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lundi, 15 mai 2023

Les quatre phases de l'ère post-soviétique

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Les quatre phases de l'ère post-soviétique

par Fulvio Bellini

Source: https://www.sinistrainrete.info/geopolitica/25467-fulvio-bellini-le-quattro-fasi-dell-era-post-sovietica.html

Avant-propos : les trois niveaux de lecture de La fin de l'histoire et le dernier homme

En 1992 est paru un livre singulier qui a immédiatement suscité un débat passionné, divisant le terrain entre opposants déclarés et admirateurs secrets: La fin de l'histoire et le dernier homme de Francis Fukuyama. Malgré son succès auprès du public, il s'agissait d'un livre dédié à la classe dirigeante occidentale, et en particulier aux États-Unis, célébrant la "prétendue" victoire, et nous expliquerons pourquoi prétendue, du soi-disant monde libre sur l'Union soviétique et le bloc du socialisme réel. Dans les années 1990, les élites occidentales ont été envahies par un authentique délire de toute-puissance que Fukuyama a eu l'esprit courtisan mais aussi l'indéniable courage de traduire en livre pour le revêtir d'une noble robe tissée de philosophie de l'histoire. Le politologue américain, au nom et pour le compte des élites occidentales, annonçait urbi et orbi que l'histoire universelle de l'humanité, entendue non pas comme une concaténation chronologique d'événements, mais comme le mouvement d'ensemble de l'humanité exprimé dans le terme allemand de Weltanschauung, avait enfin atteint son épilogue. Cette thèse du livre, qui n'est évidemment pas la seule, se concentre sur l'analyse des raisons qui ont déterminé les défaites mondiales du "totalitarisme communiste" d'une part et des régimes dictatoriaux de droite d'autre part, défaites qui ont ouvert la voie, comme si les eaux de la mer Rouge s'étaient à nouveau ouvertes devant Moïse, à l'affirmation mondiale de la démocratie libérale et de son indissoluble "compagnon de route" : le capitalisme de libre marché. Soumis à une critique marxienne, il est possible de discerner trois niveaux de lecture dans le livre de Fukuyama : celui qui concerne l'interprétation philosophique déformée de l'histoire dans les années 1990 ; celui qui relève plus proprement de la définition d'une idéologie du monde occidental ; et celui qui identifie involontairement un nouveau cycle historique.

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Du point de vue de la philosophie de l'histoire, le texte de Fukuyama est tout à fait discutable ; il s'agit de la célébration d'une séquence d'événements des années 1990 qui pourrait donner lieu à l'interprétation de la victoire américaine dans la guerre froide. Mais contrairement à la victoire d'Octave Auguste sur Marc-Antoine, la fin de la confrontation de plusieurs décennies entre les États-Unis et l'URSS n'a pas du tout été suivie de la "Pax Americana", mais plutôt d'une série brutale de règlements de comptes et de conflits de type "gangster". En d'autres termes, la victoire des démocraties libérales et de leur partenaire inséparable, le libéralisme sauvage, a immédiatement entraîné un désastre des deux côtés du rideau de fer. Sur le banc des accusés de la lèse-majesté contre la Maison Blanche se sont retrouvés, à des titres divers et avec des condamnations diverses : la République démocratique allemande, l'Italie, la Yougoslavie, l'Irak, et même à un titre la Grande-Bretagne avec la mort controversée de la princesse Diana Spencer, ex-épouse du Prince de Galles, qui a servi de viatique aux gouvernements plus que collaborationnistes de Tony Blair et de Gordon Brown. Contrairement à son analyse philosophique et historique risible, l'échafaudage idéologique fourni par Fukuyama aux classes dirigeantes américaines dans le besoin et européennes subordonnées est un échafaudage qui imprègne encore aujourd'hui la culture politique du monde occidental. En effet, jamais auparavant, dans la crise de l'empire américain, la "fin de l'histoire et le dernier homme" n'ont fourni un ciment idéologique à une bourgeoisie en déclin et donc de plus en plus despotique des deux côtés de l'océan Atlantique. Fukuyama écrit les tables de la loi : la démocratie libérale fondée sur les partis est la seule forme possible de représentation de la volonté du peuple ; le système capitaliste est la seule forme fiable d'organisation économique ; la préservation de certaines formes de droits est la raison suprême de faire de la politique. Pour le politologue, ces droits sont de trois sortes, citées dans le texte : les droits civils "l'exemption de contrôle (par l'Etat ndlr) du citoyen en ce qui concerne sa personne et sa propriété" ; les droits religieux "l'exemption de contrôle en ce qui concerne l'expression des opinions religieuses et la pratique du culte" ; et les droits politiques "l'exemption de contrôle dans les affaires qui n'affectent pas le bien-être de la communauté dans son ensemble de manière si évidente que le contrôle lui-même est nécessaire". Les droits économiques et sociaux, à savoir ceux du travail, d'une fiscalité équitable et d'une redistribution adéquate des revenus, qui devraient théoriquement être les pierres angulaires d'une politique sociale-démocrate au sein d'un système de démocratie libérale, sont absents de l'appel. Sur ce point, cependant, Fukuyama est clair et péremptoire : "Faire pression pour la reconnaissance de divers droits économiques de deuxième et troisième classe, tels que le droit au travail, au logement et aux soins de santé, a été une pratique courante dans tous les pays socialistes. Mais un tel élargissement de la liste pose un problème majeur, à savoir l'incompatibilité de la reconnaissance de ces droits avec celle du droit de propriété et du libre-échange". Ce passage fondamental est à la base du divorce définitif entre droits civils et droits sociaux, disjonction nécessaire pour élever les privilèges et les vices de la classe bourgeoise dirigeante au rang de droits civils, phénomène qui a trouvé son accomplissement à notre époque. Un autre concept de Fukuyama est aujourd'hui à la base du processus de mythification du système démocratique, qui ne devrait pas être substantiel mais seulement formel : "La démocratie, en revanche, est le droit universel à une part du pouvoir politique, c'est-à-dire le droit de tous les citoyens de voter et de participer à l'activité politique....". Pour déterminer quels pays sont démocratiques, nous nous en tenons à une définition strictement formelle de la démocratie. Un pays est démocratique s'il permet à ses citoyens de choisir le gouvernement qu'ils souhaitent par le biais d'élections périodiques, multipartites, à bulletin secret et basées sur le suffrage universel et égal. Le vote n'est plus le moyen d'exprimer la volonté du peuple pour faire prévaloir une ligne politique particulière, mais un acte pour lui-même puisque l'électeur est confronté au choix de partis dont les programmes sont sensiblement identiques. C'est la raison pour laquelle il est juste de dire que la démocratie libérale encourage l'abstention. Arrêtons-nous là pour ce qui concerne cet article. Il ne reste plus qu'à souligner que, à titre d'exemple et au-delà des distinctions purement folkloriques, ces principes idéologiques unissent en Italie les Néocons de Giorgia Meloni et les Radicaux Chic d'Elly Schlein qui, dans le théâtre de notre politique, sont envoyés sur scène avec les costumes de la droite néo ou post-fasciste et de la gauche sociale-démocrate ; la tromperie exécrable qui persiste alors que la transformation de l'Italie en un pays sud-américain du siècle dernier progresse rapidement, un changement promu par les États-Unis par l'intermédiaire de leur légat Mario Draghi.

Le troisième niveau de lecture de "La fin de l'histoire" est enfin l'objet de cet article. Fukuyama, conscient du fait que les nombreux nobles pères de la démocratie libérale et du libéralisme en économie ont été maintes fois démentis par la théorie et la pratique, rappelle continuellement les grands penseurs et révolutionnaires du camp adverse, en commençant par Hegel lui-même, et en continuant avec Marx, Lénine et le produit de l'action révolutionnaire de ce dernier : l'Union soviétique. Cette étrange nécessité de l'auteur nous incite à considérer le 25 décembre 1991, date de l'abaissement définitif du drapeau soviétique au Kremlin, comme une sorte d'année zéro d'une certaine vision de l'histoire récente, dans laquelle nous avons assisté à l'imposition d'une certaine idéologie, celle précisément contenue dans le livre de Fukuyama et qui règne aujourd'hui en maître dans le seul monde occidental. Cependant, n'étant qu'une idéologie, elle n'a pas pu endiguer les autres visions de l'histoire qui se sont affirmées, et il y a une raison précise pour laquelle des visions plurielles se sont déjà produites au tournant du siècle, puisque dans La fin de l'histoire et le dernier homme se cache un grand mensonge qui est enfin mis en lumière : les États-Unis n'ont jamais gagné la guerre froide.

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Première phase : l'illusion occidentale de la victoire

Le 20 mars 2023, date de la visite du président chinois Xi Jinping au président russe Vladimir Poutine à Moscou, s'ouvre la quatrième phase de l'histoire post-soviétique de notre planète. Si nous sommes entrés dans la quatrième phase, cela signifie qu'il y en a eu trois auparavant, et pour les expliquer de manière succincte mais aussi claire que possible, nous utiliserons l'intéressante division des événements en différentes phases utilisée par Fosco Giannini lors de ses réunions publiques : la première, au cours de laquelle les États-Unis semblaient affirmer leur hégémonie sur le monde entier et qui leur permettait de régler leurs comptes avec tous ceux qui ne s'étaient pas "bien comportés" au cours des décennies précédentes de la guerre froide ; la deuxième où il y a eu une réaction inattendue à la "non Pax americana" de la part d'un groupe de pays sud-américains, de la Russie du nouveau cours imprimé par Vladimir Poutine et de l'affirmation du socialisme aux caractéristiques chinoises ; la troisième où les États-Unis ont réagi durement à ces formes d'insubordination ; la quatrième, toute récente et proposée par l'auteur, marquée par la définition d'un éventuel "casus belli". Une dernière remarque : il est impossible de définir des frontières précises et uniformes pour les trois premières phases historiques ; si nous avons une date de départ, la transition vers les phases suivantes est marquée par des chevauchements temporels et des différenciations géopolitiques. Pour être plus clair : alors qu'en Amérique du Sud les expériences socialistes que nous verrons appartenir à la deuxième phase étaient en cours, aux États-Unis, en Europe et, par extension, en Chine, nous étions déjà entrés dans la troisième, celle de la réaction américaine. Les années 90 sont liées à la première phase, et même aujourd'hui, ce sont des années peu étudiées, enveloppées d'un halo mythique donné par l'empreinte idéologique prônée par un monde intellectuel et politique qui a évolué à l'unisson avec Francis Fukuyama. Si en Italie, par exemple, les États-Unis ont exigé la fin de l'économie mixte, et donc des partis qui la protégeaient, surtout la Démocratie chrétienne, même le Parti communiste italien n'a pas été gracié, son exécution capitale a simplement été confiée à des dirigeants et collaborateurs internes plutôt qu'au Parquet de Milan, comme ce fut le cas pour la DC et le PSI. Il s'agit de condamnations à mort de systèmes politiques et économiques qui ont été exécutées de différentes manières, tout d'abord dans les deux principaux "pays voyous" de l'époque de la guerre froide : l'Italie, coupable d'avoir créé un système économique subversif au sein du capitalisme, et la RDA, coupable d'avoir créé un système de socialisme réel potentiellement attrayant pour le monde occidental. Dans le cas allemand, toujours à titre d'exemple, on peut citer le célèbre assassinat du président de la Deutsche Bank, Alfred Herrhausen, le 4 décembre 1989, attribué à la Rote Armee Fraktion mais probablement inspiré par les services secrets de Bonn. L'intérêt du gouvernement allemand était d'éliminer le maître d'œuvre de la stratégie d'unification centrée sur le principe "un Etat - deux systèmes" en faveur de la ligne d'Helmuth Kohl de liquidation de la RDA et de son annexion à la République fédérale "manu militari". L'assassinat de Herrhausen a marqué un tournant fondamental dans l'histoire de l'Europe, car le modèle d'annexion adopté en Allemagne a été reproduit pour l'essentiel à l'égard de tous les autres pays de l'ancien bloc soviétique. Ce modèle d'annexion, qui prévoyait l'annulation totale de l'organisation productive et sociale des pays de l'Est et leur assimilation brutale et immédiate aux systèmes occidentaux, rendait toutefois l'ancienne organisation de la Communauté européenne obsolète et inadéquate, et c'est la raison qui a conduit les 12 gouvernements de l'ancienne CEE à adopter d'urgence le traité de Maastricht le 7 février 1992.

L'Europe occidentale voulait participer au banquet de la richesse industrielle des pays de l'Est, laissant aux États-Unis le repas principal : la Russie de Boris Eltsine. Grâce à cet accord tacite, l'Allemagne réunifiée a pu construire sa puissante organisation industrielle qui en fait aujourd'hui encore la locomotive de l'Europe. L'acquisition à prix cassés de complexes industriels de l'Est, comme dans le cas du tchèque Skoda qui a rejoint le groupe Volkswagen dès 1991 avec sa main-d'œuvre qualifiée, a permis aux Allemands de délocaliser la chaîne d'approvisionnement en produits semi-finis et en composants vers des pays performants mais à main-d'œuvre bon marché, en concentrant la production à haute valeur ajoutée en Allemagne où les coûts de main-d'œuvre étaient plus élevés. Ce schéma concernait également l'Italie du Nord, dont les petites et moyennes entreprises, ayant perdu à jamais leurs grands clients publics, devaient se tourner vers les conglomérats teutons naissants et, pour ce faire, comprimer le coût de leur main-d'oeuvre, un processus qui a commencé immédiatement avec la suppression de l'escalator, le 31 juillet 1992. Non contente de réaliser cette chaîne de valeur industrielle, Berlin a envisagé dès 1998 de se doter de voies d'importation directe de gaz naturel russe bon marché, afin d'approvisionner sa structure manufacturière en énergie abondante. Ce projet s'est concrétisé le 6 septembre 2011 avec la mise en service du Nord Stream 1, que la chancelière Angela Merkel a tenté de faire suivre du Nord Stream 2 afin de rendre l'industrie allemande encore plus performante. Mais le gouvernement allemand a changé entre-temps, tout comme les intérêts américains, et le sabotage des deux gazoducs par les Américains en septembre de l'année dernière a mis fin au système de création de valeur de l'"Europe centrale".

Les années 1990, en revanche, ont été des années fastes pour l'Allemagne unifiée et son système continental, qui n'était plus la CEE et pas encore l'Union européenne, à tel point qu'elle a mérité, malgré elle, le titre inconfortable de "perle" de l'empire américain. Petite parenthèse à ce sujet. Le terme "perle" d'un empire fait référence à un pays qui, pour diverses raisons, économiques surtout, mais aussi stratégiques et géopolitiques, représente le cœur battant de tout un système de domination, quelle qu'en soit l'extension. La perte de la "perle" détermine également la perte du statut d'"hégémon", c'est-à-dire d'un pays au centre d'un pouvoir politique, financier et économique diffusé à la fois directement dans les territoires dominés et indirectement vers les pays tiers. Prenons quelques exemples historiques : la perle de l'empire vénitien (de petite taille parce qu'il adhérait au modèle phénicien) était l'île de Crète, dont la perte en 1689 a déterminé la disparition définitive de la Sérénissime en tant qu'acteur majeur de la politique européenne. La perle de l'empire espagnol, et cela peut surprendre, n'a jamais été ses vastes domaines américains ou les Philippines, mais les Flandres, et leur perte à la paix d'Utrecht en 1713 a déterminé la fin du rôle hégémonique de l'Espagne en Europe et le passage définitif du témoin en faveur de la Grande-Bretagne. Les colonies britanniques d'Amérique du Nord n'ont jamais représenté la "perle" de l'Empire britannique et, en fait, leur perte en 1776 n'a provoqué aucune crise dans le rôle hégémonique croissant de Londres. La perle de l'Empire britannique était l'Inde et sa perte, le 15 août 1947, a conduit à la liquidation de tous les dominions britanniques et au transfert du rôle hégémonique aux États-Unis. Washington a également sa "perle", l'Allemagne : la défense de cette possession a déterminé la politique américaine d'après-guerre, à commencer par le choix du front à fermer après la défaite militaire fondamentale au Viêt Nam. Ce n'est pas un hasard si le secrétaire d'État américain de l'époque, Heinz Alfred Kissinger, dit Henry, né à Fürth en Bavière, n'avait aucun doute sur la nécessité de fermer le front chinois et de se concentrer sur l'Europe contre l'URSS jusqu'à la "victoire" de 1991 grâce à l'utilisation massive de l'arme du "dollar inconvertible". Or, cette victoire recèle un mystère qu'il convient d'explorer. Si les États-Unis ont vaincu l'URSS et ses alliés, si le dollar a conquis de nouveaux marchés pour les matières premières et les biens de consommation et a réussi à mettre la main sur les immenses actifs soviétiques par l'intermédiaire d'Eltsine et d'anciens fonctionnaires corrompus devenus oligarques, pourquoi les trois principaux indicateurs macro-économiques américains se sont-ils dégradés au cours de cette décennie de "succès" planétaire. La dette publique fédérale s'élevait en 1990 à 3233 milliards de dollars, en 1995 à 4973 milliards de dollars, pour atteindre 5556 milliards de dollars en 1999 ; la balance commerciale était négative en 1990 à hauteur de 77,58 milliards de dollars, en 1995 à hauteur de 89,76 milliards de dollars, et fin 1999 dans le rouge à hauteur de 259,55 milliards de dollars ; enfin, la balance des paiements était négative en 1990 à hauteur de 78,95 milliards de dollars, en 1995 à hauteur de 113,56 milliards de dollars, pour finalement atteindre en 1999 un déficit de 286,62 milliards de dollars. Dans les années 1990, la contradiction d'un pays officiellement vainqueur d'un conflit acharné avec l'autre superpuissance, mais qui se retrouve avec les résultats budgétaires d'un pays "presque vaincu", à l'instar de ce qui est arrivé à la Grande-Bretagne à la fin de la Seconde Guerre mondiale, est devenue évidente. Pourtant, les bénéfices de cette "victoire" se sont traduits par un doublement substantiel du PIB américain au cours de cette décennie : de 5963 milliards de dollars en 1990 à 9631 milliards de dollars en 1999. Comment expliquer cette contradiction ? Peut-être que les États-Unis n'ont pas gagné la guerre froide avec l'URSS, mais qu'une paix distincte a été obtenue entre les deux superpuissances, sans tenir compte des intérêts de leurs alliés mutuels. Pour des raisons différentes, Washington et Moscou avaient tous deux intérêt à clore ce chapitre excessivement coûteux de l'histoire européenne. Ainsi, alors que Fukuyama et toute l'intelligentsia et les politiciens occidentaux célébraient la victoire sur le socialisme réel, les États-Unis ont dû, au cours de cette décennie, esquisser les principaux scénarios stratégiques: en Europe, en permettant à l'Allemagne réunifiée de faire preuve d'un activisme politique plus que tolérable; en Asie, en permettant à Pékin d'entamer la longue marche qui la conduirait à devenir l'actuel atelier du monde; et, de manière surprenante, en Amérique latine, considérée comme son propre jardin privé.

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La deuxième phase : l'Amérique latine n'est plus l'arrière-cour de Washington

Sans parler de la tristement célèbre doctrine Monroe, pour laquelle les États-Unis s'étaient déjà définis comme protecteurs de l'ensemble du continent en 1823, il ne fait aucun doute qu'au cours du XIXe siècle, les États-Unis ont directement ou indirectement incité les anciennes puissances coloniales européennes, à savoir l'Espagne, la Grande-Bretagne et, dans une moindre mesure, la France, à céder le contrôle des Amériques aux seuls États-Unis. Cependant, les États-Unis n'ont fait que remplacer les anciens maîtres européens dans la même relation d'exploitation en contrôlant des gouvernements locaux plus ou moins corrompus, despotiques et souvent criminels, mais surtout sans politique étrangère propre qui ne soit pas dictée par Washington. Au-delà de l'expérience de la révolution mexicaine de 1910, la véritable rupture historique avec ce système a sans doute été la révolution socialiste de Fidel Castro à Cuba en 1959. Mais les États-Unis de l'époque ont réussi à circonscrire cette "infection" par rapport au reste de l'Amérique latine jusqu'à l'expérience de Daniel Ortega au Nicaragua en 1985-1990, qui concernait pourtant un petit pays marginal. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, alors que l'impérialisme américain est théoriquement au maximum de sa puissance, on assiste au contraire à de nombreuses expériences "socialistes" en Amérique du Sud, initiées par Hugo Chavez au Venezuela de 1999 à 2013, suivies par celles de Lula da Silva au Brésil de 2003 à 2011 (il reviendra au pouvoir en 2023), d'Evo Morales en Bolivie de 2006 à 2019, et de Rafael Correa en Équateur de 2007 à 2017. Pendant une brève période, même un État traditionnellement nazi comme le Paraguay a connu une expérience "socialiste" avec la présidence de Fernando Lugo de 2008 à 2012, qui a été rapidement démis de ses fonctions. L'expérience de ces hommes politiques a profondément marqué l'histoire de l'Amérique du Sud, notamment parce qu'ils ont réussi à convaincre la caste militaire, réservoir traditionnel des putschistes soutenus par les États-Unis, qu'ils pouvaient jouer un rôle plus important que celui de simples "Carabineros de Gringos". Les "socialistes sud-américains" ont offert aux dirigeants militaires la possibilité d'assumer un rôle dans la nouvelle classe dirigeante consacrée à la poursuite des intérêts nationaux et capable d'élever ces pays à des rôles de plus en plus importants sur l'échiquier international. C'est la raison fondamentale pour laquelle un Chavez pourrait provenir de l'armée vénézuélienne et qu'aucun général brésilien n'a songé à renverser Lula da Silva. En d'autres termes, les dirigeants socialistes de ces pays ont réussi à rompre l'association séculaire entre les hautes hiérarchies des forces armées et la grande bourgeoisie locale, représentante et courroie de transmission des intérêts de Washington, en faisant passer les premières de leur côté. Il ne faut cependant pas négliger la perte de contrôle des États-Unis sur l'Amérique latine au tournant du siècle ; les États-Unis des années 1970 auraient immédiatement mis un Augusto Pinochet au Venezuela, au Brésil, en Bolivie et en Équateur. Un autre signe du déclin de la puissance américaine dans les années 1990, masqué par la grandeur de la victoire sur le socialisme réel, réside dans la manière dont l'Afrique du Sud est sortie du régime de l'Apartheid, un système social similaire à celui en vigueur dans les Etats du sud de l'Union dans les années 1960 et 1970, et toujours en vigueur, de manière beaucoup plus répressive et sanglante, en Israël. Dès 1994, dans l'ombre de Nelson Mandela, le Parti communiste d'Afrique du Sud a immédiatement rejoint l'Alliance tripartite avec le Congrès national sud-africain et le Congrès des syndicats, restant fermement dans la majorité et participant aux gouvernements de Pretoria. Le rôle des communistes a ensuite été décisif dans le choix de l'Afrique du Sud de rejoindre une association particulière d'États, née comme une alternative au G7 occidental, appelée BRICS, acronyme pour Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. Ces pays ont commencé à se fréquenter plus assidûment et dans un esprit de coopération marquée à partir de septembre 2006 à New York, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies. Par la suite, les ministres des affaires étrangères des pays du BRIC, à partir de leur rencontre en mai 2008 en Russie, se sont réunis périodiquement à l'Assemblée générale des Nations unies. C'est là qu'en septembre 2010, il a été convenu d'inviter l'Afrique du Sud à participer aux réunions des BRIC, ce qui a entraîné le changement de l'acronyme en BRICS. La première position commune pertinente dans l'arène internationale a été l'abstention significative au Conseil de sécurité sur la Libye en mars 2011, tandis que la première réunion au niveau des chefs d'État et de gouvernement a eu lieu à Toyako (Japon) le 9 juillet 2008, lors d'une réunion du G8. Ce type de relations internationales spéciales échappant au contrôle des États-Unis a constitué un nouvel avertissement pour Washington quant à la nécessité de se débarrasser de la ternissure que nous avons décrite et de passer à une contre-offensive forte et décisive sur tous les fronts mondiaux.

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La troisième phase : la contre-offensive américaine et l'endettement sans fin

Comme nous l'avons dit dans l'introduction, la scansion des trois phases n'est pas homogène, et si dans le reste du monde la phase deux a duré jusqu'à la fin des années 2010, en Europe la phase trois a commencé dès le début des années 2000, comme théâtre principal de la contre-offensive américaine à la fois pour reprendre le contrôle de la "perle" de son empire, l'Allemagne, et parce qu'elle était mécontente du nouveau cours pris par la Russie de Vladimir Poutine, qui est devenu président le 7 mai 2000. Il faut reconnaître que l'opération menée par les États-Unis en Europe a été magistrale, reposant sur un mécanisme qui a permis à Washington d'atteindre trois résultats stratégiques en une seule manœuvre : ramener l'activisme politique excessif de l'Allemagne dans des limites acceptables ; substituer sa propre influence politique à celle des pays d'Europe occidentale face aux régimes formellement démocratiques et essentiellement fascistes et anti-russes d'Europe de l'Est ; et avancer les frontières de l'OTAN de manière menaçante jusqu'à la frontière russe. Dans les années 1990, les seigneurs de Bruxelles avaient renoncé à la bannière étoilée. Dès cette décennie, l'élargissement de l'Union européenne vers la Russie par la voie baltique avait commencé (adhésion de la Suède et de la Finlande en 1995). Mais c'est à partir de 2004 que les États-Unis ont articulé un mécanisme prévoyant l'entrée des anciens pays du bloc de l'Est dans l'OTAN, avec la promesse d'être tenus par les riches nations occidentales, la France et l'Allemagne en premier lieu. À cet égard, les dates sont éclairantes pour la stratégie américaine : la Pologne et la République tchèque ont rejoint l'OTAN en 1999 et l'UE en 2004 ; les républiques baltes, la Hongrie, la Slovaquie et la Slovénie ont rejoint l'OTAN et l'UE la même année, également en 2004 ; la Bulgarie et la Roumanie ont rejoint l'OTAN en 2004 et l'UE en 2007. Mission accomplie : la Communauté européenne telle qu'on la connaissait jusqu'à la fin du siècle dernier n'existait plus, à sa place était née l'Union européenne, une pléthore de pays désunis sur presque tout, avec peu d'estime mutuelle et encore moins de compréhension, mais unis par leur soumission consciencieuse à la puissance impériale américaine et contraints de s'enfermer dans la camisole de force de l'OTAN. La contre-offensive en Europe a été un succès et, une fois de plus, les indicateurs macroéconomiques américains n'en ont tiré aucun bénéfice. Au cours des sept premières années du nouveau siècle, la dette publique américaine est passée de 5674 milliards de dollars en 2000 à 9007 milliards de dollars en 2007; une dette qui a presque doublé en l'espace de sept ans. 2008 est l'année décisive, Washington saisit la crise des Subprimes déclenchée par la faillite de la banque Lehmann Brothers pour retourner contre la Chine les terribles conséquences de la violente contraction des marchés mondiaux qui a suivi le krach financier. Les stratèges de Washington comptent sur la forte interdépendance entre les exportations chinoises vers les États-Unis, la création d'une dette supplémentaire par le Trésor pour les payer et le maintien du rôle de la Chine en tant que principal souscripteur d'obligations américaines. Pour Washington, Pékin n'aurait pas été en mesure de gérer l'effondrement des commandes américaines et la crise industrielle, économique et donc financière qui en aurait résulté, à l'instar de ce qui se passait en Europe. La Chine, en revanche, a montré qu'elle était capable de surmonter la crise en se tournant vers le développement de son propre marché intérieur, en investissant environ 600 milliards de dollars dans des travaux et des infrastructures domestiques. Le système de planification économique, élément distinctif du socialisme, a donné à la Chine les outils nécessaires et utiles pour repousser l'attaque à l'expéditeur, en causant des dommages irréparables aux États-Unis: une production démesurée et incontrôlée de dollars pour soutenir d'abord l'attaque contre Pékin et ensuite les conséquences de sa faillite. Les chiffres de la croissance de la dette fédérale dans les années qui ont suivi la crise des subprimes sont impressionnants : 10.024 milliards de dollars en 2008, 13.561 milliards de dollars en 2010, 18.150 milliards de dollars en 2015, 22.719 milliards de dollars en 2019 à la veille de la pandémie de Covid-19. Les chiffres de l'augmentation de la dette américaine au cours des trois dernières années sont encore plus retentissants : de fin 2019 à fin 2022, c'est-à-dire pendant les deux années de la pandémie et l'année du conflit en Ukraine, les États-Unis ont contracté de nouvelles dettes à hauteur de 8.209 milliards de dollars, ce qui porte la dette fédérale à 30.928 milliards de dollars. Pour utiliser un terme élégant, les États-Unis sont manifestement en situation de défaut de paiement, mais si l'on regarde la réalité en face, les données suggèrent une définition beaucoup plus prosaïque mais adéquate: la faillite et la fraude. Pourquoi la faillite? Parce que pas un seul dollar de la dette actuelle de 31.703 milliards ne sera jamais remboursé ; pourquoi frauduleux? Parce que, pour être sûr que le sujet ne sera même pas soulevé par un créancier international, les trois dernières années ont été caractérisées par des crises continues et terribles: deux années de Covid-19 dans le monde entier et une année de guerre par procuration en Ukraine, des crises qui ne cesseront pas tant que le monde n'aura pas résolu sa relation avec le dollar.

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La quatrième phase : la procession vers la Cité interdite

Selon Fukuyama, l'histoire est linéaire mais pas éternelle ; elle s'est achevée avec la chute du mur de Berlin. Nous savons que ce n'est pas du tout vrai, mais il est vrai qu'il y a des dates marquantes qui changent le cours des événements historiques. L'une de ces dates vient de se produire: le 20 mars 2023, date du début de la visite d'État du président Xi Jinping à Moscou, au cours de laquelle l'amitié et l'alliance substantielle entre la Russie et la Chine ont été annoncées au monde. Pour les classes dirigeantes occidentales, la cloche d'Ernest Hemingway a commencé à sonner et, prises de panique, elles cherchent à savoir à qui appartient la cloche qui sonne en premier. La grande frayeur dans les rangs des vassaux européens des États-Unis est attestée par la procession immédiate de ces derniers à Pékin dans l'espoir d'obtenir la sympathie et le pardon pour leurs méfaits atlantistes de la part du président chinois Xi Jinping, devenu à leurs yeux effrayés et déconcertés "l'empereur céleste". Il n'est pas du tout anodin que le premier à frapper à la porte de la Cité interdite ait été le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez, le 30 mars, sans même laisser le temps à Xi, affolé, de défaire ses valises alors qu'il revenait de Moscou. L'évaluation par la presse espagnole du voyage de M. Sanchez à Pékin est éclairante, car elle révèle peut-être inconsciemment la vénération naturelle qu'un dirigeant d'un petit pays européen éprouve pour le souverain céleste: pour le journal El País, "le périple de Sánchez", qui passera par le Forum asiatique de Boao dans l'île de Hainan avant d'atterrir à Pékin, "doit être interprété en termes espagnols comme le déficit commercial chronique et croissant face au premier exportateur mondial, le faible poids du commerce espagnol à valeur ajoutée, l'accès au marché chinois ou la réouverture du tourisme....". Du point de vue chinois, en revanche, ... l'Espagne "est un pays sympathique, relativement important au sein de l'Union européenne, mais pas trop impliqué dans des questions telles que les droits de l'homme. Pour cette raison, ils nous reçoivent par la grande porte", comme l'a rapporté Ants le 30 mars 2023. El Pais pèche par excès de modestie, ne confondant pas l'Espagne avec l'Italie, le vrai pays occidental qui ne compte plus. Le premier ministre espagnol, lui, revient du 28ème sommet des Amériques qui s'est tenu à Saint-Domingue le 24 mars 2023, en présence des chefs d'État et de gouvernement des 22 pays de langue et de culture ibériques, dont le roi Philippe VI d'Espagne.

L'absence des présidents brésilien Lula da Silva et mexicain Obrador a montré que la politique atlantiste, même si elle n'est pas aussi vulgaire et grossière que celle de Rome, n'est pas favorable à Madrid dans ses relations avec l'Amérique latine. A travers les pays latino-américains, l'Espagne a immédiatement saisi le changement de climat dans la politique internationale dû au sommet de Moscou qui se tenait les mêmes jours. Immédiatement après la visite de Sanchez, le président français Emmanuel Macron a frappé à la porte de la Cité interdite, lui aussi en quête de compréhension et de bénédiction de la part du "céleste" Xi, à la fois pour être un dirigeant à la recherche constante d'un "centre de gravité permanent", comme l'aurait dit Franco Battiato, ayant changé d'avis et de position sur la guerre en Ukraine à plusieurs reprises, et pour être mal-aimé dans son pays, pour ne pas dire plus, à la suite du coup d'État contre le Parlement lors de l'approbation récente de la réforme des retraites. Manifestement foudroyé sur le chemin de Pékin, Macron de retour de Chine déclare : "Les Européens ne doivent pas être les vassaux des Etats-Unis, nous devons éviter de nous impliquer dans les crises des autres" ....

L'Europe doit réduire sa dépendance vis-à-vis des Etats-Unis et éviter d'être entraînée dans un conflit entre la Chine et les Etats-Unis sur Taiwan: le président français Emmanuel Macron, dans une interview accordée à politico.eu et à deux journalistes transalpins dans l'avion qui le ramenait d'une visite d'État de trois jours en Chine, a souligné sa théorie de l'"autonomie stratégique" pour l'Europe, vraisemblablement dirigée par la France, afin de devenir une "troisième superpuissance". "Si les tensions entre les deux superpuissances s'exacerbent, nous n'aurons ni le temps ni les moyens de financer notre autonomie stratégique et nous deviendrons des vassaux", tels sont les mots du président français, nous apprend le Fatto Quotidiano du 10 avril ; on attend le prochain changement de sa position. Mais même les atlantistes purs et durs se sont rendus au palais du "céleste" Xi, ne serait-ce que pour réaffirmer leur loyauté absolue et aveugle à Washington. C'est ce qu'a fait la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui était en compagnie de Macron sans que personne ne le remarque, comme le rapporte Italia Oggi le 12 avril 2023 : "Une UE que Macron aime : Ursula humiliée à Pékin par le protocole, contredite par Xi Jinping et contrainte de rentrer en avion de ligne... Alors que Macron, à son arrivée, a été accueilli avec tous les honneurs par Xi Jinping lui-même, Ursula a été reçue par le ministre de l'Environnement de Pékin, qui n'est pas son pair". De plus, alors que Macron a rencontré plusieurs fois Xi Jinping, allant même jusqu'à avoir une conversation de quatre heures en tête-à-tête avec lui, en présence des seuls interprètes, Ursula von der Leyen n'a participé qu'à l'entretien à trois, adoptant une position sur Taïwan à laquelle Xi s'est opposé et que Macron n'a pas entièrement partagée. Le fossé entre les deux représentants européens est devenu flagrant lors du voyage de retour: Ursula a pris un vol régulier, tandis que Macron a voyagé à bord du Cotam Unité, l'Air Force One français, où il a donné une interview à trois journalistes sur la nécessité d'une autonomie stratégique de l'UE dans un contexte anti-américain, ce qui a évidemment été très bien accueilli par la Chine". D'autre part, entendre von der Leyen répéter comme un perroquet la position du dominus américain sur Taïwan était évidemment irritant pour Xi Jinping et embarrassant pour le versatile Macron. Lorsque l'on évoque le fanatisme idéologique qui imprègne La fin de l'histoire et le dernier homme, qui caractérise aujourd'hui les bourgeoisies occidentales de plus en plus effrayées, enragées et despotiques, on se réfère également à la visite ultérieure de la ministre allemande des affaires étrangères, Annalena Baerbock, le 14 avril. Si l'importance politique de la visite de Mme Baerbock n'a pas été mentionnée, il convient de souligner son extrémisme inquiétant, tel qu'il a été rapporté par les médias suivants, tous en date du 14 avril; entre autres: "Dites à la Russie d'arrêter la guerre.... C'est une bonne chose que la Chine ait exprimé son engagement en faveur d'une solution, mais je dois dire franchement que je me demande pourquoi la position chinoise n'inclut pas jusqu'à présent un appel à la Russie, l'agresseur, pour qu'elle mette fin à la guerre" (Euronews); ou "Baerbock à Pékin évoque le "scénario d'horreur" si la Chine attaque Taiwan" (Le Formiche); enfin "J'ai expliqué à mon homologue, lors de nos discussions bilatérales, que nous sommes préoccupés de voir que les espaces de liberté de la société civile en Chine continuent de se rétrécir et que les droits de l'homme sont en train de diminuer" (Il Sole 24 Ore). Bref, un chapelet d'insultes, d'injonctions et de remarques désagréables, au point d'obliger le ministre chinois des affaires étrangères, compatissant, à réprimander son collègue: "Ce dont nous n'avons absolument pas besoin, ce sont les petits maîtres de l'Occident" (La Repubblica). En guise de coda au spectacle du leader des Verts allemands, il convient de noter que la dangereuse soudure entre Neocon et Radical Chic, dont Baerbock est un illustre représentant, sur les principes dictés par Francis Fukuyama est également en cours en Allemagne.

