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jeudi, 26 septembre 2019

CHISINAU FORUM III : Le système international actuel, du globalisme à la multipolarité

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CHISINAU  FORUM III

Le système international actuel, du globalisme à la multipolarité

par Irnerio Seminatore, président fondateur de l'Institut Européen des Relations Internationales

Table des matières:

  • Système et conjoncture;
  • Le système et ses niveaux de pouvoir;
  • Mouvements stratégiques et antinomies d'alliances en Eurasie;
  • Le système  multipolaire. "Un concert mondial des nations" ou une "gouvernance mondiale renforcée"?
  • De l'Europe à l'Eurasie. Un changement dans les paradigmes géopolitiques;
  • Le déclin d'Hégémon .Alternance hégémonique ou "révolution systémique";
  • A qui appartiendra le futur? L'espace planétaire, la démocratie et les Etats-Nations

Système et conjoncture

Le système international actuel, qui inclut le système interétatique, la société mondiale et la globalisation des économies, se caractérise par une triple dynamique, de fragmentation, de polarisation et de confrontation et cette dernière se traduit en une reconfiguration des alliances militaires, face aux risques de conflit entre la Chine, les États-Unis et la Russie, confrontés au piège de Thucydide ( G.Allison).

Ces risques appartiennent à l'ordre historique et instaurent une politique ambivalente, de rivalité-partenariat et antagonisme. Il s'agit d' une politique qui a pour enjeu le contrôle de l'Eurasie et de l'espace océanique indo-pacifique, articulant les deux stratégies complémentaires du Hearthland (1) et du Rimland (2).

Les rivalités, qui sécouent aujourd'hui plusieurs régions du monde ont forcé l'Est et l'Ouest à reserrer leurs alliances militaires et à s'interroger sur un nouveau projet de sécurité en Europe , de stabilité stratégique et d' unité  de l'espace européen.

Cependant toute tentative de définir un ordre régional quelconque ne peut être conçue que dans la perspective d'un ordre global et dans la recherche de formes d' équilibre et de stabilité à caractère planétaire.

C'est par référence à la triangulation géopolitique et stratégique de la Russie, des États-Unis et de la Chine, et en subordre, de l'Europe, de l'inde et du Japon, que doit être comprise la liberté de manœuvre des puissances régionales au Moyen Orient ,au Golfe et en Iran et c'est là que se situe l'une des clés de la stratégie générale des grandes puissances.

Le système et ses niveaux de pouvoir

Du point de vue analytique, le système international superpose plusieurs niveaux de pouvoir :

− les pôles de puissances classiques , pluricentriques et virtuellement conflictuels( Amérique, Europe Russie, Chine, Inde..)

− un bipolarisme global dissimulé, fondé sur un condominium à caractère asymétrique (Etats-Unis et Chine)

− trois grandes zones d'influence, inspirées par trois aires de civilisation, constituées par l'Europe, les États-Unis et l'Empire du Milieu.

Dans ce contexte, la grande scène du monde abritera une multitude de stratégies, qui seront universelles pour les Nations-Unies, économiques pour les institutions de Bretton-Woods, sécuritaires et militaires par le système des alliances régionales (OTAN).

La singularité géopolitique des États-Unis, la grande île du monde, est qu'elle sera forcée  de se normaliser dans l'immense étendue de l'Eurasie, centre de gravité de l'Histoire.

L'Amérique deviendra-t-elle un pôle de puissance parmi d'autres, disputé, mais toujours dominant?

Mouvements stratégiques et antinomies d'alliances en Eurasie

Dans tout système international, le déclin de l'acteur hégémonique se signale par un resserrement des alliances militaires. Ce moment se présente comme une antinomie d' options entre les puissances  conservatrices (ou du « status quo ») et les puissances perturbatrices (révisionnistes ou insatisfaites). 
Se départagent ainsi aujourd'hui, les deux stratégies des acteurs majeurs de la scène mondiale, une stratégie défensive, de stabilisation et de vigilance active pour l'Ouest et une stratégie offensive, de subversion et de remise en cause de la hiérarchie de puissance , pour l'Est.

Ainsi, dans la conjoncture actuelle, deux mouvements stratégiques rivaux s'esquissent au niveau planétaire :

- l'alliance sino-russe, assurant l'autonomie stratégique du Hearthland, en cas de conflit et promouvant, en temps de paix, la coopération intercontinentale en matière de grandes infrastructures, (projet OBOR /One Belt, One Road/, avec la participation d'environ 70 pays)

- la stratégie du "containement" des puissances continentales par les puissances maritimes du "Rimland" (Amérique, Japon, Australie, Inde, Europe etc), comme ceinture péninsulaire extérieure à l'Eurasie

Rappelons que les deux camps sont en rivalité déclarée et leurs buts stratégiques opposés.

En effet, le couple sino-russe est défini « concurrent stratégique », ou « concurrent systémique » (notamment par l'UE) et refuse de se soumettre à l'ordre international issu de la deuxième guerre mondiale et dessiné par les États-Unis

Le système multipolaire. Un " concert mondial des nations" ou une "gouvernance globale renforcée"?

La caractéristique fondamentale du système multipolaire n'est pas celle de s'asseoir sur une mondialisation, comme "gouvernance mondiale renforcée", complétant le système des Etats -Nations par des institutions mutilatérales  (ONU, FMI,G7, ou G20), dans le but de favoriser leur intégration dans un jeu coopératif mondial, mais d'identifier les intérêts essentiels des acteurs principaux, dont les objectifs sont virtuellement conflictuels.

Ainsi le but n'est pas de cerner des équilibres, fondés sur les concepts d'échanges et de coopération, mais de prévoir les ruptures stratégiques , sous la surface  de la stabilisation apparente.

De l'Europe à l'Eurasie. Un changement dans les paradigmes géopolitiques

Ainsi la  fin de la bi-polarité , avec l'effondrement de l’empire soviétique a engendré une source de tensions , entre les efforts centrifuges mis en œuvre par les États de proximité, « les « étrangers proches », visant à s'affranchir  du  centre impérial et la réaction contraire de Moscou, pour reprendre son autorité à la périphérie, par une série d'alliances enveloppantes. (OTSC, OCS )

La Russie et l’ensemble des nations d’Asie Centrale jusqu’aux pays du Golfe, du Moyen Orient et du Maghreb manquent de leaders ayant fait l’expérience de la démocratie et l’Union Européenne n’a pas conceptualisé une limite stratégique globale entre l’Atlantique et l’Asie Centrale, passant par la bordure de la Méditerranée et remontant le plateau turc et le Caucase, pour parvenir au pivôt des terres, le Heartland, dans un but d’influence et de maîtrise des tensions.

C’est l’Alliance Atlantique qui a vocation à opérer la soudure de l’intérêt géopolitique de l'Ouest, dans cette immense étendue entre l’Amérique et l’Europe.

Le « déclin d'Hégémon ». Alternance hégémonique ou "révolution systémique"?

La question qui émerge du débat sur le rôle des Etats- Unis, dans la cojoncture actuelle est de savoir si la « stabilité hégémonique » (R.Gilpin), qui a été assurée pendant soixante dix ans par l'Amérique, est en train de disparaître, entraînant le déclin d'Hégémon et de la civilisation occidentale , ou si nous sommes confrontés à une alternance hégémonique et à un monde post-impérial.

L'interrogation qui s'accompagne de celle-ci est également centrale et peut être formulée ainsi : « Quelle forme prendra-t-elle cette transition ? »

La forme, déjà connue, d'une série de conflits en chaîne, selon le modèle de Raymond Aron, calqué sur le XXème siècle, ou la forme d'un changement d'ensemble de la civilisation, de l'idée de société et de la figure de l'homme, selon le modèle des « révolutions systémiques », de Stausz-Hupé, scandées par quatre grandes conjonctures révolutionnaires, embrassant l'univers des relations socio-politiques du monde occidental et couvrant les grandes aires de civilisations connues.

Chacun de vous comprendra qu'il s 'agit là de notre propre question,celle de notre temps et de notre forum.

A qui appartiendra-t il le futur ? L'espace planétaire, la démocratie et les Etats-Nations

Dans le cadre d'un environnement interdépendant progresseront les nations qui ont été façonnées sous forme d'États-Nations et d'États-Civilisation. En effet ces nations disposent de configurations durables, car elles ont pu se prévaloir d'une base de stabilité politique, traditionnelle ou moderne, et d'une cohérence géographique et environnementale qui a permis leurs affirmations au cours de l'histoire et qui leurs permet aujourd'hui d' assurer leur survie.

Au plan philosophique et stratégique la nouvelle approche du processus historique sera systémique, pluraliste et complexe, antithétique de la méthode dialectique et universalisante de l'hégélianisme occidental.

Aujourd'hui les dessous de l'Histoire font apparaître les déceptions amères d'une crise de légitimité des démocraties, des conceptions de l'État de droit et des droits universels, coupables d'avoir dissocié l'intime relation entre l'universel et le particulier au profit de concepts et de visions du monde sans transcendence, ouvrant la voie à la révolte de la tradition et du passé, comme formes d'historicité authentiques.

L'élargissement du « modèle démocratique » apparaîtra ainsi, en son abstraction, comme l'expression d'une vision utopique de l'Histoire et se heurtera, à une interprétation messianique du monde historique.

Dans cette analogie, la tradition et les sociétés traditionnelles témoignent de l'expression d'autres formes d' « historicité », indifférentes à l'idée de rationalisme , de doute et de « démocratie », sauf pour les couches intellectuelles cosmopolites, libertaires et non organiques, exclues des offices publics.

L'interprétation de la démocratie comme « modèle » est également la négation de l'évolution des régimes politiques selon leur propre loi, ou selon leur propre individualité historique, qui est en Europe souverainiste ou stato-nationale.

Si le « modèle démocratique » devait prendre partout racine, cela correspondrait au triomphe de la « cité céleste» sur la « cité terrestre» de Saint Augustin, ce qui, dans les relations internationales, représenterait la victoire de l'angélisme sur les deux monstres bibliques du cahos primitif, Léviathan et Béhémoth, révoltés contre le créateur .

Bruxelles, le 11 septembre 2019

(1) Heartland , "le pivot géographique de l'histoire" , 1904 , Halford MacKinder
(2) Rimland , la bordure maritime de l'Eurasie , ou "inner crescent" , concept géostratégique de Nicholas Johan Spykman.

Texte conçu en vue de sa présentation au "IIIème Forum de Chisinau" des 20 et 21 Septembre 2019

 

Protectionnisme : le péché n’empêche pas la vertu...

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rotectionnisme : le péché n’empêche pas la vertu...
 
par Christopher Coonen
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christopher Coonen cueilli sur Geopragma et consacré à l'urgente nécessité de la mise en œuvre d'une politique protectionniste intelligente pour la France et l'Europe. Secrétaire général de Geopragma, Christopher Coonen a exercé des fonctions de directions dans des sociétés de niveau international appartenant au secteur du numérique.

Protectionnisme : le péché n’empêche pas la vertu

Nous assistons depuis une dizaine d’années à la refonte de l’ordre économique et monétaire mondial. Le point de bascule a entamé son renversement avec la crise financière des Sub-primes en 2007 aux Etats-Unis, suivi d’un enchaînement de cracks boursiers et de faillites bancaires en 2008. C’était le retour de bâton d’une mondialisation débridée.

Les Etats-Unis et les BRICS (Brésil, Russie, Inde, et Chine) ont alors tous progressivement mis le cap sur des politiques protectionnistes dont le but était de protéger et renforcer leurs souverainetés respectives, tout d’abord dans leurs marchés domestiques, mais avec l’objectif de plus en plus explicite d’assoir dans la durée leur projection de puissance au niveau régional et mondial. Ces gouvernements ont donc défini une stratégie aussi étendue que possible pour inclure dans cet élan de renationalisation les domaines stratégiques et inextricablement interconnectés de l’industrie, du numérique et de la monnaie. Les leaders et gouvernements de ces cinq pays ont depuis tous accéléré ce mouvement, prônant une politique de préférence nationale, « repliant » leurs champions industriels sur une ligne politique de consolidation pour mieux conquérir ensuite d’autres marchés.  Reculer pour mieux sauter en somme.

protect1.jpgSans prendre la mesure politique et stratégique de ce mouvement profond, ni en admettre le sens et la légitimité, l’Europe quant à elle s’est contentée de poursuivre sa politique d’élargissement sans garde-fous et de signature d’échanges commerciaux mondiaux tous azimuts, plus récemment avec le Canada et le Mercosur. Elle a poursuivi ainsi ses objectifs louables en théorie mais bien naïfs d’une vision pour un continent appelé à l’emporter commercialement du simple fait de son génie industriel, de sa démographie, et de son poids économique cumulés. L’intégration politique s’est donc poursuivie mais sans mise en place de son indispensable ferment : une structure économique et fiscale pensée et concertée. Face notamment au combat de titans entre les Etats-Unis, l’empire installé depuis 1945, et l’empire montant du Milieu, la Chine, l’Europe et la France en particulier ont continué de leur ouvrir leurs marchés sans contrainte et avec une absence totale de stratégie industrielle et économique.

Le résultat ne s’est pas fait attendre : des pans entiers de nos industries, stratégiques ont été bradés et constituent une perte irrattrapable pour le savoir-faire, l’innovation, l’avantage concurrentiel et la projection de puissance européens. Citons les abandons désinvoltes des Français aux Américains : Alstom à General Electric (GE), et Technip à FMC. Arrêtons-nous sur le cas d’Alstom, devenu un acteur mondial incontournable dans le domaine des turbines nucléaires. Avec 178 turbines installées, il couvre 30 % du parc nucléaire mondial. Ses nouvelles turbines, Arabelle, sont considérées comme les plus fiables du monde assurant 60 ans de cycle de vie aux centrales nucléaires et elles équipent les futurs EPR. Alstom a également des contrats avec Rosatom en Russie et avec la Chine pour la livraison de quatre turbines de mille mega-watts. Ce fleuron stratégique français est donc maintenant dans l’escarcelle de l’américain GE : c’est désormais le groupe américain qui décidera à qui vendre les turbines et aura le dernier mot sur la maintenance du parc nucléaire en France !  Au gré de mensonges éhontés de l’Elysée et de Bercy, bien d’autres douloureuses prétendues fusions « entre égaux », se sont révélées être de gravissimes chimères pour notre souveraineté en lambeaux.

Alors que l’Europe devrait se doter de géants industriels capables de gagner des contrats et des parts de marché contre ses concurrents américains et chinois, voilà que Bruxelles refuse d’avaliser la fusion d’Alcatel avec l’allemand Siemens au prétexte parfaitement spécieux et suicidaire d’une possible « domination non-concurrentielle ». Mais justement, nous avons besoin de tels champions pour notre « marché unique ». Nous marchons sur la tête ! La France se doit de préserver et d’assurer le développement de l’industrie qui lui reste : « nationaliser » les appels d’offres dans l’Hexagone en privilégiant nos champions et aussi les TPE et PME françaises. Les Allemands le font sans états d’âme, en faisant « fi » de la bureaucratie européenne et de ses diktats normatifs qui visent son affaiblissement et sa vente progressive à la découpe ! Pas plus tard que la semaine dernière, la SNCF a annoncé qu’elle préférait l’espagnol CAF à Alstom pour l’achat de vingt-huit rames Intercités.

protect-perrouxIN.jpgDans le domaine numérique, après 25 années d’existence du e- et m- commerce, force est de constater que les titans mondiaux sont là aussi américains et chinois. Encore une fois il y a une absence de représentation totale de géants du net européens. Dans le contexte de l’affrontement qui s’intensifie entre les Etats-Unis et la Chine, nous parlerons bientôt non seulement des « GAFAM » américains mais de plus en plus aussi des « BAXIT », les chinois Baïdu, Alibaba, Xiaomi, et Tencent. A l’instar de Washington, le gouvernement chinois déploie son appareil juridique et ses politiques d’investissement derrière ses champions, enrayant le développement de concurrents américains tels que Google ou Facebook. En Russie, Facebook est absent, c’est son équivalent local V Kontakte qui domine ce marché.

Les dépenses des ménages et des entreprises européens vont donc tout droit enrichir nos concurrents étrangers qui pour la plupart ne s’acquittent pas de leur juste part d’impôts. Pire, la sensibilité et la richesse de nos données personnelles qui profitent au développement d’algorithmes d’intelligence artificielle toujours plus performants tombent aussi dans des mains adverses.

L’Europe se retrouve donc complètement dépendante et démunie. Une esclave consentante, stockholmisée par son maitre américain qui par ailleurs décide même désormais de ses projets commerciaux légitimes en lui dictant via l’extraterritorialité juridique, les frontières de son licite et illicite…en fonction des intérêts nationaux américains. Une notion aux contours extensibles…

Enfin, cette offensive de « renationalisation » active se joue également dans le domaine monétaire. D’abord, la « dédollarisation » de l’économie mondiale est en route : la Russie a largement vendu des Dollars depuis 2018, qui ne représentent plus que 27% de ses réserves, derrière l’Euro (39%) – source Banque Centrale Européenne. Sa Banque centrale a aussi acheté l’équivalent de quelques dizaines de milliards de dollars du Yuan convertibles chinois. La Chine et la Russie ont en parallèle massivement acheté de l’or ces dernières années afin de soutenir leurs devises, avec l’objectif pour les Chinois de détrôner à terme les Américains et pour les Russes d’échapper à la pression de Washington. La solidité de leurs devises repose aussi sur leur faible taux d’endettement. La Russie est quasi à l’équilibre. La Chine elle fait face à une situation plus complexe :  le taux d’endettement du gouvernement central et des collectivités locales est estimé à 37%, loin derrière celui du Japon (240 %), la Grèce (181,1 %), l’Italie (132,2 %), le Portugal (121,5 %), les États-Unis (107,2 %), ou encore la France (98,4 %) – source ministère français de l’Economie et des Finances, CEIC Data.

protect-perrouxPLAN.jpgEnsuite, afin d’assainir ses finances et parer à la crise de 2007, Pékin a lancé un plan de relance en novembre 2008 visant à injecter sur le marché 4 000 milliards de yuans (586 milliards de dollars) afin de stimuler la demande intérieure face au ralentissement de la croissance et à la stagnation de ses exportations. Elle investit massivement dans ses différents projets des Routes de la Soie en Asie Centrale, en Europe, en Afrique, et en Amérique Latine afin d’augmenter la croissance de son économie et de lui donner un avantage géopolitique de puissance « tranquille » mais incontestablement en projection. Elle crée son « contre monde » et déjà ses contre standards. Les Chinois voient loin, très loin, au-delà des péripéties immanquables de leur stratégie à l’échelle d’un siècle entier. Cette vision leur confère un avantage certain par rapport à des politiques très court-termistes en Europe et d’une certaine manière aux Etats-Unis.

Finalement la politique du « quantative easing » de la Banque Centrale Européenne affaiblit à terme l’euro, sachant que l’injection massive de liquidités dans le système financier européen au travers du rachat de Bons du Trésor et autres obligations équivaut à faire tourner la planche à billets sans croissance réelle de l’économie. Une vulnérabilité mortifère dans un contexte de très forts taux d’endettement de certains pays membres dont la France.

