Jacobijnse denken over de natiestaat, wordt in het Rijksdenken geen enkel niveau als absoluut gesteld. Ieder bestuursorgaan heeft een aanvullende taak volgens een welbepaalde hiërarchie van basis naar top. Dat de huidige EU-bureaucratie zich ondermeer bezighoudt met pakweg het gewenste gewicht van een koekjesdoos, stemt tot nadenken over haar bevoegdheden en het verwaarlozen van het subsidiariteitsbeginsel.

De Rijksgedachte is in feite de verderzetting van de Romeinse imperiale traditie waar Julius Evola reeds op wees. Een Rijks-Europa mag onder geen beding zich afkeren van macht en het willen verwerven ervan. “Als Europa geen macht wil zijn zal het de macht van een buiten-Europese staat ondergaan – de macht van de VSA” zo stelde Luc Pauwels het.[2] Er moet evenwel op gewezen worden dat het verdedigen van de vorming van een Europees imperium geenszins een pleidooi betekent voor Europees imperialisme, het is wel imperiaal. Dit betekent dat Europa intern stabiliteit en harmonie moet nastreven, maar extern niet aan machtsuitbreiding kan gaan doen in de zin van agressiepolitiek of veroveringsdrang.

Conclusie: De Rijksgedachte biedt een uitweg voor een sterk eengemaakt Europa zonder dat de culturele verscheidenheid binnen Europa verloren dreigt te gaan. Het biedt een antwoord op de kwestie van het Amerikaans cultuurimperialisme en het vasthouden aan belangen van Jacobijnse nationale staten die Europa niet verder willen zien gaan dan een intergouvernementele confederatie. De Rijksgedachte ligt in het verlengde van onze nieuw-solidaristische en nationaal-conservatieve visie. Door toepassing van de verscheidene beginsels die de Rijksgedachte schragen, kunnen Jacobijnse nationale staten meer en meer uitgehold worden. Rijksdenken komt tegemoet aan etnisch nationalisme dat identiteitsbescherming vooropstelt. Het botst met burgerlijk nationalisme dat gebaseerd is op waarden van 1789. Het is juist dat de Rijksgedachte op zich voorlopig weinig bruikbaar is in dagdagelijke politiek. De visie en begrippen die er de grondslag van vormen zijn echter zeer zeker bruikbaar.

Fritz

Bronnen:

De Herte R., Oui à l’Europe fédérale. In : Eléments, nr.96, nov. 1999, p.3
De Hoon F., Christoph Steding, de Rijksgedachte en de Nederlanden. In: TeKoS, nr. 47, 1987, pp.39-48
Pauwels, L., Maastricht: ja toch. Over de lange weg van de liberale E.E.G. naar de Europese Rijksgedachte. In: TeKoS,
Steuckers, R., Définir la subsidiarité. In : Nouvelles des Synergies Européennes, nr.17, jan. 1996, pp.19-21
De Hoon F., Christoph Steding, de Rijksgedachte en de Nederlanden. In: TeKoS, nr. 47, 1987, p.44
Pauwels, L., Maastricht: ja toch. Over de lange weg van de liberale E.E.G. naar de Europese Rijksgedachte. In: TeKoS

vendredi, 14 mai 2010

Imperium / Epifanie dell'idea di impero (Esp.)

Claudio Mutti, Imperium. Epifanie dell’idea di impero

aigleimperial.jpgClaudio Mutti
Imperium. Epifanie dell’idea di impero
Prefacio de Tiberio Graziani
Effepi, Génova 2005

Prefacio

El imperio es, según la generalidad de los estudiosos de ciencias políticas, y, en particular, de los estudiosos de geopolítica, una construcción política de difícil y compleja definición. Los rasgos del “mayor cuerpo político conocido por el hombre” [1] que en mayor medida impactan al observador son, sin duda, los referentes a las características físicas; en primer lugar, la gran extensión territorial (el gigantismo imperial), la variedad de los climas y la heterogeneidad del paisaje geográfico. Ulteriores signos distintivos que contribuyen a definir la fisonomía del imperio, como unidad geopolítica, son la plurietnicidad, la autosuficiencia económica y un poder político y militar cohesionado.

Los caracteres anteriormente citados, sin embargo, no logran describir plenamente el imperio. De hecho, existen naciones, estados federados o confederaciones de estados que pese a presentar estos mismos elementos, no son un imperio. A tal respecto, Philippe Richardot, en su Les grands Empires. Histoire et géopolitique [2], indica el caso de Brasil, Canadá y de la Unión India, a los que podríamos añadir el de los Estados Unidos de América, de Rusia y, en cierta medida, también el de la Confederación de Estados Independientes. Estos modernos sistemas políticos se extienden sobre amplias superficies, son pluriétnicos, poseen las condiciones para ser económicamente autosuficientes, pero ciertamente no son clasificables en la actualidad como imperios. Sin embargo, comparten con el imperio semejantes problemas estratégicos, en particular, los conectados con la defensa de las fronteras y la disolución de la potencia militar.

