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mercredi, 02 octobre 2024

Actualité de Corneille

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Actualité de Corneille
 
par Claude Bourrinet (2008)
 
L’aube des origines et le crépuscule des destins révèlent souvent la vérité des essences. Ainsi la Grèce manifeste-t-elle l’esprit de l’Europe, le dévoilement de son Être en sa pleine lumière, tandis que le nihilisme contemporain figure l’aboutissement nocturne et fatal de l’entreprise chrétienne. De même, les principes, c’est-à-dire les raisons premières, qui avaient soutenu les valeurs, les habitudes, les perceptions de toute une époque, de tout un monde, sont les derniers à périr quand le reste a sombré, et en disparaissant, laissent à la postérité, souvent inapte à en comprendre la grandeur, des lueurs fulgurantes susceptibles d’atteindre, par delà les siècles, les quelques happy few dont le cœur bat encore.
 
Un théâtre héroïque
 
Après un siècle de re-christianisation de l’Europe (Réforme et Contre-Réforme), d’idéologisation des conflits politiques, d’administration de l’État de plus en plus centralisée, d’embourgeoisement de la société, la France connaît une période de Révolte aristocratique que l’on peut considérer comme l’effort dernier pour sauver la liberté face au triomphe des robins et du pouvoir machiavélien des Bourbons. C’est la dernière rébellion de type féodal avant l’avènement du « monde moderne » (au sens que lui donnent Guénon et Evola). Révolte désespérée, qui culminera dans l’épisode de la Fronde (1648 – 1653), sursaut certes parfois trop romanesque pour être efficace (inévitablement, le jeu de l’imaginaire appartient à la Weltanschauung aristocratique, tandis que le « réalisme » et le naturalisme des moralistes découlent du bon sens bourgeois, lequel fera le lit de l’absolutisme louis-quatorzien).
 

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Le théâtre de Corneille en saisit merveilleusement l’esprit, la morale héroïque. Homme de paradoxe, bourgeois, avocat sans état d’âme, bon gestionnaire, bon père de famille, sans éclat autre que ses pièces, mais terriblement susceptible, glorieux, défiant ses ennemis, refusant de coucher le Cid devant le terrible Richelieu et ses laquais de l’Académie, fulminant jusqu’à 78 ans contre l’abaissement de la cour, loyal quand bien même, fidèle à la royauté jusqu’au bout de la plume, mais détestant les tyrans, sans doute bon chrétien, traducteur en vers admirables de L’imitation de Jésus-Christ…, Corneille fut le créateur du théâtre le plus anti-chrétien du répertoire français et européen (1), le concepteur le plus éclatant d’un univers féroce, archaïque, de rapaces fiers et « superbes », dont l’honneur était la traduction de la plus extrême fidélité aux ancêtres, à la race, à la gens (famille large, lignée, sang, d’où « gentilhomme » et « généreux » [2]), au rang (le premier).
 
Le héros cornélien pousse la nature (mais ne la contraint pas) jusqu’à son point solaire, jusqu’à s’élever à la surnature, tranchant comme un nœud gordien ce qui rattache à la conservation bio affective pour sauver ce que tout homme a de plus précieux, le sens de l’existence, son côté lumineux (symbolisé par le halo de la gloire).
 

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Ainsi en va-t-il souvent dans ce théâtre (qui est ostentation, panache, bravade peut-être – Matamore n’est jamais loin de Rodrigue) dit « baroque » (mais que signifie ce terme ? la beauté baroque est tout simplement l’expansion spectaculaire de la geste héroïque, déjà elle-même mise en spectacle du geste). Voyez Shakespeare. Mais le génie élisabéthain est pessimiste, il croit trop dans l’étoile qui guide ses héros dans une course éperdue vers le « château de l’araignée ». Le héros cornélien, par une volonté qui dépasse dans l’exaltation la vertu cartésienne, trop équilibrée et bien-pensante, ainsi que la conciliation improbable (dans une anthropologie chrétienne) que ménageait l’entreprise dévote, à la suite de François de Sales, entre une nature pécheresse et une surnature divine, aboutit à la consécration du moi dans l’absolu de la liberté, dans le sentiment aigu d’une supériorité radicale. Il se veut Maître de l’affectivité féminine trop niveleuse et trop attachée à la vie (3), dont le sacrifice est le signe, la preuve, la source d’une appartenance à l’univers des cimes, où l’air se raréfie, à la limite extrême de la souffrance et de la respiration, mais sommet d’où l’on peut appréhender l’immensité des plaines grouillantes d’humains, et où le regard se fait soudain aussi savant et initié que celui des dieux. Il devient tot el, comme dit Chrétien de Troyes dans La Quête du Graal, c’est-à-dire tout autre. Nul ne peut comprendre que celui qui a fait l’ascension. Le moi est condamné à la solitude, mais reçoit la Beauté en récompense (4), ou plutôt la Joie, qu’il ne faut pas confondre avec l’épanchement de la volupté, et qui rappelle plutôt le joy des troubadours, cette ivresse qu’inspire le vol de la grive, si bien chantée par Bernard de Ventadour (Quan vey la lauzeta mover / De joy sas alas …).
 

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Un duel désespéré avec un siècle moraliste
 
Le théâtre de Corneille est une suite haletante de défis passionnés comme des joutes ou des duels (rituels sanglants d’affirmation aristocratique, que la monarchie avait interdits sous peine de mort), une quête des limites, une mise à l’épreuve permanente d’une victoire qui est toujours conquise, jamais acquise définitivement, que le temps, la vieillesse, la récréantise (5) fragilisent, et qu’un acte, un mot, une réaction mal maîtrisée risquent de détruire et d’anéantir. Le soleil de la gloire n’est jamais à l’abri d’un nuage ou du trou noir, ce gouffre obscur et sans fond qui fut la hantise du Grand Siècle. Comment par ailleurs stabiliser cette acmé quand au dessus la figure sacrée du Roi se transmue en figure profane et prosaïque d’un État qui administre le déclin du monde noble ? Ne reste alors au héros, pour affirmer sa différence, que la monstruosité, la fuite paroxystique vers le « crime », l’affirmation provocatrice et désespérée d’une situation hors du Bien et du Mal, jusqu’à achever son orbite lumineuse dans l’Océan noir du sadisme. À moins qu’il ne devienne ce pécheur racinien lucide et impuissant, ou cet honnête homme, concilié avec la nature, souvenir encore vivace d’un idéal de civilité courtoise cultivé à la cour, ornement d’un régime sur son déclin adonné aux plaisirs galants, dont l’image dégradée, scandale pour le bourgeois ou le dévot, est le libertin cynique, roué, fascinant, comme dom Juan, ou pire, dégénérant finalement jusqu’au noble grotesque, irascible, possessif et jaloux, en un mot embourgeoisé, du vaudeville à la Beaumarchais. Avant de laisser place libre au cuistre et à l’avocat.
 

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Un théâtre intempestif
 
La gangrène janséniste allait pourrir le corps social français durant tout le XVIIe siècle et au-delà (d’aucuns voient dans sa rage destructrice, plus que dans les Lumières, la genèse de 89), à commencer par les élites intellectuelles, pour toucher finalement le bas clergé. Saint-Cyran, Nicole, Arnauld, les religieuses de Port-Royal, Pascal lui-même – hélas ! – inscrivent dans l’imaginaire idéologique et politique le modèle du militant, parfois clandestin, persécuté donc juste, martyr de l’Idée, fanatique parce que sûr de son bon droit de raisonneur et de zélé, vindicatif, convulsif, convulsionnaire. C’est Yahvé tout entier à sa proie attaché, prophétisant, prosélyte et fulminant, sévère vis-à-vis des jeux mondains, condamnant toutes formes de plaisirs, notamment le théâtre, instillant dans les âmes la tentation glauque du mépris pour toute supériorité, la délectation des alcôves humides, la fascination hystérique de miracles grossiers, et promouvant la silhouette noire et austère de l’homme médiocre, humilié, haineux, dont la grandeur consiste dans sa ténacité à fuir toute la « vaine » grandeur, la gloire, la lumière des héros.
 
On comprend pourquoi, à part la parenthèse romantique, et la tentative de la bourgeoisie d’intégrer Corneille dans la perspective moraliste d’une entreprise de contrôle raisonné des passions, le théâtre cornélien ait subi une certaine occultation au profit d’un Racine dont le puritanisme et le mépris du surhomme contentaient aussi bien les rationalistes kantiens et spinozistes de l’université et de l’École normale que les esthètes du style épuré, sans oublier les amateurs de sensibilité biblique. En revanche, un romancier comme Stendhal ou un penseur comme Nietzsche l’ont salué comme l’un des leurs. Les réticences du pouvoir actuel à célébrer, en 2006, le quatre centième anniversaire de la naissance du Grand Corneille finalement ont quelque chose de réjouissant : elles prouvent que le poète n’est pas récupérable par les nains.
 
Notes:
 
1 : Polyeucte travaille pour sa propre gloire, non pour celle de Dieu. Jésus-Christ n’est pratiquement jamais évoqué dans une pièce qui a suscité l’ire de la Compagnie du Saint-Sacrement.
 