L’impact économique et social, mais aussi politique de ces inquiétants développements sera très concret et massif. Pour en prendre la mesure, l’analyse du PIB par le biais du pouvoir d’achat par parité ou PPP est intéressante car elle permet de comprendre l’état réel de la puissance économique via la richesse créée concrètement pour les citoyens des pays concernés. Si nous prenons les projections du FMI, de la banque Standard Chartered, d’Oxford Economics, et du Brookings Institute sur le classement des dix plus grandes puissances économiques au regard du PIB en termes de PPP en 2030, nous constatons plusieurs choses :

  1. Sur les dix pays, quatre seront asiatiques.
  2. La Chine et l’Inde seront respectivement au premier et deuxième rang, reléguant l’actuel numéro un, les Etats-Unis, au troisième.
  3. Les BRICS y figureront tous, avec d’autres pays « émergents » d’aujourd’hui – l’Indonésie (4ème), la Turquie (5ème) et l’Egypte (7ème).
  4. L’Allemagne clôturera la liste
  5. La France sera absente !
  6. L’Union européenne pourrait et devrait y figurer mais, au vu des politiques et interférences désastreuses de ces dix dernières années mentionnées supra et en l’absence d’une politique économique et industrielle cohérente, elle manquera également à l’appel.
  7. Le G7 dans son actuel format sera devenu complètement caduque, réclamant sans doute l’arrêt de ce forum pour privilégier le format du G20…

protect-grjebine-NEI.jpgNous sommes donc devant deux visions apparemment en opposition mais qui peuvent en fait se rejoindre : un libre-échangisme mal-pensé et un protectionnisme pondéré et assumé. Il serait temps que l’Europe et la France fassent une correction de cap courageuse, décisive et retentissante. Pécher par prudence et engager une politique visionnaire et stratégique nationale et communautaire claire sur l’industrie, le numérique, et la monnaie, afin que nos champions puissent tout d’abord exister et qu’ensuite ils puissent sortir gagnants de la nouvelle concurrence mondiale.

Christopher Th. Coonen (Geopragma, 23 septembre 2019)

mercredi, 25 septembre 2019

Sur la crise des démocraties et la transition des formes politiques

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Vers des régimes autoritaires en France et en Europe?

Sur la crise des démocraties et la transition des formes politiques

Irnerio Seminatore

***


TABLE DES MATIÈRES

Introduction. Corruption et changement des régimes politiques

La crise des fondements, le déclin français et la tentation autoritaire

Régimes égalitaristes et régimes hiérarchiques

La souveraineté et ses interprètes, Tocqueville, Rousseau et C.Schmitt

Macron, la France et l'Europe

La démocratie est elle en danger?

La dérive autoritaire de la démocratie

L'affaiblissement de l'esprit de liberté et la transformation de l’État démocratique en l’État

bureaucratique.

Sur le rôle de la "Formule politique"

Guerre et liberté

Sur la crise des démocratie et l’évolution vers des régimes autoritaires

États et violence politique

Les menaces portées contre la démocratie: un tabou de la communication politique

La recherche d'un ordre alternatif

Essor et évolution des régimes autoritaires en Europe

La "Nouvelle Frontière" de l'Europe, le Souverainisme

Souverainisme et populisme. Stratégie et tactique

La révolution numérique et le contrôle social

Phénomènes de normalisation, de violence et de sanction du XXIeme siècle.

Michel Foucault et sa "notion d'homme"

La folie et la mort. Le suicide d'Hamlet à Elsinor


                                                                        ***


Introduction. Corruption et changement des régimes politiques

Dans une période de "fake news" et de perversions sémantiques est-il surprenant de se révolter contre le chaos ou l'anarchie, là même où d'autres y voient la démocratie, la liberté d'expression et l'égale condition de la nature humaine? Quelles preuves apporter à la marche vers des régimes autoritaires, si non des exemples de conduite déviants, par rapport à des normes et des pratiques ancrées dans une tradition, ou dans une préférence politique héritées du passé? Passant à la formulation d'hypothèses crédibles, le besoin d'ordre et de sécurité peut-il être compris intuitivement comme demande de protection, face à des grandes crises d'autorité ou, en revanche, comme angoisse sociale, difficile à affronter avec les moyens du débat et de l'intégration et exigeant plutôt ceux de la force et de la répression?

Or, comprendre la transition actuelle des démocraties vers des régimes autoritaires, c'est faire référence à trois types d'explication:

- d'ordre historique

- d'ordre politique et culturel

- d’ordre sociologique, scientifique et psychologique.

Pour le premier type, je retiendrais l'explication classique, celle de la décomposition de la démocratie et de la théorie des cycles historiques.

Pour le deuxième, la crise des fondements, la conception du pouvoir et l'affaiblissement de l'esprit de liberté.

Pour la troisième, celle des systèmes de contrôle et de manipulation des opinions et de la disponibilité des masses à l'asservissement vis à vis d'un maître.

Des éléments des trois critères se retrouvent dans l'impossible conciliation de la souveraineté étatique, de la liberté individuelle et des convictions populaires, qui définissent le pouvoir démocratique. Ainsi permanence et discontinuité s'en trouvent bouleversées et besoin et inquiétude du changement, intimement liées. Cette situation affecte la conception héritée de la démocratie et augmente la séduction des régimes autoritaires, tenus pour naturels et parfois nécessaires.

En effet dans le courant de derniers deux cent cinquante ans, nous sommes passés,en Europe, des monarchies de droit divin à des monarchies constitutionnelles, puis à des républiques présidentielles et, au XXème siècle après deux grandes révolutions, communiste et national-socialiste à l'ère des tyrannies, pour adopter enfin, à cheval du XXIème siècle, l'âge des démocraties.

Suite à la défaite des pays totalitaires, à la dislocation des empires et à la décolonisation du monde dans la deuxième partie du XXème siècle, nous sommes devenus de colonisateurs, colonisés et l'hétérogénéité des traditions historiques s'est transformée en une uniformisation forcée des conceptions politiques.

Par ailleurs, et comme conséquence du processus de mondialisation, qui a accompagné l'effondrement du communisme soviétique, le pouvoir occidental s'est assuré du consensus des peuples par l'idéologie de l'élargissement de la démocratie.

Or, le trait commun de celle-ci a reposé en Europe sur la dispersion des fonctions d'autorité et, plus de toute autre, de l'autorité souveraine, individuelle ou collective. Au sein de l'Union européenne la souveraineté est en fait partagée entre oligarchies bureaucratiques multiples, qui cachent le polycentrisme des pouvoirs et une gouvernance non élective, se réclamant d'un autoritarisme libéral.

En France, cette dispersion du pouvoir souverain n'a pas tenu compte de la diversité des populations et de conceptions éthiques et civilisationnelles, qui affectent en profondeur l'esprit public, chez les masses et chez les élites et a poursuivi les raisonnements et les pratiques de la tradition républicaine, remaniée par la cinquième république.

L'anarchie universitaire et syndicale, prônant la mort de l’État policier, détesté par Mai 68, puis le retour au pouvoir du général de Gaulle, accusé de bonapartisme par des intellectuels qui se voulaient sans dieu ni maître, suscita un tournant des opinions à la faveur de l'homme du salut.

Dans de pareilles situations et selon Aristote, les démocraties se corrompent et les guerres civiles naissent, exaspérant les conflits des factions et les rivalités entre les individus et les représentants du pouvoir. Puisque les luttes intestines ne trouvent de limites, ni dans la loi, ni dans les mœurs, devenus sans freins, le libre cours aux détracteurs de l'autorité et à la haine des exclus, affaiblissent l'autorité, réclamant à grand voix, un changement de régime.

C'est aujourd'hui le cas de Macron.qui est au même temps un jacobin, ignorant la raison d’État et un progressiste universaliste, qui méprise l'homme du peuple, bref un souverain, en état de guerre permanente avec ses sujets, de plus en plus hostiles à sa politique.

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Selon la vulgate classique, les démocraties sont entraînées vers leur mort et vers l'instauration de régimes autoritaires, lorsque les opinions et les masses, opposées à la classe des privilégiés, se soumettent au pouvoir salvateur d'un chef, populiste ou démagogue, qui les entraîne à la conquête du pouvoir d’État.

Ainsi se succèdent les différentes formes des régimes politiques, qui transforment la liberté en licence et la démocratie en tyrannie, l'excès de liberté entraînant en retour un excès de servitude. Puisque le peuple est animé par des formes dégradées de connaissance, l'apparence, les préjugés et les passions, Aristote en concluait que la meilleure forme de gouvernement est le régime mixte, une composition de démocratie et d'aristocratie, option qui sera reprise par Machiavel à la Renaissance et à laquelle, dans les premières décennies du XXème siècle, Pareto, Mosca et Michels, adapteront la théorie des d'élites dans le but d'étudier la stabilité des partis politiques et la tendance oligarchique des démocraties.

La crise des fondements, le déclin français et la tentation autoritaire

En ce qui concerne le deuxième critère, la conception du pouvoir dans les démocraties d'aujourd'hui, celles-ci ne peuvent rester indifférentes à la crise des fondements, les principes premiers et ultimes de l'autorité de commandement, le consentement volontaire ou la rigueur de la loi. Or une crise des fondements est avant tout une grande crise intellectuelle et morale, une crise de foi, de sens et de société,bref une remise en cause des paradigmes, engendrant une énième subversion de la conscience européenne.

Elle met en cause le passé, le présent et l'avenir et concerne le peuple dans son ensemble. Le choix qu'elle implique appartient-il au "demos", au souverain, ou à Dieu? A la démocratie ou au pouvoir suprême? A l'histoire ou à la politique?

La crise actuelle engage en profondeur la responsabilité du citoyen et, puisque le pouvoir de commandement implique "l'obéissance" des sujets, qui est la consistance effective de la souveraineté, le régime politique confronté au problème de l'adhésion volontaire tirera une grande difficulté de la division du peuple, qui se niche dans la composition même de celui-ci. Un peuple aux deux identités, dont l'âme se divise en deux inimitiés existentielles, dictées par la pluralité des Dieux, est un peuple déchiré entre deux obéissances, à la loi divine, par sa nature universelle, et à la loi politique, par sa nature séculière et nationale.

C'est la situation de la France d'aujourd'hui, la France, jadis pays-guide de l'Europe et actuellement déchirée par la présence sur son sol de deux civilisations hostiles, irréconciliables et en état de guerre virtuelle.

Or, les régimes politiques existants sont l'expression, dans la Gaule et en Europe, d'une seule culture collective, des mêmes sentiments ancestraux, ou , en d'autres termes, de la même foi en Dieu, en la loi et en l'homme de raison.

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Le déclin français, commencé en 1789, avec la "Grande Révolution", le rabaissement de la noblesse et l'hiver démographique,se poursuit avec l'égarement de ses croyances anciennes, qui justifient aujourd'hui son agnosticisme moral par le primat de la "raison" et par l'absence de principes d'ordre métaphysique, exaltant une sécularisation dévoyée et une Église ouverte à l'Islam.

Il continue avec Macron, épris par un aveuglement historique, qui, en mal de stabilité politique, a osé l'hérésie sacrilège, affirmant à Lyon que "la culture française n'existe pas et qu'elle est diverse et multiple"?( 6 février 2017). Le but de complaire à une foule inculte, maghrébine et barbaresque, étrangère à l'histoire du pays, l'a trahi dans l'oubli que l'unité culturelle garantit et préserve l'intégrité d'une nation.

Pouvait il sacraliser autrement une République sans unité, sans hiérarchie et sans Histoire, qui a remplacé les révolutions par les invasions, changeant de visage à la barbarie?

Or, puisque toute solution politique est l'usage combiné de l'autorité, de la loi et de la force, comment la "classe politique" pourra -t- elle réagir à la révolte des masses, offertes par son Prince à toute tentation et à tout reniement?

Du même coup, le rassemblement du Tiers-État, la plèbe moderne des vieux français des terroirs, des petits commerçants et chômeurs, rejetés par une mondialisation dévastatrice, mobilisant révolte et envie de réformes, a consenti aux ennemis du peuple, les black-blocs ou les islamo-gauchistes, d'utiliser au sein de ce mouvement la violence et la subversion.

Cette convergence entre le légitime et l'illégitime, a corrompu l'adhésion du peuple et a justifié la riposte autoritaire de Macron, qui n'a pas la religion de la gloire de Louis XIV, ni celle de la grandeur de de Gaulle et qui ne sait combiner l'alliance traditionnelle du Roi et du Tiers État, en associant les deux formes politiques, par lesquelles se décomposent aujourd'hui les démocraties, l'oligarchie mondialiste et la tyrannie monarchiste.

Le combat contre la ruine de "l'esprit français", si patente de nos jours, avait pourtant débuté à Londres en juin 1940, dans le but de maintenir la France occupée, dans un état de liberté d'esprit contre les formes variées de séduction et de soumission intellectuelles venant de l'occupation allemande, car "l'esprit français" ne se concevait, à l'époque, que dans son lien avec une nation libre et dans la lecture d'une histoire engagée, qui partagerait le corpus philosophique de la liberté.

Le débat sur la démocratie et les régimes autoritaires ouvre aujourd'hui une nouvelle page à la réflexion politique, en France et en Europe et touche toutes les classes et toutes les générations, car les enfants du siècle ne combattent plus pour la vertu ou pour la patrie, mais pour le pacifisme, les migrations illégales ou les droits de l'homme.

Régimes égalitaristes et régimes hiérarchiques

En effet le changement de paradigmes a fait tourner la page de l'égalité, du bonheur et des désirs des citoyens, qui avaient constitué autrefois les piments de l'utopie.

L'époque contemporaine est particulièrement touchée par une revendication d'uniformité et d'hostilité à l'ordre établi et par une réceptivité désarmante vis à vis des vitupérations et des demandes sociales. En effet ces dernières laissent un grand espace à la disponibilités des masses pour croire aux nouvelles prophéties et au vieilles lubies égalitaristes.

Ces masses, qui ne font plus confiance à des philosophies salvatrices, fussent-elles dialectiques et qui ont quitté les partis politiques, constituent le terrain de chasse privilégiées de l'intime corruption de la démocratie, l'apolitisme et la logique des privilèges, apanage des parvenus et des arrivistes.

Celle-ci constitue la semonce captivante de tous les courants et de tous les hommes, qui vendent sur la scène politico-médiatique, leurs alchimies du renouveau et des promesses, non certifiées, du futur.

L'aveuglement dans la fiction de l'égalité s'est particulièrement développée au sein de l'opposition entre les deux camps, de la société civile et de la société politique, autrement dit de la fraternité introuvable et de la rivalité irréductible, en corrompant au même temps l'idée d'Europe.

carlschmittrrrrrrr.jpgLa souveraineté et ses interprètes, Tocqueville, Rousseau et C.Schmitt

Avec l'évolution des systèmes de pouvoir contemporains, la dictature des majorités, que Tocqueville craignait venir de l'uniformisation des conditions en Amérique se renverse de nos jours en la tyrannie des minorités, puissamment portées par la désagrégation de la vie sociale et la corruption de la vie parlementaire. En effet si la tyrannie de la majorité a pu apparaître jadis menaçante, la phénoménologie contemporaine prouve que ce sont les revendications minoritaires à afficher le plus grand danger pour le bien commun.

Ce sont en outre les minorités qui prétendent dissoudre le concept de "genre", ou de "nature" (homme,femme), pour le soumettre totalement à celui de société, au sein d'un processus historique, qui tend vers l'égalité des citoyens.

Cette civilisation égalitariste, dans sa dimension multiculturelle entraînerait un mutation anthropologique, où les différences ne seront plus légitimes et il en résultera une nouvelle humanité, dans laquelle les minorités s’emploient à définir autrement la société et à changer les codes et les dictionnaires du langage courant, de même que les délits et les peines de la jurisprudence et de la loi et où le concept de "nature" disparaîtra par l'effet de la "volonté générale" et du "contrat démocratique".

De telle manière les revendications minoritaires , promues sous le drapeau de l'égalité, pourront dissoudre les identités nationales et les communautés d'origine.

Or, la "souveraineté" défendue par Tocqueville, comme capacité d'autonomie politique et d'auto-organisation sociétale, hors de tutelles étrangères, n' est guère la "souveraineté" de la volonté générale de Rousseau, le genevois misogyne, inspirateur de la révolution française, destructrice de tout ordre hiérarchique et père des dogmes démocratiques du républicanisme de la IIIIème République.

Elle n'est pas non plus celle de C.Schmitt, dernier représentant du "Jus Publicum Europaeum", penseur du décisionnisme et de la souveraineté, incombant sur "celui qui décide de l'exception, en situation d'exception". La souveraineté de Carl Schmitt, qui s'inscrit au cœur de la lutte à mort de l'ami et de l'ennemi, comme essence du politique, prône en effet, en situation de danger, l'unité de tous ceux qui se rassemblent et qui sont liés par une origine et une amitié homogènes, excluant ceux qui sont étrangers à l'ordre politique national et se comptent aujourd'hui par millions.

caricaturemacronemm.jpgMacron, la France et l'Europe

Or, dans l'hypothèse de crises plus violentes,la faiblesse de Macron et la dissolution de la France et de l'esprit français s'inscrivent dans l'impossible conciliation, au cœur l'unité "indivisible" de la nation, de l'universalisme extrémiste et de l'immigrationnisme débridé du Prince. Conciliation politique et institutionnelle qui exigerait la soumission de tous au pouvoir régalien, afin d'assurer la paix civile, face à la menace latente de la désunion et de la subversion internes.

Personne n'osera réduire la démocratie au seul suffrage, fût il plébiscitaire, ni le suffrage à la divinisation du peuple, fût-il le "peuple élu".

Selon l'institution monarchique, réhabilitée par la république présidentielle, un peuple n'est uni que sous son souverain, seul en mesure d'assurer la concorde civile.

Mais le péché historique de la France, c'est d'avoir brisé l'unité de la nation, à l'époque de la Réforme protestante vis à vis des Huguenots et de leurs collusions supposées avec la Hollande et l'Angleterre, hier avec le Front Populaire et l'Union Soviétique et après la guerre, avec les socialismes et les pays de l'Est, aujourd'hui avec l'Islam et les États sunnites et wahhabistes, ennemis latents et permanents du pays.

Dans cette république querelleuse et insoumise la démocratie, antidote de la monarchie ou du pouvoir monocratique, a-t-elle besoin d'un chef providentiel, maître, despote, ou barbare qui s'élève au dessus des factions et incarne l'autorité et la concorde?

Au coeur de troubles et difficultés multiples, Macron tend vers un point d'équilibre entre l'ordre libéral global et l'égalitarisme islamo-libertaire, ou encore, entre la modernité administrative et les nouvelles aristocraties républicaines.

En tant qu'expression des bourgeoisies françaises de droite et de gauche, il ne peut conjuguer l'inimitable exaltation pour la primauté de l'Amérique de Trump et le caractère russe de Poutine.

S'il lui est impossible d'intégrer ou d'anéantir l'Angleterre, tournée vers le grand large, Macron tâche de voir dans le Brexit une occasion de nouer avec l'Espagne et de prendre à revers les pays de Visegrad, par une politique d'entente avec la Serbie et les Balkans Occidentaux,en humiliant l'Italie,qui sera le premier rebel du giron des pays subordonnés au joug de l'Union germano-américaine.

C'est la peur d'une surprise stratégique d'ampleur historique, la révolte islamique, qui  lui interdit de reconnaître dans l'ennemi intérieur le perdant de la bataille de Roncevaux, qui marche désormais sur les Champs Élysée.

