jeudi, 09 octobre 2025
Paweł Wargan et l'asservissement de l'Europe
Paweł Wargan et l'asservissement de l'Europe
Paweł Wargan, militant socialiste polonais travaillant à Berlin en tant que coordinateur chez Progressive International et auteur notamment pour Monthly Review, Jacobin et New Statesman, écrit ce qui suit sur X :
« Depuis les années 1940, la politique étrangère américaine visait à faire de l'Europe un front stable dans sa lutte pour le contrôle impérial de l'Eurasie. Un rapprochement entre Berlin et Moscou — ou entre Paris et Moscou — constituait une menace réelle pour ce processus.
Charles de Gaulle aspirait à une intégration plus étroite avec l'Union soviétique — et à une dissociation des États-Unis — à travers sa vision d'une « Europe de l'Atlantique à l'Oural ». L'Ostpolitik de Willy Brandt visait à normaliser les relations avec le bloc socialiste de l'Est, notamment par le biais d'importants accords énergétiques. Les États-Unis ont saboté ces efforts à chaque occasion, par exemple en imposant des sanctions contre les gazoducs germano-soviétiques ou en déployant des missiles nucléaires américains sur le territoire européen afin de saper les appels à la limitation des armements.
Au cours des années 1970 et 1980, les États-Unis ont menacé à plusieurs reprises de se retirer de l'OTAN, arguant que la dépendance de l'Europe à l'égard des États-Unis engendrait des courants « dangereux » de neutralisme et de pacifisme. Les responsables américains se plaignaient que l'Europe profitait des avantages de l'impérialisme, mais laissait à Washington le rôle du méchant. Kissinger insistait pour que l'Europe augmente ses dépenses militaires.
Avec l'effondrement du socialisme, l'Europe de l'Est offrait une solution. La promotion d'une politique réactionnaire et anticommuniste dans la région — qui s'est ensuite transformée en une russophobie virulente — a assuré à l'OTAN un tampon contre le danger d'une Allemagne pacifiste. Dans un cadre décisionnel partagé, les États pouvaient être montés les uns contre les autres, afin que l'ensemble continue d'avancer. Il suffisait d'une déclaration apocalyptique de Varsovie ou de Riga pour saboter les discussions entre Berlin et Moscou.
Cela ne signifie pas que l'Allemagne, en tant que moteur économique de l'UE, n'ait pas ses propres intérêts impériaux. Nous avons vu ces intérêts à l'œuvre il n'y a pas si longtemps. Mais la confession de Merkel montre que le mécanisme transatlantique a fonctionné exactement comme prévu. Il a servi de frein aux processus démocratiques, afin que la politique nationale d'un seul pays ne puisse pas compromettre le programme impérialiste commun.
D'une certaine manière, Biden et Trump ont réussi là où des générations de dirigeants américains ont échoué. La classe dirigeante européenne aime à nouveau la guerre — et l'Allemagne a repris son rôle historique de fer de lance du réarmement de l'impérialisme européen. Mais en coupant les voies vers une intégration eurasienne plus étroite et en liant complètement l'Europe à l'impérialisme américain, ils ont également scellé leur destin commun.
La question est seulement de savoir s'ils entraîneront le reste du monde avec eux. »
Source : https://x.com/pawelwargan/status/1975212962659876948
18:13 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, affaires européennes | |
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Orages d'acier, une expérience littéraire
Orages d'acier, une expérience littéraire
Claude Bourrinet
A partir de la Bataille de la Somme, en 1916, déclenchée par les Anglais et les Français, Jünger constate que le conflit a franchi une dimension inédite: « le choc ne fut pas uniquement entre des armées, mais entre des puissances industrielles. » Les forces de destruction générées par une utilisation massive de la technique font entrer pleinement l’Europe, puis le monde, dans l’ère des Titans. Il note : « C’est face à ce contexte que ma vision de la guerre a pris la forme d’un activisme héroïque. » Mais, précision essentielle, il ajoute : « Naturellement, il ne s’agissait pas de simple militarisme, car, et même à l’époque, j’ai toujours conçu la vie comme la vie d’un lecteur avant que d’être celle d’un soldat. » Entre deux batailles, il lisait en effet avec passion le Roland furieux, de L’Arioste. Et il accentue encore sa réserve : « Je veux dire que l’héroïsme, pour moi, naissait davantage d’une expérience littéraire que d’une effective et concrète possibilité de vie. »
Il tint ses propos en 1995, à l’occasion de sa centième année. Dans les années soixante, il avait répliqué à Moravia, reprenant un mot de Marx : « Une Iliade serait-elle possible avec de la poudre et du plomb ? »
C’est pourquoi il est nécessaire d’interpréter Orages d’acier non comme un document, mais comme un monument. Comme « document », nous avons ses carnets de guerre, bruts, elliptiques, dont la rédaction est chaotique, parfois allusive, tant la situation était dépendante de l’urgence du moment. Le « monument » fut la réfection qu’en fit Jünger, et qu’il publia sur le conseil de son père. L’écriture y est celle d’un écrivain talentueux, et la fascination qu’elle exerce tient à son intensité et à l’esthétisation d’une expérience qui transcende les mots. Jünger y a sacralisé la guerre, comme « expérience intérieure », en en rendant toute la puissance nihiliste. Mais la séduction qui nous captive provient surtout du regard impassible qu’il jette sur une apocalypse.
