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mercredi, 09 juin 2010

L'internationale secrète qui ébranle les dictatures de l'Est

otpor.jpgSYNERGIES EUROPEENNES – BRUXELLES / GENEVE - Décembre 2004


Chers amis,
Voici l’excellent dossier que consacre le quotidien de Suisse romande, “Le Temps”, aux événements qui ébranlent l’Ukraine aujourd’hui et qui sont en fait la répétition des événements antérieurs qui ont agité la Serbie, la Géorgie et la Biélorussie (où la tentative de subversion générale avait échoué). L’article interroge les acteurs de ces “putschs” déguisés et en apparence pacifiques et dévoile utilement certaines de leurs tactiques. Ces tactiques sont déployées pour le bénéfice de l’impérialisme américain, qui applique tout simplement la stratégie Brzezinski, qui consiste à fractionner les franges de la puissance qui détient la “Terre du Milieu” et d’éloigner cette dernière des littoraux des mers chaudes. L’objectif est aussi de rendre inopérant tout Axe Paris-Berlin-Moscou, en introduisant entre l’Allemagne et la Russie une sorte de nouveau  “cordon sanitaire”, comme le voulait, après la révolution bolchevique, Lord Curzon. Les atlantistes, les trotskistes, les fondamentalistes islamistes et les néo-conservateurs (de l’entourage de Bush, qui sont, dans la plupart des cas, d’anciens trotskistes) orchestrent, à gauche et à droite de  l’échiquier politique, l’application de la doctrine Brzezinski. Pour le plus grand malheur de l’Europe et de ses enfants, qui vivront dans un monde infernal et dans un espace politique n’autorisant aucun développement ni épanouissement. La prise de conscience de cette situation doit nous conduire à combattre sans relâche ni pitié les canailles atlantistes, alliées objectives de la crapule gaucho-trotskiste, qui souillent encore, de leur présence et de leur indécrottable bêtise, le milieu identitaire. L’atlantiste, le trotskiste, le fondamentaliste islamiste et le néo-conservateur sont des ennemis mortels de notre civilisation, de la Vieille Europe, de tout ce qui nous est cher. Ils ne méritent que la haine et le mépris : une créature qui ose, en Europe aujourd’hui, se dire pro-américaine, ne mérite plus l’honneur d’être un citoyen d’Europe, ne mérite plus d’être considérée comme héritière et partie intégrante de notre civilisation, car elle nie la valeur de tous nos héritages et prépare un  monde de mort et de misère pour nos enfants. Le quotidien suisse “Le Temps”  —sans nul doute grâce à la neutralité helvétique, où l’atlantisme n’est pas aussi puissant que dans les pays de l’OTAN—  nous donne des armes pour résister et pour comprendre comment fonctionnent les mécanismes qui conduisent à notre asservissement.   
L’internationale secrète qui ébranle les dictatures de l’Est


La Serbie en 2000, la Géorgie en 2003, l’Ukraine en 2004: trois pays, trois révolutions populaires. Mais derrière les foules de manifestants s’active une nébuleuse d’activistes internationaux, de théoriciens de la non-violence et de financiers proches du gouvernement américain. Enquête.

Les manifestants installés depuis dix-huit jours dans le centre de Kiev imposeront-ils le réformateur Viktor Iouchtchenko à la tête de l’Ukraine? Ou leur mouvement sera-t-il finalement étouffé par les manœuvres du président sortant Leonid Koutchma? A des centaines de kilomètres de là, dans le centre de Belgrade, une poignée de jeunes Serbes se posent et se reposent cette question avec fébrilité. Membres de l’ancien mouvement étudiant Otpor («Résistance»), fer de lance du mouvement qui a chassé du pouvoir en 2000 le président yougoslave Slobodan Milosevic, ils ne se reconnaissent pas seulement dans les protestataires aujourd’hui à l’œuvre, ils les connaissent très bien pour leur avoir porté assistance ces derniers mois.

C’est que tous les anciens d’Otpor n’ont pas quitté la scène politique après la chute de «leur» dictateur. Bien conscients que d’autres peuples d’Europe orientale continuaient à vivre sous d’autres régimes autoritaires, un certain nombre d’entre eux ont décidé d’exporter leur combat et de se reconvertir en militants internationalistes de la révolution non violente. Certains sont allés en Géorgie l’an dernier pour prodiguer leurs conseils aux jeunes militants du mouvement étudiant de désobéissance civile Kmara («Assez!»), qui a contribué à renverser l’ancien président Edouard Chevardnadze et à porter au pouvoir le réformateur démocrate Mikhaïl Saakachvili. D’autres se sont rendus plus récemment en Ukraine dans l’espoir d’y rééditer leur exploit. «Nous y avons été 26 fois entre les printemps 2003 et 2004», se souvient Aleksandar.

Sur ce dernier terrain, les militants du Centre Otpor de résistance non violente sont à l’origine de deux organisations subversives. La première, Pora («C’est l’heure»), a été chargée de conduire une campagne de communication «négative», en dénonçant les inégalités: «Il s’agissait de pointer du doigt des problèmes sociaux, explique l’un d’eux. Des attaques contre les dysfonctionnements politiques n’auraient mobilisé qu’une minorité d’Ukrainiens.» L’autre organisation, Znayu («Je sais»), a reçu pour mission de mener une campagne «positive», en expliquant comment éviter les détournements de voix, vérifier les listes électorales, s’inscrire pour la première fois, etc.

Les activistes serbes sont d’autant plus habiles et efficaces qu’ils sont solidement encadrés. Ils ont ainsi bénéficié en Ukraine du soutien financier d’une organisation basée à Washington et très proche du gouvernement américain, Freedom House, qui se trouvait déjà à leur côté en Serbie à l’automne 2000 et qui les a aidés à former, mais sans succès pour le moment, des jeunes biélorusses du mouvement Zubr («Le Taureau»). En Géorgie l’an dernier, l’Open Society Institute (OSI) du financier George Soros a pareillement pris en charge la formation des militants de Kmara.

Et ce n’est pas tout. L’aide étrangère apportée aux activistes démocrates d’Europe orientale s’étend également à la formation. Ainsi, des séminaires de «formation des formateurs» ont été organisés outre-Atlantique – l’un d’eux a eu lieu le 9 mars dernier à Washington. Ces réunions, qui permettent des échanges d’expérience, réunissent de jeunes militants de terrain, tels ceux d’Otpor, ainsi que des anciens, tel Mukhuseli Jack, un acteur de la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud. Ils attirent aussi des théoriciens de la lutte non violente, dont Jack DuVall, producteur d’un documentaire, Comment renverser un dictateur, qui a circulé sous le manteau dans de nombreux pays du monde, de la Géorgie à l’Iran, en passant par Cuba… Sans oublier certains proches du principal théoricien du mouvement, Gene Sharp, auteur d’un manuel traduit dans près de vingt langues, De la dictature à la démocratie.

Les organisations de base comme Otpor ne sont bien sûr pas capables d’imposer seules des révolutions. Pour provoquer un changement de régime, elles doivent cohabiter avec une opposition politique classique déterminée et s’appuyer sur un fort désir de changement au sein de la société. Il est parallèlement nécessaire que les régimes qu’elles affrontent leur laissent une liberté de mouvement minimale. A ces conditions cependant, fortes de leur courage juvénile et de leur art consommé de la subversion, elles sont devenues aujourd’hui le cauchemar de nombreux dictateurs.

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Les hommes forts de la région s’organisent

Une anecdote raconte qu’en décembre 2003, lors des funérailles du président azerbaïdjanais Heydar Aliev auxquelles assistaient tous les dirigeants de la CEI, Vladimir Poutine aurait commenté la Révolution des Roses en déclarant de façon très crue à sa nouvelle homologue géorgienne par intérim Nino Burdzhanadze que «tous les dirigeants font dans leur pantalon» à l’idée qu’un mouvement similaire puisse survenir chez eux.

De fait, nombreux sont les régimes autoritaires de la région à prendre des mesures contre la contagion du modèle non violent. La coopération avec les services secrets russes a permis la rédaction d’une liste noire d’activistes que détiennent le KGB Biélorusse et le FBU ukrainien, et qui a servi à expulser de ces pays au moins trois membres d’Otpor entre juillet et octobre. Autre exemple, plus médiatique, celui du chef d’Etat Kirghiz, Askar Akaev, qui s’est fendu d’un article dans le journal russe Rossiiskaya Gazeta, le 8 juin dernier, pour dénoncer «les nouvelles technologies internationales (pour organiser) des révolutions de velours».

Vladimir Poutine a envoyé de son côté des conseillers politiques russes pour soutenir la campagne de son protégé ukrainien Viktor Ianoukovitch contre ce qu’il a lui-même appelé une intervention «coloniale» de l’Occident. Mais son geste s’est révélé parfaitement inefficace.

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Gene Sharp: «L’essentiel est de diviser le camp adverse»

Le principal théoricien du mouvement, Gene Sharp, a quelques dizaines d’années d’expérience derrière lui. Et une volonté farouche de peser sur le cours des événements.

A 86 ans, Gene Sharp apparaît comme le principal théoricien du réseau international de révolution non violente à l’œuvre dans les pays d’Europe orientale. Pacifiste de la première heure durant la Seconde Guerre mondiale, il a approfondi sa réflexion en correspondant notamment avec Albert Einstein, avant de mettre ses théories à l’épreuve des faits sur des terrains aussi durs que la Birmanie. Interview.

Le Temps: Ainsi, la non-violence peut résoudre des conflits…

Gene Sharp: Soyons clairs: nous ne parlons pas de résolution de conflit mais de conflit tout court, de combat qu’il s’agit de gagner. Notre rhétorique s’apparente plus à celle de la guerre qu’à celle de la négociation. La méthode convaincra si elle est efficace. Mon travail a consisté à chercher dans le passé des exemples de soulèvement pacifistes susceptibles d’améliorer nos méthodes dans l’avenir. La chute du mur de Berlin a apporté une multitude de cas d’étude. Les Tchèques, les Polonais, les Allemands de l’Est, les Baltes ont beaucoup improvisé, mais avec succès. Le Printemps de Pékin a échoué de peu. La société parallèle albanaise du Kosovo des années 90, ainsi que les protestations serbes de 91 et 96 se sont en revanche avérées trop symboliques: jolies, mais pas efficaces. Otpor, en 2000, a eu une approche beaucoup plus technique. Ils ont compris qu’il ne servait pas à grand-chose de clamer le bien ou de critiquer le mal. L’essentiel est de diviser le camp adverse, pour affaiblir sa police, son armée, ses différents piliers, pour le saper jusqu’à l’effondrement.

– Comment avez-vous commencé votre recherche sur la lutte non violente?

– L’Holocauste venait, en 1945, de se produire. Nous assistions impuissants à la pérennisation de la tyrannie stalinienne et à l’explosion de la première bombe atomique. Le monde faisait face à une immense violence. Comme beaucoup de jeunes de ma génération, je me suis engagé à l’époque dans des mouvements pacifistes mais j’ai vite dû déchanter. Aucun n’avait de réponse à la violence extrême ou aux dictatures. Bien souvent, ils n’étaient même pas intéressés par la question. J’ai alors découvert le pacifisme actif dans l’histoire. La non-violence n’est pas nouvelle. Le concept existait déjà dans la Chine antique! Gandhi est un exemple incontournable mais il y en a d’autres, des gens qui ignoraient souvent ce qu’ils faisaient, qui se voyaient perdus d’avance mais qui, parfois, gagnaient. J’étais alors journaliste à Londres, mais mes recherches me passionnaient. Je suis passé à l’université de philosophie d’Oslo, puis à Oxford, où j’ai trouvé un livre de Karl Deutcher, un philosophe allemand qui analysait les faiblesses des dictatures. J’ai pensé qu’on pourrait se concentrer sur ces faiblesses. J’ai aussi découvert les «sources de pouvoir»: Hitler, Staline et leurs semblables n’étaient que des pauvres types, mais ils s’appuyaient sur des structures. Si on peut étouffer ces dernières, alors les dictatures s’effondrent d’elles-mêmes.

– Quels sont vos projets?

– J’ai écrit une vingtaine de livres sur la non-violence. Certains sont traduits en 30 langues et disponibles sur Internet. Le Centre Albert-Einstein pour la non-violence, que j’ai créé à Boston, collabore avec Freedom House, le Centre des conflits non violents, l’Open Society Institute… Nous avons des contacts avec les Nations unies. Aujourd’hui, je ne suis plus tout jeune. Je verrais bien Otpor assurer la relève…

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Milos, militant de l’ombre

Personne ne contestera à ce grand blond aux yeux bleus ses origines slaves. Milos Milenkovic a été membre fondateur d’Otpor en 1998, à l’âge de 19 ans. Depuis, il a participé à toutes les révolutions non violentes qu’a connues, de Belgrade à Kiev, sa région. Et s’il dirige aujourd’hui une ONG culturelle à Belgrade, il se tient prêt à aider d’autres oppositions si le besoin se fait sentir.

«L’Ukraine? J’y suis interdit de séjour jusqu’au premier janvier de l’an 3000, assure-t-il. Le pouvoir a fini par repérer nos ateliers de formation, trop tard pour lui. J’y suis allé une vingtaine de fois à partir d’avril 2001. Nous avons eu nos premiers contacts avec les Ukrainiens à Minsk, quand nous avons entrepris de former les ONG biélorusses, dont Zubr. Ils avaient été invités en tant qu’observateurs à notre séminaire.»

Lors de ses premiers voyages en Ukraine, Milos n’a que 23 ans mais il possède déjà une grande expérience de la révolution. L’an 2000, il l’a passé à former les nouvelles recrues d’Otpor, avant de diriger les 35 000 étudiants qui ont donné l’assaut à la dictature de Milosevic, le 5 octobre. Ses débuts de «consultant en révolutions non violentes» n’ont pas été faciles. Beaucoup de ses interlocuteurs doutaient de son utilité et prenaient plus au sérieux les instructeurs occidentaux. «Nous, les Serbes, avons l’avantage de présenter un point de vue différent, commente le militant. Nous avons plus l’habitude de travailler dans des conditions difficiles, avec des budgets limités et sous une surveillance constante. D’ailleurs, avant de nous attaquer à notre propre dictature, nous avions nous-mêmes rencontré des Polonais de Solidarnosc et des Slovaques d’OK Campaign, qui nous ont bien aidés.»

L’engagement de Milos est total. Les budgets de ces premiers séminaires – expérimentaux – sont réduits, et comme les autres formateurs serbes de l’époque, le militant est bénévole. Mais il ne regrette rien. «J’ai eu beaucoup de problèmes, j’ai perdu mes jobs d’étudiant, les services secrets serbes m’ont passé à tabac plusieurs fois. Mais on a gagné.»

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Quelques règles de base pour réussir sa révolution

Un harcèlement continuel vaut mieux qu’une attaque frontale, le rire que la force.

Cocktail nouveau composé d’ingrédients anciens, les révolutions qui ébranlent depuis quatre ans l’Europe de l’Est mêlent intimement une base théorique inspirée des travaux de l’Institut Einstein et des trouvailles d’une bande de camarades de faculté qui ont cru, dans le Belgrade des années 90, que la dérision était l’arme la mieux adaptée à la quête d’une vie meilleure.

D’abord comprendre

Mais avant d’attaquer un régime autoritaire, il convient de comprendre comment il fonctionne. «La dictature de grand papa, où un tyran règne sans partage sur un pays asservi n’existe presque plus, explique Slobodan, la trentaine, ancien d’Otpor et de la Géorgie. A la place, nous avons aujourd’hui des fausses démocraties où des élections sont organisées, où une opposition vivote mais où, au final, la même tête se retrouve toujours au sommet, sous un titre ou un autre.» La description convient au Serbe Slobodan Milosevic, qui a alterné les postes de président serbe et yougoslave, comme à l’Ukrainien Leonid Koutchma qui multiplie les manœuvres pour trahir la vox populi.

Or, ces dictatures s’appuient sur un certain nombre de piliers: police, armée, médias serviles, justice aux ordres, population obéissante… L’idée fondamentale de nos révolutionnaires est qu’un renversement du pouvoir passe par l’affaiblissement préalable de ces soutiens. Dans cette lutte, les coups les plus divers peuvent servir. En Serbie, dans les petites villes où tout le monde se connaît, les mères de militants arrêtés harcelaient la police locale de coups de téléphone implorant le pardon pour leurs adolescents de fils. A Kiev, de jolies jeunes filles ont fleuri les boucliers du cordon de sécurité du palais présidentiel, en demandant aux jeunes policiers s’ils allaient «vraiment les frapper». Le rire est une autre arme redoutable. Otpor a fait la quête pour «payer Milosevic afin qu’il quitte le pouvoir»; l’opposition Orange pour financer l’enterrement de Koutchma. Mais attention! La communication doit aller crescendo. Et puis il y a une multitude de petits trucs à connaître. «Un autocollant s’arrache en un instant, note Slobodan. Mais si vous le lacérez à coup de rasoir, il s’effritera sous les doigts de ceux qui voudront le décoller et il en restera toujours un morceau…»

Plus largement, les révolutions de Kiev, Tbilissi et Belgrade se sont articulées sur deux campagnes de communication. L’une, négative, critique les travers du pouvoir: corruption, pauvreté, manque de libertés… L’autre, positive, incite l’électorat à se mobiliser. Elle se base sur un calcul simple: «Les partisans du pouvoir votent de toute façon, explique un employé du Cesid, une ONG serbe spécialisée dans la surveillance des élections. Le tout est donc d’amener les autres aux urnes.»

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Succès et échecs

La Révolution d’octobre en Serbie

En janvier 2000, les organisations non gouvernementales serbes imposent leur réunification à une opposition politique divisée, qui entame une reconquête du pouvoir en s’appuyant sur un mouvement étudiant très populaire, Otpor. En juillet, le président Milosevic décide par surprise de remettre en jeu son poste de président de Yougoslavie. Après le scrutin truqué du 24 septembre, une grève générale s’organise et paralyse le pays. Le 5 octobre, la «Marche sur Belgrade» de 700 000 personnes (10% de la population) aboutit, en 5 heures d’insurrection populaire, à la prise du parlement et à l’effondrement du régime.

La révolution des Roses en Géorgie

En novembre 2002, des ONG géorgiennes contactent Otpor pour s’inspirer de l’expérience serbe. Des rencontres sont organisées par l’Open Society Institute (OSI) du milliardaire américain d’origine hongroise George Soros. Un réseau d’activistes et le mouvement étudiant Kmara se construisent, avec l’aide de l’OSI et du National Democratic Institute, une fondation politique américaine liée au Parti démocrate. Ces militants et l’opposition politique réunie derrière Mikhail Saakachvili contestent pendant 3 semaines le résultat des élections du 2 novembre et, le 22 décembre, la rose à la main, une foule envahit le parlement. Le président Edouard Chevardnadze prend la fuite.

Tentatives ratées en Biélorussie

Tentée en 2001 et 2004, la contestation en Biélorussie, qui s’appuie notamment sur le mouvement étudiant Zubr («Le Taureau») a échoué pour le moment. L’opposition politique harcelée par le pouvoir ne réussit pas à se renforcer. Le pouvoir entretient un sentiment de peur du changement dans les campagnes, s’assurant ainsi un réservoir de voix appréciable. Le 17 octobre au soir, jour d’élection, une manifestation d’environ 2000 personnes s’est formée dans le centre de Minsk, avant d’être violemment dispersée par les forces de sécurité, qui ont procédé à des arrestations. Le président Alexandre Loukachenko est accusé de graves violations des droits de l’Homme.