De surcroît et par un coup de poker, après avoir affronté les gilets jaunes et guillotiné le vieux système des partis, Macron est apparu en Europe, après les élections, comme le seul faiseur de rois et le seul créateur de légitimité vis à vis des institutions européennes.

L'accord de compromis avec une Merkel sans vision et sans avenir, pousse la France de Macron vers un modèle de société autoritaire, sans lui éviter de devenir, face à une Allemagne à l'hégémonie réluctante, la plus importante province du sacrée romain empire germanique, version post-moderne.

Par ailleurs l'approche rajeunie de la concertation franco-allemande, pourra-t-elle rester le pivot d'une asymétrie stabilisée et définitivement acquise , ou bien deviendra-t-elle le soutien principal d'un jeu de bascule du leadership, porté par un homme, qui s'est forgé une image iconoclaste de la liberté des peuples et du pouvoir des États?

La démocratie est elle en danger?

L'effondrement de la social-démocratie en Europe et la politique néo-libérale ,visant à absorber l'électorat conservateur, s'exprime en France par une pratique de restriction du contrôle parlementaire. La crainte de déstabilisation du pouvoir est le principal fondement de l'autoritarisme d’État. Puisque l'appareil d’État s'est évanoui face à la triangulation instable, d'une gauche affaiblie et d'une droite attirée par le Rassemblement National, le centre accapareur de Macron, dépourvu d'une base sociale propre, glisse vers une politique néo-libérale de type autoritaire, dans le but de rendre impossible une compétition électorale "équitable" et de puiser dans le réservoir électoral des droites conservatrices.

Pour atteindre cet objectif, le mécanisme électoral de la cinquième république donne au regroupement politique gagnant, un poids politique disproportionné dans les instances représentatives. Face à une opposition éclatée, à une presse largement favorable et à des médias qui totalisent des parts d'audience considérables, lui permettant de régner sans partage,la seule figure absente est, comme il le dit en 2015, "la figure du Roi".

D'où son modèle monarchique et son mépris du peuple. Dans cette situation la transformation de la France en exemple de l'Europe, s'inscrit dans l'approfondissement du néo-libéralisme et dans une réforme du droit du travail,"flexibilisé", suivant les recommandations du FMI et de l'OCDE. "There is no other choice", expliquera-t-il dans une interview à la presse anglo-saxonne. Or, à l'échelle internationale, l'enjeu du siècle pour la France, comme pour l'Europe est la transformation du monde par la révolution scientifique et technique. Ainsi, le but de la France de demain est de devenir "une Start Up nation". Cependant, au ralentissement de la croissance et au caractère de plus en plus insupportable des inégalités, la stratégie du pouvoir évolue vers la réalisation de réformes structurelles, qui puissent favoriser, coûte que coûte,la compétitivité du pays. Le succès de ce chantier de réformes repose sur une grande fusion des nano-technologies, bio-technologies, réseaux intelligents et objets connectés. La République en marche, dans l'esprit du Prince, devient le synonyme d'un monde en marche vers l'avenir.

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La dérive autoritaire de la démocratie

Le stimulant de ce nouvel horizon technologique est le succès des "meilleurs".
Or, l'obstacle le plus préoccupant de cette démarche générale est l'extension des inégalités, à surmonter par un autoritarisme déclaré, qui délaisse "le bavardage législatif", par une limitation des débats parlementaires, l'adoption de procédures accélérées pour l'examen des projets de loi, la restriction du contrôle parlementaire, le "secret des affaires" et une marge de manœuvre de plus en plus large de l'appareil répressif et des forces de l'ordre. A titre de rappel, la demande au Parlement de la part du président Macron d'adopter une loi qui limite la liberté de manifestation et la présomption d'innocence. Cette politique dure, dangereuse et risquée est ce que l'on peut définir comme la dérive autoritaire de la démocratie et la preuve irréfutable de son étouffement.

L'affaiblissement de l'esprit de liberté et la transformation de l’État démocratique en l’État bureaucratique.

Sur le rôle de la "Formule politique"

In fine, la référence classique de toute tentation autoritaire demeure l'affaiblissement de l'esprit de liberté, qui se mesure aujourd'hui aux dispositions de plus en plus restrictives sur le désaccord politique. C'est de cet affaiblissement que meurent partout les démocraties modernes. Certains parleront de lois liberticides, à propos de la liberté d'expression, d'autres de censure sournoise, d'auto-censure, de chasse aux sorcières, ou de manipulations médiatiques.

En effet, cela se produit lorsque la méfiance, le pessimisme ou la peur de l'ennemi politique s'infiltrent dans nos craintes collectives et c'est là que la liberté se meurt et décline. Les régimes de liberté se meurent également de la désagrégation de la "formule politique", autrement dit du ciment moral, de la croyance collective et de la volonté présumée d'un peuple, de pouvoir surmonter les épreuves de l'Histoire, en s'appuyant sur la fidélité à une tradition ou sur la confiance à un chef providentiel. La désagrégation de ce moment de grâce jette un éclairage sur les difficultés d'une situation, bloquée par une impasse de nature politique ou intellectuelle et qui, en harmonie avec l'esprit du temps, avait permis la mobilisation collective autour d'un projet de renouveau, soufflant au même temps dans le cœur de chaque citoyen.

Ce fut le cas des résistances à l'occupation allemande et à la reconstruction nationale.porteuses de grands espoirs de libertés.

Ce n'est plus le cas d'aujourd'hui, où la "formule politique" se grippe dans la transformation  du pouvoir en régime autoritaire, engageant la mutation des États démocratiques en États bureaucratiques, des États dans lesquels ils est interdit de penser et d'avancer, car il ne faut qu'appliquer.

Le cas exemplaire est celui des institutions supra-nationales comme l'Union Européenne, à la double légitimité, nationale ou populaire et supra-nationale ou oligarchique.

Ici le problème non résolu est celui du renouvellement des élites de direction, les "top jobs", en situation de mixité et de jonction des formes d’État et des formes de régimes.
Dans ce cas la "formule" (alliance ou compromis), doit garantir la fonction d'équilibre entre les impulsions stratégiques des Chefs d’États et de Gouvernement (légitimité étatique ou oligarchique) et les responsabilités d'exécution des bureaucraties supra-nationales (légitimité hiérarchique, et, en son aspect confirmatif, démocratique).

La "Formule politique" doit trouver ici la clé de la compatibilité institutionnelle entre l'option autocratique (désignation par le haut) et l'option démocratique (confirmation par le bas).

Il semble évident, dans des conditions si restrictives, que le recrutement des nouvelles élites laisse une marge de manœuvre très réduite aux nouveaux dirigeants et les rend davantage tributaires d'une "aquiescence" hiérarchique, qui les éloigne des revendications des peuples, en restreignant leur autonomie de jugement et en éteignant leur conscience historique.

Cette incompatibilité des deux niveaux de la représentation et de la légitimité engendrera une énième difficulté en situation de conflit civil ou militaire, car la différente composition, de structure et d'idéologie, des partis politiques nationaux, opposera les différentes formations politiques, à base ethnique et à idéologie racialiste fort dissemblables, tant à l'échelle européenne que dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité.

Guerre et liberté

La prévisibilité d'un conflit désigne une situation dans laquelle on peut cerner la valeur de la liberté, entendue comme principe de gouvernement.En effet l'anticipation d'un danger réunit et symbolise toutes les autres formes de libertés et tout ordonnancement des activités humaines.

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Le conflit civil aux portes, où sera jouée la liberté française et européenne, ainsi que leurs régimes politiques, n'est pas seulement un affrontement de tendances, où s'expriment les formes de soumission de l'humanité aux grands cycles historiques de la paix et de la guerre, mais une lutte à mort entre deux peuples et deux civilisations hostiles, vivant en cohabitation forcée, le peuple de souche et la civilisation française d'une part et les immigrés et la civilisation de l'Islam de l'autre, sur un même sol métropolitain à conquérir, la terre des Francs.

Ce conflit s'exprime par des manifestations multiples d'insoumission, de révolte, de violence symbolique, de rejet intellectuel et moral, de haïne et de mépris déclarés.

Or la liberté de tout un peuple est un enjeu à gagner à chaque instant, car la préservation de la paix est le but principal d'un gouvernement. Le paradoxe français est que beaucoup de politiciens et d'intellectuels ,en bons héritiers du rationalisme cartésien, ne partent pas des faits et des constats pour s"élever au monde des idées et aux grandes proclamations idéologiques, mais prétendent établir, en humanistes cosmopolitiques, un équilibre humain rationnel, fondé sur un dialogue et une entente utopiques, plutôt qu'un équilibre humain naturel, enraciné sur un antagonisme profond, entre les deux âmes du pays. Ce procédé intellectuel est un suicide ou un acte génocidaire, car il accorde à l'ennemi l'espoir d' une victoire à la portée

Au plan historique le déferlement de migrants et de leurs progéniture ont autant d'importance, si non plus grande, que les ambitions ou la gloire des princes. Or le Prince, incapable comme tout homme de tenir le juste milieu, penche raisonnablement vers l'illusion d'une impossible concorde civile.

Lui, et avec lui, les autres gouvernants d'Europe, à commencer par M.me Merkel, ne pensent pas, suivant Machiavel, de pouvoir gouverner la moitié de leurs œuvres, qui relèvent de leur "Virtù", puisque ils ne peuvent maîtriser l'autre moitié, qui est assignée à la "Fortuna", ou au Hasard.

Par ailleurs, du point de vue de la politique mondiale, ils n'arrivent pas à partager l'idée kantienne, que le conflit et la guerre "se greffent sur la nature humaine" et que la forme d'éthique la plus élevé, consiste à dominer cette causalité d'origine (différenciations de société), comme fondement du gouvernement des hommes (hostilité politique).

Les esprits de ces gouvernants sont dominés par l'individualisme moral et l'illusion du cosmopolitisme, qui sont les deux visages d'un même renoncement,à la logique de la raison ou à celle de l'histoire.Au sein du couple franco-allemand cette antinomie se manifeste par l'obsession d'un discours sur les valeurs, sans substance éthique, qui ne tolère pas de répliques et de dissensions et qui freine la liberté des débats. Les représentants de ce couple feignent d'ignorer que la relation de peuple à peuple est une relation d'inimitié et donc de guerre. Cette relation est ainsi occultée et refoulée et alimente les dérapages de la pensée unique, de telle sorte qu'elle obscurcit la capacité de discerner l'essentiel (la lutte politique), de l'accessoire (la concorde civile) et l'amour pour l'ordre des excès violents de la liberté.

Devant les deux formes d'Histoires qui sont devant  nos yeux d'européens, l'Histoire de la conscience et l'Histoire réelle, la première, dans le langage de l'Union, prend la forme idéologique de l'apologie et la deuxième celle, dramatique, des antagonismes, qui sont à la racine des choix mortels de l'Union.

Sur la crise des démocratie et l’évolution vers des régimes autoritaires

Si les démocraties occidentales évoluent vers des régimes autoritaires, c'est que l'on peut identifier dans ce cheminement plusieurs parcours.

Le premier et le plus important est la crise des systèmes représentatifs, fondés sur la légitimation du pouvoir par le suffrage, sur le système des contre- pouvoirs ( la balance of power) et sur un corpus acquis d'assurances de libertés. Or, bon nombre de polémistes, (S. Levtssky, D. Ziblatt, D. Runciman, Y. Mounk) revendiquent le recours à un même paradoxe; l'utilisation des institutions démocratiques de la part des détenteurs des pouvoirs globaux, pour mieux dénier la volonté populaire, ou sa fiction.

Les moyens pour y parvenir sont la montée en puissance de la manipulation, la "désinformation" et la constitution d'un réseau d'outils de surveillance, perfectionnés et sournois, pour contrôler et prévenir une remise en cause des positions dominantes.

C'est à ce point qu'une interrogation rapproche singulièrement ces auteurs, celle d'un questionnement commun et capital:

"Comment meurent les démocraties"

Après avoir décrit les moyens et les méthodes des nouveaux fauteurs de l'économie numérique, ces auteurs soulignent l'importance croissante de l'autorité immuable de l'administration des choses, qui pousse à la création d'un État autoritaire, sur une base organisationnelle à caractère numérique.

États et violence politique

Il y a des signes qui ne trahissent pas, la neutralisation des consciences, la dépolitisation de la vie publique et l'élargissement de la censure, bien au delà des dispositions législatives et des enjeux de politique immédiate, préfigurant une véritable "police de la pensée".

Or, si les démocraties évoluent vers des régimes autoritaires derrière des formes d'un pluralisme de façade, c'est que la limitation des libertés d'expression est l'une des preuves de l'intolérance vers les dissensions et que la confiscation du pouvoir se cache derrière le contrôle étroit de l'appareil d’État.

En effet, l' intrusion opaque du pouvoir bureaucratique prend une place nouvelle dans l'innovation technologique, sous la pression de la radicalisation de la société et des conditions de guerre civile, dans lesquelles se répandent des formes de violence spécifiques, celles du terrorisme islamique, de l'insoumission populaire et des réseaux sociaux.

Cette convergence des formes de la violence, interne et extérieure, crée les conditions d'une escalade, qui affaiblit l'autorité du pouvoir, la légitimité des ripostes et la stabilité des régimes politiques, mettant en échec les institutions et les procédures de l’État de droit.

Dans cette situation, une partie considérable de l'establishment intellectuel pointe du doigt les différentes phénoménologies de la crise et identifie sa causalité prioritaire dans un populisme montant, responsable, dans leur lecture, de la dislocation de l'ordre libéral, au moyen de coalitions anti-système de plus en plus vigoureuses.

D'autres voient dans cette crise une double corrélation, celle de la place prépondérante du multipolarisme dans les relations internationales et celle du sinistre rattrapage du passé sur le présent. En particulier, de la grande crise européenne des années trente, dont un présage troublant serait à voir dans le Brexit.

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Les menaces portées contre la démocratie: un tabou de la communication politique

Or, contrairement à ces Cassandres, le probable "vrai" danger qui menace les démocraties est le tabou, entretenu par la pensée unique sur l'Islam, le terrorisme islamique et la révolte croissante des populations musulmanes installées en Europe et en Occident, dont la guerre proclamée, le djihad, prendra bientôt la forme tragique d'une "surprise stratégique".

Le défi de la guerre civile imminente n'est pas atténué par l'absence, chez les musulmans, d'une conscience collective organisée ou d'un discours révolutionnaire explicite et cohérent, comme cela s'est produit aux États-Unis dans les années cinquante/soixante avec MalcomX et Martin Luther King, les deux leaders historiques de la révolte violente et de l'integrationnisme pacifique. L'absence de réflexion sur leurs conditions d'assistés en France ou en Europe, interdit aux intellectuels musulmans d'aller au delà d'une sorte d'agnosticisme moral et d'un malaise psychologique, qui les prive de l'énergie et de la responsabilité d'un engagement citoyen, de la carence d'un Leader charismatique et du mythe d'un combat mobilisateur pour la liberté et pour l'affranchissement de leur marginalité et de leur subordination endémique.

La raison en est le manque de courage intellectuel et la crainte d'une "vendetta" raciale.

L' absence des musulmans du système politique, en tant qu'entité sociologique aux intérêts propres, déclasse toute une communauté de la bataille politique et parlementaire et pousse le système représentatif vers un autoritarisme hypocrite dans le meilleur des cas, et vers l’extrémisme nationaliste et raciste dans l'autre.

L'apartheid incomplet de cette communauté ne peut être combattu ni au nom de la liberté, ni au nom de l'intérêt général, car il fonde l'équivoque d'une condition ambiguë sur les concessions accordées par une partie du système politique, les socialistes et les démocrates "sincères", qui veulent profiter d'une clientèle à leur botte sans soumission à l’État républicain.

La recherche d'un ordre alternatif

De surcroît, si la désillusion de la démocratie et le retour du réalisme sont évidents, un autre facteur puissant vers des formules politiques autoritaires est représenté par la révolution de l'intelligence et par l'intelligence artificielle dans la vie politique et sociale contemporaines.

D'où viennent-elles la post-démocratie, la contestation du Leadership occidental dans le monde et la recherche d'un ordre alternatif qui s'oppose au progressisme sociétal et au néo- libéralisme de la France et de certains pays européens ?

zygbau.jpgSous couvert de "raison", dira-t-on, les démocraties de l’Ouest se sont nourries d'une logique de "déraison" qui a théorisé et pratiqué le sens de la démesure et l'extension continue des droits sans devoirs. Cet outrage du "bon sens" a conduit au dépassement des " limites" de l’État, de la Nation, de la famille et de l'anthropologie, et à l'égarement de "l'affectio sociétatis", propres des sociétés homogènes, aboutissant à la "société liquide" de Zygmunt Bauman.

Cette dernière s'opposerait à la société moderne, guidée par un projet commun et par un univers de "sens" partagé, car dans la société liquide les relations sociales sont impalpables, précaires et presque impossibles. Par ailleurs l'individu doit s'adapter à une liberté incertaine et la ville devient une montagne de zones de pauvreté et de récupération. La vulnérabilité de ce monde aliéné serait mise en lumière par la métaphore du monde global, où la télé-réalité apparaît comme la mise en scène de la "jetabilité, de l'interchangeabilité et l'exclusion", bref, comme la précarisation de toutes les conditions de vie.

Essor et évolution des régimes autoritaires en Europe

L'évolution actuelle vers des régimes autoritaires en Europe est imputable plus à une transformation interne des démocraties qu'à un retournement violent de la conjoncture politique.Elle peut être liée, en ses origines, à l'essor des espoirs de renouveau des années 1990, caractérisés par l'inclusion dans la vie publique des groupes dissidents ou minoritaires (ethniques, religieux et sexuels), et quant à la situation actuelle, à la tentative de consolidation des majorités menacées et à la décomposition des partis traditionnels. Cette évolution impose la recherche d'institutions adaptées et d'un nouvel ordre politique. A la lumière du présent, l'opinion publique devient conservatrice, la radicalisation des forces modérées et des classes moyennes, un phénomène étendu et l'essor du populisme, inquiétant. En réalité nous assistons à une intensification des stratégies conservatrices plus que populistes, puisque les clivages qui se dessinent sont tracés par trois vulnérabilités immanentes, celles de la sécurité, de l’invasion migratoire et de la démographie déclinante. Ces vulnérabilités, en dessous des slogans électoraux, imposent une polarisation idéologique inédite et un renouveau des droites européennes, qui ont pour base le cadre de la lutte antiterroriste, la critique des élites urbaines et l'hostilité à la bureaucratisation autoritaire de l'Union européenne, qui ne représente plus l'union des États, ni la défense des peuples du continent . Face à cette levée des boucliers, sommes nous en présence d'une révolte passagère et sans doctrine, ou à une véritable "révolution néo-conservatrice"? Pouvons nous comparer cet âge du doute et du bilan historique à la révolution néo-conservatrice américaine et à la pensée allemande des années 1920/30?

L'élément de fond apparaît ici la transformation commune des vieux conservatismes en doctrines révolutionnaires de la société. Ici encore, le caractère schmittien du renouveau européen est dans la redécouverte de la politique comme critique du libéralisme, une doctrine qui ignore l’État, la souveraineté et la sécurité, au profit d'un moralisme individualiste et d'un progressisme social. Qui fait de la "norme juridique" le référent principal des conduites, privées et publiques; normes qui sont toujours politiques et jamais neutres.

