Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 17 janvier 2024

La banalisation de l'antifascisme

raf,360x360,075,t,fafafa ca443f4786.jpg

La banalisation de l'antifascisme

Brecht Jonkers

Source: https://www.geopolitika.ru/en/article/commodification-anti-fascism

En 2015, l'Atlantic Council, un groupe de réflexion influent qui se consacre à la promotion des politiques atlantistes et qui, selon ses propres termes, "galvanise le leadership et l'engagement des États-Unis dans le monde", a publié sur son site web un article au titre plutôt évasif : "La Russie de Poutine est-elle fasciste ?". Publié immédiatement après le coup d'État de l'année précédente en Ukraine, coup soutenu par les États-Unis, et la réaction révolutionnaire qui s'en est suivie à Donetsk et à Louhansk, la machine de propagande atlantiste a fait des heures supplémentaires.

Le Conseil atlantique, dans un geste qui allait s'avérer être une nouvelle tendance dans la politique géopolitique occidentale, a mentionné que le terme "fascisme" avait gagné en popularité parmi les observateurs de la Russie pour désigner la Fédération de Russie sous la présidence de Vladimir Poutine. Comme s'il voulait réfuter les critiques qui ne manqueraient pas de suivre, le groupe de réflexion a immédiatement affirmé que le terme n'était absolument pas utilisé "avec désinvolture ou comme une forme d'opprobre", mais comme l'expression très véridique d'une profonde inquiétude.

Nombreux parmi nos lecteurs connaissent sans doute le concept de la loi de Godwin : l'adage Internet selon lequel plus une discussion en ligne s'éternise, quel que soit le sujet, plus le risque que quelqu'un introduise une analogie avec le nazisme ou le fascisme dans le mélange devient presque inévitable. D'un point de vue plus scientifique, ce concept est connu sous le nom de reductio ad Hitlerum, la tentative d'invalider l'opinion d'un adversaire en affirmant qu'une position similaire a déjà été défendue par Adolf Hitler lui-même ou par la NSDAP en général. Bien qu'il ait été initialement inventé pour dénoncer les associations ridicules et farfelues faites par des commentateurs sur Internet, ce concept a également été utilisé comme argument préventif par des organisations néofascistes réelles afin de discréditer leurs détracteurs et de dénigrer ainsi les politiques et les opinions fascistes très réelles auxquelles ces groupes sont réellement attachés.

46bec786b6c33ecac274942611900d2e.jpg

On pourrait penser que la connaissance relativement répandue de cet adage inciterait les analystes et les experts à réfléchir à deux fois avant de brandir les allégations de fascisme. Pourtant, c'est le contraire qui semble se produire.

La même année que le seul rapport du Conseil atlantique, Mikhail Iampolski, professeur à l'université de New York, a écrit dans Newsweek un article au titre pompeux : "La Russie de Poutine est sous l'emprise du fascisme". Le commentateur Evgeny Ikhlov, dans un article publié par le site web du tristement célèbre activiste pro-occidental Garry Kasparov et repris par The Interpreter, a accusé Poutine de "restaurer le fascisme de gauche de la fin de la période soviétique". Dans une étrange manipulation des mots, Ikhlov affirme que ce qu'il appelle le poutinisme est "de gauche parce qu'il est anti-marché et quasi-collectiviste, mais c'est un fascisme parce qu'il est une forme de philistinisme militant et très primitif et qu'il cultive les tendances les plus conservatrices dans l'art et la science".

Andrei Zoubov, ancien employé de l'Institut d'État des relations internationales de Moscou, a donné des exemples similaires de démonstration rhétorique en affirmant que la Russie contemporaine est caractérisée par "un État corporatif de type fasciste emballé dans l'idéologie soviétique, l'idéologie du stalinisme". Apparemment, être capable de former une phrase cohérente sans contradictions absolues n'est pas une exigence professionnelle pour devenir un polémiste zélateur de l'atlantisme.

"Mais les analystes ont-ils raison ?", se demande innocemment l'Atlantic Council, avant de passer immédiatement à la vitesse supérieure et d'expliquer comment la Russie est effectivement le grand monstre fasciste de l'Est. En effet, poursuit le texte, Moscou présente "un ethos hyper-nationaliste, un culte de la violence, une mobilisation massive de la jeunesse, des niveaux élevés de répression, de puissantes machines de propagande et des projets impérialistes". Il est intéressant de noter que l'on peut être pardonné de penser à première vue que cette liste de contrôle fait référence aux États-Unis.

04db2676424c049479a55750506f948c.jpg

L'ironie d'une organisation dédiée à la galvanisation du leadership américain dans le monde qui non seulement utilise ces concepts comme définition du fascisme, mais qui a l'audace d'accuser un autre pays d'y correspondre, est absolument palpable.

En 2017, le bien nommé site web The American Interest a fait une déclaration similaire dans un article intitulé "Putin's Russia : A Moderate Fascist State" (notez la forme possessive qui sert à convaincre le lecteur que le plus grand pays du monde est en quelque sorte la possession personnelle d'un grand méchant dirigeant, en l'occurrence Vladimir Poutine).

"Selon la définition universitaire standard, la Russie d'aujourd'hui n'est pas une démocratie illibérale : c'est un État fasciste à un stade précoce", tel est le titre explosif par lequel débute l'article. L'auteur, Vladislav Inozemtsev, tente immédiatement d'écarter toute critique en se retranchant derrière cette soi-disant "définition savante du fascisme". Il ne fait aucun doute que cet article doit être aussi impartial que possible, puisque l'auteur partage l'opinion de ces universitaires qui décrivent le fascisme comme "un type de régime particulier en ce qui concerne trois relations clés: la structure de l'économie politique, la relation idéalisée entre la société, l'État et l'autorité morale, et la position de l'État par rapport aux autres États".

Une grande partie de l'article est consacrée à déplorer le rôle croissant du gouvernement russe dans l'économie, l'animosité à l'égard des puissances occidentales et un sentiment permanent de menace de victimisation et de déclin. De manière typique, il n'est évidemment pas fait mention des faits très concrets selon lesquels la Russie a effectivement connu une période horriblement traumatisante de victimisation et de déclin dans les années 1990. Bien entendu, il faut expressément évoquer la référence au renforcement des forces militaires et de sécurité russes au cours des dernières années, ce qui est encore une fois ironique du point de vue des États-Unis, la société la plus militarisée de la planète.

022eba349e6d9a1f60fcbf8b073b74d4.jpg

Ceux qui accusent Moscou de fascisme se heurtent naturellement à un problème majeur: l'absence quasi-totale de racisme institutionnel en Russie. La Russie n'est même pas un État-nation selon les définitions occidentales traditionnelles (mais plutôt ce que l'on appelle aujourd'hui un État-civilisation) et n'a jamais prétendu être un État exclusivement réservé à la "race russe". Au contraire, l'influence considérable de penseurs tels que Lev Goumilev, fondateur du concept d'ethnogenèse et fervent défenseur de l'aspect tatar de l'identité russe, et les écoles de pensée eurasiennes, est diamétralement opposée aux concepts raciaux qui étaient si répandus chez la plupart des fascistes du 20ème siècle.

Même Inozemtsev doit l'admettre, mais il tente de le tourner en faveur de son récit.

"La Russie est donc un cas unique de régime fasciste essentiellement dépourvu des éléments raciaux du nazisme, et ce fait laisse perplexes ceux qui tentent de réfléchir à sa nature politique. C'est pourquoi, malgré l'attention considérable portée à l'idée du "monde russe", mentionnée plus haut, il ne s'agit pas d'une question raciale, mais culturelle. C'est une question de langue, pas de sang. (...) Ce n'est donc pas la pureté raciale, mais l'inverse, qui définit ce que les Russes sont censés être sur le plan génétique. Pour Poutine et de nombreux Russes, le concept de "russité" est ouvert et inclusif".

Il semble que nous soyons arrivés à la mise en place d'une forme "ouverte et inclusive" de fascisme russe. Et, si cela ne ressemble pas encore à une réécriture complète du terme juste pour avoir un mot à la mode à jeter sur la Russie, l'auteur indique très clairement quelques phrases plus loin que c'est exactement ce qu'il cherche à atteindre.

"Il est donc évident que si les chercheurs occidentaux définissent a priori cette combinaison comme étant incompatible avec leur définition du fascisme, alors la Russie ne peut pas être fasciste. C'est leur définition qui pose problème".

67d79ec982fb1a02119fb25cbaffd07c.jpg

Et voilà, un aveu étonnamment clair de ce dont il s'agit. Si la Russie ne remplit pas les conditions pour être définie comme fasciste, alors nous devons simplement redéfinir ce que signifie être fasciste. Tout est permis, tant que cela donne à la presse occidentale un mot effrayant à mettre dans la prochaine campagne de peur visant le Kremlin.

Les formulations bizarres et souvent contradictoires que l'on trouve dans la plupart de ces analyses illustrent clairement un facteur constant qui réapparaît dans la propagande occidentale: le fait qu'ils n'ont aucune idée de la manière de définir le fascisme.

Le terme fascisme est devenu une sorte de mot à la mode dans le discours géopolitique occidental, un terme effrayant que l'on peut lancer à volonté dès que l'on parle de politique. Plus particulièrement, toute personne en désaccord avec l'agenda libéral se voit souvent coller l'étiquette de fasciste.

Le terme n'a plus de contenu réel. Il ne décrit plus une idéologie politique déterminée par le corporatisme économique, le nationalisme extrême, le militarisme et l'anticommunisme. Aujourd'hui, n'importe quel ensemble de positions socialement conservatrices peut qualifier quelqu'un de fasciste, surtout si l'on remet en question des valeurs libérales telles que le libertinage sexuel, le système néolibéral de libre marché ou l'absence totale de religion dans la sphère publique.

En d'autres termes, la tendance libérale à simplement déformer, redéfinir ou simplement vider le sens des mots s'étend à la terminologie d'idéologies telles que le fascisme. Un mot vide, à utiliser comme munition de propagande quand cela convient aux besoins des pouvoirs en place. Dans une telle atmosphère, un pays comme la Russie, avec sa fierté patriotique, une population souvent pieuse et un État fort, est la cible idéale pour être accusé de fascisme.

Une campagne de diffamation s'est propagée au-delà des clivages politiques dans de nombreux États occidentaux, avec des pays comme la Russie et la Chine dans le collimateur. Plutôt que d'utiliser des informations factuelles pour expliquer leur bellicisme contre la Russie, ce qui serait impossible puisqu'il n'existe aucune justification rationnelle à une telle guerre, les médias grand public se concentrent sur une stratégie à deux volets : accuser la Russie d'être la résurgence du fascisme, d'une part, et accuser la "collusion russe", l'espionnage et l'influence russe généralisée en coulisses sur d'autres pays, d'autre part.

150a73aabb2b72c0f303a473bf47682f.jpg

Ces deux tactiques vont de pair. La propagation des mouvements d'extrême droite et la montée des leaders populistes à travers l'Europe et l'Amérique du Nord, du Fidesz en Hongrie à Marine Le Pen en France, en passant par Donald Trump lui-même, sont trop souvent imputées aux Russes. Partant de l'idée que "ce n'est pas ce que nous sommes", les experts libéraux sont plus qu'enthousiastes à l'idée de rejeter la faute sur le Kremlin. Car il est impensable, bien sûr, qu'une colère populaire généralisée existe dans un pays comme la France, que le racisme soit un phénomène répandu dans l'Occident civilisé, ou que le sentiment omniprésent d'un effondrement imminent et inévitable de l'ordre mondial libéral habite l'esprit et le cœur d'un nombre croissant de personnes. Il est certain que c'est Poutine et ses partisans qui sont derrière tout ce qui va mal en Occident.

Cette ligne de pensée sert également un autre objectif, à savoir dissimuler le fait que le fascisme, en tant qu'idéologie, était en grande partie un représentant de l'idéologie occidentale typique, capitaliste et, oui, libérale. Aussi anti-individualiste que le fascisme prétende être, les principes fondamentaux qu'il a empruntés étaient indubitablement enracinés dans les traditions du libéralisme anglo-saxon. Les théories raciales défendues par Hitler et ses partisans sont loin d'être nouvelles, mais elles s'inspirent ouvertement du colonialisme britannique et du racisme institutionnel américain.

Les idées nazies d'une pyramide de races supérieures et inférieures étaient presque des copies conformes de la suprématie anglo-saxonne qui était à la base des États-Unis d'Amérique. N'oublions pas que, outre le symbolisme maçonnique et païen qui fait partie intégrante de l'héraldique américaine depuis le début, le dessin original du grand sceau des États-Unis comportait une référence flagrante aux "pays dont ces États ont été peuplés". Ces pays et ces peuples, considérés comme les seuls véritables citoyens de la nouvelle "république libre", étaient représentés par leur héraldique sur le blason proposé : L'Angleterre, l'Écosse, l'Irlande, la France, la Hollande et l'Allemagne. En d'autres termes, chaque lieu est un territoire gouverné par des souverains anglo-saxons et culturellement assimilé au monde culturel germanique (l'Irlande et l'Écosse étant, à ce moment de l'histoire, fermement contrôlées par les souverains anglo-saxons de Londres).

c2ceecaa8c880d3c219847e1e379b460.jpg

Ce fait est toutefois très gênant pour les élites libérales de l'Europe contemporaine et de l'Amérique du Nord, car il menace directement la noble hagiographie libérale qui décrit un progrès constant de la société depuis le siècle des Lumières, caractérisé uniquement par les avancées scientifiques, le rationalisme, la liberté et la démocratie. Tout ce qui contredit cette interprétation de l'histoire, comme le développement de l'impérialisme et l'assassinat d'innombrables millions de personnes dans le Sud aux mains des puissances coloniales, est considéré comme une aberration ou tout simplement ignoré. Entrez dans l'ère actuelle, dans laquelle les États illibéraux du Sud commencent à se soulever et à réclamer leur place légitime sur la scène mondiale, et vous pouvez voir une raison parfaite pour la propagande occidentale de dépoussiérer le vieux journalisme jaune et l'incitation à la peur.

Il est toutefois difficile d'expliquer au public pourquoi il est censé haïr la Russie, l'Iran ou la Chine. D'autant plus que l'Occident devrait expliquer le contexte historique qui sous-tend les sentiments d'animosité à l'égard du noyau impérial. La guerre de l'opium, le coup d'État iranien de 1953 ou les invasions impérialistes de la Russie en 1918 sont difficiles à expliquer, même aux Occidentaux les moins soucieux de suprématie. Cependant, si vous leur faites croire que des hordes fascistes d'envahisseurs orientaux se massent aux portes de leur pays, il devient beaucoup plus facile d'amener l'opinion publique à soutenir la guerre. Ironiquement, c'est exactement le type de stratégie mentale utilisée par les nazis et les fascistes pour appeler à la guerre contre l'Union soviétique. Non seulement les élites libérales-capitalistes appellent à la guerre et à l'asservissement de l'Est et du Sud, mais, dans une tournure de rhétorique particulièrement cynique, elles le font sous couvert de "lutte contre le fascisme".

Il y a une autre raison pour laquelle "rejeter la faute sur les Russes" est une astuce si populaire de nos jours. La résurgence du mouvement populiste de droite, qu'il s'agisse des manifestations des chauffeurs routiers au Canada ou des partisans de Marine Le Pen en France, se compose généralement de deux groupes de personnes. D'une part, il y a les partisans d'une colère populaire légitime qui se laissent entraîner par un mouvement qui exige le changement. Il s'agit de personnes souvent peu politisées, mais motivées par des préoccupations très réelles qui affectent leur vie quotidienne : pauvreté, répressions, hausse du coût de la vie, criminalité galopante, services publics délabrés, etc. D'autre part, il y a ceux, souvent les responsables, qui servent fondamentalement les mêmes intérêts économiques et géopolitiques que les élites libérales et conservatrices contre lesquelles ils sont censés se rallier. Il s'agit souvent de leaders charismatiques qui comprennent que, plutôt que de mépriser ouvertement les masses, ils peuvent essayer d'utiliser et de guider la colère populaire en l'éloignant des causes réelles de leur souffrance et en la dirigeant vers des groupes au sein de la société auxquels ils attribuent la responsabilité de la situation.

C'est pour cette raison que, malheureusement, la montée de la colère populaire justifiée contre l'exploitation aux mains de la cabale libérale-néoconservatrice au pouvoir en Occident est souvent combinée à une islamophobie flagrante et à un suprémacisme blanc. Une grande partie de l'Occident s'est transformée en une impasse politique entre deux forces, toutes deux généralement destructrices. D'un côté, il y a l'élite traditionnelle, qui promeut l'économie néolibérale, le libre-échange, le capitalisme débridé, les valeurs éthiques libérales et, depuis peu, la cooptation du mouvement dit "woke". D'autre part, il y a la tendance populiste de droite, souvent même l'alt-right, caractérisée par un conservatisme moral, des tendances racistes, une forte intervention de l'État et des politiques judiciaires plus sévères.

La montée du mouvement dit de l'alt-right en Europe et en Amérique du Nord est devenue un fait indéniable de la vie politique contemporaine. L'élite libérale et néoconservatrice traditionnelle du monde occidental s'est montrée totalement incapable d'endiguer cette vague, à supposer même qu'elle cherche à l'arrêter en premier lieu. Mais bien sûr, les voix les plus racistes, islamophobes et ethnocentristes qui sont entrées dans le débat dominant en conséquence sont difficiles à faire rimer avec la propagande officielle de l'État occidental en tant que société pacifique et tolérante. D'où la nécessité de rejeter la responsabilité des causes internes, telles que l'augmentation rapide des niveaux de pauvreté, d'inégalité des richesses et de sans-abrisme et l'effondrement apparemment inéluctable du tissu moral de la société, sur des menaces externes inventées de toutes pièces, telles que la Russie.

Présenter la Russie comme le croque-mitaine de la montée du fascisme répond parfaitement aux objectifs des dirigeants occidentaux. Plutôt que de se concentrer sur les problèmes économiques, sociaux, moraux et éthiques très réels et profondément enracinés de l'Occident, y compris les contradictions fondamentales qui affligent le cœur libéral depuis des siècles déjà, les puissances de Washington, Londres, Paris et Bruxelles ont opté pour la stratégie de propagande séculaire consistant à rejeter la faute sur "l'autre". Il appartient désormais aux peuples occidentaux de faire la lumière sur cette campagne de mensonges.

16:35 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, antifascisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 12 février 2023

Psychopathologie de l'antifascisme. Entre le complexe de culpabilité et la frustration

large_HABfw4VxyJyE8UwR.jpg

Psychopathologie de l'antifascisme. Entre le complexe de culpabilité et la frustration

Ernesto Milà

Source: http://info-krisis.blogspot.com/2023/02/psicopatologia-del-antifascismo-entre.html?m=1

Ce que "je suis" - intolérant, dictatorial, dégénéré, violent, frustré, dépravé - je le projette sur "l'autre" et me "libère" ainsi du poids de la culpabilité. Ainsi naît l'"antifascisme" (et, par extension, tous les "antis"). Derrière toute forme d'irrationalité (et l'antifascisme en porte l'empreinte), ce qui existe est une maladie de l'âme. Il n'est pas rare que la gauche pro-verte, dans ses différentes variétés, soit unie par l'"antifascisme", précisément pour cacher l'échec de ses politiques et son orphelinat doctrinal. Lisez ci-dessous pourquoi un "antifa" devrait avoir sa propre salle dans le "musée des horreurs politiques"...

* * *

Amadeo Bordiga, secrétaire général du parti communiste italien dans les années 1920 et dissident du stalinisme, a littéralement dit: "Le pire du fascisme sera l'antifascisme". Cette phrase est confirmée par le suivi des pages "antifascistes" sur le web et par la vie quotidienne du pédrosanchisme (ndt: l'actuel socialisme en Espagne). Jusqu'à l'apparition d'Internet, l'antifascisme était un résidu impénétrable auquel seuls ses derniers Mohicans prêtaient attention. L'Internet en a fait la fenêtre ouverte d'une pathologie sociale, relativement complexe dans certains cas et plus simple que le mécanisme d'un pot à encastrer dans d'autres.

Mais qu'est-ce que le fascisme ?

Au sens propre et au sens premier, le fascisme est le mouvement politique italien créé par Benito Mussolini, lui-même socialiste au départ, par les futuristes et par les nationalistes italiens après la Première Guerre mondiale et qui a dirigé l'Italie pendant 20 ans, en cohabitant avec la monarchie de la dynastie des Savoie et en ayant une prolongation d'à peine deux ans dans la République sociale italienne. Historiquement parlant, il n'y a donc pas eu plus de fascisme que cela.

Du point de vue des typologies politiques, le terme "fascisme" est utilisé par généralisation abusive pour désigner les mouvements qui, d'une manière générale, présentent un degré élevé de similitude avec le fascisme italien, ce qui inclut des mouvements très divers, qui ont tous en commun les caractéristiques suivantes: nationalisme, mouvement de masse, interclassisme, anticommunisme et volonté de mettre en pratique une politique sociale avancée qui pourrait concurrencer celle menée par la gauche. Les composantes de ces mouvements, qui sont présents dans toutes les formes de fascisme, proviennent de sections de la gauche, de la bourgeoisie et d'anciens combattants de la Grande Guerre.

maxrzstesdefault.jpg

Il existe différentes interprétations historiques du fascisme. L'une des plus intéressantes est celle du professeur Zeev Sternhell, à laquelle il a consacré quatre de ses ouvrages. La thèse de Sternhell affirme que l'approche du pouvoir puis l'exercice du pouvoir ont contaminé le fascisme et l'ont détourné de son essence originelle. Ce n'est donc pas en Italie ou en Allemagne que l'on peut étudier les formes chimiquement pures du fascisme, mais en France où ce mouvement n'est pas arrivé au pouvoir (et n'a donc pas rectifié sa ligne en fonction des compromis nécessaires dans toute gestion du pouvoir), mais a eu une longue gestation idéologique qui a commencé avec les dissidents du socialisme (de Proudhon à Henry de Man), avec l'apparition du nationalisme intégral de Maurras et avec les soi-disant "non-conformistes des années 30" (le groupe Ordre Nouveau, Esprit, etc.). Pour Sternhell, il ne fait aucun doute que le fascisme était un nouveau mouvement politique, une alternative à la droite et à la gauche.

Mais il existe une troisième forme de fascisme, qui, plutôt qu'une catégorisation politique ou idéologique, est un terme (substantif ou adjectif) de propagande utilisé contre tel ou tel adversaire. Il est connu, par exemple, que plus un parti dévie vers la gauche, plus il considère le "spectre fasciste" comme large. Pour les Basques du HB, le "fascisme", c'est tout le reste du spectre politique espagnol, du PSOE à la Phalange, en passant par le PP, le PNV et le touriste de passage qui n'a pas été salué par un aurresku. Avant la Seconde Guerre mondiale, nous avons vu les staliniens qualifier les partis sociaux-démocrates de "social-fascistes" et, par extension, le fascisme serait toute forme de prévention contre le communisme, même la plus tiède.

Ceux qui considèrent la première définition du fascisme se concentrent sur une analyse historique rigoureuse; ceux qui assument la seconde, de préférence, contemplent les aspects idéologiques et doctrinaux du fascisme. Ces deux positions sont raisonnables et ne présupposent pas l'adhésion aux principes du fascisme ou à une quelconque organisation fasciste. C'est la troisième option qui nous permet de voir chez ceux qui la détiennent une psychopathologie, c'est-à-dire une "maladie de l'âme" ou une "perversion de l'esprit".

Dans la mentalité de ceux qui se définissent comme "Antifas", il y a quelque chose de cassé et de sombre. Il est clair comme de l'eau de roche que les Antifas ne sont pas les seuls à être soumis à la pathologie sociale que nous sommes sur le point de définir. On peut dire que l'entrée d'un virus dans l'organisme peut affecter l'hôte de nombreuses façons différentes, selon l'état de son système immunitaire et, depuis la "pandémie" que nous connaissons, il en existe aussi des "asymptomatiques". Cependant, chez ceux dont les défenses naturelles ont cessé d'exister, un tel virus peut être mortel. C'est ce qui arrive aux antifascistes...

photo-2022-04-07-122453-1.jpeg

Antifascisme unique et multiple

L'antifascisme est un phénomène unique dans l'histoire récente des idées. En fait, nous avons déjà dit qu'il ne s'agit pas d'une idée, mais d'une "pathologie de l'âme". Normalement, l'antifascisme apparaît chez les individus dont les "défenses" ont été affaiblies par la bactérie du "politiquement correct" qui s'est nichée dans leurs neurones et empêche le flux normal de la pensée. Cette "bactérie" génère des blocages dans certaines zones du cerveau et prédispose le virus de l'antifascisme à faire des ravages dans les "petites cellules grises" qui ne parviennent pas à établir les connexions neuronales habituelles d'un cerveau sain.

Ce qui est important, cependant, c'est de souligner que l'antifascisme n'apparaît que dans les esprits aplatis (et abrutis) par le politiquement correct, et seulement chez eux. Un esprit qui fonctionne selon des paramètres acceptables de rationalité, de logique, de bon sens et de capacité à enchaîner des syllogismes n'acceptera jamais la pensée unique ou le politiquement correct, et sera donc doté de défenses naturelles pour rejeter d'autres états dégénératifs du cerveau.

Ainsi, dans toutes les formes d'antifascisme, il y a un renoncement et une impossibilité, nés de la maladie elle-même : il est impossible pour le sujet affecté de penser au-delà de la limite marquée par le politiquement correct, comme si cette frontière était une finís terrae, au-delà de laquelle il n'y a qu'une zone inconnue qu'il vaut mieux ne pas pénétrer ou connaître. Cela génère des aprioris qui l'empêchent de voir la réalité telle qu'elle est, c'est-à-dire objectivement.

Ce problème donne lieu à trois types d'antifascisme, en fonction de leur intensité et de leur origine :

    1) Antifascisme inerte : c'est celui du citoyen moyen qui suit passivement la politique, ne se préoccupe ni d'adopter une position active - sauf dans des occasions très précises, toujours dans des épisodes de masse - ni de rechercher les causes ultimes, il lui suffit que les "leaders d'opinion" soient plus ou moins antifascistes pour que ce type de citoyen adhère à ce courant général. A force d'entendre parler de "fascisme" et de l'identifier au mal absolu, son manque d'énergie mentale le conduit à accepter le slogan attribué à Big Brother : "Ne pensez pas, Big Brother pense pour vous". Et Big Brother dit que le fascisme est mauvais, donc qu'il doit être condamné. C'est une façon d'être antifa, mais sans l'exercer. Une partie importante de la société est affligée de cette maladie de l'âme qui, au fond, n'est rien d'autre qu'une forme de paresse mentale.

    2) Antifascisme politique : beaucoup plus conscient que le précédent, il est généralement utilisé par l'agit-prop du parti pour accuser l'adversaire d'être un "fasciste". Il est également utilisé par certaines ONG qui qualifient de "fasciste" toute personne qui conteste leur raisonnement. Ces ONG, dont le "Mouvement contre l'intolérance" ou "SOS Racisme" en sont la caricature la plus choquante, affirment que les médias, les gouvernements, la police et la société elle-même, cachent la réalité : le fascisme, avec ses séquelles, la xénophobie et le racisme, est vivant et actif et agit dans l'ombre. Quiconque appelle le siège de ces ONG et rapporte qu'"il a entendu dire que le cousin du beau-frère du frère du portier de la maison où vit le garçon qui sort avec sa sœur, a entendu dire que dans la discothèque où il sort tous les samedis, il y a eu une bagarre et qu'un type a tiré deux fois sur un nano qui l'a laissé cucufati....." verra comment sa "dénonciation" sera enregistrée par les scribes de ces ONG et utilisée pour cautionner leur "travail" qui, évidemment, mérite d'être récompensé par de juteuses subventions que, par ailleurs, personne ne contrôle. Quel est l'intérêt de confirmer des données provenant de personnes venues d'on ne sait où ? Le fascisme est intrinsèquement pervers, donc tout ce qui est mis à son crédit est incontestablement vrai, et il est même légitime d'inventer des faits inexistants afin de faire prendre conscience à la société du mal absolu.

    3) Antifascisme viscéral : il s'agit du type d'antifascisme caractéristique de ceux qui font de l'antifascisme le centre de leur vie. Si vous demandez à un squatter, ou à Ada Colau, sa marraine, de se définir politiquement, la première chose qu'il dira est "Mon pote, je suis antifa". C'est tout. La variété inférieure de ce spécimen est, en Espagne, celle qui relie l'indépendantisme catalan (ou basque) à l'antifascisme. Chez ces derniers, le virus a fait les plus grands ravages mentaux. Il vaut la peine de regarder les sites web des indépendantistes catalans et basques où le primitivisme et l'irrationalisme inhérents à tout nationalisme (le nationalisme n'est que viscèral, sentimental, émotif et use d'une mythologie ad hoc) sont renforcés par des considérations antifascistes. Pour un indépendantiste, le "facha" est toute personne qui n'est pas entièrement déterminée à jeter le pays dans la centrifugeuse. Quiconque a décidé de ne parler qu'espagnol en Catalogne est un "facha", et il importe peu qu'il ait des arguments suffisants pour refuser d'apprendre le catalan ou renoncer volontairement à le parler. C'est un "facha", point final. C'est le verdict des Talibans de la langue.

8ae0e450-6f29-11ed-8fdd-0817377966de.jpg

Nous pourrions parler d'une quatrième variété d'antifascisme, minoritaire et, oui, petite, ce qui nous empêche de la joindre aux trois précédentes. Il s'agit de l'antifascisme affiché par certains qui sont parfaitement conscients de l'arrière-plan idéologique du fascisme, mais qui ont peur de montrer leur adhésion à celui-ci, ou bien qui sont conscients de leur incapacité à être fascistes. J'ai vu des journalistes qui auraient aimé mener une vie aventureuse comme bon nombre des "fascistes" qu'ils ont rencontrés. Ils ont enquêté sur leurs pérégrinations pour être surpris de voir à quel point certains militants qui, dans les années 70 et 80, étaient encore fidèles au fascisme, étaient capables de s'y attaquer. Pour eux, "vivre dangereusement" était un mode de vie, bien plus qu'une phrase d'accroche ou un slogan. Je connais plus d'une demi-douzaine de journalistes, vivants et morts, qui correspondent à cette caractéristique, un échantillon trop petit pour être extrapolé en une catégorie universelle.

De même, j'en ai vu d'autres qui étaient membres de groupes fascistes dans les années 1960, qui l'ont fait avec entêtement et conviction idéologique, jusqu'au jour où ils sont arrivés à l'université et ont réalisé qu'à cette époque, soit vous étiez un militant de gauche, soit il était impossible d'arriver au cours sans être agressé. De plus, à cette époque, l'attrait principal des groupes de gauche était qu'ils avaient des filles... il y avait des gens qui étaient incapables de flirter et d'avoir assez d'aplomb pour aborder une femme, qui ne pouvaient faire l'expérience de cette chaleur que dans un groupe de gauche (bien sûr, après 1977, le gros du militantisme politique féminin s'est déplacé vers Fuerza Nueva, surtout à Madrid, ce qui coïncide avec la démobilisation de la gauche militante). Beaucoup ont milité dans ces groupes de gauche, ont dû lire les ouvrages illisibles de Nikos Poulantzas, Castoriadis, Debray, ou les résolutions soporifiques de la Quatrième Internationale, simplement pour pouvoir jouer les intellectuels devant les riches femmes de gauche et attirer leur attention en récitant les meilleures philippiques antifascistes comme le pigeon attire sa femelle avec son roucoulement. Tous ceux-là - qui n'étaient pas peu nombreux mais ne le sont plus - peuvent être appelés "antifascistes vaginotropes". "Quico el progre" (le personnage imaginé par le regretté Perich) avait beaucoup de cela et n'était certainement pas une caricature, mais la quintessence des pauvres diables qui étaient dans l'"opposition démocratique au franquisme" désormais mythifiée.

La psychopathologie de l'antifascisme

L'âme antifasciste, aujourd'hui, au 21ème siècle, oscille entre un complexe de culpabilité et la frustration.

Le complexe de culpabilité consiste à entretenir dans son subconscient l'intime conviction que l'on est coupable (pour n'importe quelle raison: de penser comme un prolétaire et de vivre comme un bourgeois, de ne pas vivre aux crochets de ses parents mais d'être incapable de leur témoigner de la reconnaissance, de l'estime et de l'affection, de se solidariser avec la dernière "lutte de libération" au dernier coin du monde mais d'être incapable d'aller plus loin, de faire plus d'efforts ou de porter la solidarité à des dimensions concrètes et appréciables, etc.)

loafeglgo.jpg

Il y a un fait sociologique qui mérite d'être noté : l'abondance d'individus ayant une éducation chrétienne que l'on retrouve dans les milieux antifascistes. En fait, tout le sentiment indépendantiste catalan actuel a une matrice boy-scout qui dérive des ordres religieux qui, dans les années 1960-90, ont inspiré ce mouvement et l'ont imprégné de valeurs "chrétiennes".

Les chrétiens "engagés" ont été éduqués à la notion de "péché". Le péché est une faute par action, omission, pensée, etc. Un être humain, par le simple fait de se lever du lit, alors qu'il préférerait continuer à se reposer, pèche (c'est le péché de paresse). La notion de péché et l'impossibilité d'y échapper entraînent un complexe de culpabilité permanent. D'où l'importance du sacrement de la confession et de l'absolution. C'est comme passer sa conscience à la machine à laver. Elle consiste à faire table rase du passé afin de réduire le sentiment de culpabilité, tout en générant un "but d'amendement". Du point de vue psychologique, il était nécessaire de compenser le risque omniprésent de pécher par un remède purificateur et, en même temps, par un enseignement moral visant à améliorer le comportement. "Je pèche, je sais que j'ai péché, je me confesse, j'écoute les conseils moraux du prêtre, je fais pénitence, je quitte le temple renouvelé". L'habileté du christianisme a été de débloquer la psyché des tendances les plus basses et de considérer la vie comme "un chemin de perfection". Malheureusement, cette conception n'est pas celle qui a cours dans la société actuelle, alors qu'arrive-t-il à quelqu'un qui "pèche", qui sait qu'il a fait ou pensé quelque chose de mal ou simplement de mauvais, et qui n'a pas la possibilité de "laver sa conscience" au moyen d'une vision du monde qui l'encourage à poursuivre sur le "chemin de la perfection" ?

Habituellement, les complexes de culpabilité créent une baisse de l'estime de soi qui peut même conduire à la dépression ou au suicide. D'un point de vue psychologique, il est essentiel que les personnes souffrant d'un complexe de culpabilité soient capables de le reconnaître, plutôt que de le garder latent dans les détours les plus sombres de leur psyché. Une vie psychologique saine et normale est incompatible avec l'existence de profonds complexes de culpabilité. Le processus mental par lequel l'esprit se protège des effets délétères de ces complexes est de les sublimer: "Oui, je suis coupable parce que je me branle... oui, je suis coupable parce que je ne fais pas assez pour les enfants du Brésil, oui, je suis coupable parce que le monde souffre et que je suis ici si heureux de vivre aux crochets de papa et maman... mais - et voilà la sublimation - il y en a d'autres qui sont PLUS coupables que moi : les fascistes, par exemple".

Ce processus de sublimation conduit à la première forme d'antifascisme psychologique. Qu'est-ce qu'un antifa ? Très simple: une personne coupable de quelque chose, qui a banni ce complexe dans les profondeurs de son subconscient et qui couvre cette culpabilité en forgeant l'image de quelqu'un de plus "coupable" que lui, projetant sur "l'autre" ses propres obsessions.

5hv16szkcom11.jpg

Ensuite, il y a le complexe de frustration. Il est normal pour chacun dans la vie de nourrir certaines frustrations. Une frustration est un désir définitivement inassouvi. Il y a souvent des personnes "progressistes", "de gauche", qui sont en permanence insatisfaites (à droite, ce pourcentage est plus faible en raison du pessimisme de ce milieu, qui s'est trop souvent limité à être les "Cassandre" de la société, la prophétesse qui voyait l'avenir et dont personne ne croyait les prédictions), insatisfaites du présent qui a été construit, précisément, sur les valeurs de la gauche. De la même manière que les personnes affligées d'un complexe de culpabilité le dissimulent par le processus de sublimation comme nous l'avons vu, la frustration du présent est couverte par des références permanentes au passé, un retour en arrière obsessionnel, souvent colérique et violent. C'est une forme d'antifascisme qui, en Espagne, a été appelée "mémoire historique". La gauche se tourne vers le passé pour éviter d'être horrifiée par le présent qu'elle a construit: dans l'éducation, dans l'immigration, dans la sécurité, dans la santé, dans la fiscalité, dans l'économie, dans les valeurs... Il est beaucoup plus confortable et réconfortant de regarder en arrière et de chercher les tombes des fusillés du régime franquiste (qui, dans de nombreux cas, s'avèrent être les victimes des miliciens rouges incontrôlés..., ce qui augmente encore plus la frustration et le blocage émotionnel dont ils souffrent) que de regarder le présent inquiétant et l'avenir incertain auxquels conduisent l'usage et l'abus des valeurs "progressistes" si chères à toutes les variétés entomologiques de la gauche.

Cette gauche, qui n'a pas d'avenir, n'a que l'alternative de se tourner vers le passé. Leur vie a été une frustration permanente.  L'antifascisme est la seule chose qui leur reste pour donner un sens à leur vie. Aujourd'hui, le franquisme n'existe plus, mais dans un village, dans une région reculée d'Espagne, on est prêt à trouver une plaque de rue portant le nom d'un dirigeant de la Phalange tombé dans une bataille inconnue. Ou une tombe dans laquelle on ne sait pas qui est enterré.

BfgcIgWk_400x400.jpg

Il resterait à parler d'un certain antifascisme pratiqué par les groupes de jeunes, auquel, outre le schéma du "complexe de culpabilité", la "frustration" est également très présente. Il semble évident que de nombreux jeunes ne se sentent pas compétitifs aujourd'hui, et se considèrent comme de véritables ratés, comme des sous-produits des lois sur l'éducation, toutes pires les unes que les autres, promulguées depuis 1973. Pour eux, le "facha" est le "gagnant". Ce n'est pas qu'ils conçoivent la lutte des classes entre exploités et exploiteurs, c'est qu'ils l'ont transférée sur le terrain du "succès" ou de l'"échec" et qu'il leur est impossible de penser à une autre mesure du succès que la propriété et l'argent. Quiconque possède des "biens" et de l'"argent" ne peut constituer pour eux que des "signes extérieurs" du "fascisme". Cela leur donne une raison suffisante pour le détester. La frustration, quant à elle, exalte cette haine et la rend inconditionnelle, irrationnelle, viscérale, sans appel. Ce manque de compétitivité idéologique, personnelle, politique, sociale, une caractéristique trop évidente qui est présente dans tous les sites et blogs antifascistes.