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La quatrième phase : la fuite du dollar et le problème du "casus belli"

Le journaliste Pepe Escobar, dans l'Anti Diplomatico du 13 avril, nous parle du dernier livre publié par l'économiste américain Michael Hudson, The Collapse of Antiquity, dans lequel il analyse le rôle de la dette dans le déclin des grandes civilisations grecques et romaines de l'Antiquité. Manifestement inspiré par son nouveau livre, Hudson explique de manière succincte mais significative la situation actuelle de la politique internationale : "L'Amérique a effectué une révolution de couleur au sommet, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Angleterre et en France, essentiellement, où la politique étrangère de l'Europe ne représente pas leurs intérêts économiques (...) L'Amérique a simplement dit : "Nous sommes déterminés à soutenir une guerre d'agression : - Nous sommes déterminés à soutenir une guerre de (ce qu'ils appellent) la démocratie (par laquelle ils entendent l'oligarchie, y compris le nazisme de l'Ukraine) contre l'autocratie (...) L'autocratie est tout pays suffisamment fort pour empêcher l'émergence d'une oligarchie de créanciers, comme la Chine a empêché l'oligarchie de créanciers". Hudson soulève la question du rôle de la dette comme cause, indépendamment de la volonté des classes dirigeantes américaines et européennes, du retrait inévitable du dollar de son rôle de monnaie de réserve mondiale. Mais ce n'est pas seulement la question de la dette hors de contrôle qui sape le rôle du billet vert; au moins deux autres facteurs liés au conflit en Ukraine ont contribué à cet affaiblissement. Dans son article intitulé "Explication des sanctions de l'UE contre la Russie", le site web du Conseil européen explique avec une certaine prosopopée que "l'Union européenne a interdit toutes les transactions avec la Banque centrale nationale russe liées à la gestion de ses réserves et de ses actifs". Suite au gel des avoirs de la Banque centrale, celle-ci ne peut plus accéder aux avoirs détenus par les banques centrales et les institutions privées de l'UE. En décembre 2022, l'UE a ajouté la Banque russe de développement régional à la liste des entités détenues ou contrôlées par l'État russe qui font l'objet d'une interdiction totale de transactions. En février 2022, les réserves internationales de la Russie s'élevaient à 643 milliards de dollars (579 milliards d'euros)... En raison de l'interdiction des transactions en provenance de l'UE et d'autres pays, on estime que plus de la moitié des réserves de la Russie sont gelées. L'interdiction a également été imposée par d'autres pays (tels que les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni) qui détiennent également une partie des réserves de change de la Russie". Le Conseil européen nous informe, comme s'il s'agissait d'une évidence, que l'UE a saisi à elle seule quelque 320 milliards de dollars de biens de la Banque centrale russe, et qu'elle l'a fait pour se conformer à des normes de justice qu'elle s'est elle-même imposées, également inspirées par La fin de l'histoire. L'UE n'a toutefois pas tenu compte du fait que cette décision a également été évaluée avec soin, et certainement pas de manière positive, par d'autres acteurs financiers majeurs tels que la Chine et les États du golfe Persique. Si les démocraties libérales décident, du jour au lendemain, que Pékin ou Riyad ou même Téhéran ont dépassé une certaine limite décrétée motu proprio et sans aucune contradiction en termes de respect des droits de l'homme ou des droits civils (mais Israël n'est jamais remis en question), il est alors possible d'appliquer des sanctions en gelant et même en confisquant les dépôts et les investissements des institutions financières publiques et privées de ces pays dans le système bancaire occidental. Dans le cas russe en question, il s'agissait donc pour les pays occidentaux de geler en raison des sanctions liées au conflit ukrainien; pour les propriétaires légitimes des capitaux, il s'agissait simplement de donner à l'opération son nom exact: le vol de plus de 320 milliards de dollars. Les dépôts de capitaux importants et les investissements étant basés sur la confiance, il est difficile de croire que le "spectacle" offert par l'UE et les banques européennes ait été ignoré par les grands investisseurs susmentionnés, et pas seulement eux; il est également difficile de croire que nombre d'entre eux n'aient pas pris la peine de commencer à réclamer leur argent avant qu'un quelconque Baerbock ne décide que Pékin est le nouvel empire du mal et qu'il est juste de voler, pardon de geler, leurs fonds déposés en Allemagne, dans l'Union européenne ou en Suisse. Résultat de la stratégie de Bruxelles ? La Stampa du 9 février 2023 titrera: "Credit Suisse, perte de plus de 7 milliards en 2022", ou "Ubs achète Credit Suisse: 3 milliards de renflouement. Des obligations pour 16 milliards anéanties. Accord conclu pour le sauvetage: sur la table également 100 milliards de liquidités extraordinaires et des garanties gouvernementales sur les poursuites et les pertes en capital", Il Sole 24 Ore du 19 mars 2023; ou encore : "Crise bancaire, même la Deutsche Bank tremble. L'effet domino va-t-il s'abattre sur les marchés ?", Valeurs du 24 mars. Nous nous limitons au système bancaire européen, regardons maintenant à l'étranger. Il Sussidiario.net du 17 avril titre "L'hégémonie mondiale du dollar en danger". Yellen: "La faute aux sanctions imposées". La domination mondiale du dollar pourrait être menacée, comme l'a fait savoir hier Janet Yellen, secrétaire au Trésor américain. La faute en incombe aux nombreuses sanctions imposées par l'Occident à la Russie au cours de l'année écoulée, depuis le début du conflit, ainsi qu'à d'autres pays tels que la Chine, la Corée du Nord et l'Iran. Au micro de la chaîne américaine CNN, Yellen a avoué: "Il y a un risque, lorsque nous utilisons des sanctions financières liées au rôle du dollar, qu'avec le temps elles puissent saper l'hégémonie du dollar... Bien sûr, cela crée un désir de la part de la Chine, de la Russie, de l'Iran de trouver une alternative". Résultat de la stratégie de Washington? "Xi-Poutine, après la rencontre de Moscou, l'hypothèse de la monnaie yuan pour l'Afrique prend forme" (Milano Finanza du 22 mars); ou encore : "Lula s'envole vers Xi Jinping : le projet de remplacer le dollar par la monnaie chinoise. Le leader de Pékin accueille cordialement le président brésilien: les accords commerciaux et la crise en Ukraine sont à l'ordre du jour. Mais aussi le projet de sortir de la "dépendance" au dollar avec la Novo Banco de Desenvolvimento, la banque des Brics, dirigée par Dilma Rousseff". Enfin, plus sensationnel encore: "L'Arabie saoudite et la Chine étudient comment utiliser le yuan dans les ventes de pétrole. Cette nouvelle aurait des conséquences majeures pour le monde pétrolier, qui a toujours utilisé la devise américaine comme monnaie officielle. Il s'agirait de l'alliance du plus grand importateur de pétrole, la Chine, avec le plus grand exportateur, l'Arabie saoudite, avec pour conséquence le passage du pétrodollar au pétroyuan". Il n'a pas du tout cité les gros titres, mais c'est le véritable "casus belli" que les États-Unis ont contre la Russie, la Chine, le Brésil et l'Arabie saoudite. Un processus s'est enclenché par lequel le dollar, pur papier accepté uniquement parce qu'il est sponsorisé par l'armée américaine, est progressivement rejeté au profit d'autres monnaies. La stratégie américaine en 2022, qui se poursuit encore aujourd'hui, était de décharger ses tensions inflationnistes sur la zone euro sous prétexte de sanctions contre la Russie, mais l'an dernier, les intentions de ces grands acteurs internationaux de ne plus utiliser le dollar n'étaient pas encore aussi explicites. Cette année, elles le sont devenues et peuvent conduire à cette explosion inflationniste du billet vert, potentiellement bien plus dévastatrice que la crise du Papier Mark de 1923. Les Etats-Unis se trouvent donc à un carrefour fatal: accepter le risque que tôt ou tard, et tout d'un coup, le dollar se dissolve dans une crise inflationniste, entraînant l'économie et la société américaines dans l'abîme; ou finalement atteindre l'objectif de déclencher un conflit étendu et significatif, peut-être une troisième guerre mondiale, sans en payer l'addition mais seulement en récolter les bénéfices, comme cela s'est produit dans les deux conflits du 20ème siècle. La première option présente un terrible danger, la seconde est un vœu pieux et la Maison Blanche est réellement confrontée à ce dilemme. Cependant, il est possible de discerner la stratégie que le cabinet Biden souhaite adopter dans les mois à venir, et la poursuite de la guerre en Ukraine y jouera un rôle important. Les Ukrainiens à enrôler et à envoyer à l'abattoir commencent à manquer: Avvenire du 25 mars, qui n'est pas tendre avec les Russes, doit admettre: "Même Kiev doit compter avec les militaires qui, à partir de l'automne, risquent de commencer à manquer. Pour y remédier, des garçons de 17 ans sont déjà recrutés, appelés dans des camps d'entraînement en vue d'être déployés sur le champ de bataille après leur majorité. Pour de nombreuses familles, c'est une véritable tragédie. Et à Odessa, comme dans d'autres villes, la police militaire a souvent été vue en action pour convaincre, par la ruse, ceux qui ne veulent pas aller au combat et en revenir handicapés ou dans un cercueil. Sur certains marchés, jusqu'au mois dernier, on vendait des plâtres de jambe pour prétendre être temporairement inapte à l'entraînement et éviter l'enrôlement". Sur la table du bureau ovale, on discute probablement d'une nouvelle stratégie selon laquelle les forces armées européennes seraient déployées, mais pas au sein de l'OTAN, afin de ne pas impliquer les États-Unis, par le biais d'accords bilatéraux, par exemple, entre Kiev et des capitales individuelles telles que Varsovie, Sofia, Bucarest. Ces pays enverraient des soldats réguliers déguisés en milices volontaires, ce qui exempterait l'OTAN de toute implication, du moins dans un premier temps. Toutefois, il n'est pas exclu que quelques pays d'Europe de l'Ouest viennent grossir le conflit tout en maintenant le délicat accord de non-implication de l'Alliance atlantique. Il faudrait cependant choisir un pays qui se prête à d'énormes risques pour la sécurité nationale. En l'état actuel des connaissances, il existe deux suspects, dont les gouvernements sont absolument soumis aux souhaits de la Maison Blanche et qui ont déjà tenté de faire la guerre à la Russie pendant la Seconde Guerre mondiale. Personnellement, je doute qu'après le choc de deux défaites militaires au 20ème siècle, les Allemands soient prêts à se sacrifier pour les États-Unis, mais le gouvernement d'Olaf Scholz serait tout à fait disposé à le faire avec enthousiasme. En revanche, j'ai moins de doutes quant à l'implication du pays le plus influencé politiquement par Washington, à parts égales entre le chef du gouvernement et celui de l'opposition, et le fait qu'il s'agisse de femmes n'a aucune importance. Il s'agit du pays dont l'état de décadence l'expose à toute aventure de la part de tiers, un pays dont la Constitution a été suspendue de facto, et toujours ignorée : l'Italie. Fantaisie politique ? Espérons-le. Pour les États-Unis, en revanche, la question est sur la table : le casus belli est déjà là, la nécessité d'une guerre prolongée, y compris nucléaire. Le problème est de savoir comment mettre en œuvre cette stratégie en limitant le plus possible leur implication, et c'est à mon avis le thème fondamental de cette année, car le temps joue contre les Américains, la fuite du dollar a déjà commencé, et la conséquence inévitable est la dissolution du dollar à cause de l'hyperinflation.

samedi, 04 février 2023

L’arrière-plan géopolitique de la révolution de 1917

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L’arrière-plan géopolitique de la révolution de 1917

Alexandre Douguine

(extrait du livre Last War of the World-Island, Arktos, 2015)

La fin de la dynastie tsariste ne signifiait pas encore la fin de la Première Guerre mondiale pour la Russie. Et bien que l’une des raisons du renversement des Romanov était les difficultés de la guerre et la tension qu’elle imposait aux ressources humaines, à l’économie et à toute l’infrastructure sociale de la société russe, les forces qui arrivèrent au pouvoir après l’abdication de Nicolas II (le Gouvernement Provisoire [1] constitué principalement sur la base de la franc-maçonnerie de la Douma [2] et des partis bourgeois) continuèrent le cours de la participation de la Russie à la guerre aux cotés de la Triple Entente [3].

Géopolitiquement, ce point est décisif. Nicolas II aussi bien que les partisans de la forme de gouvernement républicaine, démocratique-bourgeoise alignée avec lui étaient orientés vers l’Angleterre et la France ; ils cherchaient à positionner la Russie dans le camp des Etats thalassocratiques. Sur le plan intérieur, il y avait des contradictions irréconciliables entre le modèle monarchique et le modèle démocratique-bourgeois, et l’escalade de ces contradictions conduisit au renversement de la dynastie et de la monarchie. Mais dans l’orientation géopolitique de Nicolas II et du Gouvernement Provisoire, il y avait au contraire une continuité et une succession – une orientation vers la civilisation de la Mer créait une affinité entre eux. Pour le Tsar c’était un choix pratique, et pour les « févriéristes » [4] un choix idéologique, puisque l’Angleterre et la France étaient des régimes bourgeois établis depuis longtemps.

Le 25 février 1917, par un décret impérial, l’activité de la Quatrième Douma d’Etat fut suspendue. Le soir du 27 février, un Comité Provisoire de la Douma d’Etat fut créé dont le président était M. V. Rodzyanko (un octobriste, et président de la Quatrième Douma). Le Comité reprit les fonctions et l’autorité du pouvoir suprême. Le 2 mars 1917, l’Empereur Nicolas II abdiqua, et transféra les droits d’héritage au Grand-duc Mikhail Alexandrovitch [5] qui, à son tour, déclara le 3 mars son intention de n’assumer l’autorité suprême qu’après que la volonté du peuple se fut exprimée dans l’Assemblée Constituante concernant la forme finale que le gouvernement devait prendre.

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Le 2 mars 1917, le Comité Provisoire de la Douma d’Etat forma les premiers services publics. Le nouveau gouvernement annonça des élections pour l’Assemblée Constituante, et une loi démocratique concernant les élections fut adoptée ; il y aurait des élections au suffrage universel, égal, direct, et à bulletins secrets. Les anciens organes de gouvernement furent abolis. A la tête du Comité Provisoire il y avait le président du Soviet des Ministres et Ministre des Affaires intérieures, le prince G. E. Lvov (ancien membre de la Première Douma d’Etat et Président du Comité Principal de l’Union populaire panrusse). Cependant, le Soviet, dont la tâche était de surveiller les actions du Gouvernement Provisoire, continua à fonctionner. En conséquence, un pouvoir dual fut établi en Russie. Les Soviets des Représentants des Travailleurs et des Soldats étaient contrôlés par les partis de gauche, qui restaient auparavant largement en-dehors de la Douma d’Etat : les socialistes-révolutionnaires (SR) [7] et les sociaux-démocrates [8] (les mencheviks [9] et les bolcheviks). En politique étrangère, les bolcheviks, conduits par Lénine et Trotski, suivirent avec succès une orientation pro-allemande. Cette orientation pro-allemande était basée sur plusieurs facteurs : une coopération étroite entre les bolcheviks et les sociaux-démocrates marxistes allemands, et des accords secrets avec le service de renseignement du Kaiser concernant l’assistance matérielle et technique fournie aux bolcheviks. De plus, les bolcheviks comptaient sur le refus de la guerre par les masses populaires. Ils basaient leur propagande là-dessus, la formulant dans l’esprit de l’idéologie révolutionnaire : la solidarité des classes laborieuses de tous les pays et le caractère impérialiste de la guerre elle-même, qui s’opposait aux intérêts des masses. C’est pourquoi le pouvoir dual divisé entre le Gouvernement Provisoire et les Soviets (qui étaient sous le contrôle des bolcheviks depuis le début) dans l’intervalle entre mars et octobre 1917 reflétait deux vecteurs géopolitiques, le vecteur pro-anglais et le vecteur pro-français pour le Gouvernement Provisoire, et le vecteur pro-allemand pour les bolcheviks. Cette dualité révèle aussi sa signification et son caractère dans ces événements historiques qui sont directement reliés à l’époque de la Révolution et de la Guerre Civile.

Le 18 avril 1917, la première crise gouvernementale éclata, se terminant par la formation du  premier gouvernement de coalition le 5 mai 1917, avec la participation des socialistes. Sa cause fut la note de P. N. Milioukov [10] le 18 avril adressée à l’Angleterre et à la France, dans laquelle il annonçait que le Gouvernement Provisoire continuerait la guerre jusqu’à sa fin victorieuse et honorerait tous les accords internationaux qui avaient été passés par le gouvernement tsariste. Nous avons ici affaire à un choix géopolitique qui influença les processus intérieurs. La décision du Gouvernement Provisoire provoqua l’indignation populaire, qui déborda dans des meetings et des manifestations massives, demandant la fin rapide de la guerre, la démission de P. N. Milioukov et d’A. I. Guchkov [11], et le transfert du pouvoir aux Soviets. Ces troubles furent organisés par les bolcheviks et les socialistes-révolutionnaires. P. N. Milioukov et A. I. Guchkov quittèrent le gouvernement. Le 5 mai, un accord fut conclu entre le Gouvernement Provisoire et le Comité Exécutif du Soviet de Petrograd pour la création d’une coalition. Cependant, les partis d’extrême-gauche n’étaient pas unis par une vision géopolitique commune. Les bolcheviks préféraient logiquement une ligne pro-allemande et anti-guerre. Une partie des mencheviks et des socialistes-révolutionnaires de gauche (dont les dirigeants appartenaient aussi souvent à des organisations maçonniques, où dominait une orientation pro-française et pro-anglaise) avaient tendance à soutenir le Gouvernement Provisoire, dans lequel les socialistes-révolutionnaires avaient reçu quelques postes à ce moment.

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Le premier Congrès panrusse des Soviets des Représentants des Travailleurs et des Soldats, qui eut lieu du 3 au 24 juin, fut dominé par les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks, les conduisant à soutenir le Gouvernement Provisoire et à rejeter la demande des bolcheviks de mettre fin à la guerre et de transférer le pouvoir aux Soviets. Ensuite l’effondrement rapide de la Russie commença. Le 3 juin une délégation du Gouvernement Provisoire, conduite par les ministres Terechtchenko et Tsereteli, reconnut l’autonomie de la Rada Centrale ukrainienne (UCR) [12]. Entretemps, avec l’approbation du gouvernement, une délégation définit les limites géographiques de l’autorité de l’UCR, incluant certaines des provinces sud-ouest de la Russie. Cela provoqua la crise de juillet [13]. Au sommet de la crise de juillet le Seim finlandais [14] proclama l’indépendance de la Finlande dans ses affaires intérieures et limita la compétence du Gouvernement Provisoire aux questions de la guerre et de la politique étrangère. Du fait de la crise, un second gouvernement de coalition fut constitué avec le social-révolutionnaire A. F. Kerenski à sa tête. Les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks occupaient un total de sept postes dans ce gouvernement.

Le social-révolutionnaire Kerenski, qui était aussi dans le groupe des Trudoviks (socialistes-populaires), était une figure éminente de la franc-maçonnerie russe de la Douma, membre de la loge « Petit Ours » et secrétaire de l’organisation maçonnique congrégative secrète « Le Soviet Suprême du Grand Orient des Peuples de Russie ». Kerenski s’en tenait à une orientation pro-anglaise et était étroitement lié à la franc-maçonnerie anglaise. Le 1er septembre 1917, dans le but de s’opposer au Soviet de Petrograd, Kerenski créa un nouvel organe de pouvoir, le Directoire (Soviet des Cinq), qui proclama que la Russie était une république et dissolva la Quatrième Douma d’Etat. Le 14 septembre 1917, la Conférence Démocratique panrusse fut ouverte, qui devait décider de la question de l’autorité gouvernante, avec la participation de tous les partis politiques. Les bolcheviks s’en retirèrent en guise de protestation. Le 25 septembre 1917, Kerenski forma le troisième gouvernement de coalition. Pendant la nuit du 26 octobre 1917, au nom des Soviets, les bolcheviks, les anarchistes et les socialistes-révolutionnaires gauchistes renversèrent le Gouvernement Provisoire et arrêtèrent ses membres. Kerenski s’enfuit. Significativement, il fut aidé par des diplomates anglais, en particulier Bruce Lockhart [15], et fut envoyé en Angleterre où, dès son arrivée, il fut actif dans les loges maçonniques anglaises. Géopolitiquement, la Révolution bolchevik d’Octobre, que diverses écoles historiques et les représentants de diverses visions-du-monde évaluent de manières différentes aujourd’hui, était spéciale parce qu’elle signifiait un changement d’orientation brutal de la politique étrangère de la Russie, passant d’une orientation thalassocratique à une orientation tellurocratique. Nicolas II et les républicains maçonniques de la Douma à partir du Gouvernement Provisoire avaient maintenu une orientation anglo-française et étaient restés fidèles à l’Entente. Les bolcheviks étaient sans équivoque orientés vers la paix avec l’Allemagne et la rupture avec l’Entente.

Après la séparation de l’Assemblée Constituante [16], où les bolcheviks ne reçurent pas l’appui nécessaire pour légaliser pleinement leur prise du pouvoir, l’autorité fut transférée au Conseil des Commissaires du Peuple, où les bolcheviks dominaient. A ce moment, les socialistes-révolutionnaires gauchistes étaient leurs alliés.

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Le 3 mars 1918, un accord de paix séparée entre les bolcheviks et les représentants des Puissances Centrales (Allemagne, Austro-Hongrie, Turquie, et Bulgarie) fut conclu à Brest-Litovsk, signifiant la sortie de la Russie de la Première Guerre mondiale. D’après les termes de l’accord, les provinces de Privislinskie, l’Ukraine, les provinces avec une population principalement biélorusse, la Province d’Estonie, la Province de Courlande, la Province de Livonie, la Grande Principauté de Finlande, le district de Kars, et le district de Batumsk dans le Caucase étaient tous arrachés à l’Ouest de la Russie. Le gouvernement des Soviets promit de cesser la guerre contre le Soviet Central ukrainien (la Rada) de la République du Peuple ukrainien, de démobiliser l’armée et la flotte, de retirer la flotte baltique de ses bases en Finlande et dans les Etats baltes, de transférer la flotte de la Mer Noire avec toutes ses infrastructures aux Puissances centrales, et de payer six millions de marks de réparations. Un territoire de 780.000 kilomètres carrés, comprenant une population de 56 millions de personnes (un tiers de la population de l’Empire russe), fut arraché à la Russie soviétique. En même temps, la Russie retira toutes ses troupes des régions désignées, alors que l’Allemagne, d’autre part, faisait entrer ses troupes et gardait le contrôle de l’Archipel des Monzundski et du Golfe de Riga.

Tel fut le prix énorme que la Russie soviétique paya (en partie parce qu’elle s’attendait à une révolution prolétarienne imminente en Allemagne et dans d’autres pays européens) pour son orientation pro-allemande.

Le traité de Brest-Litovsk fut immédiatement rejeté par les socialistes-révolutionnaires de gauche, dont une partie des dirigeants était orientée vers la France et l’Angleterre comme avant. En signe de protestation contre les conditions de l’armistice, les socialistes-révolutionnaires de gauche quittèrent le Conseil des Commissaires du Peuple ; au Quatrième Congrès des Soviets, ils votèrent contre le traité de Brest. Le socialiste-révolutionnaire S. D. Mstislavski inventa le slogan « Pas de guerre, donc une insurrection ! », appelant les « masses » à se « soulever » contre les forces occupantes germano-autrichiennes. Le 5 juillet, au Cinquième Congrès des Soviets, les socialistes-révolutionnaires de gauche attaquèrent à nouveau activement les politiques des bolcheviks, condamnant le traité de Brest. Le 6 juillet, un jour après l’ouverture du Congrès, deux socialistes-révolutionnaires de gauche, Yakov Blumkin [17] et Nikolaï Andreiev, des officiels du Comité Extraordinaire panrusse (AEC), entrèrent dans l’ambassade allemande à Moscou suivant un décret de l’AEC, et Andreiev tua l’ambassadeur allemand Mirbach. Le but des socialistes-révolutionnaires était de ruiner les accords avec l’Allemagne. Le 30 juillet, le socialiste-révolutionnaire de gauche B.M. Donskoï tua le général commandant les forces d’occupation, Eichhorn, à Kiev. La dirigeante des socialistes-révolutionnaires de gauche Maria Spiridinova fut envoyée au Cinquième Congrès des Soviets, où elle annonça que « le peuple russe est libéré de Mirbach », impliquant que la ligne pro-allemande était finie en Russie soviétique. En réponse, les bolcheviks mobilisèrent leurs forces pour la répression du « soulèvement socialiste-révolutionnaire de gauche » et arrêtèrent et exécutèrent leurs dirigeants [*]. Ici apparaissait à nouveau une différence d’orientation géopolitique : cette fois-ci entre les forces de gauche radicales qui avaient pris le pouvoir en Russie soviétique. Les socialistes-révolutionnaires de gauche avaient tenté de ruiner la ligne pro-allemande des bolcheviks, mais ils échouèrent et disparurent rapidement en tant que force politique.

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Si nous réunissons tous ces éléments géopolitiques, nous obtenons le tableau suivant : Nicolas II, les partis bourgeois et, en partie, les socialistes-révolutionnaires de gauche (les francs-maçons de la Douma) maintinrent une orientation vers l’Entente et, en conséquence, vers la thalassocratie ; alors que les bolcheviks poursuivirent constamment une politique de coopération avec l’Allemagne et d’autres Etats centre-européens, et avec la Turquie ; c’est-à-dire qu’ils étaient en faveur de la tellurocratie. Ce motif géopolitique nous permet d’avoir un regard nouveau sur les événements dramatiques de l’histoire de la Russie en 1917-1918 et prédétermine les développements de la période soviétique.

Notes

[1] Le Gouvernement Provisoire apparut à la suite de l’abdication du Tsar Nicolas II en mars 1977, et devait organiser les élections qui conduiraient à la formation d’un nouveau gouvernement. Il était composé d’une coalition de nombreux partis différents. Après la révolution bolchevik en octobre, il fut aboli. (NDE)

[2] Cependant, la loge la plus nombreuse du Grand Orient des Peuples de Russie en 1912-1916 était indubitablement la loge de la Douma, « la Rose », que rejoignirent beaucoup de députés maçonniques de la Quatrième Douma d’Etat en 1912. Elle fut ouverte le 15 novembre 1912. Sa principale différence avec la Troisième Douma consistait en la diminution explicite du centre (le nombre d’octobristes dans la Douma était fortement réduit : au lieu de 120, seuls 98 demeuraient, alors que le nombre de droitistes passait de 148 à 185 ; et le nombre de gauchistes, membres du Parti Démocratique Constitutionnel (connu sous le nom de « parti cadet », NDE) et de progressistes passa de 98 à 107).

[3] La Triple Entente était une alliance entre le Royaume-Uni, la France et la Russie et qui fut établie en 1907. (NDE)

[4] Ceux qui soutenaient le Gouvernement Provisoire qui fut établi après la Révolution de Février 1917. (NDE)

[5] Mikhaïl Alexandrovitch (1878–1918) était un prince qui était second dans la ligne de succession au trône du Tsar. Après l’abdication de Nicolas II, Alexandrovitch fut choisi pour lui succéder de préférence au fils du Tsar, Alexei, car ce dernier était considéré comme trop malade pour régner. Il refusa cependant d’accepter le trône. Cela ne lui valut aucune faveur des bolcheviks, qui l’exécutèrent en 1918. (NDE)

[6] Ces conseils furent établis après la Révolution de Février pour maintenir l’ordre jusqu’à ce que des élections puissent être tenues, et pour déterminer la nature et la composition du nouveau gouvernement. (NDE)

[7] Les socialistes-révolutionnaires (SR) étaient socialistes, mais pas marxistes. Ils étaient l’un des principaux partis en Russie au moment de la Révolution. (NDE)

[8] Les bolcheviks et les mencheviks étaient des branches du Parti Travailliste Démocratique Social russe. Après le départ des mencheviks, celui-ci devint une organisation bolchevik, devenant finalement le Parti Communiste de l’URSS. (NDE)

[9] Les mencheviks avaient connu une scission avec les bolcheviks en 1904 pour des questions d’idéologie et d’appartenance au Parti, Après cela ils furent un parti d’opposition communiste, considéré comme plus modéré que les bolcheviks. (NDE)

[10] Pavel Milioukov (1859–1943) était le ministre Affaires Etrangères dans le Gouvernement Provisoire. (NDE)

[11] Alexander Guchkov (1862–1936) était le ministre de la Guerre dans le Gouvernement Provisoire. (NDE)

[12] L’UCR était le conseil qui assuma le pouvoir en Ukraine après la Révolution de Février en Russie, avec l’intention d’assurer l’indépendance ukrainienne. Il fut déclaré illégal par les Soviets en décembre 1917. (NDE)

[13] Entre le 3 et 7 juillet, des soldats et des ouvriers de Petrograd, soutenus par les bolcheviks, firent des manifestations contre le Gouvernement Provisoire. Celui-ci accusa les manifestants de fomenter un coup d’Etat et les réprima en utilisant la force militaire, conduisant à un revers temporaire pour les bolcheviks. (NDE)

[14] Le Seim était l’Assemblée populaire finlandaise. (NDE)

[15] Sir Robert Hamilton Bruce Lockhart (1887–1970) était le consul-général britannique à l’époque de la Révolution russe. Au nom de ses supérieurs à Londres, et en conjonction avec l’Intelligence Service, il tenta de persuader les bolcheviks de rester en guerre contre l’Allemagne, mais sans succès. Après une série de tentatives secrètes pour influencer le cours de la Révolution, en 1918, avec l’agent secret Sidney Reilly, il tenta de faire assassiner Lénine et de renverser les bolcheviks, ce qui est connu sous le nom de « complot Lockhart ». Celui-ci échoua, bien que Lockhart fut plus tard autorisé à quitter la Russie lors d’un échange de prisonniers. (NDE)

[16] L’Assemblée Constituante panrusse fut formée en résultat d’une élection tenue en novembre 1917. Lorsqu’il devint clair que le nombre de représentants des socialistes-révolutionnaires dépasserait de loin celui des bolcheviks à l’Assemblée, ceux-ci commencèrent à jeter le doute sur la valifité de l’Assemblée, et elle ne fut autorisée à se réunir qu’une seule fois en janvier 1918 avant d’être dissoute. (NDE)

[17] Yakov Blumkin (1898–1929) était le directeur des opérations de contre-espionnage de la Tcheka (la police secrète révolutionnaire) à l’époque. Il fut pardonné par les bolcheviks pour avoir participé au coup d’Etat des SR, et travailla plus tard comme exécuteur et agent secret. Envoyé pour aider à fomenter la subversion révolutionnaire contre les Britanniques au Moyen-Orient, ses aventures orientales le rendirent célèbre. Il devint plus tard l’ami de Trotski ; après l’exil de Trotski hors d’URSS, il servit de courrier pour les messages de Trotski ; quand cela fut découvert, il fut exécuté sur l’ordre de Staline. (NDE)

[*] On peut ajouter que le 30 août 1918, Fanny Kaplan, une militante socialiste-révolutionnaire, tenta de tuer Lénine et le blessa gravement. Elle déclara qu’elle considérait Lénine comme un « traître à la révolution », qui avait interdit et réprimé son parti (les SR). (NDT)

 

mercredi, 14 décembre 2022

Les États-Unis ont envisagé d'infiltrer des raiders et de déstabiliser l'Ukraine dès 1957

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Les États-Unis ont envisagé d'infiltrer des raiders et de déstabiliser l'Ukraine dès 1957

par Gianandrea Gaiani 

Source : https://www.ariannaeditrice.it/articoli/gli-stati-uniti-valutavano-di-infiltrare-incursori-e-destabilizzare-l-ucraina-gia-nel-1957

Les opérations américaines visant à déstabiliser l'Ukraine et à l'éloigner de Moscou ont commencé dès les premiers stades de la guerre froide, du moins au niveau de la planification. Selon les analystes américains, un soulèvement antisoviétique aurait bénéficié d'un large soutien dans différentes régions de la République socialiste soviétique d'Ukraine et la ligne de démarcation entre "pro-" et "anti-Moscou" aurait suivi à peu près la même frontière que celle qui sépare aujourd'hui les républiques populaires de Donetsk et de Louhansk (RPD et RPL) et la Crimée du reste de l'Ukraine.

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C'est ce qui ressort d'une étude intitulée "Factors of Resistance and Areas of Special Forces Operations in Ukraine - 1957", commandée par l'armée américaine au Georgetown University Research Project. Une étude qui rappelle, par ses thèmes et son approche analytique, les études soviétiques qui ont vu le jour après la chute de l'URSS et du Pacte de Varsovie, dans lesquelles les possibilités d'infiltrer des raiders et d'inciter à des soulèvements dans les États européens membres de l'OTAN étaient évaluées.

La CIA a déclassifié cette étude en 2014 (l'année où les événements du Maïdan ont conduit au renversement du gouvernement de Kiev proche de Moscou), qui a également été citée en détail par la BBC dans un article de 2017 traçable aujourd'hui sur le web dans la version en langue russe alors que la version anglaise semble traçable après une recherche sommaire sur le site avoué pro-Moscou Stalkerzone.

Les États-Unis, sous la présidence de Harry Truman, ont fait face à la guerre froide en se lançant dans une politique de "transformation" des ennemis vaincus (Allemagne et Japon) en amis et des alliés de la Seconde Guerre mondiale (URSS) en ennemis.

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De plus, il est intéressant de noter qu'en réponse à l'opération Barbarossa (l'invasion de l'URSS par l'Axe), c'est le même Harry Truman, sénateur en 1941, qui a déclaré que "si nous voyions l'Allemagne gagner, nous devrions soutenir la Russie, mais si la Russie était proche de la victoire, nous devrions aider l'Allemagne et, de cette façon, les laisser s'entretuer aussi longtemps que possible" (McCullough, David, 15 juin 1992) (Truman. New York, New York : Simon & Schuster. p. 262. ISBN 978-0-671-45654-2).

La CIA, créée par Truman lui-même en 1947, devient alors le principal instrument des opérations clandestines qui caractérisent la politique étrangère de Washington.

En gros, l'étude de 1957 divise l'Ukraine en 12 zones délimitées en fonction de la loyauté envers l'URSS ou du soutien à un éventuel soulèvement contre le gouvernement soviétique, en tenant compte du fait que de 1945 au milieu des années 1950, les organisations de résistance antisoviétiques sont restées actives (en Ukraine comme dans les républiques baltes annexées à l'URSS) : le rapport rappelle qu'une seule poche de résistance a été enregistrée comme active après 1955, dans la région montagneuse des Carpates.

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Comme on pouvait l'imaginer, la partie occidentale de l'Ukraine - en particulier les régions de Volhyn et de Lutsk, qui comprennent des villes telles que Kovel, Lutsk, Kostopol et Vladimirovets - a été jugée par les analystes américains comme étant la plus "prometteuse" pour déclencher une insurrection et y infiltrer des forces spéciales (carte ci-dessus).

Le rapport attribue les sentiments antisoviétiques surtout à la Galicie (Lvov, Ternopil et Ivano-Frankovsk) dans la zone comprenant les régions de Kiev, Tcherkassy, Jitomir et Khmelnytsk, où la population locale pourrait fournir "un soutien important aux forces spéciales américaines" puisqu'il y avait un puissant mouvement ukrainien dans cette zone en 1917-1921 et une forte résistance armée pendant la collectivisation.

Les zones de l'Ukraine qui bordent la Hongrie et la Roumanie semblaient également présenter un intérêt pour l'infiltration de forces spéciales. Selon les données américaines, en Transcarpathie, les formations de la résistance ukrainienne antisoviétique ont opéré après la Seconde Guerre mondiale au nord d'Ujgorod et dans les zones montagneuses. Une situation similaire a été constatée dans la région de Tchernovtsyi où les rebelles ukrainiens sont actifs dans les zones montagneuses.

En revanche, la Crimée et le Donbass ont été définis comme "peu prometteurs" parce que la population locale, dans sa majorité, était pro-gouvernementale, se considérant, en fait, comme russe plutôt qu'ukrainienne (ZONES I et II).

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Le conflit entre les ZONES III-XII et les ZONES I-II est décrit dans le rapport de 1957 comme "très probable" et potentiellement "faisable", ce qui indique une escalade des affrontements au sein de l'URSS en vue de son effondrement. Dans le même rapport, la CIA estimait que les zones 3, 4 et 5 (Odessa, Kharkiv, Zaporozhye) se rangeraient également du côté du Donbass si un tel conflit éclatait.

Il est donc intéressant de se pencher sur la cartographie de l'Ukraine créée par la CIA en 1957 dans le contexte imaginé d'un déploiement d'unités des forces spéciales américaines en soutien à une insurrection. Quelque 60 ans plus tard, on ne peut que constater plusieurs similitudes avec la situation actuelle.

Des régions assurément pro-russes du Donbass aux régions "tendanciellement" pro-russes d'Odessa, Kharkiv, Zaporozhye (et Kherson), en passant par les oblasts du centre-ouest habités par une population aujourd'hui largement aussi hostile à Moscou qu'elle l'était à l'URSS pendant la guerre froide.

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Après avoir analysé la géographie, les sentiments de la population et les cibles stratégiques pour le sabotage, le rapport a mis en évidence cinq zones où les forces spéciales pourraient mener des attaques efficaces (dans la carte ci-dessus), principalement dans les régions du nord et de l'ouest, mais aussi le long de la côte sud de la Crimée, une zone riche en cibles militaires et infrastructurelles où, selon le rapport, les forces spéciales américaines compteraient sur le soutien des Tatars de Crimée considérés comme antisoviétiques.

Dans ce contexte, la région économique la plus importante, le Donbass, a été décrite comme totalement inadaptée en raison du manque d'endroits où se déguiser, de la forte densité de la population et d'un "grand nombre de Russes et d'Ukrainiens russifiés".

Le rapport ne contient aucune indication quant au moment ou aux conditions qui auraient pu déclencher les opérations des forces spéciales américaines en Ukraine soviétique, il apparaît avant tout comme une contribution analytique utile à la planification d'opérations à mettre en œuvre rapidement en cas de conflit et confirme comment, déjà dans les premières années de la guerre froide, l'Ukraine était considérée par les États-Unis comme la "charnière" reliant la Russie à l'Europe dans laquelle mettre en évidence les faiblesses et les vulnérabilités de Moscou et, ensuite, se préparer à frapper.

En 1997, quarante ans après l'étude commandée par l'armée américaine, Zbigniew Brzezinski, un politologue américain d'origine polonaise qui a été conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter, a théorisé dans son livre "Le grand échiquier" que sans le contrôle de l'Ukraine, la Russie perdrait son rôle de puissance en Europe.

 

vendredi, 07 octobre 2022

1982: quand la CIA a fait sauter le gazoduc russe

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1982: quand la CIA a fait sauter le gazoduc russe

Source: https://piccolenote.ilgiornale.it/mondo/1982-quando-la-cia-fece-esplodere-il-gasdotto-russo

En janvier 1982, le président Ronald Reagan a approuvé un plan de sabotage d'un gazoduc russe transsibérien. C'est ce qu'a révélé Thomas C. Reed, un officier de l'armée de l'air qui servait au Conseil national de sécurité à l'époque, dans son livre At the Abyss : An Insider's History of the Cold War, publié en 2004 par Ballantine Books, dont le Washington Post a publié une critique anticipée le 27 février 2004 sous la plume de David Hoffman.

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Séparer l'Europe des sources d'énergie de l'URSS

La raison de l'opération coordonnée par la CIA, écrit Reed dans son livre, est à chercher dans le fait qu'"à l'époque, les États-Unis tentaient d'empêcher l'Europe occidentale d'importer du gaz naturel soviétique", afin d'affaiblir Moscou. Reed décrit à la fois l'"enthousiasme" de Regan lorsque l'opération lui a été proposée et la dynamique par laquelle elle a été réalisée.

Grâce à une taupe, la CIA a appris que l'Union soviétique tentait d'obtenir de l'Ouest les équipements technologiques nécessaires au fonctionnement du pipeline. La source a révélé à l'Agence à la fois les équipements que les Soviétiques tentaient d'acquérir et les canaux utilisés à cette fin.

La CIA a ensuite organisé une opération secrète visant à livrer à l'ennemi un "logiciel défectueux", dont la manipulation était toutefois si sophistiquée qu'il a pu passer sans problème les contrôles des techniciens soviétiques.

...et affaiblir l'économie soviétique (en attente de 1989)

Reed écrit: "Afin de perturber l'approvisionnement en gaz de l'Union soviétique, de supprimer ses revenus en devises fortes et d'affaiblir l'économie de l'URSS, le logiciel du gazoduc censé faire fonctionner les pompes, les turbines et les vannes était programmé pour se détraquer après un certain temps, pour être réactivé plus tard avec des vitesses de pompe accrues et des vannes réglées pour produire des pressions bien supérieures à celles supportées par les joints et les soudures des tuyaux.

L'opération se poursuivit et, à l'été 1982, l'oléoduc explose, produisant une détonation qui est également enregistrée par les satellites américains: le sabotage a produit "l'explosion et la boule de feu non nucléaire la plus monumentale jamais vue depuis l'espace", note Reed.

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Cette affaire, qui révèle l'un des nombreux épisodes du conflit sous-jacent qui a eu lieu pendant la guerre froide, est demeurée un "secret jalousement gardé", que Reed a révélé pour la première fois dans son livre, bien que, mentionne le WP pour confirmer l'indiscrétion, "certains détails concernant la technologie défectueuse ont été rapportés dans Aviation Week and Space Technology en 1986 et dans un livre de Peter Schweizer en 1995, intitulé Victory : The Reagan Administration's Secret Strategy that Hastened the Collapse of the Soviet Union.

Toute référence à des événements actuels est purement fortuite.

vendredi, 02 septembre 2022

Quelques réflexions sur Gorbačëv et la fin de l'URSS

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Quelques réflexions sur Gorbačëv et la fin de l'URSS

par Gennaro Scala 

Source: Gennaro Scala & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/qualche-riflessione-su-gorba-ev-e-la-fine-dell-urss

L'effondrement de l'Union soviétique a été entièrement dû à l'idiotie de Gorbačëv, tel qu'il semble être compris à partir des "célébrations" de certains à l'annonce de sa mort. Cela dénote la régression infantile, qui comporte aussi une barbarie considérable, dans laquelle sont tombés ceux qui prétendent se référer à Marx, connu, entre autres, pour avoir promu l'analyse structurelle. Il faut se demander comment une seule personne a pu faire échouer tout un système qui, jusqu'à quelques années auparavant, rivalisait pour l'hégémonie avec les États-Unis, et il faut se demander comment quelqu'un comme Gorbačëv est arrivé à la tête de l'Union soviétique.