2 : Qui donne sans calculer, sans barguigner, tout ce qu’il a dans le cœur (mais Rodrigue, comme jadis Lancelot et Perceval, n’a-t-il pas trop balancé avant de prendre – fatalement – la bonne décision ?) .
 
3 : Si Corneille mêle dans son théâtre, sans difficulté, l’univers féodal et celui des Grecs et des Romains, c’est que, au-delà des apparences, ce sont des univers qui se ressemblent. L’éthique des maîtres (qu’ils se fussent appelés comtes ou quirites) consistait à placer la liberté aristocratique au-dessus de la conservation de la vie, dont l’amour excessif ne pouvait aboutir qu’à la condition d’esclave.
 
4 : L’Europe a très tôt vu dans la symbiose de la Beauté et de l’Éros la voie ascendante vers le divin. La femme, dans le théâtre cornélien, peut paraître un repoussoir, ce qu’il faut extirper de soi pour être soi ; mais elle est aussi non seulement, dans la tradition du fin amor, l’aide précieuse du héros pour qu’il se transcende, mais parfois aussi son égale. Chimène, cet œil de la conscience qui enjoint à Rodrigue son devoir, n’est-elle pas aussi sa concurrente dans la voie de l’héroïsme, et Camille en poussant son frère à la tuer n’accède-t-elle pas au même plan sacrificiel qu’Horace ? Il est vrai que l’une ne va pas jusqu’au bout de l’autosacrifice, et que l’autre sacralise par le sien ce qui nie l’héroïsme aristocratique, à savoir l’attachement passionnel.
 
5 : Relâchement, abandon des vertus viriles (voir Érec et Énide de Chrétien de Troyes).

lundi, 16 janvier 2023

"Entretien avec Ionesco", redécouverte d'un penseur encombrant

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Livres

"Entretien avec Ionesco", redécouverte d'un penseur encombrant

par Riccardo Rosati

Source: https://www.barbadillo.it/75125-libri-intervista-con-ionesco-alla-riscoperta-di-un-pensatore-scomodo/?fbclid=IwAR0JqjRwt6WSOWtEKSjV71iUMUfSd0lQAXv12C6161yUQn9KRpBWw1mnJyA

Au printemps 1985, Rome a accueilli dans ses murs anciens et immortels Eugène Ionesco (1909-1994), le grand dramaturge français d'origine roumaine. L'auteur d'œuvres d'une importance cruciale pour le théâtre contemporain telles que La Leçon (1951) et Rhinocéros (1959) a accordé à cette occasion une interview pour le moins décisive à Giuseppe Grasso, spécialiste des lettres françaises, qui a eu la grande chance de pouvoir deviser à l'écrivain, alors âgé de 76 ans.  

Ionesco logeait dans ce qu'on appelle aujourd'hui le Grand Hôtel St. Regis, l'un des plus beaux, et non vulgairement luxueux, hôtels de la capitale. L'interview est parue en juin de la même année dans le journal romain Il Popolo dans une version très abrégée. Aujourd'hui, grâce également à la sensibilité culturelle de l'éditeur Solfanelli, des Abruzzes, cette conversation voit enfin le jour dans son intégralité, offrant aux chercheurs en lettres françaises - y compris l'auteur de ces lignes - et pas seulement, un document extrêmement important qui devrait être valorisé dans la recherche sur le terrain, car il offre une contribution qui nous apporte des données factuelles, c'est-à-dire ce qui fait le "sang et le corps" d'une recherche académique efficace et non auto-référentielle. 

Une conversation avec un grand auteur

Le texte dont nous parlons éclate comme un nuage d'où surgissent les mots sous la forme d'une quasi "tempête". Un raisonnement, celui que Grasso stimule chez Ionesco, plein de sollicitations pour le lecteur, composé de références, de noms et de lieux d'une géographie idéale, dessinant métaphoriquement une cartographie de l'horizon culturel composite de cette thématique, autant qu'un auteur talentueux. En outre, Ionesco n'a jamais eu peur d'exposer ses convictions, comme, par exemple, son manque de sympathie pour certaines positions socialistes et progressistes. C'était une "offense" grave dans la France - tout aussi grave, voire pire, dans l'Italie - de l'époque, où des écrivains tels que Philippe Sollers et Jean-Paul Sartre étaient, à notre avis, appréciés bien au-delà de leurs mérites littéraires simplement pour avoir pris ouvertement parti pour les gauches ; c'est-à-dire le parti qui, pendant des décennies, dans les bons salons d'Europe, a été considéré, sans la moindre critique, comme le seul et l'unique. De telles catégories idéologiques, comme on peut également le comprendre à la lecture de ce volume, ne convenaient pas à un artiste comme Ionesco, et il ne pouvait en être autrement dans le cas du véritable inventeur du "théâtre de l'absurde". 

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Si aujourd'hui cette longue conversation voit enfin le jour dans une version plus étendue, ce n'est pas par caprice de l'auteur, qui a mis la main à la pâte en reprenant les enregistrements originaux, mais en réponse à une particularité qui justifie sa re-proposition sous forme de livre: l'interview est un document et les pages qui la composent constituent un "texte", c'est-à-dire qu'elles donnent vie à une forme essayistique très particulière comme celle du "parlé", en l'occurrence sur le théâtre et la poétique de Ionesco, dont les mots étaient aussi inconfortables hier qu'aujourd'hui; nous ajouterons même que le monde globalisé craint l'intelligence, surtout quand elle est non-conformiste, et celle du notable dramaturge franco-roumain l'était certainement.

Le spécialiste chevronné ès-littérature française qu'est Grasso assume ici pleinement le rôle de l'intervieweur, réalisant qu'il s'adresse à un géant de la littérature, et qu'il fallait profiter de cette occasion, ce qu'il fait avec beaucoup de dévotion, sans toutefois faire un complexe d'infériorité. En fait, il est sûr de lui et pose des questions précises, sachant où "regarder", comment viser, à quoi s'attendre, malgré l'imprévisibilité de son interlocuteur pointu. Grasso sollicite le maître en face de lui sans aucun scrupule; il le marque, le presse, ne le ménageant que parfois, car il ne manque pas d'exprimer son désaccord ou de proposer des idées différentes. Mais lorsqu'il accepte d'être heureusement dépassé, il est déterminé à ramener un résultat concret, et c'est dans le caractère concret de la pensée exprimée par Ionesco que réside la qualité de cette publication, dûment élaborée par son éditeur. En substance, qu'est-ce qui en ressort ? Trois bonnes heures de conversation ! 

On découvre les pensées d'un écrivain "mal à l'aise".

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L'interview est un genre littéraire problématique. Aujourd'hui comme jamais auparavant, la capacité à poser des questions a été complètement perdue. On s'offusque ou, plus souvent encore, on se plie en quatre, on flatte sans vergogne, passant de ce qui serait un service culturel à un véritable service idéologisé. Heureusement, ce n'est pas le cas avec le livre de Grasso. Ionesco lui-même explique ce qui est peut-être la principale tâche de l'écrivain, à savoir "poser des questions" et non "proposer des solutions" (21).

Le texte s'ouvre sur une introduction très utile de la journaliste Simone Gambacorta, qui précise qu'il s'agit également d'un "livre de liaisons", car il établit des liens et indique des perspectives. Gambacorta rappelle avec force l'importance de savoir mener un entretien. Nous pouvons presque appeler cela un "sous-métier" du journalisme, qui ne se réalise pas simplement en posant des questions, mais ce qui compte c'est : "[...] avoir quelque chose à dire" (5). Et Ionesco parle, se confesse presque, tout en restant toujours solennel. De ses paroles, on comprend la raison qui a poussé Grasso à emprunter le sous-titre du texte à une œuvre de l'intellectuel roumain Emil Cioran (1911-1995): De l'inconvénient d'être né (1973). La citation ouverte de l'éditeur à cet auteur raffiné et, injustement, encore peu étudié, sanctionne avec acuité une parenté de désenchantement; comme l'atteste d'ailleurs le court essai de Ionesco A propos de Beckett, qui conclut le volume et n'en dit pas moins sur l'écrivain que sur l'auteur de En attendant Godot (1952).

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Ionesco et Beckett, unis par la même dénonciation inexorable, à la différence que le premier est plus "politique", tandis que le second est plus mental, comme l'explique également l'éditeur: "Par rapport à Beckett, dont le nihilisme apparaît beaucoup moins humoristique, centré avant tout sur le vide, Ionesco émet au contraire un cri étourdi face au vide, signalé par le rire" (29). Cette comparaison incite à mieux cadrer l'existentialisme de Ionesco qui, à la différence de son collègue irlandais, est vital, tendant à rejeter les raisonnements d'évasion: " La chose la plus absurde est d'être conscient que l'existence humaine est inacceptable... et, malgré tout, de s'y accrocher désespérément, conscient et affligé parce que destiné à perdre ce qu'on ne peut supporter [...]" (23).