Enfin, les antifascistes qui sont également pro-indépendantiste (catalan ou basque) méritent une brève note. Leur pirouette est remarquable : ils combinent leur frustration personnelle avec celle qu'ils attribuent à une "nation". La Catalogne, qui faisait partie du royaume d'Aragon, n'a pas gagné de batailles, sur base de ses seules forces, depuis le 13ème siècle. De Muret aux 8 secondes d'"indépendance" décrétées par Puigdemont lors de cette mémorable session du "parlement" il y a cinq ans. Toutes les commémorations indépendantistes sont, inévitablement, des célébrations de défaites, sublimant ces défaites pour cacher le complexe de frustration latent de l'indépendantisme. "Le jour où la Catalogne sera libre, les meilleurs moments reviendront", quoi ? Peu importe, cela arrivera le jour où la Catalogne sera libre. La frustration disparaîtra alors. L'indépendance reconstruira l'histoire de la Catalogne sur la base d'une seule et improbable "victoire" à partir de laquelle la "vraie histoire" commencera: l'indépendance elle-même. C'est le vieux rêve messianique: "L'histoire commence avec moi, avant moi il n'y avait rien. Qu'est-ce qui m'empêche d'être moi-même ? L'Espagne fasciste".

En réalité, l'antifa indépendantiste occulte le passé en reconstruisant une histoire ad usum delphini, et projette ses illusions pour un futur improbable (une Catalogne indépendante est aussi viable qu'un stand de bonbons mous devant une clinique pour diabétiques) en situant le fait triomphal de l'indépendance de la Catalogne comme une fin de l'histoire et une entrée dans des temps mythiques dans lesquels la Catalogne "sera riche et pleine".

Cela dit, êtes-vous antifa ? Regardez vous, car ce que vous avez est un gros problème (psychologique voire psychiatrique) et ce n'est pas le fascisme qui est le problème, mais votre vie elle-même.

vendredi, 18 décembre 2020

Unmasking Antifa

1 d1mUYG37KPmhyGNZjKBkgA.jpeg

Know Your Enemy:
Antifa

Kyle Shideler, ed., Gabriel Nadales, Erin Smith, Matthew Vadum, J. Michael Waller
Unmasking Antifa: Five Perspectives on a Growing Threat
Washington: Center for Security Policy, 2020

619dEacx+tL.jpg

A menace stalks America: Antifa. While this menace has rampaged across the country since Donald Trump’s inauguration, very little information has circulated about the movement’s origins, means of support, or ideology. This deplorable situation has changed thanks to the Center for Security Policy [2].

The book is a series of essays. The first and most important essay is by Kyle Shideler [3]. It is the text of his testimony before the US Senate Judiciary Committee, Subcommittee on the Constitution. In this testimony, Shideler lays out the basics of the Antifa problem.

Testifying before a Senatorial committee is an enormous feat. We shouldn’t seek to disengage from ordinary public life. Every white advocate should be a good citizen, family man, and hard worker. Stand up straight and tall. Lieutenant Colonel Roberts [4], a Rightist of old that was certainly racially aware, was a model citizen and brave soldier. He had his work read into the Congressional Record by Congressman John R. Rarick [5] on October 9, 1968.

In late 1968, the United States was suffering from Sub-Saharan and Leftist violence and rioting. Abroad, it appeared as though the Soviet Union was winning the Cold War. It seemed that the Red Flag of Revolution would fly atop the globe and America would become a new Congo. But little things, like getting your ideas to a Congressman, made a big difference in the long run.

Joe Biden is Right: Antifa is an Idea

Gabriel Nadales, a former Antifa activist, argues that one shouldn’t consider Antifa an organization. Instead, it should be understood “not as a noun but as an adjective and a verb” (p. 30). To put it in other words, Antifa is a movement. It has no central control center. Instead, it has a package of ideas that anyone can download. Antifa “as an adjective” is the various Left-wing organizations and independent activists who consider themselves “antifascist.” The structure of these groups is horizontal. A person in a more ordinary Leftist group can connect with more radical Leftists through overlapping ideas, groups, and people. An impressionable Leftist can thus start with concern for abandoned puppies with cute eyes and end up a mask-wearing arsonist. The latter thing is the “verb”: the willingness to promote ideas with violence.

30BLACKBLOCS-BW-2-jumbo.jpg

With the above in mind, a good way to step over the idea of Antifa but defeat the idea just the same is for a prosecutor to ignore the “Antifa ideology” and target Antifa rioters as a group of individuals conspiring to commit acts of arson and vandalism. This is just a suggestion, though. So far, no legal strategies have really worked against Antifa that I know of.

Antifa ideology

Antifa’s ideology is the following. They view America’s government and its constitutional founding principles as racist and therefore illegitimate.

“Like an electrostatic force, the movement continues to push larger elements of the public to become more and more ‘anti-racist’ or ‘anti-fascist’ — as if the vast majority of Americans are not already that way — to compel normal people to believe that lack of militancy is in itself racist and fascist” (p. 11).

Antifa_logo.jpg

 [6]

Antifa’s twin flags represent two different things. The red flag represents Communism and the black flag represents Anarchism. The two ideologies are actually incompatible, but that hardly matters – neither creed works in the real world. Anarchists and Communists had a bitter falling out during the Spanish Civil War.

Antifa has five “Points of Unity” that any Leftist organization or unaffiliated Leftists can believe in.

They are:

  1. We disrupt fascist and far-right organizing and activity.
  2. We don’t rely on the cops or courts to do our work for us. This doesn’t mean we never go to court, but the cops uphold white supremacy and the status quo. They attack us and everyone who resists oppression. We must rely on ourselves to protect ourselves and stop the fascists.
  3. We oppose all forms of oppression and exploitation. We intend to do the hard work necessary to build a broad, strong movement of oppressed people centered on the working class against racism, sexism, nativism, anti-Semitism, Islamophobia, homophobia, transphobia, and discrimination against the disabled, the oldest, the youngest, and the most oppressed people. We support abortion rights and reproductive freedom. We want a classless, free society. We intend to win!
  4. We hold ourselves accountable personally and collectively to live up to our ideals and values.
  5. We not only support each other within the network, but we also support people outside the network who we believe have similar aims or principles. An attack on one is an attack on all. (p. 18)

063-1162230776-width_3200_height_1742_x_0_y_280.jpg

With the religion of Negro Worship and the illicit second constitution [7] that is the 1964 Civil Rights Act behind them, Antifa can call the shots with rhetorical framing.

To achieve real-world dominance, Antifa must first achieve a kind of information battlespace dominance. This is done through a fundamentally dishonest rhetorical tactic. . . By keeping the meaning of critical terms such as “fascism,” “fascism-adjacent,” “violence,” and “self-defense” purposefully undefined, self-labeled “antifascists” are able to deploy the classic motte-and-bailey rhetorical tactic that makes them hard to pin down. Antifa supporters deliberately camouflage their own aggressively authoritarian definitions — whereby all opposition to their activities is considered de facto fascist as the more normal and mainstream understanding of those terms. (p. 48)

Antifa wishes to make it too costly for anyone that is a “fascist” to operate. Erin Smith calls this tactic “operant conditioning.” Should Antifa continued unchecked, political involvement will become too costly for ordinary Americans.

712+jAOCv7L.jpg

A way to counter these ideas is to emphasize that the definition of “far-right organizing and activity” is so broad as to include anyone, even moderate Democrats. Second, keep up the emphasis that Sub-Saharans are dangerous. Finally, remind people that Leftism is a lie. Its utopian vision always ends in blood and tears when applied in the real world. Furthermore, Leftism requires one to lie about things that are obviously true, Transsexuals [8] are boys pretending to be girls (or vice versa). It isn’t “science.”

Antifa Tactics

Some of the earliest rioters that had an ideology like Antifa were involved in the 1848 revolutions in Europe. (Many of the 48s weren’t Anarchists. 1848 is a long story.) In America, Anarchists were active in Chicago in the nineteenth century. They were led by Albert Parsons, an old-stock American with Yankee roots who served in the Confederate Army. Many of the early Anarchist thinkers were Germans.

Today’s Antifa tactics have been honed since the Spanish Civil War [9] and were further refined in Germany. Antifa groups in Central Europe during the Cold War had state sponsorship from East Germany. The concept of “Autonomous Zones” arose in Germany.

Concerned citizens shouldn’t go looking for an Antifa chapter. Instead, Antifa adherents swim in the swamps of other Leftist groups. Their trick is to be interwoven with otherwise legitimate protestors and wreak havoc. The police are thus forced into a lose-lose situation. It is too easy for them to use too much force and thus get social scorn from all sides, or they can do nothing and appear weak.

Antifa Logistics

Amateurs talk tactics, professionals talk logistics. Who provides the funding for hotel rooms, transportation, medical care, and food? Where Antifa gets its funding is a mystery. In the “Autonomous Zones” that sprung up with the George Floyd riots, Antifa members resorted to running protection rackets on the businesses in the areas they occupied. They also shook down passing people for money. This didn’t net much.

Antifa-Protesters-Michigan-Reuters-e1523547338187.jpg

The authors suspect that Antifa gains some financial support from Black Lives Matter, a movement with which they overlap ideologically. Black Lives Matter gets millions of dollars in funding. Indeed, $90 million was raised to bail out protestors (p. 75). Arrested Antifa are also supported by the National Lawyers Guild. This innocuous-sounding organization’s origins are with the Communist Party USA. Furthermore, long-standing Communist groups have been involved in the George Floyd rioting and they are likely contributing. The authors also believe George Soros has a hand in funding Antifa.

Nobody knows for sure, though. And nobody in law enforcement seems to want to find out. The authors argue that members of the Democratic Party are sympathetic to Antifa. Thus Democrats in the Deep State are making sure that the FBI is ineffective. FBI memos are leaving Antifa disturbances to local police, who are easily overwhelmed. The FBI is really only a semi-competent Pretorian Guard [10], — it is time to consider abolishing it and rolling up any worthwhile functions into the Department of Homeland Security.

The Antifa movement is of foreign origin (Germany, Spain, etc.). It is networked internationally, and it has targeted constitutionally recognized politicians. Its goal is the overthrow of the United States government and traditional American liberties. It is time for American society to move against this movement.

Of course, it is easy to say American society should. . . and so far, Antifa terrorists have been getting away with their crimes. But it is not unusual that the ground has shifted under an idea, institution, or movement when it is at its height. Bigger and better things have crashed than Antifa.

The (possibly) incoming president, Joe Biden, probably recognizes the potential for his opposition to be more ferocious than it was for Bill Clinton [11] earlier. He has sent out feelers for “outreach to conservatives.” Should you get “outreached” by anything related to Joe Biden, you need to say the number one priority is destroying Antifa. Remember, Biden signed the 1994 Crime Bill [12]. We might be able to work with him. Regardless, it is your duty to be a good citizen.

If you want to support Counter-Currents, please send us a donation by going to our Entropy page [13] and selecting “send paid chat.” Entropy allows you to donate any amount from $3 and up. All comments will be read and discussed in the next episode of Counter-Currents Radio, which airs every weekend on DLive [14].

Don’t forget to sign up [15] for the twice-monthly email Counter-Currents Newsletter for exclusive content, offers, and news.

Article printed from Counter-Currents: https://counter-currents.com

URL to article: https://counter-currents.com/2020/12/know-your-enemy-antifa/

URLs in this post:

[1] Image: https://counter-currents.com/wp-content/uploads/2020/12/unmaskingantifa.png

[2] Center for Security Policy: https://www.centerforsecuritypolicy.org/

[3] Kyle Shideler: https://www.centerforsecuritypolicy.org/wp-content/uploads/2020/08/Shideler_full_bio.pdf

[4] Lieutenant Colonel Roberts: https://counter-currents.com/2020/09/metapolitics-matterslieutenant-colonel-archibald-roberts-the-anatomy-of-a-revolution/

[5] John R. Rarick: https://en.wikipedia.org/wiki/John_Rarick

[6] Image: https://counter-currents.com/wp-content/uploads/2020/12/antifaflag.png

[7] illicit second constitution: https://counter-currents.com/2020/02/target-the-1964-civil-rights-act/

[8] Transsexuals: https://counter-currents.com/2019/01/the-adults-left-the-room-a-long-time-ago/

[9] Spanish Civil War: https://counter-currents.com/tag/spanish-civil-war/

[10] Pretorian Guard: https://en.wikipedia.org/wiki/Praetorian_Guard

[11] Bill Clinton: https://counter-currents.com/2020/05/near-greatness-shenanigans-bill-clinton-the-unwise-right/

[12] 1994 Crime Bill: https://counter-currents.com/2017/09/he-was-just-about-to-turn-his-life-around/

[13] our Entropy page: https://entropystream.live/countercurrents

[14] DLive: https://dlive.tv/counter-currents

[15] sign up: https://counter-currents.com/2020/05/sign-up-for-our-new-newsletter/

00:05 Publié dans Actualité, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, antifascisme, antifa, livre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 15 octobre 2020

Gauchistes de tous les pays, vive le fric-Système !

DLoHHXiWAAAgrB6.jpg large.jpg

Gauchistes de tous les pays, vive le fric-Système !

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

Si nos ‘amis’-trotskistes (du site WSWS.org, pour ne pas le nommer mais tout le monde aura reconnu les siens) étaient, disons assez habiles sans parler un instant d’honnêteté pour se libérer de quelques liens idéologiques qui les tiennent drôlement serrés, un article comme celui-ci devrait donner un peu de grain à moudre à leur pensée linéaire et impeccablement révolutionnaire-permanente. Car ce sont de drôle d’‘amis’, et leur ‘révolution permanente’ c’est devant leur porte qu’elle devrait être faite ; c’est-à-dire, certes, s’ils croient en leur mantra concernant le capitalisme, son impérialisme et tout le toutim d’anathèmes et de fureurs énormes dont leurs articles résonnent.

auQqsDOW_400x400.jpgMichael Rectenwald, universitaire côté, plutôt de tendance libertarienne s’il fallait l’étiqueter, auteur d’une liste impressionnante de livres dont le plus récent sur et au-delà de la ‘woke ideology’ qui ravage les USA et le bloc-BAO en général, nous explique dans ce long texte pourquoi les gauchistes qui massacrent les rues des grandes villes américanistes et les grands groupes transnationaux (très souvent d’origine US mais pas seulement) du capitalisme globalisé avec leurs patrons hyper-riches du club-des 0,0099% ont totalement, organiquement, ontologiquement partie liée, – sous l’égide, notamment du ‘Corporate Socialism’.

(Nous préférons garder l’anglais de l’expression si frappante, dans la mesure où ‘Corporate’ est un terme typiquement capitaliste aux USA, dans le langage des Maîtres du monde’. En français, nous le trouvons trop proche de sa racine, – ‘corporation’, – qui garde une forte connotation passéiste, du temps du Moyen-Âge notamment. Ne parlons pas, enfin, du sujet qui fâche et enflamme les petites âmes, le corporatisme en fait d’outil ou de référence du fascisme.)

Les deux clans sont les deux frères-siamois nés comme la dernière monstruosité en date, – la dernière tout court, espérons-nous, mais particulièrement monstrueuse, – accouchée par le Système déstructurant et entropique qui opérationnalise le ‘déchaînement de la Matière’.” Ce qui se passe aux USA est par conséquent catastrophique devrait-on dire; à moins, poursuivrait-on avec alacrité et une ardeur tranquille, que cette lie fangeuse ait enfin et victorieusement franchi le sommet ultime de son ‘principe de Peter’ et soit en train de se lancer dans l’ouvrage tant attendu de son autodestruction, – ce qui est de plus en plus notre intime conviction (maintes fois répétée) tant la méthode rend ceux qui l’appliquent, – à la fois fous complètement et de plus en plus stupides.

L’article de Rectenwald montre à la perfection comment le ‘Corporate Socialism’ et les gauchistes de BM-Antifa ont complètement et absolument partie liée ; ce qui explique que les $uper-riche$ du premier financent à fond et à mort les seconds. (Outre l’inévitable Soros, l’éternelle prostate de l’hypocondriaque du cancer, divers noms d’oiseau sont lancés et nous retenons pour ce cas un excellent article sur Warren Buffet, du 6 octobre, sur TabletMag.com, sous le titre : « Warren Buffet est-il le compte en banque derrière les Black Lives Matter ? ») C’est une explication fort acceptable du rôle, de la fonction, de l’organisation, de la résilience et nous en passons, des BLM avec leurs petites mains (fort-blanches) des Antifas, sans oublier la nébuleuse absolument abracadabrantesque-surréaliste des mille chemins de la révolution genriste-genrisé, LGTBQ, etc., tout cela acclamé et sponsoré par tout ce que le système peut avoir de simulacres-communication, de la presseSystème, de l’édition, de l’entertainment, de l’ex-Haute Couture, de la parfumerie et produits de luxe, de l’hollywoodisme, du porno, etc.

EgSW1KIWoAIEOvO.jpg

Rectenwald ne s’aventure pas trop vers les thèses d’un arrangement de A jusqu’à Z, du complotisme parfait, jusqu’à l’arrangement planifié de l’affaire Civid19. Il laisse le terrain dans le vague et il n’a pas tort, car il n’est pas temps de chasser des sorcières qui s’avèreraient des chimères, ni des chimères qui pourraient vous ensorceler. Il reste que l’affaire de la Covid est tombée à pic pour le ‘Corporate Socialism’ et qu’il a sauté dessus... Mais, comme l’on sait, car on n’arrête pas de disséquer l’affaire et de découvrir que l’affaire n’est pas finie et loin d’être faite, le Covid19 n’a pas que des vertus pour ces gens-là.

En fait, avec le texte de Rectenwald le champ de la bataille est parfaitement identifié et fait surgir quelques questions qu’il serait, non qu’il sera intéressant de poursuivre. Par exemple, comment un homme de l’intelligence et de l’honnêteté d’un Mélenchon peut-il concilier son soutien absolument résolu à l’ouverte massive à l’immigration qui est objectivement un des buts principaux du ‘Corporate Socialism’ pour le but que mentionne Rectenwald, et son amitié et son estime ardentes pour Chavez qui fut ce populiste, adversaire redoutable et souvent victorieux de la chose ? C’est une question qui en fera naître d’autres, et franchement l’argument électoraliste ne peut en aucun cas nous satisfaire.

Mais laissons là le commentaire du texte de Rectenwald qui a bien assez en lui-même pour faire sa propre promotion. Ce qui nous importe est de mettre en cause certaines des plus probables conclusions que certains seraient tentés de tirer de ce texte.

Nous revenons sur une remarque faite plus haut dans notre propre texte : “Les deux clans [du gauchisme et du ‘Corporate Socialism’] sont les deux frères-siamois nés comme la dernière monstruosité en date, – la dernière tout court, espérons-nous, mais particulièrement monstrueuse, – accouchée par le Système déstructurant et entropique qui opérationnalise le ‘déchaînement de la Matière’.” Il y a deux points dans cette remarque :

  • “la dernière monstruosité en date”, ce qui implique qu’il y en a eu d’autres auparavant ;
  • “... mais particulièrement monstrueuse”, ce qui implique qu’elle fait du bruit, qu’elle est très visible, en même temps qu’elle profite à d’étranges alliances et entretient des crises non moins étranges, dans une époque dont nous ne disons pas assez qu’elle est, elle aussi, particulièrement étrange ;
  • d’où (point annexe) la possibilité de réactions inattendues, imprévisibles, peut-être incontrôlables, du côté de chez l’un ou l’autre Swann de la postmodernité.

Thought_Criminal.jpegLe tableau que nous dresse Rectenwald est effectivement saisissant, sinon catastrophique, mais c’est pour cela que c’est bien intéressant... Nous voulons dire par là qu’il y a déjà eu des monstres accouchés par le Système, qui pour s’emparer d’une région, qui d’un pays, qui d’un continent (rappelez-vous les bananières de l’Amérique centrale, de United Fruit et de la CIA), qui d’une époque et de l’histoire elle-même. Il était souvent difficile de faire une certaine unité contre lui, par exemple quand Washington D.C. expliquait au ‘Monde Libre’ ébloui, qu’il fallait bien défendre la démocratie et la liberté contre la super-monstruosité communiste, en liquidant tout ce qui dépassait, du Castro de Cuba à l’Allende du Chili. L’‘avantage’ paradoxal de la situation actuelle est que l’ennemi s’est mis à découvert, parce qu’il doit se mettre à découvert pour accomplir son forfait et continuer à crever sous le poids du fric ; et l’on sait que, dans toute grande stratégie, l’identification de l’ennemi (de l’“ennemi principal”, disait Ho Chi-minh) est un acte fondamental sur le chemin, au moins de la bataille, sinon de la victoire.

Tout cela se fait alors que la nervosité est extraordinaire et ne cesse de grandir ; parce que, comme nous l’écrivions et nous sommes de plus en plus dans ce sentiment, les circonstances de contrainte et de confusion des autorités diverses vis-à-vis de la lutte contre Covid19 qui doit absolument se poursuivre pour favoriser le ‘Corporate Socialism’, « mettent en évidence autant qu’ils le favorisent ce fait qu’on ne s’habitue pas aux contraintes de Covid, que ni la durée ni la répétition ne parviennent à les banaliser ». En d’autres termes, rien ne vient nous distraire de la grognerie, de la mauvaise humeur, de l’insupportabilité, de l’emportement et de la fureur, de l’angoisse et de la haine, par rapport à tout ce qui a à voir avec les événements et plus précisément cet événement; alors que l’évidence ne cesse de nous montrer le rôle qu’y jouent les monstres du ‘Corporate Socialism’.

Nous insistons là-dessus : même le soutien opérationnel et lourdement friqué du ‘Corporate Socialism’ apporté à toutes les poussées LGTBQ est en marche depuis des années, comme nous le notions à partir de remarques de Justin Raimondo et de Glenn Greenwald (tous deux homosexuels) en avril 2013. Aujourd’hui, il est visible, criant et puant, très souvent grotesque, aussi souvent d’une stupidité obscène parce que d’un conformisme extraordinaire, et enfin il est cause directe et souvent identifiée de toutes les instabilités psychologiques, révoltes, fureurs & Cie. C’est-à-dire qu’il mobilise les gens contre lui alors qu’hier nul ne s’en avisait vraiment, parmi les ‘braves gens’ qui ne font pas trop de politique et bien sûr parmi les autres qui étaient payés pour.

John D. Rockefeller pour à peu près tout, J.P. Morgan de Wall Street organisant l’aide financière US à l’Angleterre pendant la Grande Guerre, quelques grands trusts US, de Standard Oil à ITT, travaillant avec Hitler jusqu’en 1945, – nous en étions les dupes consentant, consommateurs et admirateurs, adeptes de l’American Dream qui avait les traits de JJSS vendant à un million d’exemplaires son Défi américain de 1966...

Aujourd’hui ?

Les dupes, aujourd’hui, on les retrouve à l’extrême-gauche. Certes, il y a certaines choses qui les rapprochent, comme l’internationalisme, la haine des frontières, celle des identités lorsqu’elle est blanche ou Caucasienne-Américaine, leur commune croyance que le chaos est le détonateur du ‘Meilleur des Mondes’... Mais qui et quoi, et de quel ‘Meilleur des Mondes’ parle-t-on ? Il faut tout de même bien croire qu’il y en a quelques-uns à dire le vrai de leur sentiments et à détester en vérité le capitalisme, dans les cohortes BLM/Antifa & Consorts, et aussi chez nos ‘amis’ de WSWS.org qui continuent à voir dans le cirque BLM/Antifa un sous-jacent immensément trotskiste, et peut-être même chez Mélenchon, tout au fond du Pied-Noir de Staouéli... Ceux-là, ils seront bien obligés un jour de faire leurs comptes, sur insistance de leurs consciences.

Et aussi, et ainsi, que se passera-t-il le jour où ils n’auront plus Trump pour attirer, susciter, embraser, remettre en feu leur brasier d’une haine commune... ?

Le texte ci-dessous, adapté en français, est mis en ligne sur RT.com le 12 octobre 2020. Le titre original est : « Qui finance la gauche américaine émeutière et pourquoi ? La classe milliardaire
dedefensa.org

40807525_101.jpg

Gauchisme & capitalisme : leur grande passion

par Michael Rectenwald

Pourquoi les entreprises géantes et les milliardaires financent-ils Black Lives Matter et Antifa, deux groupes socialistes avoués ? Et pourquoi les gauchistes acceptent-ils leur aide ? Ils veulent tous deux une sorte de socialisme, mais un seul d'entre eux pourrait obtenir ce qu'il veut.

Si vous connaissez les sources de financement des entreprises et les milliardaires qui financent Black Lives Matter (BLM) et Antifa, ainsi que les engagements socialistes de ces groupes et de leurs dirigeants, vous vous êtes probablement demandé pourquoi la "classe capitaliste" soutiendrait un mouvement dont la doctrine est apparemment contraire à ses propres intérêts. Ces bailleurs de fonds ne sont-ils pas des capitalistes après tout, et les capitalistes ne s'opposent-ils pas naturellement au socialisme ?

Et pourquoi les gauchistes américains dansent-ils comme des marionnettes attachées à des ficelles tirées par des milliardaires globalistes ? Ne comprennent-ils pas qu'ils servent en fait les maîtres auxquels ils prétendent s’opposer ?

La réponse n’est pas aussi simple que le suggère le site World Socialist Web Site : « Les objectifs du mouvement Black Lives Matter se sont alignés sur ceux de Wall Street et du gouvernement américain ». La réponse n'est pas non plus que BLM/Antifa se soit simplement “vendu” aux capitalistes. La classe des donateurs ne commet pas non plus d’erreur et ne s’intéresse pas spécialement à l'égalité raciale. La réponse est que les élites des entreprises et des milliardaires préfèrent une sorte de socialisme, à savoir le ‘Corporate Socialism’.

Le ‘Corporate Socialism’, késako ?

Et qu’est-ce que le ‘Corporate Socialism’ ? Le ‘Corporate Socialism’ n'est pas seulement un renflouement des entreprises par les gouvernements. Il s'agit d'un système à deux niveaux de ‘socialisme réel’ sur le terrain, parallèle à un ensemble de monopoles d'entreprises au sommet (‘socialisme réel’ est un terme péjoratif utilisé principalement par les dissidents dans les pays socialistes pour désigner ce qu'était réellement la vie sous le socialisme, plutôt que dans les livres trompeurs de Marx et ses épigones).

unnamedsoccc.jpg

Richesse pour quelques-uns, ‘égalité économique’ dans des conditions réduites pour le plus grand nombre, – le ‘Corporate Socialism’ est une forme de néo-féodalisme.

Dans Wall Street and FDR, l’historien Anthony C. Sutton a décrit le ‘Corporate Socialism’, tel qu’il s’est développé au XIXe siècle, et l'a distingué du socialisme d’État, comme suit :

« [Le] schéma de l’oligarque parasite et pilleur suit aussi, sous d’autres étiquettes, la même démarche que le plan socialiste. La différence entre un monopole d’État corporatif et un monopole d’État socialiste ne concerne que l’identité des groupe contrôlant la structure du pouvoir. L'essence du socialisme est le contrôle monopolistique de l’économie par l’État à l'aide de planificateurs appointés et d’agents d’influence du monde académique. D’un autre côté, Rockefeller, Morgan et leurs amis du Corporate Power visaient à acquérir et à contrôler leur monopole et à maximiser leurs profits par leur influence dans l'appareil politique de l'État; cela, bien que planificateurs appointés et les agents d’influence du monde académique soient toujours nécessaires, est un processus discret et bien plus subtil que la propriété de l’État socialiste... Nous donnons à ce phénomène de monopole légal du Corporate Power, – le contrôle du marché acquis par le moyen de l’influence politique, – le nom de ‘Corporate Socialism’. »

Ce que Sutton appelle le ‘Corporate Socialism’ pourrait autrement être nommé ‘socialisme d’entreprise’ ou ‘capitalisme socialiste’.

Pour les socialistes d'État comme pour les socialistes d’entreprise, le marché libre est l’ennemi. Ils cherchent tous deux à l’éliminer. Le marché libre menace le système de contrôle de l’État dans le cas du socialisme d’État. Dans le cas du socialisme d’entreprise, le marché libre représente un obstacle à l’accumulation de la richesse. Les socialistes d’entreprise ne cherchent pas à éliminer le profit. Bien au contraire, ils veulent l’augmenter à leur seul avantage.

Pour garantir et apprécier les profits au maximum, les socialistes d’entreprise cherchent à éliminer la concurrence et le libre marché. Comme l'a écrit Sutton, pour les socialistes d'entreprise du XIXe siècle : « La seule voie sûre vers l’acquisition de richesses massives était le monopole : chassez vos concurrents, réduisez la concurrence, éliminez le laissez-faire et, surtout, obtenez la protection de l’État pour votre industrie grâce à des politiciens corrompus et des réglementations gouvernementales conformes. »

La différence entre le socialisme d'État et le socialisme d'entreprise est donc simplement qu’un autre groupe de monopolistes est aux commandes. Dans le socialisme d’État, le monopole est détenu par l’État. Dans le socialisme d’entreprise, les monopolistes sont des groupes et des conglomérats géantes. Mais les deux économies politiques sont caractérisées par le monopole.

freedom-liberty-difference-understanding-independence-matters-hero2.jpg

Et les deux systèmes utilisent l’idéologie communiste-socialiste, – ou ses incarnations récentes, la “justice sociale” ou l’idéologie de l’“éveil” (‘woke ideology’) – pour faire avancer leurs programmes. Pour le ‘Corporate Socialism’, le monopole des entreprises est la fin souhaitée et l’idéologie socialiste est l’un des moyens.

L’idéologie socialiste profite aux socialistes d’entreprise parce qu'elle diabolise la concurrence et le marché libre dans le but de les éliminer. Cela explique pourquoi des entreprises capitalistes comme Amazon et des donateurs capitalistes méga-riches comme George Soros et Tom Steyer financent en fait des organisations ayant des programmes explicitement socialistes, comme Black Lives Matter, et pourquoi Google, YouTube, Facebook, Twitter et d’autres géants de l’Internet favorisent apparemment les contenus et les utilisateurs de gauche, voire socialistes, plutôt que de droite.

Codiv19 et émeutes : le verrouillage

Nous pouvons voir le plan socialiste des entreprises en action avec les confinements de Covid-19 et les émeutes Black Lives Matter/Antifa. Les mesures de verrouillage draconiennes employées par les gouverneurs et les maires démocrates et les destructions perpétrées par les émeutiers font le travail que les entreprises socialistes veulent voir faire. Faut-il s'étonner que les élites des entreprises favorisent la politique de gauche ? En plus de déstabiliser l'État-nation, les politiques de gauche contribuent à détruire les petites entreprises, éliminant ainsi les concurrents.

Comme le souligne la Fondation pour l'éducation économique (FEE), les fermetures et les émeutes se sont combinées pour donner un coup de poing à des millions de petites entreprises, – “l’épine dorsale de l'économie américaine”, – dans toute l’Amérique. La FEE a indiqué que « ...7,5 millions de petites entreprises américaines risquent de fermer leurs portes pour de bon. Une enquête plus récente a montré que même avec des prêts fédéraux, près de la moitié des propriétaires de petites entreprises disent qu'ils devront fermer pour de bon. Le bilan est déjà lourd. Rien qu'à New York, les commandes de produits à domicile ont forcé la fermeture définitive de plus de 100 000 petites entreprises ».

En outre, les entreprises appartenant à des minorités sont les plus à risque. Même le gouverneur de New York, Andrew Cuomo, est d'accord : « Elles représentent 90 % des entreprises new-yorkaises et sont confrontées aux défis les plus difficiles. »

En attendant, comme le fait également remarquer la FEE, rien ne prouve que les mesures de verrouillage aient fait quoi que ce soit pour ralentir la propagation du virus. De même, rien ne prouve que Black Lives Matter ait fait quoi que ce soit pour aider les vies noires. Au contraire, la campagne émeutière et meurtrière de BLM et d’Antifa a prouvé que les vies noires n’ont pas d'importance pour BLM. En plus d'avoir assassiné des Noirs, les émeutes de protestation de BLM et d’Antifa ont causé d'énormes dommages aux commerces et aux quartiers noirs, et donc, elles ont couté des vies noires.

Alors que les petites entreprises ont été écrasées par la combinaison de fermetures draconiennes et de folies émeutières, des géants de l'entreprise comme Amazon ont prospéré comme jamais auparavant. Ces deux évolutions ont eu lieu “par hasard” pour nous rapprocher du socialisme d'entreprise.

Comme l'a fait remarquer BBC News, au moins trois des géants de la technologie, – Amazon, Apple et Facebook, – ont bénéficié de gains massifs pendant les mesures de verrouillage, gains qui ont sans doute été favorisés par des émeutes qui ont coûté entre un et deux milliards de dollars en dommages matériels. Au cours des trois mois qui se sont terminés en juin, Amazon a réalisé « un bénéfice trimestriel de 5,2 milliards de dollars (4 milliards de livres sterling), le plus important depuis la création de la société en 1994, et ce malgré les dépenses importantes en équipements de protection et autres mesures dues au virus ».

amazon-community-antifa-badge-internet-censorship-cartoon.jpg

Les ventes d'Amazon ont augmenté de 40 % au cours des trois mois qui se sont terminés en juin. Comme le rapporte TechCrunch, Facebook et ses plateformes WhatsApp et Instagram ont vu le nombre d'utilisateurs augmenter de 15 %, ce qui a porté les revenus à un grand total de 17,74 milliards de dollars au premier trimestre.

Le nombre total d'utilisateurs de Facebook a atteint trois milliards d'internautes en mars, soit les deux tiers des internautes du monde entier, un record. Les revenus d'Apple ont grimpé en flèche au cours de la même période, les bénéfices trimestriels ayant augmenté de 11 % en glissement annuel pour atteindre 59,7 milliards de dollars. « Walmart, la plus grande chaîne alimentaire du pays, a déclaré que les bénéfices ont augmenté de quatre pour cent, à 3,99 milliards de dollars », au cours du premier trimestre de 2020, comme l’a rapporté le Washington Post.

Ces mêmes entreprises sont également des partisans majeurs de BLM et des groupes affiliés. Comme l'a rapporté CNET, « Google s'est engagé à verser 12 millions de dollars, tandis que Facebook et Amazon donnent tous deux 10 millions de dollars à divers groupes qui luttent contre "l'injustice raciale". Apple s'est engagé à verser 100 millions de dollars pour une nouvelle initiative en faveur de l'équité et de la justice raciales qui ‘remettra en question les obstacles systémiques aux opportunités et à la dignité qui existent pour les communautés de couleur, et en particulier pour la communauté noire’, selon le PDG d’Apple, Tim Cook. »

Est-ce juste une coïncidence que le nombre de petites entreprises ait été presque réduit de moitié par les fermetures de Covid-19 et les émeutes BLM/Antifa, alors que les géants de l'entreprise ont consolidé leur emprise sur l'économie, ainsi que leur pouvoir sur l'expression individuelle sur Internet et au-delà ? Ou alors, les fermetures et les émeutes prouvent-elles que le socialisme d'entreprise est en marche ? Et le “woke capitalism” (‘capitalisme [r]éveillé’) n'est-il qu'une campagne de relations publiques concertée visant à apaiser les militants et les Noirs afin de s'attirer des faveurs et d’éviter de mettre en cause la culture (‘cancel culture’) ? Ou bien le ‘capitalisme [r]éveillé’ exprime-t-il réellement des intérêts socialistes corporatifs et globalistes ? À quoi ressemblerait une politique qui servirait de tels intérêts

Le ‘Corporate Socialism’ et son gauchisme

Pour renforcer le programme globaliste du ‘Corporate Socialism’, leurs monopoles ou quasi-monopoles, un credo politique serait probablement de promouvoir la libre circulation des travailleurs au-delà des frontières nationales et serait donc internationaliste plutôt que nationaliste.

Les monopoles ou monopoles en devenir des entreprises globalisées géantes bénéficieraient probablement de la création de types d'identité totalement nouveaux pour de nouveaux marchés spécialisés. Ils accueillent donc et encouragent le pluralisme des sexes, le transsexualisme et d’autres morphismes sexuellement identitaires. Le bouleversement des catégories d’identité de genre stables érode et contribue au démantèlement de la famille, le dernier bastion d'influence protégeant les masses contre le pouvoir des entreprises.

En fin de compte, le ‘Corporate Socialism’ mondial bénéficierait d'un monopole gouvernemental unique globalisé avec un seul ensemble de lois, et promouvrait ainsi un internationalisme sans frontières sous un gouvernement mondial, de préférence sous leur contrôle total, autrement dit le globalisme [mondialisme pour les Français]. Tout cela bénéficierait plantureusement de l’élimination des petites entreprises.

Comment cela s’inscrit-il dans le cadre du gauchisme contemporain ? Il a les mêmes objectifs. Le gauchisme encourage une immigration sans entraves. Il encourage le pluralisme des sexes et le transgenrisme et appelle ouvertement à la dissolution de la famille. Il cherche à détruire la mémoire historique, la culture traditionnelle, le christianisme et l’État-nation. Il vise à créer un monopole mondial du gouvernement. Il méprise les petites entreprises et la libre entreprise.

Ainsi, la politique de gauche s’aligne parfaitement avec les intérêts globalistes des entreprises monopolistiques. Le ‘Corporate Socialism’ est le bénéficiaire de leur ‘activisme’.

Michael Rectenwald

Source

 

 

jeudi, 05 décembre 2019

L’antifascisme de la RDA et sa mise en question

Bundesarchiv_Bild_183-1986-0813-460,_Berlin,_Parade_von_Kampfgruppen_zum_Mauerbau.jpg

L’antifascisme de la RDA et sa mise en question

par Jacques Poumet

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

 
L’est de l’Allemagne et la RDA sont perçus par les étudiants français à travers l’image qu’en véhiculent les livres d’histoire et surtout les médias. Ceux-ci ont une prédilection pour les sujets qui allient le spectaculaire à l’émotionnel, pour les événements qui alimentent les craintes collectives, pour les affaires qui font apparaître le dessous des choses.