Quelles ont été les causes de l'effondrement de l'Union soviétique est une question trop complexe pour être traitée de manière adéquate dans un message sur FB, j'en ai traité indirectement dans mon livre "Pour un nouveau socialisme". Je voudrais ici soulever une question : le mondialisme. Marx voulait donner au communisme une perspective mondialiste. Extrait d'un article important, très négligé par les "marxologues", son dernier article publié dans le Rheinische Zeitung dans les derniers jours de 1848, avant son exil en Angleterre, où il désigne l'Angleterre elle-même comme le principal ennemi de la révolution, mais déclare en même temps qu'étant donné sa puissance mondiale, seul un mouvement de portée mondiale pourrait la vaincre. C'est grâce à cette approche mondialiste que le communisme soviétique a pu être un défi mondial à l'hégémonie mondiale des États-Unis qui a succédé à celle de l'Angleterre (pour plus de détails, voir mon livre précité).

Dans le défi mondial lancé à l'hégémonie américaine, l'Union soviétique a perdu pour plusieurs raisons. Tout d'abord, bien qu'étant un mondialisme, le soviétisme n'était pas un véritable impérialisme, c'est-à-dire avec les connotations économiques du terme, capable de drainer des pays subordonnés vers le centre des ressources à utiliser dans la compétition avec les Etats-Unis.

Pour des raisons inhérentes aux conditions exceptionnelles dans lesquelles l'État soviétique est né, et pour les immenses défis auxquels il a été confronté à sa naissance et plus tard avec l'attaque nazie, il n'a jamais surmonté la centralisation du pouvoir étatique, de sorte qu'une formation étatique stable n'a jamais été atteinte, l'État soviétique étant toujours géré selon les critères de l'État d'exception. Cela était également dû à l'absence d'une théorie efficace de l'État au sein du marxisme. Domenico Losurdo a mis l'accent sur ces deux questions.

Le défi avec les États-Unis n'était pas le défi entre deux systèmes de vie différents. Que le travailleur soit employé par une entreprise privée ou qu'il soit employé par l'État, nous avons la même aliénation de ses conditions de vie, alors que le communisme de Marx aspirait à la libération du travailleur qui consistait à pouvoir contrôler ces conditions de vie, qui passent avant tout par le travail. Sous le prétexte qu'il s'agissait d'un pays socialiste en Union soviétique, même les syndicats ont été interdits (alors que Lénine avait déclaré que les syndicats devaient subsister afin de "défendre les travailleurs contre leur propre État"). 

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Par conséquent, certaines nations européennes avec une forte présence syndicale étaient plus socialistes. Pour ces raisons, les Soviétiques ont souffert de l'hégémonie du "consumérisme" occidental. Sauf que si un ingénieur occidental pouvait acheter une Mercedes, la plus haute aspiration d'un ingénieur soviétique pouvait être la Trabant. Certains philosophes tels que Lukács et son élève Agnes Heller (photo) ont écrit qu'au lieu de rivaliser sur la consommation, le système aurait dû offrir la possibilité d'une "vie raisonnable", comme une extension de la "bonne vie" aristotélicienne au monde actuel (un thème qui reste très pertinent aujourd'hui), mais cela aurait signifié permettre une participation politique que le système soviétique ne pouvait pas permettre. En Union soviétique, une classe moyenne s'est formée, nécessaire dans la sphère de la production, le complexe militaire, l'éducation, la bureaucratie d'État, etc., mais elle était comprimée dans la consommation et le mode de vie, ce qui fit qu'elle s'est finalement tournée vers le mode de vie occidental. C'était la base de Gorbačëv dans le parti communiste qui a fini par liquider l'État. C'est la thèse de Costanzo Preve.

La première fissure majeure dans le mondialisme soviétique s'est produite avec la Chine, qui a rejeté la doctrine Brejnev d'intervention dans les pays socialistes qui ne suivaient pas les directives soviétiques, ce qui a conduit à une quasi guerre à la frontière avec la Russie en 1969. Cette rupture a ensuite conduit à la normalisation des relations entre la Chine et les États-Unis avec la visite de Nixon en 1972, qui a jeté les bases de la collaboration économique et de l'exportation de capitaux. Les États-Unis pensaient subjuguer la Chine, mais étant donné le contrôle conservé par l'État chinois sur l'économie, cela n'a conduit qu'à l'industrialisation ultime de la Chine. D'une certaine manière, le gorbatchevisme était interne au communisme, mais il n'en a retenu que le "bon" côté universaliste, la paix entre les peuples, la coexistence, etc., mais a oublié la question de l'impérialisme, croyant aux fausses promesses occidentales de détente et de collaboration.

Les États-Unis en ont profité pour démolir le système d'alliance soviétique, visant en fin de compte la démolition de la Russie elle-même. La guerre actuelle en Ukraine est elle-même le résultat de cette politique américaine.

La naissance du monde multipolaire s'est d'abord présentée comme un mondialisme alternatif. Mais un tel mondialisme était voué à la défaite, tout comme le mondialisme libéral, car il contredisait la dynamique fondamentale de notre monde. Probablement qu'avec une classe politique moins désorientée et avec moins d'illusions que celle de Gorbatchev, cette transition nécessaire aurait été moins traumatisante pour la Russie.

Cette déclinaison mondialiste particulière du socialisme qu'était le communisme appartient désormais définitivement au passé. S'il doit y avoir un socialisme de l'avenir, ce sera un socialisme qui saura se penser dans le monde multipolaire de demain.

 

samedi, 27 août 2022

L'impact des conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS sur l'image de l'islam traditionnel dans le paysage médiatique russe

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L'impact des conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS sur l'image de l'islam traditionnel dans le paysage médiatique russe

Rustam Nugumanov

Source: https://www.geopolitika.ru/article/vliyanie-geopoliticheskih-posledstviy-raspada-sssr-na-obraz-tradicionnogo-islama-v

Le développement des technologies de l'information et des communications a créé des conditions particulières pour l'impact de l'information sur la conscience de masse, ce qui a sans aucun doute influencé la formation de la conscience religieuse des musulmans russes. L'espace médiatique, avec ses attributs d'accès universel à l'information de n'importe où dans le monde et la possibilité d'exprimer librement son opinion sur n'importe quelle question, y compris religieuse, a imposé ses propres exigences spécifiques aux clercs musulmans et aux spécialistes de l'Islam en termes d'argumentation adéquate de sujets donnés et de promotion des idées et valeurs islamiques traditionnelles. Malgré les efforts continus pour faire revivre la bonne tradition, l'image de l'islam traditionnel a été influencée par des cadres contenant des représentations biaisées de l'islam, avec une tendance caractéristique à la destruction. Pour continuer à œuvrer de manière productive à la préservation de la véritable pureté des valeurs traditionnelles de l'Islam dans la nouvelle réalité, il faut tenir compte des conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS.

Depuis le jour de la propagation de l'islam, les musulmans ont mené leurs activités éducatives en se basant strictement sur des principes qui garantissent que les concepts intégrés dans les sermons reflètent exactement les significations transmises aux associés par le Messager de Dieu Mohammed (que la paix soit avec lui) lui-même. Conscients de la grande responsabilité qui leur incombe à l'égard des générations futures, les musulmans ont veillé méticuleusement et soigneusement à la pureté des significations transmises, ce qui les a sans doute encouragés à déployer des efforts titanesques pour relever les défis de chaque époque successive. Grâce à ce travail minutieux, les savants musulmans ont développé toute une série de sciences, qui comprenaient, entre autres, non seulement les questions de croyance (aqeedah) et de jurisprudence (fiqh), mais aussi une méthodologie spéciale pour déterminer la fiabilité des jugements transmis remontant au Prophète Muhammad (la paix soit avec lui), qui a pris forme plus tard dans la science de l'hadithologie. C'est par cette transmission rigoureuse et cette assimilation sérieuse des valeurs sociales et culturelles de génération en génération que les significations de l'orthodoxie qui caractérisent l'Islam traditionnel ont survécu jusqu'à ce jour dans leur essence inchangée.

Dans tout le monde islamique, la plupart des spécialistes de l'islam sont unanimes pour dire que l'islam traditionnel (Ahlu Sunna wal Jama'a) (1) reconnaît un islam dans laquelle le fondement de la croyance (usul ad-din) remonte aux penseurs théologiens musulmans al-Ashari (2) et al-Matrudī (3), et la pratique religieuse et juridique repose sur les quatre madhhabs (4) (Hanafi'i (5), Shafi'i (6), Maliki (7) et Hanbali (8)).

Les Fondements de l'orthodoxie sont les résultats compilés des disputes polémiques des adeptes du Dieu unique avec les adeptes de différentes religions, mouvements hérétiques, écoles de philosophie, etc., qui ont eu lieu pendant la vie du Prophète (PBUH) et sont devenues par la suite une partie intégrante de la vie culturelle des centres scientifiques de la civilisation musulmane. Ces compilations, qui exposent et étayent les principales idées dogmatiques, les normes et règles juridiques, rituelles et éthiques de la conception traditionaliste de la foi, deviennent un élément obligatoire du système éducatif de pratiquement toutes les institutions éducatives musulmanes (madrasahs).

Malgré l'énorme quantité de littérature dans le domaine des croyances religieuses, la présentation la plus populaire et la plus répandue de la doctrine de la foi islamique parmi les musulmans est la dénommée Akida al-Tahawiyya, œuvre d'un contemporain des imams al-Ashari et al-Matroudi, un juriste et érudit égyptien, l'imam Abu Jaafar Ahmad ibn Muhammad al-Azdi (9), connu sous le nom d'imam al-Tahawi. Étant un résumé concis de la doctrine islamique et composé de 105 dictons, l'Akida at-Tahawiyya a incité de nombreux érudits islamiques à écrire des commentaires détaillés sur ce credo universellement accepté par les musulmans.

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En Russie, notamment dans la région de Volga-Ourals, malgré la présence du credo Tahawi, la version Nasafi était la plus connue et la plus populaire. "Akida an-Nasafi", écrit par l'Imam Abu-Hafs an-Nasafi (10), est un résumé de la doctrine de l'Imam al-Matrudi et de ses disciples, et a atteint la célébrité, selon les chercheurs turcs, grâce à l'interprétation de l'Imam at-Taftazani (11) dans son livre "Sharh al-aka'id". La popularité du commentaire d'at-Taftazani montre qu'il a été publié une quinzaine de fois à Kazan, et le théologien tatar Shihab-ad-din al-Marjani y a écrit son commentaire détaillé sous le titre "al-Hikma al-baliga al-janiyya fi sharkh al-akaid al-khanafiyya" (12), qui a été publié à Kazan en 1888.

Pendant la période soviétique, malgré la domination de l'idéologie athée, la transmission de l'héritage musulman s'est poursuivie, mais dans un cadre très étroit et sous le strict contrôle de l'État, au sein de la madrasa "Mir-Arab" de Boukhara et de l'Institut islamique de Tachkent. La qualité de l'enseignement dans ces institutions spirituelles soviétiques est démontrée par les nombreux diplômés de ces institutions, qui occupent aujourd'hui des postes à responsabilité dans de nombreuses structures religieuses de l'ancienne Union soviétique.

Après l'effondrement du système soviétique, les enseignements traditionnels de l'Islam ont pu regagner leurs positions perdues et être ravivés sous une forme fraîche et moderne, enrichie par les réalisations des sciences séculaires. Cependant, la pénétration incontrôlée de diverses organisations et mouvements islamiques étrangers et internationaux sur le territoire de l'ex-Union soviétique, dont la controverse idéologique et politique interne n'est pas la moindre, a non seulement créé des obstacles au retour de la bonne tradition, mais a également révélé les graves défis auxquels est confronté l'Islam traditionnel. Les musulmans de l'ex-URSS ont été confrontés à une nouvelle réalité dans laquelle le travail de retour aux valeurs traditionnelles exigeait de prendre en compte les conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS.

Les conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS ont été caractérisées par le démantèlement du système communiste et la proclamation du modèle de société occidental-libéral comme universel pour tous les peuples du monde, suivis par l'intégration et l'unification de tous les aspects de la société sous la domination directe des États-Unis et de leurs alliés.

Les États-Unis ont profité de l'absence d'obstacles juridico-internationaux pour arranger le monde selon leurs propres normes. Ils se sont empressés de reconstruire les frontières de l'Europe de l'Est, du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, en créant de nouveaux États indépendants, des autonomies non reconnues, dont la direction est sous le contrôle total de Washington. La guerre en Yougoslavie, en Irak, en Afghanistan, en Syrie, en Libye, au Yémen ne sont qu'une liste mondialement connue de points chauds qui ont pris des centaines de milliers de vies innocentes et laissé des millions de réfugiés. En outre, poursuivant une politique d'endiguement contre la Russie, l'Occident collectif, dirigé par les États-Unis, met en scène une série de révolutions de couleur dans les pays post-soviétiques. Le Kirghizistan, la Géorgie, l'Arménie, l'Ukraine et la Moldavie deviennent les principaux théâtres de la confrontation géopolitique entre l'Occident et la Russie.

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En raison de la politique irresponsable et criminelle des États-Unis, de nombreux peuples musulmans sont devenus les otages des intrigues politiques des élites pro-occidentales, qui ont divisé l'Oumma musulmane, commune dans sa foi, en plusieurs camps politiquement hostiles. En outre, divers acteurs non étatiques extrémistes et terroristes sont devenus plus actifs en raison des tensions croissantes au Moyen-Orient. Les activités criminelles de divers mouvements djihadistes, dont Al-Qaïda (13) et ISIS (14), ont créé de nouveaux obstacles à la perception adéquate du bon héritage de l'islam traditionnel, accompagnés d'une haine pure et simple des autres musulmans et d'une islamophobie rampante.

Dans le contexte du facteur géopolitique, la renaissance des valeurs de l'Islam traditionnel est confrontée à plusieurs défis sérieux. D'une part, la proclamation de l'universalité du modèle de société occidental-libéral et les processus de mondialisation qui y sont liés ont posé des exigences intransigeantes quant à l'adaptation des valeurs islamiques séculaires aux modèles de la culture occidentale, ce qui se manifeste davantage dans les activités dites réformistes des activistes orientés vers l'Occident. D'autre part, il existe un soutien constant et tout à fait délibéré à tous les mouvements et organisations pseudo-islamiques radicaux, extrémistes et terroristes possibles pour discréditer les adeptes de l'Islam traditionnel et diaboliser l'Islam dans son ensemble, accompagné d'une promotion constante de l'islamophobie.

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Une sorte de dichotomie est en train de se créer, où l'effet destructeur de deux directions apparemment sans rapport vise à freiner les aspirations positives des représentants de l'islam traditionnel. La popularisation par les "réformateurs" d'idées telles que la "libéralisation de l'Islam", la "suprématie de l'individualisme sur la famille élargie", l'"égalité des sexes", le "rejet des traditions des écoles religieuses et juridiques", la "pertinence de la vie présente par rapport à la vie future" se fait sur fond de slogans radicaux et extrémistes des mouvements pseudo-islamiques sur le renforcement des normes religieuses, le rejet de toutes les formes de vie séculière et de traditions populaires, ainsi que le maintien d'un état de guerre constant (jihad) contre les "infidèles".

Tout cela crée une instabilité socio-économique et politique persistante, désorganisant la société et rendant impossible la planification de toute tâche positive et constructive pour l'avenir.

Pour contrer les menaces et les défis posés par le facteur géopolitique, il est nécessaire d'établir les fondements théoriques et méthodologiques de l'Islam traditionnel comme base scientifique pour la formation de contenu dans l'espace médiatique. En conséquence, toutes les images médiatiques tendancieuses existantes de l'Islam seront confrontées et ajustées selon la méthodologie scientifique de l'Islam traditionnel. Dans ce cas, l'image de l'Islam traditionnel sera adéquate et non déformée dans l'espace médiatique, ce qui assurera la souveraineté spirituelle et des bases saines pour le développement ultérieur de l'Islam dans l'intérêt non seulement des citoyens russes mais aussi de l'humanité entière.

Notes:

1. traduit de la langue arabe, il signifie "les gens de la Sunnah et de l'harmonie communautaire".

2. Le plus éminent penseur musulman, théologien, et fondateur de l'une des écoles kalama, qui porte son nom, les Asharites.

3. Abu Mansur Muhammad ibn Muhammad ibn Mahmud al-Maturidi as-Samarqandi (870, Maturid, près de Samarqand - 944, Samarqand), penseur islamique, fondateur et éponyme d'une école de kalam, le maturid.

4. "École théologique et juridique".

5. Les enseignements de l'école religieuse sunnite de l'islam sont liés à la doctrine de la charia.

6. Le madhhab Shafi'i est l'une des écoles de droit de l'islam sunnite, fondée par Muhammad ibn Idrees ash-Shafi'i. Ce mazhab a été formé sous la forte influence des mazhabs Hanafi et Maliki et a adopté leurs caractéristiques.

7. Le madhab Maliki est un madhab sunnite dont le fondateur est considéré comme étant Malik ibn Anas.

8. Le madhab hanbali (les adeptes du madhab sont appelés Hanbali) est l'une des quatre écoles de droit canoniques (madhabs) de l'islam orthodoxe sunnite ; son fondateur et éponyme est Ahmad ibn Hanbal, l'un des plus célèbres experts en hadiths.

9. Abu Ja'far Ahmad ibn Muhammad al-Tahawi (843/853, Taha-935, Égypte) est un célèbre érudit musulman sunnite, l'une des autorités du madhab Hanafi.

10. Najmuddin Abu Hafs 'Umar ibn Muhammad al-Nasafi (1067, Nasaf-1142, Samarqand) - Théologien islamique, juriste du mazkhab Hanafi, spécialiste du hadith, interprète du Coran.

11. Sadd al-Din Masud ibn Umar at-Taftazani (1322, Taftazan, Khorasan, - 1390, Samarqand) - le philosophe arabo-musulman, le représentant exceptionnel du Kalam tardif. Ses ouvrages sur la logique, la jurisprudence, la poétique, la grammaire, les mathématiques, la rhétorique et l'exégèse coranique étaient populaires comme guides d'étude.

12. "La sagesse mature dans l'explication des dogmes d'al-Nasafi".

13. Interdit sur le territoire de la Fédération de Russie.

14. Interdit sur le territoire de la Fédération de Russie.

 

vendredi, 15 avril 2022

Le traité de Rapallo de 1922

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Il est possible de faire autrement

Le traité de Rapallo de 1922 montre que l'Allemagne et la Russie peuvent pleinement coopérer - ce qui ne plaisait déjà pas aux puissances occidentales à l'époque.

par Hermann Ploppa

Source: https://www.rubikon.news/artikel/es-geht-auch-anders-3

La confrontation entre l'Occident dit des "valeurs" et la Russie ne cesse de s'intensifier. Bien avant que l'armée russe n'envahisse l'Ukraine en violation du droit international, le ton s'était déjà durci à l'égard de la Russie. Tout au long de l'histoire, la propagande antirusse a donné l'impression que les relations entre l'Allemagne et la Russie avaient toujours été hostiles. Cet oubli de l'histoire est politiquement voulu. Nous sommes tous plus ou moins conscients du terrible conflit armé de la Seconde Guerre mondiale. Elle a été suivie par la guerre froide, au cours de laquelle l'Allemagne de l'Ouest et l'Allemagne de l'Est se sont affrontées en tant qu'États de la ligne de front. Ce n'est qu'avec la politique de détente du chancelier Willy Brandt que d'autres sons de cloche se sont faits entendre. Une partie de notre mémoire collective veut que les relations avec notre voisin de l'Est aient toujours été extrêmement délicates. Mais c'est totalement faux.

La plupart du temps, les relations germano-russes ont été marquées par une étroite coopération et des échanges mutuels. Même à l'époque de la guerre froide, il y a eu des phases d'initiation d'une coopération étroite. Des rapprochements ont eu lieu entre le chancelier allemand de l'époque, Ludwig Erhard, et le chef d'État soviétique, Nikita Khrouchtchev. Le chancelier Helmut Kohl et Mikhaïl Gorbatchev ont également commencé à coopérer plus étroitement. Dans les deux cas, la perte soudaine du pouvoir des hommes forts de l'Est a conduit à la fin de l'Entente.

Une relation de confiance étroite s'est également développée entre le chancelier Gerhard Schröder et Vladimir Poutine. Le président français s'est également joint temporairement à ce groupe d'hommes. A Londres et à Washington, ces coopérations ont été regardées avec scepticisme. On y murmurait souvent que le dangereux "esprit de Rapallo" planait à nouveau sur l'Europe.

Le principe de la nation la plus favorisée

Il y a exactement 100 ans, le dimanche de Pâques 16 avril 1922, le traité portant le nom de la station balnéaire italienne était signé à Rapallo, près de Gênes, entre le Reich allemand et la République socialiste fédérative soviétique de Russie. Dans ce traité, les deux États s'assuraient le traitement de la nation la plus favorisée. En d'autres termes, ils ont commencé à entretenir des relations économiques normales, comme c'était le cas depuis longtemps entre tous les autres pays. Les deux pays renoncèrent aux demandes de réparations réciproques. En d'autres termes, ils renoncèrent aux indemnisations pour les dommages de guerre subis.

L'Allemagne a également renoncé à réclamer les biens allemands expropriés par les bolcheviques en Union soviétique. L'Allemagne a livré des installations industrielles à la Russie. En échange, la Russie fournissait à l'Allemagne le pétrole tant convoité. L'Allemagne a alors ouvert 2.000 stations-service qui servaient de l'essence en provenance d'Azerbaïdjan de la société de distribution soviétique Azneft.

Ce fut un pas en avant décisif pour l'économie allemande, qui souffrait encore largement du boycott de la communauté internationale. Une situation gagnant-gagnant absolue s'est également présentée dans le secteur militaire. En effet, le traité de Versailles interdisait à l'Allemagne d'avoir sa propre armée de l'air et ses propres unités de chars.

Les usines Junkers construisaient désormais leurs avions de guerre dans la banlieue de Moscou, à Fili. Les avions Junkers ont ensuite été testés à Lipetsk. Toute une génération de pilotes de chasse allemands a été formée ici. Les Allemands et les Russes ont également partagé des unités de gaz toxiques à Tonka. Alors que les soldats de la Reichswehr en Allemagne s'amusaient avec des chars factices sous les yeux des Alliés, des ingénieurs et des mécaniciens allemands construisaient de vrais chars en Union soviétique et les testaient à Kazan.

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L'architecte de Rapallo

Le traité de Rapallo est essentiellement l'œuvre du diplomate Adolf Georg Otto von Maltzan (photo), qui, par commodité, se faisait simplement appeler "Ago" (1). Ago von Maltzan avait déjà fait carrière à l'époque de l'Empire et, en tant que chef de la section Russie au ministère des Affaires étrangères, il travaillait depuis la fin de la guerre à un traité de coopération germano-russe. Lors de la conférence financière et économique de Gênes en avril 1922, il est apparu que la Grande-Bretagne et la France travaillaient également sur un traité économique avec l'Union soviétique.

Après avoir tenté d'imposer un changement de régime par une intervention militaire sanglante dans une Union soviétique encore fragile, puis avoir échoué lamentablement dans cette tentative, ces pays acceptaient désormais les bolcheviks comme nouveau "facteur d'ordre" dans la région et essayaient d'en tirer le meilleur parti.

Dans le même temps, les Soviétiques ont fait savoir au gouvernement allemand, par des canaux discrets, qu'ils pouvaient envisager un accord de coopération similaire à celui conclu avec les puissances occidentales, mais également avec l'Allemagne. La délégation allemande s'est alors mise en branle. C'était le 15 avril 1922 et il fallait être vigilant pour le lendemain afin de conclure un accord avec les Soviétiques avant la délégation américano-britannico-française. L'histoire a retenu ce que l'on a appelé la "conférence des pyjamas".

Pendant la nuit, Ago von Maltzan a rédigé le projet de traité et a tiré les membres de la délégation allemande de leur lit. En pyjama, les délégués se sont assis sur le bord de leur lit et ont travaillé ensemble sur le traité, paragraphe par paragraphe. Le ministre des Affaires étrangères responsable, Walther Rathenau, avait encore du mal. Il était plutôt sceptique quant à l'ensemble du projet. Mais finalement, Rathenau a accepté et le projet de traité a été adopté.

Le lendemain, les délégations allemande et soviétique se sont rencontrées, deux heures avant l'heure prévue pour la conclusion du traité, qui était celle fixée par les Alliés occidentaux. Du côté allemand, nous voyons en bonne place : le chancelier Joseph Wirth, le ministre des Affaires étrangères Walther Rathenau, le secrétaire d'État aux Affaires étrangères Ago von Maltzan et leur entourage.

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Du côté soviétique : Leonid Borissovitch Krassine, commissaire du peuple au commerce extérieur ; Georgi Vassiliévitch Tchitcherinr (photo), commissaire du peuple aux affaires étrangères, et comme conseiller Adolf Abramovitch Joffe, ambassadeur soviétique en Allemagne. La signature du contrat s'est déroulée dans une atmosphère très cordiale. Deux heures plus tard, la délégation des Alliés occidentaux est arrivée. Leur colère fut sans limite lorsqu'ils apprirent qu'on leur avait coupé les vivres au dernier moment.

Retour sur la scène internationale

Du point de vue allemand, le traité de Rapallo était la dernière chance d'échapper aux effets d'étranglement du traité de Versailles. En effet, le traité de Versailles n'a pas seulement dépossédé massivement les citoyens allemands et leur État mais les a plongés dans une servitude pour dettes totalement contre-productive, ce que l'économiste John Maynard Keynes, et non des moindres, a vivement condamné dans son livre très remarqué (2). L'Allemagne dans son ensemble a été chargée de la responsabilité exclusive du déclenchement de la guerre et mise au ban de la société par un isolement diplomatique.

L'État soviétique russe a également été mis au ban pour son opposition à l'ordre économique capitaliste et pour l'expropriation d'actifs étrangers. Il était donc logique que les stratèges des deux États parias réfléchissent intensément à une coopération germano-russe.

Les deux parties ont agi avec un pragmatisme absolu. La droite politique allemande voyait dans la coopération avec les bolcheviks une réelle opportunité de faire un retour en force de l'Allemagne en dehors des règles fixées par le régime de Versailles. Les partisans d'une union de l'Allemagne avec les puissances occidentales se trouvaient plutôt chez les libéraux et les sociaux-démocrates, tandis que les communistes votaient naturellement pour les Soviétiques.

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Malgré cela, la conclusion du traité de Rapallo le 16 avril 1922 entre l'Allemagne et la République socialiste fédérative soviétique de Russie fit l'effet d'une bombe sur la scène diplomatique internationale. La colère des Français et des Britanniques était immense. Car en fait, ils voulaient eux-mêmes conclure des traités avec les Soviétiques, qui s'étaient imposés comme "facteur d'ordre" sur le territoire de l'ancien empire tsariste. Les énormes ressources naturelles de l'empire géant font que toutes les réserves à l'égard de l'ennemi de classe communiste semblaient surmontables.

Or, le ministre allemand des Affaires étrangères Walther Rathenau et son secrétaire d'État Ago von Maltzan avaient signé le traité avec leur homologue soviétique Georgi Tchitcherine le dimanche de Pâques 1922, peu de temps avant que les Français et les Anglais ne signent un tel traité.

La méfiance des puissances occidentales

Le traité de Rapallo a été majoritairement bien accueilli en Allemagne. Les entrepreneurs allemands, en particulier, poussèrent Rathenau à le signer, car les marchés de l'Ouest leur étaient en grande partie fermés. De plus, on pensait qu'en annonçant la nouvelle politique économique, Lénine ferait un retour en arrière énergique vers l'économie de marché libérale - ce qui ne se réalisera pas sous cette forme, comme on le sait aujourd'hui. Un seul homme politique s'est élevé contre le traité de Rapallo : un certain Adolf Hitler, originaire de Bavière.

Le cas que le géopoliticien anglais Halford Mackinder a décrit dans une conférence donnée à Londres en 1904 comme le pire des cas pour les Anglais s'était donc produit : une puissance de dimension continentale, enclavée, s'était à nouveau alliée à une puissance côtière.

Les Allemands avaient rompu leur isolement et, par leur trahison, jugée sacrilège du point de vue anglais, laissaient entendre qu'ils étaient en mesure de construire dans l'espace eurasien un éventuel contre-pouvoir à l'ordre occidental.

En effet, peu après la fin de la guerre, des cercles influents de l'armée et de l'économie avaient déjà réfléchi à haute voix à un partenariat avec les Soviétiques.

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Walther Rathenau (photo), qui avait hérité du groupe électrique AEG de son père, et le président de son conseil d'administration, Felix Deutsch, entre autres, avaient publié un mémorandum le 17 février 1920. Dans ce document, il est fait référence à l'excédent de main-d'œuvre qualifiée en Allemagne, qui pourrait être parfaitement combiné avec un excédent de matières premières en Russie. Ce sont les "fruits qui mûriront dans un avenir pas très lointain, et non les avantages immédiatement tangibles, qui sont les plus importants si l'on veut juger de l'intérêt allemand à s'associer à la Russie soviétique" (3).

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Et le général-colonel Hans von Seeckt (ci-dessus), qui venait d'être promu chef de la direction de l'armée de terre de la Reichswehr en 1920, ne laissait aucun doute sur sa vision des choses dans deux mémoires publiés la même année :

"Ce n'est qu'en se rattachant fermement à la Grande Russie que l'Allemagne a la perspective de retrouver sa position de puissance mondiale... L'Angleterre et la France craignent la fusion des deux puissances terrestres et cherchent à l'empêcher par tous les moyens - c'est donc vers elle que nous devons tendre de toutes nos forces" (4).

Plus loin dans le second document : "Et si l'Allemagne se range du côté de la Russie, elle est elle-même invincible, car les autres puissances devront alors toujours tenir compte de l'Allemagne, car elles ne peuvent pas laisser la Russie sans surveillance" (5).

L'assassinat de Rathenau et ses conséquences

Mais Rathenau n'a plus eu la chance de pouvoir contribuer à l'évolution future. Tout comme Olof Palme, il refusait la protection rapprochée. Ainsi, le 24 juin 1922, deux mois à peine après avoir signé le traité de Rapallo, il fut abattu par deux tueurs à gages dans sa décapotable ouverte, alors qu'il se rendait à son travail au ministère des Affaires étrangères.

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L'indignation en Allemagne face à ce lâche assassinat a été gigantesque. Des centaines de milliers de personnes ont suivi son cercueil lors d'une impressionnante manifestation en faveur de la démocratie. Des émeutes de type guerre civile s'ensuivirent. Les assassins de Rathenau appartenaient à l'organisation Consul, également appelée  "Reichswehr noire". Il s'agissait d'une scission de la Brigade Erhardt, à laquelle appartenaient des sections importantes de la Division de fer, elle-même issue des Baltikum (mercenaires allemands) ...

La coopération germano-russe n'a jamais atteint la dimension envisagée par Rathenau et Seeckt. Néanmoins, l'armée de l'air et l'armée blindée allemandes ont continué à être développées en Union soviétique - jusqu'à ce que les nazis mettent fin à cette coopération d'un trait de plume en 1933.

Aujourd'hui, le traité de Rapallo du 16 avril 1922 est largement occulté de la mémoire collective. Il ne correspond tout simplement pas à l'agenda transatlantique.

Sources et notes :

(1) Niels Joeres : Der Architekt von Rapallo - Der deutsche Diplomat Ago von Maltzan im Kaiserreich und in der frühen Weimarer Republik. Heidelberg 2005.
(2) John Maynard Keynes : The Economic Consequences of the Peace. Londres 1919.
(3) Cité par Horst Günther Linke : Deutsch-sowjetische Beziehungen bis Rapallo. Cologne 1972. page 94.
(4) Ibid., page 153.
(5) Ibid., page 156.

Pour cet article, des passages du livre Der Griff nach Eurasien - Die Hintergründe des ewigen Krieges gegen Russland de Hermann Ploppa, Marburg 2019, ont été intégrés.

Livres de Hermann Ploppa:

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samedi, 12 mars 2022

Opération militaire en Ukraine : Analyse géopolitique

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Opération militaire en Ukraine : Analyse géopolitique

En toute exclusivité: la perspective russe selon Alexandre Douguine

Alexandre Douguine

Source: https://katehon.com/en/article/military-operation-ukraine-geopolitical-analysis?fbclid=IwAR3Y3lIY5eabLUPz3tvclSDLIcGNl6PFCv0d4vj71c0Avnjof-Ojj7AzSBM


La question ukrainienne à l'origine de la géopolitique

La place de l'Ukraine dans la confrontation géopolitique entre la Terre et la Mer a déjà fait l'objet de nombreux écrits et de descriptions détaillées. Il est d'ailleurs symbolique que le fondateur de la géopolitique, Halford J. Mackinder, ait été le haut commissaire de l'Entente pour l'Ukraine pendant la guerre civile en Russie. Et à cette époque-là, dans le gouvernement blanc de Wrangel, le fondateur de l'eurasisme, le géographe Piotr Savitsky, qui fut le premier, dans le journalisme de langue russe, à mentionner lui-même le terme "géopolitique" et à exposer les points principaux de cette méthodologie, travaillait comme assistant du ministre des Affaires étrangères Peter Struve.

La géopolitique : la guerre continuelle entre la terre et la mer

Mackinder a formulé la théorie de la grande guerre des continents, l'opposition entre la civilisation de la Mer (l'Occident en général, l'Empire britannique plus spécifiquement) et la civilisation de la Terre (Heartland, Russie-Eurasie) quelques années plus tôt, en 1904, dans son célèbre ouvrage The Geographic Pivot of History.  Terre (Rome, Sparte) et Mer (Carthage, Athènes) représentent deux civilisations antagonistes, opposées en tout - traditionalisme et modernité, spiritualité et matérialisme, esprit militaire et esprit commercial. Le conflit qui les oppose est une constante de l'histoire du monde.

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L'Eurasie, théâtre d'affrontements géopolitiques

Au cours des derniers siècles, lorsque le Grand Jeu, la confrontation entre les empires britannique et russe, battait son plein, la grande guerre continentale s'inscrivait dans l'espace de l'Eurasie. Dans cet espace, le "Heartland", c'était la Russie. Et la "civilisation de la mer" était portée par l'Angleterre. L'Angleterre tentait d'enserrer l'Eurasie de l'extérieur, depuis les océans. La Russie se défendait de l'intérieur, en essayant de briser le blocus.

La principale bande territoriale où se multipliaient les tensions se nommait alors, dans le langage spécial de la géopolitique mackindérienne, le Rimland, la "zone côtière". Elle s'étendait de l'Europe occidentale à l'Asie du Sud-Est, comprenait l'Inde et la Chine, en passant par le Moyen-Orient et l'Asie centrale.

L'objectif de la Mer était de subjuguer le Rimland. L'objectif de la Terre était de briser cette influence et de déserrer l'anneau de l'anaconda thalassocratique qu'il fallait rétrécir. C'est la raison de l'avancée de la Russie en Asie centrale et en Extrême-Orient.

D'où la formule principale de la géopolitique: "Qui contrôle l'Europe de l'Est contrôle le Heartland. Qui contrôle le Heartland, contrôle le monde". Telle est la théorie.

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Le démembrement de la Grande Russie

De par sa position de Haut Commissaire de l'Entente, Mackinder tenta de mettre la théorie en pratique. La guerre civile russe a donné à la civilisation de la mer une nouvelle chance de repousser les frontières du Rimland vers l'est, aux dépens des territoires qui quittaient alors la sphère de la puissance russe - la Finlande, la Pologne et, surtout, l'Ukraine.

Mackinder (comme Savitsky) avait compris que la victoire des bolcheviks conduirait inévitablement à une confrontation avec l'Occident et à une tentative de recréer l'Empire russe sous une nouvelle forme (et c'est exactement ce qui s'est passé). Et face à cette perspective, Mackinder a exigé que le gouvernement britannique soit plus actif dans l'aide aux Blancs [1], il a tenté de convaincre les dirigeants anglais de la nécessité de soutenir l'indépendance de l'Ukraine. Il a également élaboré un plan visant à séparer de la Russie la grande région du Caucase méridional, la Biélorussie, l'Asie centrale, ainsi que la Sibérie orientale et même un certain nombre de territoires du sud de la Russie. Plus tard, en 1991, l'effondrement de l'URSS permet, dans une large mesure, de réactiver le plan de Mackinder.

L'Ukraine et le cordon sanitaire

L'Ukraine jouait un rôle majeur dans le plan géopolitique de Mackinder. Ce territoire, avec la Pologne et les pays d'Europe de l'Est, faisait partie du "cordon sanitaire", une zone stratégique qui devait être sous le contrôle direct de l'Angleterre et de la France (les alliés de l'Entente à l'époque) et empêcher tout rapprochement entre la Russie et l'Allemagne. Retenue par un "cordon sanitaire", la Russie-Eurasie ne pouvait pas devenir un Empire à part entière. Sans l'Ukraine, la Russie n'est pas un Empire. Et de plus, l'Ukraine, rendue hostile à la Russie et placée sous le contrôle direct des Anglo-Saxons, couperait la Russie de l'Europe continentale, où l'Allemagne, à son tour, était un Heartland, mais pas un Heartland mondial (comme la Russie), mais local, européen. Le conflit de l'Angleterre avec l'Allemagne (aussi avec l'Autriche) était une constante de la géopolitique européenne.

En conséquence, le projet d'une Ukraine indépendante était initialement dirigé contre la Russie et était supervisé par les Anglo-Saxons.

Les bolcheviks créent et démantèlent simultanément l'Ukraine

Nous savons que pendant la guerre civile, les Blancs ont adhéré à une politique de restauration d'un Empire uni et indivisible. En même temps, ils dépendaient du soutien de l'Entente, qui leur imposait certaines conditions. Quoi qu'il en soit, le gouvernement britannique, n'étant pas d'accord avec Mackinder sur la nécessité d'un soutien fort aux Blancs en échange de leur accord à la sécession de l'Ukraine, les Blancs ont perdu la guerre. Dans cette configuration, le sujet a donc été écarté de l'ordre du jour.

Les bolcheviks, quant à eux, ont d'abord soutenu l'Ukraine et encouragé activement les cercles nationalistes en pensant qu'ils s'étaient orientés contre le "tsarisme", mais ils ont ensuite opté pour une politique centraliste, voyant que l'Ukraine n'allait pas accepter le pouvoir bolchevique sans se plaindre et cherchait à céder aux Anglo-Saxons (ce qui signifiait alors le "capitalisme mondial"). Par conséquent, comme Mackinder l'avait prévu, Lénine a commencé la saisie directe de l'Ukraine, qui n'avait pas eu, dans son passé, une histoire d'État indépendant et était une proie relativement facile pour les Rouges. Les Rouges n'ont pas réussi à conquérir la Pologne par le même stratagème. Mais le territoire de la Biélorussie, qui était revendiqué par la Pologne de Piłsudski, est resté aux mains des Rouges.

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Ensuite, déjà sous l'autorité des bolcheviks en 1922, Lénine a donné à la République socialiste soviétique d'Ukraine les vastes territoires qui avaient toujours fait partie de l'Empire russe - Slobozhanshchina, Donbass, Novorossiya, ainsi que de vastes zones au nord (oblast de Tchernigov) et à l'ouest (Petite Russie proprement dite). La Galicie est restée sous la tutelle de la Pologne, la Bucovine faisait partie de la Roumanie. La Crimée appartenait à la RSFSR.