Or, il semble que le récit fictionnel, Lieutenant Sturm, publié dans le Hannoverscher Kurier. Zeitung für Norddeutschland, du 11 au 27 avril 1923, et redécouvert au début des années 60, sonne de manière plus authentique, du fait même de son caractère « inabouti », comme s’il s’agissait d’ébauches mêlant témoignage, bribes de romans, rêves… L’exaltation presque « mystique » qu’on trouve dans Orage d’acier peut bien s’y rencontrer, mais corrigé par des réflexions plus désabusées.
16:52 Publié dans Littérature, Livre, Révolution conservatrice | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ernst jünger, révolution conservatrice, première guerre mondiale, livre, littérature, littérature allemande, lettres, lettres allemandes | |
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Le macronisme, chronique d'un désastre annoncé
Le macronisme, chronique d'un désastre annoncé
Nicolas Maxime
(source: page Facebook de Nicolas Maxime)
Doit-on être étonné par la situation politique en France ? Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron n’a cessé de mépriser les Français, de vouloir imposer des réformes au pas de charge alors que la majorité y était opposée, et de gouverner comme si le pays lui appartenait. Chaque contestation sociale — qu’il s’agisse des Gilets jaunes ou du mouvement contre la réforme des retraites — a été traitée avec arrogance, répression ou mépris de sa part. Cela a complètement abîmé le lien entre les citoyens et leurs institutions, déjà fort fragilisé par ses prédécesseurs.
On se souvient lors de son élection de la promesse d'un nouveau monde — où l'on valoriserait l'effort, le dialogue social et la responsabilité des politiques — qui s'est très vite révélé être la continuité de l'ancien, en pire. Concernant le locataire de l'Elysée, cela tient de sa conception verticale et autoritaire du pouvoir, où l'exécutif doit décider de tout, tout seul, où le Parlement ne devient plus qu'une simple chambre d'enregistrement, où la rue devient le seul lieu de contestation possible lorsque la frustration populaire est à son comble. À la place, c’est une logique managériale du pouvoir qui s’est installée, traitant la société comme une entreprise qu’il faudrait réformer coûte que coûte, contre l'avis même de ses citoyens.
Il y a aussi quelque chose de probablement lié à la personnalité du personnage, comme l’a démontré Marc Joly dans La pensée perverse au pouvoir : un mélange de cynisme, de froideur et de manipulation. Macron incarne cette rationalité perverse, propre aux hommes politiques actuels — qui va instrumentaliser les notions de modernité, d’efficacité ou d’Europe, prétendre servir l’intérêt général et EN MÊME TEMPS disqualifier quiconque s’y oppose comme populiste ou irrationnel. En réalité, c'est une pensée autoritaire et décomplexée, dénuée de sens moral, qui s'exprime au service de ses propres intérêts et de ses amis puissants.
Il y a un an, lorsqu’il a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer des élections législatives anticipées, celui-ci pensait encore avoir la confiance du peuple. Mais il a été désavoué, et ce sont le Rassemblement national, en termes de voix, et le Nouveau Front populaire, en nombre de sièges, qui sont arrivés en tête. Qu’a-t-il fait ? Il n’a nommé ni l’un ni l’autre, préférant s’accrocher au pouvoir. Il a choisi des Premiers ministres issus de ses propres rangs et a tenté de bricoler une coalition avec les Républicains, pourtant ultra-minoritaires. Ainsi, depuis la dernière dissolution, trois premiers ministres se sont succédé — Barnier, Bayrou, Lecornu — le dernier gouvernement parvenant même à atteindre le record de la plus courte durée: 14 heures et 26 minutes ! Aussi court qu'une story Instagram ! Macron est entré dans un rôle de pompier pyromane, il a joué avec le feu et il s’est brûlé.
En attendant, le résultat, c’est une France fracturée, où la confiance dans le politique s’effondre et où le Rassemblement National, prospère sur le ressentiment et la désignation de boucs émissaires. Un président conscient de la gravité de la situation aurait deux options : soit présenter sa démission, soit former un véritable gouvernement d’union nationale, intégrant toutes les sensibilités politiques — de La France insoumise au Rassemblement national — et en tenant compte des propositions de chacun. Mais Emmanuel Macron n’en a cure car il n'écoute que lui-même et semble décidé à aller jusqu’au bout, quitte à entraîner le pays dans une impasse politique et démocratique.
Le pire dans tout ça ? C’est que derrière lui, les prétendants ont l’air encore pire. Jordan Bardella, Gabriel Attal ou Édouard Philippe semblent s’inscrire dans la continuité du macronisme : même narcissisme, même soumission aux logiques financières et aux dogmes européens, même mépris du peuple.
Au vu de la crise politique actuelle et de la situation socio-économique dans laquelle le pays est empêtré — menace sur la souveraineté alimentaire et industrielle, effondrement du système de santé, crise du logement — ainsi que des réformes antisociales menées sous son quinquennat : conditionnement du RSA à des activités obligatoires, durcissement successif de l’assurance chômage avec baisse des durées et des montants d’indemnisation, recul de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans… Emmanuel Macron peut d’ores et déjà être considéré comme le pire président de la Ve République, tant par la brutalité sociale de ses politiques que par le mépris institutionnel avec lequel il gouverne. Dès lors, la crise politique actuelle n’a rien d’étonnant puisque le désastre était annoncé depuis son élection.
14:25 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, actualité, emmanuel macron, macronisme, europe, affaires européennes | |
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