La révolution orange d’Ukraine

Préparée depuis le printemps 2003, la Révolution Orange aurait dû avoir lieu aux élections législatives de 2006, car ni l’opposition ni les ONG d’activistes n’étaient unies face au président sortant. Il a fallu le résultat contesté du premier tour pour que les socialistes se joignent à Iouchtchenko et que les organisations concurrentes «Pora jaune» et «Pora noir» s’unissent. Le mouvement a failli triompher lors d’une prise du parlement par Youlia Timochenko, numéro 2 de la liste «Notre Ukraine», le 30 novembre. Organisé par une population peu habituée à la contestation, le soulèvement a fortement ébranlé le pouvoir mais ne l’a pas (encore?) abattu.

source: letemps.ch

mercredi, 05 mai 2010

Le partenariat russo-serbe dans les Balkans

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Bernhard TOMASCHITZ:

Le partenariat russo-serbe dans les Balkans

 

Le partenariat historique entre la Russie et la Serbie vit un renouveau depuis quelques années. Moscou était aux côtés de Belgrade lorsqu’il a fallu se battre contre l’indépendance du Kosovo, voulue par les Etats-Unis. Le puissant allié de Belgrade étend également son bras protecteur sur les Serbes de Bosnie qui se défendent contre le centralisme que veut imposer l’Etat de Bosnie-Herzégovine, ce qui aurait pour conséquence de mettre un terme à la large autonomie dont bénéficie la “Republika Srpska”. “Les citoyens de Bosnie-Herzégovine doivent décider eux-mêmes de leur avenir; par conséquent, on peut réinterpréter les accords de Dayton sur base d’un accord entre la Republika Srpska et la Fédération musulmane-croate, ainsi qu’entre elles et toutes les autres minorités ethnique qui y vivent”, a déclaré en novembre 2009 Vitali Tchourkine, ambassadeur russe auprès de l’ONU.

 

Le soutien russe à la Serbie ne signifie pas la résurrection pure et simple de l’alliance historique entre les deux peuples: derrière ce soutien, se profilent des considérations stratégiques objectives. Ce sont elles qui donnent le ton. Après que tous les nouveaux Etats issus de la dislocation de la Yougoslavie soient devenus ou adhérents de l’OTAN ou sont en passe d’entrer au sein du Pacte nord-atlantique, au vif déplaisir de Moscou, la Serbie reste le seul Etat dans les Balkans qui ne s’est pas soumis à l’hégémonisme américain. “La Russie, à cause de l’extension des zones d’influence américaines, court le danger d’être progressivement exclue du Sud-Est de l’Europe. Les Etats-Unis ont, depuis la fin de la guerre froide et dans le sillage des conflits en ex-Yougoslavie, largement étendu leur présence politique dans les Balkans occidentaux et, par le biais de l’OTAN ou d’alliances bilatérales en matière de sécurité, bétonné leur prééminence géostratégique dans la région”: telle est l’analyse de Dusan Reljic de l’institut berlinois “Stiftung Wissenschaft und Politik”. Depuis que la Russie est sortie de l’ère des faiblesses que fut l’époque d’Eltsine dans les années 90 et qu’elle a retrouvé une conscience politique bien profilée et la fait valoir en politique étrangère, elle s’oppose tout naturellement aux tentatives américaines d’asseoir l’hégémonie des Etats-Unis dans les Balkans.

 

Cela explique aussi pourquoi Moscou, par exemple, s’oppose à la politique de faire de la Bosnie-Herzégovine un Etat centralisé, politique préconisée par les Etats-Unis et l’Union Européenne. Dans le cas d’un régime centralisateur, la République serbe de Bosnie, qui s’oppose à toute adhésion à l’OTAN, perdrait son droit de veto. La Russie cherche donc à façonner à son avantage le cours politique dans les Balkans via la Serbie et les Serbes ethniques. Belgrade cependant est quasiment contrainte d’accepter le partenariat. Car sans l’aide de la Russie, qui possède un droit de veto au Conseil de Sécurité de l’ONU, la Serbie se retrouverait seule et isolée, livrée sans la moindre protection aux appétits de Washington et ne pourrait pas faire valoir ses intérêts nationaux légitimes, surtout quand il s’agira demain d’empêcher la sécession définitive du Kosovo.

 

Les efforts du Kremlin, qui tente de lier fermement la Serbie à lui, gènent et agaçent les Etats-Unis, puissance étrangère à l’espace européen qui cherche à placer les Balkans tout entiers sous son contrôle. Pour arrimer définitivement le plus grand et le plus peuplé des Etats ex-yougoslaves aux “structures euro-atlantiques”, on fait miroiter à la Serbie l’adhésion à l’Union Européenne que réclame effectivement Belgrade. Au printemps 2009, le secrétaire général de l’OTAN à l’époque, Jaap de Hoop Scheffer, avait déclaré que c’était devenu “pratique courante” de coupler l’adhésion à l’UE à l’adhésion à l’OTAN. Peu auparavant, l’ambassadeur russe en Serbie, Alexandre Konunzine, avait rappelé à Belgrade sa neutralité militaire officielle. Seule la Russie pouvait être pour la Serbie un “partenaire stratégique” et non le contraire, fit savoir un diplomate.

 

L’idée d’adhérer à l’OTAN, le pacte militaire dominé par les Etats-Unis, n’est guère populaire en Serbie. Les souvenirs de la guerre menée par l’OTAN contre la Serbie en 1999 sont encore trop douloureux; officiellement, cette guerre d’agression avait eu pour but de protéger les Albanais du Kosovo. Cette guerre, gérée en dépit des principes du droit des gens car elle avait été déclenchée sans l’approbation préalable du Conseil de Sécurité de l’ONU, avait coûté la vie à près de 3000 Serbes, dont beaucoup de civils. Ensuite, parce que des usines chimiques avaient été bombardées, l’environnement avait été considérablement pollué. En mai 2009, lors d’un sondage du “Centre pour les élections libres et la démocratie” (Belgrade), 39% des personnes interrogées se déclaraient en faveur d’une adhésion à l’UE mais seulement 16% en faveur d’une adhésion simultanée à l’OTAN et à l’UE. Toutefois, au cours des années écoulées, l’engouement partiel des Serbes pour l’UE s’est atténué. Pourquoi? A cause de l’attitude partisane de l’eurocratie bruxelloise dans la question du Kosovo et à cause des conditions jugées très “dures” qu’impose cette eurocratie aux Serbes pour qu’ils puissent se rapprocher de l’Union. Ces attitudes ont laissé des traces, ont provoqué amertume et suspicion; c’est pourquoi l’ “option russe” n’a pas été abandonnée. En octobre 2008, le ministre serbe de la défense nationale, Dragan Sutanovac, avait déclaré au quotidien français “Le Figaro”: “Si l’UE ne nous ouvre pas les portes.... nous trouverons  d’autres solutions avec la Russie”.

 

Sans que l’Occident ne semble s’en être aperçu, Moscou, au cours de ces dernières années, a travaillé inlassablement, en étant bien conscient de ses priorités et de ses objectifs, pour devenir, pour la Serbie et les autres pays de la région, un partenaire économique incontournable. Dans le déploiement de cette stratégie, les consortiums pétroliers Lukoil et Gazprom ont joué un rôle de premier plan. Si les choses se déroulent selon les voeux de Moscou, l’importance de la Serbie croîtra encore. En effet, l’embranchement septentrional du gazoduc “South Stream” amènera du gaz naturel russe vers l’Europe centrale en passant notamment par des territoires serbes. Parmi les effets positifs pour Belgrade, il y a, bien sûr, le gain de prestige politique mais aussi l’opportunité de lever des taxes de transit pour ce gaz naturel, ce qui constituera une nouvelle source de revenus pour le pays.

 

Bernard  TOMASCHITZ.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°16/2010; trad. franç.: Robert Steuckers). 

 

mardi, 04 mai 2010

L'UE et sa politique de deux poids deux mesures

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Andreas MÖLZER:

L’Union Européenne et sa politique des deux poids deux mesures

 

La Turquie est traitée avec tact tandis que la Serbie doit subir vexations et rigueur

 

Les ambitions européennes de la Serbie seraient en train de se concrétiser: le pays s’est excusé récemment, et de manière formelle, pour le massacre de Srebenica, attitude d’humilité et de contrition que l’on chercherait en vain chez cet autre pays candidat à l’adhésion qu’est la Turquie, mais dont la candidature est toutefois largement contestée. En Turquie, on est menacé de sanctions si l’on ose débattre du génocide arménien.

 

L’interprétation des critères de Copenhague est arbitraire: on reproche à Belgrade de ne pas coopérer suffisamment avec le Tribunal de La Haye tandis que les atteintes aux droits de l’homme à Ankara sont considérées comme des faits divers négligeables. Mais ce n’est pas une nouveauté, ce n’est pas la première fois que l’UE pratique une politique de deux poids deux mesures. En Bosnie, on veut contraindre plusieurs groupes ethniques à cohabiter au sein d’un même Etat multiculturel alors qu’au Kosovo l’UE trouve tout naturel et légitime qu’un groupe ethnique se sépare d’un autre Etat. Le délégué de l’UE au Kosovo s’aligne sur le Plan Ahtisaari, déjà mis ad acta, et se mêle des élections communales serbes: voilà qui s’avère hautement problématique et contredit le devoir de neutralité dont doit faire montre tout médiateur, rôle que l’UE a la prétension de tenir.

 

La Serbie, au contraire de la Turquie, est historiquement et culturellement  européenne et constitue un Etat appelé à jouer un rôle clef dans la sécurité de tous les Balkans. Bien sûr, on ne doit pas répéter l’erreur commise lors de l’adhésion trop précoce de la Bulgarie et de la Roumanie à l’Union: il faut désormais que tous les critères d’adhésion soient remplis sans exception.  Mais, en revanche, l’UE n’a pas le droit d’exiger de la Serbie, pour prix de sa préparation à une éventuelle  adhésion, qu’elle reconnaisse l’indépendance du Kosovo, obtenue au mépris du droit des gens.

 

Andreas MÖLZER.

(article paru dans ézur Zeit”, Vienne, n°16/2010; trad. franç.: Robert Steuckers). 

vendredi, 12 février 2010

Phase 2 in Kosovo. Total ethnic cleansing

Phase 2 in Kosovo. Total ethnic cleansing

     
di: Ugo Gaudenzi _ http://www.rinascita.eu/    

 

 
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The NATO occupation forces in Kosovo Metohija (the Serbian province, which, since 1999, has been ripped off Belgrade by Western aggression), will be, on the 1st of February of this year, reduced of 2600 squads. The Atlantic armed reduction to a total of 10 thousand squads has been “stylishly” justified by the concerned governments, as a “tactical improvement”, which could guarantee the troops with a “major flexibility” during the operations of interposition among the various ethnic groups (mainly: Albanians, Skipeteers, Serbians, Croatians and Gorans), which are  fighting with no interruption whatsoever after the mass expulsion of non-Albanians from the Serbian province (250 thousand is the count of the refugees beyond borders). In truth, the infinite Atlantic war has moved its front (in Afghanistan) and the reduction of the NATO troops in Kosovo is directly linked to the US request for colonial allies to increase the presence of a Western army in the Mountain nation.
For what concerns Kosovo Metohija – the harshest wound inflicted by Atlantics in the heart of Europe, still looking for its own freedom, after World War II – we have to underline how, after the territory forced division, they are now planning the eradication of Kosovo from Serbia. After 11 years of occupation, the NATO Atlantic commando has decided to force the status quo, transforming the 5 operation forces, placed to keep an eye on the North, South, East, West and Central part of the region, in an only device of strategic responsibility over all the Kosovarian territory, left aside the 5 zone dislocations: every Kfor sub-command has, since this February, the possibility of intervention during emergencies, everywhere throughout Kosovo.
The strategic idea is that of forcing, even military, the unification of Kosovo Metohija under the Albanian “government” of Pristine. Every race which is hostile to the separation of the province from its homeland, will be weakened, even at the cost of using acts of terrorism and of Albanian violence against churches and Serbian enclaves, as a pretext for a forced pacification. It has already occurred in 2004.
The very same declaration of Albanian “independence” of Pristine, immediately after the birth of Eulex, on February 2008, had been possible, thanks to the transformation of UCK gangs of terrorism into “internal police forces” in zones controlled by Albanians. Eulex’s mission, UE’s “general affairs” board (obviously not elected by the members of the Community), had been decided, two years ago, with the excuse of implementing the 1244 resolution of the UNO. The very same Eulex – which has in Kosovo, an armed force of 1400 “gendarmes”, among civilians and soldiers – ensures “safety”, i.e. armed control of the denser regions, still inhabited by Serbians, especially in the Northern part of the province (Mitrovica).
The eradication of the populations identities.
This is the Atlantic mission and of the so-called European Union.
Of which, colonial Italy is, a happy member.

mardi, 02 février 2010

La main invisible des Etats-Unis

Bernhard TOMASCHITZ :

La main invisible des Etats-Unis

 

Sur les instruments indirects de la puissance politique américaine : « USAID », « Freedom House » et « National Endowment for Democracy »

 

usaid_seal_blue.jpgPour répandre la « démocratie libérale » dans le monde et, simultanément, pour étayer leur position hégémonique, les Etats-Unis ne se contentent pas de faire des guerres mais se servent aussi d’un bon nombre d’organisations et d’institutions. Parmi celles-ci, il y en a une, l’ « United States Agency for International Development », ou, en abrégé « USAID », qui occupe une place particulièrement importante. Les activités de cette agence indépendante, dont le siège se trouve dans l’immeuble Ronald Reagan à Washington, ne se limitent pas aux seules régions habituelles, qui ont besoin d’une aide au développement, comme, par exemple, pour construire des routes ou des hôpitaux. Elle soutient aussi, comme elle le signale elle-même, « les objectifs de la politique extérieure américaine en apportant une aide aux partenaires locaux des Etats-Unis, afin de pouvoir rétablir dans les pays cibles ravagés par la guerre la paix et la démocratie ». Son objectif principal semble être de favoriser des « changements politiques » dans des pays récalcitrants, qui refusent de suivre l’exemple de « la Cité lumineuse sur la colline », c’est-à-dire les Etats-Unis, comme ils aiment à se décrire eux-mêmes. Car, comme l’affirme tout de go la ministre américaine des affaires étrangères Hillary Clinton, avec un sentiment de supériorité bien yankee, « le monde a besoin d’une direction ».

 

Les choses ont le mérite d’être claires : le renforcement constant de la position hégémonique est le leitmotiv permanent de la politique étrangère des Etats-Unis, indépendamment du fait que le président en place est un démocrate ou un républicain. Il n’y a de différences que dans la manière de faire valoir les intérêts américains : si les républicains, comme sous la présidence de George W. Bush, recourent à des moyens généralement militaires (la guerre contre l’Irak l’a prouvé de manière emblématique), les démocrates cherchent à agir de manière plus douce sur l’échiquier international, en camouflant plus habilement leurs intentions.

 

Quand il s’agit de maintenir et d’étendre le rôle hégémonique de l’Amérique dans le monde, alors les Etats-Unis n’hésitent pas à débourser des sommes d’argent considérables. En cette année 2009, le budget de l’USAID s’élève à quelque 54 milliards de dollars. L’organisation consacre dans ce contexte des sommes énormes, des dizaines voire des centaines de millions de dollars, à des Etats qui ne sont pas, à proprement parler, des pays en voie de développement. Ainsi, le Kosovo recevra en cette année 2010 une centaine de millions de dollars pour garantir son indépendance, qu’il a proclamée unilatéralement voici deux ans contre la Serbie. Car, c’est, paraît-il, un « défi urgent », de mettre sur pied, dans cette province sécessionniste de la Serbie méridionale, des structures administratives en état de fonctionner, cas c’est une condition essentielle « pour intégrer le Kosovo dans les structures ouest-européennes et transatlantiques ». De même, devront aussi être tôt ou tard intégrés dans les « structures transatlantiques », c’est-à-dire dans l’OTAN, des pays comme la Bosnie-Herzégovine et même la Serbie, l’alliée traditionnelle de la Russie dans les Balkans, contre laquelle le pacte militaire animé par Washington avait déclenché une guerre en 1999.

 

L’USAID soutient également des organisations américaines non étatiques dont les objectifs sont tournés vers l’extérieur et qui se donnent pour but de répandre la « démocratie libérale ». Parmi celles-ci, nous avons avant tout la « National Endowment for Democracy » (NED), fondée en 1983 par le Président Ronald Reagan. La NED a reçu récemment 100 millions de dollars. Cette « fondation pour la démocratie » se présente elle-même comme « animée par la croyance que la paix est un objectif humain qui peut se réaliser par le développement d’institutions, de procédés et de valeurs démocratiques » mais, en réalité, elle est un volet civil et pratique du service secret américain actif en dehors des Etats-Unis, la CIA. En effet, la NED a été fondée quand les services ont appris que beaucoup de groupes d’opposition en dehors des Etats-Unis d’Amérique, que la CIA avait soutenu activement, étaient tombés en discrédit lorsqu’on avait appris le rôle des services américains dans leur émergence et développement. Il y a quelques années à peine, un ancien directeur de la NED, Allen Weinstein, reconnaissait sans circonlocutions inutiles : « Beaucoup d’actions que nous menons actuellement, la CIA les faisait en secret il y a vingt-cinq ans ». 

 

Les activités actuelles de la NED sont tout à la fois remarquables et surprenantes : dans les années 80 du 20ème siècle, le gros des activités de l’organisation était dirigé vers l’Amérique centrale, où le mouvement sandiniste, étiqueté « marxiste », recrutait des adeptes bien au-delà du Nicaragua ; depuis la fin de la guerre froide, le gros des activités s’est déplacé vers l’Europe orientale, avec, pour mission, d’inclure dans la sphère d’influence américaine les Etats qui s’étaient débarrassé du joug communiste soviétique. Ainsi, la NED a été partie prenante quand il s’est agi de lancer une campagne internationale contre le premier ministre slovaque Vladimir Meciar, considéré comme « nationaliste ». Ensuite, la NED a participé aux troubles qui ont agité la Serbie, la Géorgie et l’Ukraine. Le 7 décembre 2004, à la veille de la « révolution orange » à Kiev, Ron Paul, député républicain à la Chambre des représentants, déclare devant la commission des relations internationales de cette même chambre : « Il est établi qu’une forte somme en dollars, payés par la contribuable américain, s’en est allée en Ukraine, pour soutenir l’un des candidats (ndlr : l’actuel président ukrainien Victor Iouchtchenko). Posons-nous dès lors la question : que ressentirions-nous si la gouvernement chinois essayait de soutenir l’un des candidats à la présidence aux Etats-Unis ? Un tel financement étranger serait considéré à juste titre comme illégal. Or c’est justement ce que nous faisons à l’étranger. Mais ce que nous ne savons pas, c’est le montant exact de la somme, prélevée sur nos deniers publics, qui s’en est allée pour influencer le résultat final du scrutin en Ukraine ».