De ce point de vue, les années qui ont suivi la réunification ont offert de quoi alimenter la chronique, et ce qui a été perçu de la RDA rétrospectivement nourrit sans doute durablement l’imaginaire de nos étudiants. L’économie n’y tient pas la place principale, mais les esprits sont marqués par ce qui a fait longtemps la une des médias : la découverte du monde de la Stasi et du mouchardage généralisé, l’explosion des actes xénophobes après 1989, la présence visible de l’extrême-droite, qui ravivent les vieilles craintes et confirment les suspicions.

Il peut être utile de partir de cette observation contemporaine pour démêler la part de l’ancien et du nouveau dans ce phénomène inquiétant. L’extrême-droite dans les nouveaux Länder a-t-elle quelque chose à voir avec le rapport de la RDA au nazisme, ou est elle entièrement née de l’après-réunification ? Peut-on apprécier, et avec quels moyens, la réception en RDA de l’antifascisme officiel ?

L’antifascisme sert à légitimer la RDA

4Dans l’historiographie de la RDA, la période 1945-1949 est désignée comme celle des transformations « antifascistes démocratiques », de l’ordre « antifasciste démocratique ». Elle se définit par le caractère antifasciste de la politique qui y est menée sous le contrôle de l’occupant soviétique. La fondation de l’État est-allemand est présentée comme inscrite dans la continuité de cette période de transition : la RDA est fille de l’antifascisme. L’occupant soviétique n’apparaît pas comme l’acteur principal de ce « bouleversement », ce qui serait contre-productif dans une perspective d’autolégitimation. Dans l’historiographie de RDA, les acteurs sont des antifascistes de divers horizons, dont l’expression politique commune est le « front Unique » des partis antifascistes et démocratiques (Einheitsfront der antifaschistisch-demokratischen Parteien) et qui collaborent au renouveau de l’Allemagne au sein d’un dispositif dont le SED est la pièce maîtresse (Münkler, 1998 : 16sq.).

»Auf freiem Grund mit freiem Volke stehen« (Goethe, Faust II, v. 11581).

5On voit donc émerger un sujet qui est institué porteur d’identité au moment de la fondation de la RDA : l’Allemagne antifasciste. Dans le passé immédiat, c’est l’Allemagne des opposants au nazisme, celle des émigrants, des résistants et spécialement des résistants communistes. Mais on assigne aussi à cette Allemagne antifasciste une profondeur historique : ce sont les « traditions humanistes et progressistes » de l’histoire allemande, incarnées par Thomas Münzer et la guerre des paysans, par les guerres de libération de 1813-1814, par les Lumières, par Lessing, mais aussi par Heine, Thomas Mann et, puisqu’il est incontournable, par Goethe. Ulbricht a pu dire en 1962 que la RDA, c’était le 3e Faust (»dritter Teil des „Faust“«). Ce qui voulait dire que la RDA incarne le meilleur des idéaux humanistes, en particulier la vision de Faust au moment de sa mort, dans le second Faust, lorsqu’il prédit et appelle de ses vœux l’avènement d’un état de liberté où l’homme industrieux est libéré des contraintes injustes : « Me tenir sur une terre libre parmi un peuple libre » (traduction H. Lichtenberger)1.

6C’est une référence fondatrice, et on la voit à l’œuvre par exemple dans la querelle au sujet de l’opéra de Hanns Eisler Johann Faustus. Le livret publié en 1952 réinterprétait le personnage de Faust et en faisait un exemple de la faillite de l’intellectuel allemand, qui se range au côté des princes dans la guerre des paysans, un renégat qui trahit la paysannerie dont il était originaire, et qui scelle sa trahison par un pacte avec le diable dans lequel il renonce à tous ses idéaux humanistes. Faust n’annonçait plus la RDA, il annonçait le fascisme. Il n’était pas question pour les responsables de RDA de laisser subvertir l’image de Faust dont elle se réclamait, celle du chercheur de vérité, de renoncer à un élément aussi central de l’héritage culturel classique. Faust devait rester intangible pour que la RDA puisse continuer à revendiquer l’héritage culturel face à une République fédérale ou régnait selon les termes officiels la non-culture, la barbarie culturelle, l’américanisme. La polémique déclenchée par voie de presse s’est achevée par un dernier débat le 10 juin 1953, une semaine avant le soulèvement du 17 juin. L’opéra n’a jamais vu le jour, Eisler a renoncé à composer la musique.

L’antifascisme est souvent désigné comme le « mythe fondateur » de la RDA : mythe fondateur en tant que récit des origines et en tant que récit qui donne une vision simplifiée de ces origines, suffisamment simple pour diffuser largement et servir de repère à une collectivité pour s’orienter dans l’histoire. Les mythes fondateurs ne s’embarrassent pas d’exactitude historique, leur utilité n’est pas du domaine de la connaissance, mais elle résulte de leur capacité à créer un consensus, à uniformiser la vision qu’une communauté a de sa propre histoire, en écartant les visions divergentes et non consensuelles.

Le récit des origines véhicule un message simple : l’antifascisme est consubstantiel à la RDA. La RDA a extirpé chez elle les racines du fascisme, du passé elle a fait table rase, elle ne porte pas en elle le péché originel du nazisme. Cette Immaculée Conception la délivre du poids du passé : bien qu’allemande, elle n’a rien à voir avec la guerre et avec le fascisme allemand. Dans les années 1950, elle est souvent représentée sur les affiches de propagande comme un nouveau-né, symbole d’innocence. En 1969 encore, pour le 20e anniversaire de la RDA, la campagne d’agitation qui accompagne les festivités utilise des photos de bébés nés le 7 octobre pour illustrer ce caractère de page blanche attribué à la naissance de la RDA (Gibas et al., 1999 : 32 ; Gries/Satjukow, 2003 : 24).

L’après-guerre a été une période riche en mythes fondateurs ou refondateurs. En ce sens, l’Autriche a aussi son mythe re-fondateur qui n’est pas l’antifascisme, mais l’extra-fascisme : l’Autriche première victime du nazisme, victime d’un nazisme exogène, dont elle n’a donc pas à rendre compte. Le confort de ce mythe re-fondateur a été dénoncé inlassablement par toute une série d’écrivains autrichiens, de l’humoriste Helmut Qualtinger à l’imprécateur Thomas Bernhard. Il y a eu aussi un mythe de la France résistante, qui a longtemps prévalu dans la conscience collective, à tel point que c’est de l’extérieur qu’est venue la remise en cause de cette représentation confortable, avec les travaux de l’américain Robert Paxton sur la France de Vichy.

La thèse de l’antifascisme collectif conduit, en RDA comme dans d’autres pays, à une forme d’absolution collective. Le Komintern avait donné dans les années 1930 une définition universalisante du fascisme : la dictature de la fraction la plus réactionnaire et la plus agressive du capitalisme monopoliste (Böhme, 1983 : 257). Cette définition a été reprise telle quelle par la RDA. Son caractère universel avait l’avantage de ne pas isoler le nazisme des autres formes de fascisme, de l’inscrire dans un contexte européen. Mais de par son interprétation marxiste strictement orthodoxe, il laissait hors champ les caractères spécifiques de l’histoire allemande, le déficit démocratique, la tradition autoritaire. Les coupables, c’étaient un groupe de « capitalistes monopolistes ». À la lumière de cette thèse, la question de la responsabilité morale, individuelle ou collective de la population allemande était une question secondaire. Ce qui comptait, c’était que les vrais coupables aient été éliminés par l’épuration des années 1945-47, ou qu’ils se soient éliminés eux-mêmes en fuyant à l’Ouest devant l’avance de l’Armée rouge. Les bases matérielles de leur pouvoir avaient été supprimées par la réforme agraire et par les expropriations industrielles en 1946. Le reste de la population était absous par la définition elle-même, et pouvait considérer en toute bonne conscience que les assassins n’étaient plus dans ses rangs. Quand l’« ordre antifasciste » est devenu l’État antifasciste, les habitants de cet État ont été implicitement invités à se considérer de facto comme antifascistes, la question de leur co-responsabilité à l’époque du nazisme a perdu sa pertinence.

Il y a eu quelques cas, comme Ernst Grossmann, membre du comité central du SED, qui avait été le p (...)

11Ils étaient confortés dans cette attitude par la pratique soviétique de la dénazification, différente de la pratique américaine. L’occupant soviétique a concentré ses efforts sur les principaux responsables – avec les dérives que l’on sait dans l’usage politique de l’internement – mais ne s’est pas enlisé comme à l’Ouest dans l’épluchage de millions de dossiers. En 1948, le parti national démocratique, le NDPD, a été créé (3 ans après les autres partis) pour élargir la base politique sur laquelle s’appuyait le SED et permettre aux anciens membres du NSDAP de réintégrer la vie politique. Cette situation n’a pas empêché que d’anciens membres du parti nazi fassent partie du SED. Mais à la différence de la RFA, la RDA n’avait pas d’anciens nazis notoires aux postes de responsabilité2. Par ailleurs, la résistance communiste sous le nazisme, et par-delà, la résistance ouvrière, ont été hypostasiées. La classe ouvrière dans son ensemble était réputée avoir été imperméable au nazisme. Quiconque appartenait à la classe ouvrière au sens où l’entendait la RDA, avait en poche un certificat d’innocence. Pour les autres, le ralliement au programme du SED sous l’égide du « front unique » valait absolution.

12Cette perspective a trouvé son expression dans la notion de « vainqueurs de l’Histoire ». Au côté de l’Union soviétique qui avait payé un prix colossal pour gagner la guerre, on était dans le camp des « vainqueurs de l’Histoire ». La formule, introduite par la propagande de RDA, a connu un franc succès : c’était une façon commode de se démarquer des coupables et de renvoyer l’héritage de la culpabilité dans l’autre camp, dans l’autre Allemagne. L’historien Bernd Faulenbach, dans un rapport pour la commission d’enquête du Bundestag, a parlé de ce phénomène en disant : « L’héritage national-socialiste est devenu le problème des Allemands de l’Ouest, Hitler était devenu pour ainsi dire un Allemand de l’Ouest » (cité par Münkler, 1998 : 23).

L’antifascisme sert à saper la légitimité de la RFA

13La RDA a fait un usage polémique du mot « fascisme » et de l’antifascisme. Dans un premier temps, l’objectif a été de combattre l’idée d’une légitimité du régime nazi, car celui-ci n’avait pas que des adversaires dans la population. En témoignent les enquêtes faites jusqu’au début des années 1950 par les Américains, selon lesquelles une proportion importante des personnes interrogées pensaient encore que le nazisme était une bonne idée, mais mal appliquée.

Dans un deuxième temps, après la fondation des deux États allemands, il s’est agi de nier la légitimité de l’État d’en face en l’assimilant à ce qui est illégitime par excellence : le fascisme. Dans la logique de ce discours, la RFA était préfasciste, potentiellement fasciste, ou réellement fasciste. Jusqu’à la fin des années 1960, Bonn est dans le discours de la RDA un repère de nazis, de fascistes, de criminels de guerre et de revanchards alliés aux impérialistes américains et à leur complexe militaro-industriel. Berlin-Ouest mérite une mention spéciale comme poste avancé de la lutte des revanchards contre la RDA.

À l’appui de cette thèse, la RDA, en 1963, ouvre une instruction contre Hans Globke, Secrétaire d’État à la Chancellerie, qui avait été le commentateur officiel des lois de Nuremberg sous le IIIe Reich. Dans la même veine, elle fait diffuser en 1965 le « Livre gris » (Graubuch), une documentation qui énumère 1 800 grands nazis ou criminels de guerre qui occupent des fonctions importantes en République fédérale, en particulier dans la justice et dans l’armée, ou qui touchent des pensions confortables. La République fédérale y est présentée comme le paradis des criminels de guerre. Le titre même de l’ouvrage renvoie à un classique de la lutte antifasciste, le « Livre brun » (Braunbuch) édité par les émigrés allemands en juillet 1933 pour dénoncer la manipulation de l’incendie du Reichstag par les nazis. La République fédérale prêtait le flanc à ce genre de critique étant donné l’ampleur des amnisties et des lois de réintégration dans les années 1950. La République fédérale est présentée comme l’héritière de l’Allemagne fasciste, la RDA comme l’héritière de l’Allemagne antifasciste. Elle revendique sur cette base une légitimité morale qu’elle oppose à la prétention constante de la République fédérale à être seule représentante légitime de tous les Allemands (Alleinvertretungsanspruch).

Corollairement, tout ce qui menace l’existence de la RDA est qualifié de fasciste : après une brève période de flottement, le soulèvement du 17 juin 1953 est devenu dans la doctrine officielle la tentative de « putsch fasciste » du 17 juin, et va le rester quasiment jusqu’à la fin. On va se donner beaucoup de mal pour apporter des éléments de preuve à l’appui de la thèse, et pour montrer qu’il y avait d’anciens nazis à la tête des manifestations. La propagande a beaucoup exploité le cas d’une femme nommée Erna Dorn condamnée à mort et exécutée parce qu’elle était supposée avoir été surveillante au camp de concentration de Ravensbrück et avoir suscité un comité de grève en juin 1953 à Halle. À tel point que Stefan Hermlin a repris le sujet et son interprétation officielle dans une nouvelle, »Die Kommandeuse« (1954). En fait, tout indique aujourd’hui, depuis l’ouverture des archives, qu’Erna Dorn a simplement été délivrée de prison par les émeutiers du 17 juin, mais qu’elle n’a pris aucune part active au soulèvement. Il n’est même pas certain qu’elle ait été surveillante à Ravensbrück.

Quant au mur de Berlin, on a souvent rappelé que la RDA, contre toute évidence, le désignait comme un « rempart antifasciste », et célébrait tous les ans l’anniversaire de la construction de ce rempart.

La narration rituelle/la narration du mythe

18Il n’y avait eu en Allemagne moyenne comme dans le reste du Reich qu’une faible minorité de résistants au nazisme. La population de la zone soviétique comptait 1,5 million d’anciens membres du NSDAP. L’adhésion à la thèse de l’antifascisme collectif pouvait donc rarement reposer sur une expérience individuelle ou familiale. D’où l’importance particulière des moyens de propagation institutionnels pour ancrer et entretenir cette représentation :
La narration scolaire, dont il sera question par ailleurs, forge pour des générations d’élèves une épopée fondatrice de la RDA faite de l’histoire des antifascistes assassinés, au premier rang desquels se trouve Ernst Thälmann.
La liturgie des manifestations officielles et des cortèges commémoratifs produit une narration rituelle : 17 janvier, date anniversaire de l’assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxembourg ; 1er mai, fête du travail ; 8 mai, anniversaire de la Libération (Tag der Befreiung) ; 7 octobre, fête nationale. Dans les manifestations et les cortèges officiels, l’antifascisme avait sa place dans les slogans affichés sur les pancartes et les banderoles.

19Le 8 mai mérite une mention particulière. On fêtait ce jour-là la victoire des « forces progressistes de l’Histoire » sur la barbarie hitlérienne, en soulignant le rôle de libérateur joué par l’Union soviétique (Gibas, 2003 : 145). Cela a laissé des traces :

« Une enquête comparative sur les conceptions de l’histoire des Allemands de l’Est et de l’Ouest (réalisée dix ans après l’unification) a montré que les Allemands de l’Est considèrent aujourd’hui encore la participation de l’Union soviétique à l’effondrement du nazisme comme déterminante, alors que pour les Allemands de l’Ouest, c’est celle des alliés occidentaux qui a été déterminante. » (ibid. : 153).

»Bericht des Delegierten der Deutschen Demokratischen Republik.«

Les anniversaires aux chiffres ronds (le dixième, vingtième, trentième anniversaire de la RDA) ont été analysés dans le cadre d’un projet de la Deutsche Forschungsgemeinschaft sur la propagande de RDA. Ces grands anniversaires, précédés de campagnes de mobilisation importantes, étaient l’occasion de réactiver à grande échelle le récit des origines. À côté des perspectives d’avenir (« En avant vers de nouveaux succès ! »), il y avait le regard sur les origines. Pour le 40e anniversaire en 1989, il y avait toujours une affiche qui disait : « Plus jamais le fascisme et la guerre ! 40 ans de politique d’État » (Gibas et al., 1999 : 257). Pour le 20e anniversaire en 1969, la RDA a diffusé une anthologie de poèmes intitulée « Miroir de notre devenir. L’homme et le travail dans la poésie allemande de Goethe à Brecht ». L’anthologie contenait un poème signé Helmut Preißler, écrit plusieurs années après la mort de Brecht et intitulé « Rapport du délégué de la RDA »3. Le poème raconte l’histoire de la RDA à travers celle d’une famille : le père, fait prisonnier sur le front russe, est revenu de captivité métamorphosé en antifasciste militant. Et le fils dit de lui-même :

»Ich selbst habe von vornherein / Hass gelernt gegen den Faschismus / Liebe zu allen Nationen und (...)

« Moi-même j’ai appris dès le départ
à haïr le fascisme
à aimer toutes les nations et toutes les races,
et à aimer notre État des ouvriers ».4 (ibid. : 256)


21Un certain nombre de lieux de commémoration contribuaient à asseoir l’idée d’une identification entre l’État de RDA et l’antifascisme. La Neue Wache sur l’avenue centrale Unter den Linden à Berlin-Est était un mémorial dédié aux « victimes du fascisme et du militarisme ». La relève de la garde y était particulièrement soignée, pour montrer le prix que le pays y attachait. La grande relève de la garde (Großer Wachaufzug), une fois par semaine, était suffisamment spectaculaire pour attirer les groupes de touristes et les soldats américains de Berlin-Ouest.
Le mémorial de Buchenwald a joué un rôle éminent dans la politique de la mémoire en RDA. Dans l’enceinte du camp, la RDA a construit un complexe monumental, des escaliers monumentaux convergeant vers un monument à la mémoire des victimes du camp et du soulèvement des détenus. Le pèlerinage à Buchenwald était un passage obligé pour tout enfant scolarisé en RDA, et pour les groupes de la FDJ, l’organisation de jeunesse. C’est là que se manifestait de la manière la plus visible l’antifascisme d’État, où chacun était invité à se pénétrer de l’idée que l’antifascisme était consubstantiel à la RDA.

Les icônes nationales, particulièrement Ernst Thälmann, incarnent l’antifascisme. Secrétaire Général du Parti Communiste Allemand (KPD) avant 1933, candidat communiste à l’élection présidentielle sous la république de Weimar, Ernst Thälmann a passé dix ans en camp de concentration avant d’être finalement assassiné au camp de Buchenwald. Ces années ont fait de lui le principal martyr de la résistance communiste.

Dans le moindre village, après 1950, il y a eu une rue Thälmann, une place Thälmann et dans toutes les villes des usines Thälmann, des écoles Thälmann et des parcs Thälmann. L’omniprésence du nom témoigne d’une volonté politique de populariser son image. Après l’alignement du SED sur le Parti Communiste soviétique et l’introduction du centralisme démocratique, Thälmann est devenu la grande figure symbolique de la RDA, parée de toutes les vertus : sagesse, prévoyance, vision d’ensemble, autorité naturelle, les qualités d’un vrai chef. Il était en particulier donné en exemple aux enfants dès le plus jeune âge, les pionniers s’appelaient les pionniers Thälmann, et on y prêtait serment à Thälmann : « Ernst Thälmann est mon modèle, je prête serment d’apprendre, de travailler et de lutter selon l’exemple d’Ernst Thälmann. Je respecterai les lois des pionniers Thälmann. Conformément à notre salut, je serai toujours prêt pour la paix et le socialisme ».

Buchenwald-Denkmal-auf-dem-Ettersburg-das-vor-60-Jahren-eingeweiht-wurde.jpg

Cette instrumentalisation de l’antifascisme a présenté pour la RDA elle-même plusieurs inconvénients. À force de répétition, l’antifascisme s’est figé, il est devenu synonyme de culte des morts, comme l’a écrit Heiner Müller (1992 : 364). L’incapacité à mettre en œuvre la relève des dirigeants et à remplacer les octogénaires à la tête du Parti et de l’État, n’est pas étrangère à la prétention constante de la RDA d’être l’État antifasciste par excellence. Les vieux dirigeants appartenaient à la génération qui avait combattu le nazisme, et cela leur donnait un reste de légitimité ; leurs successeurs potentiels, plus jeunes, n’auraient pas pu incarner cette légitimité là, leur seule légitimité aurait été le socialisme en Allemagne.

Enfin, le génocide juif n’a pas eu la même place dans la mémoire de la RDA que dans celle de la République fédérale : l’absolution collective liée au mythe fondateur a renvoyé le travail de mémoire sur le génocide juif à « ceux d’en face », aux héritiers supposés du national-socialisme, aux Allemands de l’Ouest. Dans le mémorial de Buchenwald, l’exposition permanente sur le système des camps de concentration mettait en relief la persécution des communistes et le traitement des prisonniers soviétiques, beaucoup plus que l’extermination des Juifs et des Roms. Les commémorations du 9 novembre sont également significatives à cet égard. Le 9 novembre est une date très chargée de l’histoire allemande : celle de la révolution de novembre 1918, du putsch avorté de Hitler en 1923, de la « nuit de cristal » en 1938, et depuis 1989 c’est aussi la date de l’ouverture du mur de Berlin. Pendant longtemps, le pogrom nazi de 1938 a été éclipsé par la commémoration de la révolution de 1918. Le 9 novembre était consacré à la commémoration de la révolution de novembre (Gedenktag der Novemberrevolution), et la « nuit de cristal » était reléguée à une place marginale. Les choses ont commencé à changer en 1978, avec le 40e anniversaire de la nuit de cristal. Le nouveau cadre international (les accords d’Helsinki, la nouvelle respectabilité internationale de la RDA, la recherche d’un rôle actif au niveau international) ne permettait plus de faire l’impasse sur la question au moment où la série télévisée Holocauste sensibilisait à nouveau l’opinion occidentale à la question du génocide. Contrairement aux deux décennies précédentes, le sujet a commencé à être traité dans les médias. Dans les années 1980, les considérations de politique internationale ont joué aussi un rôle décisif : après sa visite officielle à Bonn (plusieurs fois reportée), E. Honecker souhaitait consacrer la reconnaissance internationale de la RDA par une visite officielle à Washington. Ces considérations ne sont pas étrangères au programme commémoratif mis en œuvre pour le 9 novembre 1988, 50e anniversaire de la nuit de cristal. L’aspect le plus spectaculaire en a été la rénovation (longtemps différée) de la grande Synagogue de Berlin, située dans la partie est de la ville et détruite en 1938, et l’invitation de personnalités juives internationales.

Succès du mythe fondateur antifasciste

L’antifascisme officiel de RDA est souvent qualifié d’antifascisme de commande (»verordneter Antifaschismus«). Même si la démarche politique est indéniable, cette démarche a cependant suscité une adhésion dont ne rendent pas suffisamment compte tous les discours polémiques sur la question. Dans son rapport d’expertise devant la commission d’enquête du Bundestag, l’historien Bernd Faulenbach souligne que l’antifascisme a été un ciment idéologique bien plus fort que l’idéologie marxiste. De même que l’anticommunisme a été l’un des ciments idéologiques de la société d’après guerre à l’Ouest, l’antifascisme a contribué à la consolidation interne de la RDA en désignant un ennemi commun. Il avait une grande force émotionnelle, et il a conservé sa crédibilité bien après que l’idéologie marxiste s’est figée en un corpus doctrinaire perçu comme déconnecté de la réalité. L’antifascisme n’était pas un simple slogan (Drechsler et al., 1997, vol. 1 : 150-152).

En 1972, Wolf Biermann, interdit de publication depuis 8 ans, publiait à l’Ouest son recueil Deutschland, ein Wintermärchen (Allemagne, conte d’hiver), où il éreinte la RDA qui est pour lui le pays de la révolution trahie, des espoirs trahis, de la trahison au pouvoir (Biermann, 1972, 66-68). Mais la critique atteint ses limites lorsque les deux Allemagne sont comparées du point de vue de l’antifascisme :

»Die DDR, mein Vaterland / Ist sauber immerhin / Die Wiederkehr der Nazizeit / Ist absolut nicht d (...)


La RDA, ma patrie,
est propre en tous cas
le retour du nazisme
y est absolument impossible.
Nous avons tellement bien frotté
avec le dur balai de Staline
que le derrière autrefois brun
est devenu tout rouge.5

La force d’intégration réelle de cet antifascisme d’État a permis à la première génération de l’après-guerre d’éviter à bon compte de se poser la question de la culpabilité, et a contribué à maintenir dans la deuxième et la troisième génération un degré de respectabilité élevé du motif antifasciste.

On trouve la trace ambiguë de cette force d’imprégnation du motif antifasciste dans les œuvres de la nouvelle génération d’écrivains est-allemands qui avaient environ quinze ans à la chute du mur et qui publient leurs premières œuvres plus de dix ans après la disparition de leur pays d’origine : leur socialisation s’est faite en RDA, et leur entrée dans le monde adulte s’est faite dans l’Allemagne unifiée.

Le plus médiatisé de leurs livres est sans doute celui de Jana Hensel, Zonenkinder (Enfants de la « Zone »). On peut citer bien d’autres exemples de cette littérature de la génération « à cheval » sur deux mondes qui est l’objet d’un certain engouement : Claudia Rusch, Meine freie deutsche Jugend, André Kubiczek, Junge Talente, Falko Hennig, Trabanten, Annette Gröschner, Moskauer Eis, Jana Simon, Denn wir sind anders, etc. Ces auteurs qui avaient entre treize et vingt ans à la chute du Mur témoignent clairement de la différence entre la rupture biographique qu’ils ont vécue et celle qu’ont vécue leurs aînés. Pour la génération de leurs parents, la fin de la RDA a signifié la perte des idéaux (quand bien même l’idéal était celui d’une « autre » RDA), la mise en cause publique, la dévalorisation de l’expérience de toute une vie, le retour introspectif sur la question de la co-culpabilité tel qu’on le retrouve dans de nombreuses autobiographies. Cette génération a eu le sentiment d’être sacrifiée par la réunification. En revanche, la génération de ces écrivains qui ont aujourd’hui entre trente et trente cinq ans, est dans un tout autre état d’esprit. Pour elle, l’unification a été vécue essentiellement comme une ouverture inespérée, et le mixage Est-Ouest s’est opéré rapidement. Mais étant de plain-pied dans l’Allemagne unifiée, ils revendiquent le droit de se reconnaître sans fausse mauvaise conscience dans l’environnement de leur enfance, sans avoir à en abjurer une part.

Leurs récits, leurs histoires sont centrés sur le monde de leur enfance et de leur adolescence, un monde parcouru de phantasmes comme tout univers d’enfance, et marqué par des rejets qui sont le propre de toute adolescence.

Claudia Rusch est issue d’une famille d’opposants très liée à Robert Havemann. Elle s’est identifiée très tôt aux positions de ses parents et se trouve en décalage par rapport à la plupart de ses camarades de classe. Mais il y au moins une chose qu’elle partage avec ceux-ci, c’est l’image de Thälmann. « Il faut savoir une chose », écrit-elle, « pour les enfants de RDA, Thälmann c’était Robin des bois et Superman en une seule personne » (Rusch, 2003 : 38) : une icône intangible, le socle de l’éducation antifasciste depuis le plus jeune âge, en particulier dans les petits journaux pour les pionniers qui popularisaient l’histoire édifiante de « Teddy » Thälmann.

Jana Hensel résume en quelques phrases l’impression qui se dégage de toute son éducation :

»Im Geschichtsunterricht unserer Kindheit waren wir Antifaschisten. Unsere Großeltern, unsere Elte (...)

« Dans les cours d’histoire de notre enfance, nous étions antifascistes. Nos grands-parents, nos parents, nos voisins – tout le monde était antifasciste […]. Quand je m’imaginais la Seconde Guerre mondiale, je nous voyais tous plus ou moins membres de la Rose Blanche ou en train de conspirer dans des caves ou des arrière-cours pour organiser la résistance et imprimer des tracts. La guerre n’avait pas eu lieu chez nous. Le monde qui m’entourait avait commencé en 1945 »6 (Hensel, 2002 : 108).

»Dann fiel mir auf, dass wir nie über solche Dinge gesprochen hatten. Wir wussten nicht, was unser (...)

35D’où une expérience étonnante qu’elle a faite après la chute du Mur : la scène se passe dans la région de Cologne, avec des amis de l’Ouest. Après une soirée bien arrosée, les amis ouest-allemands se mettent à confier les uns après les autres qu’ils ont dans leur famille un grand-père ou un grand-oncle très compromis dans le nazisme. Pour tous les amis de l’Ouest, cela fait partie de l’histoire familiale normale. Et elle s’aperçoit que elle, venant de l’Est, elle est la seule à n’avoir rien de tel à raconter : « Je me rendais compte que nous n’avions jamais parlé de ça. Nous ne savions pas ce qu’avaient fait nos grands-parents, s’ils avaient collaboré ou fait de la résistance […] On nous avait épargné les questions et les histoires pas très jolies à raconter »7 (112).

ddr.jpg

36L’appel « Pour notre pays » (»Für unser Land«) diffusé en RDA peu après l’ouverture du mur de Berlin, et signé entre autres par Christa Wolf, Stefan Heym, Friedrich Schorlemmer et Ulrike Poppe se place sous le signe du retour aux idéaux antifascistes du début de la RDA : « Nous pouvons encore revenir aux idéaux antifascistes et humanistes dont nous sommes partis autrefois ». Cette référence montre que pour les partisans d’une « autre » RDA, c’est-à-dire principalement les mouvements civiques de fin 1989, l’antifascisme n’a pas perdu sa crédibilité, et que le fait d’avoir été instrumentalisé n’a pas suffi à le discréditer. Pour Bernd Faulenbach, l’antifascisme était en 1989 « le dernier reste d’identification avec la RDA » (Drechsler et al., 1997, vol. 1 : 152).

Conséquences à long terme

L’antifascisme de RDA a été un antifascisme d’État, et il est difficile de le dissocier de l’entreprise d’instrumentalisation de l’histoire menée dans les ex-pays de l’Est et en particulier en RDA. Le discrédit total jeté sur le régime de RDA après l’unification entraîne une remise en cause de cet antifascisme qui était accepté sans trop de difficulté jusqu’en 1989. Un antifascisme reposant sur l’idée que la RDA fait partie des « vainqueurs de l’Histoire » ne peut plus fonctionner après l’effondrement des régimes socialistes et l’expérience d’une unification où la population de l’Est n’a pas eu globalement le sentiment d’avoir vécu une victoire. L’antifascisme de RDA ne peut plus servir de référence auprès de la jeune génération.

Cet antifascisme d’État présente des zones d’ombre qui concernent les camps d’internement soviétiques et les procès de Waldheim. Dans les quatre zones, les occupants ont internés des suspects en quantité importante dans le cadre de la dénazification. Il y a eu onze camps d’internement en zone soviétique, dont deux installés dans des anciens camps de concentration, Buchenwald et Sachsenhausen. Les internements en zone soviétique présentent deux particularités par rapport à ceux des autres zones : d’une part, les soviétiques n’ont pas interné que des nazis et des criminels de guerre, mais ils se sont servis de l’étiquette « fasciste » pour interner des adversaires politiques, notamment des sociaux-démocrates opposés à la fusion avec le parti communiste, ou des personnes qui avaient manifesté leur désaccord avec le SED ou avec l’administration soviétique. À cette époque, être contre, c’était être potentiellement fasciste. D’autre part, la mortalité dans les camps d’internement soviétiques a été très importante car les conditions de vie y étaient très dures. Il y a eu environ 150 000 internés, dont un tiers, selon les estimations, sont morts de faim, de froid et de maladie.

ddrposter.png

Lorsque les camps d’internement soviétiques ont été dissous en 1950, 15 000 détenus ont été remis à la RDA, dont 3 400 n’avaient pas encore été jugés par des tribunaux soviétiques. Il fallait les juger. Pour ce faire, on a mis en place en mai-juin 1950 une procédure expéditive. Un tribunal d’exception siégeant à huis clos s’est réuni dans l’enceinte de la prison de Waldheim où les anciens détenus étaient rassemblés. Au mépris des droits de la défense, et à l’issue d’audiences très courtes, ce tribunal a prononcé des sentences extrêmement lourdes alors que dans la plupart des cas les charges étaient faibles : 12 ans de prison pour avoir été instituteur nazi, 12 ans aussi pour avoir été journaliste sous le 3e Reich. Il y a eu 33 condamnations à mort, dont 24 exécutées. Il a eu manifestement volonté de condamner parce qu’il ne fallait pas qu’il soit dit que des innocents avaient été internés par les Soviétiques, et volonté de condamner lourdement pour montrer que les Soviétiques n’avaient pas interné à la légère.

Malgré l’absence d’information officielle, ces excès ont été rapidement connus et on suscité de nombreuses protestations de l’extérieur. Thomas Mann, par exemple, a demandé la révision des procès. À l’intérieur de la RDA, il n’y a pas eu de débat public sur la question. Otto Nuschke, Président de la CDU de RDA, a demandé en conseil des ministres la révision des procès, mais sa protestation a été étouffée (Klonovsky, 1991).

Enfin, l’antifascisme étatique de la RDA, qui proclamait que l’État avait fait le nécessaire pour que le nazisme soit banni à tout jamais de cette partie de l’Allemagne, a dispensé les Allemands de l’Est de faire à titre local, familial ou individuel le travail d’interrogation active du passé qui a eu lieu en République fédérale à partir de la fin des années 1960. On n’a pas vu en RDA ce phénomène générationnel de révolte contre le silence des pères et contre les mensonges de l’après-guerre qu’on a vu à l’Ouest. On n’a pas vu non plus les grands débats sur le rapport au nazisme qui ont agité l’espace public à l’Ouest dans les années 1980 (type « querelle des historiens »). Et de ce fait, l’antifascisme de RDA n’a pas été revivifié par des apports nouveaux, il est resté pendant 40 ans à peu près ce qu’il était depuis le début, comme un élément du patrimoine.

Les arts plastiques en RDA et le fascisme

Les sujets historiques ont occupé une place importante dans la peinture de RDA : la guerre des paysans, la Réforme, la guerre de trente ans, la Commune de Paris et, plus près de nous, le putsch de Pinochet au Chili, sont des sujets récurrents. Les expositions quinquennales de peinture au niveau régional et national faisaient à ces tableaux une place de choix. La peinture qui aborde la question du nazisme n’est donc pas isolée, elle s’insère dans tout un paradigme de peinture historique.

Les exemples qui suivent sont tirés des œuvres de peintres de l’école de Leipzig qui a été présentée en tant que telle à l’exposition Kunst in der DDR en 2003 à la Neue Nationalgalerie de Berlin (Belschner, 2003). Les noms les plus connus de cette école de Leipzig du temps de la RDA – Werner Tübke, Bernhard Heisig, Wolfgang Mattheuer – ont abordé chacun à leur façon la question de l’antifascisme en y apportant leur éclairage.

L’un des tableaux majeurs de l’œuvre de Tübke, peint en 1965, s’intitule « Souvenirs du juriste Schulze III » (Lebenserinnerungen des Dr. jur. Schulze III). Le chiffre III fait référence à un cycle d’une dizaine d’œuvres sur le même thème dont celle-ci, monumentale, est la plus connue. Au centre du tableau est assis un juge en robe rouge représenté comme une marionnette dont les mains, le cou, la tête sont en bois articulé – la tête à peine ébauchée et sans traits individuels s’accorde bien avec le nom « Schulze », un nom passe-partout qui évoque un personnage interchangeable. De tous les points de son corps partent des ficelles qui le relient à une multitude de scènes représentées en miniature autour de lui : une ville détruite, des prisonniers torturés, un SA et un soldat, une exécution, tout un chaos meurtrier dont la composition évoque la peinture de Breughel. C’est un monde de l’horreur, contrastant avec la sérénité du paysage méridional déployé devant le juge assis et qui représente la belle apparence dont on cherche à recouvrir les horreurs du passé nazi.

C’est une peinture allégorique, comme souvent chez Tübke, un tableau à lire et à déchiffrer, peint peu après les procès d’Auschwitz, et qui dénonce la continuité dans le corps de la justice en République fédérale, le scandale des juges qui ont servi le nazisme et qui continuent à exercer : ces « juristes effrayants » (furchtbare Juristen) qui figurent au catalogue des lieux de mémoire allemands dans l’inventaire d’Étienne François et Hagen Schulze (François/Schulze, 2001). Ce tableau anticipe largement sur l’affaire Filbinger et la pièce de Rolf Hochhuth, « Juristes », écrite contre lui en 1979. Il s’agit selon Tübke de dénoncer « les tendances néo-fascistes en République fédérale » (déclaration de 1979 citée dans Blume/März, 2003 : 270). Pour autant, le tableau et les autres tableaux du même cycle n’ont pas fait l’unanimité en RDA. On lui a reproché de brouiller le message, sur un sujet hautement politique, de manquer d’esprit partisan (Parteilichkeit), d’abandonner le réalisme, de se réfugier dans le « surréalisme » (Beaucamp, 1997 : 204 ; Lang, 1983 : 75).

Bernhard Heisig, né en 1925 à Breslau, a été engagé volontaire à 17 ans dans une unité blindée, puis fait prisonnier sur le front russe et libéré en 1946. Son expérience de la guerre et du nazisme hante son œuvre. C’est un des représentants les plus importants de la peinture historique en RDA. Dans les années soixante, après avoir produit un cycle de tableaux sur la Commune de Paris, il peint en 1964 le « Songe de Noël du soldat impénitent » (»Weihnachtstraum des unbelehrbaren Soldaten«) qu’il reprendra dix ans plus tard (Gillen, 1997 : 200) et dont le titre annonce, si l’on peut dire, la couleur.