Ainsi, l'inconvénient d'être chez Ionesco est une reconnaissance des choses, et non une "attente" stérile, bien que suggestive, comme nous le trouvons dans l'opus beckettien. À cet égard, Ionesco revendique légitimement, à notre avis, la paternité de ce que le critique et écrivain hongrois Martin Esslin (1918-2002) a défini pour la première fois comme le "théâtre de l'absurde". L'académie internationale, en revanche, a toujours désigné Beckett comme l'initiateur de ce courant littéraire, puisque les œuvres de Beckett ne visaient pas à ne rien raconter, mais faisaient plutôt du néant leur raison d'être. Pour sa part, Ionesco ne s'est jamais caché derrière "l'absurde"; au contraire, il s'en est servi comme d'un poinçon pour tenter de démêler le vide mental de l'âge moderne, ses nombreuses hypocrisies. Il va sans dire que, par le passé comme aujourd'hui, dire la vérité, peu importe de quelle manière, est considéré comme dangereux pour une certaine Pensée unique qui dirige l'Occident depuis des décennies. Ce système de pouvoir culturel a maintes fois changé de nom et de forme, mais son essence malveillante est restée intacte, et sans aucun scrupule, nous affirmons que de ce Mal, Ionesco se considérait fièrement comme un ennemi. 

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Ionesco, un anti-moderniste ?

Stylistiquement, on trouve dans le livre, surtout dans la partie qui précède l'interview, une sorte de contraste entre l'écriture de Grasso, avec une recherche parfois "baroque" de lemmes et l'alternance de phrases courtes et longues, qui est alors l'une des prérogatives d'un titan comme Joseph Conrad, et tout le monde ne peut pas être lui, dirions-nous, avec l'exactitude des réponses de Ionesco. Cependant, au final, le résultat global est fondamentalement harmonieux et la lecture est agréable. En outre, l'éditeur a le mérite, ainsi que le courage, de cadrer les idées de Ionesco dans une perspective que l'on pourrait qualifier de traditionaliste: "[...] l'homme, désarticulé de la transcendance, est un être englouti par les sables mouvants de l'insignifiance et du dérisoire, riche de ses déguisements, de ses soucis, de ses mesquineries" (22). Tout cela nous incite à poser de nouvelles bases dans l'étude de cet écrivain, c'est-à-dire une évaluation critique de Ionesco comme l'un de ces nombreux antimodernes dignes de ce nom dont les positions humaines et politiques ont été délibérément mal comprises.

La force de ce dramaturge, ce qui l'a rendu parfois impopulaire dans certains milieux, est que "son" vide n'en est pas un, puisqu'il est empreint d'un scepticisme structuré, à tel point que le terme "absurde" n'est utile que pour définir sa forme, mais pas son essence, si l'on considère, comme l'explique Grasso, qu'avec le théâtre Ionesco entendait : "[...] dénoncer, sans fausse modestie, la crédulité et l'absurdité de la condition humaine, vues comme les plaies [sic ! ] endémiques de l'homme bourgeois moyen" (22). 

Entretien avec Ionesco pourrait presque être jugé comme un livre "méta-théâtral", le prologue critique de l'éditeur préparant le lecteur à l'action théâtrale, tout comme dans les textes dramaturgiques, lorsqu'au début de chaque acte est décrite la scène dans laquelle les personnages vont évoluer. Et cet entretien qui prend la forme d'une pièce de théâtre se déroule en un seul acte, dans la confrontation verbale entre deux protagonistes isolés du reste du monde, rappelant paradoxalement le style de son "rival" Beckett.

Néanmoins, ce livre a aussi sa propre valeur pour la recherche, étant un excellent "outil" pour saisir la littérature française tout court, permettant d'aborder avec profit la lecture et la compréhension de cet auteur. Le "ton" de l'interview que Grasso recueille peut se résumer à l'hostilité bien connue de Ionesco envers Victor Hugo: "Il reste donc sa vie, sa grande éloquence, qui m'a toujours irrité et énervé, sa grande vanité littéraire; et le grand homme parfait, c'est-à-dire la "nullité" faite personne" (37). Une fois de plus, le dramaturge se montre sans fausse modestie, allant s'attaquer à l'une des plus pompeuses des idoles littéraires transalpines, car il possédait une sorte de "mauvaise intelligence", une caractéristique qui a fait la grandeur de Louis-Ferdinand Céline, et qui fait qu'il n'a pas peur des canons et des jugements.

Ainsi, cette rencontre à Rome il y a des années nous rappelle que l'opinion est quelque chose qui nous accompagne toujours, même si nous essayons souvent de la cacher avec crainte ou, pire encore, avec hypocrisie. Si, en revanche, on a l'intention de la jeter à la face du monde, comme Ionesco l'a fait avec ses œuvres et ses idées, alors il faut en être capable; en d'autres termes, être à la hauteur de ses idées préconçues et de ses idiosyncrasies. 

Il en va de même pour les positions politiques particulières de Ionesco, que Grasso encadre parfaitement en le décrivant comme un "démonteur de faux mythes" (31), notamment du communisme. C'est une autre raison pour laquelle il n'est pas apprécié par l'intelligentsia européenne qui, depuis des décennies, contribue à démolir tous les piliers de la culture du Vieux Continent. Nous partageons également les réflexions de Gambacorta dans sa présentation, qui nous incitent à redéfinir Ionesco une fois pour toutes comme un antimoderne: "[...] il savait bien comment la véritable perversion globale consistait en la prévalence de l'historique sur le métaphysique [...]" (6). Ce n'est donc pas une coïncidence si l'écrivain considérait que le "réalisme", qui est le vieux dogme de la gauche, était presque pernicieux, étant synonyme d'"engagement"; un mot en soi vide et canalisant souvent des imbroglios intellectuels et des mensonges: "La littérature réaliste est complètement fausse parce qu'elle tend à s'immiscer dans la démonstration" (11). Tout ceci devrait suggérer l'inclusion de Ionesco dans les rangs de ces penseurs anti-système d'origine roumaine tels que Cioran, Camilian Demetrescu et Mircea Eliade, déjà mentionnés, à qui nous devons une puissante défense d'une culture solide, mais non immuable, et profondément spirituelle. 

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En résumé, Gambacorta fait à nouveau allusion de manière suggestive à une "consonance esthétique" (10) entre l'interviewé et l'intervieweur dans ce petit volume savant où il nous incite à considérer la vie essentiellement comme une tromperie divine, un concept nodal dans la vision du monde de Ionesco. Pour comprendre le grand auteur franco-roumain, il est peut-être utile de le juxtaposer une fois de plus à son collègue irlandais, et le fait que Beckett soit néanmoins présent dans ce texte est un grand enrichissement, afin d'avoir une idée complète du Théâtre de l'Absurde. Ainsi, Ionesco exprime, a de la vigueur; tandis que Beckett laisse ponctuellement planer un doute qui prend la forme d'une attente qui sent souvent la maladie, proposant un théâtre certes de grande qualité, mais à sa manière exécrable.

À l'inverse, Eugène Ionesco, malgré sa désillusion sur le sens même de la vie, nous apparaît comme tout sauf renonçant. En effet, en parfait antimoderne, il était peu attaché à l'existence en tant que fait matériel, mais ne s'est certainement pas ménagé dans la lutte contre les mensonges du progrès. 

Giuseppe Grasso, Intervista con Ionesco - L'inconveniente di essere nati  (avec un essai de l'auteur sur Beckett), Chieti, Solfanelli, 2017.

lundi, 12 septembre 2022

Bertold Brecht - l'agitateur implacable

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Bertold Brecht - l'agitateur implacable

Par Alexander Markovics

Le 10 février 1898, le poète, auteur de chansons et dramaturge communiste Bertold Brecht nait à Augsbourg. Élevé dans la religion protestante à la demande de sa mère, Brecht, bon élève, commence très tôt à écrire et à composer des poèmes. Comme beaucoup d'autres de sa génération, il vit le début de la Première Guerre mondiale en 1914 comme l'effondrement d'un monde qui se fait également sentir en lui : après les premiers éloges patriotiques, le jeune Bertold Brecht devient pacifiste. Il est néanmoins mobilisé comme infirmier, et pendant la guerre, il commence à rassembler autour de lui un cercle d'amis partageant les mêmes idées que lui, qui travaillent ensemble sur des chansons et des publications. De même, le jeune poète commence à courir après le beau sexe et connaît ses premières amours. Dans le sillage de la Révolution de novembre et de l'effondrement de l'Empire de Guillaume II, Brecht participe à la République des Conseils de Bavière, qu'il vit en tant que membre des conseils d'ouvriers et de soldats, sans se distinguer particulièrement.

Au cours de plusieurs voyages à Berlin, Brecht commence à nouer des contacts dans le milieu théâtral de la jungle urbaine, dans laquelle il finit par s'installer définitivement en 1924. C'est dans l'interaction entre la misère des Berlinois ordinaires, son traumatisme de la guerre et la vie trépidante de la ville que Bertold Brecht développe son talent d'agitateur communiste et de dramaturge. Son théâtre dialectique se caractérise par le fait qu'il doit empêcher le public de s'identifier aux personnages et soulever au contraire des questions. Ce caractère éducatif des pièces sert bien sûr à inculquer l'opinion de Brecht aux spectateurs. Bertold Brecht y parvient brillamment avec les moyens les plus modernes de son époque : les "chansons" de ses pièces (fortement influencées par le jazz), souvent écrites de manière ironique et humoristique, conquièrent le public, ce qui contribue au succès de son Opéra de quat'sous.