 

democrassy.jpgL’Ukraine cependant demeure la cible principale des activités de la NED sur le continent européen. L’USAID, organisation américaine destinée à l’aide au développement, maintient son point de vue : il faut créer une Ukraine démocratique, prospère et sûre qui « pourra alors être entièrement intégrée dans la communauté euro-atlantique ». L’hégémonie américaine en Europe s’étendrait alors jusqu’aux frontières de la Russie. Ensuite, il faut aussi retourner la « Serbie récalcitrante » et faire de Belgrade une capitale sagement soumise aux volontés américaines. Pour atteindre cet objectif, le « National Democratic Institute » (NDI) a obtenu le soutien de l’USAID afin de soutenir les « partis politiques favorables aux réformes », comme on peut le lire sur internet, de façon à « augmenter leurs chances lors d’élections ». par « favorables aux réformes », on entend toutes les forces politiques prêtes à soumettre tous les intérêts nationaux légitimes de la Serbie aux ukases de Washington et de l’eurocratie bruxelloise. Dans ce cadre, ces forces politiques, pour bénéficier de la générosité américaine doivent reconnaître notamment l’indépendance du Kosovo. Dans cette province sécessionniste, Washington entretient depuis 1999 une base militaire gigantesque de 386 hectares, le « Camp Bondsteel », destiné à devenir l’un des principaux points d’appui des forces américaines dans le Sud-Est de l’Europe. 

 

Le NDI est une organisation proche du parti démocrate, qui « entend procurer aux dirigeants civils et politiques une aide au développement des valeurs, pratiques et institutions démocratiques ». La présidente de cette organisation n’est personne d’autre que Madeleine Albright, qui était ministre des affaires étrangères aux Etats-Unis lorsque l’OTAN menait la guerre contre la Serbie.

 

Depuis des années déjà, le point focal sur lequel se concentrent les multiples organisations propagandistes et lobbies américains, c’est la Russie. Alors qu’au moment de l’effondrement de l’Union Soviétique, il s’agissait principalement de former une nouvelle « élite » pro-occidentale, aujourd’hui, il s’agit plutôt de lutter contre des « tendances autoritaires ». Car la situation s’est modifiée depuis les « temps bénis » de la présidence de Boris Eltsine ; Moscou a retrouvé confiance en elle-même et s’est redonné une politique étrangère active. Les Russes entendent récupérer leur sphère d’influence perdue en Europe orientale et en Asie centrale et ne plus abandonner ces régions sans résister. Ce dynamisme contrecarre bien entendu les projets de Washington de vouloir dominer sans partage la masse continentale eurasiatique.

 

Conséquence de cette nouvelle confrontation Est/Ouest : dans les publications de tous ces organismes américains, qui font semblant de vouloir répandre la paix et la démocratie dans le monde, on trouve à foison des tirades très hostiles à l’endroit de la Russie, comme nous le montre, par exemple, un rapport de la « Freedom House ». Cet organisme, financé aux deux tiers par l’Etat américain, a été fondé en 1941 et, parmi ses membres fondateurs, nous trouvons notamment Eleanor Roosevelt, épouse du Président Franklin Delano Roosevelt, franc-maçon de haut grade. En mars 2003, la « Freedom House », qui coopère également avec la fondation « Open Society » du milliardaire George Soros, a soutenu l’attaque américaine contre l’Irak. Dans une déclaration de la « Freedom House », on peut lire : « Du fond du cœur nous espérons que cet effort de guerre, où sont engagé les forces armées américaines, connaîtra un bon aboutissement et que la tyrannie de Saddam Hussein tombera avec un minimum de pertes en vies humaines ».

 

Dans un rapport de la « Freedom House » daté de juin 2009 et intitulé significativement « Russie – capitalisme sélectif et cleptocratie », la Russie est dépeinte comme un croquemitaine qui oppresse ses citoyens et constitue un danger croissant pour la paix dans le monde. Ce rapport critique le fait « que le Kremlin s’immisce partout dans les anciennes républiques de l’ex-URSS, dans leurs affaires intérieures et financières, dans leurs approvisionnements énergétiques et dans leurs communications stratégiques ». Le rapport ne mentionne pas, bien entendu, que les Etats-Unis font exactement la même chose ! La NED, en effet, soutient toute une série d’ONG russes, dont beaucoup, comme par hasard, s’activent dans la région septentrionale du Caucase, talon d’Achille de l’actuelle Fédération de Russie. Ainsi, au début de l’année, le « Caucasus Institute Foundation » (CIF) a reçu des subsides pour un total de 49.000 dollars ; quant au « Comité tchétchène de sauvegarde nationale », il a reçu 75.000 dollars ; la « Société pour l’amitié russo-tchétchène », elle, a dû se contenter de 25.000 dollars. Les services russes de sécurité reprochent à ces organisations soutenues par les Etats-Unis d’exciter encore davantage les esprits dans une région comme le Caucase du Nord, où la situation est déjà explosive ; l’objectif, ici, est d’obliger la Russie à mobiliser toutes ses ressources dans la pacification de son flanc sud.

 

La nouvelle politique étrangère de la Russie du tandem Medvedev/Poutine et la renaissance de la conscience géopolitique russe qui l’accompagne dérangent Washington mais il a plus dérangeant encore : la Russie, en dressant des barrières administratives contre les ONG financées et soutenues par l’étranger, impose de ce fait un verrou solide aux immixtions américaines. L’américanosphère riposte dès lors sur le front de la propagande : depuis des années, les écrits de la « Freedom House » dénoncent le soi-disant ressac en Russie des libertés démocratiques et prêchent pour que celle-ci soit dorénavant rangée dans la catégorie des « Etats voyous ». Très récemment, à la mi-janvier 2010, on peut lire dans un des rapports de la « Freedom House » : « Des Etats autoritaires comme l’Iran, la Russie, le Venezuela et le Vietnam ont renforcé récemment leur arsenal répressif ». En 2008, la « Freedom House » avait comparé l’état de la démocratie en Russie avec celui de la Libye et de la Corée du Nord ».

 

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°3/2010 ; trad.. franç. : Robert Steuckers).

vendredi, 08 janvier 2010

La technique du coup d'Etat coloré

bringing-795257.gifLa technique du coup d'Etat coloré

par John Laughland

La technique des coups d’État colorés trouve son origine dans une abondante littérature du début du XXe siècle. Elle a été mise en application avec succès par les néo-conservateurs états-uniens pour « changer les régimes » de plusieurs États post-soviétiques. Elle a par contre échoué dans des univers culturels différents (Venezuela, Liban, Iran). John Laughland, qui couvrit certaines de ces opérations pour le Guardian, revient sur ce phénomène.

Au cours de ces dernières années, une série de « révolutions » ont éclaté en différents endroits du monde.

Georgie

En novembre 2003, le président Edouard Chevardnadze a été renversé à la suite de manifestations et d’allégations d’élections truquées.

Ukraine

En novembre 2004, des manifestations – la « Révolution orange » – commencèrent au moment où des accusations similaires d’élections truquées étaient formulées. Il en résulta que le pays perdit son ancien rôle géopolitique de pont entre l’Est et l’Ouest et fut poussé vers une adhésion à l’OTAN et à l’UE. Étant donné que la Rus de Kiev fut le premier État russe et que l’Ukraine s’est maintenant tournée contre la Russie, il s’agit là d’un événement historique. Mais, comme le disait George Bush, « vous êtes soit avec nous soit contre nous ». Bien que l’Ukraine ait envoyé des troupes en Irak, elle était manifestement considérée comme trop amie de Moscou.

Liban

Peu après que les États-Unis et l’ONU aient déclaré que les troupes syriennes devaient se retirer du Liban et suite à l’assassinat de Ra?k Hariri, les manifestations de Beyrouth ont été présentées comme la « Révolution du Cèdre ». Une énorme contre-manifestation du Hezbollah, le plus important parti pro-syrien, fut passée sous silence alors que la télévision montrait sans ?n la foule anti-syrienne. Exemple particulièrement énorme de mauvaise foi orwellienne, la BBC expliqua aux téléspectateurs que « le Hezbollah, le plus grand parti politique du Liban, est jusqu’ici la seule voix dissidente qui souhaite que les Syriens restent au Liban ». Comment la majorité populaire peut-elle être une « voix dissidente » ? [1]

Kirghizistan

Après les « révolutions géorgienne et ukrainienne, nombreux sont ceux qui prédisaient que la vague de « révolutions » allait s’étendre aux anciens États soviétiques d’Asie centrale. Et c’est ce qui arriva. Les commentateurs semblaient divisés sur la question de savoir quelle couleur attribuer au soulèvement de Bichkek : révolution « citron » ou « tulipe » ? Ils n’ont pas pu se décider. Mais ils étaient tous d’accord sur un point : ces révolutions sont cool, même quand elles sont violentes. Le président du pays, Askar Akaïev, fut renversé le 24 mars 2005 et les contestataires prirent d’assaut le palais présidentiel et le mirent à sac.

Ouzbékistan

Lorsque des rebelles armés s’emparèrent des bâtiments gouvernementaux, libérèrent des prisonniers et prirent des otages dans la nuit du 12 au 13 mai dans la ville ouzbek d’Andijan (située dans la vallée de Ferghana où les troubles avaient également commencé au Kirghizistan voisin), la police et l’armée encerclèrent les rebelles et il en résulta une impasse de longue durée. On entreprit des négociations avec les rebelles qui ne cessèrent d’augmenter leurs revendications. Quand les forces gouvernementales les attaquèrent, les combats ?rent quelque 160 morts dont 30 parmi les forces de la police et de l’armée. Pourtant les médias occidentaux présentèrent immédiatement ces affrontements violents de manière déformée, prétendant que les forces gouvernementales avaient ouvert le feu sur des contestataires non armés, sur « le peuple ».

Ce mythe sans cesse répété de la révolte populaire contre un gouvernement dictatorial est populaire à gauche comme à droite de l’éventail politique. Autrefois, le mythe de la révolution était manifestement réservé à la gauche, mais lorsque le putsch violent eut lieu au Kirghizistan, le Times s’enthousiasma à propos des scènes de Bichkek qui lui rappelaient les ?lms d’Eisenstein sur la révolution bolchévique ; le Daily Telegraph exalta le « pouvoir pris par le peuple » et le Financial Times eut recours à une métaphore maoïste bien connue lorsqu’il vanta la « longue marche du Kirghizistan vers la liberté ».

Une des idées clés à la base de ce mythe est manifestement que le « peuple » est derrière les événements et que ces derniers sont spontanés. En réalité, bien sûr, ce sont des opérations très organisées, souvent mises en scène pour les médias et habituellement créés et contrôlés par les réseaux transnationaux d’« ONG » qui sont des instruments du pouvoir occidental.

La littérature sur les coups d’État

Le mythe de la révolution populaire spontanée perd de sa prégnance en raison de l’ample littérature sur les coups d’État et les principales tactiques utilisées pour les provoquer. C’est bien entendu Lénine qui a développé la structure organisationnelle vouée au renversement d’un régime que nous connaissons maintenant sous le nom de parti politique. Il différait de Marx en ce qu’il ne pensait pas que le changement historique était le résultat de forces anonymes inéluctables. Il pensait qu’il fallait le provoquer.

Mais ce fut probablement Curzio Malaparte qui le premier, dans Technique du coup d’État, donna une forme célèbre à ces idées [2]. Publié en 1931, ce livre présente le changement de régime comme une technique. Malaparte était en désaccord avec ceux qui pensaient que les changements de régime étaient spontanés. Il commence son livre en rapportant une discussion entre des diplomates à Varsovie au printemps 1920 : La Pologne a été envahie par l’armée rouge de Trotski (la Pologne avait elle-même envahi l’Union soviétique, prenant Kiev en avril 1920) et les bolcheviques étaient aux portes de Varsovie. La discussion avait lieu entre le ministre de Grande-Bretagne, Sir Horace Rumbold, le Nonce papal, Monseigneur Ambrogio Damiano Achille Ratti (lequel fut élu pape deux ans plus tard sous le nom de Pie XI). L’Anglais disait que la situation politique intérieure de la Pologne était si chaotique qu’une révolution était inévitable et que le corps diplomatique devait fuir la capitale et se rendre à Poznan. Le Nonce n’était pas d’accord, insistant sur le fait qu’une révolution était tout aussi possible dans un pays civilisé comme l’Angleterre, la Hollande ou la Suisse que dans un pays en état d’anarchie. Naturellement, l’Anglais était choqué à l’idée qu’une révolution pût éclater en Angleterre. « Jamais ! » s’exclama-t-il. Les faits lui ont donné tort car il n’y eut aucune révolution en Pologne et cela, selon Malaparte parce que les forces révolutionnaires n’étaient pas suf?samment bien organisées.

Cette anecdote permet à Malaparte d’aborder les différences entre Lénine et Trotski, deux praticiens du coup d’État. Il montre que le futur pape avait raison et qu’il était faux de dire que certaines conditions sont nécessaires pour qu’il y ait révolution. Pour Malaparte, comme pour Trotski, on peut provoquer un changement de régime dans n’importe quel pays, y compris dans les démocraties stables d’Europe occidentale à condition qu’il y ait un groupe d’hommes suf?samment déterminés à l’effectuer.

Fabriquer le consentement

Cela nous amène à d’autres textes relatifs à la manipulation médiatique. Malaparte luimême n’aborde pas cet aspect mais celui-ci est a) très important et b) constitue un élément de la technique utilisée pour les changements de régime aujourd’hui. À vrai dire, le contrôle des médias durant un changement de régime est si important qu’une des caractéristiques de ces révolutions est la création d’une réalité virtuelle. Le contrôle de cette réalité est lui-même un instrument du pouvoir, si bien que lors des coups d’États classiques des républiques bananières, la première chose dont s’emparent les révolutionnaires est la radio.

Les gens éprouvent une forte répugnance à accepter l’idée que les événements politiques, aujourd’hui, sont délibérément manipulés. Cette répugnance est elle-même un produit de l’idéologie de l’ère de l’information qui ?atte la vanité des gens et les incite à croire qu’ils ont accès à une somme considérable d’informations. En fait, l’apparente diversité de l’information médiatique moderne cache une extrême pauvreté de sources originales, de même qu’une rue entière de restaurants sur un rivage grec peut cacher la réalité d’une seule cuisine à l’arrière. Les informations sur les événements importants proviennent souvent d’une source unique, souvent une agence de presse et même des diffuseurs d’informations comme la BBC se contentent de recycler les informations reçues de ces agences tout en les présentant comme étant les leurs. Les correspondants de la BBC sont souvent dans leurs chambres d’hôtel lorsqu’ils envoient leurs dépêches, lisant souvent pour le studio de Londres l’information que leur ont transmise leur collègues en Angleterre, qui les ont à leur tour reçues des agences de presse. Un second facteur expliquant la répugnance à croire à la manipulation des médias est lié au sentiment d’omniscience que notre époque de mass média aime ?atter : critiquer les informations de la presse, c’est dire aux gens qu’ils sont crédules et ce message n’est pas agréable à recevoir.

La manipulation médiatique a plusieurs aspects. L’un des plus importants est l’iconographie politique. C’est un instrument très important utilisé pour défendre la légitimité des régimes qui ont pris le pouvoir par la révolution. Il suf?t de penser à des événements emblématiques comme la prise de la Bastille le 14 juillet 1789, l’assaut du Palais d’Hiver pendant la révolution d’octobre 1917 ou la marche de Mussolini sur Rome en 1922 pour se rendre compte que certains événements peuvent être élevés au rang de sources presque éternelles de légitimité.

Cependant, l’importance de l’imagerie politique va bien au-delà de l’invention d’un emblème pour chaque révolution. Elle implique un contrôle beaucoup plus rigoureux des médias et généralement ce contrôle doit être exercé sur une longue période, pas seulement au moment du changement de régime. Il est vraiment essentiel que la ligne du parti soit répétée ad nauseam. Un aspect de la culture médiatique d’aujourd’hui que de nombreux dissidents dénoncent à la légère est que les opinions dissidentes peuvent être exprimées et publiées, mais c’est précisément parce que, n’étant que des gouttes d’eau dans l’océan, elles ne représentent jamais une menace pour la marée propagandiste.

Willy Münzenberg

Un des maîtres modernes du contrôle des médias fut le communiste allemand avec qui Goebbels apprit son métier, Willy Münzenberg. Il n’est pas seulement l’inventeur de la manipulation mais aussi le premier à avoir mis au point l’art de créer un réseau de journalistes formateurs de l’opinion qui propagèrent des idées correspondant aux besoins du Parti communiste allemand et à l’Union soviétique. Il ?t fortune en édi?ant un vaste empire médiatique.

Il était très impliqué dans le projet communiste dès le début. Il appartenait aux proches de Lénine à Zurich et en 1917, il accompagna le futur chef de la révolution bolchévique de la gare centrale de Zurich à la gare de Finlande à Saint-Pétersbourg dans un train plombé, avec l’aide des autorités impériales allemandes. Lénine demanda à Münzenberg de combattre la publicité épouvantable suscitée par le fait qu’en 1921, 25 millions de paysans de la région de la Volga commencèrent à souffrir de la famine qui frappait l’État soviétique nouvellement créé. Münzenberg, qui était alors rentré à Berlin où il fut plus tard élu député communiste au Reichstag, fut chargé de créer une œuvre de bienfaisance ouvrière factice, le Foreign Committee for the Organisation of Worker Relief for the Hungry in Soviet Russia dont le but était de faire croire que les secours humanitaires provenaient d’autres sources que de la Herbert Hoover’s American Relief Administration. Lénine craignait non seulement que Hoover utilise son projet humanitaire pour envoyer des espions en URSS (ce qu’il ?t) mais également – chose peut-être plus importante – que le premier État communiste au monde ne souffre fatalement de la publicité négative due au fait que l’Amérique capitaliste lui venait en aide à quelques années de la Révolution.

Après s’être fait la main en « vendant » la mort de millions de personnes causée par les bolcheviques, Münzenberg se tourna vers des activités de propagande plus générales. Il édi?a un vaste empire médiatique connu sous le nom de Trust Münzenberg qui possédait deux quotidiens de masse en Allemagne, un hebdomadaire de masse et avait des intérêts dans d’autres publications dans le monde. Il s’illustra particulièrement en mobilisant l’opinion mondiale contre l’Amérique lors du procès de Sacco et Vanzetti (deux immigrés italiens anarchistes condamnés à mort pour meurtre dans le Massachusetts en 1921) et pour contrebalancer l’idée propagée par les nazis selon laquelle l’incendie du Reichstag en 1933, était l’œuvre d’un complot communiste. Rappelons que les nazis prirent prétexte de cet incendie pour procéder à des arrestations et à des exécutions en masse de communistes. (On pense maintenant que le feu a en réalité été mis à titre individuel par l’homme qui fut arrêté dans le bâtiment à l’époque, le pyromane Martinus van der Lubbe). Münzenberg réussit à convaincre une partie importante de l’opinion d’un mensonge opposé à celui des nazis, c’est-à-dire que ceux-ci avaient mis le feu eux-mêmes a?n d’avoir un prétexte pour se débarrasser de leurs principaux adversaires.