La "Nouvelle Frontière" de l'Europe, le Souverainisme

Ainsi la "Nouvelle Frontière" des droites européennes n'est pas le populisme, mais le Souverainisme et, affectivement, le Patriotisme, comme conscience de la tradition, de la permanence et du "nomos"de la terre.

Ce Souverainisme, qui marque un retour à l’État, ne divinise pas la concurrence, point-clé du néo-libéralisme moderne, car aucun État ne peut tolérer en son sein des entités, nationales ou étrangères, qui concurrencent son pouvoir.

En ce sens l’État politique est l’État qui décide et qui gouverne, un État qui vit dans la grande politique et qui assume celle-ci dans son intégralité, car la politique est lutte, lutte pour le pouvoir et la puissance, lutte pour la domination et la survie, lutte implacable pour sa propre affirmation historique et pour la soumission de l'ennemi à sa vision du monde.

athena1001-IS.jpgAinsi le Souverainisme n'est pas un populisme, puisqu'il n'est pas une promesse, mais une volonté ; il n'est pas la critique des élites, mais la revendication d'un destin.

Le renouveau intellectuel des droites européennes, à la lumière de la révolution néo-conservatrice américaine et de la pensée allemande de la République de Weimer, revient sans cesse sur l'irréductible dualité du politique, l'antagonisme de l'ami et de l'ennemi, dans l'approche du pouvoir, de sa conquête et de son maintien.

Rien à voir avec le "statu-quo" ou la simple légitimation par le suffrage. Rien à voir avec les compromis et les accommodements.

La lutte pour le pouvoir n'a de sens qu'en elle même et pour la conquête et la conservation du pouvoir en tant que tel, brutalement, avec la force, la violence verbale et l'affrontement physique

Le souverainisme est une idée-force, qui ne craint pas la bataille des idées et il ne redoute nullement l'action, car il s'en nourrit.

S'il comprend l'appétit naturel des hommes pour l'état civil et pour la paix, érigé en postulat moral, le souverainisme ne peut partager l'inversion du concept westphalien d’État.

Le souverainisme privilégie l’État qui gouverne et l'État-stratège et refuse les démocraties désarmées.

Dès lors ,il ne peut être qu'en rupture avec l'Europe du "statu-quo", avec la dépolitisation de la conscience européenne et avec la neutralité culturelle générale, dont "l’État agnostique et laïc", est l'expression emblématique.

Ainsi et à ce stade il s'insurge contre toutes les conceptualisations qui identifient dans l'Europe de l'Union une figure politique de la post-modernité, un État sans État, une politique sans politique, un pouvoir sans autorité, une désacralisation sans légitimité; une forme d’État sans sujets, car l'idée même de citoyen se traduit en un concept vide et totalement désincarné.

La radicalisation européenne, dont l'impact n'est qu'à ses débuts, se fera sur le sentiment de révolte et de vulnérabilité des peuples trahis et découlera logiquement de l'invasion migratoire, du Brexit et des luttes anti-islamiques.

En termes collatéraux, sur les questions de moralité traditionnelle (gendre, mariages homosexuels et IVG).

Quelle est la nature philosophique de cette évolution vers des régimes autoritaires, et leur "nécessité"? Un des facteurs déterminants repose sur le fait que les élites mondialistes sont en posture défensive et soutiennent une démocratie déclinante et corrompue et que l'ascendant des droites radicales compte sur un foisonnement intellectuel cohérent et adapté et sur l'indignation de ses militants qui n'hésitent pas à se battre.

On ajoutera à ces considérations, l'influence de l'école réaliste et de ses grands maîtres à penser, Machiavel, Hobbes, Weber, Schmitt, Strauss, Kissinger et la critique de la conception libérale et humaniste du pouvoir et de la puissance.

En termes cognitifs, la distinction majeure de la politique et du pouvoir n'est pas la poursuite de la moralité ou de la justice, mais la lutte pour la vie et l'affrontement existentiel, qui constituent les formes les plus intenses des antagonismes nationaux. Sous ce prisme, discriminant, le libéralisme, l'humanisme et les différents juridismes sont trompeurs et en porte à faux par rapport à la réalité effective des relations d'homme à homme et de société à société.

Ce bouleversement cognitif est inacceptable pour les détenteurs des privilèges, les élites bureaucratiques et globalistes, qui ont choisi la ligne de la récusation et du négationnisme et font abus d'autorité dans le conflit civil. C'est dans l'évolution contestée  des démocraties déclinantes, que le pluralisme de la société civile montre son visage illusoire et son rôle concurrent par rapport au Politique et à l’État, dans la transition vers des formes politiques originales.

Souverainisme et populisme. Stratégie et tactique

L'insistance sur le rôle de la société civile de la part de la doctrine officielle, comme pouvoir compensateur, est lié à l'institution de la démocratie, fondée sur la logique des contre-pouvoirs (checks and balances), qui, en théorie, freine et limite l'exécutif dans le but d'éviter l'installation d'un pouvoir despotique ou tyrannique. Une balance qui entrave de toutes ses forces l'émergence de l’État total. L'intensification des stratégies souverainistes et néo-conservatrices en Europe fait évoluer le système vers la droite des hémicycles parlementaires et vers les extrêmes du mécontentement et de la révolte des rues et des carrefours, car la France et les autres pays européens sont taraudés par l'épuisement du "statu quo" et de l'idée-guide de l'Union.

Ainsi, si la critique des élites est une tactique doctrinale qui vise la prise en charge de l'homme ordinaire( populisme),le souverainisme est une stratégie de nature parlementaire et plébiscitaire, qui bouleverse les pratiques et les appareils des échiquiers nationaux. De façon générale, là où les libéraux et les progressistes tendent à modérer les débats,à restreindre les libertés et à manipuler l'information, les souverainistes de tout bord, relancent en permanence les affrontements, pour dénoncer les campagnes adverses, montées de toutes pièces sur la base de fake-news, dont l’objectif déclarée est de dévoiler aux opinions les misères et les turpitudes du "Roy nu" et des pouvoirs oligarchiques. Cependant, l'ombre redoutable portée par le passé sur le présent maintiendra son caractère de menace, plus que de danger imminent, jusqu'au moment où le souverainisme, actuellement sans leadership et sans mythes, sans gardes rouges et sans une avant-garde bolchevique, ne se dotera d'un ascétisme révolutionnaire résolu et sévère, dans le but de servir l'indépendance et la liberté du peuple.

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La révolution numérique et le contrôle social

La transformation de la démocratie post-moderne en technocratie et en régimes autoritaires n'est pas un phénomène isolé, mais un des facteurs du processus historique,de plus en plus irréversible, que l'on a désigné comme le déclin de l'Occident, dont les signes manifestes sont par ailleurs, l'immigration destructrice de sous-hommes, le vieillissement des populations et la désagrégation de l'Europe et des États-Nations.

D'autres raisons de cette progression palpable, qui ne s'arrête pas aux frontières du politique et le transcende, préfigurant, selon certains, une révolution politique, ce sont les raisons du contrôle et du numérique, imputables à l'espace du Web et aux réseaux de la toile.

Penser la société en termes de réseaux signifie-t-il encore la penser en termes de complexité et de projet collectif ou la dissoudre dans un ensemble à base individualiste, qui comporte une dispersion de la souveraineté politique et une organisation de sujets démunis, autour d'une communication globalisée, pilotée de l'extérieur et vulnérable aux ruptures stratégiques?

Dans ce questionnement ne sont plus évoqués ni les problèmes d'une communauté à gouverner, ni les ambitions d'un destin à affermir.

Par ailleurs internet est devenu un vecteur d' idées politiques et un nouvel espace du débat, sans perdre ses caractéristiques de lieu, de moyen et d'englobant systémique et informel et, de ce fait, sans pouvoir éliminer, ni atténuer les différences de société à société et de culture à culture.

Les fondements philosophiques d'Orient et d'Occident confirment la distance des civilisations politiques dans deux pays aussi opposés et aussi significatifs que sont la France et la Chine, en ce qui concerne le fichage informatique et le contrôle numérique des populations: dans la première, pour garantir le maintien des libertés, dans la deuxième pour détourner les finalités de l'échange intellectuel vers des objectifs de contrôle, virtuellement totalitaire.

Un accélérateur de la marche vers des régimes autoritaires est , en particulier, le climat de soupçon et de méfiance institutionnelle, déchaînés par la chasse aux sorcières et par la recherche du boucs émissaires, servant de prétexte aux hystéries accusatoires, dans le cas d' intrusions informatiques présumées et lors de débats décisifs des campagnes électorales.

La déstabilisation des appareils politiques adverses (campagne Trump-H.Clinton, WikiLeaks), n'est ici qu'un bouleversement mineur dans le domaine de la formation des opinions et de la communication globalisée, car la volonté étrangère présumée de l'intrusion informatique apparaît comme une préférence affichée pour l''un des deux décideurs et comme une"volonté de réfutation" des argumentaires avancés par l'autre, surtout dans la redéfinition de la politique internationale et mondiale.
La coexistence de deux "paradigmes sociétaux", démocratique ou autocratique, est à l'origine de l"option entre "systèmes de consensus" (ou systèmes ouverts) et systèmes du "statu-quo" (ou systèmes fermés), autrement dit entre systèmes partisans et contradictoires (démocratie) et système aux intérêts stabilisés et homogènes (autocratie).

Phénomènes de normalisation, de violence et de sanction du XXIeme siècle.

Michel Foucault et sa "notion d'homme"

C'est en étudiant les mutations des disciplines du contrôle social aux XVIII et XIXemes siècles que Michel Foucault a dégagé sa notion "d'homme".

foucaultlonguefig.jpgIl affirma, sans risque de se tromper, que: "La liberté de conscience comporte plus de dangers , que l'autorité et le despotisme". Nous dirions que les systèmes ouverts comportent infiniment plus de périls que les systèmes fermés, car ils baignent dans les marécages de la responsabilité, refusée par la plupart des damnés de la "Divine Comédie", ne pouvant s'en sortir que par la terreur de la mort.
En effet la marche de la démocratie vers des régimes autoritaires est jalonnée d'embûches, de dilemmes et d'épines, auxquelles on ajoutera les tromperies et les mensonges. Dans l'herméneutique du désespoir, nous y repérons, au bout du chemin, la violence et la folie.

Face aux citoyens "dociles et utiles", l"assujettissement des modernes passe par la politique et la communication, dans lesquelles l'enfermement est tissé d'un réseaux de fake-news. Le web y fonctionne, comme le labyrinthe de Minos ou comme une clinique universelle de psychologie sociale, où se confondent les rôles des gardiens et des détenus, agissant sous le mode pervers de l'abus d'autorité, de l'intimidation, du chantage et de la peur.

Si, pour certains la société est une cage, où la violence et la sanction sont omniprésentes et par lesquelles une grande orthopédie mentale régénère les esprits, pour le peuple, les populistes et le souverainistes la société est aussi un dédale de vérités et de rachats, voire de libertés.

La folie et la mort. Le suicide d'Hamlet à Elsinor

Y a-t-il des précédents historiques à l’assujettissement volontaire de toute une civilisation et à sa soumission à un autre Dieu? Par quel mystère l'Europe accepte-t-elle son suicide, face aux nouvelles invasions,sans réagir et sans se révolter?

Qui jouent les gardiens et qui les détenus, dans la prison sociale du XXIème siècle? Les détenus, "dociles et utiles" ce sont les héritiers des empires, honteux de l'être , les vieux civilisateurs du monde.
Les gardiens des cages, les prisonniers de l'Islam, brutalisés par leurs religion et par la castration de leur vie, haletant d'une revanche dantesque.

Dans ce jeu, les vraies détenus sont devenus les esclaves de leurs propres conceptions des libertés, en se pensant les égaux de leurs bourreaux et préférant renoncer à leur condition de maîtres, face aux miroirs déformés de leurs fautes.

C'est pourquoi, indignes de vivre et perclus de leur misère, ils méritent la mort, par aveuglement et par folie ou invoquent anxieusement la dictature par une abjecte volonté de soumission.

En fait, il ne s'est jamais donné le cas que l'invasion d'une population abrutie et forte, s’accommode d'une cohabitation avec une multitude conquise,vieillissante et faible; que la haine naturelle des démunis vis à vis des nantis se soumette de bon gré et sans endurer des peines, à la discipline et au respect de leurs seigneurs, discrédités par l'inertie ou l'impuissance, dans l'usage de la force, de la cruauté et du goût de la violence; et enfin, que l'exercice de la sévice, réelle ou symbolique et, plus encore du mépris et de l'insulte,adoucis par la pitié et par la dérision, ne provoque la séduction et un secret plaisir d'humiliation et de rabaissement.

L'éducation y joue son rôle de carotte, pour le métissage culturel des petits sauvages, à leurs tour prisonniers d'un nécessaire enfermement didactique

Ainsi, face au dilemme d'Hamlet, les Européens doivent choisir lucidement entre la mort de l'autre ou leur propre suicide.

Bruxelles le 9 août 2019.

Information
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« Au-delà du moment unipolaire – Perspectives sur le monde multipolaire émergent »

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Forum de Chișinău III: Conférence internationale

« Au-delà du moment unipolaire – Perspectives sur le monde multipolaire émergent »

 

Iurie Roşca,
journaliste et directeur de l’Université Populaire

Discours introductif

Chers amis, mesdames et messieurs, bonjour à toutes et à tous, bienvenue à la troisième édition du Forum de Chișinău intitulé « Au-delà du moment unipolaire – Perspectives sur le monde multipolaire émergent ».

Permettez-moi de me présenter aux personnes de différents pays qui sont en train de regarder en direct notre événement. Je m’appelle Iurie Roşca, je suis un journaliste et un éditeur de Moldavie, ainsi que le directeur de l’Université Populaire qui organise cette rencontre. Je suis un ancien dissident anticommuniste et un actuellement un dissident antiglobaliste. J’aimerais commencer notre conférence internationale en disant que la principale caractéristique de mon pays, la Moldavie, est son identité religieuse, l’Orthodoxie. Plus de 90% de nos citoyens appartiennent à l’Église Orthodoxe. Sans notre foi nous n’existerions pas, nous ne serions qu’une foule d’anciens Homo Sovieticus ou de nouveaux Homo Americanus. C’est pourquoi j’aimerais vous demander la permission de débuter notre événement par la prière du « Notre Père » dans ma langue maternelle roumaine… Tatăl Nostru… Merci beaucoup.

Et maintenant laissez-moi dire juste quelques mots sur les origines de notre initiative qui s’appelle Forum de Chișinău. L’idée a été discutée en 2017 par un groupe d’amis de différents pays qui partagent les mêmes valeurs conservatrices, traditionnelles, anti-système et antiglobalistes. Le philosophe russe Alexandre Douguine, l’écrivain et journaliste français Constantin Parvulesco, le prêtre orthodoxe italien Nicola Madaro, moi-même et d’autres personnes ont décidé d’initier ce projet en tant que rencontre internationale régulière rassemblant des intellectuels qui s’opposent fortement à l’hégémonie américaine, ainsi que la suprématie occidentale, qui contestent l’agenda globaliste et qui défendent la préservation de la diversité culturelle, religieuse, ethnique et nationale, les valeurs spirituelles et morales ainsi qu’une autre société, véridiquement humaine, plus juste et plus équitable. Notre conviction est que cette sorte de coopération entre intellectuels de différents pays peut précisément aider les voix dissidentes à devenir plus fortes dans notre confrontation avec le discours dominant qui est formé par les élites globales contre les intérêts de nos nations.

Et maintenant, pourquoi avons-nous choisi Chișinău comme lieu de nos rencontres ? Parce qu’elle est située entre l’Est et l’Ouest, et parce que cette terre ne doit plus jamais être vue comme une ligne de division de notre continent, ni comme faisant partie des luttes géopolitiques entre grandes puissances internationales. Dans notre vision, après la fin du moment unipolaire de l’hégémonie américaine, la Moldavie en tant que partie de notre grande patrie, le continent eurasien, doit devenir une terre de coopération, de confluences, de complémentarité entre les différents peuples, cultures et traditions qui appartiennent, finalement, à la même civilisation continentale.

Le premier Forum de Chișinău s’est déroulé du 26 au 27 mai 2017 et a rassemblé des intellectuels de France, d’Italie, de Russie, Moldavie, Roumanie, Grèce, Serbie, Géorgie et Belgique. Parmi les orateurs principaux à ce moment-là il y avait le penseur russe Alexandre Douguine, l’économiste et écrivain français qui est aujourd’hui membre du Parlement européen – Hervé Juvin, le leader d’opinion géorgien Levan Vasadze, l’activiste civique belge Kris Roman, etc. Durant notre premier forum nous avons adopté un document qui définit notre profil conceptuel. Nous l’avons appelé le Manifeste de Chișinău : « La création de la Grande Europe. Une esquisse géopolitique d’un monde multipolaire » (https://flux.md/stiri/the-chisinau-manifesto-creating-the-greater-europe).

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Notre second événement international s’est déroulé du 15 au 16 décembre 2017. Le thème de la conférence était « Le capitalisme financier et ses alternatives au XXIème siècle. Contributions à la Quatrième Théorie Économique » (see full video: https://flux.md/stiri/video-international-conference-financial-capitalism-and-its-alternatives-for-the-21st-century-contributions-to-the-4th-economic-theory-chisinau-15-december). La seconde édition du Forum de Chișinău a rassemblé un nombre impressionnant d’intellectuels importants de plusieurs pays qui ont mis en avant leur vision au sujet du modèle dominant politique et économique actuel et formulé plusieurs concepts clés concernant des modèles alternatifs au paradigme prédominant cupide, injuste et pervers qui est impasé globalement par les entreprises multinationales.

Malheureusement l’année dernière nous avons perdu l’opportunité d’avoir un autre forum ici à Chișinău seulement à cause de moi. Je parle de ma persécution par nos autorités qui n’ont aucune sympathie pour mon activité et ont essayé de m’emprisonner pour sept ans. Pour être honnête, je suis en profond désaccord avec leurs intentions mais je n’ai aucune hésitation à continuer mon combat pour des valeurs qui sont plus importantes que ma liberté. Quoiqu’il en soit en 2018 notre équipe internationale a continué son activité en organisant des conférences publiques et des présentations de livres, en écrivant des articles et en faisant des vidéos pour nos réseaux de médias alternatifs.

Au cours de ces trois années passées notre équipe s’est agrandie et renforcée, d’autres dissidents célèbres de différents pays ont rejoint notre famille intellectuelle. Ainsi, au cours de cette période, nous sommes devenus plus visibles et influents au niveau international. Aujourd’hui nous sommes heureux d’annoncer la présence à notre événement international d’amis qui sont venus à Chișinău de plus d’une dizaine de pays.

Le premier jour du Forum de Chișinău se focalisera sur notre thème principale concernant la fin de l’hégémonie américaine et les perspectives du monde multipolaire naissant. Demain nous aurons deux discussions de groupe. Nous commencerons à 9h du matin avec le premier groupe, appelé « La Syrie en flammes », en discutant de l’agression occidentale contre ce pays qui a commencé il y a 8 ans et faisant partie d’une guerre militaire et non-militaire, médiatique et économique plus large contre l’ensemble du Moyen Orient (Afghanistan, Iraq, Libye, Yémen et Iran).