Mais cet arrangement territorial de l'Ukraine n'impliquait pas véritablement la création d'un État. Le pouvoir bolchevique s'étendait à tous les territoires de l'URSS et, dans l'esprit de l'idéologie internationaliste, il ne pouvait être question d'un statut d'État pour les différentes républiques. Il s'agissait presque d'une division purement administrative dans le cadre d'un pouvoir solidement unifié. C'est exactement ce que Mackinder avait craint.

Les bolcheviks ont à la fois créé l'Ukraine et l'ont abolie (en tant qu'État indépendant).

L'Ukraine dans l'URSS après la Grande Guerre patriotique

La Galicie, la Volhynie et la Bukovine ont été annexées à l'Ukraine juste avant la Grande Guerre patriotique et la Transcarpathie - juste après la guerre. Mais à ce moment-là, la Russie-Eurasie sous la forme de l'URSS s'est déplacée de manière significative vers l'ouest, déplaçant la frontière du pays au détriment du Rimland, et établissant son contrôle sur l'Europe de l'Est, qui était toute entière sous le pouvoir de Moscou. L'URSS a ainsi réduit à néant et totalement aboli le "cordon sanitaire" de Mackinder et de Lord Curzon, s'installant directement en Europe continentale et s'emparant, en fait, des territoires de l'ancienne Prusse/Brandebourg (RDA).

Dans une telle position - profondément à l'arrière de ce rimland européen de l'Eurasie et donc dans le Heartland eurasien - l'Ukraine a existé jusqu'en 1991. Dans le même temps, pour des raisons de convenance purement administrative dans les limites d'un État absolument unitaire, Khrouchtchev a transféré en 1954 la Crimée à Kiev. Du point de vue géopolitique, cependant, cela ne signifiait rien, car toutes les frontières entre les sujets de l'URSS, les républiques fédératives, étaient conditionnelles et ne signifiaient rien du tout dans la pratique.

L'atlantisme et le monde bipolaire

Pendant la guerre froide, l'Occident est revenu à sa pratique particulière de la géopolitique. C'est ainsi qu'en 1949, suivant les modèles mise au point par Mackinder, l'OTAN (l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord) a été créée. Le terme "Atlantique" ayant été introduit dans le sigle de l'organisation militaire, le vocable "atlantisme" devient synonyme de "civilisation de la mer", de thalassocratie, dans le sens exact où Mackinder l'entendait. L'"atlantisme", c'est l'Occident et ses alliés, le monde capitaliste avec un noyau dur anglo-saxon, dont le centre, au XXe siècle, s'est progressivement déplacé de Londres à Washington, de l'Angleterre aux États-Unis.

La carte dessinée par Mackinder correspondait parfaitement à l'équilibre des forces dans la guerre froide, et les deux camps - le communiste et le capitaliste - étaient strictement alignés sur les critères attribués à la Terre et à la Mer. Le bloc de l'Est était la Terre, avec l'URSS en son centre, le Heartland. Le bloc occidental était la Mer, centrée sur l'Atlantique (les Anglo-Saxons), mais comprenait les colonies stratégiques d'après-guerre des États-Unis - les pays d'Europe, le Japon et d'autres États du tiers-monde qui proclamaient leur allégeance au capitalisme. Ils étaient disposés en ordre dispersé en Asie, en Afrique et en Amérique latine, qui constituaient la carte géopolitique de la confrontation mondiale. Terre et Mer s'affrontaient rarement directement (comme lors de la crise des missiles de Cuba), et agissaient généralement par le biais de leurs mandataires, les régimes pro-soviétiques ou pro-américains. Et si la Terre était directement impliquée dans un conflit - comme en Tchécoslovaquie, en Afghanistan, etc., alors la Mer s'y opposait par le biais de mandataires, de "proxies", de groupes et de mouvements antisoviétiques sans intervenir directement. Et quand la Mer intervenait ouvertement - comme en Corée et au Vietnam -  la Terre aidait indirectement, avec des conseillers, la diplomatie, l'économie, etc.

Le problème du Rimland

Pendant la guerre froide, le problème du Rimland est redevenu extrêmement pertinent. Ainsi, le géopolitologue américain Nicholas Spykman, révisant les théories de Mackinder, arrive à la conclusion que c'est le Rimland qui est la principale zone de confrontation. Il formule la loi de la géopolitique comme suit : "Celui qui contrôle le Rimland contrôle le monde". Mais il ne s'agit pas d'une nouvelle géopolitique, mais d'une réinterprétation - mineure - du poids des zones principales dans la théorie de Mackinder. D'autant plus que Mackinder lui-même a commencé par énoncer une théorie sur "l'Europe de l'Est", c'est-à-dire sur ce qui deviendra le "cordon sanitaire", et que celui-ci appartient au Rimland.

Quoi qu'il en soit, la guerre froide, d'un point de vue géopolitique, était une bataille pour le Rimland. Moscou a tenté d'étendre son influence - par le biais de partis et de mouvements de gauche - en Europe, au Moyen-Orient, en Asie, en Afrique et en Amérique latine. À une certaine époque, la Chine maoïste faisait également partie d'un camp socialiste unique, c'est-à-dire du Heartland eurasien.

L'attaque de l'Atlantisme

Lorsque l'URSS a commencé à s'affaiblir, les géopoliticiens atlantistes (Z. Brzezinski, R. Gilpin, etc.) ont commencé à penser et à agir de manière plus avant-gardiste. Outre le modèle bipolaire et le déplacement partiel de l'équilibre à la périphérie du monde et le long des contours de l'Eurasie, ils ont commencé à élaborer des concepts plus audacieux, évoquant un monde unipolaire. Ainsi, les idées de Mackinder ont retrouvé leur fraîcheur et leur pertinence. Pour obtenir la victoire décisive et finale de la civilisation de la mer, il fallait briser le bloc de Varsovie, puis de préférence l'URSS, et enfin ce qu'il en restait. En d'autres termes, faire progresser de manière significative le Rimland dans les profondeurs de la terre, en le bridant et en bloquant l'accès aux "mers chaudes", vers lesquelles la Russie tentait constamment de se porter.

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L'un des géopoliticiens atlantistes les plus constants était Zbigniew Brzezinski. À l'époque bipolaire, il soutenait farouchement les forces antisoviétiques en Afghanistan, jusqu'à et y compris Al-Qaïda. Au début des années 80, Brzezinski et Kissinger se sont efforcés de rompre définitivement les derniers liens que la Chine entretenait encore avec l'URSS, en cherchant à l'inclure dans l'économie mondiale et à l'intégrer progressivement dans la civilisation de la mer.

Lorsque les processus destructeurs de l'URSS ont commencé à agir, les atlantistes ont augmenté la pression sur l'Europe de l'Est, provoquant, fomentant et soutenant par tous les moyens possibles des sentiments artificiellement antisoviétiques/russophobes. D'un point de vue géopolitique, le soviétique et le russe coïncidaient à l'époque.

Avec Gorbatchev, l'effondrement rapide du camp socialiste a commencé. La Terre reculait, la Mer avançait. Nous ne devons donc pas être surpris que l'expansion de l'OTAN vers l'Est ait commencé et se soit parachevé. Cette expansion était à l'origine inscrite dans la théorie géopolitique de l'atlantisme. On ne pouvait rien attendre d'autre de la politique atlantiste.

La création de l'anti-Russie

Lorsque l'on a assisté à l'effondrement de l'URSS, les projets de Mackinder visant à démembrer la Russie-Eurasie, redevenaient toujours plus pertinents. Les frontières conditionnelles des républiques au sein d'un État unitaire, entièrement et étroitement contrôlé par le parti communiste, se sont soudainement transformées en frontières d'États-nations souverains. Tous les États post-soviétiques ont été créés selon les moules atlantistes. Ces entités n'ont d'autre sens que d'être anti-russes. L'une de ces "Anti-Russie" était la Fédération de Russie elle-même. Mais parce que la Fédération de Russie occupait le territoire du Heartland, même si elle s'est considérablement réduite, elle représente toujours la Terre ennemie aux yeux des géopoliticiens atlantistes, c'est-à-dire de l'ennemi thalassocratique. Et pour achever l'ennemi, il a fallu pousser l'OTAN plus loin vers l'Eurasie, et aussi tenter de démembrer la Russie elle-même (la première campagne de Tchétchénie, la vague des séparatismes internes à la Fédération de Russie, etc.)

La Russie ne pourra jamais se relancer sans l'Ukraine.

Tous ces processus, Brzezinski les a compris et a contribué à les mettre en pratique (comme Mackinder l'avait fait auparavant). Dans son célèbre livre Le grand échiquier, Brzezinski parle ouvertement de la nécessité de démembrer davantage la Russie, de renforcer le "cordon sanitaire", etc. Plus important encore, Brzezinski comprend le rôle de l'Ukraine dans cette question. Brzezinski dit à son propos que la chose la plus importante est :

    - d'arracher irrévocablement l'Ukraine, alors hésitante, à la Russie,
    - d'en faire un avant-poste de l'Atlantisme et
    - d'imposer à son peuple le nationalisme russophobe comme idéologie principale.

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Sans l'Ukraine, la Russie ne sera jamais en mesure de devenir une puissance souveraine à part entière, un Empire, un pôle indépendant du monde multipolaire. Ainsi, le sort de l'unipolarité et du globalisme (pour Brzezinski, c'est presque la même chose), dépend de la capacité de l'Occident à mettre en œuvre la séparation de l'Ukraine d'avec la Fédération de Russie. Après tout, si la Russie et l'Ukraine s'unissent - d'une manière ou d'une autre, l'unipolarité s'effondrera et la carte géopolitique changera à nouveau de manière irréversible.

La bataille pour l'Ukraine et contre la Russie est une constante historique dans la stratégie géopolitique de l'Occident. Cela explique tout, de la déclaration d'indépendance à la révolution orange Iouchtchenko-Timochenko, en passant par le Maïdan et huit années de préparation intensifiée par Kiev, sous la houlette des instructeurs atlantistes, aux opérations militaires visant à s'emparer du Donbass et de la Crimée.

La naissance de la géopolitique en Russie : L'Eurasie comme sujet

Depuis le début des années 1990 en Russie, juste au moment de l'effondrement de l'URSS et de l'arrivée au pouvoir des agents atlantistes (l'ancien ministre des Affaires étrangères Andrey Kozyrev a directement admis qu'il était un atlantiste), contrairement à l'attitude politique et idéologique de base envers le libéralisme et l'occidentalisme, la Russie - principalement dans les cercles militaires (en particulier, à l'Académie d'état-major militaire) - a commencé à développer sa propre école géopolitique. Elle était basée sur l'eurasisme, car ce sont les premiers Eurasiens russes qui, dans les années 1920, ont décrit la carte géopolitique de la confrontation entre la Russie et l'Occident, en dehors de l'idéologie communiste (les Eurasiens étaient des Blancs). Leurs idées sont les plus adaptées à la situation actuelle, face à l'offensive de l'OTAN à l'Est et aux propres politiques incompréhensibles (par endroits perfides) de Moscou. Les militaires ne pouvaient pas prendre pour amis ceux dont ils enregistraient toutes les heures les intentions et les actions agressives contre la Russie. Mais le gouvernement libéral est resté sourd à la géopolitique. Néanmoins, l'école géopolitique ne pouvait être détruite. Tout le monde était occupé par les processus fascinants de la corruption totale.

La géopolitique expliquait parfaitement ce qui se passait en Europe de l'Est et dans l'espace post-soviétique dans les années 1990 (l'écrasement par la mer de la terre, l'expansion des "cordons sanitaires" et du territoire du Rimland), mais cette compréhension restait à l'intérieur des cercles militaires, qui n'appréciaient guère la politique officielle, mais qui n'avaient à l'époque aucun poids ni aucune influence politique. Les atlantistes, en revanche, ont méthodiquement poursuivi leur cause, nourrissant et renforçant l'anti-Russie, à la fois à l'extérieur et, en partie, au sein même de la Fédération de Russie.

Poutine change le vecteur géopolitique

Tout a changé lorsque Poutine est arrivé au pouvoir. Il a commencé par restaurer la souveraineté de la Russie, à se débarrasser des agents atlantistes qui étaient à la tête du pays, à concentrer et à développer son potentiel militaire, et à renforcer l'unité de la Russie. La deuxième campagne de Tchétchénie, l'introduction des districts fédéraux et les changements dans la législation ont renforcé l'intégrité territoriale et la verticalité du pouvoir. Poutine a progressivement commencé à s'opposer de plus en plus à l'Occident et à mener une politique d'intégration eurasienne dans l'espace post-soviétique. En bref, Poutine a rendu à la Russie le statut de sujet de la géopolitique, et a anénati son état de déréliction, qui faisait d'elle un objet de la géopolitique globale, atlantiste. Il a rejoint de manière consciente et responsable la grande guerre continentale au nom de la Terre.

Cela n'a pas échappé à l'Occident et a entraîné une pression accrue sur les pays post-soviétiques pour qu'ils adoptent une position de plus en plus anti-russe, pour qu'ils s'intègrent plus rapidement aux structures occidentales. Cela a touché tous les pays post-soviétiques, mais surtout l'Ukraine. Il dépendait de l'Ukraine de déterminer si la Russie serait capable ou non de restaurer pleinement sa souveraineté géopolitique. Selon les lois de la géopolitique, sans l'Ukraine, la Russie n'est pas un Empire, pas un pôle, pas une civilisation, mais avec l'Ukraine, elle est un Empire, un pôle et une civilisation. Et cette formule peut être lue depuis deux positions - celle des yeux de la Mer et celle des yeux de la Terre. De toute évidence, Poutine l'a lue avec les yeux de la Terre, car il était et reste le dirigeant du Heartland, conscient et puissant.

Le nationalisme ukrainien comme outil géopolitique de l'Atlantisme

Dans le même temps, l'initiateur des cataclysmes en Ukraine était l'Occident atlantiste. Même les politiques neutres, modérément pro-occidentales - multi-vectorielles - de Kuchma ou de Yanukovich ne convenaient pas aux atlantistes. Ceux-ci ont fait pression sur Kiev pour que l'Ukraine se transforme le plus rapidement possible en une anti-Russie agressive et radicale, attaquante. Dans cette logique, Kiev devait attaquer. 

Cela explique la Révolution orange, le Maïdan et les raisons de l'opération militaire russe actuelle.

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L'Occident se battait pour l'Ukraine. Il faut tenir compte du fait que l'Ukraine n'a pas du tout d'histoire en tant qu'Etat inscrit dans la durée, et que les territoires dans lesquels elle se trouve sont historiquement accidentels et sont le résultat de la créativité administrative des bolcheviks. Lorsque Poutine a justifié l'opération militaire en Ukraine en disant que "Lénine a créé l'Ukraine", il avait parfaitement raison. Cependant, Lénine n'a pas créé l'Ukraine en tant que telle, mais une des zones de contrôle bolchevique parmi d'autres. La nationalité, selon la théorie bolchevique, devait être complètement dépassée dans une société internationale socialiste. Lénine a créé l'Ukraine et l'a en fait immédiatement abolie.

Par conséquent, après 1991, il y avait sur le territoire de l'Ukraine des peuples et des territoires ayant chacun une histoire, une identité, une langue et une culture complètement différentes. La moitié d'entre eux n'étaient pas du tout différents des Russes. La seconde moitié était constituée d'Ukrainiens plus ou moins russifiés. Et seule une écrasante minorité professait une idéologie nationaliste autoproclamée. Mais seule cette minorité était capable, selon les géopoliticiens occidentaux, de transformer les Ukrainiens en une "nation" et ce, à un rythme accéléré. Il s'agissait d'un projet géopolitique atlantiste. Dans d'autres pays, l'Occident a soigneusement éradiqué le nationalisme, surtout dans ses formes radicales. En Ukraine, cependant, l'Occident a agi exactement à l'inverse, soutenant activement toutes les formes de nationalisme jusqu'aux plus extrêmes. Selon les stratèges atlantistes, c'était le seul moyen d'accélérer la formation d'une construction artificielle, rigidement russophobe, un simulacre virtuel de nation. C'est pourquoi la sphère de l'information était si importante, car elle inculquait de manière obsessionnelle aux Ukrainiens une haine infondée des Russes et de tout ce qui unissait nos peuples. Toutes les inepties étaient utilisées, jusqu'à "l'ancienne civilisation des anciens Ukrainiens", ce qui n'aurait provoqué qu'une totale perplexité en Occident. Cependant, toute l'opération était supervisée par les services secrets atlantistes, et c'est pourquoi l'Occident a créé une image artificielle de l'Ukraine comme une jeune démocratie ouvertement vulnérable, souffrant de la menace russe. En fait, un état d'esprit nazi s'est affirmé de manière obsessionnelle dans la société, inextricablement lié à l'atlantisme et même au mondialisme libéral (peu importe combien ces systèmes se contredisent, car le mondialisme nie l'État, et le libéralisme toute identité collective, et surtout l'identité nationale).

L'affrontement final

Le virage russophobe prononcé de Kiev et de l'ensemble de la société ukrainienne est le résultat des événements de Maidan de 2013-2014, qui ont culminé avec l'expulsion et la fuite du président Ianoukovitch. Ianoukovitch n'était ni un politicien pro-russe ni un eurasiste. C'était plutôt un pragmatique à courte vue, mais même cela, du point de vue de l'Occident, était tout aussi inacceptable. L'Occident voulait "tout et pas tout". En regardant la Russie de Poutine se renforcer et en tenant compte des événements de 2008 en Géorgie, où l'Occident a également opposé Saakashvili à la Russie, mais où le résultat n'était clairement pas en faveur de la civilisation de la Mer, les Atlantistes ont décidé d'agir par les méthodes les plus radicales.

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L'actuel président américain Joe Biden, alors vice-président, et d'autres membres de son équipe, comme Victoria Nuland, etc., ont participé très activement au renversement de Ianoukovitch et à la préparation du Maïdan. L'objectif était le même que celui de Mackinder et Brzezinski : arracher enfin l'Ukraine à la Russie et préparer le terrain pour un conflit violent entre Kiev et Moscou.

Poutine a répondu en ramenant la Crimée dans le giron russe et en soutenant le Donbass, mais cela n'a pas résolu le problème sur le plan géopolitique. Poutine a déjoué le plan visant à accélérer l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, notamment celui qui visait à expulser la marine russe de Sébastopol, il a ensuite empêché les génocides en Crimée et dans le Donbass, mais l'ampleur de l'Ukraine était trop importante pour qu'il puisse poursuivre son offensive eurasienne en 2014 et mener la défense du monde russe à sa conclusion logique. À ce moment-là, la Terre a cessé de réagir. Le processus des accords de Minsk avait commencé, mais d'un point de vue géopolitique, il était évident qu'aucune solution pacifique ne pourrait être trouvée et qu'une confrontation directe se produirait inévitablement tôt ou tard. En outre, les services de renseignement russes ont reçu des informations selon lesquelles la partie ukrainienne ne faisait que profiter de ce report pour préparer une opération militaire dans le Donbass, puis en Crimée.

Les forces nationalistes qui avaient remporté le coup d'État de 2014 à Kiev haïssaient encore plus la Russie, déployaient une propagande massive pour laver le cerveau de la population, lançaient une opération punitive brutale contre les habitants du Donbass, victimes d'un génocide systématique, et préparaient une attaque contre le Donbass et la Crimée d'ici le printemps 2022. Dans le même temps, Kiev, en collaboration avec l'Occident, élaborait des plans pour construire ses propres armes nucléaires. En outre, il y avait des laboratoires biologiques dispersés dans toute l'Ukraine, engagés dans des expériences illégales pour produire des armes biologiques.

Tout cela faisait partie d'une même géostratégie atlantiste.

[1] L'armée blanche (également connue sous le nom de Gardes blancs ou simplement Blancs) était des forces militaires qui ont combattu le régime bolchevique pendant la guerre civile russe.

mercredi, 06 octobre 2021

Aérocratie

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Pavel Toulaev

Aérocratie

L'aérocratie est un terme qui exprime l'une des formes les plus importantes de domination du monde, la domination de l'air.

Au sens strict, le mot "air" désigne l'air qui nous entoure, l'air que nous respirons. Dans un sens plus large, l'air est l'ensemble de l'atmosphère, l'environnement gazeux autour de la terre, et l'espace proche. Il y a ensuite le concept alchimique de l'air, l'un des quatre éléments cosmogoniques (avec l'eau, le feu et la terre). Lui est associée la sphère de l'esprit, qui plane au-dessus de la matière dense et forme le Ciel chrétien.

Pour la Russie, l'air, dans tous ses sens, est un domaine d'une importance capitale. Le cosmos russe, dans sa spécificité, s'adresse dans une plus large mesure au ciel qu'à la terre. Invisible en termes d'espace, et en même temps fermé, autosuffisant, il est plus "aérien" que matériel. Les célèbres paroles de Jean de Cronstadt (photo) selon lesquelles la Sainte Russie a des frontières avec Dieu ont un fondement profond.

jdc.jpgLes particularités du destin historique et de la géographie de la Russie, qui se reflètent naturellement dans les frontières de l'URSS, ont déterminé les grandes lignes de l'Idée russe. Étant multidimensionnelle et supranationale, elle comprend comme éléments essentiels l'idéalisme, la sobornost, l'impérialisme, le colonialisme, le volontarisme, le cosmisme. Tous ces éléments sont reliés à l'élément "air", au ciel, et ont un vecteur divin ou surhumain. Sur le plan religieux, ils indiquent la voie de la perfection intérieure, tandis que sur le plan technique, ils indiquent la sphère de l'expansion extérieure.

Au cours de la première décennie du vingtième siècle, le rêve séculaire des humains de conquérir le ciel a commencé à se réaliser. Les avions ont été fabriqués en production industrielle. Une révolution dans les transports et les communications a commencé. Si, au cours de la Première Guerre mondiale, les avions n'ont eu que des fonctions auxiliaires et que la charge principale du transport était assurée par les transports maritimes et terrestres, l'issue de chaque opération militaire majeure au cours de la Seconde Guerre mondiale dépendait dans une large mesure de la participation de l'aviation. L'URSS, principal vainqueur d'Hitler, avait terminé la guerre avec une puissante flotte aérienne, principale artère de transport du commonwealth socialiste, tandis que son allié temporaire, les États-Unis, avait créé une structure coloniale moderne basée sur l'aviation. 

Un nouveau cycle de rivalité entre les superpuissances s'est développé face aux changements dans l'infrastructure du monde. S'appuyant sur une marine traditionnellement puissante, les pays anglophones, menés par les États-Unis, ont créé un système mondial de "thalassocratie" (pouvoir par la mer) avec l'aide de l'aviation. Ils ont entouré les pays terrestres du Pacte de Varsovie d'un réseau de bases militaires et les ont enfermés dans le continent. Le blocus géopolitique a été complété par le rideau de fer dans le domaine de l'information, plaçant effectivement les Russes en dehors des frontières de la "civilisation occidentale".

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L'URSS et ses nouveaux alliés, principalement à l'Est, n'avaient pas la capacité technique de répondre symétriquement à l'Ouest. L'inévitable solution asymétrique à la division des sphères d'influence a été la course à l'aérospatiale. Le contrôle de la mer, de l'océan mondial et de sa civilisation, ne pouvait être exercé que depuis l'espace. Cette vérité alphabétique de la stratégie militaire, qui découle naturellement de la logique même du développement du monde, a contribué à ce que les projets fantastiques de Tsiolkovsky de coloniser l'Univers commencent à prendre des traits de plus en plus réalistes. 

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La concurrence pour la domination de l'espace a inévitablement entraîné une rivalité dans le domaine de la haute technologie. Deux systèmes de normes, indépendants l'un de l'autre, ont vu le jour. Chaque découverte scientifique et technologique a fini par graviter vers le système soviétique ou américain. La course technologique, qui s'est transformée en une guerre des civilisations, la "guerre froide", a été perdue par l'URSS. Elle a été perdue pour des raisons idéologiques, et non technologiques. 

Aujourd'hui, l'Occident, qui triomphe sur ses lauriers, nous propose, au lieu du désarmement idéologique, un désarmement militaro-technique. Cette politique est menée sous le couvert de la lutte pour la paix et un environnement propre à travers des projets dits communs, des sociétés mixtes et des programmes internationaux. Cette coopération, pour ne pas dire plus, ne reflète pas toujours les intérêts russes. Les sponsors étrangers nous accordent des prêts temporaires et en échange, ils reçoivent des informations stratégiquement importantes. 

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L'histoire de la lutte pour la station orbitale Mir et le projet Alpha en est un exemple typique. Ayant reçu un montant relativement faible pour la modernisation de l'industrie aéronautique, la partie russe a en fait volontairement remis l'initiative stratégique entre les mains des États-Unis et de ses partenaires de l'OTAN. Si la station Mir était un symbole de l'ère soviétique dans l'histoire de l'aérocratie, Alpha est en train de devenir un symbole de la domination américaine dans l'espace.

Il est également important de comprendre que l'aérocratie moderne est étroitement liée à la médiocratie - le pouvoir dans le domaine de l'information. Toutes les formes de communication les plus récentes, où la haute technologie a été introduite (télévision, radio, ordinateur, téléphone), sont réalisées à travers "l'air" ou "l'espace". 

Dans les nouvelles conditions, la lutte pour le ciel acquiert d'autres caractéristiques. Cependant, les anciens problèmes - spirituels, économiques, de colonisation - ne sont pas abolis, mais seulement élevés à un nouveau niveau. La question de savoir à qui appartiendra le "ciel" réside finalement dans la solution du problème de la domination elle-même. 

Faisons donc tout ce qui est en notre pouvoir pour que la jeune génération du peuple russe remporte une victoire décisive dans la bataille pour les sphères d'influence stratégiques et que, lors d'un défilé festif, elle répète fièrement les paroles de ses grands-pères : "Hourra ! Le ciel est à nous ! L'espace est à nous !".

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lundi, 17 août 2020

Zinoviev et le grand avènement de la démocratie totalitaire

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Zinoviev et le grand avènement de la démocratie totalitaire

par Nicolas Bonnal

Alexandre Zinoviev devint un dissident de la société mondiale après avoir été un dissident soviétique. A l’époque il y avait des dissidents, maintenant, comme dit Paul Virilio, il n’y a plus que des dissuadés.

En 1998 le maître répond à une interview et explique que tout allait bien à l’ouest quand nous étions sous la menace soviétique (le capital avait peur) :

« Pendant la guerre froide, la démocratie était une arme dirigée contre le communisme, mais elle avait l’avantage d’exister. On voit d’ailleurs aujourd’hui que l’époque de la guerre froide a été un point culminant de l’histoire de l’Occident. Un bien être sans pareil, un extraordinaire progrès social, d’énormes découverts scientifiques et techniques, tout y était!»

La fin du communisme fut le crépuscule de nos droits sociaux et politiques (fin de l’Histoire !) :

« Mais la fin du communisme a aussi marqué la fin de la démocratie, notre époque aujourd’hui n’est pas que post communiste, elle est aussi post démocratique. Nous assistons aujourd’hui à l’instauration du totalitarisme démocratique, ou si vous préférez à l’instauration de la démocratie totalitaire. »

30046266853.jpgZinoviev décrit très bien le redoutable mondialisme qui naît du défunt et redouté communisme :

« Aujourd’hui nous vivons dans un monde dominé par une idéologie unique, un fait unique, par un parti unique mondialiste. La constitution de ce dernier a commencé à  l’époque de la guerre froide, quand des structures transnationales se sont mises en œuvre sous les formes les plus diverses : médias, sociétés bancaires, sociétés commerciales…Malgré leurs différents secteurs d’activités, ces forces étaient unies par leur nature supranationale. Avec la chute du communisme, elles se sont retrouvées aux commandes du monde. »

Cette démarche est suicidaire, qui va à terme, avec la crise du Covid, nous priver de nos libertés, de nos économies et aussi (pourquoi pas ?) de nos vies :

 « Les pays occidentaux sont donc dominateurs, mais aussi dominés car perdent progressivement leur souveraineté au profit de ce que j’appelle la «supra société». Elle est constituée d’entreprises commerciales et non commerciales dont la zone d’influence dépasse les nations. Les pays occidentaux sont soumis comme les autres au contrôle de ces structures non nationales… Or la souveraineté des nations est elle aussi une part considérable et constituante du pluralisme, donc de la démocratie, à l’échelle de la planète. »

Zinoviev comprend l’horreur européenne :

« L’intégration Européenne qui se déroule sous nos yeux, provoque elle la disparition du pluralisme au sein de ce conglomérat, au profit d’un pouvoir supranational. »

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Il comprend que nous ne connaîtrons plus de démocratie politique ou économique comme à l’époque de la guerre froide :

« Les pays occidentaux ont connu une vraie démocratie à l’époque de la guerre froide. Les partis politiques avaient de vraies divergences idéologiques et des programmes politiques différents. Les organes de presse avaient des différences marquées, eux aussi. Tout cela influençait la vie des gens, contribuait à leur bien-être. C’est bien fini.

Parce le capitalisme démocratique et prospère, celui des lois sociales et des garanties d’emploi devait beaucoup à l’épouvantail communiste. L’attaque massive contre les droits sociaux à l’ouest a commencé avec la chute du communisme à l’ouest. »

les-hauteurs-beantes-141693-264-432.jpgA la fin des années 90  les socialistes sont de pures canailles (voyez aussi les excellents pamphlets de Guy Hocquenghem et de mon éditeur Thierry Pfister qui datent des années 80) :

« Aujourd’hui les socialistes au pouvoir dans la plupart des pays d’Europe mènent une politique de démantèlement social qui détruit tout ce qu’il y avait de plus socialiste justement dans les pays capitalistes. Il n’existe plus en occident de force politique capable de défendre les humbles. L’existence des partis politiques est purement formelle. Leurs différences s’estompent chaque jour d’avantage. »

C’est le totalitarisme financier jadis expliqué par Paddy Chayefsky dans Network (1976) :

« La démocratie tend aussi à disparaître de l’organisation sociale occidentale.

Cette super structure non démocratique donne des ordres, sanctionne, bombarde, affame. Même Clinton s’y conforme. Le totalitarisme financier a soumis les pouvoirs politiques. Le totalitarisme financier est froid. Il ne connaît ni la pitié, ni les sentiments. Les dictatures politiques sont pitoyables en comparaison de ce totalitarisme-là. Une certaine résistance était possible au sein des dictatures les plus dures, aucune révolte n’est possible contre une banque. »

L’andouille qui interroge Zinoviev l’accuse déjà de Théo rire du complot quand Zinoviev ne pratique que la théorie de la constatation. Zinoviev rappelle que nous sommes très abrutis :

« Nous sommes dans une époque post idéologique mais en réalité la supra idéologie du monde occidental diffusée au cours des 20 dernières années est bien plus forte que l’idéologie communiste ou nationale-socialiste. Le citoyen occidental est bien plus abruti que ne l’était le soviétique moyen par la propagande communiste. Dans le domaine idéologique, l’idée importe moins que les mécanismes de sa diffusion. Or la puissance de diffusion des médias occidentaux est énorme. (…) Il suffit que la décision soit prise de stigmatiser un Karadzic ou un Milosevic et ça y est, une machine de propagande planétaire se met en branle. Et alors qu’il faudrait juger les dirigeants occidentaux pour viol de toutes les règles de droit existants… La majorité des citoyens occidentaux sont persuadés que la guerre contre la Serbie était juste. »

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Puis Zinoviev fait une remarque intéressante sur un sujet que j’avais évoqué dans la presse russe (pravda.ru) :

« L’Occident se méfiait moins de la puissance militaire soviétique que de son potentiel intellectuel, artistique, sportif. Parce qu’il dénotait une extraordinaire vitalité. Or c’est la première chose à détruire chez son ennemi. Et c’est ce qui a été fait. La science Russe dépend aujourd’hui des financements Américains. Et est dans un état pitoyable, car ses derniers n’ont aucun intérêt à faire travailler leurs concurrents. Ils préfèrent faire travailler les avants Russes aux Etats-Unis. Le cinéma soviétique a lui aussi été détruit et remplacé par le cinéma Américain. »

Le destin de l’Amérique est d’abrutir et de « fabriquer de la merde » comme me disait un jour le grand et courageux cinéaste Richard Brooks :

51TneYRmBmL._AC_UL600_SR414,600_.jpg« En littérature, c’est la même chose. La domination mondiale s’exprime, avant tout, par le diktat intellectuel ou culturel si vous préférez. Voilà pourquoi les Américains s’acharnent depuis des décennies à faire baisser le niveau culturel et intellectuel du monde : ils veulent baisser au leur pour pouvoir exercer ce diktat. »

J’ai évoqué ces réalités dans mes textes sur la culture comme arme de destruction massive. Regardez ce qu’ils ont fait de l’Inde ou de l’Asie… Tous abonnés à Marvel comics ! Même Scorsese ou Ridley Scott s’en sont plaint…

Tout cela est irrésistible car c’est malheureusement un vieux processus. C’est l’uniformisation entamée depuis la Renaissance. Ici Zinoviev rejoint Spengler et René Guénon :

« Le processus d’uniformisation du monde ne peut être arrêté dans l’avenir prévisible. Car le totalitarisme démocratique est la dernière phase de l’évolution de la société occidentale. Evolution commencée à la Renaissance. »

Sources :

Extrait du livre d’Alexandre Zinoviev: «La grande rupture» Disponible à l’age d’homme. L’entretien à été réalisé par Victor Loupan à Munich en juin 1999 quelques jours avant le retour définitif de Zinoviev en Russie.

https://alexandrelatsa.ru/2008/01/la-grande-rupture-analy...

https://www.pravdareport.com/opinion/122042-western_cultu...

https://strategika.fr/2020/08/07/la-culture-moderne-comme...

https://www.amazon.fr/CULTURE-COMME-ARME-DESTRUCTION-MASS...

 

 

 

dimanche, 09 août 2020

The Prison Plays of Aleksandr Solzhenitsyn

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The Prison Plays of Aleksandr Solzhenitsyn

Ex: http://www.counter-currents.com

Known mostly as a novelist, memoirist, and historian, Aleksandr Solzhenitsyn had actually completed four plays before his first novel, One Day in the Life of Ivan Denisovich, was published in 1962. He composed his first two, Victory Celebrations and Prisoners, while a zek in the Soviet Gulag system in 1952. These Solzhenitsyn composed in verse and memorized before burning since prisoners were forbidden to own even scraps of paper. His third play, the title of which is most commonly translated into English as The Love-Girl and the Innocent, he composed outside of the gulag in 1954 while recovering from cancer. In writing Love-Girl, he rejoiced in his ability to actually type and hide his manuscript, rather than keep it all bottled up in his head. [1] [1] Solzhenitsyn composed his final play, Candle in the Wind, in 1960 in an earnest attempt to become a Soviet playwright. Where his earlier plays exposed the evil and corruption of the gulag system — and beyond that, impugned the Soviet Union for its unworkable Marxist-Leninist ideology, disastrous collectivization policies, totalitarian government, and ubiquitous cult of personality in Stalinism — Candle in the Wind avoided politics altogether. It takes place in an unspecified international setting and focuses on the dangerous effects of untrammeled technological progress on the human soul. Of all his plays, Candle in the Wind has the least relevance to the political Right. It also cannot be classified as a prison play, despite how its main character had recently been released from prison.

It would be fair to describe Solzhenitsyn’s first two prison plays as “apprentice works,” in the words of his biographer Michael Scammell. [2] [2] And this is not just in comparison to Solzhenitsyn’s most famous and successful volumes such as One Day and the sprawling Gulag Archipelago. Victory Celebrations and Prisoners do come across as uneven and amateurish. Excessive dialogue makes the reading tedious at times. Solzhenitsyn always had the historian’s impulse to explain and the prophet’s impulse to warn, and seemed to doggedly follow both impulses while writing these plays. As a result, purely narrative elements such as plot and character tend to suffer. Further, many of the themes appearing in his prison plays resurface in more complete form in both One Day and Gulag as well as in his other early novels Cancer Ward and In the First Circle.

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Regardless, it is in his three prison plays where Solzhenitsyn’s conservative, Christian, ethnonationalist, and anti-Leftist outlook appears as firm as it does in his later works. It’s as if the man never changed, other than spending the last forty-eight years of his life not writing plays. Even if he had stopped writing altogether by 1960, his prison plays still would have had value to the Right for their keen perception of human nature under the most trying circumstances as well as for their conveyance of the cruelties and absurdities brought about by an oppressive communist ideology that is wholly at odds with human nature. That Solzhenitsyn had produced works that were much greater than these three plays later in his career is no reason for any student of the Right to exclude them from study.

Victory Celebrations

Burdened with a loose plot, excessive dialogue, and an awkwardly large cast of characters, Victory Celebrations (also called Feast of the Conquerors) takes place during the last days of World War II in which a Soviet artillery battalion prepares a lavish victory banquet in the Prussian mansion they had just captured. The play switches back and forth from the minor characters opining their various frustrations with the Soviet regime to what could be a political — potentially deadly — love triangle. This relationship is the heart of the play and produces its only real suspense, brief and poignant as it is.

Galina, a Russian girl living in Vienna, had traveled to Prussia to be with her fiancé who is fighting with the doomed Russian Liberation Army (a force of disgruntled Red Army POWs and anti-Soviet, pro-White Russian émigrés whom had been conscripted by the Germans). Before the story begins, however, she is captured by the battalion and convinces them that she had been a prisoner of the Germans working as a slave girl. Believing her, they invite her to take part in the upcoming celebration.

Counter-intelligence officer Gridnev, however, sees through her and suspects that she is a spy. Any Russian person who has had exposure to the enemy must be held suspect, and Gridnev quickly threatens her with imprisonment if she does not confess all. But Galina is also beautiful, and Gridnev soon finds himself falling in love (or lust) with her. This causes him to append a promise to his threats — if she sleeps with him, he’ll protect her.

While agonizing over this dilemma, Galina meets Captain Nerzhin, a childhood friend of hers. To him, she tells the truth. Nerzhin, being an honest and honorable soldier, empathizes and sees the justice in her position. How could not when Galina delivers a speech such as this?

The U.S.S.R.! It’s impenetrable forest! A forest. It has no laws. All it has is power — power to arrest and torture, with or without laws. Denunciations, spies, filling in of forms, banquets and prizewinners, Magnitogorsk and birch-bark shoes. A land of miracles! A land of worn-out, frightened, bedraggled people, while all those leaders on their rostrums. . . each one’s a hog. The foreign tourists who see nothing but well organized collective farms, Potyemkin style. The school-children who denounce their parents, like that boy Morozov. Behind black leather doors there are traps rather than rooms. Along the rivers Vychegda and Kama there are camps five times the size of France. Wherever you look you see epaulettes with that poisonous blue strip; you see widows, whose husbands are still alive. . .

Now Nerzhin faces a dilemma of his own: shepherding this woman to her fiancé just as Soviet forces are about to crush the Russian Liberation Army will not only be physically dangerous but will make himself vulnerable to a charge of treason. Can he trust anyone in his battalion? Yes, his fellows may see through the corruption and hypocrisy of the Soviet authorities or find fault with Marxism. For example, one tells the harrowing story of how a series of unjust NKVD arrests nearly wiped out an entire town. Another relays the humorous story of how, as an art student, his instructors imagined they saw a swastika in his painting. Despite this, these men wish to survive in the current system, as absurd as it is. They just don’t want to think about it, and thus choose to bow to evil.

Major Vanin says it best:

Thinking is the last thing you want to do. There is authority. There are orders. No one grows fat from thinking. You’ll get your fingers burnt from thinking. The less you know, the better you sleep. When ordered to turn that steering wheel, you turn it.

But with Galina, there is clearly so much more. During her dialogue with Nerzhin, she keeps distinguishing “us” from “them,” and soon a leitmotiv evolves involving loyalty. Galina expresses loyalty to the Russian people and never doubts herself. Nerzhin professes loyalty to the Russian nation — or, at the very least, its military. Meanwhile, Gridnev expresses loyalty to the current Russian government and its inhuman machinations as laid down by the genocidal Stalin. Of course, Gridnev never strays far from his own selfish designs.