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Dans cette pièce, où l'on retrouve notamment les ouvriers miséreux de Berlin, et où les capitalistes et les voyous sont tous représentés comme des criminels - et si les banquiers s'en sortent, les voyous finissent en prison. Ce faisant, Brecht souligne l'impossibilité de se comporter conformément à la morale bourgeoise lorsqu'on est pris dans une profonde misère matérielle - on mange d'abord, la morale vient ensuite, selon l'expression consacrée de sa pièce. Bien sûr, tout cela ne sert pas uniquement à divertir: l'athée radical qu'est Brecht ne croit pas au paradis, c'est pourquoi il veut que le monde sur terre en devienne un le plus rapidement possible. C'est pourquoi il veut changer le monde par son art, c'est pourquoi il se bat pour la suprématie culturelle de son camp en Allemagne, qui pourra y parvenir avec ses pièces. Dans ce contexte, Brecht devient le dramaturge le plus influent d'Allemagne. Bien que le dramaturge d'Augsbourg parvienne à tendre un miroir au capitalisme, son théâtre, influencé par les classiques du marxisme, manque d'introspection.

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Dans la tradition de Machiavel et de la politique moderne, Brecht méprise l'homme bon et vertueux : ce n'est pas la pitié pour les opprimés qui est à l'ordre du jour chez lui, mais la transformation de cette émotion humaine en colère contre la classe dirigeante. C'est précisément cette attitude que Brecht, agitateur implacable, promeut dans sa pièce "La mesure". Ici, le révolutionnaire sans scrupules, prêt même à tuer ses propres camarades, non seulement n'est pas bon mais doit devenir mauvais pour faire triompher la révolution socialiste: cette figure est érigée en idéal. Dans le même temps, Brecht élève le parti communiste au rang de figure divine et rédemptrice autour de laquelle toute vie humaine doit s'orienter. En fin de compte, dans cette pièce phare du théâtre stalinien, le jeune camarade moralement intègre doit mourir parce qu'il fait obstacle à la révolution avec ses pensées morales. Les classiques du communisme doivent être suivis servilement et ne doivent pas être remis en question - c'est sans doute en partie à cause de cette attitude que les communistes allemands n'ont pas compris la nécessité de la question nationale, à quelques exceptions près comme les combats de Schlageter en Rhénanie, et qu'ils n'ont pas pu s'opposer efficacement à l'État social sous la République de Weimar ou à l'idée de la communauté du peuple (Volksgemeinschaft) dans les premières années du Troisième Reich, pas plus qu'aux lois raciales, qui n'apparaissaient pas sous cette forme dans les analyses marxiennes du capitalisme. L'œuvre de Brecht a été confrontée très tôt à une réaction violente et massive de la part du national-socialisme, qui l'a finalement contraint à fuir le pays.

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Dans sa pièce "Arturo Ui", il analysait l'hitlérisme tel qu'il le fut jusqu'à la Nuit des Longs Couteaux, mais ne pouvait pas expliquer l'échec de la lutte des classes en Allemagne. Arrivé en Amérique, Brecht met en scène avec "La vie de Galilée" une parabole sur l'oppression et le bridage idéologique de la science en Allemagne, sans certes se rendre compte, comme Ernst Jünger, que cette chaussure conviendrait également au pied d'un régime communiste ou libéral. Non seulement Brecht ne parvient pas à percer aux États-Unis, mais il est même convoqué en 1947 devant le "Comité des activités anti-américaines" pour s'expliquer sur son agitation communiste. Il répond finalement à un appel de la RDA, où il veut participer à la construction du socialisme dans la zone d'occupation soviétique. Brecht y est accueilli à bras ouverts et le rêve de sa vie d'avoir son propre théâtre sur le Schifferbaudamm à Berlin se réalise. Bertold Brecht est enfin arrivé au sommet de l'industrie culturelle, il note lui-même non sans fierté qu'il appartient désormais à la classe des locataires. Mais même le communiste convaincu qu'était Brecht, dont on voulait même donner le nom à une place de Berlin-Est, ne peut pas fermer les yeux sur la misère des ouvriers en RDA, face aux dommages de guerre, aux réparations qu'exige l'URSS et au blocus occidental. Lorsque les Allemands osent se révolter le 17 juin 1953, il veut publier un message de solidarité ambivalent aux dirigeants du nouvel Etat prolétarien, mais elle ne sera pas publiée dans son intégralité.

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Son poème "La Solution", dans lequel il suggère ironiquement au gouvernement de changer le peuple s'il n'est pas satisfait de lui, ne sera cependant publié que six ans plus tard en Occident. Elle inspirera quelques décennies plus tard Renaud Camus pour sa thèse du "Grand Remplacement", décrivant le remplacement des Européens autochtones par des immigrés. Ce qui reste de Brecht aujourd'hui, c'est sa critique intelligente et polémique du capitalisme et de ses crimes, qui est plus que jamais d'actualité face à la menace de la misère que font peser les politiques occidentales qui imposent des sanctions et des restrictions d'énergie, en plongeant le peuple dans la misère. En revanche, son agitation amorale en faveur du communisme ne peut que nous rappeler ce que l'absence de traitement de la question sociale et la violence du capitalisme peuvent faire naître comme démons chez un être humain.

mardi, 22 décembre 2020

Antonin Artaud, toujours ardoyant

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Antonin Artaud, toujours ardoyant

par Luc-Olivier d'Algange

Les plus profonds enseignements nous viennent sans doute des œuvres qui, adressant à notre entendement une mise-en-demeure radicale, se refusent à être édifiantes. Une défaillance, un refus, voire un effondrement, ou la conscience d'un effondrement collectif, sont alors la mesure, en précipices, de la plus haute exigence qui s'irise, comme en neiges éternelles, des hauteurs de l'âme, et interdit la réduction de l'écrit au rôle subalterne d'objet artistique.

« Nous ne sommes pas encore au monde », nous dit Antonin. Nous ne pensons pas encore dans une âme et un corps. Pire encore, nous pensons moins que nous ne pensions; une force, une lucidité ont été perdues et toutes les évaluations, sciences, religions réduites à leurs écorces mortes, à leurs superstitions, travaillent encore à rendre impossible l'advenue du ressac de cette pensée entrevue par la brèche qu'Antonin Artaud décrit dans L'Ombilic des limbes et dans ses premières lettres à Jacques Rivière.

Ce que sa pensée ne peut faire, - c'est-à-dire réduire son langage à l'édification d'une forme littéraire convenue - sera le principe de la puissance, d'une magie concrète qui débute par la conscience de l'œuvre-au-noir et dont le « théâtre alchimique » sera l'instrument de connaissance, non en termes scientifiques, mais rituels, selon l'ordre abyssal d'un sacré originel qui transparaît en feux noirs et feux de roue, selon la formule alchimique , à chaque ligne écrite.

Le livre que Françoise Bonardel vient de publier aux éditions Pierre-Guillaume de Roux, Antonin Artaud ou la fidélité à l'infini, se tient à la hauteur de cette mise-en-demeure. Plus encore que de parler de la vie et de l'œuvre d'Antonin Artaud, ce qu'elle fait admirablement, Françoise Bonardel nous parle de ce dont il est question dans cette vie et cette œuvre, « l'honneur vital » qui s'y trouve engagé, fidélité à l'infini.

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Au-delà d'une analyse strictement universitaire qui prétendrait à une explication à partir d'analyses, l'auteur s'engage, et c'est ce qui rend ce livre passionnant, dans une interprétation, une herméneutique orientée vers une implication dans l'œuvre et dans la pensée agissante de l'œuvre, échappant ainsi au double écueil du mimétisme et de la distanciation.

Le diagnostic que fait Antonin Artaud est clair, sa critique du monde moderne, radicale. L'Occident moderne s'est effondré: « Nous vivons des temps tragiques et plus personne n'est à la hauteur de la tragédie ». Nous avons cessé de penser et d'être. Un envoutement pénombreux nous tient dans une abstraction restreinte, fallacieuse et mortifère, nous avons perdu « la culture cuivrée du soleil ». Seul, nous dit Antonin Artaud, « un homme en marche depuis toujours » peut dire la sapience perdue. A tant dénier la mort, et la dimension tragique qu'elle impose à chaque être et à chaque moment, l'Occident moderne a renié la Vie: « Réaliser la suprématie de la mort, n'équivaut pas à ne pas exercer la vie présente. C'est mettre la vie présente à sa place, la faire chevaucher divers plans à la fois, éprouver la stabilité des plans qui font du monde vivant une grande force en équilibre. »

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L'Occident moderne est apostasie, reniement de ses ressources européennes, triste régression vers un état larvaire de docilité, « règne de l'On » comme disait Heidegger, ou du « dernier des hommes » dont parlait Nietzsche. De Nietzsche à Artaud, au demeurant, se tissent des affinités. « Quand le corps est blessé, écrit Artaud, c'est là qu'on trouve l'âme, l'Aigle et le Serpent ; totems protecteurs dont nous recevrons, ou non, la force de tout perdre ou de tout gagner, - ce qui est peut-être la même chose.