Notre seconde discussion de groupe, qui se déroulera demain, se focalisera sur notre activité éditoriale. Nous aurons le plaisir d’écouter les discours de plusieurs auteurs français célèbres qui sont maintenant parmi nous : Lucien Cerise, Youssef Hindi et Pierre-Antoine Plaquevent. Je parle d’auteurs dont les livres ont été traduits en roumain et publiés par l’Université Populaire au cours des deux dernières années. J’aimerais mentionner le fait que parmi les auteurs français publiés par nos soins il y a aussi Jean Parvulesco, Ivan Blot, Hervé Juvin, Jean-Michel Vernochet, Valérie Bugault et Jean Rémy.

Un historienne française que j’admire beaucoup et qui est aussi avec nous aujourd’hui est Marion Sigaut. Elle participera aussi demain à notre second groupe d’experts. Dailleurs, j’espère publier au moins un de ses livres dans un avenir proche.

Et maintenant laissez-moi vous présenter mes collègues qui seront les co-modérateurs de notre événement. Daria Dugina, de Russie, est une historienne de la philosophie. Paul Ghițiu, un écrivain, journaliste, réalisateur et homme politique roumain. Youssef Hindi est un historien français des religions et un analyste géopolitique. Et maintenant j’aimerais vous inviter à écouter les discours de nos amis.

Merci pour votre attention !

mardi, 24 septembre 2019

Moldavie, la virgule euro-russe Conférence de Iurie Rosca et Robert Steuckers

Conférence de Iurie Rosca et Robert Steuckers

moldaviedrapeaucarte.jpgAncien vice-premier ministre de Moldavie, journaliste et éditeur, Iurie Rosca est le principal coordinateur des colloques eurasistes de Chisinau, qu’il présente comme un anti-Davos. Persécuté par les oligarques qui dirigent son pays, il avait été menacé en 2018 d’une peine de 7 ans de prison. C’est donc un authentique dissident anti-mondialiste que l’équipe d’ER Lille accueillait le samedi 23 mars prochain pour une rencontre avec le linguiste belge Robert Steuckers sur le rôle géopolitique de la « Moldavie, la virgule euro-russe ».

Nous vous proposons aujourd’hui ces conférences en vidéo.

Première partie: Introduction de Robert Steuckers

Deuxième partie: conférence de Iure Rosca

TERRE & PEUPLE Magazine n°80

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Communiqué de "Terre & Peuple-Wallonie"

TERRE & PEUPLE Magazine n°80

Le numéro 80 de Terre & Peuple Magazine est centré autour du thème ‘L’Eglise de Bergoglio – le naufrage’.

Pierre Vial, brocardant la Macronie dans son éditorial, épingle la porte-parole du gouvernement, une Sénégalaise, française depuis 2016, qui revendique sereinement de « mentir pour protéger le président ».  Se flattant d’être diplômée en philosophie, elle avertit : « Je ne crois que ce que je vois, » mais confond ensuite Saint Thomas d’Aquin et l’apôtre Thomas !

Thodinor interviewe Jean-Marie Le Pen au sujet de ses mémoires, épuisées en librairie dès avant de paraître !  Plus rebelle que révolutionnaire, le Menhir confie n’avoir jamais consenti à obéir qu’aux Jésuites et à la Légion, deux organismes dont les cadres s’imposent de donner l’exemple.  Il se dit pagano-chrétien.  Né le jour du solstice d’été, il est sensible aux influences telluriques, poétisées par une religion révélée qu’il ne pratique pas, sans pour autant la renier.  Pour lui, le poujadisme était déjà une réaction de l’aristocratie populaire à la trahison des élites.  Le communisme a été écrasé, mais ce n’est qu’une victoire à la Pyrrhus, car le virus perdure à travers les médias et l’enseignement.  Seule est efficace la résistance nationale pour les racines et les traditions.  Il ne croit pas à une fédération européenne : les nationalismes doivent rester forts, mais se conjuguer.  Dissoudre l’UE serait ouvrir une béance, sans doute mortelle.  Il faut révéler les réalités, ouvrir les yeux.

Introduisant le dossier central, Pierre Vial rappelle que, dans son combat contre l’identité européenne, le Pape a adressé, lors de sa visite au Maroc, un discours aux migrants envahisseurs. Appelant à l’exécution rapide du Pacte de Marrakech, au moyen notamment des « visas humanitaires », il promet : « Les sociétés d’accueil s’enrichiront si elles savent valoriser la contribution des migrants. »  Il recommande de créer en Europe une société interculturelle.  Entre-temps, elle se déchristianise comme jamais.

Pierre Vial se réfère au volumineux ouvrage (632 pages) ‘Sodoma, enquête au cœur du Vatican’ (Laffont 2019) du journaliste écrivain Frédéric Martel.  Correspondant à France-Culture, celui-ci était déjà l’auteur de ‘Le rose et le noir, les homosexuels en France depuis 1968’ (Le Seuil 1996) et de ‘Global Gay, Comment la révolution gay change le monde’ (Flammarion 2013).  Homosexuel ostensible, Frédéric Martel a mené l’enquête auprès de 1.500 personnalités, dont 41 cardinaux qui ont presque tous accepté que soit révélée leur identité.  De son étude, il conclut: « Le sacerdoce a longtemps été une échappatoire pour des jeunes homosexuels.  L’homosexualité est une des clés de leur vocation. »  Selon lui, il y aurait, lorsqu’on monte dans la hiérarchie ecclésiastique, de plus en plus d’homosexuels au point que, au Vatican, l’hétérosexualité serait l’exception !  Cette situation ne serait pas de l’ordre de la dérive, mais du système, lequel prend soin de se masquer, affectant d’être homophobe !  Frédéric Martel s’en prend aux Légionnaires du Christ, l’empire éducatif et humanitaire du prêtre Mexicain Marcial Maciel, plus que suspect, mais finalement innocenté et rétabli par Paul VI et Jean-Paul II, en reconnaissance de l’ampleur de ses réalisations : 15 universités, 50 séminaires, 177 collèges, 34 écoles, 125 maisons religieuses, etc !  Frédéric Martel n’est pas un martyr de la vérité historique, loin s’en faut.  Toutefois, que son registre soit peu ragoûtant, voire dégoûtant (il pousse jusqu’à faire flèche de « rumeurs récurrentes » sur les mœurs du Pape Pie XII !) n’efface pas la réalité que révèle son énorme contribution : le pourrissement avancé de l’Eglise de Bergoglio.

Remarquant que Benoît XVI, le pape démis, a attribué récemment à l’esprit de Mai ’68 les déviances dans l’Eglise, Robert Dragan rappelle que celle-ci se présente en détentrice de la vérité par la Révélation.  Pour elle, toutes les autres religions sont fausses et, partant, d’origine satanique.  Il en est ainsi de la Gnose, voie ésotérique de la connaissance intuitive des choses divines, qui a séduit, après le néo-platonicien Plotin, le dominicain Maître Eckhart et, plus près de nous, le jésuite Teilhard de Chardin.  Après s’être incarnée dans les Rose-Croix, la Gnose se cristallisera, en 1717, dans la franc-maçonnerie, que la papauté excommuniera aussitôt.  Avec la restauration de la monarchie, les idées modernistes ne progressent plus dans l’Eglise que masquées.  Pour faire face à leur diffusion, celle-ci les condamne et le Concile de Vatican I proclame le dogme de l’infaillibilité pontificale en matière de foi et de morale.  Pie X (qui sera canonisé par Pie XII) imposera aux prêtres le serment anti-moderniste.  Le cardinal Mariano Rampolla, franc-maçon de la Haute Loge OTO, n’en parvient pas moins à devenir le secrétaire de Léon XIII et, à la mort de celui-ci, à être élu par le Sacré-Collège.  Saisi, l’Empereur François-Joseph, exerce alors son droit de veto (droit déjà appliqué au premier Jean XXIII déposé en 1414) et c’est le cardinal Sarto qui est élu au second tour sous le nom de Pie X.  Mais le cardinal Rampolla demeure en place et continue de placer ses protégés (dont l’un devint le pape Benoît XV) et il prend comme secrétaire Eugenio Pacelli (qui deviendra Pie XII).  Durant la première moitié du XXe siècle, une abondante littérature dénonce l’infiltration moderniste.  La Seconde Guerre Mondiale discrédite les conservateurs, qu’on amalgame à la droite autoritaire, voire à la collaboration avec les perdants.  Au même moment, les démocrates chrétiens créent la Communauté européenne.  Le communisme a cessé d’être considéré comme intrinsèquement pervers depuis que, l’Allemagne, renversant en 1941 son alliance avec l’URSS, celle-ci s’est retrouvée dans le camp du Bien.  Sous le pseudonyme Maurice Pinay, les traditionnalistes s’activent alors à la rédaction d’un ouvrage collectif ‘2000 ans de complot contre l’Eglise’.  Y contribuent le cardinal Ottaviani, Mgr Lefebvre et Léon de Poncins.  Jean XXIII se refuse à révéler, comme promis par ses prédécesseurs, le troisième secret de la Vierge de Fatima : l’apostasie de la hiérarchie. 

Paul-VI-VM.jpgA sa mort, lui succède sous le nom de Paul VI le cardinal Montini, compromis dans l’affaire du Russicum (dénonciation au KGB des prêtres et évêques clandestins derrière le rideau de fer).  Pour le cardinal Traglia : « Le diable est au Vatican. »  Padre Pio le dénonce de même.  Mais le concile consacre le triomphe des modernistes.  L’encyclique Nostra Aetate reconnaît le judaïsme comme religion-mère.  Le Sanhédrin n’est plus responsable du déicide.  L’Eglise s’est trompée durant 1965 ans !  Pour le cardinal Suenens, lui aussi franc-maçon : « Vatican II, c’est 1789 dans l’Eglise. »  Les francs-maçons étant excommuniés de facto, tous les papes depuis 1958 sont des anti-papes !  De nouveaux rituels d’ordination et de sacre sont promulgués, sans être théologiquement motivés, ce qui pose la question de leur validité.  Le rituel de la messe est profondément modifié, écourté et simplifié.  Les traditionnalistes se replient derrière Mgr Lefebvre, lequel ordonne plusieurs évêques, ou derrière d’autres dissidents, dont les Sédévacantistes qui considèrent que le siège de Pierre est inoccupé.  Les premiers se divisent entre la Fraternité Saint Pierre et la Fraternité Saint Pie X.  Celle-ci se divise à nouveau entre ceux qui acceptent la main tendue par Benoît XVI à son supérieur Mgr Fellay et ceux qui jugent que c’est un piège.

Jean-Patrick Arteault adresse une lettre ouverte à ses amis chrétiens, en particulier les catholiques romains.  Incroyant, il est prêt, pour la survie de son peuple albo-européen autochtone, à servir le christianisme pour le message culturel qu’il a encore.  La Manif pour Tous a permis aux catholiques conservateurs de se compter.  La compétition religieuse avec un islam agressif ouvre la perspective d’une résistance et d’un retour aux racines chrétiennes.  L’obstacle est le Pape François qui, prônant l’ouverture, va jusqu’à pratiquer l’auto-humiliation, donc la soumission.  A l’objection que c’est la subversion moderniste qui est parvenue à faire élire un antipape, il remarque que les catholiques reconnaissent son magistère, sauf une infime minorité.  Le christianisme que cette minorité place aux racines de l’Europe n’est qu’un greffon, dont les racines propres sont moyen-orientales.  L’Ancien Testament, que les Juifs appellent La Loi, n’a -quel que soit son charme- rien à voir avec l’imaginaire européen, dont les vraies racines sont un mixte des peuples néolithiques fécondé par la vision et la culture des Indo-Européens, holistes et profondément polythéistes. Alors que le christianisme, dépossédant le judaïsme de son élection divine en se proclamant ‘verus Israël’, a développé sa propre trame idéologique : un Dieu unique et universel, créateur d’hommes égaux vouant leur vie à leur salut individuel, soit les trois valeurs premières de l’Occident : individualisme-égalitarisme-universalisme.  Selon l’auteur, les Pères de l’Eglise ont subverti le judaïsme (en proclamant que le christianisme donne leur vrai sens à Platon et Aristote) et la religion romaine et ensuite celles des Germains, des Celtes, des Scandinaves, des Slaves, des Baltes, soit les sentiments profonds de ces peuples.  On ne peut implanter des valeurs étrangères dans une psychologie collective sans une passerelle mentale : les missionnaires ont récupéré certains mythes des païens à convertir, se laissant ainsi contaminer.  Notamment la triade des trois ordres, ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent, en paraphrase de la trinité du Père, du Fils et de l’Esprit assortie d’une divinité Mère et de génies bienfaisants (voire malfaisants).  Les clercs ont refusé cet enracinement, une première fois par la Réforme Grégorienne, qui rompt avec la pratique indo-européenne de l’association du spirituel et du politique.  Elle ne sera plus coopérative et coordonnée, mais ordonnée par le spirituel, auquel est soumis le temporel.  C’est cette prétention dominatrice qui suscitera, avec la séparation de l’Etat d’avec l’Eglise, la marginalisation progressive de celle-ci.  Les élites ne se faisaient qu’un souci mineur de la religiosité populaire, alors d’un paganisme flamboyant.  La réforme protestante, par contre, avec la traduction des textes sacrés en langue vernaculaire et l’introduction de l’imprimerie, oppose doctrine et pratiques ‘superstitieuses’, dont elle ne considère pas les racines culturelles.  La contre-réforme catholique toilettera les superstitions et se distanciera des protestants par ses fastes.  Communautaires, les églises protestantes ont lassé moins vite que l’église romaine hiérarchique et bureaucratique.  L’alphabétisation et l’urbanisation ont étranglé le paganisme campagnard.  Le bon Pape François ne manque de rappeler que son église n’est européenne qu’accidentellement.  Universaliste, elle n’a plus intérêt à se cramponner à l’Europe.  Entre son message cosmopolite et nos racines ethniques, il faut choisir.

clovis_bapteme.jpgAlain Cagnat rappelle les liens intimes de la France avec l’Eglise : Clovis (496), les carolingiens avec Charles Martel et Charlemagne (800), le roi Saint-Louis (1239), Jeanne d’Arc (1431), Louis XIII qui consacre la France à la Vierge-Marie.  Au moyen-âge, les paysans se groupent autour de leur curé, loin de la richesse, parfois scandaleuse, des prélats.  La contestation ne touche que les plus instruits.  Les humanistes placent l’homme au centre du jeu et l’irréligion introduit le libertinage.  Par la lecture littérale des textes, la Réforme écarte les clercs, intermédiaires entre le croyant et Dieu.  L’esprit des Lumières prétend fonder le monde sur la raison, plutôt que sur une révélation contre laquelle se liguent des sociétés de pensée.  La désaffection des fidèles touche d’abord les villes.  La Révolution, avec la constitution civile du clergé (les prêtres, élus, doivent prêter serment et les réfractaires sont persécutés), provoque une réaction.  Des provinces se soulèvent, dont la Vendée.  Deux Frances s’opposent, deux universalismes, et l’Eglise se scinde en progressistes et traditionnalistes.  Le Concordat entre Bonaparte et Pie VII apaise les esprits, mais le catholicisme n’est plus la religion officielle, mais celle d’une majorité.  Il va récupérer une partie du terrain avec la restauration et avec la Loi Guizot sur la liberté de l’enseignement primaire.  Les apparitions de la Vierge (Lourdes 1858) rapprochent l’Eglise d’une partie, surtout féminine, de la population.  Sont négatifs, par contre, le développement de l’évolutionnisme de Charles Darwin  et l’emprise de la pensée d’Ernest Renan, qui s’attache à concilier sentiment religieux et analyse scientifique.  Le fossé se creuse entre villes et campagnes.  Le prolétariat ouvrier échappe à l’Eglise.  La loi de 1901 contraint les congrégations religieuses à se faire agréer.  Le président du Conseil Emile Combes, défroqué devenu anticlérical, bloque les demandes : trois mille établissements scolaires sont fermés ; des milliers de religieux sont expulsés.  Les biens de l’Eglise sont étatisés et 70.000 édifices doivent être inventoriés.  La colère des fidèles (qui ont financé la réparation des saccages des révolutionnaires) dégénère en émeutes qui font des morts. Cinq mille inventaires ne seront jamais exécutés.  L’Action Française, puissante, organise malgré l’interdiction des manifestations qui rassemblent des foules (en commémoration à Jeanne d’Arc ou au génocide vendéen).  Monarchiste, nationaliste, antisémite, elle fait peur aux démocrates chrétiens qui l’accusent de se servir de l’Eglise sans la servir.  Pie XI met Maurras à l’index et excommunie les membres et sympathisants du mouvement.  Les clercs suspectés font l’objet d’une chasse aux sorcières par les futurs activistes de Vatican II.  Dans le marxisme, certains prêtres catholiques perçoivent des échos d’un message évangélique égalitariste et universaliste.  Pour rechristianiser le monde ouvrier, certains s’engagent à l’usine, adhèrent à la CGT, voire au parti communiste.  Ils soutiennent le Vietminh.  Pie XII, qui a excommunié les communistes dès 1949, met fin en 1954 à l’expérience des prêtres ouvriers (que Jean XXIII rétablira dès 1965).  En Indochine, bien que les viets assassinent les prêtres locaux, la sympathie de la hiérarchie va au Vietminh, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes primant pour l’Eglise !  Pour la question algérienne, le bas clergé épouse la cause française, mais les congrégations, associations, dont l’Action Catholique, et la presse choisissent l’Algérie algérienne.  De nombreux religieux cachent, soignent, approvisionnent (y compris en explosifs) les terroristes du FLN et acheminent ou exfiltrent des déserteurs.  L’Eglise ferme les yeux.  Ben Bella remerciera ceux qu’il qualifie de ‘vrais chrétiens’ : « Certains nous ont aidés concrètement, n’hésitant pas à se trouver à nos côtés. »  Dès le début du XXe siècle, les paysans, fascinés par les lumières de la ville, quittaient la terre des ancêtres, qui ne les nourrit plus.  A la place de leur communauté, qu’ils rencontraient chaque dimanche, ils ne trouvent plus que l’aliénation d’une société universelle de consommation ordonnée à les endetter.  Avec Vatican II, l’Eglise veille à prendre ce virage universaliste, condamnant toute discrimination, même des ennemis déclarés, « en tout premier lieu les musulmans qui adorent avec nous le Dieu unique. »  Jean XXIII corrige la condamnation par Pie XI du communisme ‘intrinsèquement pervers’ : « Nous avons autre chose à faire qu’à lui jeter des pierres. »  Dans le même temps, les rites sont dépouillés.  Le latin est remplacé par les langues vulgaires.  La musique est réduite à l’élémentaire.  On tutoie Dieu dans les prières.  On tourne le dos à son tabernacle.  On se passe l’hostie de main en main.  Les prêtres quittent leur soutane.  Les fidèles désertent les églises.  Mgr Lefebvre se retranche dans sa Fraternité.  Paul VI dénonce le fumées de Satan dans l’Eglise !  Bâtard des matérialismes capitaliste et communiste, Mai ’68 consacre le triomphe de l’individualisme et du nihilisme.  Interdit d’interdire, un aréopage d’intellectuels en vogue réclame la dépénalisation de la pédophilie avec des enfants ‘consentants’ quel que soit leur âge !  Naît alors, en Amérique latine, la théologie de la libération, qui engage des religieux dans l’activisme révolutionnaire.  Pour Paul VI, dans Evangelii nuntiandi, « La libération totale n’est pas étrangère à l’évangélisation. »  Mais en 1984, après que Mitterand ait promis de faire de l’Education nationale un service laïc unifié, deux millions de manifestants lui expriment à Paris leur refus. C’est la dernière victoire du peuple.  Contre le mariage homosexuel, la Manif pour Tous réalisera une mobilisation égale, mais molle, à laquelle Hollande opposera sans dommage un bras d’honneur.  Pour achever la famille, il ne reste plus que la GPA et la PMA.  L’Eglise est désertée.  Il n’y a plus que 60% de catholiques déclarés dont 5%, vieillissants, se disent pratiquants.  La  prêtrise est en voie de disparition par manque de vocations.  L’islam sera sous peu la première religion de France, avec la complicité de l’Eglise.