Contemporary Soviet audiences, likely still bruising from the Second World War, would most likely have reacted negatively to the Galina character simply for her traitorous support of the RLA. Nevertheless, later audiences, even Russian ones, carry less baggage and will likely see her as the most sympathetic character in the play. At one point, she rejects the terms “Comrade” and “Citizen” and avers that the more traditional courtesy titles of “Sir” and “Madam” are more civilized. She had studied music in Vienna and remains in thrall of great Germanic classical composers such as Mozart and Haydn despite her love of Russia. Clearly, she represents the world that preceded the Soviets. She is the only tragic character in the story, since she symbolizes Solzhenitsyn’s own ethnonationalism, but only under a cloud of death or unspeakable oppression. She’s also the only character moved enough by romantic love to put herself at great risk — even if all it will amount to is her dying by her lover’s side in a hail of artillery fire.

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Solzhenitsyn could express his sympathy for this heartbreaking character (and presage the stirring ending of his story Matryona’s House) no better than in the admiring words of Nerzhin:

“I’ve no fears for the fate of Russia while there are women like you.”

Prisoners

Originally titled Decembrists Without December, Prisoners suffers to a greater extent than Victory Celebrations from a thin, meandering plot, a bloated dramatis personae, and excessive dialogue. It lacks even the scraps of narrative formalism found in the earlier play, and instead resembles the dialogues of Plato for of its reliance upon dialectic. The events take place in a gulag wherein the mostly-male cast discuss the absurdities of Soviet oppression, argue the merits and demerits of communism, and endure ludicrous interrogations from counter-intelligence officers. Most of the characters were based on people Solzhenitsyn himself knew. Further, several of the characters appear in later, more famous works, such as Vorotyntsev (The Red Wheel), Rubin (In the First Circle), and Pavel Gai (The Love-Girl and the Innocent).

While much weaker than Victory Celebrations in terms of plot, character, and resolution, Prisoners far surpasses it in astute political commentary as well as in philosophical and historical discourse. In its many debates, Solzhenitsyn does not always demonize the representatives of the Soviet system and sometimes puts wise, thoughtful, or otherwise honest words in their mouths. This leads to some fascinating reading (as opposed to what would seem like tedious chatting onstage). On the whole, however, Prisoners devastates the Soviet Union in a way that would have invited much more than mere censure in that repressive regime. Solzhenitsyn had to keep the play close to his chest for many years, and revealed its existence only after his exile in the West during the 1970s. Had the KGB ever acquired the play, it is likely there would not have been an exile for Solzhenitsyn at all.

Due to the narrative’s unmoored rambling, examples of Solzhenitsyn’s incisive observations can appear with little context and in list form. The relevance to the broader struggle of the Right in all cases should become clear.

We clutch at life with convulsive intensity — that’s how we get caught. We want to go on living at any, any price. We accept all the degrading conditions, and this way we save — not ourselves — we save the persecutor. But he who doesn’t value his life is unconquerable, untouchable. There are such people! And if you become one of them, then it’s not you but your persecutor who’ll tremble!

Far too many on the Right today meekly accept the degrading, second-class citizenship imposed upon us by the racial egalitarian Left. If more of us could value our lives a little less and the Truth a little more, perhaps this unnatural state of affairs could be overturned.

Here, now, we’re all traitors to our country. Cut down the raspberries — mow down the blackcurrants. But that’s not what I got arrested for. I got arrested for infringing on the regulations. I issued extra bread to the collective farm women. Without it, they would have died before the spring. I wasn’t doing it for my own good — I had enough food at home.

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Aside from revealing the murderous lack of concern that the Soviet authorities had for their own people, this passage reveals how the Left does not merely value some lives over others but becomes by policy quite hostile to those lives it values least. In today’s struggles, whites in the West who act in their racial interests are meeting with increasing hostility from our Leftist elites, while these same elites actively encourage non-whites to act in their racial interests.

Of course, Solzhenitsyn’s proud ethnonationalism (as expressed by his angst-filled love for Russia) shines through the text as well.

They are ringing the bell. They are ringing for Vespers. . . O Russia, can this ever come back again? Will you ever be yourself? I have lived on your soil for twenty-six years, I spoke Russian, listened to Russian, but never knew what you were, my country! . . .

In some cases, the dialogue becomes downright witty. Take, for example, the absurd interrogation scene between intelligence officer Mymra and Sergeant Klimov, who had been captured in battle by the Germans:

Mymra: Prisoner Klimov. You are here to answer questions, not to ask them. You could be locked up in a cell for refusing to answer questions. Personally, we are ready to die for our leader. Question three: what was your aim when you gave yourself up? Why didn’t you shoot yourself?

Klimov: I was waiting to see if the Divisional Commander would shoot himself first. However, he managed to escape to Moscow by ‘plane out of the encirclement and then got promoted.

Mymra (writing down): Answer. I gave myself up, my aim being to betray my socialist country. . .

Klimov: We-ell, well. You can put it like that…

The Rubin character in Prisoners is no different than his namesake in In the First Circle — a friendly, erudite apologist for communism, and clearly Jewish. Just as in the novel, Prisoner’s Rubin insists that he’d been incarcerated by mistake and that, regardless of his personal circumstances, he remains a true believer in the Soviet system. At one point, in the middle of the play, he is beset upon by his angry co-inmates who challenge him to defend Soviet atrocities such as blockading Ukraine and starving millions into submission. Rubin explains that the great socialist revolutions and slave rebellions of the past had failed because they showed too much leniency towards their former oppressors. They doubted the justice of their cause. He then praises the Soviet Revolution as the product of “unconquerable” science and laments that it has had only twenty-five years to produce results.

. . . you unhappy, miserable little people, whose petty lives have been squeezed by the Revolution, all you can do is distort its very essence, you slander its grand, bright march forward, you pour slops over the purple vestments of humanity’s highest dreams!

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Rubin fixates upon the same wide, historical vista that all Leftists do when they wish to explain away failure or atrocity. Conservative debunking of this arrogant folly is as old as Edmund Burke. In Solzhenitsyn’s case, however, he depicts it with almost cringe-worthy realism when he humanizes Rubin as a reasonable and enthusiastic, if misguided, adherent of the Left. We actually grow to like Rubin, especially at the end of the play when he leads a choir of zeks in song as Vorotyntsev contemplates his fate with the others.

The most memorable scene in Prisoners occurs towards the end when Vorotyntsev debates a dying counter-intelligence officer named Rublyov. In this debate we have perhaps Solzhenitsyn’s most eloquent affirmation of the Right as a way of life, and not just as a reaction to the totalitarian Left. Vorotyntsev claims to have fought in five wars on the side of Monarchy or Reaction — all of which were ultimately lost: the Russian-Japanese War, World War I, the Russian Civil War, the Spanish Civil War, World War II (on the side of the Russian Liberation Army). When Rublyov taunts him for this colossal losing streak, Vorotyntsev speaks of “some divine and limitless plan for Russia which unfolds itself slowly while our lives are so brief” and then responds that he never wavered in his fight against the Left because he felt the truth was always on his side. All that Rublyov ever had on his side was ideology. He explains:

You persecuted our monarchy, and look at the filth you established instead. You promised paradise on earth, and gave us Counter-Intelligence. What is especially cheering is that the more your ideas degenerate, the more obviously all your ideology collapses, the more hysterically you cling to it.

When Rublyov accuses the Right of having its own executioners, Vorotyntsev responds, “not the same quantity. Not the same quality,” and proceeds to compare the twenty thousand political prisoners of the Tsar to the twenty million political prisoners of the Soviets.

The horror is that you grieve over the fate of a few hundred Party dogmatists, but you care nothing about twelve million hapless peasants, ruined and exiled in the Tundra. The flower, the spirit of an annihilated nation do not exude curses on your conscience.

In this, Vorotyntsev makes the crucial point of the Right’s moral superiority to the Left. Note his similarity to Rubin in positing a plan as broad as history. For Rubin, however, it is Man’s plan, an atheist’s plan. It is hubris in action, a contrivance of pride. For Vorotyntsev, on the other hand, it is God’s plan — not something he can begin to understand. All he can do is to live according to Truth as he sees it and according to his nature as a human being.

It’s hard to find a more stark distinction between Left and Right than this.

The Love-Girl and the Innocent

Of Solzhenitsyn’s prison plays, The Love-Girl and the Innocent works best. This perhaps explains why it has been staged most often and continues to be put on today. Notably, the BBC produced a television adaptation of Love-Girl in 1973. Love-Girl resembles most closely what most people expect when they read or see a play: Four acts; a beginning, middle, and end; three-dimensional, evolving characters; and a plot filled with conflict, action, and suspense. We could quibble with some of Solzhenitsyn’s authorial choices, such as making the lead character Nerzhin too passive towards the end, employing too many characters (again), or his general lack of focus regarding some of the plot. Nevertheless, that Solzhenitsyn manages to pursue many of the profound themes from Victory Celebrations and Prisoners to their poignant conclusions in Love-Girl as well as explore new ones that would reach their apotheosis in later works such as Gulag Archipelago makes Love-Girl and the Innocent, in this reviewer’s opinion, the first of Solzhenitsyn’s great narrative works.

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As in Victory Celebrations, we have a potentially deadly love triangle — but one that achieves greater meaning since the audience can now experience the love and all its wide-ranging consequences. In Victory Celebrations, the story takes place during a lull in the action, with all the real action having already happened or will happen in the near future. The battalion had just captured a mansion and plans to advance on the RLA’s position the next day. By the play’s end, Galina’s fate swings between Gridnev’s protection and Nerzhin’s. Will she become Gridnev’s mistress? Will she be shot or be incarcerated in a gulag? Will Nerzhin take her to her fiancé before the Soviet forces attack? Will she even survive? Note also how this love triangle is not entirely real since Nerzhin, despite his demonstrable affection for Galina, can only serve as a stand-in for her fiancé.

In Love-Girl, all the appropriate action happens on stage and in the here and now. There are no stand-ins. It takes place in a gulag in 1945 where the love is real, agonizing, and immediate. It is also multifaceted, since there are technically two love triangles occurring simultaneously. The “love-girl” of the title is a beautiful and compassionate female inmate named Lyuba, while the “innocent” is Rodion Nemov, an officer recently taken in from the front who is committed to behaving as honorably as possible while in the gulag. The third point in the triangle is Timofey Mereshchun, the prison’s fat, repulsive doctor who promises Lyuba privileges and protection in return for sex. He also has the power to send her off to camps in much harsher climates where her chances of survival would become drastically reduced.

The other love triangle involves another beautiful female inmate named Granya. She is a former Red Army sniper incarcerated not for political reasons, like many of the others, but because she murdered her husband while on furlough after finding him in flagrante delicto with another woman. It’s as if Solzhenitsyn could not decide which woman he was in love with more while writing the play. The men vying for Granya’s affections are an honest and feisty bricklaying foreman named Pavel Gai (first seen in Prisoners) and the corrupt and cruel camp commandant Boris Khomich.

Aside from Solzhenitsyn’s now-familiar themes of ethnonationalism, ethno-loyalty, exposing Soviet atrocities, and impugning communist ideology, Love-Girl also introduces the theme of honor vs. corruption. When the play begins, Nemov is responsible for increasing efficiency in prison work. And he does a fine job, noting how the camp authorities could increase productivity by easing up on the harsh exploitation of the prisoners and cutting much of the self-serving and politically-appointed administrative personnel. He quickly runs afoul of the shady and perfidious ruling class of the camp, however, when he demands that the bookkeeper Solomon turn over a recent shipment of boots to the workers rather than divvy them up among his cronies.

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Solomon, along with Mereshchun and Khomich, take their revenge soon after when they manipulate the drunken and irresponsible camp commandant Ovchukhov into transferring Nemov to general work duties while replacing him with the depraved Khomich. In the battle between honor and corruption, honor never has a chance. And, as if to infuriate the audience even further, Solzhenitsyn reveals how Khomich has a few ideas for the commandant, all of which involve increasing the corruption in the camp and turning the screws harder on the prisoners. These ideas include:

  • Issuing the minimum bread guarantee after 101 percent work fulfillment, instead of 100 percent.
  • Forcing the workers to over-fulfill their work requirements to have an extra bowl of porridge.
  • Not allowing prisoners to receive parcels from the post office unless they have fulfilled 120 percent of their work norms.
  • Not allowing men and women to meet unless they have fulfilled 150 percent of their work norms.
  • Building a grand house for Commandant Ovchukhov in time for the anniversary of the October Revolution.

Khomich puts it succinctly and smugly: “They’ll realize: either work like an ox or drop dead.”

The Love-Girl and the Innocent is also notable because of how Solzhenitsyn employs its Jewish characters. Prisoners’ Rubin certainly defends the Soviet orthodoxy and the atrocities it entailed. But at least he’s honest, thoughtful, and friendly about it — which certainly counterbalances some of the audience’s negative feelings for him. Love-Girl’s Jews, however, are not only ugly, corrupt, and cruel, they’re stereotypical as well.

Scammell, in summarizing Jewish-Soviet émigré Mark Perakh’s analysis [3] [5] of Solzhenitsyn’s supposed anti-Semitism, writes:

It was in certain of Solzhenitsyn’s other works, however, the Perhakh found the most to criticize, notably in Solzhenitsyn’s early play The Tenderfoot and the Tart. [4] [6] Again, the three Jews in the play — Arnold Gurvich, Boris Khomich, and the bookkeeper named Solomon — were all representatives of evil, but this time grossly and disgustingly so, and Solomon was the very incarnation of the greedy, crafty, influential “court Jew,” manipulating the “simple” Russian camp commandant and oozing guile and corruption. As it happened, Solomon was modeled on the real-life prototype of Isaak Bershader, [5] [7] whom Solzhenitsyn had met at Kaluga Gate and later described at length in volume 3 of The Gulag Archipelago. . . [6] [8]

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Solzhenitsyn’s habit during his early period was to include characters based on people he personally knew. In this reviewer’s opinion, he often did so to the detriment of the work itself. Why include such a bewildering array of characters in his already wordy volumes when he could have condensed them into fewer characters for more pithy and forceful results? In some cases, Solzhenitsyn didn’t even bother to change his characters’ names: for example, the fervent Christian Evgeny Divnich (Prisoners) and the Belgian theater director Camille Gontoir (Love-Girl).

Thus, when Solzhenitsyn portrays gulag Jews doing evil things in recognizably Jewish ways, it’s probably because he was being true to what he witnessed in the gulag. It was not Solzhenitsyn’s style to invent a Shylock or Fagin out of thin air just to annoy Jewish people, just as he did not employ anti-Russian stereotypes for the sake of stereotyping. He portrays the Russian thieves in Love-Girl as particularly vile. And the simple-minded, corrupt, and drunken commandant Ovchukhov is no better. There should be no doubt that prisoner Solzhenitsyn had known and dealt with the flesh-and-blood prototypes of many of the characters appearing in his plays.

Regardless, that Solzhenitsyn refused to self-censor his negative Jewish characters while also refusing to include positive ones for the sake of political correctness should tell us something about the ethnocentric line he drew between Russians and Jews. He did not consider Jews as Russians, and he did not care if certain Jews got upset over this. If being labeled an anti-Semite by some is the price to pay for his honesty, his rejection of civic nationalism, and his profound love for his nation and his people, then so be it. [7] [9]

There is quite a bit in The Love-Girl and the Innocent that will resonate with the Right. It was probably unintended by Solzhenitsyn that such a meta-analysis of the Jewish Question would do so as well.

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Notes

[1] [12] Aleksandr Solzhenitsyn, The Oak and the Calf. New York: Harper & Row, 1975, p. 4.

[2] [13] Michael Scammell, Solzhenitsyn: A Biography. New York: W. W. Norton and Company, 1984, p. 330.

[3] [14] Scammell writes of Perakh’s analysis (page 960):

Perakh’s article, a kind of summa of those that had gone before, had appeared in Russian in the émigré magazine Vrennia i My (Time and We) in February 1976 before being published in English in Midstream.

[4] [15] The Love-Girl and the Innocent appears under several titles in English. These include The Tenderfoot and the Tart (as preferred by Scammell), The Greenhorn and the Camp-Whore, and The Paragon and the Paramour. Scammell (on page 217) has this to say about it:

The question of what to call this play in English is problematical. Solzhenitsyn’s Russian title Olen’ I shalashovka is based on camp slang. Olen’ (literally “deer”) means a camp novice, and shalashovka (derived from shalash, meaning a rough hunter’s cabin or bivouac) means a woman prisoner who agrees to sleep with a trusty or with trusties in exchange for food and privileges—not quite a whore, more a tart or tramp. The published English title The Love-Girl and the Innocent seems to me to catch none of this raciness.

[5] [16] I believe that both Scammell and Solzhenitsyn biographer D.M. Thomas overlooked something regarding Solzhenitsyn’s basing of Solomon on Bershader in Love-Girl. It seems to me that Solzhenitsyn based both the bookkeeper Solomon and the doctor Mereshchun on Bershader. The connection with Solomon is based on their shared profession (bookkeeping) and the fact that they were both corrupt, cunning, manipulative trusties in the gulag. But Solomon only appears in two scenes in Love-Girl and has nothing to do with any of the female inmates (Thomas falsely claims that Solomon was “adept at corrupting women prisoners”). The episode with Bershader in The Gulag Archipelago depicts him laying siege to and ultimately corrupting a beautiful and virtuous Russian woman prisoner, which Solomon does not do. Bershader is also described by Solzhenitsyn as “a fat, dirty old stock clerk” who is “nauseating in appearance.” Solzhenitsyn first describes Solomon, on the other hand, as carrying himself “with great dignity” and looking “sharp by camp standards.” Later, he describes Solomon as “very neatly dressed.”

On the other hand, Mereshchun is described as a “fat, thick-set fellow,” which is more in keeping with Bershader’s appearance. Further, Mereshchun enthusiastically corrupts the female inmates. In fact, in his first line of dialogue, he announces: “I cannot sleep without a woman.” After being reminded that he had kicked his last woman out of bed, he responds, “I’d had enough of her, the shit bag.” Clearly, Mereshchun is as revolting as Bershader. He also engages in the same exploitive behavior with women. Could Mereshchun also have been based on Bershader?

In a curious moment in Love-Girl, Solzhenitsyn describes how Mereshchun immediately strikes up a friendship with Khomich the moment he meets him. It was as if they recognized and understood each other without the need of a formal introduction. Could it be that in Solzhenitsyn’s mind they were both Jewish? It’s hard to say. Mereshchun is an odd name, but it could be a Russianized Jewish one, and in the Soviet Union during that time, doctors were disproportionately Jewish. On the other hand, few Russian Jews would be named Timofey. Perhaps Solzhenitsyn meant for this character to have enigmatic origins.

M. Thomas, Alexander Solzhenitsyn: A Century in his Life. New York: St. Martin’s Press, 1998, p. 492.

[6] [17] Scammell, pp. 960-961.

[7] [18] Thomas (page 490) conveys an astonishingly hysterical example of gentile-bashing from Jewish writer Lev Navrozov who really did not like Solzhenitsyn:

An émigré from 1972, Navrozov denounced Solzhenitsyn’s “xenophobic trash.” He is “a Soviet small-town provincial who doesn’t know any language except his semiliterate Russian and fantasizes in his xenophobic insulation”; August 1914 was as intellectually shabby as The Protocols of the Elders of Zion — but that turn-of-the-century forgery, purporting to show that the Jews were plotting world domination, was actually “superior” in its language to the Solzhenitsyn. . . . His style shows a “comical ineptness”; Navrozov writes that when Ivan Denisovich appeared, he thought its author might develop into a minor novelist, but Khrushchev’s use of him to strike the Stalinists, and his subsequent persecution, made him strut like a bearded Tolstoy, so “this semiliterate provincial, who has finally found his vocation — anti-Semitic hackwork — has been sensationalized into an intellectual colossus. . .

 

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jeudi, 11 juin 2020

Comment des «samouraïs russes» se sont battus pour le Japon lors de la Seconde Guerre mondiale

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Comment des «samouraïs russes» se sont battus pour le Japon lors de la Seconde Guerre mondiale

Les Russes sont peut-être les seuls Européens à s'être portés volontaires afin de se battre pour la création de la sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale, sous l'égide du Japon. Mais ils avaient aussi leurs propres objectifs.

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La victoire des bolcheviks lors de la guerre civile russe a contraint des centaines de milliers de Russes à quitter le pays. Avec leurs enfants, ils ne cessaient d'espérer qu'ils pourraient un jour rentrer chez eux et renverser ce pouvoir soviétique qu'ils détestaient tant.

Mais si de nombreux émigrants russes en Europe ont parié sur Hitler pour leur lutte contre l'URSS, ceux qui se sont installés en Extrême-Orient ont choisi de s'allier à l'Empire du Japon.

Alliés

À partir des années 20, les Japonais ont tissé des liens avec les Russes blancs s'étant installés dans le Nord-Est de la Chine, dans la région de Mandchourie. Lorsque l'armée japonaise du Guandong a occupé la région en 1931, une grande partie de la population l'a donc soutenue dans sa lutte contre les troupes chinoises.

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Soldats de l'armée blanche en Chine.

L'État fantoche de Mandchoukouo a été proclamé sur les territoires de Mandchourie et de Mongolie intérieure et Puyi, dernier empereur de Chine, a été placé à sa tête. Cependant, le réel pouvoir était entre les mains des conseillers japonais et du commandement de l'armée du Guandong.

Les Japonais et les Russes se sont alors unis sur la base de leur rejet commun du communisme. Ils avaient besoin les uns des autres dans la guerre de « libération » contre l'Union soviétique qui s'annonçait.

>>> Rouges vs. blancs: le jour où les ennemis jurés sont devenus alliés

Les « samouraïs russes »

Comme le proclamait l'idéologie officielle du Mandchoukouo, les Russes étaient l'un des cinq peuples « indigènes » du pays, et avaient les mêmes droits que les Japonais, Chinois, Mongols et Coréens qui y vivaient.

Démontrant leur attitude bienveillante envers les Russes blancs émigrés, les Japonais les ont activement impliqués dans leur bureau de renseignement en Mandchourie, l'Agence Spéciale de Harbin. Comme l'a noté Michitarō Komatsubara, son dirigeant : « Ils sont prêts à n'importe quel sacrifice matériel, et acceptent avec joie toute entreprise dangereuse pouvant mener à la destruction du communisme ».

En outre, des détachements militaires russes ont été créés pour protéger les principales infrastructures de transport contre les attaques des Honghuzi, des bandits locaux. Plus tard, ces détachements seront impliqués dans des opérations contre les partisans chinois et coréens.

Les « samouraïs russes », comme le général Genzo Yanagita appelait les Russes blancs qui collaboraient avec les Japonais, ont reçu une formation à la fois militaire et idéologique.Généralement, ils étaient indifférents, voire favorables, à l'idée de construire la Grande Asie orientale sous l'égide du Japon, mais leur projet d'annexer toutes les terres russes jusqu'en Oural les irritait grandement, ce qu'ils devaient soigneusement cacher.

« Nous avons filtré tout ce que les orateurs nous disaient, et nous ne gardions pas en tête tout ce qui avait un esprit trop nippon qui ne correspondait pas à notre esprit russe »,a témoigné l’un des cadets, un certain Goloubenko.

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Le détachement Asano

Le plus important des détachements militaires russes créés par les Japonais était le détachement Asano, nommé en l'honneur de son commandant, le major Asano Makoto. Selon les époques, il comptait entre 400 et 3 500 soldats.

>>> Harbin, étonnante ville chinoise construite par les Russes et refuge des tsaristes

Fondé le jour de l'anniversaire de l'empereur Hirohito, le 29 avril 1938, le détachement comprenait des unités d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie. Basés à Mandchoukouo, les soldats du détachement Asano étaient toutefois entièrement supervisés par l'armée japonaise.

Les soldats de cette unité secrète se préparaient à mener des opérations de sabotage et de surveillance sur les terres de l'Extrême-Orient soviétique lors de la guerre à venir contre l'URSS. Les soldats d'Asano devaient en effet prendre ou détruire les ponts et nœuds de communication importants, s'infiltrer dans les camps d'unités soviétiques et y empoisonner la nourriture et les sources d'eau.

L'Empire du Japon a par deux fois pu se confronter au potentiel militaire de l'Armée rouge : d'abord en 1938, lors de la bataille du lac Khassan, puis en 1939 lors de la bataille de Khalkhin Gol. Les soldats d'Asano ont été envoyés dans les zones de combats, où ils s'occupaient principalement des interrogatoires des prisonniers de guerre.

On peut trouver des informations sur des heurts militaires entre les soldats du détachement et leurs adversaires. Ainsi, lors de la bataille de Khalkhin Gol, un détachement de cavalerie de la République populaire mongole a rencontré les cavaliers du détachement Asano, mais les soldats mongols les ont d'abord pris pour les leurs ; cette erreur leur a presque à tous coûté la vie.

>>> Portraits de descendants d’émigrés blancs en France

Un nouveau rôle

Fin 1941, les dirigeants japonais ont abandonné l'idée d'une « guerre éclair » contre l'URSS, connue sous le nom de « plan Kantokuen ». En 1943, il devenait clair que les incursions japonaises en Extrême-Orient soviétique n’auraient lieu sous aucune forme.

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Les Japonais ont par conséquent procédé à la réforme des unités russes. Les soldats russes sont passés de leur détachement spécial dédié à la surveillance et au sabotage, à l'armée générale. Ainsi, le détachement Asano, qui avait perdu son statut de détachement secret, est devenu subordonné au 162e régiment des fusiliers des forces armées de Mandchoukouo.

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Drapeau de l'empereur du Mandchoukouo.

Cependant, les soldats russes étaient encore très appréciés à Tokyo. En mai 1944, Takahito de Mikasa, frère cadet de l'empereur Hirohito, est venu sur les lieux où se trouvaient les soldats d'Asano. Il a prononcé un discours, dans lequel il souhaitait renforcer l'esprit et la formation militaire des peuples japonais et russe.

L’effondrement

La lutte difficile et héroïque de l'Union soviétique contre l'Allemagne nazie a provoqué la croissance rapide des sentiments patriotiques et antijaponais au sein des populations russes de Mandchourie. De nombreux officiers ont alors commencé à coopérer avec les services de renseignements soviétiques. Il s'est d'ailleurs avéré que l'un des dirigeants du détachement Asano, Gourgen Nagolian, était en fait un agent du NKVD.

>>> Comment le dernier empereur chinois est tombé entre les mains de l'Armée rouge

Quand l'Armée rouge a envahi la Mandchourie, le 9 août 1945, les détachements de soldats russes ont réagi différemment : une petite partie d'entre eux a résisté, mais est rapidement tombée avec les troupes de Mandchoukouo. Le major soviétique Piotr Melnikov se souvenait que les soldats du côté japonais criaient souvent en russe pour perturber les soldats soviétiques, afin qu'ils ne puissent pas distinguer leurs ennemis de leurs alliés.

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Arrivée des troupes soviétiques en Mandchourie.

La majorité des Russes a choisi de changer de camp. Ils ont arrêté leurs commandants nippons, organisé des détachements de partisans pour combattre les Japonais, et pris le contrôle de villages pour les livrer aux troupes soviétiques qui arrivaient. Il est même arrivé que les relations entre les soldats de l'Armée rouge et les Russes blancs émigrés soient amicales, et ces derniers étaient autorisés à assurer la garde de certains sites.

Mais cela a pris fin lorsque les officiers de l'organisation de contre-espionnage de l'Armée rouge SMERCH sont arrivés à la suite des soldats. Moscou disposait en Mandchourie d'un vaste réseau de renseignement et était bien au courant des activités des Russes blancs émigrés lors des années précédentes. Ces derniers ont été massivement déportés en URSS, où les figures les plus importantes ont été exécutées, pendant que les autres ont écopé de jusqu'à 15 ans de détention dans les camps.

Dans cet autre article, découvrez le mystérieux peuple des Aïnous, à cheval entre Japon et Russie.

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mercredi, 06 mai 2020

Le Tannou-Touva : un Etat pastoral inféodé à Moscou

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Erich Körner-Lakatos :

Le Tannou-Touva : un Etat pastoral inféodé à Moscou

Situé au Nord-Ouest de la Mongolie, la République populaire du Tannou-Touva a existé de 1921 à 1944

Celui qui, de nos jours, se souvient encore de la république pastorale du Tannou-Touva au Nord-Ouest de la Mongolie, peut être considéré comme un as imbattable en histoire contemporaine. Cette république a disparu en 1944, âgée d’à peine vingt-trois ans. Elle n’est un objet de recherches que pour une poignée d’historiens spécialisés, tout comme les républiques boers de Zoutpansberg et de Goshen en Afrique du Sud ou encore l’Etat libre d’Acre, proclamé peu avant 1900 par des pionniers de la culture du caoutchouc dans ce triangle territorial situé entre le Brésil, la Bolivie et le Pérou.

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Le Tannou-Touva avait une superficie deux fois supérieure à celle de l’Autriche actuelle, avec 170.500 km2. C’était une immense vallée fermée. Sa partie orientale était impropre aux cultures et servait de zone de pâturages. La partie septentrionale, elle, était riche de forêts et de lacs. C’est la raison pour laquelle les Chinois appellent les habitants de ce pays les « our yan khai » (Uriankhai), soit « le peuple qui habite les forêts ». Il convient de signaler encore une particularité du pays : aucune région du monde ne se trouve plus éloignée de la mer que ne l’était le Tannu-Tuwa.

En 1921, 65.000 âmes vivaient dans le pays, dont 12.000 agriculteurs et négociants russes. Les autochtones se donnent le nom de « Touvains ». Leur ethnogénèse est largement méconnue de nos jours encore. La plupart des ethnologues pensent qu’ils sont le produit d’un mélange de tribus turques et de groupes ethniques mongols et sibériens, même si certains traits du visage, chez une minorité d’entre eux, rappellent ceux des Finno-Ougriens. Sur le plan religieux, ils adhèrent au lamaïsme, soit à la forme tibétaine du bouddhisme.

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Malgré son éloignement de tout, la région a vu arriver et partir bien des conquérants étrangers. En 1207, Gengis-Khan conquiert la région mais, par la suite, les Mongols perdent rapidement tout intérêt pour la région peuplée de pasteurs nomades. A partir de 1757, le Tannou-Touva fait formellement partie de la Chine et paie tribut à son empereur. L’impôt annuel est constitué de peaux rares que l’on envoie à Pékin. Sur le plan administratif, les Touvains relèvent d’une province chinoise appelée le Tannou-Uriankhai et attribuée à la Mongolie extérieure, elle-même soumise à la tutelle chinoise depuis 1697.

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Au 19ème siècle arrivent des négociants chinois qui troquent les bois des cerfs de type maral, considérés comme la base d’un aphrodisiaque, contre du thé vert, du tabac et des tissus. En même temps arrivent de l’Ouest des colons russes. Après 1880, les populations autochtones connaissent un éveil politique, ce qui crée des tensions puis suscite des révoltes contre la tutelle chinoise et contre les incursions des négociants russes.

Le 12 février 1912, la monarchie est renversée définitivement en Chine. Pour le Tannou-Touva, c’est là un motif pour faire sécession car ses habitants ne se sentent liés à la Chine que par le rapport féodal avec l’empereur mandchou. Trois jours après l’abolition de la monarchie, la République de l’Uriankhai est proclamée. En octobre 1913 arrive à Saint-Pétersbourg une pétition rédigée en langue mongole demandant au Tsar de bien vouloir placer le pays sous la protection russe. Six mois plus tard, c’est chose faite.

Le 16 juin 1918, des notables touvains et russes proclament la fin du protectorat et annoncent l’indépendance du pays. Mais c’est un vœu pieux car, en novembre 1918, des unités russes blanches sous le commandement de l’Amiral Koltchak occupent le pays. Dans le Sud s’installent des troupes mongoles et au Sud-Est, pendant un certain temps, ce sont des unités chinoises qui occupent les terres touvaines. En juillet 1919 arrive l’Armée Rouge.

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Le 14 août 1921, la République populaire du Tannou-Touva est proclamée. L’organe suprême de cette république populaire est le « Grand Khoural », une sorte d’assemblée du peuple, où chaque délégué représente cinquante yourtes. Le terme « Khoural » dérive du mongol et signifie, à l’origine, un conseiller de Gengis-Khan. Le Parlement proprement dit est le « Petit Khoural » qui élit le gouvernement. Le premier Premier ministre fut Dondouk Kuular reste prudemment à Moscou, à 4688 km du Tannou-Touva, à cause de la ferme opposition des moines lamaïstes. Cette prudence ne lui a pas servi à grand-chose car Staline donna l’ordre de l’arrêter en janvier 1929. Trois ans plus tard, Kuular est fusillé.

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Son successeur Salchak Toka, lui, reste bien droit dans la ligne et cherche à sédentariser les pasteurs nomades. Beaucoup de ceux-ci fuient alors vers les forêts. La répression exercée par le Parti populaire révolutionnaire des Touvains frappe ensuite les moines : en 1929, il y avait plus de vingt monastères dans le pays. Deux ans plus tard, il n’en restait que deux.

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Sur le modèle des purges moscovites, Toka, devenu président du parti, organise à son tour une féroce répression : en 1938, il met en scène un procès-spectacle dans la capitale Küsül et fait fusiller plusieurs de ses rivaux politiques sous prétexte qu’ils étaient des espions japonais.

A partir de 1940, le pays est dirigé par la première femme présidente du monde, Khertek Ankhima-Toka, dans la vie privée épouse du chef du parti. Mais les jours de la petite république pastorale sont comptés : Staline projette son annexion car on y aurait découvert des gisements d’uranium.

Le 17 août 1944 le « Petit Khoural » vote à l’unanimité son annexion à l’Union Soviétique, ce que Moscou accepte officiellement deux mois plus tard. Le 11 octobre 1944 s’achève définitivement la brève histoire de la République du Tannou-Touva.

Erich Körner-Lakatos.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°12/13-2020).

Les dernières années

A partir de 1940, le Tannou-Touva a donc pour présidente Khertel Ankhimaa-Toka, première femme au monde à accéder à un tel statut. Dans la vie privée, elle est l’épouse du Chef du Parti Populaire Révolutionnaire. Cette dame a pris des positions géopolitiques courageuses. Trois jours après le déclenchement de l’Opération Barbarossa, elle déclare la guerre à l’Allemagne, acte qui, à Berlin, dans les locaux de la Wilhelmstrasse, cause une certaine perplexité. Même les plus chevronnés des fonctionnaires du ministère allemand des affaires étrangères ont du mal à situer sur la carte cet étrange sujet du droit international. Le Tannou-Touva est dès lors le tout premier Etat à s’être proclamé allié de l’Union Soviétique.

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Pendant la seconde guerre mondiale, le Tannou-Touva aligne dans l’Armée Rouge un régiment d’infanterie et une unité de cavalerie. En tout, 1600 hommes. Ils participèrent à la guerre bien qu’une grande partie des Touvains aient fui la conscription. L’armée touvaine est surtout constituée de colons russes et d’immigrés chinois ou mongols. Le Tannou-Touva offre ensuite à l’Union Soviétique 60.000 chevaux de trait pour tirer les charrettes « panje », typique des pays de la steppe. Un certain nombre de Touvains participent à un entraînement de conducteurs de chars, qui seront envoyés au front.

On ne sait pas exactement où ces alliés touvains de Staline ont été engagés. L’un de ces combattants a toutefois été proclamé « héros de l’Union Soviétique ». Quelque 90 officiers et soldats ont obtenu la médaille du mérite touvain pour bravoure au feu.

E.K.L.

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dimanche, 22 décembre 2019

RIP: Vladimir Bukovsky, the Defiant

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RIP: Vladimir Bukovsky, the Defiant

Ex: https://www.americanthinker.com
 

One of the first things famous Soviet dissident Vladimir Bukovsky (1942–2019) told me about himself was that his roots were Polish.  After the crushing of the Kościuszko Insurrection of 1794, his ancestor, Pan Bukowski, was taken prisoner by the Muscovites and shipped off to Siberia.  This was a harsh introduction to Russian living for the family.  Vladimir would continue into the footsteps of his forefathers.

Vladimir was born in the matrix of the Soviet Union, but as a teenager, he self-liberated.  At 14, he heard about communist leader Nikita Khrushchev's secret speech blaming Stalin for slaughtering millions.  Soon after, he rooted for the Hungarian freedom fighters in 1956.  He started asking questions.  He challenged the system.  Upon his first arrest in 1959, the youngster refused to become a snitch for the Soviet secret police.  And the KGB judged him, partly with rigid annoyance and partly with grudging admiration, unfit for recruitment.

In 1963, Vladimir was arrested, tried, and sentenced to two years for anti-Soviet agitation.  They locked him up in a psychiatric ward (psikhushka), where he was "diagnosed" with "symptomless schizophrenia."  According to Soviet "science," anyone opposing communism had to be a schizophrenic, even when he did not display any symptoms.  He was medicated forcibly.  Bukovsky told me that the trick was to learn how to regurgitate the psychotropic drugs so the hospital wardens and nurses would not notice.

After getting out in 1965, the intrepid dissident plunged right back into anti-communist activities.  He co-organized a demonstration and a petition drive in solidarity with other Soviet dissidents.  For this he was rearrested and thrown back into the red looney bin.  Now things turned tougher.  The KGB wanted to turn their prisoner into a vegetable.  Forcible administration of drugs and their doses increased.  Luckily, the regurgitation trick continued to serve the dissident.  Vladimir endured half a year of this but was unexpectedly released after half a year in mid-1966.  

Six months later, Bukovsky joined a demonstration in defense of other nonviolent protesters who were on trial or under lock and key, only to be seized himself and tried for violating a ban on public protest.  In his defense, he invoked Soviet law, which Soviet judges and secret policemen were apparently violating.  Because Vladimir refused to express remorse for demonstrating, he was sent to the Gulag — a penal colony with a forced labor regime in Bor in the Voronezh region.  His sentence was three years.  He got out in 1970.

Drawing on his experiences in the Gulag and, in particular, in psychiatric wards, the dissident began compiling a record of the Soviet abuse of psychiatry.  To add insult to injury, he discovered that some of the communist psychiatrists who worked hand in glove with the KGB were treated cordially in the West and even invited to scholarly conferences at some of the leading institutions.  The work of the medical monsters who facilitated the torture of political prisoners was treated seriously by some in the West.  Bukovsky resolved to expose it.  He managed to get his report smuggled out to the West.

Consequently, a veritable storm broke out among French, British, and other psychiatrists, some of whom demanded transparency from their Soviet colleagues and believed the dissident accounts of abuse.  For this Vladimir found himself under pre-trial detention in isolation and almost a year later received a sentence of 12 years for "slandering Soviet science."  While serving his sentence, he secretly co-authored a manual on how to beat the Soviet system of interrogation to avoid being accused of insanity.  The manual eventually found its way to the West, where it was widely disseminated.

Bukovsky became a cause célèbre.  The KGB was livid.  In 1976, at the height of détente, the Kremlin decided to further burnish its "liberal" credentials.  Thus, Moscow agreed to swap the perky freedom-fighter for the head of the communist party of Chile, Luis Corvalán, who was incarcerated following a successful military coup to thwart a red revolution in that country.  Compliments of General Augusto Pinochet, Vladimir was thrown out of the USSR and landed in the West.

He settled in England, where he successfully pursued a degree in biology at Cambridge University, where he settled permanently.  Further, he trained as a neuropsychologist and continued his career as a writer and a human rights campaigner.  He published prodigiously.  Vladimir exposed communist crimes globally as well as Western naïveté regarding the Soviet Union.  He joined numerous initiatives championing freedom.  Among others, Bukovsky animated the American Foundation for Resistance International, which aspired to coordinate all anti-communist activities by the captive people in all countries afflicted by Marxism-Leninism.  At the height of Gorbymania in the West, Vladimir and his associates dared to question the sincerity of secretary general of the Communist Party of the USSR Mikhail Gorbachev.  They pointed out quite correctly that the Soviet leader wanted to save communism, not to destroy it.

