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vendredi, 24 mars 2023

Alexandre Douguine - Hégémonie: saisir le code culturel

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Hégémonie: saisir le code culturel

Alexander Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/article/gegemoniya-zahvat-kulturnogo-koda

Un réseau profondément enraciné d'hégémonie et de ses opérateurs opère ouvertement dans notre société.

Les dirigeants de la Russie et de la Chine critiquent explicitement l'hégémonie occidentale. Il convient de rappeler qu'Antonio Gramsci, qui a élaboré la théorie moderne de l'hégémonie, entendait par "hégémonie" non pas tant la dictature politique directe de certains pays sur d'autres que la création d'un réseau contrôlé depuis le centre de l'hégémonie et imprégnant toutes les sociétés, en contournant facilement les frontières et les restrictions. Ce réseau est créé principalement dans le domaine de la culture, de la science, de l'éducation et de l'information, c'est-à-dire que la société civile est prise en charge en premier lieu. L'introduction d'un modèle économique unique (le capitalisme) dans les sociétés contrôlées par les hégémoniques est également un élément essentiel de l'hégémonie, mais l'essentiel est la capture du code culturel et de l'éducation.

Au cours des 30 dernières années, l'hégémonie en ce sens n'a fait que croître en Russie. Et il ne s'agit pas seulement d'une dépendance à l'égard des importations. Le libéralisme a réussi à établir un contrôle presque total sur la mentalité des Russes - par le biais de l'éducation, de la culture, de la science, des réseaux sociaux. Il est révélateur que cette hégémonie se soit renforcée alors même que les politiques de Poutine devenaient de plus en plus souveraines. La domination des libéraux dans la culture a contrebalancé la croissance de la souveraineté dans la politique. Les autorités, pour l'instant, ne s'en sont pas aperçues. Ainsi, toutes les conditions ont été créées pour la propagation et l'enracinement de l'hégémonie.

Un exemple frappant. Depuis 23 ans, le pays est dirigé par un leader ouvertement et constamment réaliste en matière de relations internationales (RI). Cela ne se reflète dans aucun manuel du MGIMO, qui continue d'être dominé par le paradigme libéral du ministère de la Défense. Les tentatives - même les plus prudentes - visant à modifier cet état de fait sont immédiatement réprimées de la manière la plus sévère qui soit.

Un réseau profondément enraciné d'hégémonie et ses opérateurs opèrent ouvertement dans notre société. Ils jouent le long terme, comptant sur la possibilité qu'un jour il y ait un changement de cap politique, et qu'alors une société civile formée par eux, orientée vers les codes et les principes occidentaux, se manifeste également dans la politique.

La Chine est également confrontée à un danger similaire, mais un groupe dévoué (numériquement énorme) de référents du Comité central du PCC travaille sans relâche pour le neutraliser. Dans notre pays, pratiquement personne n'y prête attention. Et c'est une question qui concerne le Conseil de sécurité et les dirigeants politiques en général.

L'hégémonie n'est pas seulement un concept externe, mais aussi un concept interne. Selon Gramsci, c'est ce qui fait sa force. Et la souveraineté politique ne suffit pas à s'y opposer. Ce qu'il faut, c'est un modèle idéologique alternatif clair, c'est-à-dire une contre-hégémonie.

dimanche, 22 janvier 2023

Présentation de Multipolarité au XXIème siècle et de L'Europe, la multipolarité et le système international

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Présentation de Multipolarité au XXIème siècle et de L'Europe, la multipolarité et le système international

Age planétaire et nouvel ordre mondial

par Irnerio Seminatore

INSTITUT ROYAL D'ETUDES STRATEGIQUES de RABAT

8 Décembre 2022

TABLE DES MATIERES

Une vue d'ensemble

Alliance Anti-Hegemonique et nouveau Rimland

Crise de l'atlantisme et transition du système

Les issues du conflit ukrainien

L'hégémonie et le remodelage du système

Stabilité et sécurité. Alternance Hégémonique ou alternative systémique ?

Le conflits USA-Russie et la rupture de la continuité géopolitique Europe-Asie

Encerclement, politique des alliances et leçons de la crise

***

Une vue d'ensemble

L'ambition de ces deux publications sur la multipolarité, le tome 1 au titre La Multipolarité au XXIème siècle et le tome 2: L'Europe, la Multipolarité et le Système international. Age planétaire et nouvel ordre mondial, a été d'avoir essayé de dresser une vue d'ensemble sur la politique mondiale à l'époque où nous vivons.

Et cela, sous l'angle d'une pluralité de structures de souverainetés et donc d'équilibre des forces, mais également et surtout de l'antagonisme historique entre puissances hégémoniques et puissances montantes et donc d'un certain ordre politique et moral. On y repère ainsi les deux aspects principaux de tout narratif historique, l'acteur et le système, qui se projettent sur la toile de fond de l'action historique.

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L'acteur, ou la figure de l'Hégémon, y apparaît comme le signifiant universel d'une époque et le système, comme englobant général de tous les antagonismes et de toutes les rivalités, en est le décor.

Ces deux ouvrages couvrent la transition qui va de la fin du système bipolaire à l'unipolarisme américain qui lui a succédé, puis au multipolarisme actuel, en voie de reconfiguration.

Parmi les changements des structures de pouvoir et des ordres internationaux, trois thèmes constituent le fil conducteur de l'antagonisme qui secoue le système, des débats qui animent ses rivalités et ses conflits et, comme tels, l'axe directeur de mes deux ouvrages

- la triade des puissances établies, qui se disputent l'hégémonie de la scène planétaire (Etats-Unis, Russie et Chine), scène devenue durablement instable;

- l'environnement stratégique mondial, comme cadre historique, cumulant les trois dimensions de l’action, d’influence, de subversion ou de contrainte;

- l'Europe, comme acteur géopolitique inachevé et à autonomie incomplète.

Dans ce contexte, l’interprétation des stratégies de politique étrangère prises en considération, obéit aux critères, jadis dominants de la Realpolitik, remis à l’ordre du jour par le World Politics anglo-saxon.

L'option réaliste en politique internationale est adoptée non pas pour garantir l'idéal de la puissance ou de l'Etat-puissance, comme au XIXème siècle, ou encore pour justifier la matrice classique de la discipline, l'anarchie internationale, à la manière de R. Niebuhr, mais pour comprendre les mutations des idées et des rapports de forces, intervenues dans la politique mondiale depuis 1945.

C'est uniquement par l'approche systémique et par conséquent par une vue générale et exhaustive, que l'on peut saisir les conditions idéologiques et structurelles de la remise en cause de la souveraineté des Etats et des Nations et l'apparition d'un univers d'unités politiques interdépendantes et toutefois subalternes à une hégémonie impériale dominante.

Ainsi l'ensemble des essais ici réunis, prétend conférer à ces deux tomes un statut d'éclairage conceptuel pour la compréhension de l'évolution globale de notre conjoncture et pour l'analyse du "Grand Jeu" entre pôles de puissances établies, défiant la stabilité antérieure.

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Alliance Anti-Hégémonique et nouveau Rimland

Sont mises en exergue, dès lors :

l'alliance anti-hégémonique du pivot géographique de l'histoire, le Heartland, par la Russie, l'Iran et la Chine et, en position d'arbitrage la Turquie,

- la chaîne politico-diplomatique du  "containement" de la masse eurasienne, par la ceinture péninsulaire extérieure du "Rimland"mondial, constituée par la Grande Ile de l'Amérique, le Japon, l'Australie, l'Inde, les pays du Golfe et l'Europe, ou, pour simplifier, l'alliance nouvelle des puissances de la terre contre les puissances de la mer.

Dans cet antagonisme entre acteurs étatiques, l'enjeu est historique, le pari existentiel et l'affrontement est planétaire.

En soulignant le déplacement de l'axe de gravité du monde vers
l'Asie-Pacifique, provoqué par l'émergence surprenante de l'Empire du Milieu, ce livre s'interroge sur le rôle de l'Amérique et de la Russie, ennemies ou partenaires stratégiques de l'Europe de l'Ouest, justifiant par là le deuil définitif de "l'ère atlantiste" qui s'était imposée depuis 1945.

Crise de l'atlantisme et transition du système

La crise de l'atlantisme, ou du principe de vassalité est aujourd'hui aggravée par deux phénomènes:

- la démission stratégique du continent européen, en voie de régression vers un sous-système dépendant;

- les tentatives de resserrement des alliances militaires permanentes en Europe et en Asie-Pacifique (Otan, Aukus) prélude d'un conflit de grandes dimensions.

Ouvrages  didactiques, ces deux tomes prétendent  se situer dans la postérité des auteurs classiques du système international, R. Aron, Kaplan, Rosenau, H. Kissinger, K. Waltz, Allison, Brzezinski, Strausz-Hupé, et plus loin, Machiavel et Hobbes, tout aussi bien dans la lecture des changements des équilibres globaux et dans la transition d'un système international à l'autre, que dans la lecture philosophique sur la nature de l'homme, la morphologie du pouvoir  et  les caractéristiques intellectuelles de la période post-moderne. Ce qui est en cause dans toute transition est le concept de hiérarchie.

Sous ce regard de changement et de mouvement, le retour de la guerre en Europe représente le premier moment d'un remodelage géopolitique de l'ensemble planétaire et une rupture des relations globales entre deux sous-systèmes, euro-atlantique et euro-asiatique.

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Au sein de ce retournement, l'Europe y perd son rôle d'équilibre entre l'Amérique et la Russie et le grand vide de puissance, qui s'instaure dans la partie occidentale du continent, est aggravé par l'absence de perspective stratégique, par le particularisme des options diplomatiques des Etats-Membres de l'Union Européenne, par le flottement des relations franco-allemandes jadis structurantes et, in fine, par la difficile recherche d'un Leadership commun.

Les issues du conflit ukrainien

L'issue du conflit ukrainien, comme guerre par procuration mené par l'Amérique contre la Russie, a été présenté au Forum sur la sécurité internationale de Halifax, au Canada, par Lloyd Austin, Secrétaire américain à la défense, comme déterminant de la sécurité et de l'ordre mondial du XXIème siècle fondé, sur des règles. Ce conflit prouve la difficulté de l'Union européenne à assurer une architecture européenne de sécurité "égale et indivisible" car il intervient comme modèle de rupture dans les relations de coopération internationales et préfigure en Asie-Pacifique une relation d'interdépendance stratégique et d'alliances militaires opposées, entre puissances du "Rimland" et puissances du "Heartland", face à l'ouverture prévisible, d'une crise, concernant le "statut" de Taiwan.

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Dans la perspective d'une invasion de celle-ci par la Chine s'ouvriraient les portes de la géopolitique planétaire vers le Pacifique et l'Australie et changerait immédiatement le sens du conflit entre Moscou et l'Occident. Seraient particulièrement brouillés les calculs de Washington sur le rôle de la Russie en Europe, en Asie-centrale et en Asie-Pacifique, d'où le jeu ambigu de la Turquie et la recherche d'une profondeur stratégique pour l'emporter, qui demeure sans précédent.

Aujourd'hui, l'affrontement Orient et Occident est tout autant géopolitique et stratégique, qu'idéologique et systémique et concerne tous les domaines, bien qu'il soit interprété, dans la plupart des cas, sous le profil de la relation entre économie et politique.

Sous cet angle, en particulier, l'unipolarisme de l'Occident fait jouer à la finance, disjointe de l'économie, un rôle autonome pour contrôler, à travers les institutions multilatérales, le FMI et la Banque Mondiale, l'industrie, la production d'énergie, l'alimentation, les ressources minières et les infrastructures vitales de plusieurs pays.

Dans ce cadre les Etats qui soutiennent la multipolarité sont aussi des Etats à gouvernement autocratique, qui résistent au modèle culturel de l'Occident et affirment le respect de vies autonomes de développement, une opposition visant la financiarisation et la privatisation des économies , subordonnant la finance à la production de biens publics.

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L'hégémonie et le remodelage du système

Or le remodelage du système international pose le problème de l'hégémonie comme nœud capital de notre époque et inscrit ce problème comme la principale question du pouvoir dans le monde. En effet nous allons vers une extension sans limites des conflits régionaux, une politique de resserrement des alliances militaires, occidentales, euro-asiatiques et orientales, qui donnent plausibilité à l'hypothèse d'une réorganisation planétaire de l'ordre global, par le biais d'un conflit mondial de haute intensité.

La plausibilité d'un conflit majeur entre pôles insulaires et pôles continentaux crée une incertitude complémentaire sur les scénarios de belligérance multipolaire dans un contexte de bipolarisme sous-jacent (Chine-Etats-Unis)

C'est l'une des préoccupations, d'ordre historique, évoquées dans ces deux tomes sur la multipolarité.

A ce propos, le théâtre européen élargi (en y incluant les crises en chaîne qui vont des zones contestées des pays baltes au Bélarus et à l'Ukraine, jusqu'au Golfe et à l'Iran, en passant par la Syrie et le conflit israélo-palestinien), peut devenir soudainement l'activateur d'un conflit général, à l'épicentre initial dans l'Est du continent.

Ce scénario, qui apparaît comme une crise du politique dans la dimension de l'ordre inter-étatique, peut être appelé transition hégémonique dans l'ordre de l'histoire en devenir.

Bon nombre d'analystes expriment la conviction que le système international actuel vit une alternance et peut être même une alternative hégémonique et ils identifient les facteurs de ce changement, porteurs de guerres, dans une série de besoins insatisfaits , principalement dans l'exigence de sécurité et dans la transgression déclamatoire du tabou nucléaire, sur le terrain tactique et dans les zones d'influence disputées (en Ukraine, dans les pays baltes, en Biélorussie, ainsi que dans d'autres points de crises parsemées).

L'énumération de ces besoins va de l'instabilité politique interne, sujette à l'intervention de puissances extérieures, à l'usure des systèmes démocratiques, gangrenés en Eurasie par l'inefficacité et par la corruption et en Afrique, par le sous-développement, l'absence d'infrastructures modernes, la santé publique et une démographie sans contrôle.

En effet, sans la capacité d'imposer la stabilité ou la défendre, Hégémon ne peut exercer la suprématie du pouvoir international par la seule diplomatie, l'économie, le multilatéralisme, ou l'appel aux valeurs.

Il lui faut préserver un aspect essentiel du pouvoir international (supériorité militaire, organisation efficace, avancées technologiques, innovation permanente, etc).