pie12.jpgAlain Cagnat remarque que Pie XII n’invitait les pays riches à accueillir des immigrants qu’en cas de nécessité et à condition de renoncer à leur propre culture.  Jean XXIII reconnaît, moyennant des motifs valables, le droit de se fixer à l’étranger, déplorant la séparation de la famille.  Paul VI attend « un vaste élan d’unification de tous les peuples et de l’univers. »  Il contredit Pie XII en prônant le droit de conserver sa langue maternelle et son patrimoine spirituel.  Pour Jean-Paul II, l’immigration enrichit la culture d’accueil et les immigrants n’ont pas à se laisser assimiler : « Dieu a choisi la migration pour signifier son plan de rédemption.»  Incitant les fidèles à la désobéissance civile, il confirme l’orientation politique de l’Eglise.  Pour Benoît XVI, « L’émigration est la préfiguration de la cité sans frontières de Dieu. »  Le peuple d’accueil doit se soumettre au message du Christ.  Mais il évoque ce que l’Eglise doit à l’Europe, à ses racines tant grecques et romaines que chrétiennes.  Au contraire, le Pape François ne manque pas de rappeler qu’il est fils d’immigré et que l’Europe lui est étrangère.  Il néglige les motifs d’émigration et parle d’itinéraires qui renouvellent l’humanité entière.  Il invite les pays d’accueil à « créer de nouvelles synthèses culturelles ».  A la Journée de l’Accueil du migrant, il recommande de faire passer la sécurité personnelle de celui-ci avant la sécurité nationale et de lui ouvrir sans limite le régime national d’assistance sanitaire et de retraite.  Il réclame pour lui la liberté religieuse, le regroupement familial et la protection de l’identité culturelle, interdisant au pays d’accueil d’imposer sa langue.  En avril 2019, il invitait : « Rendons grâce à Dieu pour une société multiethnique et multiculturelle. »  Le 8 juillet 2013, il s’adressait aux « chers immigrés musulmans » pour l’ouverture du Ramadan.  Le 16 avril 2016, il embarquait dans son avion des familles de réfugiés syriens musulmans, ignorant le martyre des Syriens chrétiens.  Après l’assassinat du Père Hamel, il ose objecter : « Si je parlais de violence islamique, je devrais également parler de violence catholique. »  Ce qui fait dire à Michel Onfray : « L’amour est une évidente promesse de victoire pour ceux qui ont choisi la haine. »  Le cardinal guinéen Robert Sarah écrit : « J’ai peur que l’Occident ne meure. »

Tomislav Sunic titre ‘La décadence finale ?’  Se référant à Montesquieu et à la notion allemande d’entartung, ou dénaturation, il démontre que l’amour indifférencié qui élargit l’amour pour la patrie est en fait de l’indifférence .  Depuis celle de l’empire romain, l’Europe a survécu à plusieurs décadences, mais celle-ci pourrait être finale.  Il cite Oswald Spengler, pour qui le déclin de l’occident résulte du vieillissement biologique, et Arthur de Gobineau qui, avec son ‘Essai sur l’inégalité des races’, démontre que la décadence est la conséquence de la dégénérescence de la conscience ethnique.  Il cite l’écrivain romain Salluste, pour qui c’est la metus hostilis, l’inquiétude de la menace hostile, qui est la base de la virtus, de la virilité, au contraire de la richesse, qui incite à la composition et au déni de soi.  Le poète satirique Juvenal a dénoncé les étrangers venus d’orient et d’Afrique, qui introduisaient la mode de la zoophilie et de la pédophilie.  Le plus grand nombre d’esclaves venait d’orient, d’Egypte et d’Afrique.  Les européens étaient de plus grand service à l’empire en tant que soldats, moins en tant que domestiques.  Les esclaves orientaux étaient méprisés dans la conscience romaine, à cause de leur méchanceté !

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Pour Jean Haudry, la notion de décadence exclusive est au centre de la conception indo-européenne des âges du monde, présente en Inde, en Grèce en Scandinavie et en Irlande, mais elle est récente.  Il a existé une conception antérieure d’alternance de phases de progrès et de décadence.  Dans la conception indienne, l’histoire du monde se répartit en quatre âges, nommés à partir de coups du jeu de dés.  Dans le parallèle grec des races d’Hésiode, aux âges d’or, d’argent, de fer, les héros justes et pieux d’un âge de bronze sont précédés par des hommes injustes et impies. Le poème eddique Voluspa présente l’histoire du monde en trois parties, qui correspondent aux trois fonctions. Elle commence par la première guerre du monde entre les Ases et les Vanes, provoquée par l’ivresse de l’or, à rapprocher des Lois de Manou qui attribuent la décadence au gain mal acquis.  La mort de Baldr annonce le Crépuscule où dieux et géants s’entretueront.  Cyclique, le monde détruit renaît par son âge d’or.  La quatrième attestation, celtique, est la prédiction de la Bodb, celle du monde qui ne plaira pas.  Ces quatre documents, concordants, suffisent pour conclure à un héritage de la période commune.  La tradition se partage en trois périodes : celle de la religion cosmique, celle de la société lignagère des quatre cercles et des trois fonctions et la société héroïque qui précède les dernières migrations.  L’absence de correspondant iranien est un indice du caractère récent de cette conception pessimiste de l’histoire.

Jean Haudry livre une recension du numéro 68, particulièrement substantiel, de Nouvelle Ecole.   La paléo-génétique du foyer d’origine des Indo-Européens, analyse biologique de fossiles d’os et de dents, confirme la théorie scythique des auteurs du XVIIe siècle qui rejetaient la légende biblique.  On lui avait entre-temps préféré l’Asie centrale, la Scandinavie, voire les régions circumpolaires (Tilak).  Elle avait été confirmée par la théorie des Kourganes de Marija Gimbutas.  La raciologie actuelle permet de distinguer trois ensembles à la base des Européens : les chasseurs-cueilleurs occidentaux, les néolithiques du Levant et d’Anatolie et la population des Kourganes.

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Haplogroupe R1b

Robert Dragan complète cette recension en évoquant les progrès de la paléo-génétique, qui permettent de rattacher sans risque d’erreur des restes à un ‘haplogroupe’ apte à transmettre de manière homogène une mutation, d’identifier les migrations et de mesurer les mélanges.  On distingue ainsi les EHG (Eastern Hunters Gatherers) des ANE (Ancient North Asians) et des CHG (chasseurs-cueilleurs du Caucase).  Les Européens appartiennent en majorité à l’haplogroupe R1 lui-même divisible en R1a et R1b.  Le matériel archéologique permet de dater les mutations et dès lors l’haplogroupe qui s’y rattache.  Si une population envahie accepte de se métisser, elle ne transmettra à ses descendants qu’une part de son héritage.  Quand un séquençage révèle un tel changement, on tient la preuve d’une invasion.  On peut en mesurer les proportions et donc raconter l’histoire.  Au paléolithique, la population EHG qui occupe la Sibérie a pour ancêtres les ANE, présents dans la région depuis au moins 24.000 ans et dont une branche a traversé le détroit de Behring.  Il est établi que l’occupation humaine de la Sibérie n’a jamais connu d’interruption ni de rétractation dans les périodes glaciaires. Une population génétiquement homogène occupe un couloir entre la Volga et le Pacifique.  Le blondisme semble répandu.  Selon le linguiste David Anthony, un parler proto-indo-européen, avec des affinités avec le proto-ouralien et le proto-kartvelien, ancêtre du géorgien, du tchétchène et de l’avar, se serait fixé dans les steppes ponto-caspiennes entre 4500 et 2500, genèse de culture héroïque des Indo-européens, semi-nomades conduits par des chefs guerriers et cavaliers.  Le peuple indo-européen semble issu du mélange de Sibériens et de Caucasiens  dans la basse Volga.

zevi.jpgPierre Vial poursuit son analyse de l’identité juive par le Sabbatianisme, mouvement mystique fondé en Palestine en 1665 par l’ascète Sabbataï Tsevi.  Menacé de mort par le sultan s’il ne se convertit pas à l’islam, il choisit de préserver l’étincelle de sainteté qu’il porte en lui.  Détenu dans une forteresse, il promulgue un Mystère de la vraie foi.  La plupart de ses disciples, en ayant en apparence adopté l’islam, conservent ses rites et demeurent juifs.  Ils sont persécutés par les rabbins.  Jacob Frank (1726-1791) métamorphose le sabbatianisme, qui trouve alors refuge dans le monde chrétien.  S’intégrant à la noblesse polonaise et autrichienne et devenant francs-maçons, ses disciples établissent le nouvel ordre maçonnique des Frères d’Asie, mêlant la Kabbale juive à des éléments chrétiens.  A la même époque, le mouvement social et religieux hassidiste se répand en Europe de l’Est.  Se fondant, au contraire de l’ascèse, sur l’expérience émotionnelle, l’intention, la ferveur et la joie, ils pratiquent la danse, volontiers débridée, qui peut amener le tzadik à la justesse et à devenir médiateur entre les croyants et Dieu.  C’est dans le contexte des violences épouvantables qu’ont eu à subir les communautés juives de la part des cosaques et des brigands qu’apparait le tzadik Ba’al ShemTov (1700-1760), pour qui la mystique importe plus que la connaissance : il a des visions et perd connaissance.  Ses disciples, les hassidim (les pieux) lui font une confiance absolue.  Il accomplit des miracles, guérit les malades tant par ses invocations que par ses simples.  Conteur, il enseigne par des fables.  Ses successeurs étendent le hassidisme vers la Pologne et la Russie Blanche.  Les Hassidim trouvent des opposants dans les Mitnagdim, lesquels les accusent de frivolité.  Au XIXe siècle, tous les pays d’Europe reconnaissent aux juifs l’égalité des droits, à l’exception de la Russie, qui les avait interdits jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, lorsqu’elle a annexé de vastes territoires ottomans et polonais.  Elle ne les tolère que dans la zone frontière occidentale.  Alexandre Ier les incite à travailler la terre.  Nicolas Ier leur impose un service militaire, espérant leur conversion.  Dès qu’Alexandre II lève les restrictions, d’importantes communautés s’installent à Saint-Petersbourg et à Moscou.  De nombreux jeunes juifs, qui croient que leur émancipation viendra d’un changement de régime, militent pour la révolution.  La tentative d’intégration est un échec.  L’assassinat du tsar Alexandre II déclenche une vague de pogroms et une vague d’émigrations vers l’Europe de l’ouest et le Nouveau Monde.

Pierre Vial rend hommage à notre ami Guillaume Faye récemment disparu.  C’est un témoignage de reconnaissance, dans les deux sens du terme, d’aveu féal et de gratitude.

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Entretien avec Yannick Sauveur: Jean Thiriart et la « Grande Europe »

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Entretien avec Yannick Sauveur:

Jean Thiriart et la « Grande Europe »

Yannick Sauveur a fait partie des proches de Jean Thiriart pendant près de vingt ans. Il revient pour nous sur la pensée de cette figure de la « Grande Europe ».

Ex: https://rebellion-sre.fr

Comment avez vous connu Jean Thiriart ?

Avant de répondre à votre question, je voudrais vous éclairer sur mon cheminement : j’ai fait mes premiers pas au Mouvement Jeune Révolution (MJR), mouvement qui avait été créé par le capitaine Pierre Sergent en 1966 dans la continuité de l’OMJ (OAS Métro Jeunes). Le MJR m’avait séduit par ses positionnements ni droite / ni gauche, ni capitalisme / ni communisme, … Je me suis rendu compte, à l’instar d’autres responsables et militants, eu égard à l’évolution du mouvement (MJR puis Action Solidariste MJR puis Mouvement Solidariste Français et GAJ) que les positionnements ci-dessus étaient un leurre et que le mouvement était une énième variété d’extrême-droite. Or, dès cette époque, je ne me sentais ni de droite ni extrémiste et je récusais déjà ces clivages qui me semblaient tout à fait artificiels. Je sentais déjà confusément tout l’intérêt que le Système avait à profiter de ces divisions, y compris de ces pseudo-mouvements d’opposition, le cas échéant suscités par le Régime ou qui, consciemment ou non lui rendaient bien service.

Cette réflexion m’a amené à quitter le Mouvement Solidariste Français (MSF) pour rejoindre dans le courant de l’année 1973 l’Organisation Lutte du Peuple (OLP), organisation fondée par Yves Bataille, transfuge d’Ordre Nouveau. Outre ce qui m’avait séduit à l’origine au MJR, j’ai compris que la Politique cela ne pouvait se résumer à des mesquineries de politique intérieure, de politique politicienne. Au contraire, les préoccupations de l’OLP étaient centrées sur la politique internationale, la politique des blocs, l’indépendance et la souveraineté de l’Europe vis-à-vis des USA et de l’Union soviétique. La géopolitique nous semblait devoir primer sur l’idéologie dans l’exacte mesure où nous avions déjà senti que la Liberté s’appréciait à l’échelon de l’Europe maîtresse de son destin. Ces idées étaient celles qu’exprimait Jean Thiriart au cours des années soixante dans ses écrits : Un Empire de 400 millions d’hommes L’Europe, Bruxelles, 1964 et La Grande Nation. L’Europe unitaire de Brest à Bucarest, 1965 puis dans La Nation Européenne.

À la suite de cette première rencontre intellectuelle avec Jean Thiriart, une deuxième, physique cette fois, aura lieu à l’occasion d’un voyage militant qui nous mène de Paris à Bruxelles via Rome et Munich. À Rome, nous rencontrons les militants de Lotta di Popolo.

Notre entrevue avec JT en juillet 1973 à son magasin (Opterion, avenue Louise à Bruxelles) sera brève et plutôt fraiche. Rangé de toute politique active depuis près de cinq ans, il ne voit pas forcément d’un très bon œil quatre jeunes militants débarquer chez lui. Force est de reconnaître que le fait de nous être présentés ainsi, sur son lieu professionnel, n’était sans doute pas la meilleure idée pour une entrée en matière. Thiriart était méfiant de nature et, trop absorbé par ses activités optométriques, ne voulait plus entendre parler de politique. Sa femme, Alice, qui n’était pas sans influence sur lui, craignait plus que tout que le virus de la politique le reprît. En fait, ainsi qu’il l’expliquera plus tard, il ne voulait plus être chef de mouvement et il se méfiait terriblement des militants, jeunes de surcroît.

Ne me décourageant pas pour autant, j’ai repris contact personnellement, à l’été 1974, et là, j’ai trouvé un autre homme, d’un contact facile voire chaleureux. L’homme privé était infiniment différent de l’homme public et ceux qui ont pu le côtoyer dans ces circonstances sont unanimes pour reconnaître l’empathie qui se dégageait du personnage. Dès lors, nos relations ont duré jusqu’à sa mort, en novembre 1992.

Quelle était sa conception de l’idée européenne ?

Les grandes idées de base sont présentes très tôt dans l’histoire du mouvement animé par Thiriart. On les trouve déjà dans le Manifeste à la nation Européenne dont la première mouture paraît le 1er septembre 1961 et qui sera amendé à plusieurs reprises.

En politique extérieure, le manifeste (dans sa version 1962) précise que « l’Europe doit obtenir elle-même la coexistence pacifique avec l’URSS, faute de quoi les USA trafiqueront un accord avec Moscou, sur notre dos. »

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L’Europe qu’il envisage est une Europe unitaire, une Europe des Européens contre « l’Europe des patries », pour un patriotisme européen contre les « nationalismes étriqués », une Europe jacobine et impériale. L’Europe doit être une et indivisible, ses préoccupations et ses combats de même. Seule l’Europe unitaire sera à même de donner la Puissance à l’Europe face aux blocs (à l’époque USA et Union soviétique). Il se prononce pour le retrait de l’OTAN et pour la création d’une Armée Européenne. Le nationalisme économique doit être le facteur d’unification de l’Europe.

JT n’a pas de mots assez durs pour les petits nationalismes incarnés en France par Michel Debré, Premier Ministre de 1959 à 1962 ou par les mouvements d’extrême-droite en Italie, en Allemagne ou ailleurs. Pour JT, Une des tragédies idéologiques des OBTUS des « petits nationalismes » fait que les « nationalistes allemands » ne s’intéressent qu’à Berlin et à la réunification de l’Allemagne, que les « nationalistes français » ne s’intéressent qu’à l’Algérie, que les « nationalistes belges » n’ont été humiliés QUE par l’affaire congolaise de 1960. C’est la raison pour laquelle il s’est fortement impliqué dans le soutien à l’OAS dans l’affaire algérienne parce qu’ « au-delà de la guerre d’Algérie, au-delà du FLN et de l’OAS, nous voyons l’avenir de l’Europe. Il faut une solution qui amène ou qui ramène l’Afrique musulmane dans la communauté européenne. Il faut une solution qui maintienne une armée européenne en Algérie sans humilier l’orgueil des Algériens musulmans (…) ».

JT ne confond pas l’Europe et l’Occident. « L’Occident c’est ce qui va de Bucarest à San Francisco, avec ses curés, ses rabbins, sa bourgeoisie, ses nationalismes dépassés, ses prétendues valeurs.

L’Europe sera quelque chose de totalement coupé des USA par un océan. L’Europe sera aussi quelque chose qui dépassera Bucarest, qui dépassera l’Oural. L’Europe va jusqu’à la frontière chinoise de Mandchourie. L’Europe va jusqu’à l’Océan Indien. Pour moi l’Europe s’inscrit d’abord en termes géopolitiques » (106 réponses à Mugarza).

L’Europe unitaire de Thiriart est inséparable du concept d’omnicitoyenneté : « Par omnicitoyenneté, j’entends que n’importe quel citoyen, à n’importe quel endroit peut briguer n’importe quelle magistrature, jusqu’au niveau suprême.

C’est l’absence totale de la moindre discrimination, de la moindre réserve ; le néfaste « dosage » y est inconnu […] C’est le principe de la non-discrimination d’origine territoriale. Il s’agit d’un principe capital qui fait que seule notre solution unitaire peut en fait fusionner l’Europe. »

En 1989 le Mur de Berlin s effondre. Comment Thiriart va analyser les opportunités nées de ce nouveau monde ?