Son œuvre est pénétrée de ce qu’il appelle « le cauchemar fasciste ». Ses tableaux les plus connus se présentent comme un enchevêtrement de fragments extraits de l’univers contemporain et de fragments empruntés à l’horreur nazie. Premier exemple : le tableau intitulé « Obstination de l’oubli » (»Beharrlichkeit des Vergessens«) (1977). Au centre, un mutilé de guerre allongé sur un drapeau nazi brandit sa croix de guerre avec un rire sardonique. Il est environné d’un ensemble chaotique où l’on reconnaît pêle-mêle un couple d’amoureux, des soldats en train de tuer, un bouffon qui joue de la musique, une tête sanglante, des morts et des prisonniers – et au milieu de tout cela serpente une banderole sur laquelle on lit : « Nous sommes pourtant tous frères et sœurs ». C’est une danse macabre nettement inspirée d’Otto Dix, dans laquelle s’inscrit le refoulement du passé nazi et le retour de ce refoulé. À première vue, le texte de la banderole renvoie plus particulièrement à l’Allemagne de l’Ouest – la formule « frères et sœurs » (»Brüder und Schwestern«) désignait les habitants de RDA dans les discours bien pensants de l’Ouest. Cette lecture ne doit pas être évacuée, mais elle n’épuise pas le message. Ce qui est désigné, c’est la fausse innocence de l’oubli, l’impossibilité d’une innocence après le nazisme, au moins pour la génération qui l’a vécu, et donc par là même la représentation taboue d’une RDA dont les habitants seraient indemne de tout passé nazi.

ddraff.jpg

Un autre tableau de Heisig s’appelle « Fin du programme de la soirée » (»Ende des Abendprogramms«) (1982) : un personnage central marche au pas de l’oie à travers un entassement de téléviseurs qui montrent tous la même image ; une bouche qui baille, et l’inscription « Dormez bien » (»Schlafen Sie wohl«). Il va se coucher une chandelle à la main, en emportant un téléviseur portatif, comme s’il ne pouvait s’en séparer. Tout autour de lui, on observe un mélange de scènes de catastrophe (une tour de Babel qui explose, un incendie) et d’éléments divers du spectacle télévisuel (un opéra, un match de football), le tout dominé par des avions de combat en position d’attaque. Nous sommes invités à établir un rapprochement entre une attitude de type fasciste, symbolisée par le pas de l’oie, et un envahissement médiatique qui suscite indifférence et passivité. Le matraquage médiatique est présenté comme une manipulation qui fait le lit des fascismes. C’est donc une peinture en forme d’avertissement. Le personnage contemporain bercé par le spectacle des catastrophes, tel qu’il est représenté, n’a plus rien de commun avec l’image simpliste de « l’homme nouveau » ou de la « personnalité socialiste développée ». Il porte en lui un héritage ancien qui inclue l’héritage fasciste. Il y a là une forme de mise en cause de la façon dont la RDA se situe par rapport au fascisme.

Cette problématique nous conduit à un troisième peintre de l’école de Leipzig, Wolfgang Mattheuer. Il a peint en 1982 un tableau appelé « Cauchemar » (»Albtraum«), dont il a tiré une sculpture intitulée « Le pas du siècle » (»Der Jahrhundertschritt«), exposée aujourd’hui à Leipzig devant l’implantation locale de la Maison de l’Histoire. Le tableau a fait sensation à l’exposition d’arts plastiques de RDA organisée à Hambourg en novembre 1982 (»Zeitvergleich«), et montrée ensuite dans les grandes villes de République fédérale. Le tableau de Mattheuer fait la couverture du catalogue de cette exposition et se retrouve de nouveau en double page à l’intérieur. On y voit, sur un fond très sombre, dans un espace vide et nocturne, un personnage qui court le long d’une ligne noire. Le personnage est très schématisé et disproportionné, sa tête n’est qu’une vague silhouette noire, il est presque dépourvu de tronc et son corps se résume à ses deux bras et à ses deux jambes. Le bras gauche et la jambe gauche dessinent une croix gammée, le bras droit et la jambe droite une sorte de « V » de la victoire. Les symboles du mouvement ouvrier et du nazisme s’entremêlent : le poing levé du bras gauche (symbole ouvrier) dessine une forme de croix gammée avec la botte nazie de la jambe gauche. Le bras droit qui fait le salut fasciste et la jambe droite peinte aux couleurs du bras ouvrier propulsent ensemble le personnage. Détail supplémentaire : cette étrange silhouette porte une rangée de médailles, c’est donc un modèle, mais il est sans visage, et les médailles sont des points de couleur interchangeables. On remarquera que la trajectoire du personnage suit la ligne, et la « ligne », ce qui n’est pas sans signification dans un pays dirigé par un parti communiste. On a là une vision très distanciée de la conception du nouvel homme socialiste, la personnalité socialiste : le nouvel homme traîne des éléments de la structure de la personnalité fasciste, le poids du passé fasciste est inscrit en lui, il n’y a pas d’Immaculée Conception.

Leipziger Volkszeitung du 03.12.1987.

50Une version de ce tableau a été exposé à la neuvième Exposition nationale de peinture de Dresde en 1982-83, mais n’était pas reproduit dans le catalogue. Le contraste est frappant avec la place vedette que lui accorde au même moment le catalogue des expositions qui se tiennent en République fédérale. À l’Est, ce tableau gêne, à l’Ouest, il illustre l’idée d’un renouveau de la peinture en RDA. La sculpture en bronze « Le pas du siècle » issue de ce tableau a été exposée à Dresde à la dixième exposition nationale en 1987-88, et la presse de RDA l’a accueillie comme « une des œuvres les plus marquantes de toute l’exposition »8. Mais elle n’est pas non plus reproduite dans le catalogue, ce qui montre bien que cinq ans après sa création cette œuvre dérange toujours autant.

On quitte en apparence seulement l’école de Leipzig avec les tableaux de Hubertus Giebe. En effet, Giebe a quitté volontairement l’école des Beaux-Arts de Dresde pour venir faire ses études à Leipzig où il a été élève de Heisig dont il a reçu de fortes influences. Il est de la génération suivante, puisqu’il est né en 1953, c’est son père qui a fait la guerre sur le front russe. Ce père qui était antinazi (de tradition sociale-démocrate) a déserté les rangs de la Wehrmacht, a été fait prisonnier et envoyé dans un camp de travail soviétique. À son retour il s’est enfermé dans le silence et pendant 35 ans, jusqu’à sa mort, a toujours refusé, comme beaucoup d’autres, de parler de ses années de guerre et de captivité (Blume/Gassner, 2003 : 120). Dans toute sa peinture des années 1980, Giebe explore la face cachée de l’antifascisme de RDA. Il refuse cette espèce de « trafic d’indulgences » de l’antifascisme officiel, et peint des tableaux qui expriment la part de la culpabilité qui retombe sur les épaules de la génération suivante. À la neuvième exposition nationale de Dresde, il présente « La culpabilité » (»Die Schuld«), inspiré du Tambour de Günter Grass. Cinq ans plus tard, à la dixième exposition (1987), c’est un tableau intitulé « La résistance – pour Peter Weiss » (»Der Widerstand – für Peter Weiss«).

Dans ce tableau, il s’intéresse au personnage de Willi Münzenberg qu’il a déjà peint dans d’autres tableaux, soit en exil dans les rues de Paris, soit levant le poing en signe de lutte dans le camp d’internement de Chambaran. Ici Münzenberg se tient tout à droite du tableau, les bras croisés, dans son manteau en feutre au col relevé qui lui arrive jusqu’aux chevilles et qui est indissociable de son image. Willi Münzenberg était membre du comité central du KPD, dont il a été exclu pour avoir critiqué les procès de Moscou. Émigré à Paris, il a dénoncé le pacte germano-soviétique avant d’être interné en 1940 dans le camp de Chambaran. Il s’en est évadé, et on l’a retrouvé mort ; l’enquête a conclu à un suicide, mais certains pensent encore qu’il a été liquidé par des agents de Moscou. Dans son Esthétique de la résistance, Peter Weiss se livre à une sorte de réhabilitation de Münzenberg, et c’est à cela que rend hommage Hubertus Giebe. La perspective de Giebe sur la résistance communiste n’est pas triomphaliste, on est loin de l’imagerie officielle. Au centre du tableau, deux personnages dont les silhouettes forment une croix marchent dans des directions divergentes, encore imbriqués l’un dans l’autre et déjà ennemis. Et sous leurs pieds, c’est une orgie de violence et de sang qui se déchaîne.

Une rétrospective des œuvres de Heisig au musée de Leipzig a été inaugurée en présence du chanceli (...)

Présentés à un public d’étudiants, ces exemples empruntés à des peintres de RDA permettent de s’interroger sur la pertinence de l’équation « rouge égale brun » (»rot gleich braun«) qui assimile, tous domaines confondus, la dictature nazie et la dictature communiste. C’est ce point de vue qui a conduit il y a quelques années au malheureux épisode de l’exposition de Weimar sur la Modernité (»Aufstieg und Fall der Moderne«). Elle présentait côte à côte la peinture nazie et la peinture de RDA, le parallélisme invitant à les rejeter et à les condamner en bloc. Les œuvres de RDA étaient présentées en désordre, sans fil conducteur, serrées l’une contre l’autre, sans aucune mise en valeur. Les œuvres de commande, celles qui venaient par exemple de la galerie du Palais de la République de Berlin, étaient présentées à même le sol, gisant pêle-mêle comme un tas de déchets – alors qu’il s’agissait de peintres reconnus à l’Ouest depuis fort longtemps, comme Heisig, Tübke, et Sitte. On sait que Helmut Schmidt avait choisi Bernhard Heisig pour faire son portrait officiel destiné à la galerie de la chancellerie9… Cette exposition avait un statut particulier puisqu’elle s’inscrivait dans le programme de « Weimar, capitale européenne de la Culture » en 1999. Cela a provoqué un scandale, l’intervention du président du Bundestag, Wolfgang Thierse, et une polémique qu’on a appelé la « querelle des images » (Bilderstreit). On a dit à ce propos que les toiles de RDA n’avait pas été « accrochées », comme dans toute exposition, mais « collées au mur », comme pour être fusillées. Plusieurs expositions organisées depuis cette date ont montré que cette perspective est en recul, et qu’une réévaluation des arts plastiques de RDA est en cours.


Bibliographie

Beaucamp E., 1997, »Lebenserinnerungen des Dr. Jur. Schulze III«, in Gillen E. (éd.), Deutschlandbilder, Köln, Dumont.

Belschner T., 2003, »Leipziger Schule«, in Blume E., März R. (éds), Kunst in der DDR, Berlin, G + H Verlag.

Biermann W., 1972, Deutschland. Ein Wintermärchen, Berlin, Verlag Klaus Wagenbach.

Blume E., Gassner H. et al. (éds), 2003, Klopfzeichen. Leipzig, Verlag Faber & Faber.

Böhme W., Dominik S., Eisel H. et al. (éds), 1983, Kleines politisches Wörterbuch, Berlin, Dietz Verlag.

Drechsler I., Faulenbach B. et al. (éds), 1997, Getrennte Vergangenheit, gemeinsame Zukunft. Ausgewählte Dokumente, Zeitzeugenberichte und Diskussionen der Enquete-Kommission » Aufarbeitung von Geschiche und Folgen der SED-Diktatur in Deutschland» des Deutschen Bundestages 1992-1994, München, DTV, 4 vol.

François E. et Schulze H. (éds), 2001, Deutsche Erinnerungsorte, München, C. H. Beck.

Gibas M., 2003, « Commémorations et anniversaires politiques en RDA : intentions, effets, répercussions », in Allemagne d’aujourd’hui no 166/2003, p. 138-161.

Gibas M., Gries R., Jakoby B. et al. (éds), 1999, Wiedergeburten. Zur Geschichte der runden Jahrestage der DDR, Leipzig, Leipziger Universitätsverlag.

Gillen E. (éd.), 1997, Deutschlandbilder, Köln, Dumont.

Gries R. et S ATJUKOW S., 2003, »Von Feinden und Helden. Inszenierte Politik im realen Sozialismus«, in Aus Politik und Zeitgeschichte, 53/2003, p. 20-29.

Hensel J., 2002, Zonenkinder, Hamburg, Rowohlt Verlag.

Klonovsky M., 1991, Stalins Lager in Deutschland, München, DTV.

Lang L., 1983, Malerei und Graphik in der DDR, Leipzig, Philipp Reclam jun.

Müller H., 1992, Krieg ohne Schlacht, Köln, Kiepenheuer und Witsch.

Münkler H., 1998, »Antifaschismus und antifaschistischer Widerstand als politischer Grüngungsmythos der DDR«, in Aus Politik und Zeitgeschichte. 45/98, p. 16-29.

Rusch C., 2003, Meine Freie Deutsche Jugend. Frankfurt/Main, S. Fischer.

Notes

1 »Auf freiem Grund mit freiem Volke stehen« (Goethe, Faust II, v. 11581).

2 Il y a eu quelques cas, comme Ernst Grossmann, membre du comité central du SED, qui avait été le président de la première coopérative agricole (LPG) fondé en 1951. On s’est aperçu en 1959 qu’il avait fait partie des SS depuis 1938, et il a été écarté.

3 »Bericht des Delegierten der Deutschen Demokratischen Republik.«

4 »Ich selbst habe von vornherein / Hass gelernt gegen den Faschismus / Liebe zu allen Nationen und Rassen / und Liebe zu unserem Arbeiterstaat«.

5 »Die DDR, mein Vaterland / Ist sauber immerhin / Die Wiederkehr der Nazizeit / Ist absolut nicht drin. / So gründlich haben wir geschrubbt / Mit Stalins hartem Besen / Dass rot verschrammt der Hintern ist / Der vorher braun gewesen.« (p. 7).

6 »Im Geschichtsunterricht unserer Kindheit waren wir Antifaschisten. Unsere Großeltern, unsere Eltern, die Nachbarn – alle waren Antifaschisten […] Sooft ich mir als Kind den zweiten Weltkrieg vorstellte, waren deshalb alle irgendwie Mitglieder der Weißen Rose oder trafen sich konspirativ in Hinterhöfen und Kellern, um den Widerstand zu organisieren und Flugblätter zu drucken. Der Krieg hatte in unserem Land nicht stattgefunden Die Welt um mich herum hatte im Jahr 1945 begonnen«.

7 »Dann fiel mir auf, dass wir nie über solche Dinge gesprochen hatten. Wir wussten nicht, was unsere Großeltern gemacht, ob sie kollaboriert oder Widerstand geleistet hatten. «.

8 Leipziger Volkszeitung du 03.12.1987.

9 Une rétrospective des œuvres de Heisig au musée de Leipzig a été inaugurée en présence du chancelier Gerhard Schröder le 20 mars 2005.

Auteur

Jacques Poumet


Ancien élève de l’École Normale Supérieure, professeur de civilisation allemande à l’Université Lumière Lyon 2. Responsable de l’équipe de recherche sur la RDA et les nouveaux Länder au sein du centre de recherche Langues et Cultures Européennes. Publications sur les textes satiriques (voir La satire en RDA. Cabarets et presse satirique, Presses Universitaires de Lyon, 1990) et sur les revues non-officielles en RDA. 
 
Source :  https://books.openedition.org/psn/7894?lang=fr

L’antifascisme de la RDA et sa mise en question

Bundesarchiv_Bild_183-1986-0813-460,_Berlin,_Parade_von_Kampfgruppen_zum_Mauerbau.jpg

L’antifascisme de la RDA et sa mise en question

par Jacques Poumet

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

 
L’est de l’Allemagne et la RDA sont perçus par les étudiants français à travers l’image qu’en véhiculent les livres d’histoire et surtout les médias. Ceux-ci ont une prédilection pour les sujets qui allient le spectaculaire à l’émotionnel, pour les événements qui alimentent les craintes collectives, pour les affaires qui font apparaître le dessous des choses.

De ce point de vue, les années qui ont suivi la réunification ont offert de quoi alimenter la chronique, et ce qui a été perçu de la RDA rétrospectivement nourrit sans doute durablement l’imaginaire de nos étudiants. L’économie n’y tient pas la place principale, mais les esprits sont marqués par ce qui a fait longtemps la une des médias : la découverte du monde de la Stasi et du mouchardage généralisé, l’explosion des actes xénophobes après 1989, la présence visible de l’extrême-droite, qui ravivent les vieilles craintes et confirment les suspicions.

Il peut être utile de partir de cette observation contemporaine pour démêler la part de l’ancien et du nouveau dans ce phénomène inquiétant. L’extrême-droite dans les nouveaux Länder a-t-elle quelque chose à voir avec le rapport de la RDA au nazisme, ou est elle entièrement née de l’après-réunification ? Peut-on apprécier, et avec quels moyens, la réception en RDA de l’antifascisme officiel ?

L’antifascisme sert à légitimer la RDA

4Dans l’historiographie de la RDA, la période 1945-1949 est désignée comme celle des transformations « antifascistes démocratiques », de l’ordre « antifasciste démocratique ». Elle se définit par le caractère antifasciste de la politique qui y est menée sous le contrôle de l’occupant soviétique. La fondation de l’État est-allemand est présentée comme inscrite dans la continuité de cette période de transition : la RDA est fille de l’antifascisme. L’occupant soviétique n’apparaît pas comme l’acteur principal de ce « bouleversement », ce qui serait contre-productif dans une perspective d’autolégitimation. Dans l’historiographie de RDA, les acteurs sont des antifascistes de divers horizons, dont l’expression politique commune est le « front Unique » des partis antifascistes et démocratiques (Einheitsfront der antifaschistisch-demokratischen Parteien) et qui collaborent au renouveau de l’Allemagne au sein d’un dispositif dont le SED est la pièce maîtresse (Münkler, 1998 : 16sq.).

»Auf freiem Grund mit freiem Volke stehen« (Goethe, Faust II, v. 11581).

5On voit donc émerger un sujet qui est institué porteur d’identité au moment de la fondation de la RDA : l’Allemagne antifasciste. Dans le passé immédiat, c’est l’Allemagne des opposants au nazisme, celle des émigrants, des résistants et spécialement des résistants communistes. Mais on assigne aussi à cette Allemagne antifasciste une profondeur historique : ce sont les « traditions humanistes et progressistes » de l’histoire allemande, incarnées par Thomas Münzer et la guerre des paysans, par les guerres de libération de 1813-1814, par les Lumières, par Lessing, mais aussi par Heine, Thomas Mann et, puisqu’il est incontournable, par Goethe. Ulbricht a pu dire en 1962 que la RDA, c’était le 3e Faust (»dritter Teil des „Faust“«). Ce qui voulait dire que la RDA incarne le meilleur des idéaux humanistes, en particulier la vision de Faust au moment de sa mort, dans le second Faust, lorsqu’il prédit et appelle de ses vœux l’avènement d’un état de liberté où l’homme industrieux est libéré des contraintes injustes : « Me tenir sur une terre libre parmi un peuple libre » (traduction H. Lichtenberger)1.

6C’est une référence fondatrice, et on la voit à l’œuvre par exemple dans la querelle au sujet de l’opéra de Hanns Eisler Johann Faustus. Le livret publié en 1952 réinterprétait le personnage de Faust et en faisait un exemple de la faillite de l’intellectuel allemand, qui se range au côté des princes dans la guerre des paysans, un renégat qui trahit la paysannerie dont il était originaire, et qui scelle sa trahison par un pacte avec le diable dans lequel il renonce à tous ses idéaux humanistes. Faust n’annonçait plus la RDA, il annonçait le fascisme. Il n’était pas question pour les responsables de RDA de laisser subvertir l’image de Faust dont elle se réclamait, celle du chercheur de vérité, de renoncer à un élément aussi central de l’héritage culturel classique. Faust devait rester intangible pour que la RDA puisse continuer à revendiquer l’héritage culturel face à une République fédérale ou régnait selon les termes officiels la non-culture, la barbarie culturelle, l’américanisme. La polémique déclenchée par voie de presse s’est achevée par un dernier débat le 10 juin 1953, une semaine avant le soulèvement du 17 juin. L’opéra n’a jamais vu le jour, Eisler a renoncé à composer la musique.

L’antifascisme est souvent désigné comme le « mythe fondateur » de la RDA : mythe fondateur en tant que récit des origines et en tant que récit qui donne une vision simplifiée de ces origines, suffisamment simple pour diffuser largement et servir de repère à une collectivité pour s’orienter dans l’histoire. Les mythes fondateurs ne s’embarrassent pas d’exactitude historique, leur utilité n’est pas du domaine de la connaissance, mais elle résulte de leur capacité à créer un consensus, à uniformiser la vision qu’une communauté a de sa propre histoire, en écartant les visions divergentes et non consensuelles.

Le récit des origines véhicule un message simple : l’antifascisme est consubstantiel à la RDA. La RDA a extirpé chez elle les racines du fascisme, du passé elle a fait table rase, elle ne porte pas en elle le péché originel du nazisme. Cette Immaculée Conception la délivre du poids du passé : bien qu’allemande, elle n’a rien à voir avec la guerre et avec le fascisme allemand. Dans les années 1950, elle est souvent représentée sur les affiches de propagande comme un nouveau-né, symbole d’innocence. En 1969 encore, pour le 20e anniversaire de la RDA, la campagne d’agitation qui accompagne les festivités utilise des photos de bébés nés le 7 octobre pour illustrer ce caractère de page blanche attribué à la naissance de la RDA (Gibas et al., 1999 : 32 ; Gries/Satjukow, 2003 : 24).

L’après-guerre a été une période riche en mythes fondateurs ou refondateurs. En ce sens, l’Autriche a aussi son mythe re-fondateur qui n’est pas l’antifascisme, mais l’extra-fascisme : l’Autriche première victime du nazisme, victime d’un nazisme exogène, dont elle n’a donc pas à rendre compte. Le confort de ce mythe re-fondateur a été dénoncé inlassablement par toute une série d’écrivains autrichiens, de l’humoriste Helmut Qualtinger à l’imprécateur Thomas Bernhard. Il y a eu aussi un mythe de la France résistante, qui a longtemps prévalu dans la conscience collective, à tel point que c’est de l’extérieur qu’est venue la remise en cause de cette représentation confortable, avec les travaux de l’américain Robert Paxton sur la France de Vichy.

La thèse de l’antifascisme collectif conduit, en RDA comme dans d’autres pays, à une forme d’absolution collective. Le Komintern avait donné dans les années 1930 une définition universalisante du fascisme : la dictature de la fraction la plus réactionnaire et la plus agressive du capitalisme monopoliste (Böhme, 1983 : 257). Cette définition a été reprise telle quelle par la RDA. Son caractère universel avait l’avantage de ne pas isoler le nazisme des autres formes de fascisme, de l’inscrire dans un contexte européen. Mais de par son interprétation marxiste strictement orthodoxe, il laissait hors champ les caractères spécifiques de l’histoire allemande, le déficit démocratique, la tradition autoritaire. Les coupables, c’étaient un groupe de « capitalistes monopolistes ». À la lumière de cette thèse, la question de la responsabilité morale, individuelle ou collective de la population allemande était une question secondaire. Ce qui comptait, c’était que les vrais coupables aient été éliminés par l’épuration des années 1945-47, ou qu’ils se soient éliminés eux-mêmes en fuyant à l’Ouest devant l’avance de l’Armée rouge. Les bases matérielles de leur pouvoir avaient été supprimées par la réforme agraire et par les expropriations industrielles en 1946. Le reste de la population était absous par la définition elle-même, et pouvait considérer en toute bonne conscience que les assassins n’étaient plus dans ses rangs. Quand l’« ordre antifasciste » est devenu l’État antifasciste, les habitants de cet État ont été implicitement invités à se considérer de facto comme antifascistes, la question de leur co-responsabilité à l’époque du nazisme a perdu sa pertinence.

Il y a eu quelques cas, comme Ernst Grossmann, membre du comité central du SED, qui avait été le p (...)

11Ils étaient confortés dans cette attitude par la pratique soviétique de la dénazification, différente de la pratique américaine. L’occupant soviétique a concentré ses efforts sur les principaux responsables – avec les dérives que l’on sait dans l’usage politique de l’internement – mais ne s’est pas enlisé comme à l’Ouest dans l’épluchage de millions de dossiers. En 1948, le parti national démocratique, le NDPD, a été créé (3 ans après les autres partis) pour élargir la base politique sur laquelle s’appuyait le SED et permettre aux anciens membres du NSDAP de réintégrer la vie politique. Cette situation n’a pas empêché que d’anciens membres du parti nazi fassent partie du SED. Mais à la différence de la RFA, la RDA n’avait pas d’anciens nazis notoires aux postes de responsabilité2. Par ailleurs, la résistance communiste sous le nazisme, et par-delà, la résistance ouvrière, ont été hypostasiées. La classe ouvrière dans son ensemble était réputée avoir été imperméable au nazisme. Quiconque appartenait à la classe ouvrière au sens où l’entendait la RDA, avait en poche un certificat d’innocence. Pour les autres, le ralliement au programme du SED sous l’égide du « front unique » valait absolution.

12Cette perspective a trouvé son expression dans la notion de « vainqueurs de l’Histoire ». Au côté de l’Union soviétique qui avait payé un prix colossal pour gagner la guerre, on était dans le camp des « vainqueurs de l’Histoire ». La formule, introduite par la propagande de RDA, a connu un franc succès : c’était une façon commode de se démarquer des coupables et de renvoyer l’héritage de la culpabilité dans l’autre camp, dans l’autre Allemagne. L’historien Bernd Faulenbach, dans un rapport pour la commission d’enquête du Bundestag, a parlé de ce phénomène en disant : « L’héritage national-socialiste est devenu le problème des Allemands de l’Ouest, Hitler était devenu pour ainsi dire un Allemand de l’Ouest » (cité par Münkler, 1998 : 23).

L’antifascisme sert à saper la légitimité de la RFA

13La RDA a fait un usage polémique du mot « fascisme » et de l’antifascisme. Dans un premier temps, l’objectif a été de combattre l’idée d’une légitimité du régime nazi, car celui-ci n’avait pas que des adversaires dans la population. En témoignent les enquêtes faites jusqu’au début des années 1950 par les Américains, selon lesquelles une proportion importante des personnes interrogées pensaient encore que le nazisme était une bonne idée, mais mal appliquée.

Dans un deuxième temps, après la fondation des deux États allemands, il s’est agi de nier la légitimité de l’État d’en face en l’assimilant à ce qui est illégitime par excellence : le fascisme. Dans la logique de ce discours, la RFA était préfasciste, potentiellement fasciste, ou réellement fasciste. Jusqu’à la fin des années 1960, Bonn est dans le discours de la RDA un repère de nazis, de fascistes, de criminels de guerre et de revanchards alliés aux impérialistes américains et à leur complexe militaro-industriel. Berlin-Ouest mérite une mention spéciale comme poste avancé de la lutte des revanchards contre la RDA.

À l’appui de cette thèse, la RDA, en 1963, ouvre une instruction contre Hans Globke, Secrétaire d’État à la Chancellerie, qui avait été le commentateur officiel des lois de Nuremberg sous le IIIe Reich. Dans la même veine, elle fait diffuser en 1965 le « Livre gris » (Graubuch), une documentation qui énumère 1 800 grands nazis ou criminels de guerre qui occupent des fonctions importantes en République fédérale, en particulier dans la justice et dans l’armée, ou qui touchent des pensions confortables. La République fédérale y est présentée comme le paradis des criminels de guerre. Le titre même de l’ouvrage renvoie à un classique de la lutte antifasciste, le « Livre brun » (Braunbuch) édité par les émigrés allemands en juillet 1933 pour dénoncer la manipulation de l’incendie du Reichstag par les nazis. La République fédérale prêtait le flanc à ce genre de critique étant donné l’ampleur des amnisties et des lois de réintégration dans les années 1950. La République fédérale est présentée comme l’héritière de l’Allemagne fasciste, la RDA comme l’héritière de l’Allemagne antifasciste. Elle revendique sur cette base une légitimité morale qu’elle oppose à la prétention constante de la République fédérale à être seule représentante légitime de tous les Allemands (Alleinvertretungsanspruch).

Corollairement, tout ce qui menace l’existence de la RDA est qualifié de fasciste : après une brève période de flottement, le soulèvement du 17 juin 1953 est devenu dans la doctrine officielle la tentative de « putsch fasciste » du 17 juin, et va le rester quasiment jusqu’à la fin. On va se donner beaucoup de mal pour apporter des éléments de preuve à l’appui de la thèse, et pour montrer qu’il y avait d’anciens nazis à la tête des manifestations. La propagande a beaucoup exploité le cas d’une femme nommée Erna Dorn condamnée à mort et exécutée parce qu’elle était supposée avoir été surveillante au camp de concentration de Ravensbrück et avoir suscité un comité de grève en juin 1953 à Halle. À tel point que Stefan Hermlin a repris le sujet et son interprétation officielle dans une nouvelle, »Die Kommandeuse« (1954). En fait, tout indique aujourd’hui, depuis l’ouverture des archives, qu’Erna Dorn a simplement été délivrée de prison par les émeutiers du 17 juin, mais qu’elle n’a pris aucune part active au soulèvement. Il n’est même pas certain qu’elle ait été surveillante à Ravensbrück.

Quant au mur de Berlin, on a souvent rappelé que la RDA, contre toute évidence, le désignait comme un « rempart antifasciste », et célébrait tous les ans l’anniversaire de la construction de ce rempart.

La narration rituelle/la narration du mythe

18Il n’y avait eu en Allemagne moyenne comme dans le reste du Reich qu’une faible minorité de résistants au nazisme. La population de la zone soviétique comptait 1,5 million d’anciens membres du NSDAP. L’adhésion à la thèse de l’antifascisme collectif pouvait donc rarement reposer sur une expérience individuelle ou familiale. D’où l’importance particulière des moyens de propagation institutionnels pour ancrer et entretenir cette représentation :
La narration scolaire, dont il sera question par ailleurs, forge pour des générations d’élèves une épopée fondatrice de la RDA faite de l’histoire des antifascistes assassinés, au premier rang desquels se trouve Ernst Thälmann.
La liturgie des manifestations officielles et des cortèges commémoratifs produit une narration rituelle : 17 janvier, date anniversaire de l’assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxembourg ; 1er mai, fête du travail ; 8 mai, anniversaire de la Libération (Tag der Befreiung) ; 7 octobre, fête nationale. Dans les manifestations et les cortèges officiels, l’antifascisme avait sa place dans les slogans affichés sur les pancartes et les banderoles.

19Le 8 mai mérite une mention particulière. On fêtait ce jour-là la victoire des « forces progressistes de l’Histoire » sur la barbarie hitlérienne, en soulignant le rôle de libérateur joué par l’Union soviétique (Gibas, 2003 : 145). Cela a laissé des traces :

« Une enquête comparative sur les conceptions de l’histoire des Allemands de l’Est et de l’Ouest (réalisée dix ans après l’unification) a montré que les Allemands de l’Est considèrent aujourd’hui encore la participation de l’Union soviétique à l’effondrement du nazisme comme déterminante, alors que pour les Allemands de l’Ouest, c’est celle des alliés occidentaux qui a été déterminante. » (ibid. : 153).

»Bericht des Delegierten der Deutschen Demokratischen Republik.«

Les anniversaires aux chiffres ronds (le dixième, vingtième, trentième anniversaire de la RDA) ont été analysés dans le cadre d’un projet de la Deutsche Forschungsgemeinschaft sur la propagande de RDA. Ces grands anniversaires, précédés de campagnes de mobilisation importantes, étaient l’occasion de réactiver à grande échelle le récit des origines. À côté des perspectives d’avenir (« En avant vers de nouveaux succès ! »), il y avait le regard sur les origines. Pour le 40e anniversaire en 1989, il y avait toujours une affiche qui disait : « Plus jamais le fascisme et la guerre ! 40 ans de politique d’État » (Gibas et al., 1999 : 257). Pour le 20e anniversaire en 1969, la RDA a diffusé une anthologie de poèmes intitulée « Miroir de notre devenir. L’homme et le travail dans la poésie allemande de Goethe à Brecht ». L’anthologie contenait un poème signé Helmut Preißler, écrit plusieurs années après la mort de Brecht et intitulé « Rapport du délégué de la RDA »3. Le poème raconte l’histoire de la RDA à travers celle d’une famille : le père, fait prisonnier sur le front russe, est revenu de captivité métamorphosé en antifasciste militant. Et le fils dit de lui-même :

»Ich selbst habe von vornherein / Hass gelernt gegen den Faschismus / Liebe zu allen Nationen und (...)

« Moi-même j’ai appris dès le départ
à haïr le fascisme
à aimer toutes les nations et toutes les races,
et à aimer notre État des ouvriers ».4 (ibid. : 256)


21Un certain nombre de lieux de commémoration contribuaient à asseoir l’idée d’une identification entre l’État de RDA et l’antifascisme. La Neue Wache sur l’avenue centrale Unter den Linden à Berlin-Est était un mémorial dédié aux « victimes du fascisme et du militarisme ». La relève de la garde y était particulièrement soignée, pour montrer le prix que le pays y attachait. La grande relève de la garde (Großer Wachaufzug), une fois par semaine, était suffisamment spectaculaire pour attirer les groupes de touristes et les soldats américains de Berlin-Ouest.
Le mémorial de Buchenwald a joué un rôle éminent dans la politique de la mémoire en RDA. Dans l’enceinte du camp, la RDA a construit un complexe monumental, des escaliers monumentaux convergeant vers un monument à la mémoire des victimes du camp et du soulèvement des détenus. Le pèlerinage à Buchenwald était un passage obligé pour tout enfant scolarisé en RDA, et pour les groupes de la FDJ, l’organisation de jeunesse. C’est là que se manifestait de la manière la plus visible l’antifascisme d’État, où chacun était invité à se pénétrer de l’idée que l’antifascisme était consubstantiel à la RDA.

Les icônes nationales, particulièrement Ernst Thälmann, incarnent l’antifascisme. Secrétaire Général du Parti Communiste Allemand (KPD) avant 1933, candidat communiste à l’élection présidentielle sous la république de Weimar, Ernst Thälmann a passé dix ans en camp de concentration avant d’être finalement assassiné au camp de Buchenwald. Ces années ont fait de lui le principal martyr de la résistance communiste.

Dans le moindre village, après 1950, il y a eu une rue Thälmann, une place Thälmann et dans toutes les villes des usines Thälmann, des écoles Thälmann et des parcs Thälmann. L’omniprésence du nom témoigne d’une volonté politique de populariser son image. Après l’alignement du SED sur le Parti Communiste soviétique et l’introduction du centralisme démocratique, Thälmann est devenu la grande figure symbolique de la RDA, parée de toutes les vertus : sagesse, prévoyance, vision d’ensemble, autorité naturelle, les qualités d’un vrai chef. Il était en particulier donné en exemple aux enfants dès le plus jeune âge, les pionniers s’appelaient les pionniers Thälmann, et on y prêtait serment à Thälmann : « Ernst Thälmann est mon modèle, je prête serment d’apprendre, de travailler et de lutter selon l’exemple d’Ernst Thälmann. Je respecterai les lois des pionniers Thälmann. Conformément à notre salut, je serai toujours prêt pour la paix et le socialisme ».

Buchenwald-Denkmal-auf-dem-Ettersburg-das-vor-60-Jahren-eingeweiht-wurde.jpg

Cette instrumentalisation de l’antifascisme a présenté pour la RDA elle-même plusieurs inconvénients. À force de répétition, l’antifascisme s’est figé, il est devenu synonyme de culte des morts, comme l’a écrit Heiner Müller (1992 : 364). L’incapacité à mettre en œuvre la relève des dirigeants et à remplacer les octogénaires à la tête du Parti et de l’État, n’est pas étrangère à la prétention constante de la RDA d’être l’État antifasciste par excellence. Les vieux dirigeants appartenaient à la génération qui avait combattu le nazisme, et cela leur donnait un reste de légitimité ; leurs successeurs potentiels, plus jeunes, n’auraient pas pu incarner cette légitimité là, leur seule légitimité aurait été le socialisme en Allemagne.

Enfin, le génocide juif n’a pas eu la même place dans la mémoire de la RDA que dans celle de la République fédérale : l’absolution collective liée au mythe fondateur a renvoyé le travail de mémoire sur le génocide juif à « ceux d’en face », aux héritiers supposés du national-socialisme, aux Allemands de l’Ouest. Dans le mémorial de Buchenwald, l’exposition permanente sur le système des camps de concentration mettait en relief la persécution des communistes et le traitement des prisonniers soviétiques, beaucoup plus que l’extermination des Juifs et des Roms. Les commémorations du 9 novembre sont également significatives à cet égard. Le 9 novembre est une date très chargée de l’histoire allemande : celle de la révolution de novembre 1918, du putsch avorté de Hitler en 1923, de la « nuit de cristal » en 1938, et depuis 1989 c’est aussi la date de l’ouverture du mur de Berlin. Pendant longtemps, le pogrom nazi de 1938 a été éclipsé par la commémoration de la révolution de 1918. Le 9 novembre était consacré à la commémoration de la révolution de novembre (Gedenktag der Novemberrevolution), et la « nuit de cristal » était reléguée à une place marginale. Les choses ont commencé à changer en 1978, avec le 40e anniversaire de la nuit de cristal. Le nouveau cadre international (les accords d’Helsinki, la nouvelle respectabilité internationale de la RDA, la recherche d’un rôle actif au niveau international) ne permettait plus de faire l’impasse sur la question au moment où la série télévisée Holocauste sensibilisait à nouveau l’opinion occidentale à la question du génocide. Contrairement aux deux décennies précédentes, le sujet a commencé à être traité dans les médias. Dans les années 1980, les considérations de politique internationale ont joué aussi un rôle décisif : après sa visite officielle à Bonn (plusieurs fois reportée), E. Honecker souhaitait consacrer la reconnaissance internationale de la RDA par une visite officielle à Washington. Ces considérations ne sont pas étrangères au programme commémoratif mis en œuvre pour le 9 novembre 1988, 50e anniversaire de la nuit de cristal. L’aspect le plus spectaculaire en a été la rénovation (longtemps différée) de la grande Synagogue de Berlin, située dans la partie est de la ville et détruite en 1938, et l’invitation de personnalités juives internationales.

Succès du mythe fondateur antifasciste

L’antifascisme officiel de RDA est souvent qualifié d’antifascisme de commande (»verordneter Antifaschismus«). Même si la démarche politique est indéniable, cette démarche a cependant suscité une adhésion dont ne rendent pas suffisamment compte tous les discours polémiques sur la question. Dans son rapport d’expertise devant la commission d’enquête du Bundestag, l’historien Bernd Faulenbach souligne que l’antifascisme a été un ciment idéologique bien plus fort que l’idéologie marxiste. De même que l’anticommunisme a été l’un des ciments idéologiques de la société d’après guerre à l’Ouest, l’antifascisme a contribué à la consolidation interne de la RDA en désignant un ennemi commun. Il avait une grande force émotionnelle, et il a conservé sa crédibilité bien après que l’idéologie marxiste s’est figée en un corpus doctrinaire perçu comme déconnecté de la réalité. L’antifascisme n’était pas un simple slogan (Drechsler et al., 1997, vol. 1 : 150-152).