In 1992, at the invitation of Russia's president, Boris Yeltsin, Bukovsky returned to Moscow.  The Kremlin solicited his assistance in putting together evidence for the public trial of the Communist Party for its crimes.  Yeltsin eventually scrapped the idea, but not before Bukovsky was able to copy over a million pages of secret documents from Stalin's archives.  While Vladimir scanned away right in front of their noses, the KGB guardians of the documentary treasure trove had no idea what either a scanner or a laptop was, so, while watching him curiously, they never interrupted him.  Later, to his own great surprise, the former dissident was permitted to fly out of Moscow undisturbed with his computer full of archival goodies.

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In 1995, Bukovsky's magnum opus, Judgment in Moscow, emerged from this research trip.  Published in several languages, sadly, it had to wait nearly 25 years for an English translation and publication.  Because we failed to smash communism after it tripped, he warned us about the resurgence of post-communism and its threat of metastasizing in the West in the form of political correctness and socialist étatism.  Vladimir further cautioned everyone about the European integration and its totalitarian potential.  He was always full of unorthodox ideas.  Arguably the most shocking to us was his opinion about the Muscovite state and its successors.  Bukovsky told Dr. Sommer explicitly: "It is not my fault that I was born in the Soviet Union.  Why should I harbor any sentiment to that entity?  And Russia was a logical way to the USSR, even if many fabulous people lived there. ... Therefore, as long as Russia does not fall apart into several entities, it will remain dangerous.  A divided Russia is in the interest of the world, just as a united central Europe is in the interest of the world. ... This is not a question of nationalism and resentment, but of physics and balance.  Big and demoralized Russia will always harm her smaller neighbors.  Only its dividing and balancing can eliminate the danger, although not completely because Russia is a universe of slavery."

At the end, Vladimir had the last laugh: he was buried a hundred yards away from the grave of Karl Marx at Highgate Cemetery in London.  Non-conformist, defiant, and free, Vladimir Bukovsky, RIP.

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vendredi, 23 mars 2018

Entretiens avec Cheyenne-Marie Carron, Marc Laudelout & Martine Gay

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Perles de Culture n°159 :

Entretiens avec Cheyenne-Marie Carron, Marc Laudelout & Martine Gay

 

Plusieurs entretiens comme nulle part ailleurs pour ce numéro de Perles de Culture animé par Anne Brassié.
 
Et tout d’abord avec la réalisatrice Cheyenne-Marie Carron qui vient évoquer son nouveau film « Jeunesse aux coeurs ardents » . Le portrait d’une jeunesse en quête d’idéal, violente et stimulante.
 
Autres entretiens : avec Marc Laudelout le président fondateur du Bulletin des amis de Céline, l’écrivain le plus diffamé de France et de Navarre et avec l’aviatrice Martine Gay . Cette dernière nous offre des portraits d’aviatrices soviétiques pendant la seconde guerre mondiale. Des portraits qui ridiculisent durablement nos féministes contemporaines.
 
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mardi, 28 mars 2017

"Nous", le roman qui a inspiré Huxley, Orwell et Terry Gilliam

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"Nous", le roman qui a inspiré Huxley, Orwell et Terry Gilliam

 
Par 
Ex: http://www.lepoint.fr 
 
Son nom ne vous dit sans doute rien, mais Evgueni Zamiatine a écrit en 1920 un ouvrage d'anticipation (réédité aujourd'hui) sidérant d'acuité

Tout le monde (ou presque) a oublié son nom. L'écrivain russe Evgueni Ivanovitch Zamiatine est pourtant un auteur majeur. Né le 1er février 1884 à Lebedian, une petite ville à 300 kilomètres au sud de Moscou, d'un père pope orthodoxe et d'une mère musicienne, cet architecte naval n'a que peu publié. Son œuvre compte moins d'une vingtaine de romans, recueils de nouvelles et pièces de théâtre. Si le nom de Zamiatine est passé à la postérité, c'est comme scénariste de Jean Renoir. Il a, de fait, signé l'adaptation des Bas-Fonds de Maxime Gorki, un an avant de mourir à Paris, à l'âge de 53 ans, le 10 mars 1937.

Son roman le plus remarquable, écrit en 1920, est aujourd'hui republié aux éditions Actes Sud dans une nouvelle traduction d'Hélène Henry. Et il faut absolument le lire ! Son titre, « Nous » (« Мы » en russe), résume son propos. Il consiste à décrire froidement le monde dans lequel « nous » nous apprêtons à vivre. Un univers futuriste, à l'époque où Zamiatine écrit son roman, mais qui ressemble aujourd'hui à une allégorie de notre époque.

Qu'on en juge… Nous sommes au XXVIe siècle et la Terre sort de deux cents ans de guerre où se sont affrontés deux mondes : celui de la campagne et celui de la ville. Le héros, D-503 (les hommes ont perdu depuis longtemps leur identité au profit d'un matricule), est ingénieur. Il travaille sur le chantier de construction d'un vaisseau spatial surnommé l'Intégral. Cet engin est destiné à entrer en contact avec des civilisations extraterrestres dans le but de coloniser leurs planètes et de les convertir au « bonheur » terrestre. Mais il fait aussi figure de bateau de sauvetage pour l'humanité tant notre monde ressemble à un enfer.

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Journal intime

Régie par un « État unitaire » despotique qui ne tolère chez ses sujets aucun secret, la plus grande partie du globe est recouverte par une immense cité, composée de grandes tours de verre transparent où tout un chacun vit au vu et au su de tout le monde. (Snowden, es-tu là ?). Les seuls moments d'intimité tolérés consistent en ces brefs instants où les habitants ont pour mission de procréer afin d'assurer la perpétuation de l'espèce humaine. Et encore… pour être autorisé à tirer le rideau, encore faut-il avoir obtenu un sésame : en l'espèce un ticket rose, parcimonieusement distribué aux sujets les plus obéissants. La rencontre de D-503 avec une jolie femme, I-330, va bouleverser son existence en lui faisant découvrir qu'une autre vie est possible où il est loisible d'avoir des secrets. Et, encore mieux, de jouir de liberté, même si cela rime avec imprévisibilité et précarité.

I-330, « résistante » au système (elle boit, fume et fait l'amour à qui lui plaît), parviendra-t-elle à le faire s'évader de cet État totalitaire pour rejoindre la dernière parcelle de nature qui se dissimule derrière un grand mur vert ? Les deux amoureux échapperont-ils à la sinistre police du « Bienfaiteur », comme s'est autoproclamé le tyran qui règne sur l'État ? Composé comme un journal intime, découpé en quarante chapitres, où D-503 expose tour à tour son quotidien, ses fantasmes et ses états d'âme, Nous gardera jusqu'au bout les réponses à ces questions.

Algorithmes

On l'aura compris : ce roman est une dystopie, comme on nomme les contre-utopies cauchemardesques en science-fiction. On ne s'étonnera pas qu'Aldous Huxley ait puisé dans l'univers dysfonctionnel de Zamiatine l'inspiration du Meilleur des mondes, tout comme George Orwell celle de 1984. Ce roman a également beaucoup influencé Kurt Vonnegut pour son Pianiste déchaîné et Terry Gilliam : plusieurs scènes de Brazil semblent tout droit tirées de ce livre. Interdit de publication par Moscou qui y voyait, à juste titre, une dénonciation du régime bolchevique, Nous, paru initialement en 1924 en Grande-Bretagne où Zamiatine avait vécu quelques mois sur le chantier de construction de navires-brise-glace (dont l'Intégral semble la transposition SF), avait été traduit en français en 1929 sous le titre de Nous autres (Gallimard). Il n'est sorti en URSS qu'en 1988.

Critique acerbe de la société pré-stalinienne, cet ouvrage ne saurait cependant être réduit à son anticommunisme, car, même s'il était un adversaire de Trotski, Zamiatine n'en avait pas moins été un compagnon de route des révolutionnaires léninistes. S'il résonne encore aujourd'hui, c'est surtout parce que ce roman singulier décrit une modernité broyant les individus sous le poids de la technologie et de la science. À commencer par ces algorithmes prédictifs, censés apporter le bonheur aux hommes en gommant toutes les aspérités que nous appelons le hasard. Cela ne vous rappelle rien ?

Nous , d'Evgueni Zamiatine, traduction d'Hélène Henry, éditions Actes Sud, 240 pages, 21 €

Extrait :
 
« Je ne fais ici que recopier – mot pour mot – ce que publie aujourd'hui le Journal officiel : Dans cent vingt jours, la construction de l'Intégrale sera achevée. Proche est l'heure historique où la première Intégrale s'élèvera dans l'espace universel. Il y a mille ans, vos héroïques ancêtres ont soumis le monde entier au pouvoir de l'État Unitaire. Vous avez devant vous un exploit encore plus glorieux : la résolution de l'équation infinie de l'Univers grâce à l'Intégrale, cette machine électrique de verre qui souffle le feu. Vous êtes destinés à soumettre au joug bienfaisant de la raison des êtres inconnus qui habitent d'autres planètes et sont peut-être encore en état de liberté primitive. S'ils refusent de comprendre que nous leur apportons un bonheur mathématiquement exact, notre devoir sera de les obliger à être heureux. Mais avant de recourir aux armes, nous essayons la parole. »

dimanche, 18 septembre 2016

Finnlands »Sonderkrieg« im Weltkrieg

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Finnlands »Sonderkrieg« im Weltkrieg

Vor 75 Jahren versuchten die Skandinavier, im Schatten der Deutschen die Ergebnisse des Winterkrieges zu revidieren

Wolf Oschlies
Ex: http://www.preussische-allgemeine.de
 

Drei Tage, nachdem der deutsche Angriff auf die Sowjetunion begonnen hatte, erklärte Finnland der UdSSR den Krieg. Das Ziel war die Rückgewinnung der im Winterkrieg von 1939/40 verlorenen Gebiete. Obwohl Finnland mit Deutschland ein gemeinsamer Feind verband, verzichtete es auf ein offizielles Bündnis mit dem  Reich und versuchte vielmehr, einen „Sonderkrieg“ zu führen mit der Hoffnung auf einen „Sonderfrieden“.

Gemäß dem deutsch-sowjetischen Nichtangriffsabkommen vom 23. August 1939 gehörte Finnland zur sowjetischen Interessensphäre. Drei Monate später überfiel Josef Stalin mit 800000 Soldaten Finnland ohne formelle Kriegserklärung und unter Bruch des Nichtangriffspakts von 1932, weswegen die Sowjetunion Ende 1939 als „Aggressor“ vom Völkerbund geächtet wurde. Ihre Rote Armee war an Soldaten dreifach, an Waffen zehnfach überlegen, erlitt aber enorme Verluste: 150000 Gefallene und 325000 Verwundete gegenüber 21000 beziehungsweise 44000 bei Finnland. Nur 30 Panzer besaßen die Finnen, vernichteten aber knapp 2000 sowjetische, vorwiegend mit 550000 todbringenden Brandflaschen, die sie in boshafter Anspielung auf Stalins Regierungschef und Außenminister „Molotovin cocktail“ nannten: Molotowcocktail.

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Vor allem dieser „Cocktail“ befähigte die Finnen zu 105 Tagen heroischem Widerstand, wogegen die Sowjets am 12. März 1940 nur einen glanzlosen „Frieden“ erreichten. Finnland büßte zwölf Prozent seines Territoriums ein.


Die Möglichkeit, die Ergebnisse des sowjetischen Überfalls zu revidieren, schien der deutsche Angriff auf die Sowjetunion zu bieten. Diesem Versuch einer militärischen Grenzrevision gaben die Finnen die Bezeichnung „Fortsetzungskrieg“.


Trotz des gemeinsamen Kriegsgegners versuchte Finnland, in den Augen der Westalliierten, auf Distanz zu Deutschland zu bleiben. Das Land schloss kein offizielles Bündnis mit dem Deutschen Reich. Auch behandelte es seine rund 2000 Juden, Nachfahren sogenannter Kantonisten, russischer Soldaten, die sich nach Dienstende in Finnland niedergelassen hatten, beispielhaft. Im Sommer 1942 war SS-Führer Heinrich Himmler in Finnland, um die Auslieferung von Juden zu fordern. Diese Forderung wies Finnlands Ministerpräsident Jukka Rangell zurück: „Finnlands Juden sind Staatsbürger wie alle anderen. In Finnland gibt es keine Judenfrage.“ Das bestätigte Leutnant Max Jakobson, nach dem Krieg Vizeaußenminister und UN-Vertreter Finnlands: „In der jüdischen Gemeinde Finnlands wurde kein offizieller Beschluss zur Kriegsbeteiligung gefasst. Die Juden reagierten auf die Ereignisse exakt so wie die Finnen.“ Alle seien Patrioten gewesen, schrieb der Historiker Seppo Hentilä: „Vielleicht dachten die Sowjets, die Finnen würden sie mit Blumen begrüßen. Der gemeinsame Hass schweißte die Finnen zusammen.“ Deren Erfahrungen mit Sowjets hätten sie, so Juho Paasikivi, 1940/41 Finnlands Botschafter in Moskau und ab 1946 dessen Staatspräsident, gelehrt, dass das Sowjetsystem „tausend Mal schlimmer“ als Adolf Hitlers Regime gewesen sei.


Bis Ende September hatten die Finnen fast alle 1940 verlorenen Gebiete zurückerobert, wozu der US-Außenminister Cordell Hull Finnland augenblicklich gratulierte. Hingegen argwöhnte England hier eine Tarnung deutscher Angriffspläne auf nordrussische Häfen und Verkehrslinien und erklärte Finnland am 5. Dezember den Krieg. Kurz darauf riet Premier Winston Churchill vertraulich dem finnischen Oberbefehlshaber Gustaf Mannerheim, aus dem Krieg mit den Deutschen auszuscheren. Das hätte Finnland gern getan, aber nicht unter Preisgabe rückeroberter Gebiete, was man noch im Sommer 1943 als „politischen Selbstmord“ ansah. Die Deutschen behielten, ungeachtet herber Rückschläge in der „Schlacht um Moskau“, die Initiative an der Ostfront. Wozu sie fähig waren, sah man am benachbarten Norwegen, das seit April 1940 deutsches Besatzungsgebiet war. Finnland nahm an der Blockade Leningrads teil. Sich selber sah man gut gerüstet, hatte Ende Sommer 1941 etwa 650000 Soldaten aufgestellt, knapp 18 Prozent der 3,7 Millionen Einwohner, ein Rekord in der internationalen Kriegsgeschichte. Darunter litten allerdings Wirtschaft und Beschäftigung, sodass bereits ab Herbst 1941 Soldaten demobilisiert wurden. 1943 hatte Finnland nur noch 320000.

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Das Land glaubte sich, so Ende 1941 sein Militärattaché in Wa­shington, mit seinem „Sonderkrieg“ auf gutem Wege zu einem „Sonderfrieden“. Mannerheim hatte Hitler die Niederlage prophezeit, als dieser im Juni 1942 zu seinem 75. Geburtstag angereist war. Ein offizielles deutsches Bündnisabkommen wurde zu­rück­gewiesen, worauf Deutschland seine Hilfslieferungen stoppte. Ein US-Angebot, bei der Kriegsbeendigung zu helfen, wurde allerdings ebenso am 20. März 1943 als „verfrüht“ abgelehnt. Man glaubte, warten zu können. Die Lage an der Front hatte sich stabilisiert, 1942/43 gab es kaum Kampfhandlungen. Erst im Sommer 1944 griff die Rote Armee in Karelien wieder an, im August übergab der zum Staatspräsident gewählte Mannerheim über die Sowjetbotschaft in Stockholm ein Friedensangebot ab. Schäbiger Bittsteller war man nicht, hatte vielmehr der Roten Armee in der Schlacht von Tali-Ihantala (25. Juni bis 9. Juli 1944) die schwerste Niederlage des Fortsetzungskriegs zugefügt, rund 18000 Rotarmisten waren gefallen, 300 Panzer und 280 Flugzeuge abgeschossen.


Die sowjetischen Bedingungen für die Feuereinstellung waren mit dem Vereinigten Königreich und den Vereinigten Staaten abgestimmt: sofortiger Bruch mit Deutschland, Rückzug der deutschen Truppen bis zum 15. September. Am 4. September stellten die Finnen die Kampfhandlungen ein, die Sowjets erst am Tag danach wegen „bürokratischer Hemmnisse“. Am 19. September signierten in Moskau Finnland, die Sowjetunion und Großbritannien ein Waffenstillstandsabkommen, das für Sowjet-Usancen relativ milde ausfiel: Rückgabe der im Fortsetzungskrieg zurückgewonnenen Ge­biete, Abtretung weiterer Gebiete, ungehinderter Transit der Roten Armee durch Finnland, 300 Millionen US-Dollar Reparationen. Schwierigkeiten ergaben sich beim Rückzug der 200000 Deutschen, wofür die vorgesehene Zeit nicht ausreichte. Um den Sowjets keinen Vorwand zu liefern, den Waffenstillstand nicht einzuhalten, starteten die Finnen ihren „Lapplandkrieg“ gegen Deutsche, der sich dann noch bis Ende April 1945 hinzog.


Der endgültige Friedensvertrag Finnlands mit den „Alliierten und Assoziierten Mächten“ wurde am 10. Februar 1947 in Paris unterzeichnet. Offenkundig waren die Sowjets unzufrieden, nutzten den 1948 geschlossenen Vertrag über Freundschaft, Zusammenarbeit und gegenseitigen Beistand zu einer Knebelung des Landes, für die 1966 der Politologe Richard Löwenthal den Begriff „Finnlandisierung“ prägte.

Wolf Oschlies

dimanche, 29 mai 2016

La tyrannie mondialiste et le totalitarisme démocratique

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La tyrannie mondialiste et le totalitarisme démocratique

Conversation avec Alexandre Zinoviev philosophe, logicien,
sociologue,
et écrivain dissident soviétique.

Entretien réalisé par Victor Loupan à Munich, en juin 1999,
quelques jours avant le retour définitif d’Alexandre Zinoviev en Russie ; extrait de « La grande rupture », aux éditions l’Âge d’Homme.

Ex: http://www.actionroyaliste.fr

Victor Loupan : Avec quels sentiments rentrez-vous après un exil aussi long ?

Alexandre Zinoviev : Avec celui d’avoir quitté une puissance respectée, forte, crainte même, et de retrouver un pays vaincu, en ruines. Contrairement à d’autres, je n’aurais jamais quitté l’URSS, si on m’avait laissé le choix. L’émigration a été une vraie punition pour moi.

V. L. : On vous a pourtant reçu à bras ouverts !

A. Z. : C’est vrai. Mais malgré l’accueil triomphal et le succès mondial de mes livres, je me suis toujours senti étranger ici.

zinoli2221069363.JPGV. L. : Depuis la chute du communisme, c’est le système occidental qui est devenu votre principal objet d’étude et de critique. Pourquoi ?

A. Z. : Parce que ce que j’avais dit est arrivé : la chute du communisme s’est transformée en chute de la Russie. La Russie et le communisme étaient devenus une seule et même chose.

V. L. : La lutte contre le communisme aurait donc masqué une volonté d’élimination de la Russie ?

A. Z. : Absolument. La catastrophe russe a été voulue et programmée ici, en Occident. Je le dis, car j’ai été, à une certaine époque, un initié. J’ai lu des documents, participé à des études qui, sous prétexte de combattre une idéologie, préparaient la mort de la Russie. Et cela m’est devenu insupportable au point où je ne peux plus vivre dans le camp de ceux qui détruisent mon pays et mon peuple. L’Occident n’est pas une chose étrangère pour moi, mais c’est une puissance ennemie.

V. L. : Seriez-vous devenu un patriote ?

A. Z. : Le patriotisme, ce n’est pas mon problème. J’ai reçu une éducation internationaliste et je lui reste fidèle. Je ne peux d’ailleurs pas dire si j’aime ou non la Russie et les Russes. Mais j’appartiens à ce peuple et à ce pays. J’en fais partie. Les malheurs actuels de mon peuple sont tels, que je ne peux continuer à les contempler de loin. La brutalité de la mondialisation met en évidence des choses inacceptables.

V. L. : Les dissidents soviétiques parlaient pourtant comme si leur patrie était la démocratie et leur peuple les droits de l’homme. Maintenant que cette manière de voir est dominante en Occident, vous semblez la combattre. N’est-ce pas contradictoire ?

A. Z. : Pendant la guerre froide, la démocratie était une arme dirigée contre le totalitarisme communiste, mais elle avait l’avantage d’exister. On voit d’ailleurs aujourd’hui que l’époque de la guerre froide a été un point culminant de l’histoire de l’Occident. Un bien être sans pareil, de vraies libertés, un extraordinaire progrès social, d’énormes découvertes scientifiques et techniques, tout y était ! Mais, l’Occident se modifiait aussi presqu’imperceptiblement. L’intégration timide des pays développés, commencée alors, constituait en fait les prémices de la mondialisation de l’économie et de la globalisation du pouvoir auxquels nous assistons aujourd’hui. Une intégration peut être généreuse et positive si elle répond, par exemple, au désir légitime des nations-soeurs de s’unir. Mais celle-ci a, dès le départ, été pensée en termes de structures verticales, dominées par un pouvoir supranational. Sans le succès de la contre-révolution russe, il n’aurait pu se lancer dans la mondialisation.

V. L. : Le rôle de Gorbatchev n’a donc pas été positif ?

A. Z. : Je ne pense pas en ces termes-là. Contrairement à l’idée communément admise, le communisme soviétique ne s’est pas effondré pour des raisons internes. Sa chute est la plus grande victoire de l’histoire de l’Occident ! Victoire colossale qui, je le répète, permet l’instauration d’un pouvoir planétaire. Mais la fin du communisme a aussi marqué la fin de la démocratie. Notre époque n’est pas que post-communiste, elle est aussi post-démocratique. Nous assistons aujourd’hui à l’instauration du totalitarisme démocratique ou, si vous préférez, de la démocratie totalitaire.

zinolié.jpgV. L. : N’est-ce pas un peu absurde ?

A. Z. : Pas du tout. La démocratie sous-entend le pluralisme. Et le pluralisme suppose l’opposition d’au moins deux forces plus ou moins égale ; forces qui se combattent et s’influencent en même temps. Il y avait, à l’époque de la guerre froide, une démocratie mondiale, un pluralisme global au sein duquel coexistaient le système capitaliste, le système communiste et même une structure plus vague mais néanmoins vivante, les non-alignés. Le totalitarisme soviétique était sensible aux critiques venant de l’Occident. L’Occident subissait lui aussi l’influence de l’URSS, par l’intermédiaire notamment de ses propres partis communistes. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde dominé par une force unique, par une idéologie unique, par un parti unique mondialiste. La constitution de ce dernier a débuté, elle aussi, à l’époque de la guerre froide, quand des superstructures transnationales ont progressivement commencé à se constituer sous les formes les plus diverses : sociétés commerciales, bancaires, politiques, médiatiques. Malgré leurs différents secteurs d’activités, ces forces étaient unies par leur nature supranationale. Avec la chute du communisme, elles se sont retrouvées aux commandes du monde. Les pays occidentaux sont donc dominateurs, mais aussi dominés, puisqu’ils perdent progressivement leur souveraineté au profit de ce que j’appelle la « suprasociété ». Suprasociété planétaire, constituée d’entreprises commerciales et d’organismes non-commerciaux, dont les zones d’influence dépassent les nations. Les pays occidentaux sont soumis, comme les autres, au contrôle de ces structures supranationales. Or, la souveraineté des nations était, elle aussi, une partie constituante du pluralisme et donc de la démocratie, à l’échelle de la planète. Le pouvoir dominant actuel écrase les états souverains. L’intégration de l’Europe qui se déroule sous nos yeux, provoque elle aussi la disparition du pluralisme au sein de ce nouveau conglomérat, au profit d’un pouvoir supranational.

V. L. : Mais ne pensez-vous pas que la France ou l’Allemagne continuent à être des pays démocratiques ?

A. Z. : Les pays occidentaux ont connu une vraie démocratie à l’époque de la guerre froide. Les partis politiques avaient de vraies divergences idéologiques et des programmes politiques différents. Les organes de presse avaient des différences marquées, eux aussi. Tout cela influençait la vie des gens, contribuait à leur bien-être. C’est bien fini. Parce que le capitalisme démocratique et prospère, celui des lois sociales et des garanties d’emploi devait beaucoup à l’épouvantail communiste. L’attaque massive contre les droits sociaux à l’Ouest a commencé avec la chute du communisme à l’Est. Aujourd’hui, les socialistes au pouvoir dans la plupart des pays d’Europe, mènent une politique de démantèlement social qui détruit tout ce qu’il y avait de socialiste justement dans les pays capitalistes. Il n’existe plus, en Occident, de force politique capable de défendre les humbles. L’existence des partis politiques est purement formelle. Leurs différences s’estompent chaque jour davantage. La guerre des Balkans était tout sauf démocratique. Elle a pourtant été menée par des socialistes, historiquement opposés à ce genre d’aventures. Les écologistes, eux aussi au pouvoir dans plusieurs pays, ont applaudi au désastre écologique provoqué par les bombardements de l’OTAN. Ils ont même osé affirmer que les bombes à uranium appauvri n’étaient pas dangereuses alors que les soldats qui les chargent portent des combinaisons spéciales. La démocratie tend donc aussi à disparaître de l’organisation sociale occidentale. Le totalitarisme financier a soumis les pouvoirs politiques. Le totalitarisme financier est froid. Il ne connaît ni la pitié ni les sentiments. Les dictatures politiques sont pitoyables en comparaison avec la dictature financière. Une certaine résistance était possible au sein des dictatures les plus dures. Aucune révolte n’est possible contre la banque.

V. L. : Et la révolution ?

A. Z. : Le totalitarisme démocratique et la dictature financière excluent la révolution sociale.

V. L. : Pourquoi ?

A. Z. : Parce qu’ils combinent la brutalité militaire toute puissante et l’étranglement financier planétaire. Toutes les révolutions ont bénéficié de soutien venu de l’étranger. C’est désormais impossible, par absence de pays souverains. De plus, la classe ouvrière a été remplacée au bas de l’échelle sociale, par la classe des chômeurs. Or que veulent les chômeurs ? Un emploi. Ils sont donc, contrairement à la classe ouvrière du passé, dans une situation de faiblesse.

V. L. : Les systèmes totalitaires avaient tous une idéologie. Quelle est celle de cette nouvelle société que vous appelez post-démocratique ?

A. Z. : Les théoriciens et les politiciens occidentaux les plus influents considèrent que nous sommes entrés dans une époque post-idéologique. Parce qu’ils sous-entendent par « idéologie » le communisme, le fascisme, le nazisme, etc. En réalité, l’idéologie, la supraidéologie du monde occidental, développée au cours des cinquante dernières années, est bien plus forte que le communisme ou le national-socialisme. Le citoyen occidental en est bien plus abruti que ne l’était le soviétique moyen par la propagande communiste. Dans le domaine idéologique, l’idée importe moins que les mécanismes de sa diffusion. Or la puissance des médias occidentaux est, par exemple, incomparablement plus grande que celle, énorme pourtant, du Vatican au sommet de son pouvoir. Et ce n’est pas tout : le cinéma, la littérature, la philosophie, tous les moyens d’influence et de diffusion de la culture au sens large vont dans le même sens. A la moindre impulsion, ceux qui travaillent dans ces domaines réagissent avec un unanimisme qui laisse penser à des ordres venant d’une source de pouvoir unique. Il suffit que la décision de stigmatiser un Karadzic, un Milosevic ou un autre soit prise pour qu’une machine de propagande planétaire se mette en branle contre ces gens, sans grande importance. Et alors qu’il faudrait juger les politiciens et les généraux de l’OTAN parce qu’ils ont enfreint toutes les lois existantes, l’écrasante majorité des citoyens occidentaux est persuadée que la guerre contre la Serbie était juste et bonne. L’idéologie occidentale combine et fait converger les idées en fonction des besoins. L’une d’entre elles est que les valeurs et le mode de vie occidentaux sont supérieurs à d’autres. Alors que pour la plupart des peuples de la planète ces valeurs sont mortelles. Essayez donc de convaincre les Américains que la Russie en meurt. Vous n’y arriverez jamais. Ils continueront à affirmer que les valeurs occidentales sont universelles, appliquant ainsi l’un des principes fondamentaux du dogmatisme idéologique. Les théoriciens, les médias et les politiciens occidentaux sont absolument persuadés de la supériorité de leur système. C’est cela qui leur permet de l’imposer au monde avec bonne conscience. L’homme occidental, porteur de ces valeurs supérieures est donc un nouveau surhomme. Le terme est tabou, mais cela revient au même. Tout cela mériterait d’être étudié scientifiquement. Mais la recherche scientifique dans certains domaines sociologiques et historiques est devenue difficile. Un scientifique qui voudrait se pencher sur les mécanismes du totalitarisme démocratique aurait à faire face aux plus grandes difficultés. On en ferait d’ailleurs un paria. Par contre, ceux dont le travail sert l’idéologie dominante, croulent sous les dotations et les éditeurs comme les médias se les disputent. Je l’ai observé en tant que chercheur et professeur des universités.

V. L. : Mais cette « supraidéologie » ne propage-t-elle pas aussi la tolérance et le respect ?

A. Z. : Quand vous écoutez les élites occidentales, tout est pur, généreux, respectueux de la personne humaine. Ce faisant, elles appliquent une règle classique de la propagande : masquer la réalité par le discours. Car il suffit d’allumer la télévision, d’aller au cinéma, d’ouvrir les livres à succès, d’écouter la musique la plus diffusée, pour se rendre compte que ce qui est propagé en réalité c’est le culte du sexe, de la violence et de l’argent. Le discours noble et généreux est donc destiné à masquer ces trois piliers – il y en a d’autres – de la démocratie totalitaire.

V. L. : Mais que faites-vous des droits de l’homme ? Ne sont-ils pas respectés en Occident bien plus qu’ailleurs ?

A. Z. : L’idée des droits de l’homme est désormais soumise elle aussi à une pression croissante. L’idée, purement idéologique, selon laquelle ils seraient innés et inaltérables ne résisterait même pas à un début d’examen rigoureux. Je suis prêt à soumettre l’idéologie occidentale à l’analyse scientifique, exactement comme je l’ai fait pour le communisme. Ce sera peut-être un peu long pour un entretien.

zinoli3.jpgV. L. : N’a-t-elle pas une idée maîtresse ?

A. Z. : C’est le mondialisme, la globalisation. Autrement dit : la domination mondiale. Et comme cette idée est assez antipathique, on la masque sous le discours plus vague et généreux d’unification planétaire, de transformation du monde en un tout intégré. C’est le vieux masque idéologique soviétique ; celui de l’amitié entre les peuples, « amitié » destinée à couvrir l’expansionnisme. En réalité, l’Occident procède actuellement à un changement de structure à l’échelle planétaire. D’un côté, la société occidentale domine le monde de la tête et des épaules et de l’autre, elle s’organise elle-même verticalement, avec le pouvoir supranational au sommet de la pyramide.

V. L. : Un gouvernement mondial ?

A. Z. : Si vous voulez.

V. L. : Croire cela n’est-ce-pas être un peu victime du fantasme du complot ?

A. Z. : Quel complot ? Il n’y a aucun complot. Le gouvernement mondial est dirigé par les gouverneurs des structures supranationales commerciales, financières et politiques connues de tous. Selon mes calculs, une cinquantaine de millions de personnes fait déjà partie de cette suprasociété qui dirige le monde. Les États-Unis en sont la métropole. Les pays d’Europe occidentale et certains anciens « dragons » asiatiques, la base. Les autres sont dominés suivant une dure gradation économico-financière. Ça, c’est la réalité. La propagande, elle, prétend qu’un gouvernement mondial contrôlé par un parlement mondial serait souhaitable, car le monde est une vaste fraternité. Ce ne sont là que des balivernes destinées aux populations.

V. L. : Le Parlement européen aussi ?

A. Z. : Non, car le Parlement européen existe. Mais il serait naïf de croire que l’union de l’Europe s’est faite parce que les gouvernements des pays concernés l’ont décidé gentiment. L’Union européenne est un instrument de destruction des souverainetés nationales. Elle fait partie des projets élaborés par les organismes supranationaux.

V. L. : La Communauté européenne a changé de nom après la destruction de l’Union soviétique. Elle s’est appelée Union européenne, comme pour la remplacer. Après tout, il y avait d’autres noms possibles. Aussi, ses dirigeants s’appellent-ils « commissaires », comme les Bolcheviks. Ils sont à la tête d’une « Commission », comme les Bolcheviks. Le dernier président a été « élu » tout en étant candidat unique.

A. Z. : Il ne faut pas oublier que des lois régissent l’organisation sociale. Organiser un million d’hommes c’est une chose, dix millions c’en est une autre, cent millions, c’est bien plus compliqué encore. Organiser cinq cent millions est une tâche immense. Il faut créer de nouveaux organismes de direction, former des gens qui vont les administrer, les faire fonctionner. C’est indispensable. Or l’Union soviétique est, en effet, un exemple classique de conglomérat multinational coiffé d’une structure dirigeante supranationale. L’Union européenne veut faire mieux que l’Union soviétique ! C’est légitime. J’ai déjà été frappé, il y a vingt ans, de voir à quel point les soi-disant tares du système soviétique étaient amplifiées en Occident.

V. L. : Par exemple ?

A. Z. : La planification ! L’économie occidentale est infiniment plus planifiée que ne l’a jamais été l’économie soviétique. La bureaucratie ! En Union Soviétique 10 % à 12 % de la population active travaillaient dans la direction et l’administration du pays. Aux États Unis, ils sont entre 16 % et 20 %. C’est pourtant l’URSS qui était critiquée pour son économie planifiée et la lourdeur de son appareil bureaucratique ! Le Comité central du PCUS employait deux mille personnes. L’ensemble de l’appareil du Parti communiste soviétique était constitué de 150000 salariés. Vous trouverez aujourd’hui même, en Occident, des dizaines voire des centaines d’entreprises bancaires et industrielles qui emploient un nombre bien plus élevé de gens. L’appareil bureaucratique du Parti communiste soviétique était pitoyable en comparaison avec ceux des grandes multinationales. L’URSS était en réalité un pays sous-administré. Les fonctionnaires de l’administration auraient dû être deux à trois fois plus nombreux. L’Union européenne le sait, et en tient compte. L’intégration est impossible sans la création d’un très important appareil administratif.

V. L. : Ce que vous dites est contraire aux idées libérales, affichées par les dirigeants européens. Pensez-vous que leur libéralisme est de façade ?

A. Z. : L’administration a tendance à croître énormément. Cette croissance est dangereuse, pour elle-même. Elle le sait. Comme tout organisme, elle trouve ses propres antidotes pour continuer à prospérer. L’initiative privée en est un. La morale publique et privée, un autre. Ce faisant, le pouvoir lutte en quelque sorte contre ses tendances à l’auto-déstabilisation. Il a donc inventé le libéralisme pour contrebalancer ses propres lourdeurs. Et le libéralisme a joué, en effet, un rôle historique considérable. Mais il serait absurde d’être libéral aujourd’hui. La société libérale n’existe plus. Sa doctrine est totalement dépassée à une époque de concentrations capitalistiques sans pareil dans l’histoire. Les mouvements d’énormes masses financières ne tiennent compte ni des intérêts des États ni de ceux des peuples, peuples composés d’individus. Le libéralisme sous-entend l’initiative personnelle et le risque financier personnel. Or, rien ne se fait aujourd’hui sans l’argent des banques. Ces banques, de moins en moins nombreuses d’ailleurs, mènent une politique dictatoriale, dirigiste par nature. Les propriétaires sont à leur merci, puisque tout est soumis au crédit et donc au contrôle des puissances financières. L’importance des individus, fondement du libéralisme, se réduit de jour en jour. Peu importe aujourd’hui qui dirige telle ou telle entreprise ; ou tel ou tel pays d’ailleurs. Bush ou Clinton, Kohl ou Schröder, Chirac ou Jospin, quelle importance ? Ils mènent et mèneront la même politique.

V. L. : Les totalitarismes du XXe siècle ont été extrêmement violents. On ne peut dire la même chose de la démocratie occidentale.

A. Z. : Ce ne sont pas les méthodes, ce sont les résultats qui importent. Un exemple ? L’URSS a perdu vingt million d’hommes et subi des destructions considérables, en combattant l’Allemagne nazie. Pendant la guerre froide, guerre sans bombes ni canons pourtant, ses pertes, sur tous les plans, ont été bien plus considérables ! La durée de vie des Russes a chuté de dix ans dans les dix dernières années. La mortalité dépasse la natalité de manière catastrophique. Deux millions d’enfants ne dorment pas à la maison. Cinq millions d’enfants en âge d’étudier ne vont pas à l’école. Il y a douze millions de drogués recensés. L’alcoolisme s’est généralisé. 70 % des jeunes ne sont pas aptes au service militaire à cause de leur état physique. Ce sont là des conséquences directes de la défaite dans la guerre froide, défaite suivie par l’occidentalisation. Si cela continue, la population du pays descendra rapidement de cent-cinquante à cent, puis à cinquante millions d’habitants. Le totalitarisme démocratique surpassera tous ceux qui l’ont précédé.

V. L. : En violence ?

A. Z. : La drogue, la malnutrition, le sida sont plus efficaces que la violence guerrière. Quoique, après la guerre froide dont la force de destruction a été colossale, l’Occident vient d’inventer la « guerre pacifique ». L’Irak et la Yougoslavie sont deux exemples de réponse disproportionnée et de punition collective, que l’appareil de propagande se charge d’habiller en « juste cause » ou en « guerre humanitaire ». L’exercice de la violence par les victimes contre elles-mêmes est une autre technique prisée. La contre-révolution russe de 1985 en est un exemple. Mais en faisant la guerre à la Yougoslavie, les pays d’Europe occidentale l’ont faite aussi à eux-mêmes.

V. L. : Selon vous, la guerre contre la Serbie était aussi une guerre contre l’Europe ?

A. Z. : Absolument. Il existe, au sein de l’Europe, des forces capables de lui imposer d’agir contre elle-même. La Serbie a été choisie, parce qu’elle résistait au rouleau compresseur mondialiste. La Russie pourrait être la prochaine sur la liste. Avant la Chine.

zinoli4.jpgV. L. : Malgré son arsenal nucléaire ?

A. Z. : L’arsenal nucléaire russe est énorme mais dépassé. De plus, les Russes sont moralement prêts à être conquis. A l’instar de leurs aïeux qui se rendaient par millions dans l’espoir de vivre mieux sous Hitler que sous Staline, ils souhaitent même cette conquête, dans le même espoir fou de vivre mieux. C’est une victoire idéologique de l’Occident. Seul un lavage de cerveau peut obliger quelqu’un à voir comme positive la violence faite à soi-même. Le développement des mass-media permet des manipulations auxquelles ni Hitler ni Staline ne pouvaient rêver. Si demain, pour des raisons « X », le pouvoir supranational décidait que, tout compte fait, les Albanais posent plus de problèmes que les Serbes, la machine de propagande changerait immédiatement de direction, avec la même bonne conscience. Et les populations suivraient, car elles sont désormais habituées à suivre. Je le répète : on peut tout justifier idéologiquement. L’idéologie des droits de l’homme ne fait pas exception. Partant de là, je pense que le XXIe siècle dépassera en horreur tout ce que l’humanité a connu jusqu’ici. Songez seulement au futur combat contre le communisme chinois. Pour vaincre un pays aussi peuplé, ce n’est ni dix ni vingt mais peut-être cinq cent millions d’individus qu’il faudra éliminer. Avec le développement que connaît actuellement la machine de propagande ce chiffre est tout à fait atteignable. Au nom de la liberté et des droits de l’homme, évidemment. A moins qu’une nouvelle cause, non moins noble, sorte de quelque institution spécialisée en relations publiques.