Hégémon doit tenir compte de l'échiquier mondial, de la Balance of Power, de la cohésion et homogénéité des alliances, mais aussi de l'intensité et de la durée de l'effort de guerre. C'est pourquoi les guerres majeures relèvent essentiellement de décisions systémiques (R. Gilpin).

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Stabilité et sécurité. Alternance Hégémonique ou alternative systémique ?

La question qui émerge du débat actuel sur le rôle des Etats-Unis dans la conjoncture actuelle est de savoir si la "Stabilité stratégique" assurée pendant 60 par l'Amérique (R. Gilpin) est en train de disparaître, entrainant le déclin d'Hégémon et de la civilisation occidentale, ou bien, si nous sommes confrontés à une alternative hégémonique et à un monde post-impérial.

L'interrogation qui s'accompagne au déclin supposé des Etats-Unis et à la transition vers un monde multipolaire articulée, est également centrale et peut être formulée ainsi; "quelle forme prendra cette transition ?".

La forme déjà connue, d'une série de conflits en chaîne, selon le modèle de R. Aron, calqué sur le XXème siècle, ou la forme plus profonde d'un changement de la civilisation, de l'idée de société et de la figure de l'homme selon le modèle des "révolutions systémiques" de Strausz-Hupé, couvrant l'univers des relations socio-politiques du monde occidental et les grandes aires de civilisations connues?

Du point de vue des interrogations connexes, les tensions entretenues entre les Occidentaux et la Russie en Ukraine, sont susceptibles de provoquer une escalade aux incertitudes multiples, y compris nucléaires et des clivages d'instabilités, de crises ouvertes et de conflits gelés, allant des Pays baltes à la mer Noire et du Caucase à la Turquie. Ces tensions remettent à l'ordre du jour l'hypothèse d'un affrontement général, comme issue difficilement évitable de formes permanentes d'instabilité régionales, aux foyers multiples, internes et internationaux.

Cette hypothèse alimente une culture de défense hégémonique des Etats-Unis, dont la projection de puissance manifeste sa dangerosité et sa provocation en Europe, au Moyen Orient et en Asie.

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Le conflits USA-Russie et la rupture de la continuité géopolitique Europe-Asie

En ce sens le conflit avec la Russie, par Ukraine interposée, peut être interprété comme une tentative de désarticulation de la continuité géopolitique de l'Europe vers l'Asie (Brzezinski) et de la Chine vers la région de l'Indopacifique. C'est sous l'angle de fracturation et de la vassalité, que s'aggravent les facteurs d'incertitudes et les motifs de préoccupation sur les tendances stratégiques des Etats-Unis.

En effet la différenciation vis à vis du Leader de bloc distingue en Europe les pays d'obédience et d'influence atlantique stricte (GB, pays nordiques, Hollande, Belgique, Pays baltes et Pologne) des pays du doute et de la résistance (France, Italie et Allemagne).

Au niveau planétaire font partie des zones à hégémonie disputée et demeurent sujettes à l'influence grandissante de la Realpolitik chinoise la région des Balkans, de la mer Noire, de la Caspienne, du plateau turc, du Golfe, de l'Inde, d'Indonésie, du Japon et d'Australie.

Pariant, sans vraiment y croire sur la "victoire" de Kiev", face à Moscou, l'Amérique entend clairement faire saigner la Russie, en éloignant le plus possible la perspective d'un compromis et d'une sortie de crise.

Par ailleurs la vassalité de l'Europe centrale vis à vis de l'Amérique deviendra une nécessité politique et militaire, afin de décourager l'Allemagne, réarmée, de vouloir réunifier demain le continent. Une vassalité semblable pourrait opposer les pays asiatiques à la Chine dans la volonté de restituer de manière unilatérale, l'Asie aux Asiatiques.

Encerclement, politique des alliances et leçons de la crise

Du point de vue des leçons à tirer et de ses répercussions, la crise ukrainienne a mis à l'ordre du jour la réflexion sur la morphologie des systèmes internationaux, stables, instables ou révolutionnaires, et, en particulier la politique des alliances, qui ont fait grands les empires et inéluctables les guerres.

Comme l'Empire allemand avant 1914, la Fédération de Russie a pu se sentir encerclée par l'Otan et a choisi, en pleine conscience du danger, de passer d'un mode défensif à un mode préventif et offensif, au nom de ses intérêts de sécurité et de la conception commune et incontestable de la "sécurité égale et indivisible" pour tous les membres de la communauté internationale. Une sécurité égale qui était justifiée, avant la première guerre mondiale, par une équivalence morale entre les ennemis, comme l'a bien montré Carl Schmitt, contre la diabolisation de l'Allemagne.

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Telle est, à mes yeux, la vue d'ensemble de la conjoncture que nous vivons, si profonde et si grave, que j'ai essayé d'en décrire les formes et les enjeux et de la soumettre au jugement de nos contemporains, pour qu'en témoigne l'Histoire et pour qu'en tire profit la décision politique.  Et cela dans le but de décrypter les dilemmes de la paix et de la guerre et de percevoir dans la détérioration des systèmes internationaux, un espoir de compatibilité civilisationnelle et stratégique entre acteurs principaux, portant sur la stabilité ou le retour à la stabilité

Pour rendre moins aléatoire cette recherche j'ai adoptée tour à tour cinq niveaux de compréhension :

- théorique (attributs systémiques, système et sous-systèmes, homogénéité- hétérogénéité, stabilité et sécurité);

- historique (la scène planétaire et sa morphologie ,les acteurs et les constellations diplomatiques);

- géopolitique (enjeux globaux, géopolitique continentale et géopolitique mondiale océanique);

- stratégique (la triade, le condominium USA-Chine ou le duel du siècle, hégémonie et compétition hégémonique);

- institutionnel (la crise de l’unipolarisme et de l’atlantisme, l’Europe et la multipolarité);

et j'en ai conclu à et opté pour un indéterminisme probabiliste, qui gouverne le sort de l'homme et des sociétés, dans le sens de la liberté ou de celui de la tyrannie, de la vie ou de la mort.

Ce travail, qui m'a demandé quarante ans, ne m'a consenti aucune certitude et aucune sentence définitive et m'a toujours rappelé que l'histoire reste ouverte au choix du bien ou du mal et à celui de la volonté la plus déterminée, soit-elle terrifiante.

Ce qui se prépare aujourd'hui et qui est conforme à la théorie des grands cycles et à la situation du monde actuel, demeure le duel du siècle entre les Etats-Unis et la Chine. Mais "quid" alors de la Russie et avec autant d'inquiétude de l’Europe ?

Les interrogations proposent à l'action les grandes options de demain, mais ne donnent que l'image approximative du possible et jamais la solution accomplie. Celle-ci appartient à l'imprévu, qui est l'enfant naturel du risque et l'appétit le plus cruel de l'aventure humaine.

 

Bruxelles le 8 Décembre 2022

lundi, 18 avril 2022

La mémoire sélective de Robert Kagan

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La mémoire sélective de Robert Kagan

Andrew Bacevich

Source: https://katehon.com/ru/article/izbiratelnaya-pamyat-roberta-kagana

Selon un journaliste de Foreign Affairs, la Russie est entrée en Ukraine parce que les Etats-Unis ne sont pas suffisamment impliqués dans les conflits mondiaux.

Récemment, dans les pages de Foreign Affairs, l'infatigable Robert Kagan a fait un autre plaidoyer enflammé au nom de l'empire. En véritable Américain, Kagan évite bien sûr d'utiliser le mot "I(mperium)", qui est offensant. Il préfère le terme "hégémonie", qui, explique-t-il, est doux et n'implique ni domination ni exploitation, mais une soumission volontaire - "une condition plutôt qu'un objectif". En grattant la surface, cependant, vous verrez que The Price of Hegemony offre une variation sur le thème standard de Kagan : l'impératif de la domination mondiale militarisée des États-Unis, quel qu'en soit le prix et sans trop se soucier de qui paie.

Peu de gens accuseraient Kagan d'être un penseur profond ou original. En tant qu'écrivain, il est moins un philosophe qu'un pamphlétaire, bien qu'il ait un véritable don pour formuler ses pensées. Considérez, par exemple, sa célèbre déclaration selon laquelle "les Américains viennent de Mars et les Européens de Vénus". Cette phrase "les guerriers contre les faibles", autrefois considérée comme exprimant la vérité du fond de la pensée de Lippmann, a depuis perdu beaucoup de son attrait persuasif, notamment parce que les guerriers, également connus sous le nom de "troupes", ne se sont pas particulièrement bien débrouillés lorsqu'ils ont été envoyés pour libérer, soumettre ou renverser qui que ce soit.

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Ainsi, Kagan est susceptible de partager le sort non seulement de Walter Lippmann, mais aussi de Scotty Reston ou de Joe Olsop, autrefois éminents chroniqueurs de Washington, aujourd'hui complètement oubliés. Bien sûr, le même sort attend toute la foule de commentateurs (y compris l'auteur de ces lignes) qui fulminent sur le rôle de l'Amérique dans le monde, croyant à tort que des responsables de haut rang à la Maison Blanche, à Foggy Bottom ou au Pentagone leur demandent conseil. Ils le font rarement.

Néanmoins, Kagan se distingue des autres sur un point : sa capacité à combiner cohérence et flexibilité est inégalée. Il est lui-même tout à fait agile. Quoi qu'il arrive dans le monde réel, il est prêt à expliquer comment les événements confirment le caractère indispensable d'un leadership américain affirmé. À Washington (et dans les pages de Foreign Affairs), cela est toujours bienvenu.

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Cette dextérité se manifeste de manière éclatante dans son dernier essai, dont le sous-titre pose la question suivante : "L'Amérique peut-elle apprendre à utiliser sa puissance?". Kagan arrive à sa propre réponse - les États-Unis non seulement peuvent apprendre, mais ils doivent le faire - même s'il ignore complètement ce qu'ils ont finalement obtenu avec le vigoureux déploiement de la puissance américaine au cours des deux dernières décennies et à quel prix.

Ainsi, son essai contient diverses références sinistres au mauvais comportement de la Russie, ainsi que des allusions à quelques actions indésirables de la Chine. Peut-être inévitablement, Kagan jette aussi quelques allusions tout aussi sinistres à l'Allemagne et au Japon à l'approche de la Seconde Guerre mondiale, la source d'enseignement historique faisant autorité dans les cercles de Washington. Cependant, il est silencieux sur les guerres américaines en Afghanistan et en Irak après le 11 septembre. Ils n'ont pas reçu la moindre mention - aucune, zéro.

Selon Kagan, la guerre russo-ukrainienne en cours s'est produite au moins en partie à cause de la passivité américaine. Les administrations américaines successives depuis la fin de la guerre froide ont refusé de faire leur travail. En termes simples, ils n'ont fait aucun effort pour garder la Russie sous contrôle. Alors qu'il serait "obscène de blâmer les États-Unis pour l'attaque inhumaine de Poutine contre l'Ukraine", écrit Kagan, "insister sur le fait que l'invasion n'était absolument pas provoquée est trompeur". Les États-Unis "ont mal joué la carte de la puissance". Ce faisant, ils ont donné à Vladimir Poutine une raison de penser qu'il pouvait s'en tirer avec une agression. Ainsi, Washington, comme si elle était restée les bras croisés pendant les deux premières décennies de ce siècle, a provoqué Moscou.

"En gérant l'influence des États-Unis de manière plus cohérente et plus efficace", les présidents, à commencer par Bush père, auraient pu empêcher la dévastation dont ont souffert les Ukrainiens. Du point de vue de Kagan, les États-Unis ont été trop passifs. Aujourd'hui, écrit-il, "la question est de savoir si les États-Unis continueront à commettre leurs propres erreurs" - des erreurs d'omission, selon lui - "ou si les Américains apprendront à nouveau qu'il vaut mieux dissuader les autocraties agressives avant qu'elles ne s'emparent de la puissance".

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La référence précoce à l'endiguement des autocraties agressives doit être déchiffrée. Kagan fait semblant de le faire. Ce qu'il suggère en fait, c'est de poursuivre l'expérimentation de la guerre préventive, qui est devenue un élément central de la politique de sécurité nationale américaine depuis le 11 septembre. Kagan, bien sûr, a soutenu la doctrine Bush de la guerre préventive. Il était pleinement préparé à l'invasion de l'Irak. Mise en œuvre en 2003 sous la forme de l'opération Iraqi Freedom, la doctrine Bush a eu des résultats désastreux.

Aujourd'hui, même deux décennies plus tard, Kagan ne peut se résoudre à reconnaître l'immensité et le grotesque de cette erreur, ni ses effets secondaires, notamment la montée du Trumpisme et tous les maux qui en découlent.

"L'Amérique peut-elle apprendre à utiliser sa puissance ?" - Que cette question soit évaluée comme une question urgente est certainement vrai. Cependant, penser que Robert Kagan est qualifié pour donner une réponse cohérente est trompeur.

vendredi, 15 avril 2022

Le concept d'hégémonie dans le réalisme

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Le concept d'hégémonie dans le réalisme

Aleksandr Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/pl/article/pojecie-hegemonii-w-realizmie

L'aspect le plus important de la théorie du monde multipolaire (TMM) est le concept de contre-hégémonie formulé pour la première fois dans le contexte de la théorie critique des relations internationales (RI). Dans la transition de la Théorie critique à la Théorie du monde multipolaire, ce concept est également soumis à un sens particulier de la transformation qui devrait être examiné plus en détail. Pour qu'une telle analyse soit possible, il est d'abord nécessaire de rappeler les principales positions de la théorie de l'hégémonie au sein de la Théorie critique.

Bien que le concept d'hégémonie dans la Théorie critique soit basé sur la théorie d'Antonio Gramsci, il est nécessaire de distinguer la position de ce concept par rapport au gramscisme et au néo-gramscisme de la façon dont il est compris dans les écoles réalistes et néo-réalistes de RI.

Les réalistes classiques utilisent le terme "hégémonie" dans un sens relatif et le comprennent comme "la supériorité réelle et substantielle de la puissance potentielle d'un État sur celle d'un autre, souvent des États voisins". L'hégémonie peut être comprise comme un phénomène régional, puisque la détermination de l'hégémonie de telle ou telle entité politique dépend de l'échelle. Thucydide lui-même a introduit le terme lorsqu'il a parlé d'Athènes et de Sparte comme des hégémons de la guerre du Péloponnèse, et le réalisme classique a utilisé le terme de la même manière jusqu'à aujourd'hui. Cette conception de l'hégémonie peut être décrite comme "stratégique" ou "relative".