En 1972, Wolf Biermann, interdit de publication depuis 8 ans, publiait à l’Ouest son recueil Deutschland, ein Wintermärchen (Allemagne, conte d’hiver), où il éreinte la RDA qui est pour lui le pays de la révolution trahie, des espoirs trahis, de la trahison au pouvoir (Biermann, 1972, 66-68). Mais la critique atteint ses limites lorsque les deux Allemagne sont comparées du point de vue de l’antifascisme :

»Die DDR, mein Vaterland / Ist sauber immerhin / Die Wiederkehr der Nazizeit / Ist absolut nicht d (...)


La RDA, ma patrie,
est propre en tous cas
le retour du nazisme
y est absolument impossible.
Nous avons tellement bien frotté
avec le dur balai de Staline
que le derrière autrefois brun
est devenu tout rouge.5

La force d’intégration réelle de cet antifascisme d’État a permis à la première génération de l’après-guerre d’éviter à bon compte de se poser la question de la culpabilité, et a contribué à maintenir dans la deuxième et la troisième génération un degré de respectabilité élevé du motif antifasciste.

On trouve la trace ambiguë de cette force d’imprégnation du motif antifasciste dans les œuvres de la nouvelle génération d’écrivains est-allemands qui avaient environ quinze ans à la chute du mur et qui publient leurs premières œuvres plus de dix ans après la disparition de leur pays d’origine : leur socialisation s’est faite en RDA, et leur entrée dans le monde adulte s’est faite dans l’Allemagne unifiée.

Le plus médiatisé de leurs livres est sans doute celui de Jana Hensel, Zonenkinder (Enfants de la « Zone »). On peut citer bien d’autres exemples de cette littérature de la génération « à cheval » sur deux mondes qui est l’objet d’un certain engouement : Claudia Rusch, Meine freie deutsche Jugend, André Kubiczek, Junge Talente, Falko Hennig, Trabanten, Annette Gröschner, Moskauer Eis, Jana Simon, Denn wir sind anders, etc. Ces auteurs qui avaient entre treize et vingt ans à la chute du Mur témoignent clairement de la différence entre la rupture biographique qu’ils ont vécue et celle qu’ont vécue leurs aînés. Pour la génération de leurs parents, la fin de la RDA a signifié la perte des idéaux (quand bien même l’idéal était celui d’une « autre » RDA), la mise en cause publique, la dévalorisation de l’expérience de toute une vie, le retour introspectif sur la question de la co-culpabilité tel qu’on le retrouve dans de nombreuses autobiographies. Cette génération a eu le sentiment d’être sacrifiée par la réunification. En revanche, la génération de ces écrivains qui ont aujourd’hui entre trente et trente cinq ans, est dans un tout autre état d’esprit. Pour elle, l’unification a été vécue essentiellement comme une ouverture inespérée, et le mixage Est-Ouest s’est opéré rapidement. Mais étant de plain-pied dans l’Allemagne unifiée, ils revendiquent le droit de se reconnaître sans fausse mauvaise conscience dans l’environnement de leur enfance, sans avoir à en abjurer une part.

Leurs récits, leurs histoires sont centrés sur le monde de leur enfance et de leur adolescence, un monde parcouru de phantasmes comme tout univers d’enfance, et marqué par des rejets qui sont le propre de toute adolescence.

Claudia Rusch est issue d’une famille d’opposants très liée à Robert Havemann. Elle s’est identifiée très tôt aux positions de ses parents et se trouve en décalage par rapport à la plupart de ses camarades de classe. Mais il y au moins une chose qu’elle partage avec ceux-ci, c’est l’image de Thälmann. « Il faut savoir une chose », écrit-elle, « pour les enfants de RDA, Thälmann c’était Robin des bois et Superman en une seule personne » (Rusch, 2003 : 38) : une icône intangible, le socle de l’éducation antifasciste depuis le plus jeune âge, en particulier dans les petits journaux pour les pionniers qui popularisaient l’histoire édifiante de « Teddy » Thälmann.

Jana Hensel résume en quelques phrases l’impression qui se dégage de toute son éducation :

»Im Geschichtsunterricht unserer Kindheit waren wir Antifaschisten. Unsere Großeltern, unsere Elte (...)

« Dans les cours d’histoire de notre enfance, nous étions antifascistes. Nos grands-parents, nos parents, nos voisins – tout le monde était antifasciste […]. Quand je m’imaginais la Seconde Guerre mondiale, je nous voyais tous plus ou moins membres de la Rose Blanche ou en train de conspirer dans des caves ou des arrière-cours pour organiser la résistance et imprimer des tracts. La guerre n’avait pas eu lieu chez nous. Le monde qui m’entourait avait commencé en 1945 »6 (Hensel, 2002 : 108).

»Dann fiel mir auf, dass wir nie über solche Dinge gesprochen hatten. Wir wussten nicht, was unser (...)

35D’où une expérience étonnante qu’elle a faite après la chute du Mur : la scène se passe dans la région de Cologne, avec des amis de l’Ouest. Après une soirée bien arrosée, les amis ouest-allemands se mettent à confier les uns après les autres qu’ils ont dans leur famille un grand-père ou un grand-oncle très compromis dans le nazisme. Pour tous les amis de l’Ouest, cela fait partie de l’histoire familiale normale. Et elle s’aperçoit que elle, venant de l’Est, elle est la seule à n’avoir rien de tel à raconter : « Je me rendais compte que nous n’avions jamais parlé de ça. Nous ne savions pas ce qu’avaient fait nos grands-parents, s’ils avaient collaboré ou fait de la résistance […] On nous avait épargné les questions et les histoires pas très jolies à raconter »7 (112).

ddr.jpg

36L’appel « Pour notre pays » (»Für unser Land«) diffusé en RDA peu après l’ouverture du mur de Berlin, et signé entre autres par Christa Wolf, Stefan Heym, Friedrich Schorlemmer et Ulrike Poppe se place sous le signe du retour aux idéaux antifascistes du début de la RDA : « Nous pouvons encore revenir aux idéaux antifascistes et humanistes dont nous sommes partis autrefois ». Cette référence montre que pour les partisans d’une « autre » RDA, c’est-à-dire principalement les mouvements civiques de fin 1989, l’antifascisme n’a pas perdu sa crédibilité, et que le fait d’avoir été instrumentalisé n’a pas suffi à le discréditer. Pour Bernd Faulenbach, l’antifascisme était en 1989 « le dernier reste d’identification avec la RDA » (Drechsler et al., 1997, vol. 1 : 152).

Conséquences à long terme

L’antifascisme de RDA a été un antifascisme d’État, et il est difficile de le dissocier de l’entreprise d’instrumentalisation de l’histoire menée dans les ex-pays de l’Est et en particulier en RDA. Le discrédit total jeté sur le régime de RDA après l’unification entraîne une remise en cause de cet antifascisme qui était accepté sans trop de difficulté jusqu’en 1989. Un antifascisme reposant sur l’idée que la RDA fait partie des « vainqueurs de l’Histoire » ne peut plus fonctionner après l’effondrement des régimes socialistes et l’expérience d’une unification où la population de l’Est n’a pas eu globalement le sentiment d’avoir vécu une victoire. L’antifascisme de RDA ne peut plus servir de référence auprès de la jeune génération.

Cet antifascisme d’État présente des zones d’ombre qui concernent les camps d’internement soviétiques et les procès de Waldheim. Dans les quatre zones, les occupants ont internés des suspects en quantité importante dans le cadre de la dénazification. Il y a eu onze camps d’internement en zone soviétique, dont deux installés dans des anciens camps de concentration, Buchenwald et Sachsenhausen. Les internements en zone soviétique présentent deux particularités par rapport à ceux des autres zones : d’une part, les soviétiques n’ont pas interné que des nazis et des criminels de guerre, mais ils se sont servis de l’étiquette « fasciste » pour interner des adversaires politiques, notamment des sociaux-démocrates opposés à la fusion avec le parti communiste, ou des personnes qui avaient manifesté leur désaccord avec le SED ou avec l’administration soviétique. À cette époque, être contre, c’était être potentiellement fasciste. D’autre part, la mortalité dans les camps d’internement soviétiques a été très importante car les conditions de vie y étaient très dures. Il y a eu environ 150 000 internés, dont un tiers, selon les estimations, sont morts de faim, de froid et de maladie.

ddrposter.png

Lorsque les camps d’internement soviétiques ont été dissous en 1950, 15 000 détenus ont été remis à la RDA, dont 3 400 n’avaient pas encore été jugés par des tribunaux soviétiques. Il fallait les juger. Pour ce faire, on a mis en place en mai-juin 1950 une procédure expéditive. Un tribunal d’exception siégeant à huis clos s’est réuni dans l’enceinte de la prison de Waldheim où les anciens détenus étaient rassemblés. Au mépris des droits de la défense, et à l’issue d’audiences très courtes, ce tribunal a prononcé des sentences extrêmement lourdes alors que dans la plupart des cas les charges étaient faibles : 12 ans de prison pour avoir été instituteur nazi, 12 ans aussi pour avoir été journaliste sous le 3e Reich. Il y a eu 33 condamnations à mort, dont 24 exécutées. Il a eu manifestement volonté de condamner parce qu’il ne fallait pas qu’il soit dit que des innocents avaient été internés par les Soviétiques, et volonté de condamner lourdement pour montrer que les Soviétiques n’avaient pas interné à la légère.

Malgré l’absence d’information officielle, ces excès ont été rapidement connus et on suscité de nombreuses protestations de l’extérieur. Thomas Mann, par exemple, a demandé la révision des procès. À l’intérieur de la RDA, il n’y a pas eu de débat public sur la question. Otto Nuschke, Président de la CDU de RDA, a demandé en conseil des ministres la révision des procès, mais sa protestation a été étouffée (Klonovsky, 1991).

Enfin, l’antifascisme étatique de la RDA, qui proclamait que l’État avait fait le nécessaire pour que le nazisme soit banni à tout jamais de cette partie de l’Allemagne, a dispensé les Allemands de l’Est de faire à titre local, familial ou individuel le travail d’interrogation active du passé qui a eu lieu en République fédérale à partir de la fin des années 1960. On n’a pas vu en RDA ce phénomène générationnel de révolte contre le silence des pères et contre les mensonges de l’après-guerre qu’on a vu à l’Ouest. On n’a pas vu non plus les grands débats sur le rapport au nazisme qui ont agité l’espace public à l’Ouest dans les années 1980 (type « querelle des historiens »). Et de ce fait, l’antifascisme de RDA n’a pas été revivifié par des apports nouveaux, il est resté pendant 40 ans à peu près ce qu’il était depuis le début, comme un élément du patrimoine.

Les arts plastiques en RDA et le fascisme

Les sujets historiques ont occupé une place importante dans la peinture de RDA : la guerre des paysans, la Réforme, la guerre de trente ans, la Commune de Paris et, plus près de nous, le putsch de Pinochet au Chili, sont des sujets récurrents. Les expositions quinquennales de peinture au niveau régional et national faisaient à ces tableaux une place de choix. La peinture qui aborde la question du nazisme n’est donc pas isolée, elle s’insère dans tout un paradigme de peinture historique.

Les exemples qui suivent sont tirés des œuvres de peintres de l’école de Leipzig qui a été présentée en tant que telle à l’exposition Kunst in der DDR en 2003 à la Neue Nationalgalerie de Berlin (Belschner, 2003). Les noms les plus connus de cette école de Leipzig du temps de la RDA – Werner Tübke, Bernhard Heisig, Wolfgang Mattheuer – ont abordé chacun à leur façon la question de l’antifascisme en y apportant leur éclairage.

L’un des tableaux majeurs de l’œuvre de Tübke, peint en 1965, s’intitule « Souvenirs du juriste Schulze III » (Lebenserinnerungen des Dr. jur. Schulze III). Le chiffre III fait référence à un cycle d’une dizaine d’œuvres sur le même thème dont celle-ci, monumentale, est la plus connue. Au centre du tableau est assis un juge en robe rouge représenté comme une marionnette dont les mains, le cou, la tête sont en bois articulé – la tête à peine ébauchée et sans traits individuels s’accorde bien avec le nom « Schulze », un nom passe-partout qui évoque un personnage interchangeable. De tous les points de son corps partent des ficelles qui le relient à une multitude de scènes représentées en miniature autour de lui : une ville détruite, des prisonniers torturés, un SA et un soldat, une exécution, tout un chaos meurtrier dont la composition évoque la peinture de Breughel. C’est un monde de l’horreur, contrastant avec la sérénité du paysage méridional déployé devant le juge assis et qui représente la belle apparence dont on cherche à recouvrir les horreurs du passé nazi.

C’est une peinture allégorique, comme souvent chez Tübke, un tableau à lire et à déchiffrer, peint peu après les procès d’Auschwitz, et qui dénonce la continuité dans le corps de la justice en République fédérale, le scandale des juges qui ont servi le nazisme et qui continuent à exercer : ces « juristes effrayants » (furchtbare Juristen) qui figurent au catalogue des lieux de mémoire allemands dans l’inventaire d’Étienne François et Hagen Schulze (François/Schulze, 2001). Ce tableau anticipe largement sur l’affaire Filbinger et la pièce de Rolf Hochhuth, « Juristes », écrite contre lui en 1979. Il s’agit selon Tübke de dénoncer « les tendances néo-fascistes en République fédérale » (déclaration de 1979 citée dans Blume/März, 2003 : 270). Pour autant, le tableau et les autres tableaux du même cycle n’ont pas fait l’unanimité en RDA. On lui a reproché de brouiller le message, sur un sujet hautement politique, de manquer d’esprit partisan (Parteilichkeit), d’abandonner le réalisme, de se réfugier dans le « surréalisme » (Beaucamp, 1997 : 204 ; Lang, 1983 : 75).

Bernhard Heisig, né en 1925 à Breslau, a été engagé volontaire à 17 ans dans une unité blindée, puis fait prisonnier sur le front russe et libéré en 1946. Son expérience de la guerre et du nazisme hante son œuvre. C’est un des représentants les plus importants de la peinture historique en RDA. Dans les années soixante, après avoir produit un cycle de tableaux sur la Commune de Paris, il peint en 1964 le « Songe de Noël du soldat impénitent » (»Weihnachtstraum des unbelehrbaren Soldaten«) qu’il reprendra dix ans plus tard (Gillen, 1997 : 200) et dont le titre annonce, si l’on peut dire, la couleur.

Son œuvre est pénétrée de ce qu’il appelle « le cauchemar fasciste ». Ses tableaux les plus connus se présentent comme un enchevêtrement de fragments extraits de l’univers contemporain et de fragments empruntés à l’horreur nazie. Premier exemple : le tableau intitulé « Obstination de l’oubli » (»Beharrlichkeit des Vergessens«) (1977). Au centre, un mutilé de guerre allongé sur un drapeau nazi brandit sa croix de guerre avec un rire sardonique. Il est environné d’un ensemble chaotique où l’on reconnaît pêle-mêle un couple d’amoureux, des soldats en train de tuer, un bouffon qui joue de la musique, une tête sanglante, des morts et des prisonniers – et au milieu de tout cela serpente une banderole sur laquelle on lit : « Nous sommes pourtant tous frères et sœurs ». C’est une danse macabre nettement inspirée d’Otto Dix, dans laquelle s’inscrit le refoulement du passé nazi et le retour de ce refoulé. À première vue, le texte de la banderole renvoie plus particulièrement à l’Allemagne de l’Ouest – la formule « frères et sœurs » (»Brüder und Schwestern«) désignait les habitants de RDA dans les discours bien pensants de l’Ouest. Cette lecture ne doit pas être évacuée, mais elle n’épuise pas le message. Ce qui est désigné, c’est la fausse innocence de l’oubli, l’impossibilité d’une innocence après le nazisme, au moins pour la génération qui l’a vécu, et donc par là même la représentation taboue d’une RDA dont les habitants seraient indemne de tout passé nazi.

ddraff.jpg

Un autre tableau de Heisig s’appelle « Fin du programme de la soirée » (»Ende des Abendprogramms«) (1982) : un personnage central marche au pas de l’oie à travers un entassement de téléviseurs qui montrent tous la même image ; une bouche qui baille, et l’inscription « Dormez bien » (»Schlafen Sie wohl«). Il va se coucher une chandelle à la main, en emportant un téléviseur portatif, comme s’il ne pouvait s’en séparer. Tout autour de lui, on observe un mélange de scènes de catastrophe (une tour de Babel qui explose, un incendie) et d’éléments divers du spectacle télévisuel (un opéra, un match de football), le tout dominé par des avions de combat en position d’attaque. Nous sommes invités à établir un rapprochement entre une attitude de type fasciste, symbolisée par le pas de l’oie, et un envahissement médiatique qui suscite indifférence et passivité. Le matraquage médiatique est présenté comme une manipulation qui fait le lit des fascismes. C’est donc une peinture en forme d’avertissement. Le personnage contemporain bercé par le spectacle des catastrophes, tel qu’il est représenté, n’a plus rien de commun avec l’image simpliste de « l’homme nouveau » ou de la « personnalité socialiste développée ». Il porte en lui un héritage ancien qui inclue l’héritage fasciste. Il y a là une forme de mise en cause de la façon dont la RDA se situe par rapport au fascisme.

Cette problématique nous conduit à un troisième peintre de l’école de Leipzig, Wolfgang Mattheuer. Il a peint en 1982 un tableau appelé « Cauchemar » (»Albtraum«), dont il a tiré une sculpture intitulée « Le pas du siècle » (»Der Jahrhundertschritt«), exposée aujourd’hui à Leipzig devant l’implantation locale de la Maison de l’Histoire. Le tableau a fait sensation à l’exposition d’arts plastiques de RDA organisée à Hambourg en novembre 1982 (»Zeitvergleich«), et montrée ensuite dans les grandes villes de République fédérale. Le tableau de Mattheuer fait la couverture du catalogue de cette exposition et se retrouve de nouveau en double page à l’intérieur. On y voit, sur un fond très sombre, dans un espace vide et nocturne, un personnage qui court le long d’une ligne noire. Le personnage est très schématisé et disproportionné, sa tête n’est qu’une vague silhouette noire, il est presque dépourvu de tronc et son corps se résume à ses deux bras et à ses deux jambes. Le bras gauche et la jambe gauche dessinent une croix gammée, le bras droit et la jambe droite une sorte de « V » de la victoire. Les symboles du mouvement ouvrier et du nazisme s’entremêlent : le poing levé du bras gauche (symbole ouvrier) dessine une forme de croix gammée avec la botte nazie de la jambe gauche. Le bras droit qui fait le salut fasciste et la jambe droite peinte aux couleurs du bras ouvrier propulsent ensemble le personnage. Détail supplémentaire : cette étrange silhouette porte une rangée de médailles, c’est donc un modèle, mais il est sans visage, et les médailles sont des points de couleur interchangeables. On remarquera que la trajectoire du personnage suit la ligne, et la « ligne », ce qui n’est pas sans signification dans un pays dirigé par un parti communiste. On a là une vision très distanciée de la conception du nouvel homme socialiste, la personnalité socialiste : le nouvel homme traîne des éléments de la structure de la personnalité fasciste, le poids du passé fasciste est inscrit en lui, il n’y a pas d’Immaculée Conception.

Leipziger Volkszeitung du 03.12.1987.

50Une version de ce tableau a été exposé à la neuvième Exposition nationale de peinture de Dresde en 1982-83, mais n’était pas reproduit dans le catalogue. Le contraste est frappant avec la place vedette que lui accorde au même moment le catalogue des expositions qui se tiennent en République fédérale. À l’Est, ce tableau gêne, à l’Ouest, il illustre l’idée d’un renouveau de la peinture en RDA. La sculpture en bronze « Le pas du siècle » issue de ce tableau a été exposée à Dresde à la dixième exposition nationale en 1987-88, et la presse de RDA l’a accueillie comme « une des œuvres les plus marquantes de toute l’exposition »8. Mais elle n’est pas non plus reproduite dans le catalogue, ce qui montre bien que cinq ans après sa création cette œuvre dérange toujours autant.

On quitte en apparence seulement l’école de Leipzig avec les tableaux de Hubertus Giebe. En effet, Giebe a quitté volontairement l’école des Beaux-Arts de Dresde pour venir faire ses études à Leipzig où il a été élève de Heisig dont il a reçu de fortes influences. Il est de la génération suivante, puisqu’il est né en 1953, c’est son père qui a fait la guerre sur le front russe. Ce père qui était antinazi (de tradition sociale-démocrate) a déserté les rangs de la Wehrmacht, a été fait prisonnier et envoyé dans un camp de travail soviétique. À son retour il s’est enfermé dans le silence et pendant 35 ans, jusqu’à sa mort, a toujours refusé, comme beaucoup d’autres, de parler de ses années de guerre et de captivité (Blume/Gassner, 2003 : 120). Dans toute sa peinture des années 1980, Giebe explore la face cachée de l’antifascisme de RDA. Il refuse cette espèce de « trafic d’indulgences » de l’antifascisme officiel, et peint des tableaux qui expriment la part de la culpabilité qui retombe sur les épaules de la génération suivante. À la neuvième exposition nationale de Dresde, il présente « La culpabilité » (»Die Schuld«), inspiré du Tambour de Günter Grass. Cinq ans plus tard, à la dixième exposition (1987), c’est un tableau intitulé « La résistance – pour Peter Weiss » (»Der Widerstand – für Peter Weiss«).

Dans ce tableau, il s’intéresse au personnage de Willi Münzenberg qu’il a déjà peint dans d’autres tableaux, soit en exil dans les rues de Paris, soit levant le poing en signe de lutte dans le camp d’internement de Chambaran. Ici Münzenberg se tient tout à droite du tableau, les bras croisés, dans son manteau en feutre au col relevé qui lui arrive jusqu’aux chevilles et qui est indissociable de son image. Willi Münzenberg était membre du comité central du KPD, dont il a été exclu pour avoir critiqué les procès de Moscou. Émigré à Paris, il a dénoncé le pacte germano-soviétique avant d’être interné en 1940 dans le camp de Chambaran. Il s’en est évadé, et on l’a retrouvé mort ; l’enquête a conclu à un suicide, mais certains pensent encore qu’il a été liquidé par des agents de Moscou. Dans son Esthétique de la résistance, Peter Weiss se livre à une sorte de réhabilitation de Münzenberg, et c’est à cela que rend hommage Hubertus Giebe. La perspective de Giebe sur la résistance communiste n’est pas triomphaliste, on est loin de l’imagerie officielle. Au centre du tableau, deux personnages dont les silhouettes forment une croix marchent dans des directions divergentes, encore imbriqués l’un dans l’autre et déjà ennemis. Et sous leurs pieds, c’est une orgie de violence et de sang qui se déchaîne.

Une rétrospective des œuvres de Heisig au musée de Leipzig a été inaugurée en présence du chanceli (...)

Présentés à un public d’étudiants, ces exemples empruntés à des peintres de RDA permettent de s’interroger sur la pertinence de l’équation « rouge égale brun » (»rot gleich braun«) qui assimile, tous domaines confondus, la dictature nazie et la dictature communiste. C’est ce point de vue qui a conduit il y a quelques années au malheureux épisode de l’exposition de Weimar sur la Modernité (»Aufstieg und Fall der Moderne«). Elle présentait côte à côte la peinture nazie et la peinture de RDA, le parallélisme invitant à les rejeter et à les condamner en bloc. Les œuvres de RDA étaient présentées en désordre, sans fil conducteur, serrées l’une contre l’autre, sans aucune mise en valeur. Les œuvres de commande, celles qui venaient par exemple de la galerie du Palais de la République de Berlin, étaient présentées à même le sol, gisant pêle-mêle comme un tas de déchets – alors qu’il s’agissait de peintres reconnus à l’Ouest depuis fort longtemps, comme Heisig, Tübke, et Sitte. On sait que Helmut Schmidt avait choisi Bernhard Heisig pour faire son portrait officiel destiné à la galerie de la chancellerie9… Cette exposition avait un statut particulier puisqu’elle s’inscrivait dans le programme de « Weimar, capitale européenne de la Culture » en 1999. Cela a provoqué un scandale, l’intervention du président du Bundestag, Wolfgang Thierse, et une polémique qu’on a appelé la « querelle des images » (Bilderstreit). On a dit à ce propos que les toiles de RDA n’avait pas été « accrochées », comme dans toute exposition, mais « collées au mur », comme pour être fusillées. Plusieurs expositions organisées depuis cette date ont montré que cette perspective est en recul, et qu’une réévaluation des arts plastiques de RDA est en cours.


Bibliographie

Beaucamp E., 1997, »Lebenserinnerungen des Dr. Jur. Schulze III«, in Gillen E. (éd.), Deutschlandbilder, Köln, Dumont.

Belschner T., 2003, »Leipziger Schule«, in Blume E., März R. (éds), Kunst in der DDR, Berlin, G + H Verlag.

Biermann W., 1972, Deutschland. Ein Wintermärchen, Berlin, Verlag Klaus Wagenbach.

Blume E., Gassner H. et al. (éds), 2003, Klopfzeichen. Leipzig, Verlag Faber & Faber.

Böhme W., Dominik S., Eisel H. et al. (éds), 1983, Kleines politisches Wörterbuch, Berlin, Dietz Verlag.

Drechsler I., Faulenbach B. et al. (éds), 1997, Getrennte Vergangenheit, gemeinsame Zukunft. Ausgewählte Dokumente, Zeitzeugenberichte und Diskussionen der Enquete-Kommission » Aufarbeitung von Geschiche und Folgen der SED-Diktatur in Deutschland» des Deutschen Bundestages 1992-1994, München, DTV, 4 vol.

François E. et Schulze H. (éds), 2001, Deutsche Erinnerungsorte, München, C. H. Beck.

Gibas M., 2003, « Commémorations et anniversaires politiques en RDA : intentions, effets, répercussions », in Allemagne d’aujourd’hui no 166/2003, p. 138-161.

Gibas M., Gries R., Jakoby B. et al. (éds), 1999, Wiedergeburten. Zur Geschichte der runden Jahrestage der DDR, Leipzig, Leipziger Universitätsverlag.

Gillen E. (éd.), 1997, Deutschlandbilder, Köln, Dumont.

Gries R. et S ATJUKOW S., 2003, »Von Feinden und Helden. Inszenierte Politik im realen Sozialismus«, in Aus Politik und Zeitgeschichte, 53/2003, p. 20-29.

Hensel J., 2002, Zonenkinder, Hamburg, Rowohlt Verlag.

Klonovsky M., 1991, Stalins Lager in Deutschland, München, DTV.

Lang L., 1983, Malerei und Graphik in der DDR, Leipzig, Philipp Reclam jun.

Müller H., 1992, Krieg ohne Schlacht, Köln, Kiepenheuer und Witsch.

Münkler H., 1998, »Antifaschismus und antifaschistischer Widerstand als politischer Grüngungsmythos der DDR«, in Aus Politik und Zeitgeschichte. 45/98, p. 16-29.

Rusch C., 2003, Meine Freie Deutsche Jugend. Frankfurt/Main, S. Fischer.

Notes

1 »Auf freiem Grund mit freiem Volke stehen« (Goethe, Faust II, v. 11581).

2 Il y a eu quelques cas, comme Ernst Grossmann, membre du comité central du SED, qui avait été le président de la première coopérative agricole (LPG) fondé en 1951. On s’est aperçu en 1959 qu’il avait fait partie des SS depuis 1938, et il a été écarté.

3 »Bericht des Delegierten der Deutschen Demokratischen Republik.«

4 »Ich selbst habe von vornherein / Hass gelernt gegen den Faschismus / Liebe zu allen Nationen und Rassen / und Liebe zu unserem Arbeiterstaat«.

5 »Die DDR, mein Vaterland / Ist sauber immerhin / Die Wiederkehr der Nazizeit / Ist absolut nicht drin. / So gründlich haben wir geschrubbt / Mit Stalins hartem Besen / Dass rot verschrammt der Hintern ist / Der vorher braun gewesen.« (p. 7).

6 »Im Geschichtsunterricht unserer Kindheit waren wir Antifaschisten. Unsere Großeltern, unsere Eltern, die Nachbarn – alle waren Antifaschisten […] Sooft ich mir als Kind den zweiten Weltkrieg vorstellte, waren deshalb alle irgendwie Mitglieder der Weißen Rose oder trafen sich konspirativ in Hinterhöfen und Kellern, um den Widerstand zu organisieren und Flugblätter zu drucken. Der Krieg hatte in unserem Land nicht stattgefunden Die Welt um mich herum hatte im Jahr 1945 begonnen«.

7 »Dann fiel mir auf, dass wir nie über solche Dinge gesprochen hatten. Wir wussten nicht, was unsere Großeltern gemacht, ob sie kollaboriert oder Widerstand geleistet hatten. «.

8 Leipziger Volkszeitung du 03.12.1987.

9 Une rétrospective des œuvres de Heisig au musée de Leipzig a été inaugurée en présence du chancelier Gerhard Schröder le 20 mars 2005.

Auteur

Jacques Poumet


Ancien élève de l’École Normale Supérieure, professeur de civilisation allemande à l’Université Lumière Lyon 2. Responsable de l’équipe de recherche sur la RDA et les nouveaux Länder au sein du centre de recherche Langues et Cultures Européennes. Publications sur les textes satiriques (voir La satire en RDA. Cabarets et presse satirique, Presses Universitaires de Lyon, 1990) et sur les revues non-officielles en RDA. 
 
Source :  https://books.openedition.org/psn/7894?lang=fr

vendredi, 25 janvier 2019

Les antifas ne l'ont pas compris mais le nazisme et le fascisme sont morts

en-hitler.jpg

Les antifas ne l'ont pas compris mais le nazisme et le fascisme sont morts

William S. Lind

Des deux cotés du spectre politique, les mots « nazi » et « fasciste » sont entrés dans l’usage commun. J’ai de mauvaises nouvelles pour les cinglés portant des drapeaux à croix gammée et pour les voyous connus sous le nom d’« Antifas » (les « antifascistes ») : le nazisme et le fascisme sont morts.

Le fascisme et son frère illégitime et plus jeune, le nazisme, furent les produits de circonstances historiques spécifiques qui ne présentent aucune ressemblance avec l’Amérique d’aujourd’hui. Tous deux naquirent de la formidable colère devant le résultat de la Première Guerre mondiale dans deux pays qui souffrirent fortement de ce conflit, l’Allemagne et l’Italie. Ayant accepté un armistice dont elle pensait qu’il conduirait à une paix basée sur les Quatorze Points de Wilson, l’Allemagne fut livrée au Diktat de Versailles, qui humilia et appauvrit le pays. Grâce à sa duplicité habituelle, l’Italie se retrouva dans le camp des vainqueurs (elle était alliée à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie en 1914), mais les autres puissances alliées la traitèrent avec mépris et elle gagna très peu à la Conférence de Versailles, après avoir perdu un million d’hommes. L’Italie eut la réaction d’un pays vaincu.

Le fascisme et le nazisme furent des réponses à la défaite. Ils vénéraient la force, méprisaient la faiblesse, et cherchaient à laisser de coté toute la composante chrétienne de la culture occidentale et à revenir au système de valeurs du monde antique où la puissance était le bien suprême. Fatalement, tous deux transformèrent une vertu instrumentale, la volonté, en une vertu substantielle ; l’acte de volonté était bon en lui-même, quel que fût l’objet de cette volonté. Cela conduisit à des désastres comme l’entrée de Mussolini dans la Seconde Guerre mondiale, la déclaration de guerre désinvolte de Hitler aux Etats-Unis, et l’Holocauste. Le fascisme italien n’était pas basé sur la race, mais le nazisme offrait une explication unique de l’histoire, habituelle dans une idéologie, sous la forme de la suprématie aryenne. Comme disait une plaisanterie allemande, l’Aryen idéal devait être blond comme Hitler et mince comme Goering.

On ne voit rien dans le paysage politique américain qui ait des chances de recréer le fascisme ou le nazisme. De plus, tout cela dépend d’un seul homme, et Mussolini et Hitler sont morts depuis plus de 70 ans. Mussolini avait un successeur potentiel qui aurait pu maintenir le mouvement fasciste en vie, le maréchal Italo Balbo, mais il fut tué au début de la guerre, peut-être pas accidentellement (il était opposé à l’entrée en guerre de l’Italie et demanda si Mussolini n’était pas devenu fou). Au-dessous d’Hitler, il n’y avait personne dans la hiérarchie nazie qui aurait pu prendre la succession. Le vide politique du nazisme sans Hitler fut illustré par le choix de son successeur après sa mort : l’amiral Dönitz.

Donc pourquoi avons-nous maintenant des « Antifas » violents qui prétendent combattre le fascisme tout en se comportant eux-mêmes comme les chemises brunes ? La réponse est qu’il s’agit d’un nouvel exemple des mots qui mentent du marxisme culturel. Les marxistes culturels ont donné au fascisme une nouvelle définition codée qui n’a rien à voir avec son sens réel. Dans leur vocabulaire, le « fascisme » est tout ce qui défend la société et la culture traditionnelles.

D’où vient tout cela ? Le vrai fascisme était fortement moderniste et tourné vers le futur, contrairement aux « réactionnaires », comme disent les communistes. Comme c’est souvent le cas, cela vient de l’Ecole de Francfort et de son esprit le plus créatif, Theodor Adorno. Dans une série d’« Etudes en préjugés » qui culmina avec son livre immensément influent, La personnalité autoritaire, Adorno affirma que toutes les institutions traditionnelles de la société, à commencer par la famille, produisaient des « préjugés » qui devenaient du « fascisme ». Son livre, qui prétendait être un ouvrage de sociologie (aujourd’hui complètement démoli en tant que tel), proposait une « échelle F » pour mesurer le degré de « fascisme » d’une personne en déterminant son attitude envers tous les aspects de la vie normale. Plus la personne était normale, plus son potentiel « fasciste » était élevé.

Quand la gauche utilise aujourd’hui le terme « fasciste » ou, moins fréquemment, « nazi », c’est la définition d’Adorno qu’elle utilise. Quiconque vit une vie normale, avec un père et une mère mariés, des enfants, le père comme pourvoyeur de ressources et la mère comme maîtresse de maison, allant à l’église, ne se préoccupant pas beaucoup de politique, est un « fasciste ». En tant que tels, ils sont tous menacés d’être agressés physiquement par les « Antifas ».

Si le fascisme et le nazisme sont des idéologies mortes, le marxisme culturel est une idéologie qui est vivante, dangereuse, et de plus en plus totalitaire. Comme nous le voyons trop souvent sur les campus universitaires, il fait de son mieux pour empêcher la liberté de pensée ou d’expression. Tout désaccord avec lui fait de vous « un autre Hitler ». Ironiquement, les néo-nazis ne peuvent pas créer un autre Hitler. Mais les marxistes culturels pourraient bien y parvenir.

 

16:07 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, antifa, antifascisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 08 mai 2018

Zombies « antifas » et délires idéologiques

teaserbox_2468620120.jpg

Zombies « antifas » et délires idéologiques

par Dominique Baettig

Médecin, ancien conseil national (CH)

Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Très peu de temps après avoir insulté, hué, incité à la haine, menacé, jeté des pierres contre les invités à la conférence de C. Blocher à Glovelier, les altermondialistes, antifas zombifiés ( morts vivants, programmés, selon des réflexes pavloviens, à combattre partout fascisme, racisme et autres concepts moralistes délirants selon leurs lunettes déformantes , tout ce qui n’est pas d’accord avec eux en fait !), redonnent dans le QJ un nouvel échantillon de leurs pratiques de harcèlement et d’interdiction du débat d’idées qui devrait pourtant être la marque de toute démocratie.

Le récit de Tina Leiser (une militante qui protège bien sûr les gentils migrants envahisseurs et  victimes de la haine des habitants autochtones) à Lesbos est hallucinant. On a peine à y croire, tant le récit descriptif des habitants locaux, en plein débarquement imposé, interdits de faire marcher le tourisme, se voyant imposés le droit à migrer sans discussion, abandonnés par l’Etat, piétinés par l’Union européenne, manipulés par les passeurs qui se moquent éperdument du chaos induit, est proche de la caricature. Pour les convictions délirantes des antifas, police politique qui se place en dessus du Droit, à la fois police de la pensée, pré-jugement expéditif ( sur des biais idéologiques) et bourreau habilité à frapper de manière préventive, les protestations des populations bousculées et dépouillées sont des manifestations de la « haine de l’Autre ». Elle cherche à neutraliser les victimes des chaos migratoires et criminaliser toute protestation.

L’affaire Théo, récemment en France était une illustration de cette manière de présenter des « fake news » qui ont eu la vie trop longue : des policiers accusés à tort d’avoir « sodomisé » un récalcitrant membre d’une minorité visible et donc forcément innocente. Ces terroristes, mélange de gardes rouges maoïstes et d’illuminés religieux (l’idolâtrie inconditionnelle et repentante du Grand Autre multiculturel) sont totalitaires et dangereux, sûrs d’eux-mêmes et convaincus de bénéficier de l’impunité. La manifestation antiBlocher n’était qu’un prétexte à houspiller des gens plutôt âgés, soucieux des inconvénients de la mondialisation et de la destruction, par remplacement, de leur monde qui disparaît. Ceux qui ont écouté la causerie de celui qui a , à l’époque,  en s’appuyant sur les principes de la démocratie directe, empêché l’intégration dans la machine libérale de l’Europe ont aujourd’hui entendu un discours très peu profilé : on ne peut pas faire grand-chose dit-il à ceux qui s’inquiètent des coûts de la santé, apprenez à être concurrentiels face à l’agriculture brésilienne répond-il à un agriculteur qui s’inquiète de la disparition des domaines agricoles, accueillons les forces de travail utiles à l’économie multinationale qui s’est installée ici pour bénéficier des conditions cadres propices à l’innovation. Rien sur les traités qui font perdre la souveraineté économique et politique de notre pays comme FATCA, TTIP, juste la promotion d’ initiatives politiciennes qui sont acceptées par le peuple certes mais engluées et dénaturés par la classe politique et parlementaire. Pas vraiment menaçant pour l’establishment. On peut facilement mesurer le fossé entre les fantasmes des altermondialistes et la réalité du pragmatique et libéral refondateur de l’UDC. C. Blocher est d’abord un entrepreneur avisé, un manager, qui sait s’offrir un soutien de légitimité populaire et s’appuie sur la théorie du ruissellement et de ses bienfaits indirects pour créer des emplois. C’est son droit.