V. L. : Ne pensez-vous pas que les hommes et les femmes peuvent avoir des opinions, voter, sanctionner par le vote ?

A. Z. : D’abord les gens votent déjà peu et voteront de moins en moins. Quant à l’opinion publique occidentale, elle est désormais conditionnée par les médias. Il n’y a qu’à voir le oui massif à la guerre du Kosovo. Songez donc à la guerre d’Espagne ! Les volontaires arrivaient du monde entier pour combattre dans un camp comme dans l’autre. Souvenez-vous de la guerre du Vietnam. Les gens sont désormais si conditionnés qu’ils ne réagissent plus que dans le sens voulu par l’appareil de propagande.

V. L. : L’URSS et la Yougoslavie étaient les pays les plus multiethniques du monde et pourtant ils ont été détruits. Voyez-vous un lien entre la destruction des pays multiethniques d’un côté et la propagande de la multiethnicité de l’autre ?

A. Z. : Le totalitarisme soviétique avait créé une vraie société multinationale et multiethnique. Ce sont les démocraties occidentales qui ont fait des efforts de propagande surhumains, à l’époque de la guerre froide, pour réveiller les nationalismes. Parce qu’elles voyaient dans l’éclatement de l’URSS le meilleur moyen de la détruire. Le même mécanisme a fonctionné en Yougoslavie. L’Allemagne a toujours voulu la mort de la Yougoslavie. Unie, elle aurait été plus difficile à vaincre. Le système occidental consiste à diviser pour mieux imposer sa loi à toutes les parties à la fois, et s’ériger en juge suprême. Il n’y a pas de raison pour qu’il ne soit pas appliqué à la Chine. Elle pourrait être divisée, en dizaines d’États.

V. L. : La Chine et l’Inde ont protesté de concert contre les bombardements de la Yougoslavie. Pourraient-elles éventuellement constituer un pôle de résistance ? Deux milliards d’individus, ce n’est pas rien !

A. Z. : La puissance militaire et les capacités techniques de l’Occident sont sans commune mesure avec les moyens de ces deux pays.

V. L. : Parce que les performances du matériel de guerre américain en Yougoslavie vous ont impressionné ?

A. Z. : Ce n’est pas le problème. Si la décision avait été prise, la Serbie aurait cessé d’exister en quelques heures. Les dirigeants du Nouvel ordre mondial ont apparemment choisi la stratégie de la violence permanente. Les conflits locaux vont se succéder pour être arrêtés par la machine de « guerre pacifique » que nous venons de voir à l’oeuvre. Cela peut, en effet, être une technique de management planétaire. L’Occident contrôle la majeure partie des ressources naturelles mondiales. Ses ressources intellectuelles sont des millions de fois supérieures à celles du reste de la planète. C’est cette écrasante supériorité qui détermine sa domination technique, artistique, médiatique, informatique, scientifique dont découlent toutes les autres formes de domination. Tout serait simple s’il suffisait de conquérir le monde. Mais il faut encore le diriger. C’est cette question fondamentale que les Américains essaient maintenant de résoudre. C’est cela qui rend « incompréhensibles » certaines actions de la « communauté internationale ». Pourquoi Saddam est-il toujours là ? Pourquoi Karadzic n’est-il toujours pas arrêté ? Voyez-vous, à l’époque du Christ, nous étions peut-être cent millions sur l’ensemble du globe. Aujourd’hui, le Nigeria compte presqu’autant d’habitants ! Le milliard d’Occidentaux et assimilés va diriger le reste du monde. Mais ce milliard devra être dirigé à son tour. Il faudra probablement deux cent millions de personnes pour diriger le monde occidental. Il faut les sélectionner, les former. Voilà pourquoi la Chine est condamnée à l’échec dans sa lutte contre l’hégémonie occidentale. Ce pays sous-administré n’a ni les capacités économiques ni les ressources intellectuelles pour mettre en place un appareil de direction efficace, composé de quelque trois cent millions d’individus. Seul l’Occident est capable de résoudre les problèmes de management à l’échelle de la planète. Cela se met déjà en place. Les centaines de milliers d’Occidentaux se trouvant dans les anciens pays communistes, en Russie par exemple, occupent dans leur écrasante majorité des postes de direction. La démocratie totalitaire sera aussi une démocratie coloniale.

V. L. : Pour Marx, la colonisation était civilisatrice. Pourquoi ne le serait-elle pas à nouveau ?

A. Z. : Pourquoi pas, en effet ? Mais pas pour tout le monde. Quel est l’apport des Indiens d’Amérique à la civilisation ? Il est presque nul, car ils ont été exterminés, écrasés. Voyez maintenant l’apport des Russes ! L’Occident se méfiait d’ailleurs moins de la puissance militaire soviétique que de son potentiel intellectuel, artistique, sportif. Parce qu’il dénotait une extraordinaire vitalité. Or c’est la première chose à détruire chez un ennemi. Et c’est ce qui a été fait. La science russe dépend aujourd’hui des financements américains. Et elle est dans un état pitoyable, car ces derniers n’ont aucun intérêt à financer des concurrents. Ils préfèrent faire travailler les savants russes aux USA. Le cinéma soviétique a été lui aussi détruit et remplacé par le cinéma américain. En littérature, c’est la même chose. La domination mondiale s’exprime, avant tout, par le diktat intellectuel ou culturel si vous préférez. Voilà pourquoi les Américains s’acharnent, depuis des décennies, à baisser le niveau culturel et intellectuel du monde : ils veulent le ramener au leur pour pouvoir exercer ce diktat.

zinovievxxx.jpgV. L. : Mais cette domination, ne serait-elle pas, après tout, un bien pour l’humanité ?

A. Z. : Ceux qui vivront dans dix générations pourront effectivement dire que les choses se sont faites pour le bien de l’humanité, autrement dit pour leur bien à eux. Mais qu’en est-il du Russe ou du Français qui vit aujourd’hui ? Peut-il se réjouir s’il sait que l’avenir de son peuple pourrait être celui des Indiens d’Amérique ? Le terme d’Humanité est une abstraction. Dans la vie réelle il y a des Russes, des Français, des Serbes, etc. Or si les choses continuent comme elles sont parties, les peuples qui ont fait notre civilisation, je pense avant tout aux peuples latins, vont progressivement disparaître. L’Europe occidentale est submergée par une marée d’étrangers. Nous n’en avons pas encore parlé, mais ce n’est ni le fruit du hasard, ni celui de mouvements prétendument incontrôlables. Le but est de créer en Europe une situation semblable à celle des États-Unis. Savoir que l’humanité va être heureuse, mais sans Français, ne devrait pas tellement réjouir les Français actuels. Après tout, laisser sur terre un nombre limité de gens qui vivraient comme au Paradis, pourrait être un projet rationnel. Ceux-là penseraient d’ailleurs sûrement que leur bonheur est l’aboutissement de la marche de l’histoire. Non, il n’est de vie que celle que nous et les nôtres vivons aujourd’hui.

V. L. : Le système soviétique était inefficace. Les sociétés totalitaires sont-elles toutes condamnées à l’inefficacité ?

A. Z. : Qu’est-ce que l’efficacité ? Aux États-Unis, les sommes dépensées pour maigrir dépassent le budget de la Russie. Et pourtant le nombre des gros augmente. Il y a des dizaines d’exemples de cet ordre.

V. L. : Peut-on dire que l’Occident vit actuellement une radicalisation qui porte les germes de sa propre destruction ?

A. Z. : Le nazisme a été détruit dans une guerre totale. Le système soviétique était jeune et vigoureux. Il aurait continué à vivre s’il n’avait pas été combattu de l’extérieur. Les systèmes sociaux ne s’autodétruisent pas. Seule une force extérieure peut anéantir un système social. Comme seul un obstacle peut empêcher une boule de rouler. Je pourrais le démontrer comme on démontre un théorème. Actuellement, nous sommes dominés par un pays disposant d’une supériorité économique et militaire écrasante. Le Nouvel ordre mondial se veut unipolaire. Si le gouvernement supranational y parvenait, n’ayant aucun ennemi extérieur, ce système social unique pourrait exister jusqu’à la fin des temps. Un homme seul peut être détruit par ses propres maladies. Mais un groupe, même restreint, aura déjà tendance à se survivre par la reproduction. Imaginez un système social composé de milliards d’individus ! Ses possibilités de repérer et d’arrêter les phénomènes autodestructeurs seront infinies. Le processus d’uniformisation du monde ne peut être arrêté dans l’avenir prévisible. Car le totalitarisme démocratique est la dernière phase de l’évolution de la société occidentale, évolution commencée à la Renaissance.

vendredi, 20 novembre 2015

Antifascistas en el Gulag

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Antifascistas en el Gulag

por Joaquín Albaicín

Ex: http://culturatransversal.wordpress.com

¿Qué hacía Rafael Pelayo de Hungría, comunista español y partisano soviético en las estepas, fugándose de la Unión Soviética con un sargento de la División Azul, camuflados ambos entre los contingentes de ex combatientes alemanes repatriados tras lago cautiverio en Rusia? Pues… ¿qué iba a hacer? Sencillamente, poner pies en polvorosa como fuera tras arrojar a la letrina el lastre que siempre supone eso de tener una ideología.

Y es que uno de los muchos saldos en números rojos dejados en 1939 por la derrota de la República fue el de los exiliados, y no sólo porque el papel moneda emitido por Madrid hubiera perdido todo valor. Para los fugitivos, claro, no era lo mismo haber logrado hallar acomodo –por precario que fuera- en México o París que en la URSS. Persuadidos por sus líderes de que el paraíso de los obreros era su lugar en la vida, muchos comunistas ibéricos recalaron allí, donde desde hacía tiempo les esperaban, aparte de unos tres mil “niños de la guerra”, bastantes pilotos en su día desplazados hasta tan remotos parajes para recibir cursos de vuelo, así como marinos a cuyos barcos sorprendió el final de la contienda atracados en puertos rusos.

Lógicamente, en cuanto se coscaron del cenizo que recubría toda la pesadilla leninista y constataron que allí se vivía en la miseria y a golpe de látigo, tanto los comunistas como quienes no lo eran iniciaron denodados trámites –supuestamente existentes- para ser autorizados a abandonar el país y trasladarse bien a España, bien a otras naciones donde podrían reunirse con sus familiares. La dirección del PC español fue el mayor obstáculo con que se toparon. En primer lugar, que los antifascistas huyeran de las condiciones de vida vigentes en la URSS no constituía una propaganda deseable. En segundo, era de temer que contaran cómo de verdad transcurrían allí las cosas. Finalmente, aquello constituiría un imperdonable desaire a Dolores Ibárruri, en torno a la cual los dirigentes comunistas españoles estaban edificando un culto a la personalidad calcado del promovido por el PCUS en torno a Stalin: si éste era el severo Padrecito de Todos los Soviéticos, ella –La Pasionaria– era la amantísima Madre de Todos los Obreros Españoles.

La política adoptada por el PCE de la época se centró, pues, en la ejecución de purgas internas paralelas a las regularmente aplicadas en sus filas por el PCUS, así que la Madrecita puso enseguida manos a la obra a un equipo de leales con la misión de investigar y denunciar ante las autoridades soviéticas las conspiraciones fascistas en que andaban envueltos todos aquellos traidores que abominaban de la sopa de remolacha soviética.

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La primera medida fue suave: invitar, a todos los aspirantes a marcharse, a firmar un documento declarando lo felices que vivían en la URSS y solicitando que Moscú no prestara oídos a futuras peticiones que, para sacarlos de allí, pudieran formular sus familias o cualquier organización o gobierno. Como sólo lo rubricaron dos, los republicanos españoles empezaron muy pronto a conocer el Gulag, donde –bromas del Destino- coincidirían con los cautivos de la División Azul. Son los líos en que se mete la gente, o en los que la vida enreda a los habitantes del Valle de Lágrimas. Quién iba a decir a un buen señor nacido en un pueblo de Toledo y anarquista, comunista, socialista o, simplemente, republicano de toda la vida, que iba un buen día a verse cargando vagonetas de pedruscos en un campo de concentración del Círculo Polar Ártico, rezando codo con codo con un falangista por que Dios diese salud y larga vida a Franco, porque él era su única esperanza de salir algún día del agujero.

Irónicamente, así ocurrió. Fue el Estado franquista quien, tras varios años y muchas negociaciones, y previo indulto de aquellos que tuvieran en España causas pendientes o condenas firmes por su actuación durante la guerra civil, sacó del infierno a los supervivientes de aquel dislate (con el consiguiente y, no en vano, merecido provecho político ante la comunidad internacional). La historia de esos esfuerzos y de los –casi baldíos- del fantasmal Gobierno de la República en el Exilio, la cuenta con todos los detalles la profesora rumana Luiza Iordache, Doctora en Ciencias Políticas y docente en la UAB, en su voluminoso y amenísimo estudio En el Gulag. Españoles republicanos en los campos de concentración de Stalin (RBA).

Aparte de tratarse de una investigación muy rigurosa, valdría la pena leerlo aunque sólo fuera por conocer la historia del “niño de la guerra” Pedro Cepeda y el curtido aviador comunista José Antonio Tuñón, que –con la ayuda de diplomáticos argentinos, en cuya embajada moscovita trabajaban como intérpretes- trataron de huir de la URSS ocultos en dos baúles. O la de su cómplice Julián Fuster, verdadero personaje de novela: cirujano en el Ejército Rojo, siete años en el Gulag a las espaldas y médico también tras su liberación en la Cuba revolucionaria, de donde hubo de marcharse por advertir de que se caminaba hacia el modelo soviético, fue uno de los tripulantes del último avión de la OMS que abandonó el Congo al estallar la guerra de Katanga antes de recalar, esta vez definitivamente, en España.

Agitada fue también la de Francisco Ramos, seis meses torturado en la Lubyanka, con quien Solzhenytsin coincidió en los campos y que, irónicamente, como los demás antifascistas españoles “residentes” en el Edén socialista, sólo podía hacer llegar noticias suyas a sus familiares a través de los soldados nazis puestos en libertad y reenviados a Alemania. Retornado a España en 1957, Ramos fue elegido como diputado del PSC-PSOE por Barcelona en 1977 y 1982. No sé qué sentiría al ver sentados con él en el hemiciclo a, por lo menos, dos o tres de las personas responsables en su momento de su envío, por “fascista”, a un campo de concentración de los Urales. Regresó dos veces a la URSS acompañando en viajes oficiales a Felipe González. “Me alegré de ser tratado como una persona en el país donde, cuando me refugié en él, fui tratado como un perro”, escribió.

En fin, que basta con echar de cuando en cuando un somero vistazo a un libro de historia para constatar que, de lo que cuente cualquier político de cualquier lugar o época, lo más juicioso es no creer de la misa ni la media. Y es que la realidad suele, sí, superar a la ficción, pero, por desgracia… casi siempre por abajo.

Foto: José Luis Chaín

vendredi, 30 octobre 2015

Diplomaţia lui Stalin

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Diplomaţia lui Stalin

Istoria secolului nostru este învăţată din punctul de vedere american. La fel este şi în cazul celui de-al doilea Război Mondial, al Războiului Rece şi al Războiului din Golf. În optica americană, secolul XXI este “secolul american”, în care trebuie să se instaleze şi să se menţină o ordine mondială conform cu interesele americane, secol care este simultan “sfârşitul istoriei”, sfârşitul aventurii umane, sinteza definitivă a dialecticii istoriei. Francis Fukuyama, chiar înainte de războiul din Golf, afirma că odată cu căderea Cortinei de Fier şi sfârşitul “hegelianismului de stânga” pe care îl reprezenta URSS-ul, un singur model, cel al liberalismului american, va subzista secole de-a rândul. Cu condiţia ca niciun competitor să nu se zărească la orizont. De unde misiunea americană era aceea de a reacţiona rapid, mobilizând maximum de mijloace, contra oricărei veleităţi de a construi o ordine politică alternativă.

Cu câţiva ani înainte de Fukuyama, un autor germano-american, Theodore H. von Laue, pretindea că singura revoluţie veritabilă în lume şi în istorie era aceea a occidentalizării şi că toate revoluţiile politice non-occidentaliste, toate regimurile bazate pe alte principii decât cele în vogă în America, erau relicve ale trecutului, pe care numai nişte reacţionari perverşi le puteau adula, reacţionari pe care puterea americană, economică şi militară, urma să le măture rapid pentru a face loc unui hiper-liberalism de factură anglo-saxonă, debarasat de orice concurenţă.

Dacă hitlerismul este în mod general considerat ca o forţă reacţionară perversă faţă de care America a contribuit la eliminarea din Europa, se ştiu mai puţin motivele care l-au împins pe Truman şi pe protagoniştii atlantişti ai Războiului Rece să lupte contra stalinismului şi să facă din el un căpcăun ideologic, considerat explicit de către von Laue drept „reacţionar” în ciuda etichetei sale proprii de „progresist”. Această ambiguitate faţă de Stalin se explică prin alianţa americano-sovietică în timpul celui de-al Doilea Război mondial, când Stalin era supranumit în mod prietenos “Uncle Joe”. Cu toate acestea, de câţiva ani, numeroşi istorici revăd în mod inteligent poncifele pe care patruzeci şi cinci de ani de atlantism furibund le-au vehiculat în mass-media şi în cărţile noastre de istorie. Germanul Dirk Bavendamm a demonstrat în două lucrări meticuloase şi precise care au fost responsabilităţile lui Roosevelt în declanşarea conflictelor americano-japonez şi americano-german şi de asemenea care era duplicitatea preşedintelui american faţă de aliaţii săi ruşi. Valentin Falin, fostul ambasador al URSS-ului la Bonn, a publicat în Germania o lucrare de amintiri istorice şi de reflecţii istoriografice, în care acest briliant diplomat rus afirmă că Războiul Rece a început imediat după debarcarea anglo-americană din iunie 1944 pe plajele din Normandia: desfăşurându-şi armada lor navală şi aeriană, puterile occidentale duceau deja un război mai ales contra Uniunii Sovietice şi nu contra Germaniei muribunde.

O lectură atentă a mai multor lucrări recente consacrate multiplelor aspecte ale rezistenţei germane contra regimului hitlerist ne obligă să renunţăm definitiv la interpretarea istoriei celui de-al Doilea Război mondial şi a alianţei anglo-americano-sovietice după modelul convenţional. Ostilitatea faţă de Stalin după 1945 provine mai ales din faptul că Stalin înţelegea să practice o diplomaţie generală bazată pe relaţiile bilaterale între naţiuni, fără ca acestea să fie supervizate de o instanţă universală cum ar fi ONU. Apoi, după ce şi-a dat seama că cele două puteri anglo-saxone deciseseră singure la Casablanca să facă războiul excesiv cu Reich-ul, să declanşeze războiul total şi să ceară capitularea fără condiţii a Germaniei naţional-socialiste, Stalin s-a simţit exclus de aliaţii săi. Furios, el şi-a concentrat mânia în această frază bine ticluită, în aparenţă anodină, dar foarte semnificativă: „Hitlerii vin şi se duc, poporul şi statul german rămân”. Stalin nu considera naţional-socialismul hitlerist ca pe răul absolut sau chiar ca pe o esenţă netrecătoare, ci ca pe un accident al istoriei, o vicisitudine potrivnică Rusiei eterne, pe care armatele sovietice urmau pur şi simplu să caute s-o elimine. Dar, în logica diplomatică tradiţională, care îi aparţinea lui Stalin, în ciuda ideologiei mesianice marxiste, naţiunile nu pier: nu trebuie prin urmare să ceri o capitulare necondiţionată şi trebuie mereu să laşi poarta deschisă unor negocieri. În plin război, alianţele se pot schimba cu totul, aşa cum o arată clar istoria europeană. Stalin se mulţumeşte să ceară deschiderea unui al doilea front pentru a uşura misiunea armatelor sovietice şi a diminua pierderile de vieţi omeneşti în rândul ruşilor, dar acest front nu vine decât foarte târziu, ceea ce-i permite lui Valentin Falin să explice această întârziere ca pe primul act al Războiului Rece între puterile maritime anglo-saxone şi puterea continentală sovietică.

Această reticenţă a lui Stalin se explică şi prin contextul care a precedat imediat epilogul lungii bătălii de la Stalingrad şi debarcarea anglo-saxonă în Normandia. Când armatele lui Hitler şi ale aliaţilor săi slovaci, finlandezi, români şi unguri au intrat în URSS în 22 iunie 1941, sovieticii, oficial, au estimat că clauzele Pactului Molotov/Ribbentrop au fost trădate şi, în toamna lui 1942, după gigantica ofensivă victorioasă a armatelor germane în direcţia Caucazului, Moscova a fost constrânsă să sondeze adversarul său în vederea unei eventuale păci separate: Stalin dorea să se revină la termenii Pactului şi conta pe ajutorul japonezilor pentru a reconstitui, în masa continentală eurasiatică, acel „car cu patru cai” pe care i-l propusese Ribbentrop în septembrie 1940 (sau „Pactul Cvadripartit” între Reich, Italia, URSS şi Japonia). Stalin dorea o pace nulă: Wehrmacht-ul să se retragă dincolo de frontiera fixată de comun acord în 1939 şi URSS-ul să-şi panseze rănile. Mai mulţi agenţi au participat la aceste negocieri, ce au rămas în general secrete. Printre ei, Peter Kleist, ataşat în acelaşi timp de Cabinetul lui Ribbentrop şi de „Biroul Rosenberg”. Kleist, naţionalist german de tradiţie rusofilă în amintirea prieteniei dintre Prusia şi Ţari, va negocia la Stockholm, unde jocul diplomatic va fi strâns şi complex. În capitala suedeză, ruşii sunt deschişi la toate sugestiile; printre ei, ambasadoarea Kollontaï şi diplomatul Semionov. Kleist acţionează în numele Cabinetului Ribbentrop şi al Abwehr-ului lui Canaris (şi nu al „Biroului Rosenberg” care avea în vedere o balcanizare a URSS-ului şi crearea unui puternic stat ucrainean pentru a contrabalansa „Moscovia”). Al doilea protagonist al părţii germane a fost Edgar Klaus, un evreu din Riga care făcea legătura între sovietici şi Abwehr (el nu avea relaţii directe cu instanţele propriu-zis naţional socialiste).

În acest joc mai mult sau mai puţin triangular, sovieticii doreau revenirea la status-quo-ul de dinainte de 1939. Hitler a refuzat toate sugestiile lui Kleist şi a crezut că poate câştiga definitiv bătălia prin cucerirea Stalingradului, cheie a fluviului Volga, a Caucazului şi a Caspicii. Kleist, care ştia că o încetare a ostilităţilor cu Rusia ar fi permis Germaniei să rămână dominantă în Europa şi să-şi îndrepte toate forţele contra britanicilor şi americanilor, trece atunci de partea elementelor active ale rezistenţei anti-hitleriene, chiar dacă este personal dator instanţelor naţional-socialiste! Kleist îi contactează deci pe Adam von Trott zu Solz şi pe fostul ambasador al Reich-ului la Moscova, von der Schulenburg. El nu se adresează comuniştilor şi estimează, fără îndoială odată cu Canaris, că negocierile cu Stalin vor permite realizarea Europei lui Coudenhove-Kalergi (fără Anglia şi fără Rusia), pe care o visau de asemenea şi catolicii. Dar sovieticii nu se adresează nici ei aliaţilor lor teoretici şi privilegiaţi, comuniştii germani: ei pariază pe vechea gardă aristocratică, unde exista încă amintirea alianţei prusacilor şi ruşilor contra lui Napoleon, ca şi cea a neutralităţii tacite a germanilor în timpul Războiului Crimeii. Cum Hitler refuză orice negociere, Stalin, rezistenţa aristocratică, Abwehr-ul şi chiar o parte a gărzii sale pretoriene, SS-ul, decid că el trebuie să dispară. Aici trebuie văzută originea complotului care va duce la atentatul din 20 iulie 1944.

Dar după iarna lui 42-43, sovieticii au revenit la Stalingrad şi au distrus vârful de lance al Wehrmacht-ului, armata a şasea, care încercuia metropola de pe Volga. Partida germană a sovieticilor va fi atunci constituită de „Comitetul Germania Liberă”, cu mareşalul von Paulus şi cu ofiţeri ca von Seydlitz-Kurzbach, toţi prizonieri de război. Stalin nu avea în continuare încredere în comuniştii germani, din rândul cărora a eliminat ideologii nerealişti şi revoluţionarii maximalişti troţkişti, care au ignorat mereu deliberat, din orbire ideologică, noţiunea de „patrie” şi continuităţile istorice multiseculare; finalmente, dictatorul georgian nu l-a păstrat în rezervă, ca bun la toate, decât pe Pieck, un militant care nu şi-a pus niciodată prea multe întrebări. Pieck va face carieră în viitoarea RDG. Stalin nu visa nici un regim comunist pentru Germania post-hitleriană: el dorea o „ordine democratică forte”, cu o putere executivă mai marcată decât sub Republica de la Weimar. Această dorinţă politică a lui Stalin corespunde perfect alegerii sale iniţiale: pariul pe elitele militare, diplomatice şi politice conservatoare, provenind în majoritate din aristocraţie şi din Obrigkeitsstaat-ul[1] prusac. Democraţia germană, care trebuia să vină după Hitler, în opinia lui Stalin, urma să fie de ideologie conservatoare, cu o fluiditate democratică controlată, canalizată şi încadrată de un sistem de educaţie politică strictă.

Britanicii şi americanii au fost surprinşi: ei crezuseră că „Unchiul Joe” va înghiţi fără probleme politica lor maximalistă, ruptă total de uzanţele democratice în vigoare în Europa. Dar Stalin, ca şi Papa şi Bell, episcopul de Chichester, se opuneau principiului revoluţionar al predării necondiţionate pe care Churchill şi Roosevelt au vrut s-o impună Reich-ului (care va rămâne, cum gândea Stalin, în calitate de principiu politic în ciuda prezenţei efemere a unui Hitler). Dacă Roosevelt, făcând apel la dictatura mediatică pe care o controla bine în Statele Unite, a reuşit să-şi reducă adversarii la tăcere, indiferent de ideologie, Churchill a avut mai mari dificultăţi în Anglia. Principalul său adversar era acest Bell, episcop de Chichester. Pentru acesta din urmă, nu se punea problema de a reduce Germania la neant, căci Germania era patria lui Luther şi a protestantismului. Filosofiei predării necondiţionate a lui Churchill, Bell îi opunea noţiunea unei solidarităţi protestante şi-i punea în gardă pe omologii săi olandezi, danezi, norvegieni şi suedezi, ca şi pe interlocutorii săi din rezistenţa germană (Bonhoeffer, Schönfeld, von Moltke), pentru a face faţă belicismului exagerat al lui Churchill, care se exprima prin bombardarea masivă a obiectivelor civile, chiar şi în oraşe mici fără infrastructură industrială importantă. Pentru Bell, viitorul Germaniei nu era nici nazismul nici comunismul, ci o „ordine liberală şi democratică”. Această soluţie, preconizată de episcopul de Chichester, nu era evident acceptabilă de către naţionalismul german tradiţional: ea constituia o întoarcere subtilă la Kleinstaaterei, la mozaicul de state, principate şi ducate, pe care viziunile lui List, Wagner etc. şi pumnul lui Bismarck le şterseseră din centrul continentului nostru. „Ordinea democratică forte” sugerată de Stalin era mai acceptabilă pentru naţionaliştii germani, al căror obiectiv a fost mereu crearea unor instituţii şi a unei paidei puternice pentru a proteja poporul german, substanţa etnică germană, de propriile sale slăbiciuni politice, de lipsa simţului său de decizie, de particularismul său atavic şi de durerile sale morale incapacitante. Astăzi, evident, mulţi observatori naţionalişti constată că federalismul constituţiei din 1949 se înscrie poate destul de bine în tradiţia juridică constituţională germană, dar forma pe care a luat-o, în cursul istoriei RFG-ului, îi relevă natura sa de „concesie”. O concesie a puterilor anglo-saxone…

 

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În faţa adversarilor capitulării necondiţionate din sânul coaliţiei antihitleriste, rezistenţa germană a rămas în ambiguitate: Beck şi von Hassel sunt pro-occidentali şi vor să urmeze cruciada anti-bolşevică, dar într-un sens creştin; Goerdeler şi von der Schulenburg sunt în favoarea unei păci separate cu Stalin. Claus von Stauffenberg, autorul atentatului din 20 iulie 1944 contra lui Hitler, provenea din cercurile poetico-ezoterice din München, unde poetul Stefan George juca un rol preponderent. Stauffenberg este un idealist, un „cavaler al Germaniei secrete”: el refuză să dialogheze cu „Comitetul Germania Liberă” al lui von Paulus şi von Seydlitz-Kurzbach: „nu putem avea încredere în proclamaţiile făcute din spatele sârmei ghimpate”.

Adepţii unei păci separate cu Stalin, adversari ai deschiderii unui front spre Est, au fost imediat atenţi la propunerile de pace sovietice emise de agenţii la post în Stockholm. Partizanii unei „partide nule” la Est sunt ideologic „anti-occidentali”, aparţinând cercurilor conservatoare rusofile (cum ar fi Juni-Klub sau acei Jungkonservativen din siajul lui Moeller van den Bruck), ligilor naţional-revoluţionare derivate din Wandervogel sau „naţionalismului soldăţesc”. Speranţa lor era de a vedea Wehrmacht-ul retrăgându-se în ordine din teritoriile cucerite în URSS şi de a se replia dincolo de linia de demarcaţie din octombrie 1939 în Polonia. În acest sens interpretează exegeţii contemporani ai operei lui Ernst Jünger faimosul său text de război intitulat „Note caucaziene”. Ernst Jünger percepe aici dificultăţile de a stabiliza un front în imensele stepe de dincolo de Don, unde gigantismul teritoriului interzice o reţea militară ermetică ca într-un peisaj central-european sau de tip picard-champenoise, muncit şi răsmuncit de generaţii şi generaţii de mici ţărani încăpăţânaţi care au ţesut teritoriul cu îngrădituri, proprietăţi, garduri şi construcţii de o rară densitate, permiţând armatelor să se prindă de teren, să se disimuleze sau să întindă ambuscade. Este foarte probabil ca Jünger să fi pledat pentru retragerea  Wehrmacht-ului, sperând, în logica naţional-revoluţionară, care îi era proprie în anii 20 sau 30, şi unde rusofilia politico-diplomatică era foarte prezentă, ca forţele ruseşti şi germane, reconciliate, să interzică pentru totdeauna accesul în „Fortăreaţa Europa”, chiar în „Fortăreaţa Eurasia” puterilor talasocratice, care practică sistematic ceea ce Haushofer numea „politica anacondei”, pentru a sufoca orice veleitate de independenţă pe marginile litorale ale „Marelui Continent” (Europa, India, ţările arabe etc.).

Ernst Jünger redactează notele sale caucaziene în momentul în care Stalingradul cade şi armata a şasea este înecată în sânge, oroare şi zăpadă. Dar în ciuda victoriei de la Stalingrad, care le permite sovieticilor să bareze calea spre Caucaz şi Marea Caspică germanilor şi să impiedice orice manevră în amontele fluviului, Stalin urmează mai departe negocierile sale sperând în continuare să joace o „partidă nulă”. Sovieticii nu pun un termen demersurilor lor decât după întrevederile de la Teheran (28 noimebrie – 1 decembrie 1943). În acel moment, Jünger pare a se fi retras din rezistenţă. În celebrul său interviu din Spiegel din 1982, imediat după ce primise premiul Goethe la Frankfurt, el declara: „Atentatele întăresc regimurile pe care vor să le dărâme, mai ales dacă sunt ratate”. Jünger, fără îndoială ca şi Rommel, refuza logica atentatului. Ceea ce nu a fost cazul cu Claus von Stauffenberg. Deciziile luate de către aliaţii occidentali şi de către sovietici la Teheran au făcut imposibilă revenirea la punctul de pornire, adică la linia de demarcaţie din octombrie 1939 în Polonia. Sovieticii şi anglo-saxonii s-au pus de acord să „transporte dulapul polonez” spre Vest prin cedarea unei zone de ocupaţie permanentă în Silezia şi în Pomerania. În atari condiţii, naţionaliştii germani nu mai puteau negocia iar Stalin era din oficiu prins în logica maximalistă a lui Roosevelt, în vreme ce la început o refuzase. Poporul rus urma să plătească foarte scump această schimbare de politică, favorabilă americanilor.

După 1945, constatând că logica Războiului Rece vizează încercuirea şi izolarea Uniunii Sovietice pentru a o împiedica să ajungă la mările calde, Stalin a reiterat oferta sa Germaniei epuizate şi divizate: unificarea şi neutralitatea, adică libertatea de a-şi alege regimul politic după placul său, mai ales o „ordine democratică forte”. Acesta va fi obiectul „notelor lui Stalin” din 1952. Decesul prematur al Vojd-ului sovietic în 1953 nu a mai permis URSS-ului să continue să joace această carte germană. Hruşciov a denunţat stalinismul, a apăsat pe logica blocurilor pe care Stalin o refuzase şi nu a revenit la antiamericanism decât în momentul afacerii Berlinului (1961) şi a crizei din Cuba (1962). Nu se va mai vorbi despre „notele lui Stalin” decât înainte de perestroika, în timpul manifestaţiilor pacifiste din 1980-1983, când mai multe voci germane au reclamat afirmarea unei neutralităţi în afara oricărei logici de tip bloc. Unii emisari ai lui Gorbaciov vor mai vorbi despre acele note şi după 1985, mai ales germanistul Viatcheslav Dachitchev, care a luat cuvântul peste tot în Germania, chiar şi în câteva cercuri ultra-naţionaliste.

În lumina acestei noi istorii a rezistenţei germane şi a belicismului american, putem să înţelegem într-un mod diferit stalinismul şi anti-stalinismul. Acesta din urmă, de exemplu, serveşte la răspândirea unei mitologii politice false şi artificiale, al cărei obiectiv ultim este să respingă orice formă de concert internaţional bazat pe relaţiile bilaterale, să impună o logică a blocurilor sau o logică mondialistă prin intermediul acestui instrument rooseveltian care este ONU (Coreea, Congo, Irak: mereu fără Rusia!), să stigmatizeze din start orice raport bilateral între o putere medie europeană şi Rusia sovietică (Germania în 1952 şi Franţa lui De Gaulle după evenimentele din Algeria). Antistalinismul este o variantă a discursului mondialist. Diplomaţia stalinistă era, în felul ei şi într-un context foarte particular, păstrătoare a tradiţiilor diplomatice europene.

Bibliografie:

– Dirk BAVENDAMM, Roosevelts Weg zum Krieg. Amerikanische Politik 1914-1939, Herbig, München, 1983.

– Dirk BAVENDAMM, Roosevelts Krieg 1937-45 und das Rätsel von Pearl Harbour, Herbig, München, 1993.

– Valentin FALIN, Zweite Front. Die Interessenkonflikte in der Anti-Hitler-Koalition, Droemer-Knaur, München, 1995.

– Francis FUKUYAMA, La fin de l’histoire et le dernier homme, Flammarion, 1992.

– Klemens von KLEMPERER, German Resistance Against Hitler. The Search for Allies Abroad. 1938-1945,  Oxford University Press/Clarendon Press, 1992-94.

– Theodore H. von LAUE, The World Revolution of Westernization. The Twentieth Century in Global Perspective,  Oxford University Press, 1987.

– Jürgen SCHMÄDEKE/Peter STEINBACH (Hrsg.), Der Widerstand gegen den National-Sozialismus. Die deutsche Gesellschaft und der Widerstand gegen Hitler,  Piper (SP n°1923), München, 1994.

Traducere: Vladimir Muscalu

Sursa: http://robertsteuckers.blogspot.ro/2011/12/normal-0-21-false-false-false_29.html

[1] Statul autoritar (n. tr.)

dimanche, 14 juin 2015

American Capital's Love Affair with Soviet Communism

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Our Kind of Enemy

 

American Capital's Love Affair with Soviet Communism

Ex: http://us2.campaign-archive2.com

Soviet Communism has not been fashionable in elite media and academic circles since 1992. Stalinists are now more often depicted as “conservatives” than leftists, and Communism is seen as a symptom of “nationalism.” A BBC documentary on North Korea declared that country to be a “fascist dictatorship,” on the “right of the political spectrum.” Apparently, if we are to condemn something in the modern world, it must be right-wing.

From a historical perspective, Communism was never really viewed as the enemy by American policymakers. Nationalism was. It has been difficult to discern this, since the true nature and motivations of U.S. policy-making have been shrouded by the myth of the Cold War—the notion that the U.S. and Soviet Union were engaged in an all-or-nothing battle between Freedom and Socialism, with the soul of the world hanging in the balance. In reality, the U.S. and Western Europe invested billions of dollars in the Soviet economy. And at critical times, the USSR was bailed out by cheap grain sales from Archer-Daniels-Midland and other conglomerates.

There was a Cold War of sorts, but it had little to do with “fear of Communism,” which policymakers did not fear nor properly understand. The real antagonism arose when the East sought to create a large, powerful trading bloc outside Western control. Then—and only then—would chatter about “tyranny” and the “Red Menace” be heard. Even in those exceptional times, corporate America continued to invest in “building socialism.”

So it is not entirely surprising to read that President Ford refused to meet with Alexandr Solzhenitsyn, so as not to “prejudice” Brezhnev at a summit held later. Reagan did the same, only meeting with liberal dissidents like Andrei Sakharov. Both Presidents, ostensible “anti-Communists,” were willing to work with Soviets and liberals—but never Russian nationalists.

Sanctions have been put on Putin's Russia that would never have been advocated at the height of the GULAG system. Indeed, the President of Russia has been the target of what scholar Stephen Cohen calls “ongoing, extraordinary, irrational, and nonfactual demonization” from the West. No Soviet dictator was treated so harshly. While Washington was never close to an armed conflict with the Soviet Union, today, a shooting war with Russia is a very real possibility.

The West is deeply indebted, bereft of leadership, and slowly falling into poverty. Yet Washington’s main foreign-policy objectives are to overthrow pro-Russian governments in Uzbekistan, Belarus, Kyrgyzstan, and Armenia. At a low point in American legitimacy, Washington is willing to risk a nuclear war.

In such a context, antiwar protests have been conspicuously absent, mainly because the corporate behemoths that financed them during the Cold War are no longer engaged. There is no peace movement calling for negotiation with Russia, just like there is no peace movement protesting the absurd Afghan war. The U.S. engages in provocative war games in Ukraine and Bulgaria with little domestic protest. This would have been unimaginable during the Cold War. The “no nukes” groups no longer exist, precisely at the time where nuclear war is actually possible.

The U.S. defends the “integrity” of Ukraine today, but demanded her independence during the Soviet era. The U.S. sends agents into Ukraine to overthrow the government, but refused to countenance the idea in 1956 or 1968. The U.S. military is lauded, by Left and Right alike, as heroic, superhuman, and morally spotless. Yet soldiers coming home from Vietnam were attacked physically by protesters at the behest of major media. Apparently, for the official Left, we can peacefully coexist with the USSR; however, nationalist (and non-Communist) Russia is a threat to us all.

To understand this mentality, one must turn to the untold story of the Cold War.

The Greatest Open Secret

On December 17, 2014, the Obama administration rescinded the “trade embargo” on Cuba. Many jumped to the conclusion that Cuba was the last front of Washington’s battle against socialism and Marxism. Nothing can be further from the truth. The West built socialism, not only in the early stages but throughout the Soviet period. (Cuba was exceptional, owing mostly to its geography.)