51Xh6qQTpUL._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_.jpgDans le néoréalisme, l'"hégémonie" est comprise dans un contexte global (structurel). La principale différence avec le réalisme classique est que l'"hégémonie" ne peut être considérée comme un phénomène régional. Elle a toujours un caractère global. Par exemple, le néoréalisme de K. Waltz soutient que l'équilibre de deux hégémonies (dans un monde bipolaire) est la structure optimale de l'équilibre des pouvoirs à l'échelle mondiale. R. Gilpin estime que l'hégémonie ne peut être combinée qu'avec l'unipolarité, c'est-à-dire qu'il n'est possible d'avoir qu'un seul hégémon, ce qui est la fonction des États-Unis aujourd'hui.

Dans les deux cas, les réalistes comprennent l'hégémonie comme un moyen de corrélation potentielle entre les potentiels des différents pouvoirs étatiques.

La compréhension de l'hégémonie par Gramsci est tout à fait différente et se situe dans un champ théorique complètement opposé. Afin d'éviter la mauvaise utilisation du terme dans la RI et surtout dans la TMM, il est nécessaire de prêter attention à la théorie politique de Gramsci, dont le contexte est considéré comme une priorité majeure dans la théorie critique et la TMM. En outre, une telle analyse nous permettra de voir plus clairement le fossé conceptuel entre la théorie critique et le TMM.

Hola

vendredi, 21 janvier 2022

Stabilité contestée et guerres hégémoniques

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Stabilité contestée et guerres hégémoniques

 

Conflits limités ou affrontement global ?

 

Irnerio Seminatore

 

Source: https://www.ieri.be/

 

Stabilité contestée et dislocation de l'ordre

Réalisme et interdépendance en leur portée explicative

Geist, élites et leadership

Rivalité systémique

Vision régionalisée de la sécurité et politique d'alliances

Crise ukrainienne. Conflit limité ou affrontement global?

STABILITÉ CONTESTÉE ET DISLOCATION DE L’ORDRE

Il peut apparaître paradoxal de parler d'hégémonie établie, dans une situation internationale turbulente et chaotique, en Europe, en Afrique et en Asie, lorsque s’aggravent les signes d’une dislocation progressive de l’ordre existant et se précisent les prolégomènes d'un conflit de grande intensité et de portée systémique.

Avec l'effondrement de l’URSS et la brève période d’unipolarisme américain, s’est mis en place progressivement un système d'interactions non-hiérarchiques, où le parcours incertain de l’Amérique a privé le monde d’un leader incontesté, capable d’imposer un arbitrage planétaire. Ce phénomène signale l’entrée dans une phase de transition systémique et d’alternance du leadership. Dès lors, l’étude de l’hégémonie et des cycles hégémoniques devient l’objet primordial des préoccupations de la communauté des politistes, car cette étude a des répercussions sur les réalités et les métamorphoses de la puissance. Elle influe directement sur les stratégies qui concourent à la maintenir et à la préserver, ou en revanche, à la contraster et à l'abattre.

Ainsi, si le concept de l’hégémonie peut être reconduit au paradigme de l’acteur rationnel et sa conduite est susceptible d’être abordée en termes de fonction, de conjoncture et de système, l'étude de la puissance peut se prévaloir aujourd'hui de deux approches théoriques, réaliste et transnationale, dont la divergence relativise leur portée explicative.

REALISME ET INTERDEPENDANCE EN LEUR PORTEE EXPLICATIVE

Dans le cadre de cette opposition, l'approche réaliste présente les traits suivants :

- la prééminence du politique et l'importance de la rivalité de puissance au cœur d'un environnement hétérogène

- l'hégémonie comme principe régulateur « hard » de l'ordre global.

- l’anarchie, comme univers de relations dépourvues d’autorité centrale.

- l’existence de structures et d’institutions intermédiaires, conditionnant la liberté d’action des États.

- l'omniprésence virtuelle du conflit, comme facteur de remodelage de la scène planétaire, étatique et sub-étatique.

- la théorie, comme modèle explicatif prééminent et souhaitable.

En faveur des approches transnationales et de la conception de l'hégémonie comme pouvoir d'influence on repère les paradigmes qui suit:

- la théorie de l’interdépendance et du social international

- l’autonomie croissante des flux, échappant au contrôle des États vis-à-vis des acteurs de régulation traditionnels encore soumis à la sphère inter-étatique.

- le recours à la société civile et à ses acteurs

- la dialectique contradictoire de la globalisation et du localisme.

- la décentralisation des juridictions et des activités, en dehors des cadres de la souveraineté territoriale, apparaissant sous forme de réseaux régionaux.

- la sociologie et non la théorie, comme cadre d’intelligibilité envisageable.

C'est dans un pareil contexte que peuvent se comprendre les relations politiques de la scène internationale actuelle, relations dont la spécificité ne s’impose pas de manière évidente et dont la fragmentation cognitive découle d’une absence d’accord sur les centres d'intérêt essentiels, ou sur la signification à assigner aux phénomènes.

Ainsi l'autonomie de chaque discipline renvoie à des enjeux politiques qui demeurent des sources d'inspiration contradictoires pour les analystes et les hommes d’État.

On peut conclure que l'hégémonie est le pivot analytique vers lequel convergent de manière contradictoires les grands courants du réalisme et de l'interdépendance. Ainsi, l'utopie d'un gouvernement mondial ou d'une autorité supranationale efficace et contraignante résulte paradoxalement de l'égoïsme et de la rationalité de l’État, comme acteur virtuellement hégémonique. Dans cette hypothèse, la logique des « régimes internationaux » et de gouvernance globale, ne peuvent être compris que comme tentatives d'explication d'un ordre international non-hégémonique. Afin d'approfondir la conception de l'hégémonie et sa portée, il nous semble nécessaire de procéder par des essais de définition conceptuels.

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GEIST, ELITES ET LEADERSHIP

L'hégémonie apparait comme l’imprégnation de la puissance sociétale par le pays qui l’incarne et désigne historiquement la créativité globale d’une nation ou d’un peuple et, plus en profondeur, la réalisation de son « Geist ». Le leadership frappe par la capacité (ou l'incapacité) de direction d'une oligarchie ou d’une élite et se focalise autour de l'art d'orienter l'ensemble de l'agir collectif par un « sens » (idée historique, cause universelle ou grandes conceptions du monde).

Il faut conclure que le concept d'hégémonie est de nature sociologique et téléologique, celui de leadership de nature politique et stratégique. Le premier tient à l'épanouissement d'une société par la puissance. Le deuxième à l'affirmation d'une volonté par les rivalités de pouvoir et par la maîtrise d'un dessein. De surcroit, le leadership est un art de la contingence, l'hégémonie une permanence culturelle assurée par la durée.

L’objectif primordial du leadership est de devancer les rivaux, de prendre des risques, de calculer les avantages et les coûts et, in fine, d'imposer un ordre. Le leadership se propose comme une entreprise aventureuse car il définit une ligne directrice et à risque, en fixe les modalités et les moyens et force un ensemble organisé à s'y tenir.

L'hégémonie exprime une évidence dynamique objective et constitue le socle du leadership. Ce dernier en suggère et élabore le mouvement et l'action, la prééminence et la hiérarchie. Du point de vue interne, le leadership est la projection vers l'extérieur d'une ambition personnelle ou de groupe, tendanciellement individualiste et anti-égalitariste. Sa raison d'être est l'arbitrage, son horizon des objectifs larges, sa force entraînante une forte capacité de mobilisation sociale, sa finalité la confiance interne et internationale, son but ultime le succès, la victoire ou la gloire.

Or, puisque la lutte et la rivalité entre les unités politiques comportent toujours une dimension idéologique, la lutte pour l'Hégémonie se configure, dans la plupart des cas, comme une affirmation de primauté culturelle, informationnelle et militaire. Or la primauté culturelle est perçue en termes d’attirance pour un certain « mode de vie » et comme modèle d'excellence dans les domaines éducatif et scientifique. La primauté militaire s'oppose à la liberté inconditionnelle des rivaux et apparaît très peu conforme aux aspirations originelles de liberté des autres unités politiques. Elle se heurte ainsi au respect conservateur de la légalité internationale dans l'exercice du pouvoir dominant, respect qui est souvent bafoué et qui n'apparaît ni évident ni fréquent au cours de l'histoire

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RIVALITÉ SYSTÉMIQUE

Le rival systémique d'Hégémon est, du point de vue stratégique, son «peer compétiteur» (Carthage pour Rome, Sparte pour Athènes, l'URSS pour les USA, la Chine pour l'Occident). C'est l'acteur montant qu'il faut isoler, diviser, encercler ou rabaisser. Le modèle de conflit d'Hégémon est systémique et global et son référent culturel est une civilisation. En effet est hégémonique l'acteur historique qui a universalisé ses intérêts et ses valeurs. L'Hégémonie n'est pas l'impérialisme comme domination directe, occupation territoriale et confiscation de la souveraineté, mais l’action d’endiguement qui assure la poursuite de buts communs et coopte d'autres alliés dans l’isolement puis dans l’élimination de l’adversaire.

VISION REGIONALISEE DE LA SECURITE ET POLITIQUE D’ALLIANCES

« Hégémon » fut la désignation, dans le monde hellène, du « commandement suprême » et d'une domination consentie. L'élément primordial d'une hégémonie historique est sa suprématie militaire, le « sine qua non » de son affirmation et de sa durée. Cette suprématie a deux fonctions : dissuader et contraindre. La force militaire qui lui est consubstantielle doit être écrasante, soit pour décourager un rival ou une coalition de rivaux, soit pour les vaincre et les punir, en cas d'échec de la dissuasion, face à une menace imminente ou en situation d'affrontement inévitable.

La supériorité militaire doit se traduire en une vision régionalisée de la sécurité et donc en une géopolitique d'alliances ou de coalitions (Serge Sur), appuyées sur des bases militaires, mobilisables en cas de besoin. Toute régionalisation de la sécurité ne doit pas contredire à la logique des équilibres mondiaux, ni aux intérêts stratégique et géopolitiques d'Hégémon.

La vision régionalisée de la sécurité est assurée aujourd'hui :

– par une diplomatie totale et par une série d'outils comme les institutions supranationales ou régionales de sécurité (ONU, OSCE, UEA, OTCS, etc) ou par des instances de coopération multinationales (BM, FMI, OIC).

– par la transformation de la puissance matérielle ou classique en puissance immatérielle et globale et, par conséquent, par l'intelligence et le Linkage vertical et horizontal qui constituent des transformations structurelles de l'hégémonie.

- par une association de la diplomatie et de la stratégie de la menace, allant jusqu’au risque nucléaire- Brinkmanship-

– par l'importance acquise par le « soft power » comme producteur de « sens » et comme facteur d'unification des valeurs et des pratiques sociales innovantes (l’éducation, la science et la culture).

L'idée de convertir le pouvoir militaire en pouvoir civil est confiée, en situations d'exception, à la légitimité acquise par l'exercice de la coercition et de la force, qui deviennent sur le long terme les sources du droit. La mesure de l'hégémonie interne a comme critère de référence l'asymétrie de statut, l'obéissance critique ou l'adhésion enthousiaste. Celle du pouvoir international, la supériorité de puissance et la capacité de structurer le champ d'action des autres unités politiques, par la définition unilatérale des règles de conduite et par le pouvoir de sanction qui leur est assigné. Lorsque l'hégémonie se prévaut du consensus et d'un système de légitimité fondé sur la culture ou sur le ralliement à un « modèle de vie », la force de l'hégémonie se mesure à la créativité d'une société et à sa capacité à proposer des images, des plans et des projets d’amélioration et d’ordre aux autres forces sociales et à d'autres unités politiques. Elle apparaît ainsi comme « Soft Power » (Joseph Nye).

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CRISE UKRAINIENNE, CONFLIT LIMITE OU AFFRONTEMENT GLOBAL

La plupart des analystes occidentaux, interrogés sur les issues des tensions et des menaces que se renvoient les unes les autres à propos de la crise ukrainienne, justifient leurs prévisions sur le sens et les intérêts du président de la Fédération de Russie, évoquant l’hypothèse d’une gesticulation et faisant appel à la logique de l’acteur rationnel et donc au poids de l’aléas encouru. Ils en tirent la conviction que la montée en puissance de troupes et de matériel militaire obéit à une pression psychologique permettant d’obtenir les objectifs poursuivis, pesant sur les négociations diplomatiques et sans combattre.  A l’opposé de cette hypothèse, l’argument contraire prétend évoquer le risque d’un conflit global et dans la faible possibilité de contenir et limiter la guerre en Europe du Sud- Est. La raison en est la menace à la sécurité existentielle de la Russie, à proximité de ses frontières, portée par l’OTAN et la puissance globale dominante, les Etats-Unis. Un conflit indirect, par personne interposé, conçu dans le but de donner une double leçon, aujourd’hui à la Russie et aux européens et demain à la Chine. En complément de la thèse théorique de Gilpin, selon lequel on peut parvenir à une stabilité globale par une guerre locale, G.Modelski fait intervenir une hypothèse concurrente, celle des cycles longs, afin d’expliquer la durée des phénomènes hégémoniques ( 80-100ans ) et décrit le lien qui existe entre le cycle des guerres, la suprématie économique et les aspects politiques et économiques  du leadership mondial. En ce sens les guerres seraient des phénomènes physiologiques et naturelles du système international qui interviennent à intervalles réguliers. En effet, depuis 1500 et le début de l’ère moderne, les guerres font partie à chaque fois d’un système global plus large du simple système régional et impliquent des répercussions non seulement stratégiques mais systémiques et civilisationnelles ;

Ainsi les acteurs majeurs ne peuvent faire retrait à l’occasion d’un pari ou d’une grande aventure historique. Ils doivent jouer le jeu qu’ils ont entrepris et qui les portent, par une escalade systémique, à s’engager dans une épreuve de plus en plus périlleuse.  Les considérations locales et d’ordre tactique portent en soi -l’horloge de l’histoire et poussent les facteurs de la stratégie à ramifier en direction de la grande politique et à concerner le système dans son ensemble.

Le danger vient alors de la transformation du conflit local en affrontement global, car l’acteur hégémonique ne peut jouer une pièce importante, restant cachés derrière les rideaux de l’Histoire et les frontières de la menace.