Le vrai motif des antifas c’est de terroriser de manière préventive tous ceux qui s’inquiètent de la déferlante migratoire, qui veulent restaurer les frontières, garantes du cadre de la démocratie et de la souveraineté. C’est le péché fondamental, la « Haine de l’Autre » qui justifie haine préventive, terrorisme, intimidation, agression, harcèlement. Indigne d’une démocratie où chacun devrait pouvoir participer à une conférence, dialoguer, échanger des points de vue en toute sécurité. #MeToo, assez de violence, d’incitation à la haine, de diabolisation, de fantasmes, d’interprétations faussées de ceux qui croient qu’ils combattent le Mal, Sauron, le Diable en personne alors qu’ils sont les complices des passeurs, des nouveaux esclavagistes, des déconstructeurs du modèle social traditionnel et identitaire, des mondialistes de l’oligarchie financière et économique.

 

Dominique Baettig, 3.5.2018

vendredi, 04 mai 2018

Extrême-gauche, ultra, un peu de vocabulaire

BBlocs.jpg

Extrême-gauche, ultra, un peu de vocabulaire

par François-Bernard Huyghe

Ex: http://www.huyghe.fr

Dans un article précédent nous avions souligné l’embarras des médias à nommer les manifestants violents du 1° mai. Certains voulaient éviter de parler d’extrême-gauche sans doute pour marquer la différence avec la France Insoumise qui serait à l’extrémité du spectre politique, mais légaliste et non violente. Ou pour ne pas faire d’amalgame avec le PC ou le NPA officiellement révolutionnaires mais légalistes dans l’action.

Le terme ultra-gauche (remontant aux années 20 et à un courant méfiant à l’égard de tous les appareils), a aussi connu un certain succès pour des désigner des groupuscules ayant vraiment rompu avec le marxisme-léninisme (en ce ses qu’ils ne cherchent pas à conquérir le pouvoir d’Etat avec l’appareil d’un parti représentant la classe ouvrière) et cherchant à développer des « luttes » de façon non hiérarchique. Le terme n’est pas très précis (et n’est guère utilisé par les intéressés) et il suggère qu’ils prennent plus ou moins la suite des autonomes nés dans les années 70. Disons pour faire simple que les groupes anarchistes, antifas, zadistes, antinucléaires actifs dont on a vu les banderoles dans les fameux 1200 casseurs du 1° mai en font partie : l’ultra gauche se caractériserait par
- la volonté de prendre part à toutes les « luttes » pour les radicaliser
- leur évolution ou leur indifférence par rapport aux vieilles problématiques du marxisme classique (Etat, parti, conditions objective, alliances ou fronts de classe..)
- un certains spontanéisme anti-hiérarchique, anti-organisation.

Finalement on a majoritairement opté pour le terme « black blocs » qui désigne, plutôt qu’une idéologie, une stratégie de lutte dans la rue : se coordonner sans hiérarchie se rassembler très vite dans les grands regroupements collectifs, frapper des cibles symboliques dans la rue et se disperser en attendant le prochain rassemblement de lutte un peu festif. Et dans la manifestation de mardi, il y avait des banderoles « black blocs », ...

Autre aspect de l’embarras des médias face à ces émeutes ou proto-émeutes : comment parler de leur violence ? Sur les plateaux de télévision, ce fut une compétition d’indignation et l’escalade verbale pour qualifier cette violence abjecte, terrifiante, anti-républicaine, inouïe... Casser un McDonald ou jeter quelques (rares) cocktails Molotov est certainement un acte de violence répréhensible. Mais il nous semble que l’on a vu plutôt pire dans les Zad ou lors des manifestations contre la loi El Khomri. Et, si l’on remonte aux grandes manifestations altermondialistes des années 90/2000, on a vu bien pire (et ne remontons pas aux années de plomb). Tout ceci est d’autant plus frappant que la même télévision diffuse en ce moment des documentaires sur Mai 68 où la violence (voiture brûlées, policiers caillassés, charges et barricades) est souvent relativisée. Le commentaire tend souvent, en effet, à relativiser la violence policière (présentée comme justement limitée par le souci de ne pas faire de victimes), tandis que la violence dite étudiante est plutôt assimilée à un symptôme d’un bouleversement planétaire, une forme de révolte de la jeunesse et, après tout, une étape nécessaire pour aller vers une société ouverte et « moderne » libérée des hiérarchies et des conventions.

black-bloc-milano-noexpo2-1000x600.jpg

Le contraste entre la supposée violence saine, libératrice et pleine de vitalité, de 68 et la violence anti-démocratique de 2018 (donc de ceux qui rejouent mai à leur façon) est d’autant plus frappant que le discours public se durcit : les un réclament la dissolution des groupes ultra, les autres songent à assimiler ultra-gauche et terrorisme. Il est toujours amusant sur un plateau de télévision, de voir des commentateurs qui se veulent progressistes et qui laissent volontiers entendre qui‘ ils ont participé aux « luttes » dans leur jeunesse réclamer un police qui interpelle plus tôt et s’effarer de la radicalisation des jeunes. À droite, on surjoue en qualifiant de laxisme la « fermeté » macronienne ; à gauche on larmoie : le spectacle des violences va faire oublier les vraies mobilisations. Donc ces gens seraient les complices objectifs de Macron. Rien que de très prévisible.

Et comme la manifestations « la fête à Macron » du 5 mai pourrait bien connaître des désordres similaires, on fourbit sa rhétorique. L’affiche de la manif où l’on voyait un étudiant (copié typiquement des affiches des beaux-arts en 68) balancer des carottes et des navets (allusion évidente au fait qu’il s’agit d’une manif « pot-au-feu » qui va faire bouillir toutes les revendications) est dénoncée comme un quasi appel au meurtre.

Emmanuel Macron joue assez habilement en glissant de la condamnation de la force (son très droitier « je n’aurai aucune. Indulgence pour la grande violence et les tenants du désordre ») à l’idée suggérée que certains voudraient « rejouer la partie », parce qu’ils ne veulent pas accepter le résultat des élections. Manifester contre Macron, c’est, en somme, être contre la démocratie CQFD.

Qu’est qui fait que nous avons un peu de mal à prendre tout cela au tragique ?

À l’occasion des émeutes du premier mai, on a vu apparaître des groupes capables de se mettre en tête du cortège (que vaut désormais le S.O. de la CGT ?) et de faire les dégradations que l’on sait. Depuis tout le monde hésite pour les qualifier. Comme ils exhibaient des portraits du Che et de Marx, des drapeaux rouges et noirs, le vieux sigle d’Organisation Révolutionnaire Anarchiste mais aussi la faucille et le marteau, difficile de ne pas les dire de gauche. Mais plus précisément ?

La violence supposée de leurs slogans (tout le monde déteste la police, premier de cordée, premier guillotiné, Macron nous met dans une colère noire) n’est pas plus extraordinaire que ce que l’on voir dans les vieux films sur mai 68 : crève général, si tu vois un CRS blessé, achève-le, CRS=SS et à l’époque on se référait aux « gauchistes » ou à l’extrême gauche quand quelqu’un lançait un pavé ou un cocktail.

Gauchiste - un terme qu’utilisait Lénine pour stigmatiser ses adversaires de gauche - est tombé en désuétude. Comme « extrême-gauche » il se comprenait surtout par référence au partis communistes orthodoxes pro-URSS : c’étaient tous les groupes qui voulaient faire la révolution socialiste, mais en se réclamant du modèle chinois, de Trotsky, de l’approche non autoritaire des anarchistes, etc. Et surtout en se montrant plus impatients et maximalistes que les vieux PC.

Autonomes ? Très utilisé dans les années 70, le terme désigne des groupes à l’idéologie léniniste, conseilliste ou anarchisante qui prônaient des actions insurrectionnelle pour affronter l’État dans des squats, des luttes sociales (écolo, anti atome, féministes, antifasciste) sans se référer au schéma canonique du parti de la classe ouvrière. Les zadistes ressemblent souvent à des autonomes.

Rappel : ultra-gauche un terme qui désignait des marxistes révolutionnaires non léninistes des années 20 !
Cette catégorie, utilisée par de rares auteurs (comme Bourseiller) mais jamais par les intéressés eux-mêmes est sensée regrouper des groupes très ouvriéristes ( comprenez : très méfiants à l'égard du léninisme, de son parti d'avant-garde et de son étatisme et partisans du pouvoir aux conseils de travailleurs) comme certains spartakistes (1916), les révoltés de Kronstadt massacrés par les bolcheviks (1921), puis les partisans de Bordiga en Italie après 1916, ceux de Pannekoek pendant la seconde guerre mondiale... Donc des groupes anciens et minoritaires, bousculés par l'Histoire, et dont seule une poignée d'historiens du mouvement ouvrier lit les écrits. Les plus laxistes rangeront "ultra gauche" les situationnistes ou les disciples de Castoriadis, voire certaines tendances libertaires...

Dans tous les cas une référence historiquement marquée et assez intellectuelle qui ne doit pas dire grand chose aux vigoureux jeunes gens encapuchonnés.

antifas_rea.jpg

En 2008, lors de l'affaire dite du groupe de Tarnac accusé d'avoir saboté des lignes ferroviaires, la ministre de l'époque avait parlé, concurremment avec "ultra gauche" (terminologie qui commençait à se répandre dans les hebdomadaires de l'époque) d'une "mouvance anarcho-autonome". Ce n'était pas un pur produit de son imagination puisque ce vocable avait été revendiqué dans les années 70 par le groupe de Jean Marc Rouillan qui créera Action Directe. Mais le terme est tombé, lui aussi, en désuétude.

Quant aux blacks blocks, nul n'en conteste l'existence qui remonte à presque 25 ans et aux Schwarzer Block allemands grands spécialistes des bagarres dans les squats. À l'occasion de manifestations altermondialistes, contre la mondialiste ou autour de thèmes antifascistes (pas très facile non plus de distinguer un block block d'un "antifa" dans la pratique). La principale caractéristique des blocs, outre un certain goût pour l'exercice physique et les capuches sombres, est une ou organisation extraordinairement fluide. Mobiles, sans vraiment de chefs, d'organisation, de programme ou de doctrine, les black blocs de regroupent au moment de l'action,décident collectivement et fonctionnent par "affinités".

vendredi, 24 novembre 2017

Les antifas sans cagoule...

AF1.jpg

Les antifas sans cagoule...

par Ferdinand le Pic

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons c-dessous un article fort intéressant de Ferdinand le Pic, consacré aux antifas et cueilli dans le n°101 d'Antipresse, lettre d'information de Slobodan Despot, dont la nouvelle formule sera disponible en début d'année 2018.

Les antifas sans cagoule

Ils frappent partout, mais semblent venir de nulle part. Ils dénoncent un «fascisme» omniprésent et fantasmé. Ils n’ont aucune existence juridique mais bénéficient d’incroyables indulgences judiciaires. Qui sont-ils?

Les Antifas se plaisent à revêtir le noir, toujours encapuchonnés et masqués comme les Black Blocks, dont ils sont l’avatar. Comme on le sait, la dénomination Schwarzer Block fut imaginée dans les années 1980 par la police de Berlin-Ouest pour désigner les Autonomes de Kreuzberg. Ce quartier jouxtant le «Mur» faisait encore partie du secteur d’occupation US jusqu’en 1990. Autrement dit, les Black Blocks sont nés dans un territoire sous contrôle militaire américain.

C’est important, car au même moment apparaissait aux États-Unis, plus exactement à Minneapolis (Minnesota) l’Anti-Racist Action Network (ARA). Ce groupe recrutait dans les mêmes éprouvettes punk et squat qu’au sein du laboratoire de Berlin Ouest. Entre scientifiques de l’agitprop, on collabore. Dissous en 2013 pour ressusciter sous le nom de Torch Antifa Network, le but de ce mouvement était, dès l’origine, de combattre le sexisme, l'homophobie, les idées anti-immigrationnistes, le nativisme, l'antisémitisme ou encore l'anti-avortement. Bref, quelques-uns des leviers de démantèlement d’une société traditionnelle bordée d’ignobles frontières, que l’on retrouve aussi bien dans les programmes officiels de la Commission de Bruxelles et de ses ONG-écrans que dans les feuilles de route de la galaxie Soros.

Les étranges filières de l’argent «humanitaire»

Mais on a beau se faire appeler du doux nom d’Anti-Racist Action Network, cela ne suffit pas: il faut des sous. En cherchant un peu, on les trouve en Alabama, du côté du SPLC (Southern Poverty Law Center), une ONG qui se targue, sur son propre site web, d’être la matrice de l’ARA. Autrement dit, la genèse des Antifas américains n’a évidemment rien de spontané. C’est à ce richissime SPLC qu’a incombé la tâche de créer cet ARA de laboratoire. Il est vrai qu’avec une dotation de financement de plus de 300 millions de dollars, le SPLC a de quoi voir venir, même si on retranche le salaire net de son président, qui émarge à plus de 300'000 dollars par an. C’est beau le «non-profit» politique au pays de l’oncle Sam!

Mais si ces gens-là ont les moyens, ils ne jouent pas pour autant la transparence sur l’origine des fonds. Il est vrai qu’on n’aime jamais trop raconter pourquoi ces fonds devraient transiter par les Iles Caïmans ni comment ils ont connu la tirelire d’un certain Bernard Madoff.

Mais pourquoi le SPLC? Très simple, en dehors de la défense de ses minorités préférées, la spécialité du SPLC est de ficher ses adversaires politiques, systématiquement qualifiés de «fascistes», qu’ils le soient ou non, puis de publier ses listes noires très élaborées et constamment mises à jour. Un travail de pro qui est devenu une référence du genre.

AF2t.jpg

Et les barbouzes qui s’en mêlent

Ce modèle d’activisme et de fichage très professionnel ne vient évidemment pas de nulle part. Il est notamment issu du modèle imaginé par le mouvement Friends of Democracy qui était en réalité une antenne américaine des services secrets britanniques durant la Seconde Guerre mondiale. Son but officiel était de pousser les Américains à entrer en guerre, tout en fichant les récalcitrants, ce qu’il a continué à faire jusqu’à la fin du conflit.

Son organe de communication avait pour titre Propaganda Battlefront dont on peut encore trouver des copies en ligne.

On notera, juste en passant, que ce nom a été ranimé en 2012 par Jonathan Soros, fils de George Soros. Ce choix n’est évidemment pas un hasard.

Pour revenir à nos Britanniques, ces derniers furent également très actifs à domicile, puisque, toujours dans les années 1980, ils fondaient à Londres L'Anti-Fascist Action (AFA), recrutant là encore dans les mêmes milieux punk et squat. Le label «action antifasciste» avait quant à lui été inventé par les communistes européens des années trente. Une contrefaçon de marque politique non déposée qui présentait l’avantage de donner l’illusion d’une filiation légitime. (Il paraît que question détournement d’image, on sait très bien faire dans les services.)

A la veille de la chute du Mur, on voit donc bourgeonner aux États-Unis et partout en Europe les mêmes affiliations à un antifascisme «Canada Dry», qui a le goût et l’odeur de l’antifascisme communiste historique, mais pas une goutte de communisme dans sa composition chimique. Une façon de monopoliser l’usage de l’infamante étiquette «fasciste» contre tout adversaire d’un postcommunisme 100 % américanisé, tel qu’il apparaîtra dès 1989, avec la chute du Mur.

Une galaxie hors la loi

Il existe donc une raison objective à la simultanéité de l’apparition des Antifas ces années-là. Mais comme c’est encore le cas aujourd’hui, on se garda bien de créer la moindre structure juridique qui permettrait de remonter jusqu’aux organisateurs et financeurs avérés. Il vaut toujours mieux, surtout lorsqu’on travaille avec le grand banditisme. Un nom fut en effet exposé au grand jour pour ses liens avec la mafia de Manchester. Il s’agissait de Desmond «Dessie» Noonan, grand Antifa devant l’éternel mais surtout braqueur professionnel et chef de gang, soupçonné d’une centaine de meurtres (1). Outre ses responsabilités directes dans l’AFA, il fut également l’un des exécuteurs attitrés des basses œuvres de l’IRA. Il mourut finalement poignardé devant chez lui à Chorlton (sud de Manchester), en 2005.

AF3.jpg

Son frère Dominic Noonan prit le relais. Outre ses activités mafieuses, on le filma en train de diriger les graves émeutes de Manchester de 2011, dont le déclencheur fut la mort de son neveu, Mark Duggan. Ce dernier, soupçonné d’être impliqué dans un trafic de cocaïne, s’était fait abattre par la police le 4 août 2011, ayant résisté à son arrestation dans le quartier de Tottenham. Il s’ensuivit une semaine d’insurrection qui s’étendit jusqu’à Liverpool, Birmingham, Leicester ou encore le Grand Londres, faisant 5 morts et près de 200 blessés parmi les seuls policiers.

La porosité des services de renseignement, de la mafia et des activistes d’extrême gauche n’est pas sans nous rappeler le rôle des Brigades rouges dans le réseau Gladio, piloté par l’OTAN. Il se trouve que justement les Autonomes Ouest-berlinois de la guerre froide finissante étaient eux-mêmes affiliés au mouvement italien Autonomia Operaia (« Autonomie ouvrière»), très proche des Brigades rouges. Le monde est si petit!

Tout ce que la police n’ose pas faire

Mais le point commun le plus spécifique à tous ces Antifas du monde demeure le fichage. Derrière leurs épais écrans de fumée lacrymogène, leurs capuches noires et leurs casses de vitrines qui font toujours les gros titres, il leur incombe essentiellement de ficher en masse leurs adversaires politiques et d’en exposer publiquement les identités et les occupations, exclusivement sur la base de leurs opinions politiques ou religieuses. Une tâche qui est précisément interdite aux autorités, en démocratie.

Ces mouvements sont donc objectivement, à cet égard, des supplétifs des services de police et de renseignement. Ce qui explique notamment leur proximité, voire la facilité de leur noyautage, leur impunité ou encore l’extrême difficulté qu’on peut avoir à les identifier.

Le cas Joachim Landwehr

C’est par exemple le cas de Joachim Landwehr (28 ans), citoyen helvétique, condamné à 7 ans de prison le 11 octobre dernier par le tribunal correctionnel de Paris, pour avoir, le 18 mai 2016, bouté le feu à l’habitacle d’une voiture de police grâce à un engin pyrotechnique, avec ses deux occupants encore coincés à bord. Une peine plutôt légère pour une atteinte à la vie de policiers.

On sait que Landwehr est lié au groupe suisse «Action Autonome», dont les mots d’ordre passent notamment par le site <rage.noblogs.org/>, dont 90 % du contenu relève du fichage, avec un degré de précision qui dépasse très largement les capacités d’une équipe d’amateurs, même à temps plein. On se demande d’ailleurs ce qu’attend le Préposé cantonal à la protection de données pour se saisir du dossier.

On sait également qu’il était présent lors de la manif antifa de Lausanne de mai 2011, et que c’est sans doute lui aussi qui a mis en ligne une petite vidéo de propagande à la gloire de sa promenade.

On sait enfin qu’il fut acquitté en août 2017 par le tribunal de police de Genève, alors qu’il y avait participé à une manifestation interdite.

AF4.jpg

Des agitateurs venus de la «haute»

En revanche, on connaît mieux les profils de ces complices parisiens. Par exemple, Antonin Bernanos, condamné à 5 ans de prison dont 2 avec sursis, est l’arrière petit-fils du grand écrivain Georges Bernanos. On reste issu d’un milieu plutôt cultivé et protégé chez les Antifas. On imagine que l’œuvre de l’illustre aïeul avait encore sa place dans les discussions familiales. Yves, le père du délinquant et réalisateur sans succès de courts-métrages, le confirmait lors d’une interview pour KTO, l’organe cathodique de l’archevêché de Paris, lequel diffusa d’ailleurs l’un de ces courts-métrages, par charité chrétienne sans doute. Mais on n’a pas trop de mal à comprendre que c’est sa femme, Geneviève, qui fait bouillir la marmite. Elle a la sécurité de l’emploi comme fonctionnaire. Elle est en effet directrice de l’aménagement et du développement à la mairie de Nanterre. Côté convictions, elle est fière de n’avoir pas raté une seule fête de l’Huma depuis ses 15 ans.

Dès l’arrestation de leurs deux fils (Angel, le plus jeune, sera mis hors de cause), Monsieur et Madame Bernanos ont arpenté les radios, les salles de rédaction, les collectifs et manifs en tous genres, pour dénoncer l’ignominie policière montée de toutes pièces par l’État fasciste contre leur digne rejeton. Ils ont reçu le meilleur accueil, notamment chez Médiapart. Ils ont même réussi à enrôler le vieux Me Henri Leclerc, qui osa comparer l’arrestation du jeune Bernanos aux fameux morts du métro Charonne, durant la guerre d’Algérie. Il arrive que les fins de carrières soient pathétiques…

Ce qui frappe, c’est la facilité avec laquelle les relais d’opinions se sont mobilisés en faveur d’un délinquant, dont on omet par ailleurs complètement de dénoncer le racisme, sachant que l’un des policiers qu’il attaqua était noir. Dans les réseaux deep-state, on assure donc autant le service après-vente que l’anesthésie morale.

Même milieu BCBG pour Ari Runtenholz, condamné aussi à 5 ans de prison assorti de sursis, pour avoir défoncé l’arrière de la voiture de police à l’aide d’un plot métallique. Lui, on le trouve classé 34ème de l’épreuve d’épée aux championnats de la fédération française d’escrime de 2013. Il pratique aussi la voile à Granville (Normandie) et participe à des régates officielles. Sports très popu, comme chacun sait.

Nicolas Fensch, informaticien sans emploi, détonne quant à lui par son âge (40 ans). Il prétend être arrivé là par hasard, alors que les vidéos le montrent s’acharnant à frapper le policier noir avec une tige, très semblable à un nerf de bœuf. La parfaite maîtrise du geste trahit néanmoins un entraînement certain. Qui est-il vraiment? Les policiers qui ont gaffé à l’audience sur le noyautage de la bande n’en diront pas plus. Il écopera aussi de 5 ans dont 2 avec sursis.

Il y a enfin le LGBT de service: David Brault, 28 ans, devenu mademoiselle Kara, sans adresse en France. Ce(tte) citoyen(ne) américain(e) a traversé tout spécialement l’Atlantique pour la petite fête improvisée. On se demande tout de même si ce n’est pas le SLPC qui lui aurait payé son billet et ses faux frais? Verdict: 4 ans de prison dont 2 avec sursis pour avoir lancé un plot métallique à travers le pare-brise dans le but d’atteindre les passagers. Pas très doux, le trans. Pendant les audiences, à l’extérieur du Palais de justice, plusieurs centaines d’Antifas viendront, comme il se doit, provoquer violemment la police, en soutien à leurs camarades de promotion. Il faut savoir garder la forme et les écrans de fumée.

AF5.jpg

Les confluences profondes

Mais casser de la vitrine ou du flic n’est pas tout. L’idéologie est là. A y regarder de près, elle n’a certes pas grand-chose à voir avec le marxisme, le trotskysme ou l’anarchisme, ni même avec les Gardes rouges de Mao.

Elle égrène en revanche tous les mots d’ordre qu’on lit ouvertement sur tous les sites des ONG-Ecrans du deep-state euro-atlantique et sorosien: défense des LGBT, de la théorie du genre, des migrants, du multiculturalisme, de l’ineptie des frontières, du voile islamique, et même du Kurdistan libre. Et l’inévitable complément: attaques contre Trump, Vladimir Poutine, le «régime» syrien alaouite, etc.

Dans les quincailleries en ligne des antifas, on trouve évidemment toute la panoplie du parfait émeutier connecté et tous les conseils pratiques qui vont avec. Un mode de propagation qui a très largement fait ses preuves depuis les révolutions de couleur. Une routine du «sans limite», car il faut quand même bien les motiver ces jeunes!

Et justement, c’est l’abolition des limites qui est la première condition à la jouissance de la grande casserie. Mais là n’est pas le plus important. Ce qui compte, c’est que, sous couvert de combattre un fascisme fantasmé pour les besoins de la cause, on fiche à tour de bras et on rend tout cela public. Et cela ne scandalise évidemment personne. L’agit-prop manipulée et noyautée par les «services» est donc un leurre. Pendant qu’on s’interroge sur les excuses sociales de leur violence urbaine, ou la qualification juridique de leurs crimes téléguidés, les soutiers de l’antifascisme constituent, là, sous nos yeux, une branche administrative de la police politique du deep-state, qui n’a rien à envier aux recrues de la Stasi.

Fernand Le Pic (Antipresse n°101, 5 novembre 2017)

Note :

  1. Cf. Sean Birchall, Beating The Fascists, Freedom Press, Londres, 2010.

dimanche, 03 juillet 2016

Der obsessive „Kampf gegen rechts“ führt zu Selbstverdummung und Politikunfähigkeit

terre-plate.jpg

Die Erde ist eine Scheibe, wenn Nazis sagen, dass sie rund ist

Von Oliver Zimski

Ex: http://www.achgut.com

Der obsessive „Kampf gegen rechts“ führt zu Selbstverdummung und Politikunfähigkeit

Vor vielen Jahren saßen wir zwecks Vorbereitung eines gemeinsamen Uni-Referates zu fünft in einem Stuhlkreis. Zu unserer Arbeitsgruppe gehörte ein verschrobener Esoteriker. Jedes Mal, wenn jemand seine Beine übereinander schlug und ihm unabsichtlich eine Fußsohle entgegenstreckte, sprang er auf und setzte sich um. Auf Nachfrage erklärte er sein Verhalten mit den von Fußsohlen ausgehenden schlechten Energien. Natürlich kreuzten nun alle extra die Beine übereinander. Am Ende hüpfte der Arme aufgelöst von einem Stuhl zum anderen, und wir hielten uns die Bäuche vor Lachen; ihm aber war es ernst gewesen.

Die Rolle des Esoterikers von damals übernimmt heute die Gesellschaft. Es muss nur jemand schreien: „Achtung, Fußsohle!" – soll heißen: Das könnte „Beifall von der falschen Seite“ geben, oder: Du spielst dem „rechten Rand“ in die Hände – damit viele Menschen vor ganzen Themenbereichen zurückschrecken und nicht mehr auszusprechen wagen, was sie beunruhigt, aus Angst davor, als „rechts“ abgestempelt zu werden.

Das dahinterstehende Denkmuster, weit verbreitet nicht nur in NRW-Behörden und -Redaktionen, markiert der Schriftsteller Peter Schneider mit dem Satz: „Was der Gegenseite nutzt, darf nicht wahr sein.“ Es gibt keine Probleme mit Migranten, da Rechtspopulisten daraus ihr Süppchen kochen könnten. Sexuelle Massenbelästigungen sind ein generelles Männerproblem und haben keine kulturell-religiösen Implikationen, denn sonst wäre das ja Wasser auf die Mühlen der „Rechten“.

Die mit der Merkelschen Zuwanderungspolitik um sich greifende Realitätsverweigerung gedeiht allerdings auf einer tieferliegenden pathologischen Struktur. Wer verstehen will, warum der Justizminister Maas gerade jetzt, da die deutsche Öffentlichkeit „nach Köln“ erstmals aus ihrem ungesunden Dauerschlaf aufschreckt, nichts Dringenderes zu tun hat, als seine Länderkollegen zum großen „Rechtsextremismus-Gipfel“ einzuladen, muss sich mit dieser Tiefenstruktur auseinandersetzen.

Antifa.jpg

Die verbotene Zone und ihre Wächter

Eine weitere Szene, vom Rande eines Zeugen-Jehovas-Kongresses in Berlin: Die Gläubigen strömen dem Kongressgebäude entgegen, auf dem Vorplatz bietet ein Abtrünniger der Sekte selbstverfasste Aufklärungsbroschüren feil. Binnen kürzester Zeit ist er abgeschirmt von jungen Männern, die derartigen Protest offenbar schon erwartet haben. Diese „Wächter“, tragen vorgefertigte Schilder mit Losungen wie „Vorsicht, Satan!" oder „Schnell weitergehen, hier ist der Teufel am Werk!"

„Rechts“ ist in Deutschland der bodenlose Abgrund, der widerwärtige braune Sumpf, das dunkle Land Mordor, beherrscht vom teuflischen Sauron, in das sich allein die tapferen linken Hobbits wagen, um immer wieder von Neuem den Ring des Bösen zu zerstören. „Rechts“ ist die verbotene Zone, umstanden von Gesinnungswächtern. Ihr empörtes „Das geht aber gar nicht!" soll jede Diskussion im Keim ersticken, die die Grenzen der Zone überschreiten könnte. Wer dies mit seinen Äußerungen dennoch tut, wird von den Wächtern für vogelfrei erklärt.

Im „Kampf gegen rechts“ dürfen Info-Stände einer zugelassenen demokratischen Partei (der AfD) kurz und klein geschlagen werden, ohne dass in den Massenmedien darüber berichtet wird. Ein Theatermacher darf in einem plumpen Agitprop-Stück („Fear“, an der Berliner Schaubühne) kaum verhüllt zum Mord an „rechten“ Frauen (von konservativen Christinnen bis zu nicht-linken Publizistinnen) aufrufen. Längst gibt es auf deutschen Straßen keine „rechte“ Demonstration mehr ohne massiven Polizeischutz, da sie sonst von wütenden „Anti-Faschisten“ tätlich angegriffen würde.

maulde09486d0c437e0ffbe4a18c50049ab.jpg


Die Obsession

Ersatzreligion, Nebelwerfer zur Ablenkung von politischen Versäumnissen, Arbeitsbeschaffungsmaßnahme für ideologisch bedingt Einäugige – der „Kampf gegen rechts“ ist alles Mögliche, nur mit echten Neonazis hat er wenig zu tun. Diese sind – was die NSU-Morde nicht widerlegen, sondern bestätigen – zahlenmäßig überschaubar, politisch bedeutungslos und gesellschaftlich völlig isoliert. Ihre klügsten Köpfe stehen auf den Gehaltslisten des Verfassungsschutzes, die Wahlergebnisse für ihre Parteien überschreiten nur selten die 2%-Grenze. Es ist schwierig, heutzutage Deutsche ohne Migrationshintergrund zu finden, die sich aufgrund ihrer Nationalität, Religion oder Rasse für höherwertig als andere wähnen. Bei in Deutschland lebenden Zuwanderern wird man da schneller fündig, doch die sind für den „Kampf“ bedeutungslos.

„Rechts“ heißt nämlich „deutsch“. Die türkisch-nationalistischen „Grauen Wölfe“, die hierzulande mehr Mitglieder haben als alle biodeutschen Neonazi-Gruppen zusammen, interessieren die „Wächter“ ebenso wenig wie muslimische „Juden ins Gas!"-Rufer, arabischer Rassismus, die Sklavenhaltertraditionen des Osmanischen Reiches oder gar ein im Islam begründeter Antisemitismus. Dafür weiten sie für Deutsche das Spektrum dessen, was „rechts“ ist, stetig aus. „Nazis raus!" brüllen sie bei Demonstrationen christlicher Abtreibungsgegner ebenso wie bei AfD-Kundgebungen gegen Merkels Euro-Politik. Das gesamte politische Spektrum jenseits linker Positionen von SPD, Grünen und Linkspartei haben sie braun eingefärbt.

Die „Kämpfer gegen rechts“ glauben an das Vorhandensein eines Nazi-Gens bei allen Deutschen (sich selbst ausgenommen), welches nur durch unbegrenzte Zuwanderung „ausgedünnt“ werden kann. Den rassistischen Charakter ihres Kampfes verschleiern sie durch permanentes „Rassismus!"-Geschrei. Mit allen Mitteln zu verhindern, dass das „Tätervolk“ jemals wieder einen normalen Platz in der europäischen Völkerfamilie einnehmen könnte, ist ihre Obsession. Deshalb brüllen sie „Nie wieder Deutschland!" und schwenken Transparente mit Aufschriften wie „Deutschland, du mieses Stück Scheiße“ oder „Bomber Harris, do it again“.

Ihr Kampf trägt längst wahnhafte Züge. Unvergessen die Episode, als ein Arbeitsloser einer Hitlerpuppe im Berliner Wachsfigurenkabinett unter dem Ruf „Nie wieder Krieg!" den Kopf abriss und hinterher einer verständnisvollen Öffentlichkeit erklärte, er habe „ein Zeichen setzen“ wollen. Unvergessen die Verleihung des sächsischen „Ehrenpreises für Zivilcourage“ an die „Hakenkreuzritzerin von Mittweida“ durch eine ehemalige parlamentarische SPD-Staatssekretärin, mit der Begründung, es gehe darum, „Zivilcourage zu loben, und nicht um die Frage, ob das Mädchen sich diese Verletzung selbst beigebracht“ habe. Symptomatisch das Verhalten von Zuschauern in einem Berliner Szene-Kino bei dem Film „Inglorious Bastards“, die immer dann in frenetischen Jubel ausbrachen, wenn ein Film-Nazi möglichst brutal umgebracht wurde. Bei diesem verlogenen Kampf geht es vor allem darum, sich selbst „gut“ zu fühlen. Er basiert auf der Illusion eines lachhaften „nachgeholten Widerstandes“, 70 Jahre nach Untergang des Dritten Reiches.

Menschenkette.jpg

Der Preis für Lüge und Realitätsverlust

Mit der NS-Vergangenheit ist die obsessive Ausweitung des „Kampfes gegen rechts“ gerade in den letzten Jahren nicht zu erklären. Den Startschuss gab wohl Gerhard Schröder, als er im Jahr 2000 nach einem Brandanschlag auf die Düsseldorfer Synagoge seinen „Aufstand der Anständigen“ ausrief. Bald stellte sich heraus, dass der Anschlag auf das Konto zweier arabischstämmiger Migranten ging. Doch statt dieses Alarmsignal zum Anlass zu nehmen, den „eingewanderten“ Antisemitismus und andere Kollateralschäden der Zuwanderung zu thematisieren, übertrug man in der Folge den „Kampf“ systematisch an linksextreme Akteure und übernahm deren Zerrbilder der Realität. In allgemeine Vergessenheit geriet die totalitäre Grunderfahrung des 20. Jahrhunderts, dass Freiheit und Menschenrechte nicht nur von rechts, sondern auch von links bedroht werden. In der Selbstgerechtigkeit, mit der die „Kämpfer gegen rechts“ die eigenen aggressiven Anteile und den eigenen Hass leugnen und verdrängen, ging ihnen auch eine uralte christliche Wahrheit verloren: dass das Böse nie nur allein beim Gegenüber zu verorten ist, sondern zumindest als Möglichkeit immer auch einem selbst innewohnt.

Seitdem werden unter dem Deckmäntelchen von Antidiskriminierung und Minderheitenschutz Kriminalitätsstatistiken in Bezug auf Migranten geschönt und offenkundige Fehlentwicklungen in den islamisch dominierten Parallelgesellschaften ignoriert, immer mit dem Argument, „Rechte“ könnten damit Stimmung machen. Abhanden gekommen ist Politikern und Medienleuten auch die Erkenntnis, dass der effektivste Kampf gegen echten Rechtsextremismus immer darin besteht, berechtigte Sorgen und Ängste in der Bevölkerung aufzugreifen und existierende Missstände zu beheben.

Der Preis für den Sieg der Ideologie über die Realität ist intellektuelle Stagnation. Führende Politiker von Linkspartei, SPD und Grünen (zunehmend auch der CDU) haben den „Kampf“ zur Richtschnur ihres Redens und Handelns gemacht. Der stellvertretende SPD-Bundesvorsitzende Ralf Stegner scheint die Relevanz politischer Themen grundsätzlich nur noch danach zu gewichten, ob „Rechtspopulisten“ durch ihr Ansprechen gestärkt werden. Katrin Göring-Eckardt von den Grünen ärgerte an den sexuellen Massenübergriffen von Köln vor allem, „dass die rechten Hetzer jetzt neue Munition haben“.

Während es früher hieß: „Der Geist steht links“ und ein Linker zumindest den Anspruch an sich stellte, die gesellschaftlichen Verhältnisse radikal zu analysieren und in Frage zu stellen, Missstände ohne Rücksicht auf Konsequenzen und Konventionen anzusprechen, ist Linkssein heute selbst zur religionsähnlichen Konvention geworden. Rationale Analysen sind out, dumpfe Gefühligkeit und Ressentiments in.

Bricht doch einmal jemand durch die Mauern stereotyper Parteistandpunkte, wird er von den eigenen Leuten niedergemacht. Sahra Wagenknecht, die nach den Silvestervorfällen festgestellt hatte: „Wer sein Gastrecht missbraucht, hat es eben auch verwirkt“, musste einen Sturm der Entrüstung über sich ergehen lassen. Ein „Gastrecht“ stehe in keinem Gesetz und sei mit linken Positionen unvereinbar, entrüsteten sich dieselben Kritiker, die von der deutschen Gesellschaft grenzenlose „Gastfreundschaft“ fordern.

Heute sitzt die Antifa gleich mit zwei Vertretern in der Regierung. Familienministerin Schwesig strich vorsätzlich alle Programme gegen Linksextremismus. Der Justizminister betreibt seinen persönlichen „Kampf gegen rechts“ als vollmundigen Politikersatz. Durch die Massenübergriffe in Köln – so sein Denken – sind Probleme an die Öffentlichkeit gelangt, die niemals hätten ans Licht kommen dürfen. Deshalb müssen Strafverschärfungen und Zensurmaßnahmen gegen „rechte Hetze“ her.

Einsicht in begangene Fehler, neue Denkansätze oder sachbezogene Debatten über die besten Wege aus der drängenden Staatskrise sind von diesen Politikern nicht zu erwarten. Allein der wachsende Druck des vor ihnen hergeschobenen Problembergs, die immer prekärer werdende Lage des Landes und die Aussicht auf ihren Absturz bei den nächsten Wahlen werden sie zum Umlenken zwingen.