Si del plano meramente descriptivo pasamos al más especulativo, analítico, tratando de identificar la dinámica que anima y sostiene esta particular unidad geopolítica, también el modelo hoy académicamente más acreditado, el expresado por las parejas “centro-periferia” y “dominadores-dominados” [3], que Richardot juzga determinista, pero seductor por su fuerza simplificadora, no parece ser apropiado para dar una definición o explicación del imperio. Los casos indicados del ya citado Richardot que hacen ineficaz la aplicación de este modelo, con referencia a la comprensión del imperio, son los clásicos del Imperio de Alejandro Magno, del Imperio romano y del ruso. El Imperio de Alejandro sobrevive a la muerte de su fundador, desplazando su centro al Egipto de los Tolomeos, por tanto, a una región periférica del edificio realizado por el Macedonio; Roma, a partir del siglo III, ya no tiene una sede cierta, sino itinerante. De hecho, como observa Richardot, del año 284 al 305 ya no hay ni centro ni periferia, al ser el imperio descentralizado en cuatro regiones militares. Después, Bizancio, rebautizada en el año 330 Constantinopla, se convierte en la segunda capital del Imperio, hasta transmutarse en 1453, de ciudad periférica del antiguo imperio romano a centro de irradiación del sistema imperial otomano. Otro caso en el que el modelo “centro-periferia” no nos ayuda en la comprensión de la construcción y en el mantenimiento de la ecúmene imperial lo proporciona el imperio ruso, ya se haga remontar su origen a la Rus de Kiev, la capital de la actual Ucrania, que propiamente significa Marca, es decir…periferia, o ya se presente como un resto del antiguo imperio “nómada” de Gengis Khan [4].

El imperio no es, por tanto, definible por su gigantismo territorial, ni por su heterogeneidad étnica y cultural, ni por un centro geográfico definido y su correlativa periferia. La definición de tal entidad geopolítica ha de encontrarse, por tanto, en otro lugar. El término latino imperium expresa el ejercicio de la autoridad de un jefe militar, pero el imperio, como entidad geopolítica concreta, aunque funde, en la generalidad de los casos, su propio poder en la clase militar, no siempre sigue lógicas militares o exclusivamente de fuerza, como sostenía en la primera mitad del siglo XIX Leopold von Ranke (Die Grossen Machte).

Lo que distingue y cualifica al imperio respecto a las otras construcciones políticas, o más precisamente geopolíticas, parece ser, en cambio, la función equilibradora que este tiende a ejercer en el espacio que lo delimita. Toda construcción imperial, de hecho, persigue el objetivo de regular las relaciones entre las naciones, los pueblos y las etnias que la constituyen concretamente, de modo tal que las particularidades y especificidades concretas no se vean comprometidas unas en perjuicio de otras, sino que al contrario sean salvaguardadas y “protegidas”, en particular allí donde las modestas dimensiones o la escasa fuerza militar o económica de una especificidad dada sitúen a la misma en condiciones tales que pueda ser fagocitada y destruida por sus enemigos. El imperio asume tal función en un espacio circunscrito y continuo, y la continuidad espacial es ciertamente uno de sus rasgos distintivos.

La función reguladora asumida por el imperio encuentra su propia razón de ser, además de en la conciencia del común espacio habitado, sobre todo, en la común visión espiritual, aunque distintamente entendida y expresada en las culturas de las diferentes poblaciones del imperio. Todo edificio imperial, de hecho, expresa una unidad espiritual que, aunque transmitida según formas particulares, siempre hace referencia a un único sistema de valores. Por ejemplo, el macedonio Alejandro que se proclama Rey de Reyes y heredero del imperio persa de los Aqueménidas o el Sultán Mehmet II que, recién conquistada Constantinopla, se hace con el título de Qaysar-i-Rum, César romano, dan testimonio de este único sistema de valores del que ahora ellos son los protectores, los garantes y, sobre todo, los continuadores.