Bruxelles-Bucarest, 23 Décembre 2021

mercredi, 29 décembre 2021

L'Occident: hégémonie ou déclin - Eléments du débat sur l’hégémonie, la politique et les civilisations

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L'Occident: hégémonie ou déclin

Eléments du débat sur l’hégémonie, la politique et les civilisations

par Irnerio Seminatore

Ex: https://www.ieri.be/fr

L'Occident: hégémonie ou déclin

La crise des paradigmes

L'approche civilisationnelle et historique

L'Occident et la déclin de la  puissance américaine

L’Europe et l'unité stratégique de l'Occident

Partenariat et leadership, constantes structurelles d'ordre stable

Etats-Unis et Europe, une communauté d'intérêts partagés, leadership et hégémonie de cooptation

Irréductibilité de l'Oiccident à ses seules valeurs

Le déclinisme et ses arguments

La scène planétaire et la vision pluraliste du monde

***

L'OCCIDENT : HEGEMONIE OU DECLIN 

L’Occident, comme espace de liberté politique et religieuse, d'État de droit, d'équilibre des pouvoirs et d'économie de marché, s'est imposé au monde comme un modèle de pluralisme et de contre-poids institutionnels entre la force contraignante de la constitution et de l’État et la liberté exigeante des individus et des forces intermédiaires de la société. Un équilibre qui n'a pas d'égal dans d'autres contextes civilisationnels, dont la faiblesse congénitale est représentée par le déficit de « sens », qui est la composante « hard » de l'esprit humain et la force entraînante de l'hégémonie historique. Par ailleurs, l’approche réaliste rappelle que l'Occident sera dominant jusqu'au moment où le scrupule de la morale, de la loi ou des intérêts n'effacera pas son besoin primordial de survie.   Il dominera jusqu'au moment où la ruse lui permettra de   vivre dans la civilisation et la pulsion originelle de la force dans un système international bâti sur l’anarchie et sur la guerre

En effet, la loi profonde de tout changement et de toute transformation humaine repose au même temps sur l'ascétisme moral et sur la force primitive de la violence. Le déclin d'une civilisation commence avec la naissance du sentiment de piété, de justice et d’inclusion, qui demeurent les principes corrupteurs de la domination et de la hiérarchie humaines. Pour que la civilisation perdure, il faut l’existence de deux lois, l'une pour le rappel du passé et l’autre pour l’engagement dans l’avenir, l’une pour l'ami et l'autre pour l’ennemi, suivies d’une application intransigeante de cette discrimination.

L'humanisme et l'égalité marquent en effet le début de la fin d'une civilisation, comme la tolérance, la dissipation, ou la crise démographique, car la règle de la coercition, de la violence et de la rigueur qu'ont fait grands les Empires sont certes constantes, mais pas immuables au cours de l'Histoire. En effet, les moyens de leur exercice se sont démocratisés et étendus à travers la création d'institutions et de bureaucraties impersonnelles et l'usage de la force ou la répression des révoltes ont sapé la croyance en une destinée pacifiée et civile, différente de celle qui se déroulait cycliquement avec l'ascension, l'affirmation et la chute des États et des Empires.

LA CRISE DES PARADIGMES

Après la chute de la bipolarité une série d’auteurs occidentaux ont contribué à donner naissance à la nouvelle manière d'écrire l'histoire, sans le pathos de la philosophie allemande de l'histoire ou du devenir des civilisations à la Spengler. Ils nous ont rappelé que l'Occident n'est plus le seul « sujet » de l'Histoire universelle et que celle-ci n'est pas le champ intellectuel de son monologue intérieur.

Leur mérite a été de remettre en cause une série de paradigmes fondamentaux de notre connaissance et de faire apparaitre les vieux postulats comme désuets et inadaptés. C'est sur la base de cette crise des paradigmes, si salutaire pour l’esprit, qu’il est devenu possible et nécessaire de reprendre le débat sur les notions héritées d'Orient et d'Occident, d’hégémonie et de bataille culturelle

L'APPROCHE CIVILISATIONNELLE ET HISTORIQUE

Suivant un courant de pensée qui va de Spengler à Toynbee, de Quincy Wright à Ortega y Gasset, l'hypothèse de Huntington selon lequel : « dans le monde nouveau, les conflits n'auront pas pour origine l'idéologie ou l'économie. Les grandes causes de division de l'humanité et les principales sources de conflits seront culturelles », est apparue inattendue, tout en poursuivant le même héritage. « Les États-nations continueront à jouer le premier rôle dans les affaires internationales mais les principaux conflits politiques mondiaux mettront aux prises des nations et des groupes, appartenant à des civilisations différentes. Les chocs des civilisations seront les lignes de front de l'avenir».

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Après avoir rappelé que « la communauté des cultures est une précondition de l'intégration économique » il rappelle que « l'axe central de la politique mondiale sera probablement, dans l'avenir, le conflit entre l'Occident et le reste du monde ».

D’autres auteurs, à l’Est comme à l’Ouest, se sont longuement demandé qu'est-ce que cela implique pour l'Occident (Europe et Etats-Unis) ?

« Tout d'abord, que les identités forgées par l'appartenance à une civilisation, remplaceront toutes les autres appartenances, que les Etats-nations disparaitront et que chaque civilisation deviendra une identité politique autonome ». Le thème de l’identité est devenu depuis un argument privilégié du débat politique interne, discriminatoire et souverainiste.

L'OCCIDENT ET LE DÉCLIN DE LA PUISSANCE AMÉRICAINE

L'Occident, comme pouvoir dominant et conquérant a été dissocié de l’exigence d’ordre et de stabilité et il est devenu une cible des thèses pessimistes et simplistes sur son déclin inévitable et sa décomposition inéluctable. Or l'Occident, autrement dit les USA, l'Europe et l'hémisphère Nord de la Planète, l'Amérique Latine et l'Océanie, auxquels on ajoutera le Japon et l'Inde, dominent sans partage tous les domaines de la l'activité humaine et de la vie politique et sociétale, bref, de la connaissance et de la culture, des arts et des sciences, des modes de vie et des modèles culturels.

Cette prédominance évidente ne disparaîtra qu'avec une catastrophe mondiale ou une guerre planétaire et nucléaire, effaçant tout souvenir de civilisation. Dans une dimension plus proche de ces propos, celle de la relativité de l'expérience humaine, on constatera que la force et la faiblesse déterminent toujours le statut d'une nation ou d’une culture sur la scène du monde. Il en est ainsi à chaque période historique. Or, une réflexion sur la position actuelle de l'Occident nous pousse au constat que l'Amérique est en train de perdre son statut d'hyper-puissance pour redevenir un des principaux membres du Club des grandes puissances du XXIème siècle. C'est la thèse soutenue par l'historien Paul Kennedy de l'Université de Yale à partir d'une comparaison historique avec le déclin de l'Empire britannique dès la deuxième moitié du XIXème siècle. Lorsqu'un pays a été au faîte de la puissance dans toute une série de domaine, d'autres acteurs émergents commencent à combler leur retard, de telle sorte qu'une redistribution de la puissance internationale fait décroître l'importance relative du leader et engendre plus loin la transition de la puissance déclinante à la nouvelle puissance montante qui aspire à l'hégémonie. Sommes-nous confrontés à l’analogie historique dans le cas du duopole actuel des Etats-Unis et de la Chine et donc à la répétition du « Piège de Thucydide » qui, selon Graham T. Allison, porte fatalement les deux compétiteurs à l’affrontement militaire.

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En décomposant les facteurs de puissance, Paul Kennedy, a tenté d’élaborer, dans son étude sur « La montée et le déclin des grandes puissances », les lois d’évolution de celles-ci par la variation de leurs taux de croissance économique.

Or, dans le cas des Etats-Unis, à la détérioration de leur perception par les autres acteurs de la scène multipolaire, ainsi qu'à l'hostilité croissante pour leurs entreprises militaires, menées sans succès par le monde, s’ajoutent des considérations morales et philosophiques, qui opposent les deux courants de pensées, le réaliste et le transnationale, dont sont imprégnés les défenseurs et les opposants de l’Occident  Par ailleurs, l’autre important pilier du pouvoir de l'Amérique, le pouvoir économique et financier, s'est fortement dégradé en raison des déficits commerciaux et des déficits publics, mais aussi de la titrisation des crédits pourris, qui ont été à l'origine de la crise mondial de 2008.

Quant à la responsabilité des élites, un vieil article de l'éditorialiste économique Martin Wolf dans le Monde du 18 janvier 2014, au titre « La faillite des élites » développa la thèse du manquement des élites européennes et mondiales dans la crise actuelle et dans celle de la première guerre mondiale (1914-18). Le trait commun d'hier et d'aujourd'hui est représenté par un cumul impressionnant d'ignorance et de préjugés ayant conduit, avec le premier conflit, à détruire les deux piliers de l'économie du XIXème siècle, le libre-échange et l'étalon d'or et, avec la crise actuelle, à avoir encouragé un gigantesque pari consistant à dissocier responsabilité (répercussions d'une crise systémique) et pouvoir (système de décision) portant atteinte à la « gouvernance démocratique ». Par ailleurs, le divorce entre élites et citoyens aurait engendré en Europe une concentration du pouvoir, toujours actuelle, entre trois bureaucraties non élues (la Commission, la Banque Centrale Européenne et le Fonds Monétaire International) et une série de pays créanciers, en particulier l'Allemagne, sur lesquels les opinions et les citoyens n'ont aucun pouvoir d'influence.

Reste le pouvoir militaire, exorbitant, qui demeure le plus solide, en ses capacités de projection de puissance et dont l'efficacité opérationnelle et dissuasive est destinée à décroître en relation aux conflits asymétriques et aux diverses incertitudes géopolitiques.

Ces derniers s'accroissent en revanche, avec la montée des forces irrégulières et la démultiplication des situations de crise. Cependant, l'élément le plus déstabilisant, suivant le schéma interprétatif du déclin des grandes puissances, est l'empiètement des puissances retardataires ou perturbatrices, à l'intérieur des espaces de sécurité d’Hégémon, doublé du risque d'une atténuation du rôle des alliances militaires et d'une redéfinition générale des stratégies du long terme, pouvant éloigner les Etats-Unis de l'Europe.

Ce risque, réduisant les ambitions et les engagements de la République Impériale dans le monde, les conduirait à l'isolement international et à une normalité, qui leur feraient perdre le rôle, encore actuel, de pivot du monde.

L'EUROPE ET L'UNITÉ STRATÉGIQUE DE L'OCCIDENT

L'absence de leadership affaiblit l'Europe et les États-Unis dans un monde multipolaire, où l'unité du commandement relève de la plus haute fonction stratégique. L'unité stratégique permet de concevoir et de mettre en œuvre une architecture de systèmes défensifs hiérarchisés et intégrés à un seul pôle de décision. Planifier les seuils de la dissuasion ou les niveaux de la stabilité, ou encore les priorités des engagements et de la logique de préemption aux deux grandes échelles du monde, le système planétaire et les aires régionales plus menaçantes, cela relève du leadership comme porteur d'atouts stratégiques.

Cette unité de conception, de décision et d'action est géopolitique et géostratégique Elle est au même temps stratégique et systémique, car elle définit les coalitions, les acteurs hostiles et les théâtres de conflit. Ce sont les acteurs hostiles qui portent atteinte à la stabilité mondiale, en utilisant la force et la menace directe et indirecte, dans le but d'obtenir des gains par l'utilisation de revendications autrement impossibles à accepter, car assorties de risques démesurés.

PARTENARIAT ET LEADERSHIP, CONSTANTES STRUCTURELLES D’UN ORDRE STABLE

Le partenariat politique et la « pax consortis » apparaissent, à l’ère des interdépendances, comme les méthodes les plus efficaces pour rechercher des solutions appropriées aux problèmes multiformes du système international de demain. Ce partenariat comporte un nouvel équilibre des initiatives, des tâches et des responsabilités.

L’image des « superpuissances » s’était enracinée un peu partout dans les consciences politiques depuis 1945, associée à celle, tutélaire, des leaderships de l’Est et de l’Ouest. Cette conscience tirait sa raison d’être d’une concentration exorbitante des moyens inhibitoires de la force.

Une disproportion entre l’impuissance de la force (potentiel de destruction), la puissance politique visant à l’utiliser (au moins diplomatiquement), et les capacités économiques des détenteurs de celle-ci, s’est insinuée dans la représentation collective, mettant en crise les options de politique étrangère qui s’étaient inspirées de celle-ci et notamment celles de « globalisme unilatéral », et de « unilatéralisme globaliste ».

Le pluralisme des valeurs et la disparité des intérêts entre les USA et l'Europe, requièrent davantage une gestion du système, basée sur la « pax consortis » et le dialogue multilatéral, car cette gestion collective par les acteurs majeurs du système est aussi la plus équilibrée, face aux nouvelles formes de vulnérabilité.

Au regard de la gestion du système international actuel, les États sont brusquement confrontés à des défis globaux, qui exigent coopération et partage de responsabilités.

Ne poursuivant pas des objectifs réductibles à la logique du marché, les États visent, aujourd’hui comme hier, l’instauration ou la définition d’un ordre international maîtrisable, un ordre stable.

Ce dernier exige une forme de pouvoir politique qui prenne en charge les problèmes liés à la gestion de la sécurité et ceux qui découlent d’une complexité croissante et de la poursuite d’un processus d’intégration étendu.

La restriction de l’autonomie des États et l’imbrication toujours plus étroite de la politique intérieure et de la politique extérieure, ainsi que l’extension de la scène planétaire, liée à la multiplication des acteurs sub et trans-étatiques et à celle de flux de communication afférents à des foyers mouvants d’incertitude et de crise, interdisent l’utilisation de paradigmes explicatifs uniques et de théories générales à portée universelle.

ETATS-UNIS ET EUROPE, UNE COMMUNITE D’INTERETS PARTAGES ?

LEADERSHIP ET HEGEMONIE DE COOPTATION

Ainsi, dans le décryptage des transformations consécutives à l'effondrement de la bipolarité, Z. Brzezinski a dégagé une lecture du système international où le choix d’un engagement cohérent de l’Amérique à côté de l'Europe visait la préservation et l’exercice d’un leadership cooptatif et d’une hégémonie démocratique. L’intimité de ces deux notions était liée à la gestion des alliances et à la légitimité internationale de l’action des États-Unis.