Le fait le plus signi?catif pour notre époque est que Münzenberg comprit combien il est important d’in?uencer les faiseurs d’opinion. Il avait essentiellement pour cible les intellectuels, partant de l’idée qu’ils étaient faciles à in?uencer en raison de leur grande vanité. Il avait notamment des contacts avec un grand nombre de personnalités littéraires des années 1930. Il en encouragea beaucoup à soutenir les Républicains lors de la guerre civile espagnole et d’en faire une cause célèbre de l’anti-fascisme communiste. La tactique de Münzenberg revêt une grande importance dans la manipulation de l’opinion en faveur du Nouvel ordre mondial aujourd’hui. Plus que jamais, des « experts » apparaissent sur nos petits écrans pour nous expliquer les événements et ils sont toujours des véhicules de la ligne of?cielle du parti. On les contrôle de différentes manières, généralement avec de l’argent ou par la ?atterie.

Psychologie de la manipulation de l’opinion

Il existe une série d’ouvrages qui mettent le doigt sur un aspect un peu différent de la technique spéci?que mise au point par Münzenberg. Il concerne la manière d’amener les gens à agir collectivement en recourant à des stimuli psychologiques. Peut-être que le premier théoricien important en fut le neveu de Freud, Edward Bernays, qui écrivait dans son ouvrage Propaganda, paru en 1928, qu’il était tout à fait naturel et justi?é que les gouvernements façonnent l’opinion publique à des ?ns politiques [3]. Le premier chapitre porte le titre révélateur suivant : « Organiser le chaos ». Pour Bernays, la manipulation consciente et intelligente des opinions et des habitudes des masses est un élément important des sociétés démocratiques. Ceux qui manipulent les mécanismes cachés de la société constituent un gouvernement invisible qui représente le vrai pouvoir. Nous sommes dirigés, nos esprits sont façonnés, nos goûts formés, nos idées suggérées essentiellement par des hommes dont nous n’avons jamais entendu parler. C’est la conséquence logique de la manière dont notre société démocratique est organisée. Un grand nombre d’êtres humains doivent coopérer a?n de vivre ensemble dans une société qui fonctionne bien. Dans presque tous les actes de notre vie quotidienne, qu’il s’agisse de la sphère politique, des affaires, de nos comportements sociaux ou de nos conceptions éthiques, nous sommes dominés par un nombre relativement réduit de personnes qui connaissent les processus mentaux et les caractéristiques sociales des masses. Ce sont elles qui contrôlent l’opinion.

Pour Bernays, très souvent les membres du gouvernement invisible ne savent même pas qui en sont les autres membres. La propagande est le seul moyen d’empêcher l’opinion publique de sombrer dans le chaos. Bernays continua de travailler sur le sujet après la guerre et a publié, en 1947, The Engineering of Consent [4], titre auquel Edward Herman et Noam Chomsky faisaient allusion lorsqu’ils publièrent leur ouvrage majeur La fabrique du consentement en 1988 [5]. Le rapport avec Freud est important parce que, comme nous allons le voir, la psychologie est un outil capital pour in?uencer l’opinion publique. Selon deux des auteurs ayant collaboré à La fabrique du consentement, Doris E. Fleischmann et Howard Walden Cutler écrivent que chaque chef politique doit faire appel à des émotions humaines de base a?n de manipuler l’opinion. L’instinct de conservation, l’ambition, l’orgueil, la faim, l’amour de la famille et des enfants, le patriotisme, l’esprit d’imitation, le désir de commander, le goût du jeu ainsi que d’autres besoins sont les matières brutes psychologiques que chaque leader doit prendre en compte dans ses efforts pour gagner l’opinion publique à ses idées. Pour préserver leur con?ance en eux, la plupart des gens ont besoin d’être certains que tout ce qu’ils croient est vrai.

C’est ce que Münzenberg avait bien compris : le besoin fondamental des hommes de croire ce qu’ils veulent croire. Thomas Mann faisait allusion à ce phénomène quand il attribua l’ascension d’Hitler au désir collectif du peuple allemand de croire à un « conte de fées » dissimulant la laide réalité.

À ce sujet, d’autres ouvrages méritant d’être mentionnés concernent moins la propagande électronique moderne que la psychologie des foules. Les classiques, ici, sont Psychologie des foules de Gustave Le Bon (1895) [6], Masse et puissance d’Elias Canetti (1960) [7] et Le viol des foules par la propagande politique de Serge Tchakhotine (1939) [8]. Tous ces livres font abondamment appel à la psychologie et à l’anthropologie. Il y a également le magni?que ouvrage de l’anthropologue René Girard dont les écrits sur la logique de l’imitation (mimesis) et sur les actions violentes collectives sont d’excellents outils pour comprendre pourquoi l’opinion publique peut si facilement être amenée à soutenir la guerre et d’autres formes de violence politique.

La suite sur Vigile.net [2]


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[2] Vigile.net: http://vigile.net/La-technique-du-coup-d-Etat-colore

mercredi, 16 décembre 2009

Dragos Kalajic: un point de vue serbe

Kalajic.jpgArchives de Synergies Européennes - 1994

Un point de vue serbe

Entretien avec Dragos Kalajic, journaliste et écrivain à Belgrade

 

Propos recueillis par Robert STEUCKERS

 

Dragos Kalajic, ancien dissident de l'époque titiste, émigré en Italie et ailleurs en Europe, est journaliste à l'hebdomadaire serbe Duga, que l'on peut acheter à Bruxelles, où il dirige l'excellente rubrique de politique étrangère. Il est actif égale­ment dans le concert des revues de la «nouvelle droite orthodoxe». Ainsi, il signe des articles remarqués dans Elementy-Nache Ideye (Belgrade) et appartient au co­mité de patronage d'Elementy,  la revue que dirige Alexandre Douguine à Moscou. Il est aussi correspondant de l'hebdomadaire romain L'Italia Settimale, proche de l'AN et dirigé par Marcello Veneziani. Dragos Kalajic est également peintre, dont l'hyper-réalisme et les formes idéalisées des personnages se profilent sur des paysages surréalistes, avec un souffle épique qui rappelle l'heroic fantasy. Il a d'ailleurs écrit des romans dans cette veine. Mais l'essentiel de son œuvre est politique, avec des ouvrages remarqués sur l'Amérique, l'Europe et la Russie. Il a également patronné auprès d'éditeurs serbes l'édition de livres de Julius Evola, René Guénon, Mircea Eliade et Ernst Jünger.

 

Q.: Quel est votre jugement global sur la guerre qui se déroule au­jourd'hui dans les territoires de l'ex-Yougoslavie?

 

DK: Je tiens d'abord à vous remercier en créant un précédent par cet interview. Si ma mémoire de lecteur est fidèle, c'est bien la première fois qu'un organe de presse partisan de l'«Europe des pa­tries» s'intéresse au point de vue serbe sur les causes de la guerre en ex-Yougoslavie. Toutes nos connaissances et expériences attes­tent que c'est une guerre que les stratèges du «nouvel ordre mon­dial» mènent contre l'Europe et les Européens. Pour réaliser les buts de ce projet anti-européen, ils dressent les Musulmans et les Croates contre les Serbes qui défendent, maintenant, en solitaires, l'Europe et les Européens. Thomas Molnar est un des rares esprits de l'Ouest à l'avoir compris. S'adressant à son disciple Tom Fleming, rédacteur de la revue néo-conserva­trice Chronicle, qui s'apprêtait à se rendre dans les pays serbes, Molnar a dit: «Je dois avouer qu'aujourd'hui ce sont les Serbes, les Serbes seuls, qui nous défen­dent tous contre le “nouvel ordre mondial”. Les Serbes sont le seul peuple à lutter vaillamment pour les valeurs qui ont fait la gran­deur de l'Europe».

 

Pour pouvoir pénétrer les sens profond de cette observation, il convient de rappeler que les francs-maçons, à l'heure où l'Europe était couvertes de tombeaux, avait sacrifié sa jeunesse, construi­saient en 1918 la Yougoslavie comme “le futur rempart de la civi­li­sation contre l'expansion de la culture pangermanique”. J'ai puisé cette définition dans la Résolution sur la Yougoslavie adoptée le 29 mars 1917 par la maçonnerie du Grand Orient. C'est la définition euphémique du rempart destiné à empêcher l'expansion de l'influence politique et économique allemande en direction du Proche-Orient, c'est-à-dire vers la principale source de pétrole du monde, soumise alors au monopole du pseudo-impérialisme bri­tannique et aujourd'hui à celui du pseudo-impérialisme américain. C'est en recourant à la puissance de ce monopole que la politique de Washington, au service de la ploutocratie new-yorkaise, exerce son chantage sur l'économie de l'Europe et du Japon.

 

dra7s.jpgL'Allemagne est donc la première à s'être attelée à la tâche de dis­loquer la Yougoslavie en encourageant le séparatisme de ses Républiques. De la Slovénie et de la Croatie d'abord, puis, par voie de conséquence, de la Bosnie-Herzégovine. La politique alle­mande a réussi à arracher à la CEE la reconnaissance des Républiques séces­sionnistes comme Etats, au prix de la violation du droit internatio­nal et des dispositions de la Charte d'Helsinki. Permettez-moi de vous rappeler que dans la Charte d'Helsinki, du 1er août 1975, les Etats signataires déclarent “considérer comme inviolables les fron­tières de tous les Etats-membres et s'abstenir au­jourd'hui et à l'avenir de toute atteinte à ces frontières”.

 

Bien entendu, en admirateurs des thèses de Carl Schmitt et en par­tisans du principe de la primauté du politique sur le droit, nous pouvons, vous et moi, comprendre à la rigueur cette violation des normes juridiques internationales, surtout si cela est dans l'intérêt des Européens, fût-ce aux dépens de mes frères serbes! Mais en en­courageant et en reconnaissant la sécession de la Slovénie, de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine, on a largement ouvert la porte aux vents de la guerre qui ne cessent de souf­fler à l'encontre des intérêts européens. Pour appréhender le sens de la réponse serbe aux défis de la guerre, vous devez prendre en compte au moins quatre faits historiques de base.

 

1.

Les frontières des Républiques de l'ex-Yougoslavie ont été tracées tout-à-fait arbitrairement, en 1944, par les autorités commu­nistes illégitimes. Elles l'ont fait de manière à dépecer le corps et le terri­toire du peuple serbe, et à empêcher son unité, voire son soulève­ment. Sous la tyrannie communiste, la communauté serbe a été morcelée et a supporté à contre-cœur l'injustice qui lui a été faite, parce que les Serbes vivaient, malgré tout, dans un Etat unique. Toutefois, la sécession des Républiques et le démem­brement de la Yougoslavie ne devaient pas manquer d'actualiser la question des frontières.

 

2.

De sa naissance, en 1918, à sa mort, l'ex-Yougoslavie a été définie par toutes ses constitutions comme une communauté étatique de peuples. Des peuples serbe, croate et slovène au premier chef. C'est dire qu'elle n'a jamais été définie comme une commu­nauté étatique de Républiques ou d'unités administratives. Aussi, aux termes de toutes les Constitutions de l'ex-Yougoslavie, seuls ses peuples, et non point ses Républiques, étaient-ils titulaires du droit d'auto-dé­termination.

 

3.

Dans l'ex-Yougoslavie, la Croatie n'était pas définie, elle non plus, comme étant la République du seul peuple croate, mais comme celle des peuples croate et  serbe. La Constitution de l'ex-Bosnie-Herzégovine la définissait comme la République des peuples mu­sulman, serbe et croate. Elle prescrivait le consensus des représen­tants politiques des trois peuples pour toutes les décisions poli­tiques de fond. Je pense être en droit de conclure que la sécession de la Croatie et celle de la Bosnie-Herzégovine ont été accomplies de manière non seulement violente mais aussi anticonstitutionnelle. Les Serbes n'avaient rien contre le désir des Croates et des Musulmans de se détacher des la Yougoslavie et de créer leur propre Etat, mais ils ne pouvaient pas permettre que les Croates et les Musulmans entraînent également dans leur sécession le peuple serbe et les territoires dans lesquels les Serbes étaient majoritaires. En d'autres termes, face au défi des ambitions sécessionnistes des Croates et des Musulmans, les Serbes ont posé la question d'une dé­limitation équitable, considérant qu'ils avaient eux aussi le droit de décider eux-mêmes.

 

dra8s.jpg4.

Les Serbes se souviennent de l'effroyable génocide auquel ils ont été soumis pendant la Deuxième guerre mondiale de la part des Croates et des Musulmans dans l'Etat indépendant de Croatie, im­posé à la faveur de l'occupation allemande et italienne de la Yougoslavie. D'entrée de jeu, au lendemain des premières élections pluripartites, la politique des autorités croates en Croatie et celle de la coalition musulmano-croate en Bosnie-Herzégovine s'étant révé­lées comme ouvertement serbophobes et revan­chardes, assorties de surcroît d'actes de violence et de persécutions, le génocide a resurgi dans la mémoire des Serbes qui ont pris conscience de l'impérieuse nécessité de se défendre. Les premières attaques armées contre les Serbes de Croatie et de Bosnie-Herzégovine ont été lancées par les formations paramilitaires des nouvelles autorités. Les Serbes ont pris les armes parce qu'ils risquaient d'être l'objet d'un nouveau génocide ou, pour le moins, de se voir ravaler au rang de citoyens de second ordre, ex­posés aux humiliations, aux persécutions et à l'assimilation.

 

Nous pouvons revenir maintenant à la cause principale, à la cause extérieure de la guerre en ex-Yougoslavie, c'est-à-dire au rôle de la politique américaine qui utilise cyniquement la vieille formule du “divide et impera”. Ayant remarqué que le rempart anti-ger­ma­nique, que l'on appelait la “Yougoslavie”, était en train de se dislo­quer, les stratèges de Washington et du “nouvel ordre mon­dial” ont entrepris de réaliser une alternative offensive. Cette alternative se propose de plonger l'épée de l'Islam dans le cœur de la vieille Europe. Washington s'efforce de mettre en place, sous hégémonie turque, une chaîne ininterrompue d'Etats et de pseudo-Etats dans les Balkans, de la Turquie à la Bosnie-Herzégovine en passant par la Bulgarie, la Macédoine et l'Albanie. Ces derniers pays sont perçus comme le fer de lance de la pénétration de l'hégémonie turque et de l'immigration des masses islamiques en Europe. C'est au demeu­rant la raison pour laquelle la politique de Washington insiste si ra­geusement sur l'intégrité de la Bosnie-Herzégovine, et s'oppose à toute partition de l'ex-République.

 

Les stratèges de Washington savent parfaitement qu'il ne manque aux Musulmans de l'ex-Bosnie-Herzégovine que quelques pourcents pour atteindre la majorité absolue. Comme ceux-ci pourraient réali­ser cette majorité à la faveur d'une simple immigration de Musulmans venus de Turquie, les leaders de l'islamisme bosniaque promettaient publiquement, avant la guerre, de faire venir de Turquie le nombre de Musulmans nécessaire, et de les installer en Bosnie-Herzégovine. Sous le couvert de la “société civile” et du “multiculturalisme”, les politiciens de Washington et leurs laquais musulmans s'appliquent donc à faire de toute la Bosnie-Herzégovine une “Musulmanie”, le plus grand Etat musulman au cœur de l'Europe. Le partage de la Bosnie-Herzégovine en trois Etats ethniques réduirait considérablement les dimensions de cette “Musulmanie” et en affaiblirait les potentialités. Constatons aussi que les médias occidentaux au service du “nouvel ordre mondial” accusent les Serbes d'avoir conquis près de 70% du terri­toire de la Bosnie-Herzégovine, alors que leur pourcentage dans la population totale ne serait que de 34%. Mais la vérité est que les Serbes n'ont rien conquis du tout et qu'ils se contentent de défendre ce qui est à eux. En effet, étant pour la plupart des agricul­teurs, les Serbes sont majoritaires dans les campagnes, tandis que les Musulmans sont concentrés dans les villes comme Sarajevo.

 

Ce qui pose un problème particulier aux stratèges américains dans cette guerre contre l'Europe, c'est le manque de continuité terri­to­riale entre l'Albanie et la Macédoine d'un côté, et la Bosnie-Herzégovine de l'autre. Pour pouvoir réaliser l'objectif d'une péné­tra­tion et d'une hégémonie turques et favoriser la conquête isla­mique pacifique de l'Europe par le biais de l'immigration, il est dès lors indispensable d'arracher à la Serbie les régions qui relient les points d'appui que nous venons d'évoquer. Ces régions sont la Raska, le Kossovo et le Métohie à population majoritairement mu­sulmane. C'est du reste pourquoi, usant de sanctions brutales et gé­nocidaires, la politique de Washington exige de la Serbie qu'elle leur accorde l'autonomie politique, c'est-à-dire en fait le statut d'Etat dans l'Etat. Vous devez savoir que les Albanais de la province de Kossovo-Métohie jouissent de droits plus étendus qu'aucune autre minorité nationale en Europe, mais qu'ils refusent de les exercer, allant, à l'instigation des fomentateurs de guerre de Washington, jusqu'à exiger l'indépendance complète, c'est-à-dire en réalité la sé­cession de la province et son rattachement à l'Albanie.

 

Dans le même temps, comme vous le savez, la politique de Washington exerce sur l'Union Européenne une forte pression pour l'amener à admettre en son sein la Turquie, présentée comme un Etat laïque et pro-occidental. S'imaginant que, hormis eux, per­sonne ne connaît leur langue, les géopoliticiens turcs expriment ouverte­ment dans leurs médias l'espoir qu'en entrant dans l'UE, ils islami­seront l'Europe. Simpliste, leur calcul est pourtant exact: la Turquie compte près de 70 millions d'habitants et, lorsque, fût-ce par le tru­chement de la double nationalité, les peuples turcophones des Républiques musulmanes de l'ex-URSS se seront joints à eux, ils se­ront au nombre de 200 millions. Permettez-moi maintenant de vous présenter une des projections géopolitiques extraites de la presse turque: elle a été exposée, avec une joie maligne et fondamentale­ment anti-européenne, par Nazimi Arifi, commentateur politique du journal turc Turkiye Gazetes,  dans les colonnes de l'organe des Musulmans bosniaques Preporod  du 15 août 1990: «L'Europe voit dans la Turquie un pays appelé à compter 200 millions d'habitants. Logiquement, l'Europe ne s'opposera pas à la Turquie. En outre, la présence des Musulmans en Europe est devenue une chose tout-à-fait normale. Dans dix ans, un Européen sur deux sera Musulman. La forte natalité chez les peuples musulmans, la migration écono­mique du monde is­lamique vers l'Europe, la baisse de la natalité européenne, les conversions à l'Islam sont autant de faits que, qu'elle le veuille ou non, l'Europe doit admettre».