Bien avant la chute du mur de Berlin, JT plaçait ses espoirs dans un retournement d’alliances avec une Grande Europe allant jusqu’à Vladivostok. Grâce à son traducteur Viktor Nikolaev, il fait traduire nombre de ses textes qu’il envoie en Union soviétique. En effet, la position de JT a évolué depuis les années soixante : « Ma perspective d’une Europe faite AVEC l’URSS ou plus exactement À CÔTÉ (pacifiquement) s’est modifiée progressivement pour en arriver, dès 1982, à une Europe faite PAR l’URSS. » Dans ces conditions, la chute du Mur de Berlin puis la désintégration de l’URSS vont rebattre les cartes et ouvrir d’autres horizons. Les idées de JT bénéficieraient-elles enfin d’un accueil favorable en Russie ? Ce sera la raison du voyage qu’il effectue à Moscou en août 1992 et des diverses prises de contact : Outre Alexandre Douguine et Anatoli Ivanov, il a des entretiens avec :

- Egor Ligatchev (né en 1920), l’ex-chef du Secrétariat du Comité Central du PC de l’URSS, le n° 2 du PCUS.

– Sergueï Babourine, leader de l’opposition au sein du Parlement de la république de Russie et chef du groupe des députés « Rossiia » (Russie), député, juriste.

- Viktor Alksnis, surnommé le « colonel noir », originaire de Lettonie et ancien ingénieur militaire dans la flotte de la Baltique, membre du PCUS, de 1974 jusqu’à son interdiction en 1991. Proche de Sergueï Babourine et d’Alexandre Douguine.

- Guennadi Ziouganov, ex-conseiller de Gorbatchev pour les questions des mouvements anti soviétiques, les renseignements et services secrets, fondateur du Parti communiste de la Fédération de Russie (KPRF).

- Heydar Djemal, fondateur en 1991 du Parti de la Renaissance Islamique (PRI).

- Alexandre Prokhanov, directeur du journal Dyenn.

- Nikolaï Pavlov, proche de Sergueï
 Babourine.

- Valentin Tchikine, directeur de Sovietskaïa Rossia, un proche de Ligatchev.

- Eduarde Volodine, philosophe et partisan de la synthèse nationale et communiste.

La Russie a une place centrale dans la réflexion de Jean Thiriart ?

Dès 1964, alors que les atlantistes de tous poils sont violemment anticommunistes, JT développe une position singulière : « La clef de la diplomatie européenne sera le voisinage pacifique avec l’URSS. Seule une Europe forte et unie pourra contraindre Moscou à comprendre que c’est aussi l’intérêt de l’URSS. » (Un Empire de 400 millions d’hommes L’Europe, p.24) et il envisage déjà l’Europe de Brest à Vladivostock : « Faisons une brève incursion dans le domaine de l’anticipation et imaginons quel sera le stade postérieur à celui de l’unification de l’Europe. Il sera inévitablement inscrit, du fait de la géologie politique, dans les termes d’un axe Brest-Vladivostock (…) Toute la politique de l’Europe consistera à créer sa force et à montrer sa puissance à l’URSS afin d’amener cette dernière à plus de réalisme (…) Mais le grand préalable à toute notre politique de rapprochement avec Moscou, ma condition historique sine qua non, est la libération de nos provinces et de nos capitales du Centre et de l’Est de notre grande patrie européenne. » (ibid. p. 28-31).

« La Grande Europe (…) va de Dublin à Bucarest. La très grande Europe s’étirera de Dublin à Vladivostock.

La Russie s’étendant jusqu’à Vladivostock, il va de soi que l’Europe héritera de ce profil géographique. » (L’Europe jusqu’à l’Oural, un suicide ! in La Nation Européenne, n° 46 – 15/02-15/03/1966).

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Pour T. le seul schéma qu’il a en vue (même s’il a conscience qu’il s’inscrit dans le long terme) est celui de la très grande Europe car l’Europe de l’Atlantique à l’Oural est une « ânerie » : « Il faut d’abord faire la grande Europe jusqu’à Bucarest. Ensuite il faut souhaiter la très grande Europe avec les Russes guéris de leur prétention à l’hégémonie à l’intérieur de l’Europe.

Et cette très grande Europe ira jusqu’à Vladivostock –et non pas jusqu’à l’Oural comme le croit le très mauvais élève en géographie qui répond au nom de de Gaulle. » (ibid).

Après l’arrêt de Jeune Europe et de La Nation Européenne (1969), Jean Thiriart se retire de toute activité politique militante. Il reprendra la plume au début des années 80. « Il n’y a pas de virage à 180° mais une évolution de sa pensée : « Ma position est qu’il ne faut pas lutter a priori contre l’URSS, puissance européenne, mais lutter contre la fossilisation de la pensée marxiste. » (106 réponses à Mugarza). Il explique son itinéraire : « Dès 1980-81 (…) a germé en moi le schéma suivant : ne plus compter sur l’unité de Brest-Bucarest comme phase préparatoire à l’unité de Dublin-Vladivostock, mais directement passer à la phase Vladivostock-Dublin.

(…) Mon glissement vers le communisme n’a pas échappé à plusieurs observateurs. Ce glissement était déjà implicite, était en filigrane dans mes écrits de 1966 à 1968. » Communisme démarxisé s’entend ou selon les termes de T. « purgé de son idéologie », « rénové, rendu plus lucide ». Il évoque également un « communisme spartiate ».

C’est parce que « l’URSS est la dernière puissance européenne non domestiquée par le projet de domination mondiale américano-sioniste » que la pensée de JT va évoluer progressivement vers l’Empire Euro-soviétique.

Sauveur.jpgVous avez redécouvert un texte oublié « L’empire euro-soviétique ». Quel est le contenu de ce document rare ?

En fait, je n’ai ni découvert ni redécouvert puisque j’avais connaissance du texte lors de son écriture et j’en avais les versions successives annotées, barrées, crayonnées. J’ai travaillé à partir de deux versions pour ne retenir que la dernière en date qui m’a semblé correspondre le plus à la pensée finale de T. et dans laquelle il était revenu sur certaines références, formulations. À titre d’exemple, il avait supprimé toute référence à Francis Parker Yockey que José Cuadrado Costa avait suggérée dans une version précédente.

J’ai également mis de l’ordre dans la table des matières en essayant d’être le plus fidèle possible à ce que souhaitait JT. Outre un travail de réécriture, j’ai introduit des notes en bas de puisque le texte de base n’en contenait pas et se contentait d’en prévoir. Elles viennent en observation ou en complément d’information du texte originel. Elles comprennent également beaucoup de données biobibliographiques.

Enfin, dans une longue préface j’ai souhaité expliquer l’origine de ce texte, le mettre en perspective dans son époque et en situer son actualité. Il m’a semblé intéressant d’exhumer ce document et son édition une trentaine d’années après son écriture ans montre une clairvoyance certaine.

L’Empire Euro-soviétique de Vladivostok à Dublin est un texte très dense. La ligne directrice est la suivante : JT revient sur son évolution de 1964 à 1984 pour expliquer pourquoi « j’en arrive à considérer que l’URSS est aujourd’hui la dernière et la seule chance d’unifier l’Europe » puis il brosse le tableau de la situation géostratégique actuelle (1984), à savoir une URSS déclinante et les États-Unis sur le chemin de l’hégémonie planétaire. Il expose ensuite ce qu’il appelle une « algèbre explosive » ou le « grand basculement », l’URSS renforcée de l’Europe de l’Ouest. Il se livre à un certain nombre de considérations géopolitiques en lien avec la « troisième guerre mondiale ». Il faut avoir à l’esprit le climat de guerre qui régnait en ce début des années 80 et je rappelle la « psychose de guerre qui se développait dans toutes les couches de l’opinion publique française » (Pierre Viansson-Ponté in Le Monde). Le bellicisme du lobby israélo-sioniste est mis en évidence et JT fait le parallèle avec 1939 : le « Mourir pour Dantzig ? » (Marcel Déat) va-t-il devenir un « Mourir pour Tel-Aviv ? ». JT ne se fait aucune illusion sur l’URSS telle qu’elle est. Elle doit changer radicalement et proposer un « discours européen », ce qui suppose de dépasser le communisme marxiste et sa conception de la nation pour promouvoir une « communauté de destin » d’où cette notion d’Empire. Il oppose l’Empire qui agrège à l’impérialisme de domination (des États-Unis). Qui fera cette très grande Europe ? Par référence à Alexandre Zinoviev (La maison jaune), JT appelle de ses vœux un nouveau Staline. Ce nouveau Staline aura la charge de faire l’unité européenne demain : « Un nouveau Philippe de Macédoine, un nouveau Staline, voilà ce qu’il faudra pour accoucher de l’Europe unitaire ».

Pensez-vous que la pensée de Thiriart est toujours actuelle ?

Oui incontestablement et je ne suis pas le seul à le penser si j’en juge par l’intérêt qu’il suscite aujourd’hui. En Suède, en Europe de l’Est, en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Amérique latine, en Australie, Jean Thiriart est traduit, cité, mentionné favorablement. Des travaux universitaires, des livres sont en cours. La revue d’études géopolitiques Eurasia, dirigée par Claudio Mutti, reproduit très régulièrement des écrits de (ou sur) Thiriart. Dans l’ouvrage Europa (trois volumes) de Robert Steuckers, deux chapitres sont consacrés à Jean Thiriart.

L’actualité rétrospective des écrits de Thiriart à la lumière des tensions et bouleversements en cours est évidente car à la réflexion, l’ennemi russe a remplacé l’ennemi soviétique (du point de vue de la stratégie américaine !), et l’Europe, absente ou insignifiante sur la scène internationale, est toujours le même nain politique sous la coupe américaine. Est-il besoin de préciser que l’Union Européenne (UE) n’a rien à voir avec l’Europe telle que nous la voulons : puissante, indépendante, sortie de l’OTAN.

De la pensée de Thiriart, il faut retenir une méthodologie et une pensée authentiquement Politique, détachée des émotions et du verbiage littéraire, ainsi que des jeux politiciens.

Il faut insister également le sens de l’organisation de Thiriart qui avait su créer un Appareil militant, Jeune Europe, structuré, discipliné, avec sa presse, son école de cadres, ses camps, Parti qui était en quelque sorte une préfiguration de l’Europe unitaire.

Jean Thiriart, L’Empire Euro-soviétique de Vladivostok à Dublin, Éditions de la plus grande Europe, 2018. Préface de Yannick Sauveur. Annexes. 344 p., 25 €

Carl Schmitt par Georges FELTIN-TRACOL

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Carl Schmitt

par Georges FELTIN-TRACOL

L’intervention de cette Rentrée porte sur une personnalité considérée par la novlangue inclusive officielle comme « sulfureuse » et « controversée ». Né en juillet 1888 à Plettenberg dans cette Rhénanie qui appartient à la Prusse depuis le Congrès de Vienne en 1814 – 1815, Carl Schmitt fut un juriste réputé. Il fut aussi un remarquable spécialiste du droit constitutionnel.

Ce n’est pourtant pas le plus grand penseur du droit politique du XXe siècle qui nous intéresse aujourd’hui. C’est l’Européen digne qui épousa d’abord la Tchèque Paula Dorotic, puis une fois le divorce obtenu, la Serbe orthodoxe Duschka Todorovic. En 2017, Aristide Leucate a publié dans la collection « Qui suis-je ? » chez Pardès une sobre et belle biographie. Trois ans auparavant, sous la direction de Serge Sur sortait aux CNRS – Éditions un ensemble de contributions remarquables intitulé Carl Schmitt. Concepts et usages. Enfin, l’an passé, les magistrales Éditions du Lore ont fait paraître Sur et autour de Carl Schmitt. Un monument revisité par Robert Steuckers.

Outre trois textes d’hommage au professeur Piet Tommissen (1925 – 2011), grand ami de Julien Freund, ce nouvel ouvrage évoque non seulement l’œuvre et les concepts du penseur allemand, mais aussi ses sources (Clausewitz, Gustav Ratzenhofer) et sa postérité outre-Rhin, en particulier chez le théoricien de la nation allemande Bernard Willms (1931 – 1991). Par son prussianisme indéniable, son catholicisme intransigeant, son soutien critique au national-socialisme et son approche révolutionnaire-conservatrice (Robert Steuckers a raison de lire les écrits de Gilles Deleuze à l’aune de Schmitt et réciproquement), Carl Schmitt occupe toujours une position intellectuelle majeure, malgré la marginalité de sa troisième partie de sa vie de ses deux détentions consécutives par les forces d’occupation alliées en 1946 – 47 jusqu’à sa mort dans sa ville natale en avril 1985.

Dans le cadre de la présente chronique, on s’intéressera au géopoliticien visionnaire du « Grand Espace ». Prolongement de la Mitteleuropa, de l’harmonisation économique et douanière des empires allemand et austro-hongrois avant 1914, le « Grand Espace » envisage l’organisation politique, sociale et économique des continents ou de parties continentales. Prenant acte dès 1945 de la faillite du système westphalien – ce que ne comprennent toujours pas les souverainistes français –, Carl Schmitt réfléchit à un nouvel ordre diplomatique mondial qu’il appelle le « Nomos de la Terre », titre de son maître – ouvrage paru en 1950. Le « Grand Espace » transcende l’État au sens classique du terme dans un cadre continental et/ou impérial. C’est une solution ambitieuse et volontariste. « L’Europe d’aujourd’hui est contrainte de répondre à un double défi, note Robert Steuckers, d’une part, s’unifier au-delà de tous les vieux antagonismes stato-nationaux, pour survivre en tant que civilisation, et d’autre part, renouer avec son tissu pluriel, extrêmement bigarré, dans un jeu permanent d’ancrages, de réancrages et d’arrachements projectuels (p. 87). »

Le « Grand Espace » s’inspire ouvertement de la doctrine Monroe qui exige en 1823 la fin de toute emprise européenne en Amérique. Une fois le « Grand Espace » européen réalisé, « les affaires critiques européennes ne regarderaient que les Européens, explique David Cumin dans Carl Schmitt. Concepts et usages, à l’exclusion des autres Puissances. Par conséquent, réciprocité oblige, celles des Arabes ne regarderaient que les Arabes, celles de l’Afrique noire, que l’Afrique noire, celles des Américains ou des Asiatiques, que les Américains ou les Asiatiques, à l’exclusion des Puissances européennes. Les États-Unis seraient expulsés d’Europe, comme la France de l’Afrique noire… (p. 41) ».

Le « Grand Espace » constitue donc une réponse valable autant à l’aberration cosmopolite de la mondialisation qu’à l’illusion mortelle du bunker national. Carl Schmitt ne défendait pas un simple monde multipolaire. Il concevait à rebours de tous les universalismes fomentés en partie par certains cénacles de la philosophie des Lumières le pluriversum, c’est-à-dire un univers de civilisations différenciées dynamique, conflictuel et vivant. Une perception plus que jamais d’avenir !

Georges Feltin-Tracol

• Chronique n° 28, « Les grandes figures identitaires européennes », lue le 10 septembre 2019 à Radio-Courtoisie au « Libre-Journal des Européens » de Thomas Ferrier.

Livre disponible auprès des éditions du Lore: https://ladiffusiondulore.fr

lundi, 23 septembre 2019

Fred Reed et la débandade militaire américaine

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Fred Reed et la débandade militaire américaine

Par Nicolas Bonnal

Source nicolasbonnal.wordpress.com

L’effondrement de nos libertés accompagne notre déclin intellectuel moral, militaire, économique. Nous ne sommes bons qu’à détruire les restes de notre civilisation. Il n’y a plus de socialisme, plus de capitalisme, juste un système infect – un ultra-capitalisme bonimenteur et gaspilleur – bon à creuser des dettes immondes pour remplacer ses populations et saccager des vies. Notre hyper-apocalypse n’offre même pas la grandeur épique dont nous eussions rêvé en des temps plus reculés. C’est un environnement crade qui se contente de ruiner la qualité de la vie tout en doublant le prix de tout à chaque instant.

Il faudra écrire un livre sur le rôle de la technologie, arrogante, puérile, envahissante, dans le déclin de la civilisation technicienne occidentale. Déclin des transports, du nucléaire, de la construction, de la pharmacie, de l’espace, de l’alimentation… Depuis les années 70, la technologie américaine infantilise d’un côté (les jeux, « l’information ») et de l’autre elle rend vicieuse des élites qui copient les investisseurs qui ont remplacé l’industrie par l’agiotage. La technologie a tué le cinéma dont les effets spéciaux sont devenus ridicules, comme ceux des Marvel-Mossad comics. Et ce n’est pas avec des sabres laser que nos zélés infantilisés mettront au pas russes, iraniens, chinois ; déjà qu’on pleurniche avec le Yémen ou le Hezbollah…

Il faut évoquer les deux historiens impériaux Samuel Huntington et Victor Davis Hanson. Car on assiste à la fin du « monopole de la violence » occidentale, de sa « culture du carnage » qu’Hanson fait remonter aux guerres médiques. Mais Hanson oublie la victoire des Parthes contre Crassus (lisez sa vie par Plutarque) et la chance historique contre les mongols qui firent demi-tour (Batu khan) pour des raisons familiales avant de raser de près le petit cap asiatique. Quant à Huntington toujours mal lu, il affirmait que l’occident s’était imposé par sa violence organisée (« superiority in applying organized violence »), pas par la supériorité ontologique de sa civilisation…

Fred Reed s’est magnifiquement défoulé sur unz.com, alors on va le laisser parler. Fred Reed rappelle sa carrière :

Pendant quelques décennies, j’ai couvert les questions militaires pour diverses publications, comme le Washington Times et Harper’s, et j’ai tenu une chronique militaire pour le Universal Press Syndicate. Je suivais le principe bien connu des journalistes avisés : « Ne demandez pas ce que vous pouvez faire pour le journalisme, mais ce que le journalisme peut faire pour vous. » Vivre au rythme militaire était un excellent passe-temps, permettant de voler dans des avions de combat et de naviguer dans des sous-marins. Mais si vous prenez l’étude au sérieux, comme je l’ai fait, vous apprenez des choses intéressantes. Comme par exemple le fait qu’une guerre contre un « vrai » pays, comme la Russie, la Chine ou même l’Iran, serait une aventure insensée.

Reed évoque la sinistre fonction de l’armée US :

Les armées inutilisées se détériorent. La flotte américaine n’est plus entrée en guerre depuis 1945, ni l’armée de l’air depuis 1975, ni l’infanterie dans une vraie guerre depuis le Vietnam. Le bombardement de paysans sans défense, la principale fonction de l’armée américaine, n’est pas la guerre.

Sur la conscription, Reed souligne une débandade morale :

Les États-Unis ne peuvent pas mener une grande guerre terrestre, comme par exemple contre la Russie, la Chine ou l’Iran. Une telle guerre nécessiterait de recourir à la conscription. Le public ne l’accepterait pas. Les États-Unis ne jouissent plus du genre d’unité patriotique qu’ils avaient au début de la guerre contre le Vietnam. De lourdes pertes seraient intolérables. Les gens d’aujourd’hui sont beaucoup plus disposés à désobéir au gouvernement fédéral. Notez que de nombreux États ont légalisé le cannabis au mépris de la loi fédérale et que de nombreuses juridictions du pays refusent tout simplement d’aider les autorités fédérales en matière de lois sur l’immigration. Toute tentative d’envoyer des femmelettes au combat entraînerait une désobéissance civile généralisée.

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Sur la marine US devenue invalide, il dit :

Un porte-avion est une vessie de carburéacteur enrobant de puissants explosifs. Les implications sont considérables. Un missile balistique hypersonique plongeant, guidé en phase terminale, perforant le poste de pilotage et explosant dans le pont du hangar, enverrait n’importe lequel d’entre eux dans les chantiers de réparation pour une année. Les Russes et les Chinois développent ou ont déjà mis au point des missiles spécifiquement conçus pour éliminer ces porte-avions. Notez que la portée de certains de ces missiles est beaucoup plus grande que le rayon de combat leurs avions. Oups.