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C’est donc à partir d’une analyse globale de la scène planétaire que l’auteur parvint à historiciser et à relativiser la priorité absolue accordée par l’Administration Bush à la « guerre contre le terrorisme ». Celle-ci ne pouvait représenter à ses yeux qu’un but stratégique à court terme, dénoué de pouvoir fédérateur. En effet, s’interrogeant sur l’hégémonie américaine et, en perspective, sur son déclin historique à long terme, Brzeziński replaça la complexité du paysage mondial et ses turbulences, dans le cadre d’une stratégie d’alliance permanente avec l’Europe. Seule cette alliance, interdépendante et toutefois asymétrique, était en mesure d’assurer, à ses yeux, une communauté d’intérêts partagés entre l’Europe et les USA.

Cette alliance aurait pu garantir l’évolution de la prééminence des USA sous la forme qui correspond le plus à une démocratie impériale, l’hégémonie de cooptation. Aucune alliance de circonstance ne pouvait élargir les bases d’une direction éclairée, fondée sur le consensus plutôt que sur la domination pure. Aucun autre acteur ou ensemble d’unités politiques – à l’exception de l’Europe – n’aurait pu permettre l’exercice d’un leadership mondial, sous la forme d’un pouvoir fédérateur et rassembleur vis-à-vis de ses alliés.

IRREDUCTIBILITÉ DE L’OCCIDENT À SES SEULES VALEURS

La réduction de l’Occident a ses seules valeurs, selon une approche récente de l’ordre européen, est une antinomie d’ordre culturel, qui risque d’occulter la complexité du réel et conduire à des dévoiement politiques.  Dans l’Union Européenne elle a pour fonction de réduire à l’obéissance Orban et les pays de Visegrad, au sein d’une dispute d’apparence constitutionnelle et en Russie a lutter contre l’atlantisme et le globalisme libre-échangiste, menant une opposition civilisationnelle et sémantique. Ce réductionnisme et son inscription dans la perspective d’un renversement de l’hégémonie occidentale, occulte l’épaisseur de l’objet d’analyse et son importance historique. En effet le principal des inspirateurs des eurasistes russes prétend que « l’Occident est une source d’empoisonnement du monde et d’hégémonie impérialiste » et considère que l’Occident a la même signification, pour la pensée russe, que l’invasion mongole, arguant que celle-ci avait privé les russes de leur indépendance politique, tandis que l’identité culturelle et religieuse les avait empêchés d’être soumis à l’expansion catholique. Ainsi la Russie serait une civilisation distincte et l’Occident son principal ennemi et adversaire. De surcroit les eurasistes eux-mêmes, auraient abandonné la confrontation avec l’Occident et son idéologie matérialiste -le communisme- remplacée par une autre forme de matérialisme -le libéralisme ; abandon qui mènerait tout droit à la désintégration de la Russie. Le développement et la dégradation de l’Occident serait le destin d’un autre continent sémantique, car, pour l’Ouest, selon Troubetskoï, cité a l’appui de cette thèse, la force de l’Occident serait avant tout un impérialisme sémantique, une hégémonie épistémologique. Par une étrange analogie, cette interprétation adoptant comme lecture d’appartenance à l’Union européenne ses seules valeurs, rapprocherait Mme von der Leyen des eurasistes dans un même combat, un combat d’idées, vidées de substance historique et de pertinence stratégique. Dans les deux cas, l’affrontement hégémonique, dépolitisé et désarmé serait réduit aux deux aspects d’un même chantage, la soumission a un ordre culturel dogmatique et a une autorité sans légitimité. Non, l’Occident n’est pas l’invasion mongole pour le monde russe, mais une réfutation stérile de l’importance de la puissance et de l’influence de l’univers européen

LE DECLINISME ET SES ARGUMENTS

Le New Statesman de Londres, repris par le Courrier International a publié en octobre 2021 un article du philosophe anglais, John Gray, au titre Comment le monde a basculé, dans lequel il résume la plupart des thèses déclinistes, pour conclure que l’Occident n’est pas mort et que nous ne vivons pas dans un monde post- occidental. L’argument central est constitué par le renversement de la prise de conscience des réalités historiques les plus durables et de leur portée géopolitique, le guerres perdues, l’abandon par l’Occident de régions stratégiques -l’Irak, la Syrie, la Libye, l’Afghanistan et le vortex illusoire de la stratégie du – « Regime Change ». Plus important et plus grave, l’oubli de la force disruptive de la liberté et de la tolérance, qui ont fait la force et l’idéal des révolutions intellectuelles du passé et la limitation de la démocratie à l’orthodoxie du dogme, préservé par une série d’interdits idéologiques.

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En termes de pouvoir international, l’épuisement de la stratégie américaine et de son empire démesuré, a rendu ingérable son leadership.  Difficulté qui est intervenue avec l’écroulement de l’Union soviétique et l’apparition d’un monde unipolaire. Un monde dans lequel, parallèlement a la montée étonnante de la Chine, les vieilles idées de l’Occident des années 30-4O ont inspirés les nouveaux régimes autoritaires. C’est surprenant en effet que dans les universités chinoises soient lus attentivement les classiques de la pensée occidentale Hobbes, Rousseau, Tocqueville, Burke et surtout Carl Schmitt. Des lectures qui ont pour toile de fond la quête de l’unité du pays, la recherche de l’homogénéité politique et culturelle et sont ostracisés les facteurs de division représentés par les minorités -ouighours, tibétaines, hongkongaises, taiwanaises et par les oppositions internes diverses, défendues par le recours aux droits de l’homme. C. Schmitt a fait école en une situation de crise permanente et d’anarchie et d’ingouvernabilité. Cependant la décomposition de l’hégémonie occidentale, comme fait culturel et intellectuel a eu une autre composante délétère, la crise de confiance en soi des européens, une crise spirituelle datant de la première guerre mondiale et du maitre ouvrage de O. Spengler- « Le déclin de l’Occident », auquel se sont inspirés les bons et les mauvais lecteurs de l’auteur fameux et ses héritiers. Une toute dernière remarque est imputable enfin à la conception occidentale selon laquelle il n’y aurait pas d’alternative à la civilisation occidentale et que nous serions parvenus avec le collapse de l’Union Soviétique,-à la « Fin de l’Histoire » - de Fukuyama.

LA SCÈNE PLANÉTAIRE ET LA VISION PLURALISTE DU MONDE

La scène planétaire est caractérisée par l'interdépendance croissante de l’humanité et par une complexité inégalée des univers culturels.

À présent, nous observons la fin provisoire de l'âge idéologique, mais cela ne signifie point sa disparition définitive, car les utopies réapparaissent perpétuellement dans le siècle et elles en constituent la trame signifiante.

Or la vision pluraliste du monde s'est, tour à tour, opposée à la vision moniste et dogmatique de la réalité. Ainsi, la variété des civilisations et des croyances et la multiplicité des régimes politiques nous forcent au constat, exaltant pour les uns et désarmant pour les autres, que l'hégémonie de l'Occident, qui préserve cette variété et cette richesse d'expressions, perdurera encore longtemps, avant de se dissoudre et de justifier une nouvelle candidature à la stabilité et à l'ordre universel dans le monde. C’est pourquoi l’Occident ne nous apparait pas fini et qu’il est encore loin de l’être, suicide exclu et histoire défigurée.

Bruxelles- Bucarest le 19 Décembre 2O21

Irnerio Seminatore est l’auteur de l’ouvrage – « La Multipolarité au XXIe siècle », Préface de Charles Zorgbibe ,à paraitre auprès des Editions VA Press (Fr)

Prochains titres :

Hégémonie et stabilité systémique

Hégémonie et transition de système

vendredi, 09 juillet 2021

Multilatéralisme américain et capitulation inconditionnelle de l'Europe

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Multilatéralisme américain et capitulation inconditionnelle de l'Europe

par Luigi Tedeschi

Source : https://www.ariannaeditrice.it/articoli/multilateralismo-americano-e-resa-europea-senza-condizioni

Le multilatéralisme américain ne débouchera pas sur un nouvel accord entre les deux côtés de l'Atlantique, mais se révélera une reddition inconditionnelle de l'Europe aux États-Unis.

Nouveau multilatéralisme et vieil impérialisme

L'Amérique est-elle de retour ? En réalité, sa présence en Europe, avec ses bases militaires et son leadership politique et culturel, n'a jamais faibli. Biden, avec le G7 et le sommet de l'OTAN à Bruxelles, a voulu redéfinir les relations avec les alliés en fonction des nouveaux équilibres politiques qui se dessinent après la crise de la pandémie. Le retour de l'engagement américain direct, qui constitue un tournant par rapport à la politique d'unilatéralisme de Trump, vise à recomposer le front européen dans le contexte d'un leadership américain renouvelé. La relance des relations atlantiques s'est donc faite dans un climat d'enthousiasme de la part des pays européens, déjà orphelins du protectorat américain en raison de la politique de désengagement de Trump vis-à-vis de l'OTAN.

L'UE a en effet été conçue comme un organe économique et monétaire supranational au sein d'une alliance atlantique, qui s'est étendue à l'Europe de l'Est après la fin de l'URSS. L'UE est une puissance économique qui a délégué sa sécurité à l'OTAN et est donc devenue une entité géopolitique subordonnée et homologuée à la puissance américaine.

Toutefois, l'enthousiasme des alliés européens a vite été déçu, car le tournant géopolitique de Biden, outre un multilatéralisme renouvelé de l'alliance atlantique, prévoit également une redéfinition du rôle de l'OTAN en fonction de l'endiguement de la Chine et de la Russie, ce qui impliquerait également les alliés européens. Biden, en effet, a préfiguré une coopération avec les puissances militaires européennes, qui impliquerait le transfert des flottes européennes vers le Pacifique, dans le but de contenir l'expansion économique, politique et militaire de la Chine.

La politique d'hostilité antagoniste de Biden envers la Chine et la Russie par rapport à Trump reste inchangée. Toutefois, la stratégie a changé, puisque Biden a inauguré une nouvelle politique multilatérale à l'égard des alliés européens, avec une implication directe relative de l'Europe dans la géopolitique américaine. Nous pourrions définir la politique de Biden par un slogan : nouveau multilatéralisme et vieil impérialisme.

Il ne s'agit pas d'une nouvelle guerre froide

En réalité, le multilatéralisme de Biden prend la forme d'une "ligue des démocraties" où le leadership américain s'oppose à la Russie et à la Chine en tant que puissances autoritaires. On peut donc se demander si cette opposition entre les puissances mondiales ne représente pas un renouveau de la "guerre froide", celle née de la bipolarité USA-URSS après la Seconde Guerre mondiale. Cette hypothèse ne semble pas crédible. En effet, après le déclin de l'unilatéralisme américain suite à l'effondrement de l'URSS, avec l'émergence de nouvelles puissances continentales comme la Russie, la Chine, l'Inde, l'Iran et l'Afrique du Sud, un nouveau multilatéralisme géopolitique a vu le jour, caractérisé par une interdépendance économique et financière mondiale et par des conflits et des alliances très précaires et diversifiés.

De plus, avec la guerre froide, un contraste a été établi entre l'Occident libéral et démocratique et les pays du socialisme réel, comme un affrontement entre deux systèmes politiques et idéologiques alternatifs. Aujourd'hui, dans la confrontation des Etats-Unis contre la Russie et la Chine, les motivations idéologiques apparaissent beaucoup plus floues, dans la mesure où le modèle néo-libéral s'est imposé, même si c'est avec des différences marquées, au niveau mondial. L'affrontement est donc essentiellement de nature géopolitique, marqué, s'il en est, par un cadre idéologique entièrement américain : démocraties contre autocraties.

La même rencontre entre Biden et Poutine, prélude à une politique américaine d'endiguement de la Russie beaucoup plus douce que celle envers la Chine. Lors du sommet Biden-Poutine, la volonté de réduire les dépenses d'armement, de conclure une trêve dans la cyberguerre et de s'entendre sur un engagement commun dans la lutte contre le terrorisme a émergé. Il en ressort clairement la volonté américaine d'adopter une politique moins hostile envers la Russie, afin d'éviter la formation d'un bloc unitaire Moscou-Pékin opposé à l'Occident.

L'Amérique est de retour

Il semble évident que la stratégie de Biden ne peut être conciliée avec les intérêts européens. La Russie, à l'exception des pays d'Europe orientale, ne représente pas une menace pour la France, l'Allemagne et l'Italie. Une opposition européenne claire et nette, alignée sur les États-Unis, n'est pas non plus envisageable en ce qui concerne la Chine. La menace chinoise se fait sentir en Europe en termes de sauvegarde des industries stratégiques, de pénétration commerciale et de protection des données sensibles, mais il est impensable que l'Europe se prive de la technologie chinoise, ou qu'elle fasse disparaître les relations d'import-export vers et depuis la Chine. La Grande-Bretagne post-Brexit elle-même, bien qu'alignée sur les stratégies américaines dans le Pacifique, n'a certainement pas l'intention de se priver de l'afflux de capitaux chinois à la Bourse de Londres.

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Mais surtout, cette extension de la présence de l'OTAN à la zone Pacifique, dans une fonction anti-chinoise, conduirait à une nouvelle implication européenne dans de nouveaux conflits potentiels suscités par les Américains. L'histoire récente aurait dû faire prendre conscience aux Européens que les guerres expansionnistes américaines en Irak, en Afghanistan (conclues par le récent retrait unilatéral des États-Unis), en Libye, en Syrie, en Ukraine, en plus de provoquer des dévastations et des massacres aveugles parmi la population et de nouveaux conflits irrémédiables dans diverses régions du monde, se sont toujours terminées par des défaites périodiques de l'Occident sur le plan géopolitique et ont augmenté de façon spectaculaire la propagation du terrorisme islamique, dont l'Europe a été la principale cible.

En outre, les investissements européens ont subi des pertes importantes en raison des sanctions imposées unilatéralement par les États-Unis à la Russie, à l'Iran et au Venezuela. A ce sujet, Massimo Fini s'exprime dans son article "Assez de suivre le maître américain" : "La leçon de l'Afghanistan ne nous a-t-elle pas suffi ? De toute évidence, non. Au G7, on n'a parlé que de multilatéralisme, d'une alliance étroite entre "les deux rives de l'Atlantique". Le "multilatéralisme" n'est rien d'autre que la confirmation de la soumission de l'Europe aux Etats-Unis. Une soumission dont l'OTAN a été un instrument essentiel pour maintenir l'Europe dans un état de minorité, militaire, politique, économique et finalement aussi culturelle".