 

drago07iq1.jpgOn ne saurait être plus clair. Quant à nous, les Serbes, dans les ruines de la Bosnie-Herzégovine, nous savons à quoi nous en te­nir puisque le leader des islamistes locaux, Alija Izetbegovic, nous l'a signifié depuis longtemps et sans ambages dans sa “Déclaration Islamique” de 1970: «Il n'y a ni paix ni coexistence entre la religion islamique et les institutions sociales et politiques non islamiques». Vous, nos frères d'Europe occidentale, devriez savoir, à propos de l'Islam, que le Coran ne prescrit à ses fidèles que deux attitudes face aux “infidèles”: la guerre ou la trêve, mais en aucun cas la paix. Le trêve, le Coran ne l'envisage que lorsque les Musulmans sont trop faibles pour mener la guerre. Dès qu'ils sont suffisamment forts, leur devoir est de faire la guerre pour la victoire sacrée de l'Islam. Il y a 600 ans, à la Bataille du Kossovo, les Serbes ont sacri­fié leur aristocratie et leur Etat pour défendre l'Europe contre l'invasion des armées musulmanes. Cette bataille a la même signifi­cation que celle de Poitiers, au 8ième siècle, quand les forces euro­péennes coalisées ont arrêté la pénétration islamique en Gaule. Aujourd'hui, une fois de plus, comme au 14ième siècle, les Serbes défendent l'Europe. Or nos frères d'Europe occidentale ne nous té­moignent ni reconnaissance ni so­lidarité: au contraire, ils nous dé­monisent cruellement, en adoptant toutes les positions serbophobes diffusées par les médias au service de la ploutocratie anglo-améri­caine et protestante, en vue d'établir le projet anti-européen de “nouvel ordre mondial”.

 

Comment expliquer l'erreur de la politique allemande qui, en sou­tenant les Croates et les Musulmans, ne fait en réalité que servir la stratégie de Washington? Dans le meilleur des cas, la politique al­lemande est victime de l'espoir fallacieux qu'elle pourra mettre à profit l'hégémonie turque et l'expansion islamique pour accéder aux marchés du Proche-Orient. Peut-être les Allemands misent-ils sur les sentiments traditionnellement germanophiles et anti-américains des peuples islamiques? Mais ces sentiments sont le fruit de con­jonctures à court terme et d'un pragmatisme éphémère. Ils sont donc changeants. Seuls les Serbes sont ca­pables de nourrir des sen­timents d'amitié au-dessus et même aux dépens de leurs intérêts politiques. Par leurs sentiments, les Serbes infirment la notion du politique chère à Carl Schmitt, parce qu'ils subordonnent la poli­tique à l'éthique. Les Serbes sont d'instinct des adeptes du principe de Cicéron qui disait que seul l'honneur détermine l'utilité, et non le contraire. Je veux dire par là qu'il n'y a pas aujourd'hui, parmi les géopoliticiens allemands, des spécialistes de l'ethnologie et de la ca­ractérologie nationale. Dommage, cas ce sont précisément des ethnologues allemands du 19ième siècle qui ont découvert dans les Serbes un peuple unique ayant le plus à cœur les principes de l'éthique aristocratique de la pensée et de l'action.

 

Q.: Quel est votre jugement sur les politiques croates et musulmanes depuis la dislocation de l'ex-Yougoslavie?

 

DK: Avant cette guerre, j'avais plus d'amis parmi les Croates que parmi les Serbes. La tragédie des Croates qui, conséquence d'une politique suicidaire, est en train de les conduire à la ruine, me fait une peine terrible. Je me sens parfaitement capable de ju­ger cette politique du point de vue des intérêts croates, et c'est sous cet angle que je me place maintenant pour répondre à votre question. Toutes mes connaissances, indirectes ou directes, me persuadent que la politique croate est le fruit d'une symbiose monstrueuse entre l'intelligentsia anti-croate et anti-catholique, d'une part, et l'obsession anti-serbe du nationalisme croate, d'autre part. Je dirais, en simplifiant les choses, que le cerveau de cette politique secrète un comportement hostile aux Croates en utili­sant comme force de travail et comme exécuteurs les muscles du nationalisme croate lui-même, dans sa forme brute.

 

Je suppose que le Président Tudjman est conscient de la force des ennemis des nationalismes européens et de la chrétienté, et qu'il s'est entouré de conseillers issus des milieux de l'intelligentsia libé­rale et antichrétienne pour donner le change à la plouto­cratie occi­dentale. Dès les premiers jours de son accession au pouvoir, il a fait appel à des conseillers venus des rangs du «Parti social-libéral croate», un parti d'opposition dont le signe est une parodie de la Croix: deux équerres maçonniques jointes. Selon toutes les appa­rences, Tudjman était devenu, dès le départ, leur otage. Ces conseil­lers ont tout fait pour pousser les Serbes à l'insurrection armée. Ils sont allés jusqu'à publier dans la presse croate le texte de l'enregistrement d'un entretien secret entre Tudjman et le regretté Jovan Raskovic, le leader combien pacifique des Serbes de l'ex-Croatie, qui ne demandait que l'autonomie culturelle pour le peuple serbe. Sans le moindre succès. Cet échec fit s'évanouir le prestige du Dr. Raskovic qui ne tarda pas à être remplacé par des chefs plus ré­solus de la résistance serbe.

 

Il m'apparaît très symptomatique que les agents patentés du mondialisme, qui détiennent le pouvoir culturel aujourd'hui, et tirent les ficelles des gouvernements et de leurs oppositions, s'emploient à défendre l'intégrité de la Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire de cette “Musulmanie” dans laquelle non seulement les Serbes mais aussi les Croates deviendraient des minorités nationales op­primées. Mais quand ils parlent de la Croatie elle-meêm, ils oublient leurs discours sur la “société civile” et la “société multicultu­relle”, qu'ils prononcent pour justifier le maintien d'un République de Bosnie-Herzégovine intégrale, et professent hargneusement la guerre, prônent la conquête militaire de la République Serbe de la Krajina (Srpska Krajina) qui s'est détaché de l'Etat croate. Or je connais fort bien le potentiel militaire de la Srpska Krajina et je sais aussi que, pour les Croates, l'option de guerre équivaudrait au suicide national, quasiment à un anéantissement génétique. En effet, la guerre actuelle a déjà coûté au peuple croate près de 70.000 hommes, les meilleurs de ses fils, souvent de très jeunes garçons.

 

L'instrument de cette politique, finalement anticroate et anticatholique, qui pousse la Croatie à la ruine, est le nationalisme croate dans sa forme brute et primitive, composé essentiellement de serbophobie. Au lieu de préserver et de développer l'individualité croate dans un esprit positif, il s'attache à nier exclusivement tout lien et toute resemblance avec les Serbes. Tout se passe comme si l'unique définition des Croates était qu'ils sont des “Non-Serbes”. Il me smeble aussi qu'ils cultivent une sorte de com­plexe d'infériorité vis-à-vis des Serbes. Volet pathologique particulier de ce complexe: la présence de descendants de Serbes convertis au catholicisme, qui constituent les éléments les plus combatifs du nationalisme croate et des milices qui luttent sur le front. En psychologie de la religion, cette forme de pathologie est ce que l'on appelle la “conversion incomplète”. C'est en tuant des Serbes qu'ils tentent de se confirmer comme Croates. Ce complexe a des racines très profondes qui remontent à l'époque des invasions ottomanes. La République de Venise, puis l'Empire austro-hongrois, a fait peupler les régions abandonnées par les Croates sous la poussée des conquérants, de Serbes prêts à défendre les armes à la main les terres qu'ils recevaient en fief. C'est ainsi qu'a été créée la Krajina, région frontalière où les Serbes ont toujours joui de l'autonomie politique, sous la juridiction de Vienne, et non pas sous celle de Zagreb.

 

La politique de la Croatie nouvelle a souffert, dès le départ, d'amoralisme: rejetant l'héritage communiste, elle s'est évertuée à conserver tous les territoires reçus en don de la géopolitique antiserbe du régime communiste. Au lendemain de l'émergence de leur Etat, les Croates chantaient Danke Deutschland!  Maintenant leurs hommes d'Etat se vantent sans vergogne de ce que la Croatie soit devenue un instrument de la politique de Washington. Il est intéressant de rappeler qu'à la veille de la guerre serbo-croate, le commandant des forces croates, le Général Martin Spegelj, se flattait publiquement d'avoir obtenu de certains généraux américains la promesse qu'ils lui fourniraient des armes pour 100.000 soldats. Et il conseillait, toujours publiquement, à ses su­bordonnés d'être sans pitié pour les Serbes, y compris les civils. Aiguillonnée par les émissaires et les agents de Washington, la politique croate conduit son peuple au bord du précipice. Si la fédération musulmano-croate en Bosnie-Herzégovine et sa confédé­ration avec la Croatie se maintiennent, les Croates deviendront en l'espace d'une génération une simple minorité nationale, et la Croatie ne sera plus qu'une région de la “Musulmanie”.

 

Q.: Vous qui êtes un ancien dissident de l'époque titiste, et même un émigré, pouvez-vous nous expliquez quelle a été la position de la droite yougoslave, ou des droites yougoslaves, à l'égard de Josip Broz, dit «Tito»?

 

DK: Les protagonistes de la droite authentique, spirituelle, en ex-Yougoslavie peuvent se compter sur les doigts de la main. Le ré­gime de Tito était confronté à trois espèces d'opposition, très faibles au demeurant face aux rangs serrés de la Ligue des commu­nistes de Yougoslavie qui disposait d'un monopole politique absolu: il y avait les néomarxistes qui critiquaient le pouvoir en place au départ de positions ultra-gauchistes, puis les nationalistes sentimentaux et, enfin, les partisans du libéralisme écono­mique. Fait intéressant, les protagonistes de ces trois types d'opposition sont aujourd'hui unis sur la plate-forme de l'idéologie libé­rale, de la “société civile”, du “multiculturalisme” et du mondialisme, et ils servent ouvertement les intérêts des seigneurs du “nouvel ordre mondial”.

 

De l'aveu de ses plus proches collaborateurs, Tito était maçon. L'année charnière de sa carrière fut 1956. Il reçut alors de John Forster Dulles l'autorisation et l'ordre de mettre en place le cadre politique nécessaire pour récupérer les anciennes colonies euro­péennes, sous le nom de “mouvement des non-alignés”. Vous êtes bien placé pour savoir que ces colonies se sont “libérées” avec l'aide financière et politique de Washington qui s'est appliqué à leur imposer une forme nouvelle de colonialisme, infiniment plus efficace: l'économie de la dette. Josip Broz Tito fut un des plus éminents exécutant de cette opération, et de nombreuses lignes de crédit passaient alors par la Yougoslavie. Tito devait faire de la Yougoslavie elle-même une colonie de l'internationale des usuriers. Beaucoup se souviennent aujourd'hui, non sans nostalgie, de l'“économie de bien-être” des années 70, mais ils ou­blient que la Yougoslavie contracta alors une dette de l'ordre de 30 milliards de dollars qu'il s'agit maintenant de rembourser!

 

Tito a su longtemps mettre habilement à profit la guerre froide en se faisant passer, en Occident, pour une victime en puissance de l'hégémonie soviétique, tout en laissant entendre à Moscou qu'il était disposé à se blottir de nouveau dans son giron. Il était aidé à la fois par l'Ouest et par l'Est, mais il finit, dans les années 70, par tomber dans le piège de l'usurocratie internationale. Sans se soucier des conséquences de son gâchis, il gaspillait les crédits, sachant que quelqu'un d'autre serait obligé de les rembourser après sa mort. Une plaisanterie, très populaire après la disparition de Tito, illustre bien le cynisme de sa politique. Vous vous rap­pelez sans doute que son agonie a été longue et qu'à cause de la gangrène qui le minait, on a dû lui amputer une jambe. Après que la Faucheuse eût fait son œuvre, notre personnage descend en enfer où il trouve, non pas les tourments et les supplices qu'il appréhendait, mais une étrange liesse, des festins, bref l'euphorie et la fièvre de la consommation. Demandant à son voisin ce qui se passait, il s'entend dire: «Tout a changé depuis l'arrivée de l'unijambiste. Nous sommes en train de croquer ses emprunts».

 

Q.: Dans le contexte actuel, eu égard au blocus que vous subissez et à l'image négative que véhicule les médias à propos de la Serbie, quelles sont vos intentions?

 

DK: Les Serbes rappellent volontiers un proverbe, dont la perti­nence est confirmée aujourd'hui, par les temps que nous vivons: «A quelque chose, malheur est bon». Les sanctions impitoyables et gé­nocidaires que nous subissons, et l'hostilité pour ainsi dire univer­selle qui nous entoure, nous obligent à nous surpasser. Pour pouvoir produire le minimum indispensable à notre existence  —c'est-à-dire notre Etat souverain et indépendant, et la liberté—  nous devons exiger de nous-mêmes un maximum qui effrayerait des peuples beaucoup plus grands et dotés d'une tradition et d'une force bien plus considérables que les nôtres. En luttant pour la liberté de notre patrie, nous combattons aussi pour tous les Européens, en leur don­nant l'exemple de l'abnégation et de l'autonomie. Nous défendons l'Europe contre la pénétration de l'islamisme, et nous résistons aux coups les plus terribles du “nouvel ordre mondial”.

 

En se débattant au milieu de tant d'épreuves, les Serbes ont montré et prouvé qu'ils sont des révolutionnaires conservateurs par excel­lence. Nous luttons pour les conditions dont nous avons besoin pour créer des valeurs qui méritent d'être sauvegardées. S'il n'y avait pas eu cette guerre, les Serbes auraient probablement sombré dans le guet-apens de ce qu'il est convenu d'appeler la “société multicul­turelle” et le “libre marché”. Grâce aux défis que nous lance le “nouvel ordre mondial”, nous savons désormais que le “libre mar­ché” n'est en fait que la formule servant à détruire les fondements économiques des nations et à ravaler l'homme au rang d'animal économique. Nous voyons à l'oeil nu ce que cette formule a fait de la Bulgarie, de la Roumanie, de la Hongrie, de la Pologne ou de la Russie. Tous ces pays et leurs peuples se sont candidement laissé entraîner dans un cycle nouveau d'exploitation coloniale, bien pire que les précédents. Les pays post-communistes ont largement ou­vert leur marché au capital étranger, espérant qu'il leur apporterait la vie que vivent les protagonistes de la série télévisée Dynasty. Or il est apparu que le ca­pital étranger évitait les secteurs productifs et s'investissait pour l'essentiel dans les réseaux de distribution de la camelote occi­dentale. Pour acheter toute cette pacotille qui leur donne l'illusion de participer à la “civilisation occidentale”, les peuples du post-communisme doivent s'endetter encore plus lour­dement. Le capital étranger est attiré principalement par les sa­laires de misère de la main-d'œuvre locale et le fait qu'il est exempté de toute obligation fiscale et syndicale. Les peuples du post-communisme ont le sentiment d'avoir été bernés parce qu'ils continuent à croupir dans le dénuement. C'est avec indignation qu'ils regardent les charo­gnards étrangers arracher leurs terres et leurs biens avec le concours des pseudo-élites politiques et des ma­fias.

 

Les sanctions imposées à la nouvelle Yougoslavie visent à briser non seulement l'économie nationale mais aussi celle des pays voisins, de la Bulgarie, de la Roumanie voire de la Grèce. Nous savons qu'à l'étranger une volée de rapaces appellent cet effon­drement de leurs vœux. Mais nous sommes fermement décidés à résister au siège, coûte que coûte. Les sanctions qui font que nous ne nous endettons plus, nous poussent à pratiquer la politique d'auto-suffisance économique. Il s'est révélé que nous de­vions importer peu de choses et que nous pouvions produire nous-mêmes bien des marchandises et services de substitution. J'espère, pour ma part, que les sanctions dureront assez longtemps pour contraindre notre politique à s'engager de la manière la plus énergique dans la voie de l'autosuffisance économique.

 

Nous savons que la pression des processus mondiaux d'intégration appelle la mise en place de dispositifs défensifs à leur me­sure. Nous devons riposter aux défis du mondialisme en créant notre propre système d'intégration, l'alliance culturelle, politique, économique et militaire des pays appartenant au cercle de la civilisation chrétienne orientale. Chacun des grands systèmes éco­nomiques existants se fonde sur une base religieuse. Le modèle capitaliste libéral repose sur les fondements puritains-protes­tants, biblico-calvinistes, qui ont été fort bien explicités par les recherches de Weber et de Sombart. A l'autre extrême, le modèle japonais de capitalisme a pour assise la conception bouddhique du travail. C'est dire que nous devons créer un système écono­mique répondant à la forma mentis  chrétienne orientale.

 

L'essence de la chrétienté orthodoxe est la doctrine de la divinisation de l'homme. En se rapprochant de Dieu, l'homme se méta­morphose et ressemble de plus en plus au modèle divin. Dans notre système, l'économie doit redevenir un moyen et cesser d'être la finalité de la vie. Elle doit être l'outil de la transformation spirituelle de l'homme et du peuple. L'éthique orthodoxe exclut l'égoïsme et prescrit la solidarité. Aussi notre système économique doit-il être au service de la collectivité, et non pas de l'individu. Le modèle japonais nous est très proche, et tout porte à croire que nous réussirons à ouvrir une “troisième voie” qui se situera à égale distance du capitalisme libéral et du socialisme réel, dont on sait qu'ils ne sont que deux chemins différents con­duisant au même abîme. En outre, le capitalisme libéral et le socialisme réel émanent de la même matrice, de matrice puritano-protestante.

 

Q.: Comment l'Etat serbe, agrandi ou non, se comportera-t-il, quand la guerre sera finie, à l'égard de l'Allemagne, de la France, de l'Europe occidentale dans son ensemble? Par ailleurs, comment mettra-t-on fin aux hostilités qui divisent les peuples slaves dans les Balkans?

 

DK: Nous saurons distinguer les peuples d'Europe occidentale de leurs pseudo-élites félonnes, qui sont pour l'essentiel au ser­vice du mondialisme. On a l'impression, du point de vue serbe, que les peuples d'Europe occidentale sont sous l'effet d'une drogue ou d'une anesthésie. Tout se passe, en effet, comme s'ils ne voyaient pas le gouffre vers lequel les pseudo-élites sont en train de les conduire. Ils nous font penser à quelqu'un qui serait atteint d'une grave maladie, sans en être encore conscient. La ma­ladie progresse lentement, de sorte que la victime ne remarque pas les changements qu'elle provoque. Elle s'y habitue, croyant que la douleur ou la torpeur qu'elle ressent de temps à autre n'est qu'une faiblesse passagère. Elle prend des sédatifs et des eu­phorisants qui éliminent de sa conscience des signes d'alarme pourtant précieux, au point de devenir la proie de ses propres chi­mères, en attendant l'effondrement définitif de son système de défense. Cette maladie dure depuis deux cents ans, depuis la Révolution française et l'usurpation du pouvoir par la bourgeoisie. L'Etat est détruit, l'Eglise minée, tandis que la scène publique devient le “marché libre” auquel l'homme ne peut accéder que comme consommateur ou comme producteur. Tout le reste, tout ce qu'il y a d'essentiel dans l'homme, tout ce qui lui permet de rester debout, a été fourré dans les chenils du privé où l'esprit et l'âme sont dévastés par les programmes médiatiques de débilisation et de crétinisation. L'immigration des masses africaines et asia­tiques assène le coup de grâce aux Européens de l'Ouest. J'ai bien peur qu'en l'espace d'une génération l'Europe occidentale ne devienne une province du Maghreb ou, au mieux, quelque chose qui ressemblera au Brésil d'aujourd'hui.

 

Nous les Serbes, nous vous aidons autant que nous le pouvons en luttant contre le “nouvel ordre mondial” et en endiguant la pé­nétration de l'Islam qui déferle sur l'Orient. Dans nos églises, nous sommes nombreux à prier pour le salut de nos frères européens de l'Ouest. Nous prions pour que vous sortiez enfin de votre narcose et de votre anesthésie, pour que vous preniez conscience du précipice vers lequel vos pseudo-élites politiques félonnes et corrompues sont en train de vous mener.