Antonin Artaud dépossédé de tout, - à commencer par l'usage utilitaire ou décoratif du langage, - s'empare du « tout », tellurique et ouranien, car ce « rien » qui lui reste n'est autre que la langue redevenue Soleil-Logos, puissance héliaque, fulgurance d'Apollon. On comprend mieux l'intérêt d'Artaud pour Apollonios de Thyane, Héliogabale ou le néoplatonisme solaire de l'Empereur Julien par lesquels il songera, je cite, à « retrouver et ressusciter les vestiges de l'antique culture solaire ».

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Bien au-delà de la simple polémique antimoderne, la guerre d'Artaud est ontologique: « Ne jamais discuter, frapper avec ma richesse, ça se taira ». Le dénuement total est la richesse absolue. Tout est dans l'acte d'être qu'il faut révéler par une suite d'épreuves, au sens vrai initiatiques. La conscience aiguë de l'Hors d'atteinte de la pensée et de la défaillance du langage, la vision abrupte, fatale, de cet effondrement central, seront ainsi le principe de la reconquête, mot par mot, geste par geste, d'une intégrité et d'une pureté perdue par une civilisation d'individus que plus rien ne relie à un ordre supérieur. Civilisation envoûtée de l'intérieur par la représentation qu'elle se fait d'elle-même et qui la condamne à être tenue à distance, déportée, exilée à l'intérieur de l'exil lui-même, - là où la servitude volontaire nous installe, dans ce « partout-nulle-part », déraciné, où plus rien ne symbolise avec rien.

Françoise Bonardel, dans ce livre magistral, nous rappelle à cette évidence: si Antonin Artaud n'est pas « homme de Lettres », si sa vie est, en soi, une insurrection et un cri, son œuvre ne saurait se réduire à un « cri » et s'avère être celle d'un très-grand écrivain français. Etre « toujours ardoyant » dans le creuset philosphal où s'animent l'Aigle et le Serpent, tel fut le dessein gnostique d'Antonin Artaud, qui renouvelle à certains égard celui de Maurice Scève, en ses blasons et cosmogonies.

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L'ouvrage de Françoise Bonardel approfondit magistralement ce dessein que l'on peut dire gnostique et alchimique, ce « voyage vers Tula », qui est aussi la mythique Thulée hyperboréenne, - autrement dit, le voyage vers ce qu'Antonin Artaud, nomme la Vie, avec une majuscule, Mercurius alchimique. La Vie, pour Artaud, est magnétisation, émanation, irisation des dieux « qui jouent aux quatre coins sonnant du ciel, aux quatre nœuds magnétiques du ciel. »

Contre l'abstraction conceptuelle, Antonin Artaud ravive le spirituel concret dans la tradition de Paracelse, Böhme, Novalis, Hamann et Franz von Baader. La guerre est ouverte contre la pensée calculante, restrictive, pensée d'usure et de pénurie, capitalisante et profanatrice qui nous réduit à l'état de spectre dans les « cavernes de l'être ». Pour Antonin Artaud, rien n'est plus concret que le suprasensible: « J'ai de l'esprit une idée matérielle bien que j'aie une philosophie anti-matérialiste de la vie ». La magie est concrète et d'une exactitude « cruelle ».

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Se déprendre de ce qui désincarne nos présences en représentations, de ce qui dégrade nos « actes d'être » en concepts abstraits, de ce qui avilit la tradition (qui est transmission ardente, transfusion) en coutumes bourgeoises, c'est enfin, pour Antonin Artaud, retrouver, en même temps, l'intensité et l'exaltation, les longitudes et les latitudes de l'âme et du monde, sans lesquelles les corps sont sans esprit et les esprits sans corps. La Thulée de l'âme est cette contrée murmurante, ce « voyage à travers son propre sang », comme l'écrit Françoise Bonardel, ce « Styx rutilant de tous les feux nocturnes » qui « nous invite à entreprendre dès ce monde-ci, l'ultime navigation vers et dans l'au-delà. »

L'œuvre sera cette « lame d'obsidienne », éclat solaire porté à la jonction des mondes qui donnera à Antonin Artaud le droit d'écrire: « Mais moi, je suis un être vrai, sans rien de phénoménal, et je me manifeste à tout instant, mort et vivant »

Luc-Olivier d'Algange.

jeudi, 09 octobre 2014

Montmédy: Orages d'acier

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Insérer une imageMONTMEDY & MARVILLE & plus... :
Orages d'acier - commémoration théatrale 14-18
 
  FRANCE Début : Samedi 11 Octobre 2014, 16:00
Fin : Dimanche 12 Octobre 2014, 16:00

 

L'association Transversales vous donne rendez-vous le samedi 11 octobre à 16h00 à la citadelle de Montmédy, ainsi que le dimanche 12 octobre à 16h00 dans les caves de Marville. Vous assisterez alors à un témoignage des plus saisissants de la 1ère guerre mondiale:
TRANSVERSALES propose de faire entendre les mots d'Ernst Jünger dans des lieux réels de la Première Guerre mondiale, afin que la langue de Jünger y rencontre l’épaisseur de ces pierres.


Ernst Jünger, soldat allemand, se retrouve après quelques semaines de formation dans le chaos et la folie de cette guerre si meurtrière. Pour garder conscience, il écrit un journal.
Il y décrit jour après jour le quotidien du soldat mais également la violence et l’absurdité des tranchées. Il reprendra ce journal après l’armistice. Il regroupera ces notes afin de les synthétiser et surtout afin d’en faire littérature, d’en faire « de l’art ». Seul l’Art peut faire comprendre et ressentir l’expérience des tranchées…

Un siècle après le début de cette guerre, nous nous proposons de faire entendre les mots de Jünger. Dans des caves, des forts, des lieux réels de la première guerre mondiale. Afin que la langue de Jünger y rencontre l’épaisseur de ces pierres.
Office de tourisme transfrontalier du Pays de Montmédy
Citadelle - Ville haute / 2, rue de l'hôtel de ville
F-55600 MONTMÉDY
Tél. +33 (0)3 29 80 19 52
/Lucienne0210

 

mercredi, 15 janvier 2014

F. Luchini: Voyage au bout de la nuit

mercredi, 27 mars 2013

Y'en a que ça emmerde...?

mardi, 16 août 2011

Aeschylus' Agamemnon: The Multiple Uses of Greek Tragedy

Aeschylus’ Agamemnon:
The Multiple Uses of Greek Tragedy

Jonathan BOWDEN

Ex: http://www.counter-currents.com/

eschyle.jpgGreek tragedy is all but forgotten in mainstream culture, but there is a very good reason for looking at it again with fresh eyes. The reasons for this are manifold, but they basically have to do with anti-materialism and the culture of compression. To put it bluntly, reading Greek tragedy can give literally anyone a crash course in Western civilization which is short, pithy, and terribly apt.

Let’s take — for purposes of illustration — the first part of the Oresteia by Aeschylus, which concentrates on Agamemnon’s murder by his wife Clytemnestra. This work would take about two hours to read in a verse translation by Lewis Campbell (say). You will learn more about the civilization in those two hours than many a university foundation course, or hour after hour of public television, are capable of giving you.

The real reason for perusing this material, however, is the sense of excitement which it is capable of generating. Agamemnon and his entourage have returned to Argos after the successful sack of Troy and the destruction of Priam’s city.

A series of torches across the Greek peninsula announces the triumph, and the Watchman on the palace roof is the first to bear witness to the signal. The Chorus of Argive Elders soon gathers and is addressed in turn by a herald and then Clytemnestra. She swears undying loyalty to her husband (falsely) and makes way for his triumphant entry, although for those with acute ears there is a sense of foreboding in the imagery and early language of the play.

Agamemnon enters and speaks of his victories, but is ill-disposed to walk on the purple vestments that his wife has had strewn on the ground. He considers them unworthy or liable to damage his standing with the Gods. Clytemnestra seems to want her husband to behave more like an Eastern potentate than a Greek monarch. After much show of reluctance — he accedes to his wife’s wishes, kicks off his sandals and walks on the Imperial purple . . . in a manner that Clytemnestra knows will antagonize the Gods. She wishes this due to the future assassination which she has in view.

The prophetess Cassandra is then introduced from Agamemnon’s car, and she outlines — in ecstatic asides and verbal follies — the likelihood of her paramour’s death at the hands of his wife. She also speculates on the origin of the curse deep in the history of the House of Atreus — when Thyestes’ own children were baked in a pie for the edification of their father in revenge for adultery. This sets in train the codex of revenge and hatred which inundates the House’s walls with blood and gore and sets the ground for new horrors at a later date. Cassandra, surrounded by the near-seeing and purblind chorus, goes into the House where her Fate is sealed.

After a discrete interval, Clytemnestra emerges in one of the most dramatic sequences in all of Western art. She clutches a dagger in one hand and is partly covered in blood; whereas Agamemnon, her previous lord and husband, lies dead inside the folds of a net, with Cassandra raving and raving over him. The prototype for Lady Macbeth and every other three-dimensional female villain, Clytemnestra boasts of her deed and how she executed it — to the shock, horror, and awe of the Argive elders.