En ce qui concerne le multilatéralisme américain, que Biden a annoncé au sommet de l'OTAN à Bruxelles avec le slogan "America is back", Lucio Caracciolo a voulu préciser dans "La Stampa" du 16/06/2021, qu'il serait erroné de le traduire pour les Italiens par "Mother America is back", car le sens de ce slogan serait : "Sur les choses qui comptent, nous décidons, vous les appliquez". Pour le reste, vous apprendrez à vous débrouiller seuls. Nous ne faisons pas de la chirurgie ordinaire, seulement de la chirurgie pour sauver des vies". Il existe une continuité sous-jacente entre les politiques de Biden et de Trump: celle de Biden est un "America first" par d'autres moyens.

En effet, les espoirs des vassaux européens quant à un engagement militaire américain renouvelé pour la sécurité de l'Europe ont été déçus.

Pour les États-Unis, la priorité stratégique est l'endiguement de la Chine, mais l'endiguement de la Russie est beaucoup moins important et, par conséquent, il n'est pas prévu de renforcer l'OTAN en Europe. Il faut également noter que l'engagement des pays européens pris sous Trump et jamais démenti par Biden, d'allouer 2% du PIB national aux dépenses militaires a été complètement ignoré. L'Europe n'a jamais été consciente du changement des stratégies américaines et n'a pas non plus considéré que dans la géopolitique mondiale actuelle, cette Europe, militairement et politiquement soumise aux USA, ne représente qu'une plateforme géostratégique américaine pour l'expansion de l'OTAN en Eurasie (un projet actuellement reporté). Ce rôle géopolitique subordonné de l'Europe a été confirmé par les propos de Draghi lors du sommet de l'OTAN à Bruxelles : "Une UE plus forte signifie une OTAN plus forte". L'Union européenne ne serait donc concevable que dans le cadre d'un dispositif atlantique avec un leadership américain.

Alberto Negri déclare à ce propos dans un article du "Manifesto" du 13/06/2021 intitulé "Le menu est seulement américain, l'Europe n'y est pas" : "Ce que l'Europe gagne dans cette "perspective" des relations avec la Russie et la Chine n'est pas du tout clair. Étant donné qu'entre autres choses, l'Alliance atlantique provient du retrait en Afghanistan qui n'a pas été sanctionné par les pays de l'OTAN mais par les négociations des Américains au Qatar avec les Talibans. Les Européens n'ont rien décidé, sauf le jour de la cérémonie de descente du drapeau. Cela signifie que les États-Unis, lorsqu'il y a quelque chose à établir, le font par eux-mêmes et le communiquent ensuite aux autres qui doivent engloutir leur menu, qu'ils le veuillent ou non".

Quelle contrepartie pour l'Europe ?

Dans le contexte de ce multilatéralisme américain renouvelé, qui impliquerait l'implication de l'Europe dans les stratégies globales américaines, il est légitime de s'interroger sur les contreparties que les Etats-Unis entendent payer à l'Europe en échange du partage des objectifs géopolitiques américains.

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En ce qui concerne la suppression souhaitable de la politique protectionniste promue par Trump, Biden a conclu un accord de trêve avec l'Europe concernant le différend Airbus - Boeing, tandis qu'en ce qui concerne la guerre des droits sur les importations d'acier et d'aluminium, la situation reste inchangée. De même, des divergences subsistent entre les États-Unis et l'UE au sujet des brevets sur les vaccins, que les Américains voudraient abolir et que les Européens (principalement l'Allemagne) voudraient maintenir.

En ce qui concerne l'opposition américaine à la construction du gazoduc Nord Stream 2 (qui, selon les Américains, rendrait l'Europe dépendante de la Russie en matière d'énergie), grâce auquel le gaz russe arriverait directement en Europe, les sanctions n'ont été suspendues que pour le moment, mais l'hostilité américaine reste inchangée. L'UE veut imposer des droits sur les produits à forte intensité de carbone, mais l'opposition américaine à cette volonté est bien connue.

Mais les désaccords les plus importants concernent les relations économiques entre l'Europe et la Chine. L'économie européenne est liée à la Chine dans les domaines de l'innovation technologique, des télécommunications, des technologies pour la révolution verte et des puces nécessaires aux produits à haute valeur ajoutée tels que la téléphonie et les voitures. Par conséquent, si les États-Unis poursuivent une stratégie visant à découpler l'Europe de la Chine et de la Russie, ils doivent proposer des alternatives crédibles.

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Toutefois, les États-Unis restent opposés à une intervention au nom de l'Europe dans la crise libyenne afin de contrer les visées expansionnistes d'Erdogan sur la Libye.

Ils devraient également promouvoir les plans d'investissement en Europe.

Cependant, lors du G7, seul un accord a été conclu pour le versement de 40.000 milliards de dollars aux pays les plus en retard. La manière dont cet argent sera collecté n'est toutefois pas claire, car les États américains et européens se sont engagés à utiliser leurs ressources pour la relance économique post-pandémie. M. Biden a également annoncé la possibilité de nouveaux accords commerciaux entre l'Europe et les États-Unis pour remplacer la route de la soie, mais pour l'instant, cela reste entièrement théorique. Ces accords pourraient être une nouvelle proposition du traité transatlantique déjà promu à l'époque d'Obama, qui prévoyait la suppression des barrières commerciales entre les États-Unis et l'Europe, avec l'abrogation relative des lois des États considérées comme incompatibles avec le libre marché, y compris les réglementations en matière de santé et de sécurité alimentaire. Au grand soulagement des Européens, ce traité n'a jamais vu le jour et il est toujours impensable de passer des accords avec les États-Unis qui permettraient l'importation en Europe de produits pharmaceutiques et agro-industriels ne répondant pas aux normes de santé et de sécurité alimentaire fixées par la réglementation européenne.

Les réactions européennes et le pro-américanisme de Draghi

Les réactions européennes à la stratégie de multilatéralisme de Biden ne se sont pas fait attendre.

Mme Merkel a exprimé son désaccord, déclarant que les États-Unis et l'Allemagne ont une perception différente du danger de la pénétration chinoise et de l'agressivité de la Russie.

Macron, tout en réitérant la loyauté de la France envers l'OTAN, a déclaré que la Chine n'est pas dans l'Atlantique et s'est donc déclaré opposé à une extension de la zone d'influence de l'OTAN dans le Pacifique.

En ce qui concerne l'Italie, Draghi a plutôt déclaré son assentiment à la politique d'opposition à la Chine suggérée par Biden. Cette prise de position pourrait donc entraîner des changements substantiels dans la politique étrangère italienne, ce qui conduirait à l'abrogation du mémorandum signé par l'Italie avec la Chine, concernant la route de la soie.

La position pro-américaine adoptée par Draghi, pourrait avoir pour but d'obtenir le soutien américain dans la crise libyenne, qui implique de manière décisive les intérêts italiens. La Russie et la Turquie, bien que dans des camps opposés, se sont installées en Libye, suite au désengagement américain en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Mais les États-Unis n'ont pas l'intention de s'engager pour contrer les visées expansionnistes turques en Méditerranée et l'UE ne veut pas et n'est pas en mesure de s'opposer aux visées néo-ottomanes d'Erdogan. Bien qu'il soit prévisible dans un avenir proche une escalade de la pénétration politique, militaire et religieuse de la Turquie en Europe, une Turquie qui pourrait s'élever au rôle de pays leader de l'Islam sunnite, comme l'était l'Empire ottoman.

La Turquie est cependant membre de l'OTAN, dont la position stratégique est essentielle dans la politique d'opposition américaine à la Russie. La construction du "canal d'Istanbul", une infrastructure de liaison entre la mer Noire et la mer de Marmara, a récemment été approuvée par le parlement turc.

Un canal parallèle au Bosphore pour l'accès à la mer Noire

Le transit par le Bosphore est régi par la Convention de Montreux de 1936. Ce traité garantit le libre transit des navires marchands par le Bosphore, mais celui des navires militaires des pays non riverains de la mer Noire est soumis à des restrictions. Il est stipulé que les navires de guerre des pays tiers ne doivent pas dépasser 15.000 tonnes individuellement et 45.000 tonnes en tant que flotte. En outre, ces navires de guerre ne peuvent pas être stationnés en mer Noire pendant plus de 21 jours.

Toutefois, le "canal d'Istanbul" ne serait pas soumis à ce traité.

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Erdogan pourrait donc autoriser le stationnement de la flotte de l'OTAN en mer Noire dans un but anti-russe. Erdogan pourrait alors accorder aux États-Unis l'accès à la mer Noire pour le bénéfice de l'OTAN en échange de l'assentiment américain à une politique turque hégémonique en Méditerranée.

Face à une telle perspective, il est tout à fait absurde d'espérer un soutien américain anti-turc en Libye en faveur de l'Italie.

Le multilatéralisme américain ne débouchera pas sur un nouvel accord entre les deux côtés de l'Atlantique, mais se révélera être une reddition inconditionnelle de l'Europe aux diktats des États-Unis.

L'Occident n'est pas un modèle de valeurs universelles

La confrontation entre les États-Unis et le bloc Russie-Chine revêt également une signification idéologique, en tant que défense des valeurs de l'Occident démocratique face à l'agressivité des autocraties russe et chinoise.

Tout d'abord, il convient de noter que l'Occident n'est pas un bloc unitaire et que le nouveau multilatéralisme de Biden ne fera qu'accroître les fractures au sein des États européens et entre eux. De plus, il existe un déséquilibre macroscopique entre la puissance américaine et ses alliés européens qui a pour conséquence que ce multilatéralisme n'existe que dans la mesure où les alliés se conforment aux diktats du leadership américain, sinon c'est l'unilatéralisme américain qui prévaudrait. Les dirigeants américains sont, par nature, hostiles à l'implication des intérêts des alliés dans la géopolitique américaine.

De plus, les Etats de l'Occident démocratique sont déchirés par des querelles internes irrémédiables (en premier lieu les Etats-Unis) qui pourraient à l'avenir affecter l'unité et la subsistance même de ces Etats.

Par conséquent, l'unité et la continuité de la politique étrangère des États de l'Occident sont devenues incertaines et problématiques. L'imposition du modèle néolibéral a progressivement privé les institutions politiques de leurs prérogatives premières, avec la dévolution dans l'UE de la souveraineté des États à des organes supranationaux technocratiques et oligarchiques non électifs. Les élites financières l'emportent sur les institutions, générant des inégalités sociales et des conflits incurables au sein des États et entre eux. La représentativité démocratique ainsi que la souveraineté populaire ont été perdues, la gouvernabilité des Etats est exercée par des majorités faibles et hétérogènes ou par des gouvernements d'union nationale: le modèle économique et politique de la démocratie libérale occidentale est en crise structurelle irréversible.

La décadence des institutions démocratiques a également provoqué la dissolution progressive des valeurs éthiques et culturelles de l'Occident.

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La démocratie ne peut exister dans une société dominée par des pouvoirs oligarchiques étrangers à la volonté du peuple. Au sujet de la dissolution des valeurs démocratiques de l'Occident, Andrea Zhok s'exprime ainsi dans un article intitulé "La défense de nos valeurs" :

"De quelles "valeurs occidentales" devrions-nous en fait parler ? La démocratie ? L'égalité ? La liberté de pensée ? Revendiquer les valeurs de la démocratie dans des pays où la moitié de la population ne va plus voter, où l'homogénéité indifférente du choix politique ne permet pas d'imaginer d'alternative, et où l'influence directe du capital privé sur la politique est effrontée, semble embarrassant. Revendiquer les valeurs d'égalité dans des pays où des dynasties héréditaires de super-riches passent à la télévision pour expliquer à la plèbe qu'elle doit affronter avec courage les défis du marché ressemble plus à un gag comique qu'à un véritable défi. Revendiquer les valeurs de la liberté de pensée dans des pays où les médias sont militairement occupés par les détenteurs du capital, agissant comme leur porte-parole, et où pour s'exprimer sans censure les gens se déplacent vers les médias sociaux russes (sic !), cela ressemble aussi plus à une blague qu'à un argument sérieux.

La vérité simple est que "nos valeurs", celles que nous serions tous courageusement appelés à défendre, sont en fait les valeurs déposées en banque par les principaux acteurs des pays occidentaux, une élite transnationale, domiciliée dans les paradis fiscaux, prête à mettre en pièces et à vendre au plus offrant n'importe quoi : histoire, culture, affections, dignité, territoires, personnes, santé. Et nous, les plébéiens dépossédés et les petits-bourgeois harassés, sommes préparés à un futur appel aux armes pour les défendre".

L'Occident ne constitue pas un modèle démocratique universel, ni un système crédible de valeurs éthiques. Chacun connaît les conséquences désastreuses de 20 ans d'exportation armée des droits de l'homme et des valeurs de la démocratie libérale occidentale contre les dits "Etats voyous", coupables de ne pas se soumettre à la domination américaine.

Au contraire, une dérive autoritaire de l'Occident est prévisible, comme le laisse présager la planification néolibérale mondiale du "Great Reset". En fait, l'objectif est d'établir en Occident une structure économique et politique autoritaire capable de s'opposer à l'efficacité et à la fonctionnalité du capitalisme autoritaire chinois, qui s'est révélé tellement plus efficace que l'Occident qu'il est en train de saper la primauté de la puissance américaine.

Le néolibéralisme de la quatrième révolution industrielle ne rendra pas démocratique l'Est de la Chine, mais il rendra totalitaire l'Ouest lui-même.

mardi, 29 septembre 2020

La hegemonía y sus armas El dominio que no es percibido como tal por aquellos sobre los que se ejerce

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La hegemonía y sus armas

El dominio que no es percibido como tal por aquellos sobre los que se ejerce

Adriano Erriguel 

Ex: https://www.gramscimania.info.ve  

El gran tablero –decía Zbigniev  Brzezinski– Rusia es la pieza a batir. El juego se llama hegemonía. Mal se comprenderá el sentido de la nueva “guerra fría” si no se la sitúa en el contexto de una batalla global por la hegemonía.  Antonio Gramsci daba una definición precisa de ese término. “Hegemonía” es –según el teórico italiano– “el dominio que no es percibido como tal por aquellos sobre los que se ejerce”. La hegemonía no necesita ser enfatizada ni declarada, existe como un hecho, es más implícita que expresamente declarada. El liberalismo occidental – desde el momento en que hoy es percibido como la realidad objetiva, como la única posible  – es una forma de hegemonía. La otra forma, complementaria de la anterior, es la hegemonía norteamericana.