 

Pour ce qui est de l'hostilité entre les Slaves, plus particulièrement entre les Serbes et les Croates, elle ne dépend pas des Serbes. Nous, nous ne faisons que défendre notre patrie. Et nous savons que nous avons de notre côté les lois de la vie, la vérité et la justice. Nos adversaires ont opté, quant à eux, en faveur de l'American Way of Death, du mensonge et de l'injustice. Si para­doxal que cela puisse paraître, force est de constater que nous luttons aussi pour les Croates. Notre nationalisme n'est pas une fin en soi, mais un point de départ vers l'ouverture sur les valeurs des autres nations qui nous sont spirituellement proches. C'est une tradition qui remonte à l'empire médiéval serbe, successeur légitime et consacré de l'empire romain. C'est également de cette tra­dition romaine qu'émane notre emblème, l'aigle blanc bicéphale. Il nous rappelle en permanence que nous devons viser haut. J'ai parcouru et je parcours encore toutes les lignes de défense serbes, et je puis vous affirmer, la conscience parfaitement tranquille, que je n'y ai trouvé parmi les combattants un seul exemple de haine envers l'ennemi. Les Serbes sont au-dessus de toute haine. La seule tentation à laquelle il leur arrive de succomber, c'est celle du mépris pour l'ennemi, pour son aveuglement ou sa cruauté.

 

Q.: Quelle serait la place d'un parti nationaliste serbe dans l'Europe des patries ou des ethnies, dans le concert informel des natio­nalistes? Sous quelles conditions cette éventuelle insertion pourrait-elle se faire?

 

Pendant que vous rêvez, en Occident, à l'«Europe des patries», nous, nous la créons par notre lutte, de Belgrade à Moscou. Nous sommes en train d'en jeter les premiers fondements réels, concrets. Lorsque nous aurons réalisé notre alliance, nous vous aide­rons à nous rejoindre pour construire ensemble l'Europe des patries et des peuples unis, de Dublin à Vladivostok. Le premier pas doit être accompli dans le domaine de la culture, le second dans celui de la politique, et le troisième dans celui de l'économie. Cet ordre est suggéré par la tradition indo-européenne la plus ancienne, c'est-à-dire la structuration tridimensionnelle de tout com­munauté. Ce n'est pas un hasard si la construction de l'UE a commencé par l'économie. Si cette “erreur” a été commise, c'est pré­cisément pour assurer le règne du démon de l'économie sur la politique et la culture.

 

Pour ce qui est du “parti nationaliste serbe”, je n'envisage par une telle forme d'organisation politique. Je pense que la démocratie indirecte pluripartite est une institution pernicieuse qui sert à détruire l'unité de la nation. Nous réfléchissons à la démocratie di­recte et à des formes de représentation politique qui embrasseraient toutes les dimensions de la communauté, c'est-à-dire la science, la culture, le travail, l'église, l'armée...

 

Bien entendu, nous ne nous attendons pas à voir les institutions de la démocratie indirecte et pluripartite disparaître dans un proche avenir. Elles se maintiendront probablement bien avant dans le 21ième siècle, ne serait-ce que par la force de l'inertie. Aussi est-il indispensable de compléter un tel système en y adjoignant des institutions d'expression et de décision politique mul­tidimensionnelle. Cette alternative est également indispensable pour combattre la partitocratie qui a déjà causé bien du mal et qui en fait de plus en plus.

 

Ici, aux postes avancés de la défense de l'Europe, nous voyons clairement l'avenir et nous le vivons déjà. Cet avenir est placé sous le signe de grands heurts de civilisations, de religions et de races. Le sort des Européens se joue déjà, et cela sur la ligne Belgrade-Moscou. Nous, les Serbes et les Russes, connaissons bien les points faibles des défenseurs de l'Europe en Occident, et c'est la raison pour laquelle nous ne vous demandons pas de nous aider. De même, nous n'attendons pas de vous que vous vous joigniez à nous. Ce que nous vous demandons, c'est uniquement de nous comprendre, de ne pas succomber à la propa­gande de nos ennemis communs, de ne pas porter de jugement sur notre lutte en ressassant des préjugés et des poncifs histo­riques éculés.

 

Et surtout, n'ayez pas peur de nos ennemis communs, des seigneurs auto-proclamés du “nouvel ordre mondial”, qui s'agitent de l'autre côté de l'Atlantique. Ils sont beaucoup plus faibles qu'ils ne le croient. Une tête européenne intelligente les effraye plus que les arsenaux nucléaires de la Russie. Ils savent très bien que de cette tête européenne peut jaillir une étincelle qui mettrait le feu à leur monde, à leurs tromperies et à leurs chimères de papier, et le réduirait vite en cendres. Ces esprits nains et ces monstres moraux ne parviennent à survivre que grâce à leur art du parasitisme, grâce à la perfidie avec laquelle ils dressent les nations eu­ropéennes les unes contre les autres. La devise du nationalisme serbe est: «Nationalistes de tous les pays, unissez-vous»!

 

mercredi, 02 septembre 2009

Le procès Milosevic ou la "justice à la Potemkine"

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“Lecter” / “t’ Pallieterke”:

 

Le procès Milosevic ou la “justice à la Potemkine”

 

Beaucoup de sottises ont été débitées à propos de l’ancien président yougoslave Slobodan Milosevic au cours de ces dernières années: des mensonges, des demi-mensonges, des vérités déformées, toute la palette y est passée. C’est du pain béni pour un chercheur qui chercherait à accoucher d’un solide pavé. Son procès devant le Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie prend une place à part dans l’histoire. Lorsque ce tribunal a commencé à siéger, l’attention des médias était maximale mais il n’a pas fallu attendre longtemps pour que cet engouerment se mue en indifférence. Quelques mois plus tard, il fallait une grosse loupe pour chercher dans les journaux les quelques rares articulets que l’on consacrait encore à ces procès, du moins dans les médias occidentaux. En ce sens, le livre le plus récent de John Laughland tombe à pic: il comble les lacunes.

 

Contrairement à ce que l’on affirme si souvent, Slobodan Milosevic n’a pas été le premier chef d’Etat à comparaître devant une cour internationale du genre du tribunal pour l’ex-Yougoslavie. La plupart des journalistes l’ont oublié, ou omis de le dire, mais le premier chef d’Etat à comparaître fut Karl Dönitz en 1945. Certes, à leur corps défendant, on peut dire que Dönitz n’a été chef d’Etat que pendant une semaine. Mais après le suicide de Hitler, à la fin avril 45, il était indubitablement le chef de l’Etat allemand. Quoi qu’il en soit, le lien entre le Tribunal de Nuremberg, qui expédia Dönitz pour dix ans derrière les barreaux, et le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, est fréquemment mis en exergue. Très souvent, on aime dire que le second de ces tribunaux est le prolongement du premier, qu’il est lui aussi un instrument de la “communauté internationale” pour punir la barbarie qui a ravagé les Balkans dans les années 90. La réalité est bien plus nuancée, ne relève certainement pas de la vision simpliste du bien contre le mal.

 

Dans cette vision d’idéaliste, le procès contre Milosevic devait être la cerise sur le gâteau. Mais l’affaire, sur plus d’un plan, a tourné au fiasco. Non seulement on peut s’interroger sur la légitimité de ce Tribunal, mais aussi critiquer la manière dont l’enquête a été menée: plus d’un juriste honnête en a les cheveux qui se dressent sur la tête. Finalement, le décès prématuré du prévenu a fait qu’aucun jugement n’a pu être prononcé contre lui. Examinons le dossier depuis ses débuts.

 

Inspiration idéologique

 

L’accusation portée contre Slobodan Milosevic a été formulée pour la première fois en 1999. L’OTAN était en train de bombarder copieusement la Serbie et le Kosovo. Ses attaques ne cesseront qu’en juin. Les émotions avaient été suscitées et excitées au maximum de leur intensité, remarque John Laughland, et cette manipulation de grande envergure devait camoufler le jeu totalement idéologisé que l’on entendait déjà jouer. “La guerre de l’OTAN et la plainte contre Milosevic étaient liées entre elles par une démarche et des options idéologiques fondamentales communes (...) Même pendant les bombardements, on trouvait un lien vers les “pages web” de l’OTAN sur le site internet du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie”. Tout un symbole!

 

On peut écrire des bibliothèques entières sur les intérêts perfides qui ont inspiré les Etats-Unis dans les Balkans, sur les plans géopolitique et idéologique. Beaucoup  d’observateurs des relations internationales ne se privent d’ailleurs pas de le faire. Ne dévions pas de notre sujet. L’objet même du livre de Laughland est le procès, et rien que lui.

 

A plus d’un titre, l’affaire Milosevic suscite l’étonnement, fait lever les yeux au ciel. Pour commencer, cette affaire Milosevic constitue le procès pénal le plus long de l’histoire; il a débuté en février 2002 pour s’étirer jusqu’au samedi 11 mars 2006, soit le jour où le prévenu est tout simplement décédé. Le procès de Nuremberg, auquel on aime tant faire référence, a duré du 20 novembre 1945 au 30 septembre 1946. A la fin du procès Milosevic, les retranscriptions des débats comptaient déjà quelque 50.000 pages. Si l’on y ajoute toutes les pièces apportées par les parties, on en arrive à 1,2 million de pages. A peu près 300 témoins sont venus à la barre. Quant au coût de l’affaire, on n’a jamais pu le déterminer avec exactitude, bien que certaines évaluations semblent plausibles. Le budget annuel total du tribunal s’élève à 300 millions de dollars. En prenant pour principe que 10% seulement de cette somme soient consacrés à l’affaire Milosevic, cela reviendrait à un coût annuel de 10 millions de dollars, soit environ 60 millions de dollars pour la durée totale du procès (ndt: tels sont les chiffres avancés par l’auteur).

 

Pour avancer un argument tout empreint d’émotion: combien d’estomacs affamés pourrait-on nourrrir avec un tel pactole?

 

Légitimité?

 

L’essentiel de l’affaire, il ne faut pas aller le rechercher dans ces chiffres astronomiques qui nous donnent le tournis: dans l’enquête menée par Laughland, ce sont surtout les aspects juridiques qui comptent. La première question qu’il pose à propos de la légitimité du Tribunal est celle-ci: qu’y a-t-il de “légitime” dans  l’intervention de l’OTAN au Kosovo et en Serbie? N’est-il pas significatif que les défenseurs de l’intervention insistaient mordicus sur la “légitimité” de l’action belliqueuse de l’OTAN et non sur sa “légalité”? Ce qui s’est passé est donc très douteux sur le strict plan du droit des gens et, par conséquent, la “moralité” doit être invoquée à tour de bras pour faire passer la pilule. Pour Laughland: de la pure hypocrisie.

 

La constitution du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Laughland la resitue dans le prolongement de l’intervention militaire et de ses inspirations politiques. Il est étrange également que ce soit deux Etats ouvertement musulmans, la Malaisie et le Pakistan, qui trépignaient d’impatience pour financer le projet. Près de 94% des frais ont été pris en charge par ces deux pays au début. Le lien entre cette prodigalité et leur sentiment de solidarité avec leurs coreligionnaires bosniaques n’aurait pas dû échapper aux observateurs. Le Tribunal a toujours été marqué par un puissant affect anti-serbe, aussi quand d’autres pays apportaient leur soutien financier.  Finalement, les principaux financiers ont été les Etats-Unis. Leur contribution est quatre fois plus élevée que le numéro deux de la liste des financiers, la Commission Européenne.

 

Mais quelle est la légitimité juridique du Tribunal? Laughland examine attentivement plusieurs aspects et conclut: il y a lieu de formuler un gros paquet de remarques. Sur ce plan, on compare d’ailleurs souvent ce Tribunal à celui de Nuremberg. Mais c’est erroné, dit Laughland. Homme cultivé, avec un solide bagage de connaissances historiques, il replace l’affaire dans son contexte historique réel. Louis XVI aussi a comparu devant un Tribunal. Le régime de Vichy a fait comparaître les dirigeants de la Troisième République, parce que ceux-ci avaient précipité leur pays dans la guerre sans préparation suffisante. Evoquer des liens historiques est une activité intéressante, consent Laughland, mais alors il faut bien savoir où se trouvent différences et similitudes. D’abord, aucun acte d’accusation à Nuremberg n’a évoqué une “communauté internationale”. Non, il s’agissait de procédures que toutes les puissances alliées avaient commencé ensemble. Lisez les pièces; toutes sont citées nommément.

 

Les griefs

 

Ensuite, il y a le procès lui-même. Le paquet de griefs est considérable. “Nulla poena sine lege” (pas de peine sans loi) est un adage qui préside à tout procès pénal. Mais, ici, on a fait preuve de “créativité”. Ensuite, les droits de la défense ont été allègrement foulés aux pieds. A un stade avancé du procès, l’un des juges meurt, ce qui implique, normalement, que tout devrait être recommencé avec un tribunal nouvellement constitué. Cela ne s’est pas passé. Milosevic avait refusé de faire appel aux services d’un avocat. Pourtant, on lui en a imposé un. A certains moments, le procès s’est poursuivi en l’absence du prévenu. Et que faut-il penser de la manière dont on a refusé un traitement médical correct à Milosevic, très sérieusement malade? Bon nombre d’experts sont d’accord pour dire que cette absence de traitement a fait que Milosevic est mort avant la fin de son procès. Comme nous l’avons dit, les griefs sont fort nombreux, tant sur le plan des faits que sur celui du droit.

 

Et pour conclure: “Déjà au moment de sa constitution, l’illégalité du Tribunal sur l’ex-Yougoslavie était patente. Officiellement, on a déclaré que c’était la volonté de promouvoir la paix qui avait conduit à la constitution de ce Tribunal, en réalité l’objectif était de criminaliser les dirigeants serbes”. Et Laughland poursuit: “C’est une démocratie à la Potemkine que l’on a mis sur pieds en Bosnie, avec pour conséquence que le tribunal sur l’ex-Yougoslavie est le premier cas d’une justice à la Potemkine”.

 

“Lecter”

(article paru dans “’t Pallieterke”, Anvers, 05 août 2009)

 

John LAUGHLAND, “Travesty. The trial of Slobodan Milosevic and the Corruption of International Justice”, Londres, Pluto Press, 2007, 214 pages.

mercredi, 18 mars 2009

L'implication des Etats-Unis en Europe de l'Est à travers les conflits yougoslave et kosovar

L’implication des Etats-Unis en Europe de l’Est à travers les conflits yougoslave et kosovar