Oliver Zimski ist Übersetzer, Sozialarbeiter und Autor. 2015 erschien sein Kriminalroman „Wiosna – tödlicher Frühling“.

mardi, 12 avril 2016

Robert Stark interviews Paul Gottfried about his book Fascism: The Career of a Concept

pgott_e791ab626e6785062374d45b25cc6e7f.jpg

Robert Stark interviews Paul Gottfried about his book Fascism: The Career of a Concept

Listen Here!

Robert Stark and co-host Alex von Goldstein talk to Professor Paul Gottfried about his latest book Fascism: The Career of a Concept

Ex: http://www.attackthesystem.com

pgfasccQXL._SY344_BO1,204,203,200_.jpgTopics include:

How Fascism is used as a pejorative to describe any opposing political movement

Defining Fascism and how most people who use the term cannot define it

Mussolini’s Italy as the truest form of fascism

How Hitler was not a generic Fascist and that

Franco in Spain was not a Fascist at all

Ernst Nolte‘s Fascism In Its Epoch and his view that fascism was a counter-revolutionary movement to socialism

Non European movements influenced by Fascism such as Black Nationalist Marcus Garvey, Zionist Ze’ev Jabotinsky, and the Hindutva movement in India

The de-Nazification process in postwar Germany and how it had a delayed effect

The Frankfurt School(Cultural Marxist) who have used anti-Fascism to shape the political discourse

Cultural Marxist versus Traditional Marxist and how the former abandoned economic issues

How mainstream conservatives also missuse the term (ex.Eco-fascism, Islamo-Fascism, Liberal Fascism)

The myth that fascism was on the left

How conservatives have adopted the values and rhetoric of the left

Paul Gottfried’s article Will a Trump Victory Actually Dislodge the Neocons?

vendredi, 11 décembre 2015

Les limites de l'antifascisme carnavalesque...

Vollbild.jpg

Les limites de l'antifascisme carnavalesque...

par Mathieu Bock-Côté

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Mathieu Bock-Côté cueilli sur Figaro Vox et consacré à l'incapacité dans laquelle se trouvent les représentants du système de comprendre la montée en puissance du FN...

Québécois, l'auteur est sociologue et chroniqueur à Radio-Canada et a déjà publié plusieurs essais.

Les limites de l'antifascisme carnavalesque

Les formules sont convenues et un peu creuses, mais elles sont encore utilisées, comme si elles étaient rassurantes, et même réconfortantes: la poussée du Front national aux élections régionales est accueillie par des cris indignés qu'on veut aussi douloureux. Pour les uns, l'intolérance progresse et la percée du FN confirmerait en fait l'avilissement moral des Français. Pour les autres, les années 1930 pointent leur museau. Dans tous les cas, la démocratie serait en danger contre lequel il faudrait se mobiliser. Les éditorialistes, pour l'essentiel, partagent cette grille d'analyse, qui reconduit, pour l'essentiel, les catégories de l'antifascisme des dernières décennies. Et un peu partout, la presse étrangère, avec quelques nuances, reprend ces catégories et annonce une poussée historique de l'extrême-droite en France.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce cri de scandale ne nous aide pas vraiment à comprendre sa progression. Il confirme la vétusté de l'appareil conceptuel utilisé pour penser le populisme européen. Mais quoi qu'on en pense, on ne pourra pas toujours rabattre la vie politique contemporaine sur la Deuxième guerre mondiale. On cherche souvent, pour confirmer la disgrâce démocratique du Front national, à l'associer à différentes figures de la droite antiparlementaire de la première moitié du vingtième siècle. Mais l'opération est moins scientifique que rhétorique: elle vise à confirmer la culpabilité originelle d'un mouvement politique condamné à représenter l'ennemi de la République, même quand il prétend s'y rallier et cherche à y donner des gages.

Mais dans les faits, la référence à l'extrême-droite est de moins en moins opérante: il faut sans cesse redéfinir cette notion pour y faire entrer ceux qu'on veut y associer à tout prix. Politologues et sociologues en élargissent sans cesse la définition. Mais aujourd'hui, elle sert moins à décrire qu'à décrier. Elle a surtout pour fonction d'assurer l'exclusion politique de ceux à qui on l'accole, à tort ou à raison et en vient presque à relever de la démonologie. De ceux à qui on accolera l'étiquette, on dira qu'ils sentent le soufre, ou encore, qu'ils ont des idées nauséabondes. C'est l'argument olfactif. On renifle l'adversaire, on l'accuse de puer, on le transforme en ennemi, et on le chasse du domaine public. On conviendra qu'il ne suffit plus à détourner massivement les Français du FN. On atteint probablement aujourd'hui les limites d'un antifascisme anachronique.

On aura aussi cherché, depuis quelques années, à l'étendre à tous ceux qui contestaient d'une manière ou d'une autre l'idéologie multiculturaliste et les vertus du sans-frontiérisme. On a voulu extrême-droitiser la droite lorsqu'elle ne cherchait plus à respecter les critères de respectabilité édictés par la gauche. On a réservé le même sort aux intellectuels qui s'inquiétaient de la dénationalisation de la société française et qui ne célébraient pas systématiquement la diversité à la manière d'une richesse. On les accusera de «faire le jeu du Front national». Il fallait les censurer et maintenir en vie le fantasme médiatique d'une France à la diversité heureuse. Notre époque serait merveilleuse: qui en doutera sera accusé de complaisance réactionnaire.

Il ne fallait donc pas prendre au sérieux les raisons profondes qui poussaient un nombre croissant d'électeurs vers ce parti. On connaît la formule longtemps ânonnée: par exemple, il n'y aurait pas vraiment d'insécurité en France, mais un sentiment d'insécurité. Il fallait conséquemment dénoncer ceux qui l'entretenaient. De la même manière, on fustigera ceux pour qui la crise de l'école n'était pas simplement le fruit d'une nostalgie réactionnaire, mais une réalité de mille manières documentée. La simple référence à l'identité nationale, d'ailleurs, sera progressivement disqualifiée: on n'y verra qu'une crispation identitaire symptomatique d'une fragilité psychologique malheureuse. Il n'y aurait pas de déclin français, seulement un déclinisme délirant alimenté par des idéologues qu'on désignera à la vindicte publique.

Depuis une quinzaine d'années, on le sait, on a assisté à la multiplication des phobies. Elles contribuent à la psychiatrisation de la vie politique. La dissidence est associée à une forme de dérèglement psychique, et on assistera à la multiplication des interdits moraux et idéologiques. L'inquiétude devant l'immigration massive ou le multiculturalisme sera assimilée à la xénophobie. Celle par rapport à la difficile intégration de grandes populations musulmanes en France sera quant à elle assimilée à l'islamophobie. La critique de l'intégration européenne relèvera de l'europhobie. À ce catalogue des phobies, il faudrait aussi ajouter l'homophobie et la transphobie, dont on a beaucoup parlé ces dernières années. Le nouveau régime issu de mai 68 exige qu'on s'enthousiasme devant sa promesse d'un avenir diversitaire radieux ou qu'on passe pour fou. Devant le déni de réel des élites médiatiques, certains cherchent la protestation la plus vigoureuse, même si elle est excessive.

L'idéologie soixante-huitarde, qui prend forme aujourd'hui à travers la sacralisation de la diversité, a besoin du mythe du fascisme pour poursuivre son implantation. Il lui permet d'associer ainsi aux pires horreurs du vingtième siècle la simple défense des valeurs traditionnelles et des institutions qui les pérennisaient. Dès lors, le progressisme dominant propose son alternative funeste: multiculturalisme ou barbarie. Le désaccord populaire est toujours rabattu sur le fascisme, comme s'il représentait la dernière étape avant la conversion décomplexée à l'extrême-droite. En fait, il s'agit de désarmer mentalement le commun des mortels devant ce qui est quand même une entreprise sans précédent d'ingénierie sociale et identitaire visant à modifier en profondeur l'identité du peuple français et de la civilisation européenne.

vagantifhxDyHcs.jpg

Encore aujourd'hui, on peine à traduire politiquement les clivages nés dans la dynamique des radical sixties. Qu'on le veuille ou non, la distinction entre la gauche et la droite structure encore la vie politique, surtout en France qui, à sa manière l'a inventé. Elle n'est pas sans profondeur anthropologique non plus: la gauche et la droite ne sont pas des notions complètement insensées. Mais il faut bien convenir que ce clivage n'est pas parvenu à donner une véritable forme politique aux enjeux qui touchent à la nature même de la communauté politique. Ils ne s'expriment vraiment clairement qu'avec les référendums européens, pour ensuite se dissiper une fois que le système partisan reprend ses droits. Une frange importante du peuple, dans les circonstances, semble privilégier une politique tribunicienne pour se faire entendre, même si, paradoxalement, elle l'isole politique dans les marges.

On s'est demandé cet automne pourquoi les intellectuels avaient aujourd'hui plus d'influence que les politiques dans la vie publique. Naturellement, leur parole est plus libre. Ils ne sont pas en position de responsabilité. On les suspecte moins, conséquemment, de dissimuler une part de réalité et d'être lié par une attache partisane. Mais l'essentiel était ailleurs: ne cherchant pas à s'inscrire dans un clivage politique usé, ils parviennent plus aisément à réaliser les synthèses nécessaires et à formuler une vision de l'époque et de ses enjeux délivrée de l'écartèlement habituel et exagéré entre ce que la gauche et la droite de gouvernement croient devoir être. Plus souvent qu'autrement, ils expriment une forme de conservatisme qui est peut-être d'abord et avant tout un patriotisme de civilisation. Ce créneau est aujourd'hui idéologiquement majoritaire en France, même s'il demeure vitupéré médiatiquement.

Si on laisse de côté le grand récit antifasciste maintenu artificiellement en vie par le système médiatique, on découvre une autre histoire de l'émergence du populisme européen. Sa vitalité politique repose sur un double abandon dont se sont rendus coupables les partis de gouvernement. La droite a sacrifié le patriotisme conservateur qui était la marque distinctive du RPR des bonnes années pour se convertir à un libéralisme moderniste qui n'a jamais suscité l'enthousiasme au-delà du cercle étroit des élus de la mondialisation heureuse. La gauche a renoncé à la défense du peuple pour se convertir à la cause de la diversité et à la sacralisation des minorités, en leur prêtant la vertu rédemptrice autrefois réservée au prolétariat. Le Front national a récupéré ces deux créneaux.

En un mot, les élites françaises ont sacrifié la fonction protectrice du politique, ou sa part conservatrice, si on préfère. Elles ont ainsi renoncé à certaines aspirations fondamentales au cœur de la cité. Elles ont négligé le besoin d'enracinement au cœur de l'âme humaine. Les enjeux sociétaux ont émergé ces dernières années. Ils rappellent que la politique ne saurait être victime de réductionnisme économique sans s'appauvrir existentiellement. Les hommes, quoi qu'on en pense, ne se représentent pas la société comme une simple association contractuelle d'individus sans liens véritables entre eux. Ils veulent habiter un monde commun, noué dans l'histoire et la culture. Mais on a assisté, à bien des égards, à sa dissolution dans la seule logique des droits.

Plus encore, les grandes réformes sociétales ont été présentées comme relevant de la fatalité historique. Ce sentiment d'impuissance entretenu par le mythe de la fatalité historique revalorise, par effet de contraste, ceux qui croient que la politique n'est pas sans lien et qui misent sur cette dernière pour infléchir autrement le cours de l'histoire, et reconstruire ce qui n'aurait pas dû être déconstruit. Les partis politiques qui prétendent, d'une manière ou d'une autre, sortir la politique de la seule logique de l'extension des droits et du traitement gestionnaire des problèmes sociaux risquent retrouvent aisément un écho populaire. Ils laissent croire, en quelque sorte, que l'homme a une maîtrise sur son destin, même s'ils font preuve souvent de démagogie en laissant croire que cette volonté est toute-puissante et peut s'affranchir des pesanteurs de l'époque.

vaginantifafascisme-a-paris-22-avril-2014.jpg

On s'est émerveillé, ces dernières semaines, de la réhabilitation de la Marseillaise et du Tricolore, suite aux carnages du 13 novembre. Personne ne s'en désolera, naturellement. Il y avait là une forme de sursaut patriotique absolument admirable, à mille lieux du réflexe pénitentiel dans lequel le système médiatique se complaît spontanément. Mais une certaine autocritique aurait été la bienvenue: pourquoi les élites, et les élites de gauche, en particulier, avaient-elles abandonné les symboles nationaux? Car le Front national avait moins confisqué la nation qu'on ne lui avait concédée. C'est moins sur son programme spécifique qu'il est parvenu à croître, au fil des ans - d'autant que ce programme est assez changeant et ne se caractérise pas exactement par un souci de rigueur - que sur un désir de nation auquel il était à peu près le seul à répondre explicitement, aussi déformée sa réponse soit-elle.

Il faut voir plus large. C'est à une crise de légitimité qu'on assiste, en fait. Une crise de régime, si on veut, qui touche toutes les sociétés occidentales même si encore une fois, même si c'est en France qu'elle prend une portée civilisationnelle. La France devient le théâtre des grandes contradictions qui traversent le monde occidental. Le pouvoir semble impuissant à affronter une crise de civilisation à peu près sans précédent et se contente de disqualifier ceux qui le rappellent à ses devoirs et l'invitent à ne pas se contenter d'incantations humanitaires devant des problèmes comme la crise des migrants. Il se permet même de persécuter ceux qui dénoncent son impuissance. Ainsi, ils sont de plus en en plus nombreux à défiler régulièrement devant les tribunaux pour avoir nommé la part de réel qui heurte l'idéologie dominante. C'est, à certains égards, le seul ressort qui lui reste.

Il y a certainement d'excellentes raisons de s'opposer au Front national, mais la réduction de sa progression à la renaissance d'une forme de fascisme intemporel, qui serait la tentation diabolique de la civilisation européenne, n'en est pas vraiment une. Elle rassure certainement une frange significative des élites politiques et intellectuelles, qui peuvent dès lors prendre la pose avantageuse de la résistance contre la bête immonde, mais elle rend à peu près incompréhensible et inintelligible le pourrissement de la situation qui a pourtant propulsé le Front national au rang de premier parti de France. Et pour tout dire, la meilleure manière de lui faire barrage ne consiste certainement pas à pousser encore plus loin la politique qui a contribué à sa croissance.

Mathieu Bock-Côté (Figaro Vox, 8 décembre 2015)

vendredi, 20 novembre 2015

Antifascistas en el Gulag

gulag-part-2.jpg

Antifascistas en el Gulag

por Joaquín Albaicín

Ex: http://culturatransversal.wordpress.com

¿Qué hacía Rafael Pelayo de Hungría, comunista español y partisano soviético en las estepas, fugándose de la Unión Soviética con un sargento de la División Azul, camuflados ambos entre los contingentes de ex combatientes alemanes repatriados tras lago cautiverio en Rusia? Pues… ¿qué iba a hacer? Sencillamente, poner pies en polvorosa como fuera tras arrojar a la letrina el lastre que siempre supone eso de tener una ideología.

Y es que uno de los muchos saldos en números rojos dejados en 1939 por la derrota de la República fue el de los exiliados, y no sólo porque el papel moneda emitido por Madrid hubiera perdido todo valor. Para los fugitivos, claro, no era lo mismo haber logrado hallar acomodo –por precario que fuera- en México o París que en la URSS. Persuadidos por sus líderes de que el paraíso de los obreros era su lugar en la vida, muchos comunistas ibéricos recalaron allí, donde desde hacía tiempo les esperaban, aparte de unos tres mil “niños de la guerra”, bastantes pilotos en su día desplazados hasta tan remotos parajes para recibir cursos de vuelo, así como marinos a cuyos barcos sorprendió el final de la contienda atracados en puertos rusos.

Lógicamente, en cuanto se coscaron del cenizo que recubría toda la pesadilla leninista y constataron que allí se vivía en la miseria y a golpe de látigo, tanto los comunistas como quienes no lo eran iniciaron denodados trámites –supuestamente existentes- para ser autorizados a abandonar el país y trasladarse bien a España, bien a otras naciones donde podrían reunirse con sus familiares. La dirección del PC español fue el mayor obstáculo con que se toparon. En primer lugar, que los antifascistas huyeran de las condiciones de vida vigentes en la URSS no constituía una propaganda deseable. En segundo, era de temer que contaran cómo de verdad transcurrían allí las cosas. Finalmente, aquello constituiría un imperdonable desaire a Dolores Ibárruri, en torno a la cual los dirigentes comunistas españoles estaban edificando un culto a la personalidad calcado del promovido por el PCUS en torno a Stalin: si éste era el severo Padrecito de Todos los Soviéticos, ella –La Pasionaria– era la amantísima Madre de Todos los Obreros Españoles.

La política adoptada por el PCE de la época se centró, pues, en la ejecución de purgas internas paralelas a las regularmente aplicadas en sus filas por el PCUS, así que la Madrecita puso enseguida manos a la obra a un equipo de leales con la misión de investigar y denunciar ante las autoridades soviéticas las conspiraciones fascistas en que andaban envueltos todos aquellos traidores que abominaban de la sopa de remolacha soviética.

whitesea4.jpg

La primera medida fue suave: invitar, a todos los aspirantes a marcharse, a firmar un documento declarando lo felices que vivían en la URSS y solicitando que Moscú no prestara oídos a futuras peticiones que, para sacarlos de allí, pudieran formular sus familias o cualquier organización o gobierno. Como sólo lo rubricaron dos, los republicanos españoles empezaron muy pronto a conocer el Gulag, donde –bromas del Destino- coincidirían con los cautivos de la División Azul. Son los líos en que se mete la gente, o en los que la vida enreda a los habitantes del Valle de Lágrimas. Quién iba a decir a un buen señor nacido en un pueblo de Toledo y anarquista, comunista, socialista o, simplemente, republicano de toda la vida, que iba un buen día a verse cargando vagonetas de pedruscos en un campo de concentración del Círculo Polar Ártico, rezando codo con codo con un falangista por que Dios diese salud y larga vida a Franco, porque él era su única esperanza de salir algún día del agujero.

Irónicamente, así ocurrió. Fue el Estado franquista quien, tras varios años y muchas negociaciones, y previo indulto de aquellos que tuvieran en España causas pendientes o condenas firmes por su actuación durante la guerra civil, sacó del infierno a los supervivientes de aquel dislate (con el consiguiente y, no en vano, merecido provecho político ante la comunidad internacional). La historia de esos esfuerzos y de los –casi baldíos- del fantasmal Gobierno de la República en el Exilio, la cuenta con todos los detalles la profesora rumana Luiza Iordache, Doctora en Ciencias Políticas y docente en la UAB, en su voluminoso y amenísimo estudio En el Gulag. Españoles republicanos en los campos de concentración de Stalin (RBA).

Aparte de tratarse de una investigación muy rigurosa, valdría la pena leerlo aunque sólo fuera por conocer la historia del “niño de la guerra” Pedro Cepeda y el curtido aviador comunista José Antonio Tuñón, que –con la ayuda de diplomáticos argentinos, en cuya embajada moscovita trabajaban como intérpretes- trataron de huir de la URSS ocultos en dos baúles. O la de su cómplice Julián Fuster, verdadero personaje de novela: cirujano en el Ejército Rojo, siete años en el Gulag a las espaldas y médico también tras su liberación en la Cuba revolucionaria, de donde hubo de marcharse por advertir de que se caminaba hacia el modelo soviético, fue uno de los tripulantes del último avión de la OMS que abandonó el Congo al estallar la guerra de Katanga antes de recalar, esta vez definitivamente, en España.

Agitada fue también la de Francisco Ramos, seis meses torturado en la Lubyanka, con quien Solzhenytsin coincidió en los campos y que, irónicamente, como los demás antifascistas españoles “residentes” en el Edén socialista, sólo podía hacer llegar noticias suyas a sus familiares a través de los soldados nazis puestos en libertad y reenviados a Alemania. Retornado a España en 1957, Ramos fue elegido como diputado del PSC-PSOE por Barcelona en 1977 y 1982. No sé qué sentiría al ver sentados con él en el hemiciclo a, por lo menos, dos o tres de las personas responsables en su momento de su envío, por “fascista”, a un campo de concentración de los Urales. Regresó dos veces a la URSS acompañando en viajes oficiales a Felipe González. “Me alegré de ser tratado como una persona en el país donde, cuando me refugié en él, fui tratado como un perro”, escribió.

En fin, que basta con echar de cuando en cuando un somero vistazo a un libro de historia para constatar que, de lo que cuente cualquier político de cualquier lugar o época, lo más juicioso es no creer de la misa ni la media. Y es que la realidad suele, sí, superar a la ficción, pero, por desgracia… casi siempre por abajo.

Foto: José Luis Chaín

vendredi, 15 mai 2015

Le national-bolchevisme remis à l’endroit

harroxxx7.jpg

Le national-bolchevisme remis à l’endroit

par Georges FELTIN-TRACOL

 

Depuis la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989, et la disparition du bloc soviétique en 1990 – 91, le national-bolchevisme soulève un engouement réel au sein de certaines franges des « droites radicales » tant en France qu’en Italie. Collaborateur à la revue socialiste révolutionnaire-européenne Rébellion, Franck Canorel entend replacer cet ensemble d’idées méconnu dans son contexte historique initial.

 

Il ne faut pas se méprendre sur le titre de l’essai quelque peu réducteur. L’ouvrage ne traite pas que de Harro Schulze-Boysen qui, par anti-nazisme militant, collabora au réseau d’espionnage soviétique implanté dans le Reich, baptisé « L’Orchestre rouge ». Franck Canorel veut surtout retracer la généalogie politique du courant national-bolchevik en Allemagne. Il rappelle qu’il résulte du choc conjoint de la révolution bolchevique russe de 1917 et du traumatisme psychologique de l’armistice de 1918. Malgré des tentatives de républiques soviétiques qui échouent rapidement outre-Rhin et « face à l’appétit de la France et de l’Angleterre, certains militants communistes considèrent l’Allemagne comme un pays dominé : il faut donc le libérer. Ce contexte favorise l’émergence à Hambourg d’un courant national-communiste (p. 11) ».

 

En dépit d’une proximité sémantique, national-communisme et national-bolchevisme ne sont pas synonymes, même si Lénine et autres responsables soviétiques condamnent très tôt ce « gauchisme nationaliste ». Activistes à Hambourg et inventeurs du national-communisme, Heinrich Laufenberg et Fritz Wolffheim parviennent à fonder une Ligue des communistes bien vite entravée par les militants du K.P.D. Cette méfiance persistante n’empêche toutefois pas une coordination de facto avec des mouvements nationalistes lors de l’occupation de la Ruhr par les troupes franco-belges si bien que des nationalistes découvrent l’Ostorientierung et en viennent à réclamer une alliance avec l’U.R.S.S. de Staline.

 

L’auteur souligne l’apport intellectuel considérable de deux grands théoriciens. Le premier est le véritable théoricien du national-bolchevisme. En effet, Ernst Niekisch « plaide pour une orientation vers les “ valeurs primitives ” de l’Est, “ le retrait de l’économie mondiale ”, la “ restriction des importations de l’industrie des vainqueurs de Versailles ”, “ la création de barrières tarifaires élevées ”, “ l’emploi des jeunes dans les activités agricoles, la construction des routes, etc. ” et “ un style de vie simple ” (p. 30) ». Le second, au profil plus surprenant puisqu’il s’agit du chef de file des « jeunes-conservateurs », se nomme Arthur Moeller van den Bruck. Traducteur de Dostoïevski et attiré par la civilisation russe, Moeller van den Bruck est principalement connu pour son essai politique, Le Troisième Reich (1923) qui aurait pu s’appeler Le troisième point de vue ou La Troisième Voie.

 

« Même si le romantisme qui sous-tend l’Ostorientierung amène nombre d’entre eux à idéaliser l’U.R.S.S. (p. 27) », certains militants nationalistes n’en tirent pas moins des conclusions géopolitiques novatrices en proposant l’entente avec Moscou. C’est dans ce vivier romantique politique qu’émergent bientôt « des nationalistes anti-N.S.D.A.P., qui vomissent la bourgeoisie allemande, [qui] poussent leur engagement jusqu’à prendre fait et cause pour l’U.R.S.S (p. 37) ». leur ouverture d’esprit ne se focalise pas que vers l’Est. Maints d’entre eux s’intéressent aux débats français. Ainsi, Harro Schulze-Boysen se sent-il en affinité avec la revue non-conformiste réaliste française Plans de Philippe Lamour. Par ailleurs, Schulze-Boysen accueille dans ses colonnes les contributions de Niekisch et d’autres futurs opposants nationaux-révolutionnaires à Hitler.

 

Franck Canorel en profite pour rectifier quelques légendes propres à accroître la confusion. La « scission de gauche du N.S.D.A.P. » réalisée par les frères Strasser, rapidement qualifiés de représentants éminents du national-bolchevisme en Allemagne, n’est en rien un départ ordonné et réfléchi de nationaux-bolcheviks : « mysticisme, impérialisme teinté de romantisme chevaleresque, vitalisme, biologisme völkisch : en clair, la “ révolution allemande ” qu’appellent de leurs vœux les strasseriens n’est rien d’autre que la mise en pratique, sous une forme condensée, des idées réactionnaires qui avaient cours au siècle passé en Allemagne (p. 33) ».

 

L’auteur s’afflige en outre de la pauvreté des travaux non allemands traitant de son sujet. « Il s’agit pour la plupart d’ouvrages écrits par des auteurs d’extrême droite qui n’ont manifestement pas creusé leur sujet et se mélangent les pinceaux, associant le national-bolchevisme à des courants politiques qui lui ont été hostiles (p. 47). » Selon lui, le national-bolchevisme est d’abord « un courant inclassable […] Synthèse – dialectique -, non des “ extrêmes ” mais de la tradition (du latin traditio, tradere, de trans “ à travers ” et dure “ donner ”) et du mouvement : reconnaissance, pour chaque peuple, sur le plan anthropologique, de la valeur socialisante de sa culture (habitus, langue, mœurs) : nécessité, sur le plan économique, du socialisme (du latin socius, “ ensemble ”, “ associé ”) (p. 50) ».

 

Dans cette perspective synthétique est aussi évoqué Karl Otto Paetel, responsable de La Nation socialiste et du Groupe des nationalistes sociaux-révolutionnaires. Comme Wolffheim, Paetel est d’origine juive. Il s’enthousiasme en 1932 pour Le Travailleur d’Ernst Jünger, s’oppose à l’influence des frères Strasser et condamne le nazisme officiel. Bref, « si le national-bolchevisme est un aigle bicéphale, un labrys, c’est parce qu’il combat des deux côtés : contre la “ gauche ” et contre la “ droite ”, béquilles du système capitaliste (p. 61) ». Il va de soi que le nazisme réprimera férocement cette opposition originale. Exilé aux États-Unis, Paetel reste fidèle à lui-même, se montre « ardent partisan de la libération des peuples (p. 92) » et soutient, comme Maurice Bardèche dans son célèbre Qu’est-ce que le fascisme ?, Fidel Castro, Nasser et même Ho Chi Minh.

 

Franck Canorel revient enfin sur la floraison francophone des mouvements nationalistes-révolutionnaires dans la décennie 1990 qui, pour lui, trahissent en fait l’idéal national-bolchevik en raison d’un programme économique « habituel », capitaliste de grand-papa. Canorel en conclut que « tout bien pesé, Niekisch, Paetel et Schulze-Boysen sont restés sans descendance directe (p. 99) ». Cette étude remarquable éclaire vraiment une aventure intellectuelle typiquement germanique.

 

Georges Feltin-Tracol

 

• Franck Canorel, Harro Schulze-Boysen. Un national-bolchevik dans « L’Orchestre rouge », Alexipharmaque, coll. « Les Réflexives », 2015, 190 p., 18 € (Alexipharmaque, B.P. 60359, F – 64141 Billère C.E.D.E.X.).

 


 

Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

 

URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=4343

jeudi, 27 novembre 2014

Der Staat benutzt Linksextremisten als Waffe gegen das eigene Volk

linksextremer-aufkleber6.png

Berlin und der Funke zum Bürgerkrieg: »Der Staat benutzt Linksextremisten als Waffe gegen das eigene Volk«

Torben Grombery

In der deutschen Bundeshauptstadt Berlin ist eine Protestkundgebung von Anwohnern gegen den Neubau einer Flüchtlingsunterkunft von Linksextremen angegriffen worden und derart eskaliert, dass deren bisher friedlichen Teilnehmer die Wandlung zum Wutbürger gleich übersprungen und direkt in den Volkszornmodus geschaltet haben. Der Stein des Anstoßes: Frauen und Kinder sollen durch Stein- und Flaschenwürfe der Gegendemonstranten verletzt worden sein. Die Amateurbilder dazu lassen nur wenig Raum für positive Zukunftsprognosen in diesem Bezirk.

Auch die Berliner »Bürgerbewegung Marzahn« hatte sich gegründet, um gegen den Bau einer Flüchtlingsunterkunft in Form eines Containerdorfs, wie sie aktuell wegen des anhaltenden Flüchtlingszustroms an vielen Stellen in Deutschland entstehen, zur Wehr zu setzen. Wie fast überall in Deutschland fühlen sich die Anwohner auch hier von der Politik übergangen und haben Angst vor einer negativen Entwicklung ihrer Heimat.

Denn gerade die Stadt Berlin hat leider gleich mehrere Beispiele vorzuweisen, wie insbesondere durch grünes Politikversagen teilweise ganze Straßenzüge oder Parks zu rechtsfreien Räumen verkommen und nahezu unbewohnbar werden. So zum Beispiel die Region um die nach wie vor besetzte Gerhart-Hauptmann-Schule, wie das andauernde Tauziehen um die Räumung eindrucksvoll unter Beweis stellt. Auch das »Kreuzberger Großexperiment in Sachen Verwahrlosung«, der Görlitzer Park, sei an dieser Stelle prominent genannt.

Unnötig zu erwähnen, dass auch bei dieser Bürgerbewegung extreme Gruppen versuchen, sich unterzumischen und diese für ihre politischen Ziele zu missbrauchen. Genau das nutzt der linke Mainstream, um auch aus dieser Bewegung einen reinen Protest rechter Ausländerfeinde zu stilisieren.

Mehr:

http://info.kopp-verlag.de/hintergruende/deutschland/torben-grombery/berlin-und-der-funke-zum-buergerkrieg-der-staat-benutzt-linksextremisten-als-waffe-gegen-das-eigen.html

 

dimanche, 09 mars 2014

De l’utilité des milieux activistes d’extrême-gauche pour la consolidation du système

Antifa-Tod-Ds.jpg

De l’utilité des milieux activistes d’extrême-gauche pour la consolidation du système

Entretien avec le Dr. Claus-Martin Wolfschlag

Propos recueillis par Jan Ackermeier

Q.: Dr. Wolfschlag, votre travail scientifique s’est intensément penché, depuis plusieurs années déjà, sur l’extrémisme de gauche, sur lequel vous avez publié quelques ouvrages de référence qui avertissent aussi le public des dangers que représentent ces gauches hyper-activistes. Comment jaugez-vous aujourd’hui le danger représenté par cette mouvance qui s’affiche de gauche?

CMW: Le vocable de “dangerosité” est subjectif, il indique automatiquement une prise de position. Le requin représente un danger pour de nombreux petits poissons. Il n’est nullement un danger pour une grosse baleine. Dès que l’on manie le vocable de “dangerosité”, on doit se demander pour qui, et dans quelle mesure, ce danger existe. Pour les élites qui détiennent aujourd’hui le pouvoir, pour les oligarchies financières, cet “extrémisme de gauche” ne représente pas un grand danger. Ces élites au pouvoir gardent un contrôle certain sur la situation, sinon on ne financerait pas les innombrables “centres culturels” de la mouvance radicale de gauche. De même, la mansuétude de l’appareil judiciaire et des médias à son égard n’est pas vraiment inspirée par la peur que susciteraient ces petits groupes hyper-activistes. Si l’Etat le voulait vraiment, il lui suffirait de claquer des doigts et l’“extrémisme de gauche”, parfois si arrogant, disparaîtrait bien vite de la scène politique. Par conséquent, il faut bien constater que ces extrémistes de gauche sont bien utiles à l’élite en place, pour que celle-ci puisse disposer d’un instrument commode pour rapidement pouvoir museler ses seuls adversaires idéologiques réels. Or aujourd’hui les seuls adversaires réels de cette oligarchie se trouvent positionnés à droite, une droite hostile à la globalisation, hostile aux oligarchies en place parce qu’elle veut maintenir la culture traditionnelle.

Les “extrémistes de gauche” ne sont donc dangereux que pour les petites gens auxquelles on colle l’étiquette de “droite” (à tort ou à raison), surtout celles qui s’activent dans de petits partis politiques ou qui animent de petites structures éditoriales. Elles risquent à tout moment de subir des menaces ou des violences réelles ou d’être dénoncées dans les médias, d’être clouées au pilori médiatique et d’en subir toutes les conséquences sociales, de subir la délation auprès de leur employeur ou de leur voisinage. Les “extrémistes de gauche” sont, dans une perspective plus générale, dangereux pour le peuple tout entier et pour l’Etat national parce qu’ils contribuent, par leurs actions, à empêcher que se déploie des correctifs intelligents et pratiques aux dérives dangereuses du système et parce qu’ils criminalisent tous les modèles alternatifs potentiels et leur diffusion.

Q.: Dans les rapports rédigés annuellement par le “Verfassungsschutz” allemand (= la police politique qui s’affiche comme défenderesse de la “constitution”), dans les discours des médias d’Autriche et d’Allemagne, on évoque sans cesse la persistance d’un danger de “droite”, alors que la gauche activiste et violente n’est quasi jamais évoquée. Comment interprétez-vous cette situation aberrante?

allemagne,entretien,claus-martin wolfschlag,antifascisme,extrême-gauche,politique,sociologieCMW: Cette situation n’est aberrante que si vous partez encore et toujours du schéma qu’il existerait un “Centre” politique légitime et deux marges extrêmes qui devraient toutes deux être combattues. Il faudrait plutôt se demander pour quelles politiques et quelles valeur ce “Centre” s’engage. Où nous mène la politique des soi-disant “responsables” qui, depuis des décennies, se sont installés dans les fauteuils confortables du pouvoir? Si vous vous posez cette question, vous vous en poserez automatiquement une autre: les objectifs de ce “Centre”, de ces “forces centristes”, et de cette “mauvance hyper-activiste de gauche” ne sont-ils pas les mêmes, finalement? Le libéralisme et le communisme s’efforcent tous deux de créer sur la planète entière un seul et unique Etat global et unitaire qui, officiellement, nous apportera la paix et le bien-être mais, en réalité, nous contrôlera tous à l’extrême et exercera un pouvoir globalitaire au seul bénéfice d’une élite numériquement très ténue.

Q.: De quelles strates sociales proviennent ces hyper-activistes d’extrême-gauche, à votre avis, et, à titre de comparaison, quelle différence y a-t-il entre eux et les anciens soixante-huitards?

CMW: Aucun sondage n’a été effectué pour le déterminer, aucune statistique n’a été établie, je dois donc vous répondre en puisant dans le souvenir de mes propres observations. La plupart des activistes de l’extrême-gauche allemande sont issus de ce qu’il faut bien appeler le “prolétariat universitaire”. Généralement, il s’agit d’étudiants en sociologie et en pédagogie qui estiment constituer une sorte d’avant-garde progressiste. Quand j’effectuais mes études, j’en ai croisé un grand nombre et, aujourd’hui, beaucoup d’étudiants en sociologie, qui ne sont pas de gauche et avec qui j’entretiens des contacts, me confirment que bien peu de choses ont changé depuis lors. Certains séminaires de l’université, où s’agite ce prolétariat académique, sont de véritables bouillons de culture d’où sort l’idéologie de la gauche radicale. Le personnel enseignant est très marqué par cette idéologie et accueille dans ces séminaires de nombreux étudiants affiliés aux groupes dit “antifa”. Ils y apprennent une certaine rhétorique efficace; ils y sont bien écolés et parviennent à faire taire toutes les voix discordantes, moins bien formées, en avançant des arguments apparemment imparables ou en menaçant subtilement leurs adversaires. En fait, depuis l’ère des soixante-huitards, peu de choses ont changé. Cela fait maintenant presque cinquante ans qu’un fatras intellectuel s’est déversé sur les établissements d’enseignement, produisant une hydre à nombreuses têtes qui nous parlent d’une “société plurielle post-nationale” ou de “gender studies”, etc. Il existe toutefois une différence notable. Le niveau intellectuel a considérablement baissé. Le mouvement de 1968 se justifiait partiellement, il a constitué une rupture sociale plus ou moins nécessaire, il a fragmenté la croûte qui recouvrait encore des structures sociales vidées intérieurement, ne représentant plus rien. Aujourd’hui, cependant, nous avons affaire à une génération qui n’a jamais connu autre chose que ce fatras intellectuel, qui a été socialisée et éduquée dans le seul giron de cette idéologie dominante depuis près d’un demi-siècle. Cette génération a littéralement pompé et avalé, sans avoir les anti-corps nécessaires pour le faire, tous les préjugés, les marottes, les ritournelles et les stéréotypes de ce fatras intellectuel, sans le soumettre à la moindre critique. Or toute cette génération qui n’a pas connu véritablement d’autres pensées que celle dominante, marine forcément dans son jus et s’abrutit lentement, inexorablement.

 

anmti.jpg

Q.: Avez-vous constaté un accroissement de la violence potntielle depuis quinze ou vingt ans?

CMW: Pour vous répondre, je dois faire référence aux statistiques du “Verfassungsschutz”, qui évalue les actes violents réellement commis. Dans la citadelle des “autonomes” qu’est la ville de Hambourg le nombre d’actes violents commis par les activistes d’extrême-gauche s’est accru depuis l’an 2000. La promptitude à commettre des actes violents est difficilement mesurable car elle s’estompe dans les têtes ou se concrétise dans certaines situations précises. C’est là que réside le véritable danger. La droite politique, très réduite en nombre, n’existe pour les médias et pour la perception de la plupart des citoyens, que sous la forme d’un “nazisme” imaginaire, que l’on démonise et que l’on pose comme prêt à revenir sur la scène politique allemande. Officiellement, on ne veut absolument pas faire la différence entre ce nazisme imaginaire et médiatique et les réalités sur le terrain. On ne trie jamais le bon grain de l’ivraie. Ce qui a pour conséquence que ces figures démonisées par les médias focalisent tout le potentiel d’agressivité disponible: elles sont dès lors boucs émissaires, elles servent à dériver les attentions. Nous avons en Allemagne plusieurs générations qui ont été éduquées dans une perspective soi-disant “anti-fasciste” et qui ont, dès lors, intériorisé ce schéma binaire et fantasmagorique.