La hegemonía cuenta hoy con dos instrumentos principales. Uno de ellos es la proyección del poder político, económico y militar de Estados Unidos como gendarme universal y como “imperio benéfico”. Es el unipolarismo reivindicado sin tapujos por los  neoconservadores norteamericanos. La otra  manera – tanto o más efectiva a la larga – es la “globalización” entendida como diseminación de los valores occidentales. Se trata, ésta, de una “hegemonía disfrazada”, en cuanto no se ejerce en nombre de un solo país, sino en nombre de unos códigos supuestamente universales pero que sitúan a Occidente en la posición de “centro invisible”.[1]

Las armas de esta forma de hegemonía son ante todo culturales. Una gran empresa de exportación de “Occidente” al conjunto de la humanidad. Quede claro que todo ello no responde a una lógica “conspirativa” sino sistémica: Occidente es un gran vacío que no puede cesar de expandirse. “El desierto crece”, que decía Nietzsche. Cuando los países tratan de defender su relativa independencia, la hegemonía forma su “quinta columna”. Aquí hay una cierta ironía de la historia. De la misma forma en que la Unión Soviética utilizaba a los partidos comunistas locales como “quinta columna” para la subversión del mundo capitalista, los Estados Unidos utilizan hoy a sus filiales de la “sociedad civil” como agentes de subversión de las sociedades tradicionales.

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Las “revoluciones de colores” o el amago de la “revolución de la nieve” en Moscú ofrecen ejemplos de manual. Las elites globalizadas y consumistas, las ONGs engrasadas con dinero occidental, los medios de comunicación “independientes”, las llamadas “clases creativas” – burgueses-bohemios, artistas “transgresores”, minorías sexuales organizadas – y una juventud estandarizada en la cultura de masas, imbuida de una sensación de protagonismo. Todos ellos pueden ser –convenientemente trabajados por el soft power–  eficaces agentes de aculturación. Esto es, de imposición de los valores y de los cambios deseados desde el otro lado del Atlántico. Difusión de ideas y valores, ahí está la clave. Los programas de intercambio académico son tan necesarios como el agit-prop cultural. La formación de elites de recambio en Occidente es un elemento esencial de todo el proceso.

La batalla del soft power no consiste en dos ejércitos bien alineados, con fuerzas disciplinadas lanzándose a la carga. Consiste más bien en una cacofonía en la que innumerables voces pugnan por ser oídas. De lo que se trata es de orientar el sentido de esa cacofonía. La clave de la victoria reside en una idea: quien impone el terreno de disputa, condiciona el resultado. Por ejemplo, si el terreno de disputa es la dialéctica  “valores modernos versus valores arcaicos”, está claro que el bando que impone esa visión del mundo llevará siempre la ventaja. Cuando el  adversario intente “modernizar” sus valores –conforme a la idea de “modernidad” suministrada por la otra parte–  estará implícitamente desautorizándose y  reconociendo su inferioridad. La insistencia del soft power occidental en erosionar una serie de consensos sociales caracterizados como “tradicionales” se inscribe en esa dinámica: ése es su terreno de disputa.[2]

La fractura del vínculo social

Entre jóvenes y viejos, mujeres y hombres,  laicos y creyentes, “progresistas” y “conservadores”. Los llamados “temas societales” son un instrumento privilegiado por su capacidad de generar narrativas victimistas, idóneas para ser amplificadas por el show-business internacional. El objetivo es siempre proyectar una imagen opresiva, odiosa e insufrible del propio país – preferentemente entre los más jóvenes y los sectores occidentalizados – y crear una masa social crítica portadora de los valores estadounidenses.[3]

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Se trata de una apuesta a medio o largo plazo que en Rusia se enfrenta a no pocas dificultades. La desintegración de la Unión Soviética coincidió con un  vacío de valores que dio paso al cinismo, a la degradación moral y a una asunción acrítica de los códigos de Occidente. Los oligarcas apátridas fueron la manifestación de ese “capitalismo de frontera” que sería reconducido, en tiempos de Putin, hacia una especie de “capitalismo nacional”. Pero la memoria es todavía reciente. La ofensiva occidental de “poder blando” es percibida, por gran parte de la población rusa, como un intento agresivo de revertir el país hacia los años de Yelstin: la época de los “Chicago boys”, de los odiados oligarcas y del caos social.

La realidad es que Rusia ha tenido su dosis de revoluciones. Los intentos de generar entre los rusos el desprecio por su propio país y el deseo mimético por Occidente chocan contra un muro de resistencia popular. Decía el líder socialista Jean Jaurès: “para quienes no tienen nada, la patria es su único bien”. Seguramente la hegemonía necesitará, para remodelar un país a su deseo, algo más que una revuelta de los privilegiados. La tentación es entonces pisar el acelerador.

La ofensiva del caos

El Imperio posmoderno se distingue por una peculiar fusión entre orden y caos.  La difusión viral de principios individualistas erosiona las sociedades tradicionales – basadas en principios holistas – y provoca un caos del que el Imperio extrae su beneficio. Una reformulación posmoderna del “divide y vencerás”. Es el Chaord (síntesis de orden y caos) del que hablan los postmarxistas Toni Negri y Michael Hardt. Es la Doctrina del shock, de la que habla Naomí Klein. Es el Imperio del Caos, en expresión del periodista brasileño Pepe Escobar. Quede claro que el Chaord no se limita, ni mucho menos, a operaciones de poder blando. El Chaord es una panoplia, una espiral, una “guerra en red” en la que el soft power se complementa con el hard power: desestabilización política, terrorismo y guerra.

En el año 2013 los Estados Unidos experimentaron, en su pulso contra Rusia, una serie de contratiempos diplomáticos. En Siria, una mediación rusa de última hora frustró el ataque que ya había sido anunciado por Washington contra el régimen de Hafez El Assad. La mediación rusa jugó igualmente un papel esencial para evitar otra escalada de sanciones contra Irán. Por si fuera poco, Rusia concedió asilo político a Edward Snowden, el desertor que había expuesto a la luz las actividades de espionaje masivo de los Estados Unidos. Y para rematar el año el gobierno de Ucrania anunció que no firmaría el esperado “Acuerdo de Asociación” con la Unión Europea, y que sí firmaría un acuerdo con Rusia que abría una perspectiva de ingreso en la Unión Eurasiática.

Había llegado la hora de demostrar lo que el Imperio era capaz de hacer.

El modelo de Maidán

“Ucrania es un pivot geopolítico –escribía Zbigniew Brzezinski en 1997– porque su mera existencia como Estado independiente ayuda a transformar Rusia. Sin Ucrania, Rusia deja de ser un imperio eurasiático. Sin embargo, si Rusia recupera el control de Ucrania, con sus 52 millones de habitantes y sus reservas, aparte de su acceso al Mar Negro, Rusia automáticamente recupera la posibilidad de ser un Estado imperial poderoso, que se extiende entre Europa y Asia”. El gran Tablero –el libro firmado por Brzezinski en 1997– es considerado por muchos como un anteproyecto de lo que ocurriría años más tarde en la “revolución de Maidán”.

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La “revolución naranja” de 2004, auspiciada por Estados Unidos en Ucrania, no dio los resultados esperados. Tras varios años de corrupción,  de degradación del nivel de vida y de querellas intestinas, las elecciones presidenciales de 2010 – convenientemente validadas por la OSCE – dieron la victoria al pro-ruso “Partido de las Regiones” de Victor Yanukovich. El gobierno de Yanukovich retomó las negociaciones que el anterior gobierno pro-occidental había emprendido para firmar un Acuerdo de Asociación con la Unión Europea. Las pretensiones rusas de tener voz en esas negociaciones fueron rechazadas como intentos de injerencia. Conviene tener presente, a esos efectos, que Rusia estaba previamente vinculada a Ucrania por una red de acuerdos comerciales y que la economía rusa se vería inevitablemente afectada por el Acuerdo de Asociación. Pero Bruselas planteó a Kiev la negociación como un chantaje: o con Rusia o con Europa.[4]

Una elección extravagante, si tenemos en cuenta no sólo la vinculación milenaria entre Rusia y Ucrania – el Principado de Kiev fue, en el siglo X, el origen histórico de Rusia – sino la absoluta imbricación económica, lingüística, cultural y humana entre ambos pueblos. Más allá de todo eso la preocupación de Moscú era otra: el riesgo de la posible extensión de la OTAN hasta el corazón mismo del “mundo ruso”. Si bien la aproximación  a la Unión Europea no estaba vinculada a la negociación con la Alianza Atlántica, todos los precedentes demuestran que el camino hacia ambas organizaciones es paralelo. Y para Rusia la perspectiva de ceder a la OTAN su base naval en Crimea – territorio ruso “regalado” por Nikita Krushov a Ucrania en 1954 – era una línea roja absoluta, como lo es la perspectiva de ver instalados los sistemas balísticos norteamericanos en sus fronteras.

El 21 de noviembre de 2013 –ante la sorpresa de todos–  el Presidente Yanukovich anunció que no firmaría el Acuerdo con Bruselas. El motivo esgrimido: frente a los 1.000 millones de dólares ofrecidos por la Unión Europea, Rusia ofrecía 14.000 millones de dólares más una rebaja del 30% sobre el precio del gas ruso. Un gas del que Ucrania es completamente dependiente. La oferta rusa había pesado más que la realidad del panorama “europeo” que se abría ante Ucrania: reconversión económica salvaje; liquidación a precio de saldo de su industria siderometalúrgica; reparto de sus recursos mineros y agrícolas (entre Alemania y Francia, principalmente); pérdida del mercado ruso; subida del precio del gas; emigración masiva de la población a Europa;  terciarización de su economía y conversión de Ucrania en un gigantesco mercado para los productos europeos. Las rutinas de la globalización.

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A partir de noviembre 2013 comenzaron a sucederse en Kiev las protestas de la población, movilizada por una idea de “Europa” como panacea y exasperada por la corrupción rampante.[5] Las protestas se radicalizaron hasta devenir batallas campales en torno a la plaza de Maidán, el epicentro de la protesta. Las barricadas de Maidán presenciaron un inédito desfile de dignatarios, ministros y atildados funcionarios norteamericanos y europeos, desplazados hasta Kiev para animar la revuelta. Los líderes occidentales no dudaron en fomentar la violencia contra un gobierno que, por muy corrupto que fuera, había sido democráticamente elegido. La historia es bien conocida. El 21 de febrero de 2014 Victor Yanukovich firmaba un acuerdo – patrocinado por Alemania, Francia y Polonia – en el que cedía en todas sus posiciones y acordaba organizar elecciones presidenciales. Al día siguiente tenía que huir para salvar su vida.

La revolución de Maidán es algo más que la crisis puntual de un “Estado fallido”. Es todo un paradigma. Es un recital de técnicas de “guerra en red”. Es la demostración de cómo alimentar una crisis, una espiral de violencia, de anarquía y de guerra en un período mínimo de tiempo. Al igual que en Libia, que en Siria, que en Irak, pero en Europa. Es el “modus operandi” del Imperio del caos. Es todo un modelo: el “modelo ucraniano” para nuestra Europa. Conviene retener varias imágenes.

La escalada El  “poder blando”

La Vicesecretaria de Estado norteamericana Victoria Nuland declaró, a fines de 2013, que desde 1991 los Estados Unidos habían gastado 5.000 millones de dólares para fomentar en Ucrania una “transición democrática” a su gusto. La red de ONGs, de medios de comunicación, de activistas y de políticos locales promovida por el “poder blando” norteamericano había dado sus resultados en la “revolución naranja” de 2004, que por la incompetencia de sus líderes se saldó con un fiasco. Diez años más tarde las apuestas habían subido. Frente a un adversario cada vez más alerta habría que actuar de forma contundente. Algo que no podía confiarse al circo de la “sociedad civil”. Haría falta la intervención de elementos más curtidos.

Los tontos útiles

Cuando en invierno de 2014 el “Euromaidan” entró en su fase “caliente” las Berkut (fuerzas especiales de la policía ucraniana) se vieron desbordadas. Y no era precisamente ante hipsters liberales blandiendo i-pads último modelo. Las bandas neonazis de Pravy Sektor (Sector derecha) y las milicias del partido nacionalista Svoboda, con su disciplina hoplita, fueron el factor clave que elevó la violencia a niveles intolerables para las autoridades, que eligieron la desbandada ante el riesgo de provocar una guerra civil.

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Tras la caída de Yanukovich el partido Svoboda obtuvo algunos ministerios y cargos en las estructura de seguridad del Estado, mientras que sus activistas se integraban en la Guardia Nacional y eran expedidos al frente del Donbass, supervisados por instructores norteamericanos. A la espera de ser enviados, cuando hayan concluido sus servicios, al basurero de la historia. [6]    

La "falsa bandera"

El 20 de febrero 2013 tuvo lugar un evento que forzó el cambio de régimen. Más de 100 manifestantes y policías fueron abatidos o heridos en las calles por francotiradores incontrolados. El suceso provocó una oleada de indignación internacional contra Yanukovich, inmediatamente acusado de promover la matanza (con Rusia como “instigadora”). El cambio de régimen era cuestión de horas. Pero en los días posteriores, numerosos indicios y análisis independientes comenzaron a apuntar que los disparos procedían de sectores controlados por el Maidán…

Se llama “operaciones de falsa bandera” a aquellos ataques realizados de tal forma que pueden ser atribuidos a países o a entidades distintas de los auténticos autores. Son también los casos en los que la violencia es ejercida por organizaciones o ejércitos que, lo sepan o no, están controlados por las “victimas”. La indignación moral y su rentabilización son las mejores palancas para desencadenar una guerra.[7]

El Kaganato

La visibilidad neonazi en el Maidán fue un regalo propagandístico para Rusia, que pudo así movilizar los recursos emocionales de la “resistencia contra el fascismo”. Como resulta que para el mundo occidental Putin es “neo-estalinista” se estableció así un anacrónico juego de estereotipos. Lo cierto es que el régimen de Kiev no es fascista. Se trata de un sistema oligárquico, dirigido por un gobierno semicolonial revestido de formas democráticas.[8]

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El régimen de Kiev es un ectoplasma de la estrategia neocon norteamericana: cerco geopolítico de Rusia, prevención de la integración económica continental – para lo cual se precisa una nueva guerra fría – y exportación agresiva del modelo norteamericano. Victoria Nuland – patrocinadora del cambio de régimen  –  y su marido, el teórico “neocon” Robert Kagan, sintetizan en pensamiento y obra el trasfondo real del Maidán. Kagan fue uno de los gurús de la invasión de Irak y de la política intervencionista que favoreció la destrucción de Libia, la guerra civil en Siria y – como efectos indirectos – la expansión de Al-Qaeda y el surgimiento del ISIS. El “Kaganato” – expresión acuñada por el periodista Pepe Escobar – es la Ucrania dividida, ensangrentada, troquelada por el pensamiento Kagan. Una operación en la línea de las anteriores chapuzas. Nueva cortesía – dedicada esta vez a los europeos – del Imperio del caos.[9]

¿Otra guerra fría?