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Durant l’été 98, suite à des accrochages avec la police serbe et des actions de représailles de celle-ci, l’UçK lance des opérations militaires dans la province. Ces opérations vont déboucher sur un état de guerre, des campagnes de purification ethnique (celles-ci furent menées par la Serbie, aujourd’hui elles sont menées par les albanais du Kosovo) et les frappes aériennes de l’OTAN.
Le premier interlocuteur envoyé auprès des autorités serbes n’est pas formellement de l’ONU mais est le « groupe de contact » représenté par les délégués américains Richard Holbrooke et Christopher Hill. Le groupe qui tente de s’imposer dans un premier temps pour une médiation va par la suite (malgré des divergences avec la Russie) joindre son action diplomatique aux pressions et actions militaires de l’Alliance Atlantique. Dans le mois de juin 98, alors que Richard Holbrooke rencontrait des officiers de l’UçK au Kosovo à l’initiative du premier ministre albanais, Bill Clinton pris une décision qui allait avoir une influence sur la suite des évènements. William Cohen son ministre de la Défense avait demandé aux experts et au comité militaire de l’OTAN de préparer une intervention militaire, ce à quoi Clinton donna son soutien et son autorisation.
A ce stade du conflit, deux acteurs majeurs émergent, les Etats-Unis et l’OTAN, l’ONU a pour sa part une implication qui paraît bien plus superficielle. Le poids des Etats-Unis se renforce : d’un côté par ses médiateurs envoyés à Belgrade formant l’essentiel de l’action diplomatique, de l’autre par des contacts entre le Pentagone, la CIA et l’UçK. Les tractations menées par le premier ministre albanais Fatos Nano avec son allié américain semblent être assez fructueuses, les Etats-Unis commencent à prendre en compte l’UçK comme acteur à part entière. L’organisation kosovare jouira d’un soutien mais limité dans un premier temps.
La cause de la limitation de ce soutien vient de divergences dans le gouvernement américain. Madeleine Albright (secrétaire d’Etat) et William Cohen ne s’entendent pas sur les buts de l’OTAN, l’utilité de frappes aériennes ou encore le rôle à donner à l’UçK. Ces débats internes ne doivent pas masquer un fait essentiel : même si l’action militaire de l’OTAN était discutée, elle l’était seulement sur ses modalités et n’était aucunement remise en question. L’OTAN dans ses préparatifs et évaluations a recours à des informations prises sur le terrain par l’UçK elle-même. Les informations sur les positions ou mouvements de troupes serbes étaient transmises par des téléphones cellulaires fournis aux officiers kosovars par l’Alliance Atlantique.
La stratégie adoptée vise à terme la marginalisation de l’ONU. Les Etats-Unis ne peuvent passer par l’ONU et son Conseil de Sécurité qui risqueraient de freiner voire stopper son action. Le veto russe est envisagé et la France a déclaré qu’une intervention de l’OTAN ne devrait se faire que dans le cadre d’un mandat du Conseil de Sécurité L’offensive serbe reprit durant l’été 98, l’ONU avait peu de prise sur la situation aussi bien que sur les négociations. Le groupe de contact sert d’émissaire officiel auprès de Milošević et jouit du total soutien de l’OTAN dans ses négociations. Cela signifie plus nettement que l’accord provisoire et ceux qui suivraient s’accompagneraient de pressions militaires s’ils devaient s’imposer par la force. Durant le mois de janvier 99, une réunion se tint à Bruxelles au siège de l’Alliance Atlantique et portait encore sur les conditions d’exercice de l’OTAN, les Etats-Unis plaidant l’autonomie et la France défendant une implication majeure de l’ONU et du Conseil de Sécurité.
Parallèlement aux réunions, le 30, Robin Cook (le ministre britannique des Affaires Etrangères), se rendait auprès de Milošević et des leaders albanais du Kosovo afin de leur remettre une convocation pour venir négocier à Rambouillet la semaine suivante.
Les négociations se tenaient du 6 au 23 février puis du 15 au 20 mars à Paris sans qu’on aboutisse à un quelconque résultat. La délégation albanaise accepta la constitution d’une force multinationale sous commandement de l’OTAN. Parallèlement le 23 février le rôle primordial de l’OTAN était réaffirmé par Madeleine Albright et suscitait la désapprobation de la Russie. L’accord était placé sous la menace de sanctions militaires si une des parties ne signait pas. Le refus serbe de signer et la signature tactique des délégués kosovars amenait l’OTAN à intervenir par le biais de frappes aériennes le 24 mars et ce, pour plus de deux mois.
Le retrait des troupes serbes et la « fin » du conflit s’amorcent durant le mois de juin 99. Le Conseil de Sécurité de l’ONU adopte le 10 juin la résolution 1244. Comme le rappelle Evette Guendon, cette résolution 1244 « …a officialisé la mission de la présence de sécurité internationale fournie par la KFOR et celle de la présence civile internationale provisoire ou MINUK… ».
Pour la MINUK qui est l’administration civile des Nations Unies envoyée dans la province il est tout à fait normal que son action soit légitimée par une résolution du Conseil de Sécurité. En revanche pour la KFOR cette situation est un peu plus particulière. Etant un contingent multinational sous commandement de l’OTAN et du siège de l’Alliance Atlantique à Bruxelles (donc aucun lien avec l’ONU), l’organisation atlantique est fortement intégrée et influencée par le gouvernement américain et son administration dans les prises de décisions stratégiques. La résolution revient à légitimer dans ce cas une action unilatérale qui dès le début a tendu à marginaliser le système des Nations Unies et contourner le Conseil de Sécurité pourtant seul acteur légitime.
Le 12 juin 1999, la KFOR rentrait au Kosovo et le 21 juin, l’UçK s’engageait par un accord (signé au quartier général de la KFOR à Priština) à déposer les armes et changer de statut. L’OTAN s’était imposé de manière décisive dans le conflit par le groupe de contact au début, par l’action diplomatique américaine menée à l’ONU ou auprès de certains Etats (soutien britannique, alliances, déploiements de troupes en Grèce, Albanie) et n’avait pas hésité à user de la force.
Durant les attaques aériennes de l’OTAN sur différents objectifs en Serbie (usines de Pančevo, sites industriels, officiels ou symboliques de Belgrade) et au Kosovo (sur les troupes serbes ou les frappes sur des colonnes de réfugiés qualifiées de « dommages collatéraux ») Brzezinski exposait au journal Le Monde du 17 avril 1999 l’enjeu du conflit et la stratégie employée: « Le fait est que l’enjeu dépasse infiniment désormais, le simple sort du Kosovo. Il n’est pas excessif d’affirmer que l’échec de l’OTAN signifierait tout à la fois la fin de la crédibilité de l’Alliance et l’amoindrissement du leadership mondial américain. »
Aussi bien en Bosnie qu’au Kosovo, l’OTAN fut à la tête de chaque intervention soit en parallèle avec l’ONU soit de manière très autonome. Cette coopération militaire transatlantique semble être de plus en plus préjudiciable à la crédibilité de l’ONU et aux gouvernements européens, à leurs intérêts et à leur capacité de gérer des crises. Le général Jean Cot souligne que l’action militaire menée par l’OTAN avait donné au début l’illusion d’une coopération entre les Etats-Unis et leurs alliés européens mais ce sentiment changea suite à des déconvenues. Un rapport du ministre français de la Défense se plaignait du fait que les américains définissaient souvent des cibles de manière unilatérale sans en informer leurs alliés européens. Cet exemple est révélateur et illustre le problème qui est posé à l’Europe, notamment en matière de défense : elle semble être privée de toute initiative au profit d’un Etat tiers (les Etats-Unis) ou d’une coalition dirigée par ce même Etat et ses intérêts dans la résolution d’un conflit ne sont pas pris en compte alors qu’il s’agit de la stabilité, de l’avenir et de l’unité de notre continent européen.
L’émergence d’un véritable organisme de défense européenne ne peut qu’être freinée par cet état de fait. Les 23 et 24 avril 1999, le Conseil de l’Atlantique du Nord réaffirmait les buts de l’OTAN et les liens entre Etats-Unis et Europe dans la Déclaration de Washington. Ceci n’est pas fait pour aller dans le sens d’un véritable système européen de défense indépendant, donc apte à gérer les crises survenant en Europe sans que les intérêts d’une puissance tierce n’interfèrent. L’hostilité américaine au concept de défense européenne est assez marquée au point que Richard Holbrooke ne réduise les conflits européens et leur résolution qu’à la volonté des Etats-Unis : « Que nous le voulions ou non, nous sommes une puissance européenne. L’histoire de ce siècle nous démontre que lorsque nous nous désengageons, l’Europe verse dans une instabilité qui nous oblige à y retourner ».
Du point de vue de la politique extérieure (et d’actions militaires qui peuvent parfois y être liées) de l’Union Européenne, la présence d’une entité a là aussi des conséquences néfastes. Le dossier irakien en est le meilleur exemple et illustre la division de l’Europe qui n’a pas pu adopter de vraie position sur le sujet. Les trois pays baltes, la Pologne (le plus gros contributeur de ce groupe de pays membres de l’OTAN), la Tchéquie, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie ont envoyé des troupes en Irak. Comme l’analyse Jacques Rupnik dans Le Point du 16 janvier 2004 le lien entre la « nouvelle Europe » et les Etats-Unis a été permis par «… la peur d’un couple franco-allemand trop puissant. » Le concept d’Europe indépendante, jouant le rôle de contrepoids aux Etats-Unis et menée par le tandem franco-allemand n’intéresse pas l’Europe de l’Est bien au contraire. Les pays d’Europe de l’Est craignent que leurs voix et leurs intérêts soient mineurs dans un tel système (on peut repenser à la réaction peu diplomatique de Jacques Chirac concernant ces pays suite à leurs choix pro-américains).
L’identité de l’Europe est remise en cause tout comme sa stabilité dans un contexte international qui a changé. Depuis la Guerre Froide, les relations entre les Etats-Unis et l’Union Européenne ont muté au point que Jacques Rupnik affirme de manière révélatrice : « Pour la première fois depuis la guerre, l’administration américaine ne considère plus son soutien à l’intégration européenne comme une priorité. Au contraire, elle érige la division européenne en vertu de la relation transatlantique ».

Sur ce sujet on pourra notamment se référer aux ouvrages suivants :
* Bianchini, Stefano (1996). La question yougoslave. Firenze : Giunti/ Casterman.
* Brzezinski, Zbigniew (1997). Le grand échiquier. L’Amérique et le reste du monde. Paris : Hachette/Pluriel.
* Laurent, Eric (1999). Guerre du Kosovo. Le dossier secret. Paris : Plon.
* Volkoff, Vladimir (1999). Désinformation- flagrant délit. Monaco : Editions du Rocher.
* Sous la direction de Chiclet, Christophe(1999). Kosovo- n°30 de Confluences Méditerranée. Paris : L’Harmattan.
* Sous la direction du Général Gallois, Pierre-Marie (2002). Guerres dans les Balkans. La nouvelle Europe germano-américaine. Paris : Ellipses.
* Gubert, Romain et Bran, Mirel (16 janvier 2004).Europe de l’Est, l’OPA américaine et entrevue avec Jacques Rupnik. Le Point n°1635.

Rodion Raskolnikov

mardi, 17 février 2009

Racak, massacre trop parfait?

La CIA toujours à la besogne : Racak, le massacre n’était-il pas trop parfait ?

Après Timisoara, après les bébés koweîtiens, après les armes de destruction massive d’Irak, le “massacre” serbe de Racak n’a jamais eu lieu.
Il fut pourtant le prétexte qui a justifié le bombardement de la Yougoslavie.

La Dr Helena Ranta, responsable de l’équipe d’enquêteurs sur le terrain, révèle comment elle a été obligée de confirmer la version officielle d’une sinistre mise en scène.

Helena Ranta, une spécialiste finlandaise de médecine légale de renommée mondiale, âgée de 62 ans, vient de publier sa biographie à Helsinki, écrite avec l’aide de Kaius Niemi, un des directeurs du journal Helsingin Sanomat. Elle était la responsable de l’équipe d’enquêteurs internationaux chargée sur place du rapport sur les événements qui s’étaient déroulés dans le village de Racak, au Kosovo, où 45 cadavres avaient été découverts en 1999. La sinistre trouvaille avait été immédiatement transformée par les médias occidentaux en un massacre de civils albanais attribué aux Serbes, suscitant l’indignation mondiale, et servant de prétexte justificatif du bombardement de la Yougoslavie. Dans son livre, Helena Ranta fait des révélations spectaculaires sur les pressions qu’elle a subies pour accréditer la fausse version de la culpabilité serbe, faisant ainsi voler en éclats un des plus grands mensonges de la guerre dans les Balkans.

Elle y raconte que William Walker, le chef américain de la mission de l’OSCE (1) au Kosovo pendant l’hiver 1998-1999, a brisé son crayon en bois et lancé les morceaux à sa figure, furieux des conclusions de son rapport, qui n’avaient pas utilisé « un langage suffisamment convaincant » à propos des atrocités serbes. Elle y décrit les pressions de trois fonctionnaires du ministère finlandais des Affaires étrangères qui exigeaient d’elle « des conclusions plus approfondies ». « J’ai conservé leurs e-mails », a-t-elle dit à son éditeur à Helsinki.

Une déclaration imposée

En 1999, elle avait été obligée de déclarer à la presse « oui, il s’agit d’un crime contre l’humanité ». Mais le journaliste finlandais Ari Rusila, expert pour les Balkans, écrit dans un article sur le livre d’Helena Ranta que, pendant son enquête, elle avait voulu que ses résultats ne soient en faveur ni des uns ni des autres et avait essayé de se soustraire aux infleunces politiques, mais que, dès le début, elle travaillait sous une intense pression de sa hiérarchie et des médias. Les autorités voulaient qu’elle prouve que les coups de feu ayant tué les victimes étaient les coups de grâce d’une exécution. L’objectif de Walker était d’aider l’UCK (2) et de mettre en scène un massacre attribué aux Serbes permettant l’intervention militaire des Occidentaux, qui s’est produite au printemps 1999.

Ranta précise que le chef à l’époque de la section politique du ministère, Pertti Torstila, aujourd’hui secrétaire d’Etat [du gouvernement finlandais], lui a demandé de retirer de son rapport un commentaire « modérément critique » de la politique du gouvernement. Torstila a démenti cette affirmation en se prétendant « stupéfait ».

L’intérêt de ces révélations est qu’elles confirment de façon définitive des doutes qui se manifestaient déjà à l’époque. Un article du 1er février 2001 de « FAIR » (Fairness & Accuracy in Reporting – Equité et exactitude dans le reportage) fait état du black-out des médias à leur propos. Il revient sur le déroulement des faits.

Un “horrible massacre”

En janvier 1999, William Walker annonce que les soldats serbes ont massacré 45 Albanais du village de Racak. Il qualifie la tuerie d’« horrible massacre », précisant que les victimes étaient toutes des civils, brutalement exécutés, certains d’entre eux même mutilés après leur mort.

Une fois l’histoire du massacre évoquée dans ses plus bouleversants détails par les grands médias du monde entier (3), la poussée vers la guerre s’est intensifiée et les alliés européens hésitants ont fait un pas décisif en ce qui concernait l’autorisation de frappes aériennes. Selon un article du Washington Post du 18 avril 1999, « Racak a transformé la politique balkanique de l’Occident comme peu d’événements isolés ont pu le faire. »

Des doutes font surface

Des questions troublantes ont pourtant vite vu le jour, mettant le massacre en doute et évoquant la possibilité que l’incident ait été manipulé pour pousser l’OTAN à la guerre, mais elles ont été complètement ignorées par les médias américains de l’époque.

Des articles importants de correspondants chevronnés en Yougoslavie s’interrogeant sur la version de William Walker ont pourtant été publiés par des journaux français comme « Le Figaro » (« Nuages noirs sur un massacre », 20/1/99), et « Le Monde » (« Les morts de Racak ont-ils réellement été massacrés de sang-froid », 21/1/99). Le quotidien allemand « Berliner Zeitung » a rapporté, le 13/3/99, que plusieurs gouvernements, dont l’Allemagne et l’Italie, demandaient à l’OSCE de renvoyer William Walker, à la lumière d’informations reçues de contrôleurs de l’OSCE au Kosovo selon lesquelles les corps de Racak « n’étaient pas – comme le prétend Walker – des victimes d’un massacre serbe de civils » mais ceux de combattants de l’UCK tués au combat.

Un rapport occulté pendant deux ans

Le « Sunday Times » de Londres (12/3/99) a écrit que l’équipe d’observateurs américains de Walker travaillait secrètement avec la CIA pour pousser l’OTAN à la guerre. Selon le journal, « Les diplomates européens collaborant à l’époque avec l’OSCE affirment avoir été trahis par une politique américaine rendant les frappes aériennes inévitables. »

Après le massacre, l’Union européenne a embauché l’équipe de scientifiques finlandais dirigée par Ranta pour enquêter sur les morts. Son rapport a été gardé secret pendant deux ans. Les médias US l’ont ignoré, malgré le fait que le rapport ait conclu qu’il y avait eu en effet des morts à Racak, mais qu’il n’y avait aucune preuve de massacre.

Selon le « Berliner Zeitung » du 16/1/01, les enquêteurs finlandais n’ont pas pu établir que les victimes étaient des civils, s’ils étaient de Racak, ni où ils avaient été tués. De plus, ils n’ont trouvé qu’un seul cadavre montrant des traces d’exécution, et aucune preuve que des corps aient été mutilés. Le journal précise que ces conclusions avaient été finalisées en juin 2000, mais qu’elles ont été occultées par l’ONU et l’UE. Aucun journal américain n’en a parlé.

Un second article de « FAIR », daté du 18 juillet 2001, soulève à nouveau des questions.

De nouvelles informations sur l’incident de Racak ont vu le jour.

Des douilles introuvables

Selon le documentaire de la Canadian Broadcasting Company, « La route de Racak » (The World at Six, 29/5/2000), quand l’envoyé spécial du « Figaro » Renaud Girard est arrivé au village, il a été surpris de voir que William Walker n’avait pas isolé la scène du crime pour permettre l’enquête. Il s’est également étonné de ne trouver pratiquement aucune douille sur le sol. « C’était étrange, a-t-il dit à la CBC. Peut-être quelqu’un les avait ramassées. » De retour à Pristina le même jour, il a parlé à son confrère Christophe Chatelot du « Monde » de l’apparente absence de douilles. Chatelot a demandé à l’un des observateurs de Walker, un capitaine de l’armée américaine, pourquoi on n’en avait pas trouvé. « C’est parce que je les ai prises, a répondu le capitaine, j’en fais collection. » Le capitaine « a déclaré à Chatelot qu’il avait ramassé toutes les douilles en arrivant sur la scène. »

Intrigué, Chatelot est retourné à Racak le lendemain. Quand il a essayé de trouver le capitaine américain, celui-ci était « tout à coup introuvable ». Chatelot affirme que la mission de l’OSCE lui a dit : « Nous ne le connaissons pas. Il n’a jamais été ici. » Quand il a demandé à parler aux quatre contrôleurs qui étaient présents à Racak et dans ses environs le jour de la tuerie, on lui a dit que leurs noms étaient subitement devenus un secret « classé confidentiel » « C’est très curieux », a-t-il dit à la CBC.

Des agents de la CIA

Plus tard, il est apparu que l’équipe d’observateurs américains de Walker était en grande partie composée d’agents secrets appartenant à la CIA.

Dans son discours à la nation du 19 mars 1999, annonçant la décision de l’OTAN de lancer les frappes aériennes sur la Yougoslavie, le président Bill Clinton a dit : « Au moment où nous nous préparons à agir, nous devons nous rappeler des leçons apprises dans les Balkans. Nous devons nous souvenir de ce qui est arrivé dans le village de Racak en janvier – des hommes innocents, des femmes et des enfants ont été arrachés à leurs foyers, amenés dans un ravin, forcés à s’agenouiller dans la boue et mitraillés – pas pour quelque chose qu’ils auraient fait, mais simplement pour ce qu’ils étaient. »

Tout récemment, le « Byzantine Blog » (4) a marqué le neuvième anniversaire de l’affaire de Racak en rappelant que le jour de Noël 1993, 49 civils serbes avaient été massacrés dans le village bosniaque de Kravice par des troupes musulmanes basées à Srebrenica, un épisode qui n’a entraîné qu’une prudente condamnation des responsables internationaux, bien loin de l’impitoyable bombardement de 78 jours qui a suivi la mort à Racak de 45 Albanais armés.

Le site en profite pour rappeler quelques détails supplémentaires que nos grands médias ont passé sous silence.

Une brigade sur place de l’UCK

Dès son arrivée sur place, Walker a accusé la police serbe du massacre, alors que c’était une police yougoslave multiethnique qui menait les actions antiterroristes au Kosovo. Ses opérations ont été suivies par les contrôleurs de l’OSCE, deux équipes de télévision étrangères et un grand nombre d’envoyés spéciaux de différents pays : aucun d’entre n’a assisté à un massacre avant que Walker n’en ait vu un. Au début de janvier 1999, le poste de commandement d’une brigade de l’UCK de 126 hommes avait été installé à Racak. Parmi eux se trouvait la famille Mujota, connue pour avoir assassiné six policiers serbes. Les villages environnants de Petrovo, Luzak et Rance étaient sous le contrôle de l’UCK.

Une opération contrôlée par l’OSCE

La police yougoslave a informé la mission de l’OSCE de son intention de lancer un raid anti-terroriste sur le village de Racak. L’action a débuté à 8 heures. Selon Renaud Girard, la police n’avait rien à cacher, puisqu’à 8h30 elle a invité une équipe de TV (deux reporters d’Associated Press) à filmer l’opération. Des membres de l’OSCE étaient présents et des contrôleurs ont observé le village pendant toute la journée à partir d’une vallée voisine.

A 15h, un rapport de la police a été rendu public par le « International Press Center » de Pristina, qui précisait qu’au cours des combats à Racak, 15 terroristes de l’UCK avaient été tués, et qu’une quantité significative d’armes avait été confisquée. A 15h30, les forces de police, accompagnée par l’équipe de TV d’« Associated Press », ont quitté le village, emportant une pièce lourde d’artillerie de calibre 12,7 mm, deux engins d’artillerie portables, deux fusils de snipers et 30 kalashnikovs fabriqués en Chine. A 16h30, un reporter français a traversé le village en voiture, et y a vu trois véhicules oranges de l’OSCE. Les contrôleurs internationaux parlaient tranquillement avec trois adultes albanais en civil. Ils cherchaient des civils éventuellement blessés. En retournant au village à 18h, le reporter les a vus emmener deux femmes et deux vieillards légèrement atteints.

126 terroristes et 4 instructeurs

Au centre du village, dans une maison où avait été installée la base de l’UCK, la police a trouvé un ordinateur contenant des informations sur la brigade de l’UCK et la liste de ses 126 membres, dont faisaient partie quatre personnes avec des noms anglo-saxons, qui ont été considérées comme des instructeurs étrangers.

Quand les policiers yougoslaves ont investi le village, et commencé à sécuriser les routes et les tranchées, ils ont été attaqués par les Albanais à partir du Lake Mountain (Jezerska planina) et des villages avoisinants. Pris sous le feu d’une forte offensive et placés en contre-bas, ils ont dû se replier. C’est alors qu’a eu lieu la grande mise en scène destinée à impressionner le monde entier.

Des cadavres déplacés et rhabillés

Les membres de l’UCK revenus dans Racak ont récupéré dans les ravins et vallons les corps des Albanais tués pendant le combat et les ont rassemblés dans un champ où auparavant il n’y en avait aucun. L’équipe de TV d’AP qui était entrée plus tôt dans le village avec la police a certifié que le champ où on avait empilé les cadavres des victimes soi-disant exécutées était à ce moment vide. Les Albanais ont rhabillé en civils une quarantaine de morts, et ont emmené les autres cadavres en uniforme à Budakovo, où ils les ont probablement enterrés.