Certes, l’Etat traditionnel oppose encore quelques digues. Mais, progressivement, les droits fondamentaux sont vidés de leur substance. Pour ceux que l’on considère comme “de droite” (à tort ou à raison), le droit de s’assembler, le droit à la libre expression, à l’égalité devant les tribunaux, à être protégé contre toute discrimination sont sans cesse réduits. Et l’on proclame: “Pas de liberté pour les ennemis de la liberté”. Le danger qui se pointe à l’horizon, c’est que les ressortissants de ces générations socialisées à pareille enseigne vont obtenir postes et fonctions dans l’appareil étatique et dans la magistrature: ils voudront alors utiliser le monopole étatique de la violence pour lancer “la bataille finale pour la libération”. Nous verrons alors des collégiens ou des étudiants, qui ont l’air bien nets et bien propres aujourd’hui, qui hurlent leurs paroles soi-disant “anti-racistes” dans les rues, devenir demain gardiens-en-chef de camps de concentration, briseurs d’os dans les chambres de torture ou juristes terrifiants qui nous bâtiront un avenir d’enfer. Le Malin trouve toujours de nouveaux chemins à emprunter.

(entretien paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°8/2014, http://www;zurzeit.at ).

mercredi, 20 février 2013

Extreemlinkse dictatuur

 

Jaak Peeters:

Extreemlinkse dictatuur

Ziezo: voortaan bestaan er in Gent geen allochtonen meer. Het stadsbestuur en alles wat ervan afhankelijk is zal het woord niet meer gebruiken. Men wil namelijk een “inclusief beleid” voeren. Iemand allochtoon noemen is dus exclusivistisch of, in hun eigen termen, stigmatiserend.

Op zichzelf zou de kritisch denkende toeschouwer hierbij de schouders ophalen: iets dergelijks kun je immers niet volhouden, want dan kan men de toeschrijving van wel erg veel bijvoeglijke naamwoorden stigmatiserend noemen. Een buurt “ros” noemen is stigmatiserend voor het grootste deel van haar bewoners; wijzen op de spaarzaamheid van Nederlanders kan stigmatiserend worden uitgelegd; men kan in dezelfde orde van gedachten opvallende kleding verbieden, wegens “stigmatiserend” zoals in het China van Mao. Enzovoorts.

De essentie is drieledig.

Ten eerste: extreemlinks aanvaardt geen kwalificaties die mensen van elkaar onderscheiden. Dat geldt het meest van al voor eigenschappen die menselijke groepen van elkaar onderscheiden. Die houding neemt extreemlinks vooral aan tegen naties en etnische groepen. Onderscheid maken tussen Vlamingen en Walen is al gauw “stigmatiserend”. Je hoort die beschuldiging ook werkelijk. Als extreemlinks onderscheidende kwalificaties wel aanvaardt, is het omdat ze de bestaande groepsstructuren kunnen beschadigen en dus in hààr discours passen. De  Antwerpse burgervader kan erover meespreken.

Sinds de Franse Revolutie is links, en dan vooral extreemlinks, gebiologeerd door het idee van de universele mens. Die universele mens is “leeg”.  Alles wat die mens onderscheidt van anderen, is verwerpelijk, antiek of hooguit aanvaardbaar binnen de persoonlijke levenssfeer.  Dat die persoonlijke en openbare levenssfeer door elkaar vloeien – postmodernisten leren ons toch dat identiteiten niet bestaan? – kan de pret niet bederven.

Voor het latere liberalisme en het daarop reagerende marxisme is deze lege mens Gefundenes Fressen. De vestiging van de utopie van de liberale maatschappij wordt immers gehinderd door een mensentype, dat nog andere doelen nastreeft dan zijn maximale materiële belang. Idem dito voor het marxisme, voor wie alles wat mensen van elkaar onderscheidt des duivels is, omdat het hinderlijk is in het kader van de klassenstrijd en niet compatibel met de utopie van de klassenloze werelddictatuur van het proletariaat.

Extreemlinks, dat in Gent de lakens blijkt uit te delen, heeft ons dus wel wat uit te leggen, omdat de vestiging van een marxistisch geïnspireerd bestuur in de derde grootste Vlaamse stad wel degelijk gevaarlijke consequenties kan hebben. Het kan toch niet verbazen dat in het Duitsland van de vroege twintigste eeuw de radenrepubliek werd weggeveegd?

Ten tweede: er zit iets niet snor met de manier waarop extreemlinks naar andere steden kijkt. Als Liesbeth Homans zegt dat de Antwerpse kiezer voor het beleid gekozen heeft dat ze nu ten uitvoer legt, dan legt ze een verklaring af van het zuiverste democratische water. Dat is inderdaad de essentie van de democratie: het bestuur voert een beleid naar de wensen van de kiezer. Sommigen, zoals Stefan Rummens, aarzelen niet om in zo’n geval te spreken over populisme. Men kan dat lezen in een recent nummer van het tijdschrift Filosofie. Dat is verdacht. Wat zou Rummens, en bij uitbreiding het Gentse stadsbestuur, zeggen als Antwerpen immigranten zou verwélkomen? Het antwoord laat zich uiteraard raden. Zodoende is de kiezer die wensen uit die met die van extreemlinks overeenkomen “democratisch” en de kiezer die dat niet doet is “populistisch”. Dat lijkt verdacht veel op de gang van zaken in de vroegere oosterse “volksdemocratieën”.

Dat betekent voorts dat extreemlinks zichzelf daarmee het recht toeschrijft over het gedrag van anderen morele oordelen uit te spreken. Extreemlinks verheft zich dus boven iedereen, ook de kiezer. Daarmee brengt het de democratie een steek recht in het hart toe. Want de democratie vereist nu net dat men zich onthoudt van morele oordelen over wat de kiezer heeft geoordeeld. Het enige wat in een democratie mogelijk kan zijn, is het informeren en daartoe dient een fatsoenlijk, dus neutraal openbaar debat.

Maar er is nog een derde element.

Het bannen van het woord allochtoon roept onvermijdelijk de wereld op die Orwell zo pakkend heeft geschilderd. Die wereld van de Big Brother, waarin een overheid het leven van iedereen tot in de details controleert om het te beheersen, is maar mogelijk dank zij het bestaan van Nieuwspraak. Oorlog is vrede! Vrijheid is slavernij! Onwetendheid is kracht!

Onderwerpen waarvoor men geen woorden heeft, kan men niet tot voorwerp van discussie nemen. Woorden ontstaan immers uit de behoefte iets te benoemen dat mensen belangrijk vinden.  Door de betekenis van woorden te verdraaien – zoals Orwell laat zien -, of sommige woorden te bannen – zoals extreemlinks in Gent wil – verhindert men de kiezer - dit is: de vrije burger - over dit onderwerp op een degelijke manier te discussiëren. Door die woorden te bannen die op onderscheid tussen mensen wijzen, wil extreemlinks haar wereld aan anderen opleggen. Niet door het eerlijke, open gesprek, maar volgens de principes van een Orwelliaanse dictatuur.

Waarmee extreemlinks op zichzelf de verdenking laat dat het haar niet om het lot van de allochtoon te doen is, maar om de vestiging van haar marxistische utopie.

vendredi, 07 janvier 2011

Petites réflexions éparses sur l'Ecole de Francfort

Robert STEUCKERS :

Petites réflexions éparses sur l’Ecole de Francfort

 

Exposé prononcé à Gand, salle universitaire « Blandijn », novembre 2008, à l’occasion d’une conférence du Dr. Tomislav Sunic sur les répercussions de l’Ecole de Francfort en Amérique et en Europe, conférence organisée par l’association étudiante KVHV

 

L’Ecole de Francfort est un vaste sujet, vu le nombre de théoriciens importants pour les gauches européennes et américaines qu’elle a fournis. Nous ne pourrons pas aborder tous les aspects de cette école de Francfort. Nous allons nous limiter, comme le Dr. Sunic, aux critiques qu’adressent généralement les mouvements conservateurs européens à cette école de pensée qui a modernisé considérablement les idéologies avancées par les gauches, entre les années 20 et 70 du 20ème siècle. On peut dire qu’aujourd’hui bon nombre de dirigeants européens et américains ont été directement ou indirectement influencés par l’Ecole de Francfort, dans la mesure où ils ont été impliqués dans le mouvement de mai 68 ou dans ses suites immédiates.

 

Les critiques conservatrices de l’Ecole de Francfort s’articulent autour de plusieurs éventails de thématiques :

 

L’Ecole de Francfort aurait forgé les instruments destinés à dissoudre littéralement les fondements des sociétés, de manière à permettre à de petites élites intellectuelles et politiques de prendre le pouvoir, afin d’agir non pas selon des traditions avérées (selon le « mos majorum » romain) mais de manière purement arbitraire et expérimentale, sans la sanction de l’expérience. Il s’agit donc clairement de contre-élites, qui n’entendent pas poursuivre des traditions politiques, demeurer dans un cadre bien établi, mais bouleverser de fond en comble les traditions pour installer une nouvelle forme de pouvoir, qui ne doit plus rien au passé. Pour y parvenir et pour éliminer toute résistance des forces traditionnelles, il faut dissoudre ce qui existe et ce qui fait l’armature des sociétés. On a insinué que les tenants de l’Ecole de Francfort ont coopéré avec l’OSS américaine pendant et immédiatement après la seconde guerre mondiale pour briser les ressorts des sociétés européennes, et surtout de la société allemande. L’idée n’est pas neuve : dans Sun Tzu, on trouve des consignes au Prince pour faire plonger la société de l’ennemi en pleine déliquescence, la neutraliser, l’empêcher de renaître de ses cendres et de passer à la contre-offensive. L’Ecole de Francfort aurait donc été l’instrument des Américains pour appliquer à l’Allemagne et à l’Europe un principe de l’Art de la guerre de Sun Tzu.

 

De l’homme unidimensionnel à la société festiviste

 

OneDimDtBig400pxh.jpgMalgré l’instrumentalisation des corpus doctrinaux de l’Ecole de Francfort et malgré les désastres que cette instrumentalisation a provoqué en Europe, les idées diffusées par l’Ecole de Francfort véhiculent des thèmes intéressants qui, eux, n’ont pas été inclus dans la vulgate, seule responsable des dégâts sociaux et anthropologiques que nous déplorons depuis quelques décennies en Europe. Quand un Herbert Marcuse (1898-1979) nous parle de l’homme unidimensionnel, pour déplorer sa banalisation dans les sociétés industrielles modernes, il ne fait qu’énoncer un état de choses déjà déploré par Nietzsche. L’homme unidimensionnel de Marcuse partage bien des traits en commun avec le « dernier homme » de Nietzsche. Dans « Eros et la civilisation », Marcuse évoque le refoulement du désir dans les sociétés modernes, exactement comme le déploraient certains mouvements de jeunesse alternatifs allemands entre 1896 et 1933 ; cette option philosophique de vouloir libérer les instincts refoulés, en imitant les groupes marginaux ou exclus des sociétés même au détriment des majorités politiques et parlementaires, a eu, avec l’appui de tout un attirail d’interprétations freudiennes, un impact important sur la révolte étudiante des années 67-68 en Allemagne, en France et ailleurs en Europe. Marcuse condamnera toutefois l’usage de la violence et se fera apostropher comme « mou » par certains échaudés, dénommés « Krawallos ». Entre la théorie écrite et la pratique mise en œuvre par les services à partir des années 60 du 20ème siècle, il y a une nette différence. Mais c’est la vulgate, la version instrumentalisée, sloganisée à l’usage des Krawallos, qui a triomphé au détriment de la théorie proprement dite : c’est au départ d’une hyper-simplification du contenu d’ « Eros et la civilisation » que l’on a fabriqué la société festiviste actuelle, une société festiviste incapable de forger un Etat digne de ce nom ou de générer un vivre-ensemble harmonieux et créatif. Tout comme dans le « Meilleur des mondes » d’Aldous Huxley, on vend des drogues et l’on favorise la promiscuité sexuelle pour endormir les volontés.

 

adorno.jpgOutre Marcuse, idole des festivistes de mai 68, l’Ecole de Francfort a surtout aligné, en Allemagne, deux figures notoires, Theodor W. Adorno (1903-1969) et Max Horkheimer (1895-1973). Ces deux philosophes ont été les principaux représentants de la philosophie allemande dans les années 50. Adorno a déployé une critique de l’autoritarisme qui, selon lui, aurait toujours structuré la pensée allemande et, partant, européenne et américaine, faisant courir le risque de voir émerger de nouveaux fascismes à intervalles réguliers dans l’histoire. Il va vouloir déconstruire cet autoritarisme pour enrayer à l’avance toute émergence de nouveaux fascismes. Pour y procéder, il élaborera un système de mesure, consigné dans son célèbre ouvrage, La personnalité autoritaire. On y apprend même comment mesurer sur « l’échelle F » le degré de « fascisme » que peut receler la personnalité d’un individu. Le livre contient aussi un classement des citoyens en « Vorurteilsvollen » et « Vorurteilsfreien », soit ceux qui sont « pleins de préjugés » et ceux « qui sont libres de tous préjugés ». Ceux qui sont pleins de préjugés comptent aussi les « rebelles » et les « psychopathes », les « fous » et les « manipulateurs » dans leurs rangs. Ceux qui sont libres de tout préjugé comptent tout de même des « rigides », des protestataires, des impulsifs et des « easy goings » (« ungezwungene Vorurteilsfreie ») dans leurs rangs, qui sont posés comme sympathiques, comme mobilisables dans un projet « anti-autoritaire » mais dont l’efficacité n’est pas parfaite. Le summum de la qualité citoyenne ne se trouve que chez une minorité  de « Vorurteilsfreien » : les « genuine Liberalen », les « hommes de gauche en soi » qui échappent aux tendances libidineuses et au narcissisme (bref, ceux qui devraient gouverner le monde après la mise au rencart de tous les autres). Ce livre sur la personnalité autoritaire a connu un succès retentissant aux Etats-Unis mais aussi dans la République Fédérale Allemande. Mais ce n’est pas un ouvrage philosophique : c’est un instrument purement manipulatoire au service d’une ingénierie sociale destinée à dompter la société, à contrôler pensées et langages. On peut donc parfaitement interpréter l’impact de cet ouvrage d’ingénierie sociale dans une perspective orwellienne : l’émancipation (par rapport à la personnalité autoritaire) est le terme enjoliveur qui couvre une nouvelle façon, subtile, d’asservir et d’opprimer les masses.

 

Des « genuinen Liberalen » à l’humanité nouvelle

 

Comment supputer la manipulation chez des « genuinen Liberalen », posés par Adorno comme des apolitiques qui ne réagissent que lorsque les injustices sont là, flagrantes, et se dressent alors contre elles sans tenir compte des déboires que cela pourrait leur procurer ? Le « genuiner Liberaler » est un bon naïf, écrit Adorno, comment pourrait-il dès lors manipuler ses concitoyens ? On se le demande, effectivement : non, ce n’est pas lui qui va manipuler, c’est lui qui servira de modèle aux manipulateurs car, eux, ont besoin de naïfs. En effet, le « fascisme » (sous quelque forme que ce soit) n’était plus présent aux Etats-Unis ou en Allemagne, quand Adorno sortait son livre de presse. Rien ne permettait d’envisager son retour offensif. Ce n’est donc pas un fascisme organisé en escouades de combat que cherchent à éliminer Adorno et tous ses disciples armés de « l’échelle F ». Il s’agit bien plutôt de détruire les réflexes structurants de toute société traditionnelle normale, surtout quand elles sont de nature « agnatiques » (centrées autour du patriarche ou du pater familias). Patriarches et pères de famille détiennent forcément une autorité (qui peut être bienveillante ou sévère selon les cas), que ce soit, comme l’a montré Emmanuel Todd, dans la famille centre-européenne (germanique et souvent catholique), dans la famille juive ou dans la famille musulmane nord-africaine (où elle a, selon Todd, des aspects plus claniques). C’est leur pouvoir patriarcal qu’il s’agit de démonter pour le remplacer par des figures alternatives, non clairement profilées : la virago célibataire, la mère fusionnelle, l’ado libre, l’adulescent bambocheur et irresponsable, la grand-mère gâteau, la divorcée agitée de frénésies de toutes sortes, le tonton homosexuel, le grand frère hippy (ou beatnik) ou deux ou trois figures de référence de cet acabit, qui vont déboussoler l’enfant plutôt que l’édifier. Bref nous aurons là la « nouvelle humanité » soi-disant « tolérante » (1), dont ont rêvé beaucoup de ces dissidents qui souhaitaient bouleverser les hiérarchies naturelles et immémoriales : les dissidents « levellers » ou les « Founding Fathers » puritains qui s’en iront au Nouveau Monde créer une « Jérusalem Nouvelle » avant de pendouiller les sorcières de Salem (2), les utopistes ou les phalanstériens en marge de la révolution française ou les communistes soviétiques des années 20, avant la réaction autoritaire du stalinisme. Les pères posés comme « autoritaires » a priori, par certains zélotes de « l’échelle F », sont évidemment un frein au développement échevelé de la société de consommation, telle que nous la connaissons depuis la fin des années 50 en Europe, depuis la fin des années 40 aux Etats-Unis. Les planificateurs de la consommation tous azimuts ont constaté que les pères (autoritaires ou simplement prévoyants) maintenaient généralement les cordons de la bourse plus serrés que les marginaux prodigues et flambeurs, individualités très appréciées des commerçants et des publicitaires. Qui dit structures patriarcales dit automatiquement volonté de maintenir et de préserver un patrimoine de biens meubles et immeubles, qui ne sont pas immédiatement voués à la consommation, destinée, elle, à procurer le bonheur tout de suite. L’élimination de l’autorité patriarcale et la libération sexuelle vont de paire pour assurer le triomphe de la société de consommation, festiviste et flambeuse, par ailleurs fustigée par certains soixante-huitards qui furent tout à la fois, et souvent à leur corps défendant, ses critiques et ses promoteurs.      

 

hork.jpgOutre la composition de cet instrument de contrôle que fut le livre d’Adorno intitulé La personnalité autoritaire (Studien zum autoritären Charakter), les deux philosophes de l’Ecole de Francfort, installés dans l’Allemagne d’après-guerre, en rédigent le principal manifeste philosophique, Die Dialektik der Aufklärung (= « La dialectique des Lumières »), où ils affirment s’inscrire dans la tradition des Lumières, née au 18ème siècle, tout en critiquant certains avatars ultérieurs de cette démarche philosophique. Pour Horkheimer et Adorno, la science et la technologie, qui ont pris leur élan à l’époque des Lumières et dans les premiers balbutiements de la révolution industrielle avec l’appui des Encyclopédistes autour de d’Alembert et Diderot, ont pris au fil du temps un statut marqué d’ambigüité. La technologie et la science ont débouché sur la technocratie, affirment Horkheimer et Adorno dans leur manifeste, et, dans ce processus involutif, la raison des Lumières, d’idéelle est devenue « instrumentale », avec le risque d’être instrumentalisée par des forces politiques ne partageant pas l’idéal philosophique des Lumières (sous-entendu : les diverses formes de fascisme ou les néoconservatismes technocratiques d’après 1945). Le programme promu par La personnalité autoritaire peut être interprété, sans sollicitation outrancière, comme un instrument purement technocratique destiné à formater les masses dans un sens précis, contraire à leurs dispositions naturelles et ontologiques ou contraire aux legs d’une histoire nationale particulière. Alors qu’ils inventent un instrument de nature nettement technocratique, Adorno et Horkheimer critiquent la technocratie occidentale sur des bases sociologiques que nous pouvons pleinement accepter : en effet, les deux philosophes s’inscrivent dans un filon sociologique inauguré, non pas par Marx et ses premiers fidèles, mais par Georg Simmel et Max Weber. Ce dernier voulait lancer, par ses travaux et ceux de ses étudiants, « une science du réel, nous permettant de comprendre dans sa spécificité même la réalité en laquelle nos vies sont plongées ». Pour Simmel et Weber, le développement des sciences et des technologies apporteront certainement une quantité de bienfaits aux sociétés humaines mais elles provoqueront simultanément une hypertrophie des appareils abstraits, ceux de la technocratie en marche, par exemple, ceux de l’administration qui multipliera les règles de coercition sociale dans tous les domaines, conduisant à l’émergence d’un gigantesque « talon d’acier » (iron heel) ou d’une cage d’acier, qui oblitèreront la créativité humaine.

 

Quelle créativité humaine ?

 

L’oblitération de la créativité humaine, telle qu’elle avait été pensée par Simmel et Weber, est le point de départ d’Adorno et Horkheimer. Mais où divergent donc conservateurs critiques de l’Ecole de Francfort et adeptes de cette école ? Dans la définition qu’ils donnent de la créativité humaine. La créativité selon Adorno et Horkheimer est celle d’une intelligentsia détachée de toutes contraintes matérielles, d’une freischwebende Intelligenz, planant haut au-dessus de la réalité, ou d’assistants sociaux, de travailleurs sociaux, qui œuvrent à déconstruire les structures sociales existantes pour créer de toutes pièces un vivre-ensemble artificiel, composé selon les rêves utopiques de sociologues irréalistes, qui glosent ad libitum sur le travail ou sur le prolétariat sans jamais travailler concrètement (Helmut Schelsky) ni trimer dans une véritable usine (les ouvriers d’Opel à Rüsselheim en Allemagne ont chassé les Krawallos qui voulaient les aider dans leur tâche prolétarienne, tout en préparant des comités de contestation, des happenings ou des bris de machine). Le reproche d’abonder dans le sens de cette frange « bohémienne » de la bourgeoisie ou de la Bildungsbürgertum avait déjà été adressé par les conservateurs et les pangermanistes à Nietzsche (« philosophe pour femmes hystériques et pour artistes peintres ») et aux romantiques, qualifiés d’ « occasionnalistes » par Carl Schmitt. On peut constater, dans l’histoire des idées, que la critique de la technocratie a souvent émergé dans les rangs conservateurs, inquiets de voir les traditions oblitérées par une nouvelle pensée pragmatique étrangère à toutes les valeurs traditionnelles et aux modes de concertation hérités, qui finissent alors noyés dans des dédales administratifs nouveaux, posés comme infaillibles. La critique d’Adorno et d’Horkheimer n’est pourtant pas conservatrice mais de gauche, « libérale » au sens anglo-saxon du terme. Adorno et Horkheimer veulent donner plus d’impact dans la société à la freischwebende Intelligenz, aux bohèmes littéraires et artistiques ou aux nouveaux sociologues et pédagogues (Cohn-Bendit) héritiers des plus fumeux et des plus farfelus des « Lebensreformer » (des « réformateurs de la vie ») qui pullulaient en Allemagne entre 1890 et 1933. Le but de cette manœuvre est de maintenir une sorte d’espace récréatif et festif (avant la lettre) en marge d’une société autrement gouvernée par les principes des Lumières, avec, dans le monde du travail, une domination plus ou moins jugulée de la « raison instrumentale ». Cet espace récréatif et festif serait un « espace de non-travail » (Guillaume Faye), survalorisé médiatiquement, où les individus pourraient donner libre cours à leurs fantaisies personnelles ou s’esbaudir dans une aire de garage au moment où l’automatisation des usines, la désindustrialisation ou les délocalisations postulent une réduction drastique de la main-d’œuvre. L’ « espace de non-travail » dore la pilule pour ceux qui sont condamnés au chômage ou à des emplois socio-culturels non productifs. Adorno et Horkheimer situent donc la créativité humaine, qu’ils valorisent, dans un espace artificiel, une sorte de jardin de luxe, en marge des tumultes du monde réel. Ils ne la situent pas dans les dispositions concrètes et ontologiques de la nature biologique de l’homme, en tant qu’être vivant, qui, au départ de son évolution phylogénétique, a été « jeté là » dans la nature et a dû s’en sortir. Critique allemand de l’Ecole de Francfort, le Dr. Rolf Kosiek, professeur de biologie, stigmatise le « pandémonium » de cette tradition sociologique de gauche parce qu’elle ne se réfère jamais à la biologie humaine, à la concrétude fondamentale de l’être humain en tant qu’être vivant. En utilisant le terme « pandémonium », Kosiek reprend quasiment mot pour mot le jugement de Henri De Man, présent à Francfort dès les débuts de l’Institut de sociologie ; dans ses mémoires, De Man écrit : « c’était une bande d’intellectuels rêveurs, incapables de saisir une réalité politique ou sociale ou de la décrire de manière succincte – c’était un pandémonium ».

 

Les écoles biologiques allemandes et autrichiennes, avec Konrad Lorenz, Irenäus Eibl-Eibesfeldt, Rupert Riedl et Wuketits ou les vulgarisateurs américains et anglais Robert Ardrey et Desmond Morris ont jeté les bases d’une sociologie plus réaliste, en abordant l’homme, non pas comme un bohème intellectuel mais comme un être vivant, peu différent dans sa physiologie des mammifères qu’il côtoie, tout en étant, en revanche, très différent d’eux dans ses capacités intellectuelles et adaptatives, dans ses capacités mémorielles. Arnold Gehlen, lui, est un sociologue qui tient compte des acquis des sciences biologiques. Pour Gehlen, l’homme est une créature misérable, nue, sans force réelle dans la nature, sans les griffes et les canines du tigre, sans la fourrure et les muscles puissants de l’ours. Pour survivre, il doit créer artificiellement les organes dont la nature ne l’a pas pourvu. Il invente dès lors la technique et, par sa mémoire capable de transmettre les acquis, se dote d’une béquille culturelle, capable de pallier ses indigences naturelles. D’où la culture (et la technique) sont, pour Gehlen, la vraie nature de l’homme. La créativité, celle qu’oblitère la technocratie (Simmel, Weber, Adorno, Horkheimer) qui provoque aussi la « mort tiède » (Lorenz) par la démultiplication des « expériences de seconde main » (Gehlen), est, pour la sociologie biologisante de Gehlen, la réponse de l’homme, en tant qu’être vivant, à un environnement systématiquement hostile. L’invention de la technique et la culture/mémoire donne à l’homme une plasticité comportementale le rendant apte à affronter une multiplicité de défis.

 

Cette créativité-là est aujourd’hui oblitérée par l’ingénierie sociale de la technocratie dominante, ce qui a pour risque majeur de détruire définitivement les forces qui existent en l’homme et qui l’ont toujours rendu capable d’affronter les dangers qui le guettent par la puissance « pro-active » de son imagination concrète, inscrite désormais dans ses dispositions ontologiques. L’homme à la créativité oblitérée ne peut plus faire face au tragique qui peut à tout instant survenir (la « logique du pire » de Clément Rosset).

 

Konrad Lorenz parlait de « tiédeur mortelle » et Gehlen d’une hypertrophie d’ « expériences de seconde main », où l’homme n’est plus jamais confronté directement aux dangers et aux défis auxquels il avait généralement fait face au cours de toute son histoire.

 

Pour l’Ecole de Francfort, la créativité humaine se limite à celle des bohèmes intellectuelles. Pour les autres, la créativité englobe tous les domaines possibles et imaginables de l’activité humaine, pourvu qu’elle ait un objet concret.

 

Habermas : du patriotisme constitutionnel à l’aporie complète

 

habermas1.jpgHabermas, ancien assistant d’Horkheimer puis son successeur à la tête de l’Institut de Francfort, devient, dès la fin des années 60, la figure de proue de la seconde génération de l’Ecole de Francfort. Son objectif ? Pour éviter la « cristallisation » des résidus de l’autoritarisme et des effets de l’application de la « raison instrumentale », une « cristallisation » qui aurait indubitablement ramené au pouvoir une nouvelle idéologie forte et autoritaire, Habermas s’ingéniera à théoriser une « praxis de la discussion permanente » (s’opposant en cela à Carl Schmitt qui, disciple de l’Espagnol Donoso Cortès, abominait la discussion et la « classe discutailleuse » au bénéfice des vrais décideurs, seuls aptes à maintenir le politique en place, les Etats et les empires en bon ordre de fonctionnement). La discussion et cette culture du débat permanent devaient justement empêcher les décisions trop tranchées amenant aux « cristallisations ». Les évolutions politiques devaient se dérouler lentement dans le temps, sans brusqueries ni hâtes même quand les décisions claires et nettes s’avéraient nécessaires, vu l’urgence, l’ Ernstfall. Cette posture habermasienne ne plaisait pas à tous les hommes de gauche, surtout aux communistes durs et purs, aux activistes directs : sa théorie a parfois été décrite comme l’incarnation du « défaitisme postfasciste », inaugurant, dans l’après-guerre, une « philosophie de la désorientation et des longs palabres ». Habermas est ainsi devenu le philosophe déréalisé le plus emblématique d’Europe. En 1990, il déplore la réunification allemande car celle-ci « met en danger la société multiculturelle et l’unité européenne qui étaient toutes deux depuis quelque temps déjà en voie de réalisation ». La seule alternative, pour Habermas, c’est de remplacer l’appartenance nationale des peuples par un « patriotisme constitutionnel », préférable, selon lui, « aux béquilles prépolitiques que sont la nationalité (charnelle) et l’idée de la communauté de destin » (Habermas s’attaque là aux deux conceptions que l’on trouve en Allemagne : l’idéal nationalitaire de romantique mémoire et l’idéal prussien a-national de participation à la vie et à la défense d’un type particulier d’Etat, à connotations spartiates). Le « patriotisme constitutionnel » est-il dès lors un antidote à la guerre, à ces guerres qu’ont déclenché les patriotismes appuyés sur les deux « béquilles » dénoncées par Habermas, soit l’idéal nationalitaire et l’idéal prussien ? En principe, oui ; en pratique, non, car en 1999 quand l’OTAN attaque la Serbie sous prétexte qu’elle oppresse la minorité albanaise du Kosovo, Habermas bénit l’opération en la qualifiant « de bond en avant sur la voie qui mène du droit des gens classique au droit cosmopolite d’une société mondiale de citoyens ». Et il ajoutait : « les voisins démocratiques (c’est-à-dire ceux qui avaient fait leur l’idée de « patriotisme constitutionnel ») ont le droit de passer à l’action pour apporter une aide de première nécessité, légitimée par le droit des gens ». Contradiction : le « constitutionalisme globaliste de l’OTAN » a sanctifié un réflexe identitaire ethno-national, celui des Albanais du Kosovo, contre le réflexe ethno-national des Serbes. L’OTAN, avec la bénédiction d’Habermas, a paradoxalement agi pour restaurer l’une des béquilles que ce dernier a toujours voulu éradiquer. Tout en pariant sur un élément musulman, étranger à l’Europe, importation turque dans les Balkans, au détriment de l’albanité catholique et orthodoxe, avant de l’être pour la « serbicité » slave et orthodoxe. Le tout pour permettre à l’US Army de se faire octroyer par le nouvel Etat kosovar la plus formidable base terrestre en Europe, Camp Bondsteele, destiné à remplacer les bases allemandes évacuées progressivement depuis la réunification. Camp Bondsteele sert à asseoir une présence militaire dans les Balkans, tremplin pour le contrôle de la Mer Noire, de la Méditerranée orientale et de l’Anatolie turque. Ces déclarations d’Habermas vieillissant ressemblent étrangement à l’agitation de ces chiens qui tentent de se manger la queue. 

 

L’itinéraire d’Habermas débouche donc sur une aporie. Voire sur d’inexplicables contradictions : le « patriotisme constitutionnel », destiné à ouvrir une ère de paix universelle (déjà rêvée par Kant), aboutit en fin de compte à une apologie des « guerres justes » qui, autre oxymoron, promeuvent parfois de bons vieux nationalismes ethniques.

 

Conclusion : L’Ecole de Francfort est une instance qu’il faut étudier avec le regard de l’historien, pour pouvoir comprendre les errements de notre époque, les déraillements de ces deux dernières décennies où, justement, les soixante-huitards marqués par le corpus philosophico-sociologique de cette école, ont tenu le pouvoir entre leurs mains dans la plupart des pays occidentaux. Pour les amener à un bel éventail d’impasses et, plus récemment avec les expéditions en Afghanistan et en Irak (guerres justes selon Habermas), à un certain hybris, tandis que plusieurs puissances chalengeuses, dont la Chine, non contaminée par le fatras francfortiste et guérie des élucubrations de la révolution culturelle maoïste, entamaient une marche en avant. L’Europe doit se débarrasser du « pandémonium » pour pouvoir redresser la barre et, plus prosaïquement, survivre sur le long terme. On ne se débarrasse pas des vieux corpus classiques : ils sont irremplaçables. Toute tentative de les balancer par-dessus bord pour les remplacer par des constructions inventées et bricolées par des sociologues irréalistes conduit aux impasses, aux apories et aux bouffonneries.

 

Robert STEUCKERS.

(novembre 2008)     

 

Notes :

 

(1)    On ne se rend jamais assez compte que le terme « tolérance » a subrepticement changé de sens au fil de ces dernières décennies. Au départ, la tolérance signifiait que l’on tolérait l’existence d’un fait que, sur le fond et sur le plan des principes, l’on condamnait (on condamnait le protestantisme mais on le tolérait par l’Edit de Nantes, édit de tolérance). On tolérait certains faits parce qu’on n’avait pas les moyens matériels de les combattre et de les éradiquer. Ainsi, la prostitution, condamnée sur le fond, était tolérée comme exutoire social. On parlait dans ce sens de « maisons de tolérance » pour désigner les bordels. Quand nous demandions, déjà dans le sens actuel du mot, à nos professeurs d’être « tolérants », ils nous répondaient invariablement : « La tolérance, mon petit monsieur ? Mais il y a des maisons pour cela ! ». Aujourd’hui, le terme « tolérant » signifie accepter le fait dans ses dimensions factuelles (et inévitables) comme sur le plan des principes.

 

(2)    Les « Founding Fathers », qui sont des « pères » comme leur nom l’indique, retrouveront rapidement les réflexes de l’autorité patriarcale, dictée par la Bible juive. La parcimonie, vertu puritaine par excellence et pratiquée jusqu’à la caricature, deviendra un modèle de l’américanisme, qu’Adorno cherchera à déconstruire au même titre que le fascisme allemand, pour faire advenir une humanité atomisée, disloquée par la libération sexuelle qui dissoudra son noyau familial de base, une humanité atomisée prônée par Marcuse, Fromm et Reich, pour faire advenir le règne des individualités plus ou moins originales et farfelues, déconnectées et ahuries par les médias, mais toutes clientes dans les chaines de supermarchés.

 

Bibliographie :

Theodor W. ADORNO, Studien zum autoritären Charakter, Suhrkamp, Frankfurt am Main, 1973.

Max HORKHEIMER /  Theodor W. ADORNO, Dialektik der Aufklärung, Fischer, Frankfurt am Main, 1969.

Max HORKHEIMER, Traditionnelle und kritische Theorie – Vier Aufsätze, Fischer, Frankfurt am Main, 1968.

Max HORKHEIMER, Zur Kritik der instrumentellen Vernunft, Athenäuml/Fischer, Frankfurt am Main, 1974.

Rolf KOSIEK, Die Frankfurter Schule und ihre zersetzenden Auswirkungen, Hohenrain, Tübingen, 2001.

dimanche, 22 août 2010

König Schwein

König Schwein

Karlheinz WEISSMANN

ex: http://www.sezession.de/

Jürg Altwegg ist ein Konformist. Nicht ganz, das gehört sich für einen Intellektuellen, aber in der Hauptsache. Der Schweizer Journalist ist in allen deutschen Feuilletons wohlgelitten. Ein Linksliberaler der üblichen Sorte und Veteran im Kampf gegen „rechts“. Andere Gefahren gab es für Altwegg bis dato nicht. Er hat einen Namen als Naziriecher und in Deutschland wesentlich zur Diffamierung der Nouvelle Droite beigetragen („Nach den Büchern die Bomben von rechts“); Alain de Benoist erscheint bei ihm immer noch als „Faschist“.

Wenn ein Konformist erkennbar seine Auffassung ändert, dann hat das im allgemeinen damit zu tun, daß er eine Korrektur der Generaltendenz wittert. So muß man sich wohl den neuesten Beitrag Altweggs für die FAZ erklären. In der heutigen Ausgabe geht es um den „Kulturkampf“, der in Frankreich wegen des Beginns des Ramadans ausgebrochen ist, um die Konjunktur von Halal-Produkten und den allfälligen Protest von Brigitte Bardot gegen das Schächten, das in französischen Schlachthöfen allgemein üblich wird, über die Sperrung einer Straße in Paris wegen des Freitagsgebets und die Wutausbrüche wegen einer Vorspeise mit „Wurst und Wein“ im Pariser Araberviertel Goutte d’ Or, aber auch um die Weigerung der traditionellen Medien, die Konflikte zwischen Moslems und Nichtmoslems zur Kenntnis zu nehmen.

Der Vorstoß des Nachrichtenmagazins L’ Express, das einige ungeschminkte Berichte brachte, scheiterte an der Heftigkeit der Leserreaktionen. Die Kommentarseiten der Internetpräsenz mußten geschlossen werden. Im Netz tobt der „Kulturkampf“ allerdings weiter, und Altwegg äußert Zweifel, daß es bei verbalen Exzessen bleiben wird. Er zitiert einen Rap-Clip mit dem Text „Hier wo das Schwein König ist / Haß über die Kinder von Jeanne d’ Arc / hoch und kurz werden wir sie aufhängen.“

Altweggs Hinweis, daß ähnliche Aussagen von Rechtsradikalen mit Verboten geahndet würden, zeigt nur, daß er bestenfalls am Anfang eines Erkenntnisprozesses steht. Der „Faschismus“, den er bisher bekämpfte, war ein marginales Phänomen und insofern ungefährlich, der religiöse Fanatismus, um den es jetzt geht, tritt massenhaft auf, ist tatsächlich „extremistisch“ und ihm ist auf die übliche Weise ganz sicher nicht beizukommen, mehr noch, sein Erstarken hat mit dem zu tun, was Altwegg und die vielen anderen seines Schlages vorzubereiten geholfen haben.