The killing is justified — in her eyes at least — by the sacrifice of her daughter, Iphigenia, to make the wind change its direction when the Greek fleet is becalmed at Aulis on the way to Troy. For this willful act of child-murder, Clytemnestra has lain in wait with her lover, Aegisthus, to slay the King of Argos. (Aegisthus is descended from Thyestes and has his own reasons for wishing doom to the House of Atreus.)

This particular play ends with a confrontation between Aegisthus’ soldiers and the elderly members of the Chorus, but Clytemnestra — by now sick of bloodshed and desiring peace — intervenes so as to prevent further conflict. The play concludes with the two tyrants, surrounded by their mercenaries, walking back towards the palace where they will rule over the Argives.

The question is always raised in modernity: Why bother with this material now? The real reason is the abundant ethnic and racial health of ancient Greek culture. Although tragic, blood-thirsty, and mordant in tone, it is abundantly alive at several different levels. It also exists as the prototype for so much Western culture, whether high or low.

As I have already intimated, a two-hour read is broadly equivalent to a short university course in and of itself. Also, the pre-Christian semantics of this material speaks across two and a half thousand years very directly to us today, certainly in the post-Christian context of Western Europe. Another reason for parents reading this material to adolescent children (at the very least) is its pagan immediacy. This is not cultural fare that can be dismissed as lacking pathos, blood-and-guts, or a sense of reality, if not normalcy.

Another reason for refusing to give this work a wide berth has to be the fact that various forces which were out-gunned and defeated in the twentieth century definitely took the Greek side in various cultural debates. This can also be seen in Wyndham Lewis’ Childermass which I reviewed [2] elsewhere on this site, where the chorus of opposition to the Humanist Bailiff (a sort of democratic Punch) has to be the philosopher Hesperides and his band of Greeks.

The culture of the Greeks still has dangers associated with it, hence the re-routing of Classics to a netherworld in the Western academy. Yet the refutation of Bernal’s Black Athena is still everywhere around us; as long as people have the wit to pick up the plays of Aeschylus and read.


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2011/08/aeschylus-agamemnon/

samedi, 12 février 2011

Robert Brasillach au Théâtre du Nord Ouest (Paris)

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mercredi, 15 décembre 2010

Antonin Artaud: Sul suicidio e altre prose

Antonin Artaud: SUL SUICIDIO E ALTRE PROSE

di Andrea Ponso

Ex: http://www.camarillaonline.com/

artaud.jpgIl “blocco Artaud” ci permette di entrare nel vivo di una crisi, una crisi di pensiero e di rappresentazione, con un movimento che non può non chiamare in causa il rapporto con il mondo e con il reale, la lucidità e le mille trappole del letterario: tutto il suo lavoro è un vero e proprio corpo a corpo con il sistema delle conoscenze occidentali e non solo, con la religione (certo Artaud non era un ateo: un ateo non lotta così a lungo con Dio) e con le varie suddivisioni dei saperi. Partendo dalla tematica principale attorno alla quale si raccolgono questi scritti (frecciabr.gif Sul suicidio e altre prose, Via del vento, 4 euro) cercheremo di dimostrare, entrando nel vivo di questi brevi ma veramente preziosissimi testi, le frizioni che la macchina da pensiero produce a contatto con la mobilità e il corpo del nostro autore.

La morte è vista da Artaud come un eterno presente:

"… il sentimento dell’uniformità di ogni cosa. Un assoluto magnifico. Avevo senza dubbio appreso ad avvicinarmi alla morte..."
In realtà, la morte è quindi in sé l’abolizione della differenza, dello smembramento (ricordiamo l’invenzione artaudiana del corpo senza organi) ma, tramite il suicidio, non si può raggiungere che attraverso un atto di smembramento, di distacco, di rottura di una uniformità, che ci rende prigionieri ancora una volta del pensiero che lo ha pensato, dividendo e preparando, tra l’altro, l’infiltrazione del divino e di ogni trascendenza che, insinuandosi, crea continuamente il due, la divisione, il “non”, rubandoci il dolore-essere in cambio di una rappresentazione, espropriandoci, eternizzandoci:
"il suicidio non è che la conquista favolosa e lontana degli uomini che pensano bene."
Non una preclusione morale quindi, bensì una impossibilità: il non poter risolvere l’organicità e la differenza con una ulteriore divisione-differenza; non ci sono vie di fuga per il rigore di Artaud e per un pensiero che pensa l’unità di un corpo senza organi da una prospettiva (ma anche qui, di nuovo, ogni prospettiva è una parzialità) che esclude risolutamente ogni metafisica.
In realtà, è da sempre troppo tardi:
"non sento l’appetito della morte, sento l’appetito del non essere, di non essere mai caduto in questo trastullo d’imbecillità, di abdicazioni, di rinunce e di ottusi incontri che rappresenta l’io di Antonin Artaud"
; nonostante ciò, Artaud si rende conto che in questa insofferenza si nasconde la tentazione della trascendenza: 9788887741162g.jpgè in fondo la stessa visione di certo cristianesimo (e non solo) che svaluta la terra e propone prospettive salvifiche future (è lo stesso meccanismo che nella testualità promette un senso a venire e nello stesso momento instaura e salva una oscurità strategica?).
Allora Artaud tronca ogni possibile via di fuga e nello stesso tempo accetta i mille rivoli che smembrano ogni uomo, poiché neanche il corpo senza organi deve essere visto in prospettiva, ma anche (rompendo l’ordine della logica, come succede sempre nei punti di maggiore tensione della scrittura artaudiana) non può che essere visto così: è un In – stante per chi sceglie di rimanere nel cortocircuito, nel punto in cui ogni rappresentazione persiste e non smette di crollare:
"questo io virtuale, impossibile, che si trova tuttavia nella realtà."
Tutta la speculazione di questo autore, il suo continuo cortocircuitare nel pensiero che lo pensa, non è altro che una lotta sul posto, contro il "pensare ciò che mi vogliono far pensare" (del resto, lo ricorda lui stesso nel suo Van Gogh "mi si è suicidato"), infatti ci si sente
"fin nelle ramificazioni più impensabili (…) irriducibilmente determinati ( … ) e il fatto che mi ucciderò è probabilmente inscritto in un ramo qualsiasi del mio albero genealogico"
(viene in mente il lavoro di liberazione dalle ‘parti’ e dal ‘modo’ del teatro di Bene).
Artaud arriva quindi alla perentorietà di questa bruciante affermazione:
"Dio mi ha collocato nella disperazione come in una costellazione di vicoli ciechi il cui irradiamento approda a me stesso. Non posso ne morire, ne vivere, ne desiderare di morire o vivere. E tutti gli uomini sono come me."
C’è una ricerca di chiarezza in questa scrittura, davvero sconvolgente (soprattutto se pensiamo alla vita dell’uomo Artaud, ai suoi dolori, all’elettrochoc e ai vari internamenti psichiatrici) - una chiarezza che, per illuminarsi non accetta la logica e il pensiero sul mondo in vigore ma che non li accantona sbrigativamente ma li vive dal di dentro, li porta come abiti che continuamente si è costretti a togliere e a rimettere: per arrivare alla chiarezza, Artaud non vuole semplificare, bensì adattare il suo sguardo e il suo corpo alla complessità della materia e all’ordine non rappresentativo del mondo poiché
"la vita non mi appare che come un consenso all’apparente leggibilità delle cose e alla loro relazione nello spirito"
e ancora,
"la nostra attitudine all’assurdo e alla morte è quella della migliore ricettività"
, sgombrando da subito il campo da atteggiamenti di passività o maledettismo, e spostando lo sguardo verso l’attenzione e la lucidità, verso un mondo in movimento, privo d’ombra e di rifugi (soprattutto rifugi letterari, artistici: ad Artaud non basta più essere un artista, poiché l’artista è diventato un uomo della consolazione o della rassegnazione infinita; poiché l’artista è anch’esso determinato e inserito nella casella che la divisione aristotelica dei saperi ancora gli impone ).
Insomma, si tratta di scegliere la lucidità, il proprio dolore, la propria pulizia anche (e si badi bene: tutto ciò non presuppone l’accantonamento di quel "trastullo d’imbecillità, di abdicazioni (…) che rappresenta l’io di Antonin Artaud" e, aggiungiamo noi, di tutta l’armatura del nostro occidente …) oppure di rimanere passivi all’esproprio del nostro essere ( del nostro dolore senza motivo) in cambio di una rappresentazione che non è il mondo e che si frappone tra noi e il nostro oggetto.
E a questo proposito, fatte naturalmente le dovute proporzioni, verrebbe forse da pensare agli immensi depositi di larve umane del film Matrix, derubate e risucchiate della propria energia, della propria vita vera (ha senso usare questo aggettivo?), sezionate e aperte da fori, in cambio di una vita che è rappresentazione e spettacolo. E tuttavia questa sorte, che tocca ai poveri umani del film, ricade anche, aldilà della finzione, su ogni singolo spettatore, sommerso da un numero imprecisato di effetti speciali: insomma, sono gli stessi cattivi di Matrix a creare il film, Matrix è il programma e il film stesso.
Il lavoro di Artaud ingloba le dicotomie e le aporie del pensiero senza parificarle, non procede per disgiunzioni ed esclusioni, non sostituisce alla prepotenza della materia un sistema simbolico convenzionale : in questo suo vagabondaggio eversivo, non poteva non approdare ai bordi, alle valvole di sicurezza che il sistema stesso ha ideato, quindi alla medicina e in particolare alla psichiatria – anche qui Artaud soccombe e vince:
"Ecco psichiatri (…) radunatevi attorno a questo corpo (…) è intossicato, vi dico, e si attiene alle vostre inversioni di barriere, ai vostri vuoti fantasmi (…) tu hai vinto, psichiatria, hai vinto ed egli ti oltrepassa"
ed è proprio quel “ed” che mette in crisi il tutto
Sotto l’insopprimibile ombra del dover essere, dietro alla parte determinata, dietro ai modi che ci perseguitano e ci salvano
"in fondo dunque a questo verbalismo tossico, c’è lo spasmo fluttuante di un corpo libero e che riguadagna le sue origini, la muraglia di morte essendo chiara, essendo capovolta e rasente il terreno. Poiché è qui che la morte procede, attraverso il filo di un’angoscia che il corpo non può finire di attraversare."