Bolshevik and early Soviet leaders were open about their desire to bring Russia up to speed with the industrialized West and their willingness to collaborate with European and American firms. In turn, Western capitalists envisioned the Revolution and development of Socialism as an opportunity for Russia to enter the global market. Jacob Schiff—of Kuhn Loeb and Company and the founder of the American Jewish Committee—is probably the most notorious Western capitalist who financed Socialism. According to his grandson, Schiff donated some $20 million to Trotsky to finance world revolution, which would amount to a quarter of a billion in today’s dollars.[1] While Schiff was eager to overthrow regimes (such as Tsarist Russia) that he viewed as threats to the Jewish people worldwide, other American capitalist saw Bolshevik Russia as an investment opportunity.

A key to understanding this relationship between Big Business and Communism is the Congressional Overmann Commission of 1919, a document that is universally ignored by standard texts on the Cold War. The Overmann Commission was called, in large part, to gauge the opinions of American capitalists regarding the USSR. The consensus was that it was quite positive.

One who testified was Roger Simmons, from Hagarstown, Maryland, who was in a Commerce Department Mission in the USSR as Trade Commissioner with the Red State. He was there for 11 months in the transitional period. His entire purpose was to help build the Soviet Union through grants and raw materials from the U.S. He attended a huge business consortium taking place in Grand Rapids, Michigan, where about 800 businessmen were deciding how best to begin investing in the USSR. He spoke of their “misinformed” admiration for the Soviet Union and the potential for profit there. [2]

George A. Simons, the head of the Methodist Mission to Petrograd, noted, “I have a firm conviction that this thing is Yiddish, and one of its bases is in Brooklyn, NY” [3]. (It’s worth noting that Simons said this even though he publicly disavowed anti-Semitism.)

Raymond Robbins, who was part of the Red Cross in Petrograd and elsewhere from 1917-1918, described the work of William Thompson, a wealthy banker negotiating loans for the Soviet government, who used the Petrograd branch of the National City Bank to funnel about 12,000,000 rubles to the revolutionaries (not merely the Bolsheviks), which was, in 1918, about $1 million. Moreover, he was speaking to the Red Cross about coordinating an infrastructure for an entire set of new newspapers supporting the revolutionaries.

What becomes clear in the testimony is that even the most motivated Americans had no idea who was who. There was a sense that there were leftist “revolutionaries,” and that's where the bulk of foreign money went. The Red Cross was granted about $3 million monthly, from both private and state sources in America, to “interpret the revolutionary groups to the army and to peasant villages of how absolutely indispensable to save the revolution to keep the front and defeat the German militarist autocracy.”[4]

This dirty secret of western economics is rarely mentioned, let alone analyzed, by major historians. One of the few is TW Luke writes, who studied Soviet technology.

The Bolsheviks stressed to Soviet workers, managers, and intellectuals the centrality of industry over agriculture in the NEP of 1921. Trotsky notes, 'We [the Soviet Union] are in a process of becoming a part, a very particular part, but nonetheless an integral part of the world market . . . Foreign capital must be mobilized for those sectors of [Soviet] industry that are most backward.' . . . These technological imports were to be limited because the Bolsheviks recognized the dangers of dependencies on the core, especially technological dependence. For example, resolutions of the 14th Party Congress in 1925 stressed the 'whole series of new dangers' in Western trade and advocated domestic technical development to prevent the USSR from becoming, in Parrot's words, 'an appendage of the capitalist world-economy'. Still, as Sutton notes 'the penetration of early Soviet industry was remarkable, Western technical directions, consulting engineers and independent entrepreneurs were common in the Soviet Union.' Even so, throughout the 1920s the Soviet state tightly regulated foreign access to suit its technological needs.[5]

Not only did the U.S. and Western Europe build the USSR, but did so as their own populations were struggling. The West was so involved in the development of the USSR that the 14th Party Congress, mentioned above, was concerned about the loss of Soviet independence.

Luke continues,

The impact of imported technologies differed from industry to industry and from region to region. In the oil industry, for example, they were vital. Petroleum exports in 1926-1927 doubled 1913 exports. Alone, they provided 20 percent of Soviet foreign exchange earnings: 'the importation of foreign oil-field technology and administration, either directly or by concession, was the single factor of consequence in this development (Sutton, 1968:43). While the overall imports of expertise and technology dropped in value from the 1893-1913 levels, the Bolsheviks' bureaucratically planned economy stressed the need for post-1918 imports to be directed toward cost-efficient and economically necessary production to fit the planned industrial program of the regime. [6]

In no other war (“cold” or otherwise) did combatants feverishly invest in building up their opponent.

Had the West not subsidized the USSR, Communism would likely not have survived. Stalin himself admitted that two-thirds of early Soviet industrial products and development were of American origin.[7] Trade and aid to the USSR were constant and often included the most advanced technology available. There were no meaningful sanctions on the USSR throughout most of its history. Hence, the Cuban embargo or the Vietnam War had little to do with Marxism or the USSR. The fact is that the infrastructure of Castro and Ho Chi Minh was largely produced in the US.

The propulsion systems for much of the Soviet Navy and, significantly, at Haiphong Harbor were from American firms. Nixon and Johnson actively went out of their way to stop any move to stifle trade with the USSR, even in the midst of the Vietnam War. The Gorki Truck plant was shipping hundreds of vehicles a month to North Vietnam, with the full blessing of the State Department. It was, of course, a Ford Motors plant, and it was largely staffed by Americans. Henry Ford created the Soviet automotive industry, especially in the development of trucks. His Gorki plant was also making rockets and other military equipment for the USSR, without comment from Washington. Soviet rockets were fired on Ford GAZ-69 chassis.[8]

In 1968, Fiat motors created the world's largest automotive plant in the world at Volgograd. ZIL was created by New Britain Machine Company. In 1972, Nixon personally approved the Kama truck plant deal, the creation of an automotive and trucking plant manufacturing 100,000 vehicles per year, which at the time was more than all U.S. automakers combined. The plant itself came to occupy 36 square miles, every inch created by the U.S.[9]

In Korea, the North Korean Army and China were using trucks made by Ford and tractors by Caterpillar. Soviet fighters were equipped with Rolls Royce engines sent to Stalin by the British automaker. As Anthony Sutton explains, it was the elite, including Maurice Stans, Peter G. Peterson, Peter Flanigan, Averell Harriman, and Robert McNamara, that created the infrastructure for constant and lucrative trade with the “enemy.”[10] The Ural Steel complex that served as the heart of Soviet industrialization was “100% American.” The McKee Corporation built the world's largest steel and iron plant in the world in the USSR:

Organization methods and most of the machinery are either German or American. The steel mill “Morning” near Moscow, is said to be one of the most modern establishments of its kind in the world. Constructed, organized and started by highly paid American specialists, it employs 17,000 workers and produces steel used by motor plants, naval shipyards and arms factories. [11]

The 1932 KHEMZ plant in eastern Ukraine was created by GE, and was 250 percent larger than anything GE had in the U.S.

Anthony Sutton writes:

Major new units built from 1936 to 1940 were again planned and constructed by Western companies. Petroleum-cracking, particularly for aviation gasoline, as well as all the refineries in the Second Baku and elsewhere were built by Universal Oil Products, Badger Corporation, Lummus Company, Petroleum Engineering Corporation, Alco Products, McKee Corporation, and Kellogg Company.[12]

The Federal Reserve Bank of New York sent $1 billion in aid to Trotsky and the Red Army.[13] The First Five year plan had all of its military equipment built by American firms. Sergei Nemetz of Stone and Webber, along with Zara Witkin, supervised most of the military construction for the first two Five-Year Plans, using American capital desperately needed at home. Carp Exports, based in New York City, supplied the Soviet Union with all its high-tech military parts. Electric Boat Company of Groton, Connecticut built the Soviet submarine fleet with express permission of the State Department in 1939. Skoda Armaments of Czechoslovakia was a subsidiary of the Simmons Machine Tool Corporation of Albany, New York. Ball bearings were built in the USSR by Bryant Chucking Grinder Company of Springfield, Vermont.

All told, 90 percent of all Soviet industry was created in the U.S. or Western Europe.

What such a history reveals is that capital does not require markets in order to be profitable. The Western financial elite saw the Soviet system as a perfected version of itself: a totally centralized economy run by experts from one source. Capital looked upon Gosplan—the USSR’s central planning committee—with envy; and it was so similar in its powers to the small group of financial conglomerates that governs the U.S. economy in 2015. The Gosplan board approved investments, set targets, measured economic growth, dictated the amount of money in circulation, manipulated statistics—down to the last detail. This system is little different, institutionally or ideologically, from the American financial elite and the Federal Reserve Board, which organizing the American economy, with remarkable freedom from markets and the influence of politicians.

Once one rejects the formulaic division of the world into “Soviet” and “American” camps, all of 20th-century history appears differently.

One of the most telling quotations is from a Russian-language work, The Political History of the Russian Emigration, written by SA Alexander:

Despite the growing popularity of the right wing in the émigré environment, it is only the leftists that found a response in Western governments. Most significantly, the leftists in exile were feted by the financial and industrial sector interested in trade with the Soviet Union. The “All Emigre Russian Unity” conference was called at the behest of American capital, and the Soviet financial elite were invited. Conferences subsequent to this were called by capital in Cannes, Genoa, The Hague and Lausanne.[14]

Apparently, U.S. capitalists rarely feared Soviet advances.

As an ally of the victorious capitalist core powers, the USSR gained many unexpected technological windfalls in the aftermath of World War II. New technical inputs in weaponry, electronics, nuclear power, aircraft, and chemicals were expropriated from Germany and other Axis powers from 1945 to 1950. Allied Lend-Lease equipment, especially heavy bombers and airplane engines, was also 'reverse engineered' from 1942 to 1953. The USSR dismantled and shipped home 25 percent of the industrial plants in the Western zones of Germany, along with additional industrial equipment constituting 65 percent of all motor vehicle production, 75 percent of all rubber tire capacity, and 40 percent of all paper and cardboard-producing capacity in eastern Germany.[15]

This is extremely significant in that these patents were at least in part financed by American firms. They represent decades of research and millions of dollars in grants. Yet, Stalin brought them home without a peep from the West.

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The Vietnam Era

Between 1965 and 1985, the Soviet Union, Cuba, Vietnam and the rest of the Soviet Bloc was given tremendous boosts by American firms. Alcoa built Soviet aluminum. American Chain and Cable created the machine-tool industry. Ingersoll Rand built much of the heavy-duty transport infrastructure (under Automatic Production Systems, a shell company). Betchell created the construction industry. Boeing was heavily invested in Soviet aviation, while, at the same time, building the bulk of the American Air Force. Dow Chemicals, DuPont, and Dresser industries were competing to see who would build the more advanced Soviet chemical plants. IBM helped create the modern computer industry, while Gulf General Atomic was helping put nuclear missiles together for the USSR.

Much of this was made easier in the 1980s by the U.S.-USSR Trade and Economic Council, a pet project of then-Vice President George H.W. Bush and Commerce Secretary Malcolm Baldrige. Just a partial list of members include Abbott Laboratories, Allen Bradley Gleason Corporation, Allied Analytical Systems, Ingersoll Rand, International Harvester, Kodak, American Express, Archer Daniels Midland, Armco Steel, Monsanto, Cargill, Occidental Petroleum, Caterpillar, Chase Manhattan, Pepsi Co., Chemical Bank, Phibro-Salomon, Coca Cola, Ralston, Continental Grain Seagram, Dow Chemical, and Union Carbide. All members of this Council had substantial investments in the “Soviet enemy” and, through their philanthropic organizations, created the “peace movement.”[16]

In 1985, the San Jose Mercury News reported confirmation from State and Commerce Departments that “[t]he most sensitive, state-of-the-art semiconductor manufacturing equipment went to the Soviet Union after first being shipped to Switzerland.

Creed [spokesman for Commerce] said the material shipped to Cuba, and additional equipment the Cubans were unable to obtain, would have given them the capability to produce semiconductors and integrated circuits. The report stated that such trade was “illegal.”[17]

The State Committee of the Council of Ministers of the USSR sealed a huge deal with Data Control in 1973. While openly denying it in public, Norris and the Department of Commerce squashed all inquiries into the investment and aid project. The Soviets stated that Data Control will “[b]uild a plant for manufacturing mass storage devices based on removable magnetic disk packs with up to 100 million byte capacity per each pack.”

The brunt of the Soviet computer industry was created by American firms. In 1959, the Model-802 system was sold to the USSR from Elliot Automation ltd., an English firm. This was part of General Electric, one of the major offenders in this category. European branches of US firms were selling advanced computer equipment to the USSR at roughly $40 million per year.

During the Vietnam War, giants such as Union Carbide, General Electric, Armco Steel, Bryant Chucking Grinder, and Control Data were just the wealthiest of American capitalists with regular deals in building Soviet industry. This was in 1973, and every bit of it was approved by Johnson and Nixon during the war.

Conclusion

By the 1950s, the Soviets had educated enough of their own in Western methods of production such that they achieved a great deal of independence in most every sector of the economy. Regardless, the USSR was fed on a constant stream of food from American capitalists; American universities praised the USSR as a matter of course (or some form of socialism); and all major capitalists enterprises were invested in the USSR and satellite states. Both before and after Stalin's Great Purges, the U.S. was contributing massively to the Soviet industrialization drive and the creation of its “experimental” economy. When the Cold War got hot, such as during the Vietnam conflict, Washington was never motivated by “anti-Communism” but the fear in the breasts of American business that if China and Russia were to combine forces, the U.S. might become superfluous.


  1. New York Journal—American, February 3, 1949.
  2. Overmann, Congressional Record, 294, 304; all pages come from the Report itself.
  3. Ibid., p. 112.
  4. Ibid., 777.
  5. Luke, TW (1983), “The Proletarian Ethic and Soviet Industrialization,” American Political Science Review 77 (3): 588-601, drawing from Antony Sutton, The Best Enemy Money Can Buy (Montana: Liberty House Press, 1986, Dauphin Publications, 1991),

    http://reformed-theology.org/html/books/best_enemy/index.html.

  6. Ibid., 339-340, also drawing on Sutton.
  7. Chase-Dunn, C, “Socialist States in the Capitalist World Economy,” Social Problems 27(5), 1980: 505-525.
  8. See Sutton, The Best Enemy Money Can Buy.
  9. See Berliner, The Innovation Decision in Soviet Industry (Cambridge, MA: MIT Press, 1976).
  10. All evidence from the State or Commerce Departments has not been declassified. Only through insistent demands have these documents been granted to the public. It is highly likely that the unclassified papers from 70 years ago are largely detailed agreements between American capital and the Soviet Union.
  11. U.S. State Dept. Decimal File, 861.5017, Living Conditions/456, Report No. 665, Helsingfors, April 2, 1932
  12. Sutton, Western Technology and Soviet Economic Development: 1945–1965, Chapter 4 (Stanford, CA: The Hoover Institution, 1973).
  13. Washington Post, Feb. 2, 1918.
  14. S. A. Aleksandrov, Politicheskaia istoriia zarubezhnoi Rossii, http://www.rovs.atropos.spb.ru/index.php?view=publication&mode=text&id=17, translation by the author.
  15. Luke, “The Proletarian Ethic and Soviet Industrialization,” American Political Science Review 77 (3), 1983: 588-601.
  16. Erikson, 1991.
  17. There is no evidence that any law against such a practice existed. Even if it did, it would have made little difference, since the technology would have already been transferred.

mercredi, 12 novembre 2014

The Fall of the Wall Almost Started WWIII

By

Ex: http://www.lewrockwell.com

Twenty-five years ago this week,  the Soviet empire in Eastern Europe was collapsing. The Berlin Wall had been breached. The Communist East German government was literally swept away by the storm tide of history.

It was also the most dangerous moment the world had faced since the 1963 Cuban missile crisis. What would the Soviet leadership do?   Just graciously give way or use its huge Red Army and KGB to crush the uprisings?

Interestingly,  in a raw exposure of shameful historical enmity, Britain’s prime minister Margaret Thatcher and France’s president Francois Mitterand both called Soviet leader Mikhail Gorbachev to urge him not to allow German reunification. 

The Soviet Union’s reformist leader could have stopped the uprisings in East Germany, Hungary, and Czechoslovakia. The mighty Group of Soviet Forces Germany (GSFG) based in East Germany had 338,000 crack troops in 24 divisions, with 4,200 tanks, 8,000 armored vehicles, 3,800 guns and rocket launchers and 690 combat aircraft.

NATO planners had long believed that GFSG could punch through western defenses on the North German plain and storm Antwerp and Rotterdam by D+8.  Other Soviet corps in Czechoslovakia, Poland and Hungary would strike west.  Switzerland’s defense planners foresaw a massive Soviet thrust through their nation and into the Rhone Valley, outflanking NATO defenses to the north.

General Secretary Gorbachev could have quickly used the iron fist. But true to his humanistic philosophy and his innate decency, the Soviet leader ordered the GFSG to stand down, pack up, and return to the Soviet Union even though there were no barracks or apartments for the returning Soviet legions.

The opening of the East German wall and subsequent fall of its Communist government mixed Karl Marx with Groucho and Harpo Marx. In a comedy of errors, the bumbling East German government became paralyzed as mobs tried to storm the wall and get to West Germany. No high official wanted to give the order to shoot. The gates of the wall were opened by mistake.

In the USSR, resistance among hardline Communists, the military brass and the KGB was intense. Gorbachev would have been unable to sound the retreat without the support of Foreign Minister Eduard Shevardnadze.

He was a remarkable man: the tough former KGB boss of Georgia and Communist Party chief,  Shevardnadze seemed an improbable reformer. But he co-authored the liberating policy of glasnost and perestroika and forced its adoption by the unwilling Soviet hierarchy.

I twice interviewed Shevardnadze in Moscow: he was determined to sweep away the communist system and end the Cold War. We used to call him “Chevvy Eddy.” His quick wit and sardonic humor made him very likeable. I asked him if he might consider becoming president of an independent Georgia – which he later did until overthrown by the US-backed 2003 “rose revolution.”

Soon after the fall of the Berlin Wall, I walked through the just abandoned GFSG headquarters in Wünsdorf, near Berlin. It was a scene of utter desolation: broken windows, phones and plumbing ripped out of the walls, secret files blowing in the wind. The mighty Red Army had gone. As a veteran cold war warrior, I found it incredible that an empire could disappear so quickly. Just a few regiment of Soviet soldiers and tanks, I mused, could have stopped the East German uprising.

 

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In secret, Gorbachev and Shevardnadze agreed to a deal with US President George H.W. Bush and his senior strategy officials:  the Soviet Union would pull out of Eastern Europe and the Baltic. In exchange, the US vowed not to advance NATO into Eastern Europe or anywhere near Russia’s borders.

Equally important, Gorbachev refused to use force to keep the USSR together.

The Soviet leaders believed they had an ironclad deal. They did not.

The next three US administrations – Clinton, Bush II, and Obama – violated the original sphere of influence accord and began advancing US power east towards Russia’s borders. The most recent NATO foray was the overthrow of Ukraine’s pro-Russian government, a ham-handed act that nearly sparked World War III.

For imperial-minded Washington, the temptation to kick Russia while it was down and gobble up its former dominion was irresistible.   Gorbachev was mocked in western power circles – and by many angry Russians – as a foolish idealist: “the Soviet Jimmy Carter.”

Today, 25 years after the fall of the Soviet imperium, US promises have been revoked.  Washington appears determined to undermine the Russian Federation and further dismantle it. Washington sees Russia as a has-been, a minor power unworthy of respect or amity.

The Russians have actually be told to stop complaining because the Gorbachev-Bush deal was not put in writing, only oral. A naïve oversight by the Russians?

From retirement, Gorbachev bitterly watches all he strove for turn to ashes as his countrymen blame him for destroying the Soviet Union. Shevardnadze died in Georgia last July. The Cold Ware is back, to the joy of the triumphant Republicans in Washington.

Soon after the wall fell, I recall writing that unless the western allies and the Soviets came to a firm agreement of spheres of influence and a neutral zone in Middle Europe and the Baltic

that a dangerous series of clashes was inevitable. We are now there.

 

jeudi, 28 août 2014

Estados Unidos encubrió la masacre de Katyn

 

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Estados Unidos encubrió la masacre de Katyn

 

por Carlos de Lorenzo Ramos

Ex: http://culturatransversal.wordpress.com

katyn1.jpgEn la primavera de 1940 la URSS líquidó a 22.000 oficiales polacos. EE.UU conocía estos hechos y los ocultó. Estados Unidos desclasificó el 17 de septiembre unos documentos que corroboran algo ya intuido por los historiadores: El gobierno de Franklin D. Roosevelt sabía que la URSS ejecutó a 22.000 oficiales polacos en Katyn, en la primavera de 1940, y lo ocultó deliberadamente. Estados Unidos tapó el hecho para no incomodar a Stalin, su aliado durante la Segunda Guerra Mundial; y una vez en la Guerra Fría, para no dar explicaciones acerca de su silencio “necesario”. Katyn se convirtió durante décadas en sinónimo de Secreto de Estado. La Casa Blanca solo confirmó la autoría soviética con la asunción de Gorbachov, el dirigente de la URSS, de los hechos, en 1988.

Los documentos se componen de 1.000 páginas, y los expertos destacan su importancia. La evidencia más significativa del conocimiento de la matanza por la administración Roosevelt son los informes de dos prisioneros norteamericanos a los que los nazis trasladaron a la escena del crimen: el capitán Donald B. Stewart y el teniente coronel John H. Van Vliet.

MATANZA DE KATYN CAP STEWART Y TTE COR VAN VLIET

El capitán Donald B. Stewart y el teniente coronel John H. Van Vliet.

Esto ocurrió en mayo de 1943, con el objetivo alemán de usar los testimonios de los prisioneros como propaganda, y crear una cuña entre los rusos y sus aliados occidentales. Lo que vieron los estadounidenses en ese bosque de pinos les dejó sin aliento: encontraron fosas comunes entreabiertas en las que se apretaban miles de cuerpos momificados vestidos con uniformes polacos de buena hechura.

Ni el capitán Stewart ni Van Vliet creyeron a los nazis, a los que odiaban, pues habían experimentado en sus carnes toda la crueldad de ese régimen fanático, y además los soviéticos eran sus aliados. A Stalin todavía se le conocía como el Uncle Joe, el Tío Joe.

Regresaron al campo de internamiento y tras meditar lo que habían visto, se convencieron de las pruebas demoledoras de la autoría soviética: los cuerpos se hallaban en avanzado estado de descomposición y era un área controlada por ellos antes de la invasión alemana de 1941. También tuvieron acceso a cartas y diarios polacos que exhumaron de las tumbas. Ninguna contenía una fecha superior a la primavera de 1940. Además la ropa estaba en considerable buen estado, lo que indicaba que esos hombres no vivieron mucho después de ser apresados.

En realidad, el órgano estalinista responsable de la masacre fue la NKVD, la policía secreta soviética, que liquidó a 22.000 oficiales polacos de disparos a bocajarro en la nuca. El objetivo era borrar de un plumazo a la élite intelectual del país, personas que en su vida civil eran médicos, maestros o abogados. Los rusos veían en ellos a posibles opositores a la ocupación de Polonia Oriental.

Stewart testificó ante el Congreso en 1951, y de Van Vliet se sabe que escribió informes en 1945 (misteriosamente desaparecido) y en 1950. Ambos enviaron mensajes cifrados durante su cautiverio e informaron a la inteligencia militar de la culpabilidad de los comunistas.

En su comparecencia ante la Comisión Maden en 1951, Stewart testificó que “las reivindicaciones alemanas concernientes a Katyn son sustancialmente correctas en la opinión de Van Vliet y en la mía”. A Stewart se le ordenó que nunca más hablara de lo que vio en Katyn.

MATANZA DE KATYN COMISION MADEN

El capitán Donald B. Stewart señala a la Comisión Maden el lugar de las fosas comunes de Katyn.

Es a raíz de la detonación de la bomba atómica por parte de Rusia en 1949 cuando en Estados Unidos suena algo el nombre de Katyn, a pesar de que en Europa ya había caído el Telón de Acero. Es más; Winston Churchill ya había informado a Roosevelt en un detallado informe de las dudas que tenía acerca de “las excusas soviéticas acerca de su responsabilidad en la masacre”. La URSS intentó achacar la matanza de Katyn a los nazis durante los juicios de Nuremberg, pero ante la falta de pruebas la acusación no prosperó.

La valoración que en 1952 efectuó la Comisión Maden, declaró que no cabía duda alguna de la autoría bolchevique y la tildó de “uno de los crímenes internacionales más bárbaros en la historia del mundo”. Recomendó a su vez que el gobierno levantara cargos contra la URSS ante un tribunal internacional. La Casa Blanca mantuvo silencio, y no fue hasta los últimos días de la hegemonía soviética (1988) cuando Gorvachev admitió públicamente la masacre de Katyn, como un paso fundamental a normalizar las relaciones ruso-polacas.

Fuente: Historia Vera

Extraído de: El Espía Digital

vendredi, 18 juillet 2014

A VERY BRIEF HISTORY OF CHINESE RUSSIAN RELATIONS

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A VERY BRIEF HISTORY OF CHINESE RUSSIAN RELATIONS

The response of much western commentary to the Russia China agreements has been scepticism that they can ever burgeon into an outright partnership because of the supposedly long history of mutual suspicion and hostility between the two countries. The Economist for example refers to the two countries as “frenemies”. To see whether these claims are actually justified I thought it might be useful to give a short if rather summary account of the history of the relationship between the two countries.

Official contacts between China and Russia began with border clashes in the 1680s which however were settled in 1689 by the Treaty of Nerchinsk, which delineated what was then the common border. At this time Beijing had no political or diplomatic links with any other European state save the Vatican, which was informally represented in Beijing by the Jesuit mission.

The Treaty of Nerchinsk was the first formal treaty between China and any European power. The Treaty of Nerchinsk was basically a pragmatic border arrangement. It was eventually succeeded by the Treaty of Kyakhta of 1727, negotiated on the initiative of the Kangxi Emperor and of Peter the Great, who launched the expedition that negotiated it shortly before before his death.

The Treaty of Kyakhta provided for a further delineation of the common border. It also authorised a small but thriving border trade. Most importantly, it also allowed for the establishment of what was in effect a Russian diplomatic presence in Beijing in the form of an ecclesiastical settlement there. Russia thereby became only the second European state after the Vatican to achieve a presence in Beijing. It did so moreover more than a century before any of the other European powers. Russia was of course the only European power at this time to share a common border with China (a situation to which it has now reverted since the return to China of Hong Kong). It is also notable that the Treaty of Kyakhta happened on the initiative of Peter the Great. Peter the Great’s decision to launch the expedition that ultimately led to the Treaty of Kyakhta shows that even this supposedly most “westernising” of tsars had to take into account Russia’s reality as a Eurasian state.

For the rest of the Eighteenth Century and the first half of the Nineteenth Century relations between the Russian and Chinese courts remained friendly though hardly close. St. Petersburg was the only European capital during this period to host occasional visits by the Chinese Emperor’s representatives. During the British Macartney mission to Beijing of 1793 the senior Manchu official tasked with negotiating with Macartney had obtained his diplomatic experience in St. Petersburg. As a result of these contacts at the time of the Anglo French expedition to Beijing in 1860 Ignatiev, the Russian diplomat who acted as mediator between the Anglo French expedition and the Chinese court, could call on the services of skilled professional interpreters and was in possession of accurate maps of Beijing whilst the British and the French had access to neither. Russian diplomatic contacts with the court in Beijing during this period do not seem to have been afflicted with the protocol difficulties that so complicated China’s relations with the other European powers and which contributed to the failure of the Macartney mission. This serves as an indicator of the pragmatism with which these contacts were conducted.

This period of distant but generally friendly relations ended with the crisis of 1857 to 1860 when Russia used the Chinese court’s preoccupation with the Taiping rebellion and China’s difficult relations with the western Europeans culminating in the Anglo French expedition of 1860 to secure the annexation of the Amur region. The Chinese continue to see the third Convention of Beijing of 1860 which secured the Amur territory for Russia as an “unequal treaty”. They have however accepted its consequences and formally recognised the border (which was properly speaking part of Manchu rather than Chinese territory). At the time it must have been resented. However it is probably fair to say that Russia would have been seen in China as a marginally less dangerous aggressor during this period than the western powers Britain and France (especially Britain) if only because China’s relations with these two countries were much more important.

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As the Nineteenth Century wore on relations between Russia and China seem to have improved with Russia, undoubtedly for self-interested reasons, playing an important role in the Three Power Intervention that forced Japan to moderate its demands on China following China’s defeat in the Sino Japanese war of 1895. Russian policy of supporting China and the authority of the Chinese court against the Japanese however fell by the wayside when Russia forced the Chinese court in 1897 to grant Russia a lease of the Chinese naval base of Port Arthur. This was much resented in China and damaged Russia’s image there. Russia also became drawn into the suppression of the anti-foreign 1900 Boxer Rising, an event which destabilised the Manchu dynasty and which led to a short lived Russian occupation of Manchuria to suppress the Boxers there. This is not the place to discuss the diplomacy or the reasons for the conflict which followed which is known as the Russo Japanese war of 1904 to 1905. Suffice to say that the ground war was fought entirely on Chinese territory and ended in stalemate (though with the balance starting to shift in favour of the Russians), that I know of no good English account of the war or of the events that preceded it, that the war was precipitated entirely by a straightforward act of Japanese aggression and that the popular view that the war was preceded and/or provoked by Russian economic and political penetration of Korea or plans to annex Manchuria are now known to have no basis in fact.

A radical improvement in Russian Chinese relations took place following the October 1917 revolution caused by the decision of the new Bolshevik government to renounce the extra territorial privileges Russia had obtained in China as a result of the unequal treaties. The USSR became the strongest supporter during this period of Sun Ya-tsen’s Chinese nationalist republican movement and of the Guomindang government in Nanjing that Sun Ya-tsen eventually set up. Sun Ya-tsen for his part was a staunch friend and supporter of the USSR. Though many are aware of the very close relationship between the USSR and China in the 1950s few in my experience know of the equally strong and arguably more genuine friendship between their two governments in the 1920s.

In the two decades that followed the USSR became China’s strongest international supporter in its war against Japanese aggression, a war which has defined modern China and of which the outside world knows lamentably little. During this period the USSR had to balance its support for China’s official Guomindang led government that was supposedly leading the struggle against the Japanese with its support for the Chinese Communist Party (originally the leftwing of the Guomindang movement) with which the Guomindang was often in armed conflict. The USSR also had to balance its support for China with its need to avoid a war in the east with Japan at a time when it was being threatened in the west by Nazi Germany and its allies. The skill with which the government of the USSR performed this difficult feat has gone almost wholly unrecognised.

Following the defeat of Japan in 1945 the USSR’s military support was (as is now known) crucial though obviously not decisive to the Chinese Communist Party’s victory in the civil war against the Guomindang, which led to the establishment in 1949 of the People’s Republic. A decade of extremely close political, military and economic relations followed during which the two countries were formally allies. As is now known this relationship in reality was always strained and eventually broke down in part because of mutual personal antagonism between the countries’ two leaders, Khrushchev and Mao Zedong, but mainly because of Chinese anger at the USSR’s failure to support a war to recover Taiwan and above all because of China’s refusal as the world’s most populous country and oldest civilisation to accept a subordinate position to the USSR in the international Communist movement. The rupture was made formal by Khrushchev’s decision in 1960 to withdraw from China the Soviet advisers and economic assistance that had been sent there. Supporters of sanctions may care to note that on the two occasions Russia has used sanctions (against Yugoslavia in 1948 and against China in 1960) they backfired spectacularly on Russia resulting in consequences for Russia that were entirely bad.

The Sino Soviet rupture of 1960 resulted in a decade and a half of very strained relations. An attempt to restore relations to normal following Khrushchev’s fall in 1964 was wrecked, possibly intentionally, by the Soviet defence minister Marshal Malinovsky who encouraged members of the Chinese leadership to overthrow Mao Zedong through a coup similar to the one that had overthrown Khrushchev. Relations with the USSR during this period also increasingly became hostage to Chinese internal politics with Mao and his supporters during the period of political terror known as the Cultural Revolution routinely accusing their opponents of being Soviet agents. This period of difficult relations eventually culminated in serious border clashes in 1969, an event that panicked the leadership of both countries and which led each of them to explore alignments against each other with the Americans.

This period of very tense relations basically ended in 1976 with the death of Mao Zedong who shortly before his death is supposed to have issued an injunction to the Chinese Communist party instructing it to restore relations with the USSR. Once the post Mao succession disputes were resolved with the victory of Deng Xiaoping a process of outright rapprochement began the start of which was formally signalled in the USSR by Leonid Brezhnev in a speech in Tashkent in 1982 which he made shortly before his death. By 1989 the process of rapprochement was complete allowing Gorbachev to visit Beijing in the spring of that year when however his visit was overshadowed by the Tiananmen disturbances.

Since then there has been a steady strengthening of relations. Gorbachev refused to involve the USSR in the sanctions the western powers imposed on China following the Tiananmen disturbances. Yeltsin, despite the strong pro-western orientation of his government, remained a firm advocate of good relations with China and worked to build on the breakthrough achieved in the 1980s. In 1997 in a speech in Hong Kong Jiang Zemin already spoke of Russia as China’s key strategic ally. In 1998 the two countries acted for the first time openly in concert on the Security Council to oppose the US bombing of Iraq (“Operation Desert Fox”). Subsequently both countries strongly opposed the US led attacks on Yugoslavia in 1999 and on Iraq in 2003.  Since then their cooperation in political, economic and security matters has intensified. Whilst their relations have had their moments of difficulty (eg. over Russian complaints of illicit Chinese copying of weapon systems) and the development of their economic relations has lagged well behind that of their political relations (inevitable given the disastrous state of the Russian economy in the 1990s) it is difficult to see on what basis they can be considered “frenemies”.

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The reality is that Russia and China have for obvious reasons of history, culture and above all geography faced through most of their history in different directions: China towards Asia (where it is the supreme east Asian civilisation) and Russia towards Europe. That should not however disguise the fact that their interaction has been very prolonged (since the 1680s), – longer in fact than that of China with any of the major western powers – and generally peaceful and mostly friendly. Periods of outright hostility have been short lived and rare. Despite sharing the world’s longest border all-out war between the two countries has never happened. On the two occasions (in the 1680s and 1960s) when it briefly appeared that it might, both drew back and eventually sought and achieved a compromise. For China Russia’s presence on its northern border has in fact been an unqualified benefit, stabilising and securing the border from which the greatest threats to China’s independence and security have traditionally come.

Western perceptions of the China Russia relationship are in my opinion far too heavily influenced by the very brief period of the Sino Soviet conflict of the 1960s and 1970s. Across the 300 or so years of the history of their mutual interaction the 15 or so years of this conflict represent very much the anomaly not the rule. Given this conflict’s idiosyncratic origins in ideological and status issues that are (to put it mildly) extremely unlikely to recur again, to treat this conflict as representing the norm in China’s and Russia’s relations with each other seems to me frankly farfetched. The past is never a safe guide to the future. However on the basis of the actual history of their relations, to argue that China’s and Russia’s strategic partnership is bound to fail because of their supposed long history of suspicion and conflict towards each other is to argue from prejudice rather than fact.

vendredi, 21 février 2014

Soviet-Afghan War Lesson

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Soviet-Afghan War Lesson: Political Problems Never Settled by Force

By Sergey Duz
The Voice of Russia

Ex: http://www.lewrockwell.com

25 years ago, the almost 10-year long deployment of the limited contingent of Soviet forces in Afghanistan drew to a close. Experts have since been at variance about the assessment of the Afghan campaign, but they invariably agree that it was the biggest-scale (and actually quite ambiguous, obviously for that reason) foreign policy action throughout the post-war history of the Soviet Union.

The last Soviet soldier left Afghanistan on February 15th 1989 as part of the Soviet 40th Army, which was the backbone of the limited contingent. The Soviet troops withdrew under the command of the 40th Army legendary commander, Lieutenant-General Boris Gromov. He managed to brilliantly carry out the withdrawal, with the US now trying to use his experience to more or less decently pull out of Afghanistan following the more than 20 years of actually useless occupation of that country. This is what an expert with the Centre for Modern Afghan Studies, Nikita Mendkovich, says about it in a comment.

“The Americans will have to rely heavily on intercontinental delivery means, because the troops are being evacuated to another region, to another continent. Back in 1989, it was largely a ground-force operation. The Soviet troops pulled out by land via Central Asia. The basic problem of any operation of this kind is security. Huge masses of troops and a great number of military vehicles are moving along the roads, so they should be guaranteed against likely attacks. To attain the objective, one can either reinforce local garrisons that will remain deployed in Afghanistan after the pull-out of the bulk of the troops and will cover the withdrawal, or reach agreement with the enemy not to attack the leaving troops, because this is not in the enemy’s interests”.

There are both similarities and numerous differences between the Soviet and American campaigns in Afghanistan. The main difference is that the Soviet Union did manage to achieve its goal, whereas with the United States it is no go. The Soviet troops were to render assistance to the Afghan government in settling the home policy situation. Secondly, the Soviet troops were to prevent external aggression. Both objectives were fully attained.

The Soviet political leadership felt that the revolution of April 1978 had no right to lose. Ideological reasoning was reinforced by geopolitical considerations. This predetermined Moscow’s decision to send troops, says editor-in-chief of the National Defence magazine, Igor Korotchenko, and elaborates.

“The Afghan campaign was inevitable if seen from the perspective of defending the Soviet Union’s national interests. It may seem odd, but Afghans are still nostalgic about the times when Soviet troops were deployed in their country. Even former field commanders can’t help but show some sort of liking for the Soviet Union, for the Soviet Army. We were no invaders; we helped build a new Afghanistan. The Soviet troops built tunnels, ensured the operation of water-supply systems, planted trees, built schools and hospitals, and also production facilities. The Soviet troops were indeed performing their international duty, they accomplished quite a feat. When the Soviet troops pulled out, Najibullah had a strong Afghan Army under his command. He remained in control of the situation in Afghanistan for 12 or 18 months. His regime fell when the Soviet Union cut short its material supply for Kabul. The current Afghan regime of Karzai will certainly prove short-lived; it’s no more than a phantom. The US troops will hardly pull out with their heads held high, the way the Soviet soldiers did”.

But then, some people disagree that all Afghans were happy about the Soviet military presence. The Soviet Prime Minister Alexei Kosygin pointed out the danger of the Soviet troops getting drawn into guerrilla warfare. He said in late 1979 that the invasion of Afghanistan “would trigger drastically negative many-sided consequences”. “This would essentially become a conflict not only with imperialist countries, but a conflict with the proper Afghan people. Now, people never forgive things like that”, Kosygin warned, and proved correct. This is what the chairman of the Common Afghan Centre in St. Petersburg, Naim Gol Mohammed, says about it in a comment.

“The people of Afghanistan have their own traditions, mentality and culture. The belligerent Pashtun tribes have never taken orders from anyone. These tribes never take to foreign troops. The locals revolted against the Soviet troops. The Soviet troop withdrawal in 1989 was followed by a period of anarchy. Government agencies were non-operational. The Soviet Union supplied Afghanistan with whatever was required quite well. But once the Soviet troops were out, the supplies were brought to a halt. That was bad. But the Soviet Union made the right decision, for it is impossible to defeat Afghans on their own soil”.

Quite a few experts insist that however tragic or pointless the Soviet military campaign in Afghanistan may seem, it had largely influenced the shaping of the new Russia’s optimal foreign policy. Moscow is perfectly aware today that no use of force can help resolve political problems, that these can only have a negotiated settlement. Moscow is trying to put the idea across to the main geopolitical players today. This is the most important lesson that should be learned from what experience the Soviet Union gained in Afghanistan.

Reprinted from The voice of Russia.