Pour Reed, le soldat US devient une poule mouillée :

Jusqu’au Vietnam, les guerres américaines ont été menées par des jeunes hommes coriaces, souvent issus de milieux ruraux, connaissant bien les armes à feu et le travail physique pénible. Je le sais bien, ayant grandi et ayant servi avec eux dans la marine. La discipline, si elle n’est pas vraiment brutale, était très stricte. Les exigences physiques étaient élevées. En AIT (entraînement avancé d’infanterie), au Camp Lejeune, c’était «La compagnie S sur la route ! » à 3h30 du matin, suivie d’une course à pied et d’un entraînement intensif aux armes jusqu’à minuit. Oui, les vieux aiment se rappeler comment c’était à l’époque, mais c’était vraiment comme ça.

Aujourd’hui, l’Amérique a une armée corrompue par une politique de justice sociale. Les recrues ne sont plus taillés comme des bûcherons. L’obésité est commune. Le Pentagone a abaissé ses standards physiques, caché les problèmes raciaux, assoupli son entraînement. Les officiers ont peur du nombre grandissant de femmes militaires au sein des unités de combat. Une plainte pour sexisme et c’en est fini de votre carrière.

Trait important, il y a le pourrissement du corps des officiers :

En temps de paix prolongée, le corps des officiers se désintègre. Tous les officiers du second tour sont des politiciens, surtout au-dessus du lieutenant-colonel. On ne bénéficie pas de promotion en suggérant que les hauts gradés mentent pour des raisons politiques, mais en insistant sur le fait que la guerre en Afghanistan est en train d’être gagnée. Le temps de paix encourage les carriéristes qui avancent en ne faisant pas de vagues. Dans une grande guerre, de tels généraux d’éclat n’ayant fait le coup de feu que sur PowerPoint doivent être éliminés à un coût élevé en vies humaines.

L’armée d’aujourd’hui ne fera rien de bon dans un combat égal contre des Afghans, des Russes ou des Iraniens. L’armée américaine n’a pas réussi à vaincre les villageois afghans en dix-huit ans avec un immense avantage en termes de puissance aérienne, de cuirassés, de blindés, d’artillerie, de soins médicaux et d’équipement. Que pensez-vous qu’il arriverait s’ils devaient combattre les Talibans sur un pied d’égalité : sandales, fusils, lance-roquettes et pas grand-chose d’autre ?

Incompétence et corruption sont la norme :

Pourquoi donc construire ces armes ? Parce que Northrop-Grumman a tellement d’argent que ses lobbyistes utilisent des pelles à neige pour remplir les poches des membres du Congrès. À l’époque où je couvrais le Pentagone, chaque fois qu’une nouvelle arme était achetée, par exemple l’hélicoptère d’attaque AH-64, le contractant principal communiquait une liste de sous-traitants dans de nombreux États – dont les membres du Congrès soutiendraient l’arme afin d’obtenir les emplois. Tout est une question d’argent. Parfois, le Congrès oblige l’armée à acheter des armes qu’elle dit explicitement ne pas vouloir, comme un plus grand nombre de chars M1 de l’usine de Lima, dans l’Ohio. Pour les emplois.

En bref, de nombreuses armes sont achetées pour des raisons économiques et non pour une utilisation en temps de guerre. De mon temps, j’ai vu de nombreuses armes non utilisables. Le B1, B2, DIVAD, le véhicule de combat Bradley, le M16, le V-22, le LAW. Rien n’a changé.

Reed rappelle comme Philippe Grasset la nullité des nouveaux équipements :

Mais nous avons maintenant le F-35, le dernier chasseur à tout faire aux coûts grotesques. On dirait un coucou mal conçu et souffrant de problèmes infinis. Selon la presse technique, il s’agit d’une reine de hangar ayant des taux de sortie très bas, une préparation médiocre et nécessitant une maintenance électronique complexe, souvent à des échelons distants.

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Alors l’efficacité est remplacée par la folie :

Supposons que Bolton [ou Pompeo] obtienne sa guerre contre l’Iran. Les conseillers lui disent qu’elle sera brève et facile, chirurgicale, une promenade de santé. Avons-nous déjà entendu cela ? La Marine affirmé qu’elle peut garder le détroit d’Ormuz ouvert, grrr, waf ! Mais s’il se trouve que l’Iran ne suit pas le scénario, ne se rend pas. Et que la marine, à sa grande surprise, ne trouve pas les missiles anti-navires profondément enterrés et transportés par camion qui continuent de frapper les pétroliers. Ceux-ci continuent à brûler. Bientôt, personne ne les assurera. Ils arrêtent de circuler. Trois semaines après le début de la guerre, le monde réclame du pétrole à grands cris, il n’y a pas de fin en vue, Trump ne peut admettre qu’il a fait une gaffe, et Bolton [ou Pompeo] veut lancer une bombe nucléaire contre Téhéran.

Ou Washington pousse trop fort dans la mer de Chine méridionale, une collision accidentelle se transforme en un échange de tirs, et les Bannonites Pompeo-Boltoniens ordonnent à la flotte de donner une leçon aux Chinetoques. Malheureusement, les missiles anti-navires chinois s’avèrent plutôt meilleurs que prévu, un porte-avion est détruit et trois destroyers transformés en tas de ferraille.

Que fait-on maintenant ? Les egos surdimensionnés et mal informés à Washington ne peuvent accepter la défaite. D’une part, cela mettrait fin à la crédibilité américaine en tant que puissance hégémonique, et tout le monde voudra acheter des missiles anti-navires chinois. La vanité joue un plus grand rôle dans les affaires mondiales que ne le disent les manuels. Washington, bêtement mais inévitablement, irait dans la surenchère et commencerait une guerre totale contre la Chine. À ce stade, les choses deviendraient imprévisibles.

Puis Reed rappelle que la guerre nucléaire envisagée par l’ahuri que le Donald a mis à la place du regretté Bolton n’est pas gagnable :

Les hommes d’une stupidité incalculable et d’une insuffisance sexuelle probable parlent d’une guerre nucléaire comme gagnable. Ils peuvent toujours rêver. Réfléchissez : les villes américaines ne peuvent pas se nourrir elles-mêmes. Trois jours sans envois de nourriture et les New-yorkais auront vidé les rayons des supermarchés. Une semaine et ils tueraient pour des conserves de thon. Deux semaines et ils se mangeraient les uns les autres. Un très petit nombre de bombes nucléaires sur les centres de transport empêcherait la distribution de nourriture pendant des mois. Même un plus petit nombre encore de bombes au cobalt, conçues pour produire un maximum de radiations persistantes, rendraient les zones fermières mortellement radioactives pour une décennie.

Les «intellectuels de la Défense», généralement tellement stupides qu’ils devraient vivre dans des arbres, discutent de la domination par l’escalade, du facteur d’intimidation et de la défense antimissile imperméable. Ils sont complètement fous. Ce dont ils ont vraiment besoin, c’est d’une coquille et d’un abonnement à Pornhub Premium.

Et Reed de conclure :

C’est la raison pour laquelle c’est vraiment une très mauvaise idée d’avoir un dingue psychopathe, deux chrétiens fanatiques et un fils-à-papa pathologiquement agressif en mesure de déclencher une guerre.

On a compris qu’il ne reste à ces élites technophiles infantiles, que le fanatisme théologique et messianique pour justifier le rôle princier que les hallucinés indices boursiers leur concèdent encore.

Il faudra le mettre au pas cet occident. Il lui reste son marché, ses dollars, ses marottes écolos ou humanitaires. Mais sa manière de s’auto-halluciner, un peu comme un dealer qui succombe à sa dope, le rend de plus en plus inopérant.

Srinagar ne répond plus

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Srinagar ne répond plus

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Le 5 août dernier, en séance plénière de la Rajya Sabha, la chambre haute du Parlement qui représente les États et les territoires de l’Union indienne, le ministre fédéral de l’Intérieur, Amit Shah, par ailleurs président du BJP (Parti du peuple hindou) au pouvoir, lisait un décret présidentiel supprimant l’exception constitutionnelle du Cachemire indien.

Malgré la rébellion maoïste naxalite au Bengale-Occidental, au Karnataka et au Bihar, la question du Cachemire demeure le facteur principal de tension entre les trois puissances nucléaires indienne, pakistanaise et chinoise. À l’indépendance en 1947, la partition de l’ancien empire britannique des Indes s’effectue selon le critère religieux, ce qui favorise la formation d’un État musulman, le Pakistan alors constitué de deux territoires bien distincts : le Pakistan occidental, soit l’actuel Pakistan, et le Pakistan oriental qui accèdera à l’indépendance en 1971 sous le nom de Bangladesh.

Au moment de la partition territoriale, des millions d’hindous et de musulmans abandonnent leurs domiciles et s’installent dans leurs nouveaux États respectifs. Plusieurs souverains mahométans dont les sujets sont hindous auraient souhaité intégrer le Pakistan, mais leurs territoires enclavés en Inde furent prestement annexés et démembrés par les autorités centrales indiennes. Le maharadjah du Cachemire, Hari Singh, était lui un hindou régnant sur une population musulmane. Il rêvait d’un État indépendant, mais, face aux manœuvres pakistanaises, il décida finalement d’intégrer la jeune Union indienne, ce qui provoqua en partie la première des trois guerres indo-pakistanaises (1947, 1967 et 1971). Le Cachemire se retrouve depuis divisé. Le Pakistan contrôle le Nord-Ouest, les régions de Gilgit – Baltistan et de l’Azad Cachemire (« Cachemire libre » en ourdou). L’Inde en conserve le Sud-Est qui reçoit en 1950 le statut d’un État fédéré autonome, le Jammu-et-Cachemire. En 1962, au terme d’une guerre-éclair, l’Inde perd la vallée de Shaksgam au profit de la Chine qui la nomme Aksai Chin. Aujourd’hui, le glacier de Siachen est revendiqué par Pékin, La Nouvelle-Delhi et Islamabad. Alliée du Pakistan, la Chine reconnaît à demi-mot les revendications pakistanaises sur l’ensemble du Cachemire à l’exception bien sûr de l’Aksai Chin.

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Le décret du président Ram Nath Kovind, avec l’approbation du Premier ministre triomphalement réélu ce printemps, le nationaliste Narendra Modi, abroge les articles 370 et 35 A de la Constitution. Au 31 octobre prochain, le Jammu-et-Cachemire sera rétrogradé au rang de territoire de l’Union scindé en deux entités différentes : d’une part, le Jammu-et-Cachemire proprement dit avec le Jammu à majorité hindouiste et la vallée musulmane du Cachemire, d’autre part, le Ladakh à majorité bouddhiste. La révocation de ces articles constitutionnels supprime de facto la discrimination légale qui réservait la propriété foncière et immobilière aux seuls Cachemiris. Le gouvernement indien entend faire du Cachemire ce que les Chinois font aux régions rétives du Tibet et Xinjiang ouïghour, à savoir faciliter le peuplement massif des hindous.

Le matin du 5 août, le Jammu-et-Cachemire était coupé du monde : plus de communications, lignes aériennes interrompues, routes bloqués par des barrages militaires, touristes évacués la veille en urgence. La capitale, Srinagar, était soumise à un état de siège informel. La démonstration de force est aisée. L’armée indienne y maintient de nombreuses troupes en raison d’un voisinage conflictuel et du soulèvement indépendantiste plus ou moins islamiste lancé en 1989. Cette insurrection est encouragée et soutenue par les redoutables services secrets pakistanais.

Depuis quatorze mois, le Jammu-et-Cachemire traversait enfin une grave crise politique. En juin 2018, le BJP se retirait de la coalition gouvernementale locale, renversait le gouvernement et rendait l’État fédéré ingouvernable. En l’absence d’un parlement régional suspendu, il revenait dès lors au gouverneur de l’État, le représentant officiel du gouvernement indien, Satya Pal Malik, d’administrer directement la région et d’entériner la décision présidentielle.

Une course de vitesse démographique s’engage désormais. Les musulmans du Cachemire expriment leur impatience; ils pourraient dans les prochains mois ou dans les prochaines années renforcer la révolte séparatiste afin de devenir pakistanais ou d’obtenir l’indépendance. Le BJP veut par cet exemple entamer l’« hindounisation » du pays. Fin août, des milliers d’habitants de l’Assam ont été déchus de leur nationalité indienne. Le réveil national de l’Inde vient de commencer.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 139, mise en ligne sur TV Libertés, le 16 septembre 2019.

Michéa, Mitterrand et la destruction du peuple français

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Michéa, Mitterrand et la destruction du peuple français

Les Carnets de Nicolas Bonnal

Pour gouverner, il faut d’abord changer le sens des mots. Après on peut remplacer les gens.

Depuis 1984, une gauche libérale-libertaire aux affaires domine le paysage politique et culturel et enfonce le petit peuple dans des termes féroces. On a cité Thierry Pfister et sa lettre ouverte, on recommandera aussi le très effrayant pamphlet de Guy Hocquenghem qui en 1987 expliquait – Houellebecq le refera -  cette conjonction des forces du marché et de la subversion/dérision. La page de gauche des magazines pour recommander un lobby ou une intervention en Afghanistan, la page de droite pour vendre du Vuitton. Habitué à être ainsi traité, le cerveau humain n’a plus rien d’humain et devient cette mécanique-canal humanitaire à réagir fluo et à consommer bio.

Jean-Claude Michéa a récemment rappelé ce qui s’est passé après le virage au centre de Mitterrand. Le sociétal allait remplacer le social. On l’écoute :

Mitterrand_(arms_folded).jpg« Plus personne n’ignore, en effet, que c’est bien François Mitterrand lui-même (avec la complicité, entre autres, de l’économiste libéral Jacques Attali et de son homme à tout faire de l’époque Jean-Louis Bianco) qui, en 1984, a délibérément organisé depuis l’Elysée (quelques mois seulement, par conséquent, après le fameux “tournant libéral” de 1983) le lancement et le financement de SOS-Racisme, un mouvement “citoyen” officiellement “spontané” (et d’ailleurs aussitôt présenté et encensé comme tel dans le monde du showbiz et des grands médias) mais dont la mission première était en réalité de détourner les fractions de la jeunesse étudiante et lycéenne que ce ralliement au capitalisme auraient pu déstabiliser vers un combat de substitution suffisamment plausible et honorable à leurs yeux. »

La farce sociétale se met encore en place, alors on peut taxer le pauvre et puis le remplacer. Insulté et ringard, ce beaufn’est plus digne de l’attente de nos grands commentateurs. Nota : pour imaginer la jeunesse  française d’avant l’ère Mitterrand, découvrez le rebelle de Gérard Blain.

Michéa encore :

 « Combat de substitution “antiraciste”, “antifasciste” et (l’adjectif se généralise à l’époque) “citoyen”, qui présentait de surcroît l’avantage non négligeable, pour Mitterrand et son entourage, d’acclimater en douceur cette jeunesse au nouvel imaginaire No Border et No limit du capitalisme néolibéral (et c’est, bien entendu, en référence à ce type de mouvement “citoyen” que Guy Debord ironisait, dans l’une de ses dernières lettres, sur ces « actuels moutons de l’intelligentsia qui ne connaissent plus que trois crimes inadmissibles, à l’exclusion de tout le reste: racisme, anti-modernisme, homophobie »). »

Il était alors important pour le capital, qui avait eu peur du peuple pendant plus de cent ans, de se montrer branché/progressiste, et de rejeter le prolétaire promu homme de la rue dans les poubelles de l’histoire - avec la complicité achetée/enthousiaste de tous les médias. Rappelons pour les plus jeunes de nos antisystèmes que les communistes quittèrent le bateau ivre de la présidence Mitterrand en 1984, et que dans 1984, le ministère de la vérité s’abrite dans une… pyramide.

 

Post-Scriptum

On vient d’apprendre qu’EDF va disparaitre. L’électricité de France viendra d’ailleurs, comme le peuple.

Nouvelles formes de guerre. Les UCAV ou drones de combat

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Nouvelles formes de guerre: les UCAV ou drones de combat

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le remarquable article en anglais de Anthony Cordesman référencé ci-dessous pose la question de savoir si des pays tels que les Etats-Unis ont bien compris les difficultés que posent à leurs forces armées et ministères (Department) de la Défense des armes telles que les drones de combat qui ont vraisemblablement lancé les missiles ayant frappé récemment les sites pétroliers saoudiens.

Ces frappes ont été revendiquées par les « rebelles Houthis » du Nord Yémen que l'Arabie saoudite avait prétendu neutraliser. Mais beaucoup d'experts pensent que ces missiles provenaient d'un grand pays. Washington incrimine, il est vrai sans preuves décisives, l'Iran.

Ces missiles n'étaient pas de simples missiles. Ils avaient probableblement été lancés par des drones de combat passés inaperçus. Ces drones nommés unmanned combat aerial vehicle (UCAV)  peuvent avoir l'envergure d'un petit avion, mais ils peuvent être bien plus petits. Ils sont généralement contrôlés par un émetteur externe, mais ils disposeront de plus en plus de capacités d'autonomie. Celles-ci leur permettront non seulement de sélectionner seuls certains objectifs mais de choisir les trajectoires et les altitudes leur permettant d'échapper aux défenses anti-aériennes classiques, radars, artilleries et contre-missiles notamment. De plus, ils utiliseront en phase finale d'approche non seulement des relevés GPS précis mais des caméras ou système visuels analogues identifiant la cible avec une grande fiabilité. 

Aucune information n'est évidemment disponible concernant l'origine des missiles ayant atteint les champs pétroliers de l'Arabie saoudite. De rares systèmes de défense anti-aérienne sont à ce jour capables d'essayer de déjouer les attaques d'UCAV. La Russie a mentionné à cet égard un système dit 9K331-Tor-M1-SA-15 Gauntlet qu'elle avait précédemment fourni à l'Iran.

Des renseignements indiquent que, outre la Russie et l'Iran, la Corée du Nord, la Chine et sans doute d'autres pays ont mis au point des systèmes industriels capables de fabriquer des UCAV en quantité suffisante pour représenter une menace militaire. La France s'y intéresse. Les Etats-Unis disposent de drones, tels le MQ-9 Reaper, qu'ils ont vendu à la France, mais pas à une échelle suffisante, malgré un budget militaire annuel dépassant celui de tous les autres Etats réunis. Ils ont préféré construire des porte-avions d'un coût considérable, aujourd'hui sans défenses efficaces contre un UCAV bien positionné.

Le nouveau type de guerre que préfigurent les UCAV a été nommée guerre hybride ou guerre de zone grise ( gray area warfare). Elle n'entraîne pas de réponse de type « destruction mutuelle assurée » comme dans le domaine nucléaire, fut-ce avec l'utilisation d'armes nucléaires de faible intensité. Ceci dit, dans ce dernier cas, l'utilisation d'UCAV dotés de têtes nucléaires de faible intensité serait beaucoup plus efficaces qu'une nucléarisation à grande échelle.

Source

Iran, Yemen, and the Strikes on Saudi Arabia: The Changing Nature of Warfare
https://www.csis.org/analysis/iran-yemen-and-strikes-saud...

By Anthony H. Cordesman