Le lendemain matin tôt, Walker est arrivé au champ pour indiquer comment les corps devaient être disposés pour faire croire à un massacre. La mise en place achevée, il a fait venir les équipes de TV et les journalistes. La description détaillée de l’épisode figure dans le livre du reporter Milorad Drecun intitulé « La seconde bataille du Kosovo », au chapitre « Le mensonge de Racak ».

Les frappes “humanitaires”

L’agence « Tanjug » rappelle, à l’occasion de cet anniversaire, que la secrétaire d’Etat US de l’époque, Madeleine Albright, avait dit à CBS que « des dizaines de personnes avaient été égorgées à Racak » et que la seule solution était « des frappes aériennes humanitaires sur la Yougoslavie ».

Dossier préparé par Louis MAGNIN.
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2009...
B. I. n° 138, décembre 2008.
www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=12232

Correspondance Polémia
12/02/09

Notes de la rédaction

(1) L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) est un organisme paneuropéen de sécurité dont les 56 Etats participants couvrent une région géographique qui s’étend de Vancouver à Vladivostok.

Reconnue en tant qu’accord régional au sens du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, l’OSCE est un instrument de premier recours pour l’alerte précoce, la prévention des conflits, la gestion des crises et le relèvement post-conflit dans son espace. Son approche unique en matière de sécurité est à la fois globale et coopérative. Elle est globale dans le sens où elle traite des trois dimensions de la sécurité: politico-militaire, économico-environnementale et humaine. (NDLR)

(2) Armée de libération du Kosovo,

(3) Echapper aux emballements médiatiques
http://www.polemia.com/article.php?id=1766

(4) http://infobalkans.blogspot.com/2009/01/les-10-ans-de-laf...

Louis MAGNIN

Source : Polémia

 


 

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mercredi, 11 février 2009

Entretien avec Dragos Kalajic (1997)

 

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

 

Entretien avec Dragos Kalajic

 

Tandis que l'on vote en Serbie, le vent de la guerre souffle à nouveau sur les Balkans et les accords de Dayton risquent d'être balayés par les tensions provoquées par l'intransigence des Etats-Unis qui viennent de se ranger du côté de la “Dame de fer” de la République Serbe, la Présidente Plavsic.


Les principaux observateurs internationaux sont d'accord pour dire qu'une simple étincelle suffirait à embraser une situation déjà bien critique. Ils nous rappellent également que l'avenir de l'aire balkanique préoccupe non seulement les Serbes, les Bosniaques et les Croates mais aussi les Européens, les Russes et les Américains. C'est dans ce contexte que le nouveau quotidien milanais La Padania a recueilli les propos du Sénateur serbe Dragos Kalajic, co-directeur de l'Institut des Etudes géopolitiques de Belgrade. Kalajic nous a expliqué l'actuelle crise balkanique avec le regard d'un (géo)politologue serbe qui connaît bien la situation italienne.

 

DK: Les sanctions et l'embargo subis par la Serbie depuis plusieurs années ont appauvri l'économie du pays et provoqué un fort taux de chômage. Aujourd'hui encore la Serbie est isolée de la communauté internationale et le FMI déconseille d'investir chez nous, tandis qu'une caste de nouveaux riches, authentiques requins de la finance, spécule sur cette situation tragique. Ceux qui hier faisaient chez nous l'apologie du communisme se sont transformés aujourd'hui en thuriféraires de la “démocratie” capitaliste libérale. C'est un peu ce qui s'est passé en Italie après la chute du fascisme, le 25 juillet 1943...


GS: Monsieur le Sénateur, regrettez-vous le régime communiste?


DK: Absolument pas! Il me déplait que l'Europe ait utilisé deux poids deux mesures, en reconnaissant arbitrairement le droit à la sécession de la Croatie et de la Slovénie, et, en même temps, ait avalisé les frontières entre les diverses républiques yougoslaves que le régime communiste avait tracées.


GS: Mais le référendum sur la sécession en Yougoslavie a été proposé démocratiquement par Zagreb, tandis que la Serbie ne l'a pas acceptée et a envoyé des troupes...


DK: Ce référendum a été imposé par la coalition croato-musulmane à la suite d'une suggestion américaine; les Serbes, eux, voulaient suivre à la lettre la Constitution de la République de Yougoslavie. C'est la raison pour laquelle ils n'ont pas accepté la sécession: elle était contre la loi constitutionnelle. Mais parlons d'autre chose que de la guerre entre Serbes et Croates, évoquons plutôt du gros problème que pose l'émergence d'un Etat musulman en plein cœur de l'Europe.


GS: Vous voulez que nous parlions de la Bosnie?


DK: Exactement. Durant la guerre entre nous, les Serbes, et les Croates, j'ai rencontré un soldat ennemi que nous avions fait prisonnier et qui m'a dit: “Dans le futur, la Croix ne combattra plus, parce que le danger, c'est le Croissant”. L'Europe de Bruxelles et les Américains font semblant de ne pas comprendre que l'Islam vise l'“arabisation” du monde. Nous nous trouvons en tant qu'Européens en face d'une religion qui propage un totalitarisme implaccable, mais, à cause de sordides intérêts d'argent, personne n'ose le dire. Je voudrais vous rappeler qu'en mars 1992, un projet intéressant a été proposé aux parties belligérantes: la création d'une fédération de cantons ethniques en Bosnie-Herzégovine. Si ce projet avait été accepté, des flots de sang auraient été épargnés au pays. Mais c'est le leader bosniaque Izetbegovic qui a fait pression sur l'ambassadeur américain Zimmermann pour que celui-ci fasse marche arrière et retire sa signature. Ce petit jeu cynique de la superpuissance américaine, en paroles adversaire tenace de l'Islam, mais en fait grande financière et protectrice des Musulmans quand ceux-ci représentent un danger pour l'Europe.


GS: N'êtes-vous pas en train d'exagérer?


DK: En disant cela, je me base sur des données et des rapports internationaux qui n'ont jamais été démentis. Saviez-vous que les politologues turcs les plus influents annoncent l'islamisation de l'Europe dans les prochaines décennies? En 1991, la revue de géopolitique des musulmans bosniaques, Preporod (Sarajevo), donnait la parole au professeur turc Nazmi Arifi qui y préconisait l'islamisation de l'Europe par l'explosion démographique des résidents musulmans dans notre continent.


GS: En Italie, le gouvernement de l'Olivier (gauche) veut donner le droit de vote à tous les “extra-communautaires”, alors que l'immigration clandestine demeure un problème irrésolu. Que pourrait-on bien faire, selon vous, pour éviter toutes tensions futures?


DK: C'est Umberto Bossi qui a raison quand il prévoit une véritable invasion d'immigrants dans les prochaines décennies. Or vos jeunes, en Italie, ne bénéficient plus d'aucune protection sociale. Pire, les groupes de la criminalité organisée pourront recruter partout, chez vos jeunes comme chez les immigrants, des hommes désespérés et déracinés prêts à tout. Ce problème de l'exclusion et de l'immigration n'est pas l'affaire de chaque Etat en particulier, c'est un problème qui est désormais international. Hélas, les déséquilibres géopolitiques d'aujourd'hui ne laissent rien présager de bon, vu la prépondérance de l'idéologie mondialiste dans tous les gouvernements d'Europe.


GS: Depuis longtemps, vous suivez les événements d'Italie. Que pensez-vous de l'émergence d'une Padanie indépendante?


DK: Ce phénomène interpelle, à mon avis, deux dimensions politiques différentes: premièrement, la volonté réelle du peuple de se débarrasser de la fiscalité étouffante imposée par Rome et, deuxièmement, les retombées possibles de cet état d'esprit révolutionnaire. L'histoire nous enseigne que la route de l'enfer est pavée de bonnes intentions. En tant qu'observateur étranger, je ne peux qu'enregistrer les énormes différences qui existent en tous domaines entre Lombards et Siciliens, entre Vénétiens et Campagnols, etc. Ensuite, force est de constater que la carte de l'Europe se modifie sur base des ethnies et se recompose de façon telle que nous retrouverons bientôt une situation comme avant la révolution française, c'est-à-dire, pour l'Italie, à une situation d'avant le Risorgimento. A mon avis, c'est une évolution positive, qui démontrer que l'unité politique de votre péninsule est artificielle, qu'elle a été voulue par les intérêts idéologiques de la franc-maçonnerie et les intérêts matériels de la finance, mais qu'elle n'a jamais reflété la volonté populaire. Mais cette évolution, bien que positive dans bon nombre de ses aspects, recèle également un grave danger: la désagrégation des Etats nationaux pourrait aussi apporter de l'eau au moulin du mondialisme des financiers et de leurs hommes de main dans la sphère politique. Il faut donc que les peuples qui sont réellement animés du désir de liberté et de paix trouvent une voie conjugant le réveil des nations authentiques et l'émergence d'une Europe forte, non seulement sur le plan économique, mais aussi sur les plans militaire et politique. Mais si vous voulez entendre l'avis d'un homme qui vient de faire la guerre, je vous dirai que je ne crois pas que la sécession éventuelle de la Padanie provoquera un affrontement armé. En Yougoslavie, la situation était beaucoup plus compliquée, mais, vous Italiens, possédez une conscience historique qui s'étend sur trois millénaires.


(propos recueillis par Gianluca Savoini lors de l'Université d'été de “Synergies Européennes” et parus dans le quotidien La Padania, édition du 21/22 septembre 1997).

 

lundi, 12 janvier 2009

12 janvier 1909: l'Empire ottoman renonce à la Bosnie-Herzégovine

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Il y a cent ans…

 

L’Empire ottoman renonce à la Bosnie-Herzégovine

 

12 janvier 1909 : L’Empire ottoman accepte les propositions que lui avait fait l’Autriche le 9, c’est-à-dire renoncer à tous ses droits sur la Bosnie-Herzégovine, que Vienne avait annexée en octobre 1908, avec, rappelons-le, l’aval de la Russie, donné en septembre 1908. La défaite de la Russie face au Japon, qui avait reçu l’appui des puissances navales anglo-saxonnes, impliquait l’obligation pour Saint-Pétersbourg de renoncer à toute ouverture sur les mers chaudes dans le Pacifique. Il faut donc qu’elle cherche ailleurs un débouché vers les mers chaudes, notamment en Egée et en Méditerranée orientale. La défaite face au Japon oblige donc la Russie à revenir dans les Balkans, espace qu’elle avait négligé dans les décennies précédentes au profit de l’Asie centrale et de l’Extrême-Orient. Elle se heurte aux aspirations autrichiennes de porter vers l’Egée l’impérialité romaine-germanique, dont elle était encore la titulaire officieuse, en dépit de la dissolution officielle du Saint Empire sous la pression de Bonaparte en 1806. La Turquie accepte, résignée, de laisser les Balkans à l’empire danubien austro-hongrois, moyennant des compensations financières et une aide au développement, qui viendra plutôt du Reich allemand. Sous l’impulsion du programme « panserbe » du premier ministre serbe Stojan Novakovic, les populations slaves et orthodoxes des Balkans, à l’exception des Bulgares, se hérissent face à la perspective de tomber sous la coupe d’un empire catholique et cherchent l’appui d’une Russie qui ne peut plus le leur donner avec toute l’efficacité voulue, sauf si elle emprunte à la France, qui, elle, a toujours cherché à déstabiliser le cœur du continent, à le balkaniser et le rendre ingouvernable. La nouvelle donne crée les conditions des prochaines guerres balkaniques, de la guerre italo-turque et, à terme, de la première guerre mondiale (Robert Steuckers).

 

 

lundi, 19 mai 2008

Djihad contre la Serbie

Au Pakistan en 1998, on a déclaré la Djihad à la Serbie

Avertissement de 2008: Cet article de "La Padania", organe de la "Lega Nord" révèle l'alliance islamo-américaine contre la Serbie et prouve que parier sur les Etats-Unis contre une "invasion islamique" est une sottise, même et surtout chez ceux qui prétendent être alliés à la "Lega Nord", aujourd'hui au pouvoir en Italie.

Lors d'une convention de l'«Islamic Group», à laquelle trente délégations ont participé venues de nombreux pays et représentant divers mouvements d'inspiration islamiste radicale, le délégué kosovar a expliqué, devant son auditoire, l'importance géopolitique cardinale d'une "reconquête" musulmane du Kosovo.

Chaque fois que la question du Kosovo réapparaît sur la scène internationale, la Lega Nord d'Umberto Bossi se retrouve dans le collimateur de la gauche bien-pensante et des centristes sans idées, qui s'empressent de rappeler qu'elle est animée par des “amis de Milosevic”. La Lega n'a jamais été a priori “amie” de Milosevic, ni de personne d'autre, mais elle a toujours voulu militer pour la paix en Europe, assurer la défense d'un peuple assailli par les bonnes conscientes de la planète et défendre un principe de droit international, celui de la non ingérence; ces positions n'impliquent nullement d'être “ami” de la puissance dont il est question. On nous reproche surtout d'avoir été très tôt sur la brèche pour défendre un peuple européen en lutte contre le terrorisme islamique, que les bonnes consciences trouvaient parfaitement fréquentable avant le 11 septembre 2001.

Or, on vient d'apprendre, via le net, que dès 1998, donc une année avant que ne se déclenche la crise serbe, les principales organisations fondamentalistes islamistes du monde avaient haut et fort déclaré la djihad (la guerre sainte) à la Serbie, tout en définissant le Kosovo comme “le centre de la péninsule balkanique islamique”. Hier comme aujourd'hui, les prophètes de la pensée unique resteront incrédules, pourtant les faits sont patents: le monde musulman radical a formellement et publiquement juré de mener une lutte éternelle contre un pays européen, situé en une zone stratégique clef, la Serbie, bien avant le 11 septembre 2001, sans que les bonnes consciences, qui condamnent aujourd'hui le radicalisme musulman, ne s'en soient émues. De même, alors que cette circonstance était forcément connue des services secrets, cette déclaration de guerre ouverte n'a pas empêché la CIA et les autres services secrets occidentaux (y compris les services secrets suisses) d'armer et d'entraîner les guerilleros de l'UCK.

La preuve de cette déclaration de guerre se lit noir sur blanc sur un site internet; récemment encore, on pouvait le consulter en suivant les indications données par une publication éditée par le groupe intégriste palestinien Hamas, le "Filastin al-Muslimah" (décembre 1998). Peut-on vraiment lancer l'hypothèse qu'aucun service occidental n'a lu ce texte? Nous en doutons fortement. Penchons-nous sur le contenu de ce texte et sur les faits qu'il évoque. Du 23 au 25 octobre 1998, s'est tenue la 18ième convention de l'«Islamic Group» du Pakistan (Al-Jamayah al-Islamiyyah) à Islamabad, comme par hasard dans le Pakistan du putschiste Musharraf, devenu en un tournemain l'allié des Etats-Unis. Plus de trente délégations ont participé à cette réunion, issues de pays et de mouvements islamistes radicaux du monde entier. Ibrahim Ghoshes y représentait le Hamas; cet homme entretient depuis des années des rapports étroits avec le Groupe Islamique pakistanais et avec son leader, Qadi Hussein. Qui plus est, tous deux furent membres de la délégation islamique qui a servi de médiatrice entre l'Irak et le Koweit en septembre 1990. Au cours de ces trois journées de discussions, chaque délégué a attiré l'attention de l'assemblée sur les priorités à mettre sur le tapis pour défendre et diffuser l'Islam dans le monde. Ils ont consacré une attention particulière au problème de la djihad islamiste au Cachemire, une région que l'Inde et le Pakistan se disputent depuis longtemps. Les délégués ont pu voir des films vidéo sur les actions kamikazes, qui ont suscité des tonnerres d'applaudissements de la part du public.

Les travaux se sont ensuite penchés sur les cas de la Palestine, de la Turquie (le pays que d'aucuns veulent faire entrer dans l'UE), de l'Egypte, de la Jordanie, de la Syrie, de la Tchétchénie et du Yémen. L'avant-dernière intervention fut prononcée par le délégué du FIS algérien qui, après avoir décrit la situation qui régnait dans son pays, s'est lancé dans un interminable sermon accusant les “opérations terroristes” mises en œuvre par les forces de police, soi-disant sponsorisées par la France.

Mais ce délégué n'a pas eu un seul mot de pitié pour les centaines de femmes et d'enfants égorgés au nom d'Allah en Algérie. Enfin, dernier orateur, accueilli par tous les participants debout, applaudissant à tout casser: le délégué de l'UCK, l'armée de "libération" du Kosovo, qui venait de commencer sa propre campagne de terreur contre la population serbe orthodoxe et contre les forces de police, envoyées par Belgrade.

Le délégué kosovar a expliqué à l'assemblée quelle était l'importance géopolitique d'une conquête musulmane du Kosovo, surtout à la suite de la création d'un Etat islamiste en Bosnie et dans le contexte des liens entre l'UCK et les mouvements intégristes présents en Macédoine et en Albanie. Les motions ont ensuite été soumises au vote. Le document programmatique, accepté à l'unanimité, qui en a résulté, a retenu trois axes principaux d'action :

1.       La libération de la Palestine est un devoir pour tous les musulmans du monde et la guerre, pour en arriver à cet objectif, devra durer le temps qu'il faudra.

2.       L'autodétermination des Musulmans au Cachemire, via un mouvement de résistance armé, constitue également un objectif prioritaire.

3.       Obtenir la liberté pour les Musulmans du Kosovo.

Trente délégations étaient donc présentes, mais seulement trois peuples ont reçu la priorité dans l'agenda de l'«Islamic Group». Et l'un de ces peuples vit en marge de la masse démographique et territoriale musulmane : les Kosovars. Après l'allocution du dernier délégué, celui du Kosovo, la déclaration concluant les travaux a été prononcée; en voici le texte : «La convention a décidé de faire la guerre contre l'Inde, contre Israël, contre la Serbie, contre la Russie et contre l'Erythrée; ces guerres doivent être considérées dans leur ensemble comme relevant de la djihad».

Par conséquent, nous avons affaire à une guerre déclarée expressis verbis, qui doit être menée de concert par tous les Musulmans par obligation religieuse; c'est seulement en tenant compte de cette déclaration de guerre que l'on peut comprendre pourquoi il y avait tant de mercenaires islamistes dans les rangs de l'UCK au Kosovo, y compris certains hommes de Ben Laden). Telle est la vérité, accessible à tous, lisible en clair sur la grande toile, mais vérité occultée par les médias, qui ne font aucun commentaire. Bien avant que ne commencent les opérations militaires et paramilitaires serbes visant à nettoyer le Kosovo, bien avant la crise et la mission de l'OSCE, Belgrade avait essuyé officiellement une déclaration de guerre sainte de la part de trente nations musulmanes présentes à la réunion d'Islamabad.

Notre tâche n'est pas de réécrire ni même de juger l'histoire, mais, si l'on tient compte de la doctrine américaine de la guerre infinie contre le terrorisme (permettant désormais à Washington de faire la guerre préventivement), on peut dire, sans se tromper, que le droit international classique est bel et bien mort, assassiné par les islamistes et les Etats-Unis, dès que l'on a avalisé le concept d'«ingérence humanitaire». Mais cette involution calamiteuse n'est pas explicitée comme telle au public de nos démocraties: on préfère l'oublier et présenter sur les ondes et le petit écran une histoire qui a déjà été écrite.

Mauro BOTTARELLI.

(article paru dans "La Padania", Milan, 11 octobre 2002 - http://www.lapadania.com ).