Precisamente a tal unidad espiritual, expresada históricamente en la realización de unidades geopolíticas imperiales o en la tendencia a constituirlas, dirigen la atención los ensayos de Claudio Mutti recogidos en Imperium, epifanie dell’idea di impero. Una unidad que las distintas escuelas historiográficas racionalistas han contribuido a ocultar y fragmentar según el reduccionismo, generalmente de raíz iluminista, que las han distinguido. En particular, tal y como es evidenciado en los diferentes ensayos de Mutti, es afirmada la continuidad del mito (o idea) del Imperio en las vicisitudes del espacio eurasiático, continuidad asegurada en la realidad histórica por protagonistas de diversa cultura o etnia y por su explícita voluntad de unificar Oriente y Occidente, es decir, Asia y Europa, casi como si quisieran, con tal afirmación heroica, reivindicar una unidad que el devenir histórico (la entropía o el desorden de la manifestación histórica) había lacerado. Paralelamente a la función reguladora y en conformidad con esta, el Imperio desempeña también otra, que podríamos definir “religiosa” en su significado etimológico y más profundo: la que precisamente consiste en “reunir” dentro del limes de un mismo espacio los componentes, materiales y espirituales, que contribuyen a calificarlo como una unidad geopolítica coherente, armónica y orgánica. Desde esta perspectiva la fase “expansiva” del Imperio, lejos de reducirse a un mero expansionismo territorial, motivado sólo por las preocupaciones materiales ligadas a todo política de poder, reproduce en el plano histórico una necesidad de orden metafísico, doctrinal, es decir, la reabsorción en un orden superior, en este caso generalmente supranacional, de realidades geopolíticas incompletas, separadas y antagonistas. La realización histórica del edificio imperial es, por tanto, la reproducción, en el dominio político-social, del kosmos por oposición al caos del devenir histórico.

El imperio, por tanto, además de ser “el mayor cuerpo político conocido por el hombre” es, esencialmente, la más alta síntesis geopolítica conocida por toda la humanidad.

La continuidad de la idea del Imperio y la subyacente unidad espiritual, que Mutti subraya con escrupulosidad científica, bien sea  tratando la función histórica y metahistórica de figuras imperiales como las del Emperador Juliano, Federico “el Sultán Bautizado” o Atila “el Siervo de Dios”, o bien evidenciando el significado político y cultural del Imperio “romano-turco-musulmán”, o bien poniendo de relieve en el lenguaje de Antelami temas y argumentos que, en ámbitos culturales lejanos, reproponen el mismo sistema de valores, refuerzan –en el plano de la historia interpretada como tentativa de realizar unidades imperiales –la hipótesis ya enunciada en el siglo pasado por el tibetólogo Giuseppe Tucci con respecto al descubrimiento de la “unidad espiritual eurasiática”: sintagma que expresa, en parte, lo que en términos tradicionales se puede traducir mejor como “unidad esencial de las tradiciones”.

También un etnólogo y antropólogo de escuela sociológica como Marcel Mauss reconocía, por otra parte, y es significativo que quien nos lo recuerde sea un estudioso de geopolítica, el francés François Thual, que “de Corea a Bretaña existe una única historia, la del continente eurasiático” [5]. Esta única historia que se despliega en el paisaje eurasiático es la historia antigua y actual de los esfuerzos imperiales por unificar el continente. Como cierre de un texto [6] que no aparece en esta compilación, que sería su precioso y útil corolario, nuestro autor, a propósito de Alejandro el Bicorne, unificador de Europa y Asia, campeón de la idea imperial y, por tanto, podríamos decir, eurasiatista ante litteram, escribe: “su figura se coloca en el trasfondo del espacio eurasiático, que constituye no sólo el escenario histórico, sino la proyección espacial misma correspondiente a la idea de Imperio”.

Unidad espiritual eurasiática e idea del Imperio están por tanto indisolublemente ligadas, un vínculo que Imperium de Mutti tiene el loable mérito de volver a proponer a nuestra atención, en un momento histórico particular que ve a nuestra patria mayor, Eurasia, agredida por las potencias talasocráticas del otro lado del Océano. Ciertamente este libro no pasará inadvertido. 

Tiberio Graziani

Director  de la revista “Eurasia”.

direzione@eurasia-rivista.org

www.eurasia-rivista.org

 

(Traducido del italiano al español por Javier Estrada)

Notas
1. Philippe Richardot, Les grands empires. Histoire et géopolitique, Ellipses. Edition marketing, París 2003, p.5.
2. Philippe Richardot, op.cit., p. 5 y siguientes.
3. Samir Amin, Lo sviluppo ineguale. Saggio sulle formazioni sociali del capitalismo periferico, Einaudi, Turín 1973.
4. N. S. Trubeckoj, L’eredità di Gengis Khan, SEB 2005, Milano. Véase también del mismo autor, Il problema ucraino, in “Eurasia. Rivista di Studi Geopolitica”, a. II, n. 2, abril-junio de 2005.
5. François Thual, Une entreprise de résistance, prefacio a Pierre Biarnés, Pour l’Empire du monde, Ellipses. Edition marketing, París 2003, p. 7.
6. Claudio Mutti, Ulisse, Alessandro e l’Eurasia, www.eurasia-rivista.org.