mardi, 16 juin 2009

Teatro e futurismo

Teatro e Futurismo

Ex: http://augustomovimento.blogspot.com/


«Il Futurismo vuole trasformare il Teatro di Varietà in teatro dello stupore, del record e della fisicofollia»

(dal Manifesto del Teatro di Varietà)


L’abilità propagandistica e il desiderio di sollevare scalpore, spingono i futuristi ad intervenire anche in campo teatrale. In particolare Marinetti credeva che tutti fossero potenzialmente poeti o drammaturghi. Da questa idea cominciarono, in tutta Italia, a dilagare le celeberrime “serate futuriste”, inizialmente nelle piazze – coinvolgendo nelle rappresentazioni anche il pubblico – e successivamente nei teatri. Marinetti, Corra e Settimelli sono considerati gli iniziatori del teatro “sintetico” futurista: questo aggettivo deriva dal fatto che si trattava per lo più di piccoli “attimi sintetici”, le cui caratteristiche sono la concentrazione, la compenetrazione, la simultaneità e il dinamismo.

Non sempre il pubblico accettava la “forza d’urto” di quel teatro, e spesso rispondeva con ingiurie e con il lancio di ortaggi. Immancabilmente le serate futuriste si concludevano con provocazioni di ogni tipo e con risse furibonde, con tanto di sfide a duello. Spesso i nemici e avversari dei futuristi affittavano interi palchi, munendosi di ortaggi, e al momento opportuno facevano scattare la baraonda. A quel punto i futuristi avevano già vinto la loro battaglia pubblicitaria. L’eco del putiferio si estendeva, attraverso i giornali, in tutta l’Italia.

Osservando più tecnicamente il teatro futurista, si può osservare che – come i dadaisti e i surrealisti – neppure i futuristi italiani furono uomini di teatro nel senso professionale del termine, ma artisti, scrittori, poeti che consideravano il teatro non solo un ideale punto d’incontro, ma anche il migliore strumento di propaganda del loro ideale vitalistico, nazionalista e tecnocratico. Nonostante la mancanza di professionismo, furono coloro che al teatro concessero un’attenzione più continua e organica, soprattutto a livello teorico, in una serie di manifesti: il manifesto dei drammaturghi futuristi (1911), del teatro di varietà (1913), del teatro futurista sintetico (1915), della scenografia futurista (1915), del teatro della sorpresa (1921).

La contestazione del teatro «passatista e borghese» investe prima di tutto il teatro drammaturgico: a un dramma analitico, basato su una logica degli eventi di fatto impossibile e sulla credibilità astrattamente psicologica dei personaggi, i futuristi contrappongono il dramma sintetico, che coglie, in un’unica visione, momenti cronologicamente e spazialmente lontani, ma connessi fra loro da analogie e da contrapposizioni profonde. Non c’è bisogno di una premessa da sviluppare in una serie successiva di episodi pazientemente organizzati, ma basta l’intuizione del nucleo essenziale dei fenomeni. I personaggi non hanno contenuto psicologico, ma si risolvono totalmente nelle loro azioni, che possono anche esaurirsi in gesti molto semplici, di assoluto valore o non esserci affatto, lasciando l’azione affidata agli oggetti.
Le “sintesi futuriste”, opera soprattutto di Marinetti, furono anche rappresentate, non però dai futuristi stessi, ma da normali compagnie professioniste che non potevano avere né una specifica preparazione, né un particolare interesse ideologico. Il loro significato rimase perciò confinato nella dimensione letteraria.

Non esiste una sola concezione di teatro futurista: esso può essere infatti sia un teatro eccentrico o grottesco, sia dell’assurdo che sintetico. A differenza del teatro classico, il teatro di prosa per eccellenza, non sono fondamentali i dialoghi o comunque le scene parlate, bensì l’attenzione viene catturata dai suoni, dalle luci e dai movimenti corporei. Non è un caso che nel teatro futurista sia utilizzata molto spesso la danza, al fine di trasmettere al pubblico, attraverso i movimenti dei ballerini, un senso di moto, di velocità e dinamismo. Al posto dei dialoghi vi sono didascalie lunghissime e molto dettagliate. Il teatro futurista è spesso un teatro muto e talvolta – in aggiunta – i personaggi sono incomprensibili nelle loro azioni, tanto che lo spettatore rimane stupito e con un senso di confusione. In più capita che il personaggio non sia un attore, bensì un oggetto. In scena si riesce a far diventare reale, normale e logico un comportamento completamente surreale, mentre le frasi, i gesti e le reazioni appartenenti al senso comune risultano banali e assurdi.
Anche il grande Majakovskij si interessò molto al nuovo teatro futurista, ma intendendolo più in senso satirico, per prendere in giro la realtà e gli schemi del buon senso.

Sul piano scenografico Enrico Prampolini sviluppò tutte le premesse insite nel gusto dei futuristi per le macchine e la tecnologia, scegliendo una scena mobile e luminosa, nella quale l’attore umano sarebbe apparso banale e superato, ed era quindi auspicabile sostituirlo con marionette o addirittura con l’attore-gas «che estinguendosi, o procreandosi, propagherà un odore sgradevolissimo, emanerà un simbolo di identità alquanto equivoca», supremo sberleffo al mattatore del tipico teatro antico italiano.
Il manifesto più significativo è forse quello del teatro di varietà, definito il vero teatro confacente alla sensibilità e all’intelligenza dell’uomo moderno, poiché esalta il sesso di fronte al sentimento, l’azione e il rischio di fronte alla contemplazione, la trasformazione e il movimento muscolare di fronte alla staticità, ma soprattutto perché distrae lo spettatore dalla sua secolare condizione di voyeur passivo trascinandolo nella follia fisica dell’azione.


Per approfondire, leggi il Manifesto del Teatro di Varietà

samedi, 28 juin 2008

L'hallucination du monde d'après Antonin Artaud

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L'hallucination du monde d'après Antonin Artaud

 

Si notre fin de siècle est si avide de commémorations d'évé­nements de toutes natures, c'est bien la preuve que, gavée de progrès technologique, incapable de la moindre inno­va­tion politique et sociale, la société moderne s'enfonce dans un marasme irrémédiable qu'elle aura beau jeu de travestir en une improbable incarnation de la Fin de l'histoire. Pour­tant, c'est presque en vain que l'on cherchera parmi ces in­nombrables remémorations un éventuel hommage rendu à l'oc­casion du centième anniversaire de la naissance ou du cinquantenaire de la mort d'Antonin Artaud (1896-1948). Mais il faut croire que l'œuvre atypique et inclassable du poè­te-acteur-dramaturge ne peut faire les frais de cette in­sidieuse tendance largement répandue dans le marigot gou­vernemental qui consiste à ne regarder le monde qu'au tra­vers des œillères manichéennes à bipolarité droite/gauche, al­pha et oméga de toute pensée moderne; preuve s'il en é­tait que nous avons depuis longtemps atteint les grandes pro­fondeurs abyssales de l'inculture et de la démagogie po­li­ticienne. Cette impossibilité du recyclage de l'œuvre du «crucifié de la modernité » (cf. Xavier Rihoit, in Le Choc, n°11) tient pour beaucoup dans le fait qu'il est un des rares au­teurs à véritablement répondre à la volonté nietzschéen­ne de «briser les fenêtres et sauter au dehors» des in­sti­tutions de la société «où le long suicide de tous s'appelle la vie».

 

Antonin Artaud, né à Marseille en 1896 était de cette gé­né­ration conçue pour le grand sacrifice de la première guerre, période charnière entre un 19ème siècle qui s'était clos sur le constat de «la mort de Dieu » et un 20ème siècle, né dans la violence et le sang d'une civilisation européenne à l'agonie. Mais s'il fut rapidement démobilisé pour raisons médicales (les premiers troubles nerveux, issus d'une mé­nin­gite contractée à l'âge de cinq ans ou d'une syphilis hé­ré­ditaire, coïncident avec le début de la guerre), il n'é­chappa pas pour autant, par le biais de la maladie, au lot de souffrances physiques et morales dévolu à ceux de sa clas­se d'âge, à ceci près que, dans son cas, le combat dura toute sa vie, avec pour seule trêve le refuge dans l'opium.

 

Des simulacres sans force que l'Europe prend pour des pensées…

 

De son état de maladie permanente, de l'irrépressible dé­ca­dence de son corps naît une extrême sensibilité aux ma­nifestations de la Puissance vitale de l'esprit exprimée par la culture ainsi qu'une révolte radicale contre ses cari­ca­tu­res car «jamais, quand c'est la vie elle-même qui s'en va, on n'a autant parlé de civilisation et de culture. Et il y a un étrange parallélisme entre cet effondrement généralisé de la vie qui est à la base de la démoralisation actuelle et le souci d'une culture qui n'a jamais coïncidé avec la vie, et qui est faite pour régenter la vie». C'est tout le simulacre de la fausse culture européenne qui est en cause et qu'il faut reformer, conformément aux aspirations profondes d'une volonté de retour aux sources de la vie: «Une tête d'Européen d'aujourd'hui est une cave où bougent des simu­lacres sans forces que l'Europe prend pour ses pensées».

 

Pour retrouver sa nature profonde, pour se sentir vivre dans ses pensées, la vie repousse l'esprit d'analyse où l'Eu­ro­pe s'est égarée. Comme cette tâche incombera à une jeunesse plus idéale que réelle, il écrit aux recteurs des académies de l'Education Nationale, vrais faux prophètes de la nouvelle idole jadis dénoncée par Nietzsche: «Assez de jeu de langue, d'artifice, de syntaxe, de jongleries, de for­mules, il y a à trouver maintenant la grande Loi du cœur, la Loi qui ne soit pas une loi, une prison mais un gui­de pour l'Esprit perdu dans son propre labyrinthe. A travers le crible de vos diplômes, passe une jeunesse efflanquée, perdue. Vous êtes la plaie d'un monde, Messieurs, et c'est tant mieux pour ce monde mais qu'il se pense un peu moins la tête de l'humanité». Dans les filigranes de la pensée d'Ar­taud, c'est bien sûr encore Nietzsche que l'on retrouve dans son rejet de la piètre érudition des pharisiens de la pensée. Car la réalité du monde est que «toute vraie culture s'ap­puie sur la race et sur le sang. Le sang [...] garde un an­ti­que secret de race, et avant que la race se perde, je pense qu'il faut lui demander la force de cet antique secret».

 

Le “Théâtre de la Cruauté”

 

C'est par le théâtre qu'Artaud expérimentera sa vision d'une culture vraie. Il est engagé dans la troupe de Charles Dul­lin, avant de fonder avec Roger Vitrac et Robert Aron le Théâ­tre Alfred Jarry en 1927. Dans le même temps, il mè­ne­ra une carrière cinématographique qui lui fera privilégier les rôles d'illuminés fanatiques comme celui de Marat dans Napoléon et de Savonarole dans Lucrèce Borgia d'Abel Gan­ce et surtout celui du moine Frère Massieu dans La passion de Jeanne d'Arc de Carl Theodor Dreyer. Mais le théâtre est encore l'occasion pour un Artaud influencé par le théâtre oriental et le théâtre antique, de redéfinir et de perfec­tion­ner un art véritable, débarrassé de tout esthétisme gra­tuit, du psychologisme creux de la réalité quotidienne, de la suprématie de la parole pour redevenir la pure mani­festation de la vie elle-même dans sa dimension la plus sa­crée, où la parole, les cris, les sons sont recherchés d'abord pour leur qualité vibratoire et retrouvent le pouvoir de l'in­cantation, où les personnages ne sont plus considérés com­me des hommes mais comme «des êtres qui sont chacun comme des grandes forces qui s'incarnent». Ce théâtre sera baptisé “Théâtre de la Cruauté”, la cruauté signifiant, ici, «rigueur, application et décision implacable, détermination irréversible, absolue».

 

Une révolution personnelle

 

En des temps historiquement troublés, la référence révolu­tion­naire devient obligatoire pour tous ceux qui penchent du côté de la vie intense mais elle prendra tout son sens dans la volonté vitale d'Artaud. Un temps rallié au premier mouvement surréaliste et à ses tentatives spiritualistes, il opposera rapidement sa révolution personnelle, conçue com­me un véritable retour sur soi-même au ralliement des André Breton et Louis Aragon au bolchevisme et à la révo­lution matérialiste qu'il accusera plus tard de donner nais­san­ce à une idolâtrie de nature  religieuse «parce qu'elle in­tro­duit une mystique de l'esprit». Mais la liberté incon­di­tion­nelle d'Artaud ne s'embarrasse d'aucun préjugé idéolo­gique et c'est dans le même état d'esprit qu'il rejettera avec le matérialisme, la république, la démocratie, le so­cia­lisme, le communisme, le marxisme, etc. ... et toutes les formules creuses gravées au fronton des palais institu­tionnels mais sans pour autant s'exclure du monde car: «Il y a une manière d'entrer dans le temps, sans se vendre aux puissances du temps, sans prostituer ses forces d'action aux mots d'ordre de propagande... Il y a des idoles d'abêtis­se­ment qui servent au jargon de propagande. La propagande est la prostitution de l'action, et [...] les intellectuels qui font de la littérature de propagande sont des cadavres perdus pour la force de leur propre action ».

 

A la recherche de sa propre révolution, Artaud, qui con­nais­sait déjà l'œuvre du métaphysicien «traditionaliste» René Guénon va se plonger de plus en plus dans l'étude des textes sacrés des cultures orientales et aryennes et s'em­bar­quera pour le Mexique, à la recherche d'une civilisation authentique, constatant à la suite d'Oswald Spengler, l'irré­mé­diable décadence de l'Occident. Cet aspect de la déca­den­ce, il l'avait déjà mis en scène par la figure historique de l'empereur d'une Rome déliquescente, Héliogabale, dans ses débordements chaotiques de prostitution du Rite et de sa­cralisation de l'obscène. Mais il n'y a «rien de gratuit dans la magnificence d'Héliogabale, ni dans cette merveilleuse ar­deur au désordre qui n'est que l'apparition d'une idée mé­taphysique et supérieure de l'ordre, c'est à dire de l'unité».

 

L'anarchiste couronné

 

A Jean Paulhan, son éditeur qui s'inquiétait de la véracité historique des faits décrits par Artaud, il répondit «vrai ou non, le personnage d'Héliogabale vit, je crois, jusque dans ses profondeurs, que ce soient celles d'Héliogabale person­nage historique ou celles d'un personnage qui est moi». C'est donc Artaud qui est le véritable «anarchiste couron­né», contempteur de la décadence et de l'unité perdue du monde et qui vient annoncer sa définition de l'anarchiste: «C'est celui qui aime tellement l'ordre qu'il n'en accepte pas de parodie».

 

Automythographie

 

En fait, si le théâtre doit être pour Artaud la repré­sen­tation de la réalité, la réalité est également un théâtre où Artaud va toute sa vie durant s'efforcer de mettre en scène Artaud, ce qui lui vaudra d'être qualifié d'homme-théâtre par Jean-Louis Barrault. La totalité de son œuvre est d'es­sen­ce autobiographique —Camille Dumoulié dans son essai intitulé simplement Antonin Artaud parle d'automytho­gra­phie—  et est ainsi résumée par l'auteur: «Entre le réel et moi, il y a moi, et ma déformation personnelle des fantô­mes de la réalité».

 

Antonin Artaud, littéralement possédé par son état de fu­reur permanente est celui qui aura poussé au plus haut point la logique de la subjectivité, liberté d'esprit totale garante d'une vision du monde entièrement débarrassée des conformismes, conventions et idéologies qui réduisent l'homme à être un simple rouage de l'Etat, pour retrouver l'Intuition de sa Puissance vitale. Maître de son propre mon­de et dieu de sa propre foi, cette âme écorchée vive plutôt que simplement désincarnée payera pourtant le prix fort de sa quête par neuf années d'internement en maison psy­chiatrique. En 1948, deux années après sa libération —mais en ces temps on libérait les Antonin Artaud des asi­les d'aliénés seulement pour y enfermer les Ezra Pound et les Knut Hamsun—  il allait s'éteindre, juste après une ulti­me vocifération contre l'homme civilisé, justement symbo­lisé par l'Amérique qui a cru vaincre la nature mais s'est en­tièrement soumis et enchaîné à la technologie. Ce qui reste aujourd'hui de «l'étendard calciné de la jeunesse » (selon Bre­ton) est l'essentiel; ainsi pour Roger Blin, un des com­pa­gnons de ses derniers instants «je ne connais Artaud que par sa trajectoire en moi, qui n'aura pas de fin » et pour le bio­graphe Dumoulié «le legs d'Artaud n'est ni un savoir, ni une méthode, mais une puissance de contagion qui voue le corps et l'esprit au travail d'une perpétuelle genèse».

 

Frédéric SCHRAMME.

 

Bibliographie :

 

Antonin Artaud :

◊ Le théâtre et son double, folio, essais, n°14.

◊ Messages révolutionnaires, folio, essais, n°20.

◊ Pour en finir avec le jugement de Dieu, document sonore.

◊ Œuvres complètes, Gallimard.

◊ Camille Dumoulié: Antonin Artaud, coll. “Les contem­po­rains”, Seuil.

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