El Euromaidan nos sitúa ante un escenario inédito. Un gobierno legítimo puede ser derrocado en la calle si la violencia se acompaña de una dosis adecuada de “poder blando” que la justifique. Un ejemplo ante el que muchos, en Europa, deben haber tomado nota. 

Para alcanzar sus fines la agenda ideológica mundialista no duda en convocar a las fuerzas del caos. Tras cosechar resultados en diversas partes del mundo – la situación del mundo islámico es un buen ejemplo – los aprendices de brujo se vuelven hacia una Europa donde los secesionismos, la crisis inmigratoria y las explosiones de violencia social están a la orden del día. Todo ello en un contexto de pauperización provocada por el neoliberalismo. Ofuscado por sus propias quimeras, el sistema pierde sus referencias y se confunde con el antisistema. El relativismo posmoderno de las democracias europeas abre un camino hacia su suicidio.[10]

Por de pronto en Europa ha estallado otra guerra. Amparándose en el precedente de Kosovo, el Kremlin reincorporó Crimea al seno de Rusia tras obtener el apoyo de la población local, expresado en referéndum. Una decisión que demuestra que Moscú no cederá su espacio estratégico a la OTAN.[11] La rebelión de las regiones pro-rusas de Donetsk y Lugansk – situadas en la cuna histórica de Rusia y de su cultura – ha sellado el punto de no retorno. Alemanes, franceses, italianos y españoles se ven convertidos en rehenes de los gobiernos del Este de Europa – serviles comparsas de Washington – y de su rencor mal digerido hacia Rusia.[12]

La nueva guerra fría responde a una apuesta estratégica: la fidelización norteamericana de sus vasallos europeos; la disrupción de los proyectos de integración energética entre Rusia y Europa (perjudiciales para la competencia anglosajona); el lanzamiento de una nueva carrera armamentística (a beneficio del mayor exportador de armas del mundo); el impulso a la globalización de la OTAN y, sobre todo, el alejamiento de la auténtica pesadilla de Washington: la alianza geopolítica entre Alemania, Francia y Rusia. Una alianza que fue amagada en 2003, en vísperas de la guerra de Irak.

El enfrentamiento entre la Unión Soviética y el mundo capitalista fue una lucha entre dos concepciones del mundo. ¿Puede decirse lo mismo de la nueva guerra fría?

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¡Sin duda alguna!, responden los voceros del atlantismo: es la lucha cósmica entra la “sociedad abierta” y sus enemigos. Claro que estos portavoces suelen aplicar la “reductio ad hitlerum” y la “reductio ad stalinum” a todo lo que no encaje en sus designios. Y así se van sucediendo (como observaba el admirable Philippe Muray) los “Hitler” o “Stalin” de temporada. Siguiendo con la analogía, todos los que no se plieguen a los planes del Pentágono serán cómplices de nuevas capitulaciones de Munich. Pretendidos expertos en política internacional nos explican que el mundo libre se enfrenta a un expansionismo megalómano, a una hidra que tan pronto es Hitler, tan pronto Stalin, tan pronto ambos a la vez. Evidentemente todo eso tiene poco que ver con la realidad. [13]

¿En qué consiste entonces el enfrentamiento con Rusia? ¿Se trata de un mero  enfrentamiento geopolítico y estratégico? ¿O hay algo más? ¿Cuál es la dimensiónmetapolítica de esta nueva guerra fría?

Notas

[1]Alexander Duguin, Putin versus Putin. Vladimir Putin viewed from the Right. Arktos 2014, Edición Kindle.

[2] Otra cosa sería que el terreno de disputa sea, por ejemplo, la dialéctica: “soberanía versushegemonía ”, “el pueblo versus las elites” , “valores arraigados versus valores de mercado” o “economía social versus neoliberalismo”.

[3] Aquí entra en escena la ideología “de género”, el activismo gay  y episodios como el del grupo punk Pussy Riot en la Catedral de Moscú, provocaciones tras de las que se adivina la mano de los chicos de Langley.
Adriano Erriguel, Alabados sean los gays.

[4] El Presidente de la Comisión Europea Durán Barroso declaró en febrero 2013 que “El acuerdo de Asociación con la Unión Europea es incompatible con la pertenencia a otra unión aduanera”, en referencia directa a las negociaciones que a esos efectos Ucrania estaba manteniendo paralelamente con Rusia, Bielorrusia y Kazajstán.

[5] Conviene subrayar que la corrupción es la constitución real de Ucrania desde su independencia en 1991, y no es por tanto algo privativo del gobierno Yanukovich. Carente de toda tradición estatal –Ucrania jamás fue independiente antes de 1991– el elemento vertebrador del país son los clanes de hombres de negocios (los“oligarcas”).  Ejemplo sobresaliente de la corrupción ucraniana es Yulia Timoshenko, la multimillonaria heroína de la “revolución naranja” (también conocida como “la Princesa del gas”), celebrada en occidente como una democrática Juana de Arco.

[6] La colaboración de la CIA con el movimiento neonazi ucraniano tiene una larga historia. Concluida la segunda guerra mundial los restos del Ejército Insurgente Ucraniano de Stefan Bandera (formado durante la ocupación nazi) se convirtió en un instrumento de la agencia norteamericana, que estuvo organizando operaciones de sabotaje en Ucrania hasta finales de los años 1950. En la Ucrania independiente los partidos neofascistas fueron siempre marginales, excepto en la parte occidental de Galitzia, la zona más antirrusa de Europa. En las elecciones locales de 2009 el partido Svoboda (Libertad) obtuvo notables resultados en esa zona. La peculiaridad de los ultras ucranianos es su odio a Rusia, su hiperactivismo y su militarización. Dos meses antes del Maidán, 86 activistas neonazis de Pravy Sektor recibieron entrenamiento en instalaciones policiales en Polonia, según reveló la revista polaca NIE.

[7] Semanas después de estos sucesos se divulgaba en Internet la grabación de una conversación telefónica entre la Alta Representante de la UE, Sra. Ashton, y el Ministro de Asuntos Exteriores de Estonia, Urmas Paet, en la cuál éste señalaba (citando fuentes médicas sobre el terreno) que el nuevo gobierno no estaba interesado en investigar los asesinatos y que todo apuntaba a que los autores de los disparos estaban vinculados a la oposición. http://www.youtube.com/watch?v=kkC4Z67QuC0.

Diversas investigaciones independientes corroboraron posteriormente esta hipótesis. Desde entonces, en los medios mainstream occidentales un espeso silencio rodea a estos sucesos, mientras que el gobierno ucraniano y Rusia siguen acusándose mutuamente de la matanza. Las causas del derribo del avión de las líneas aéreas de Malasia, en julio 2014, continúan también sumidas en la confusión.  

[8] En su famosa conversación telefónica (Fuck the European Union!) difundida en Internet la Vicesecretaria de Estado Nuland dictaba a su Embajador en Kiev, días antes de la caída de Yanukovich, el nombre del próximo Primer Ministro ucraniano: Arseni Yatseniuk, un veterano de la banca anglosajona. En mayo de 2014 el oligarca Poroshenko ganaba unas elecciones presidenciales celebradas en un clima de violencia, con una abstención cerca del 60%. Apenas un 20% de electores inscritos votó por el nuevo Presidente. El gobierno formado por Yatseniuk en diciembre 2014 cuenta con tres extranjeros: una norteamericana, un lituano y un georgiano-norteamericano, reclutados en un casting controlado por la Fundación Soros. En la región de Odessa – de fuerte sentimiento prorruso – Mikhail Saakhasvili, el antiguo peón de los Estados Unidos en Georgia, fue nombrado gobernador en mayo 2015.

[9] Rafael Poch, "El kaganato de Kiev y otras historias". 

[10] El analista Martin Sieff, colaborador de The Globalist, lo expresa del siguiente modo:  “ Es una decisión catastrófica, revolucionaria. Contiene implicaciones mucho más peligrosas de lo que nadie en Estados Unidos o en Europa Occidental parece dispuesto a reconocer. Está situando a la Unión Europea y a los Estados Unidos en el bando del caos revolucionario y del desorden no solamente en otros países del mundo, sino también en el corazón de Europa. (…) Las mismas fuerzas que intentan romper Ucrania son las mismas que intentan desestabilizar otras naciones europeas. Si las sublevaciones callejeras hubieran tenido lugar en España, Francia, Italia o Gran Bretaña, Europa no estaría alentando a las fuerzas de la destrucción. Entonces, ¿por qué lo hacen en Ucrania? Martin Sieff, Entrevista en RT, 21 de febrero 2014.  http://rt.com/op-edge/us-blaming-ukraine-violence-catastrophic-012/

[11] Cabe subrayar que, a diferencia de Crimea, en Kosovo la independencia se decidió en 2008 tras una limpieza étnica, por  un Parlamento dominado por albaneses y sin referéndum ni consulta a la población.

 [12] Elemento determinante de la sublevación del Este de Ucrania fue la decisión de las nuevas autoridades de prohibir el idioma ruso, en un país en que es hablado por  el 70% de la población. La medida fue derogada días más tarde (bajo presión occidental) pero el efecto causado entre la población local fue irreversible.    

[13] En el “Pacto de Múnich” en 1938, las democracias occidentales cedieron ante las pretensiones de Hitler de anexionarse el territorio de los sudetes en Checoslovaquia, en un vano intento de evitar la guerra. Un ejemplo de letanía tremendista: Hermann Tertscht en este artículo de ABC.

 

Nota del Editor: Este artículo forma parte de una serie escrita por Adriano Erriguel  y titulada “Rusia, metapolítica del otro mundo” (VII)

dimanche, 16 février 2020

Hegemon américain: le chant des sirènes

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Hegemon américain: le chant des sirènes

 
 
par Pepe Escobar
Ex: http://www.zejournal.mobi

Une grande partie de l’Occident libéral considère l’interprétation américaine de la civilisation comme une sorte de loi immuable de la nature. Mais, et si cette interprétation était au bord d’une rupture irréparable ?

Michael Vlahos a exposé que les États-Unis ne sont pas un simple État-nation mais un « leader de système » (un "hegemon") – « une puissance civilisationnelle comme Rome, Byzance et l’Empire ottoman ». Et, faut-il ajouter, la Chine – qu’il n’a pas mentionnée. Un leader de système est « un cadre identitaire universaliste lié à un État. Cette position est utile car les États-Unis possèdent clairement ce cadre identitaire aujourd’hui ».

414CnrU9NyL._SX313_BO1,204,203,200_.jpgDans un essai virulent, Alastair Crooke, notre indéfectible allié issu du renseignement, approfondit la manière dont cette « vision civilisationnelle » a été « déployée avec force à travers le monde » comme une expression inévitable de la Destinée manifeste [1] des Américains : non seulement politiquement – avec tout l’attirail de l’individualisme et du néo-libéralisme occidentaux, mais aussi en combinaison avec « les valeurs du judéo-christianisme ». [2]

Crooke note également à quel point l’élite du pays croit dur comme fer que sa victoire dans la Guerre froide a « affirmé de façon spectaculaire » la supériorité de la vision civilisationnelle américaine.

Eh bien, la tragédie post-moderne – du point de vue des élites américaines – est que cela pourrait bientôt ne plus être le cas. La sordide guerre civile qui fait rage à Washington depuis trois ans – avec le monde entier comme spectateurs stupéfaits – a encore accéléré le malaise.

Souvenons-nous de la Pax Mongolica

Il est inquiétant de constater que la Pax Americana est peut-être condamnée à une existence historique plus courte que la Pax Mongolica – créée après que Gengis Khan, le chef d’une nation nomade, eut entrepris de conquérir le monde.

Genghis a d’abord investi dans une offensive commerciale pour s’emparer des Routes de la Soie, écrasant les Kara-Kitais du Turkestan oriental, conquérant le Khorezm islamique et annexant Boukhara, Samarcande, la Bactriane, le Khorassan et l’Afghanistan. Les Mongols ont atteint la périphérie de Vienne en 1241 et l’Adriatique un an plus tard.

Cette superpuissance de l’époque s’étendait du Pacifique à l’Adriatique. Il est difficile de s’imaginer le choc pour la Chrétienté occidentale. Le pape Grégoire X n’avait qu’une seule idée, qui étaient ces conquérants du monde et pouvaient-ils être christianisés ?

Parallèlement, seule une victoire des Mamelouks égyptiens en Galilée, en 1260, a sauvé l’Islam d’une annexion à la Pax Mongolica.

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La Pax Mongolica – une puissance unique, organisée, efficace et tolérante – a coïncidé historiquement avec l’âge d’or des Routes de la soie. [3] Kubilai Khan – le maître de Marco Polo – voulait être plus chinois que les Chinois. Il voulait prouver que les conquérants nomades, devenus sédentaires, pouvaient apprendre les règles de l’administration, du commerce, de la littérature et même de la navigation.

Pourtant, à la mort de Kubilai Khan, l’empire s’est fragmenté en khanats rivaux. L’Islam en a tiré profit. Tout a changé. Un siècle plus tard, les Mongols de Chine, de Perse, de Russie et d’Asie centrale n’avaient déjà plus rien à voir avec leurs ancêtres cavaliers.

Un saut dans le jeune XXIe siècle montre que l’initiative, historiquement, se trouve à nouveau du côté de la Chine, à travers le Heartland et le Rimland. Les entreprises qui changent le monde et les règles du jeu ne sont plus originaires d’Occident, comme ce fut le cas du XVIe siècle à la fin du XXe siècle.

Malgré tous les vœux pieux pour que le coronavirus fasse dérailler le « siècle chinois », qui sera en fait le siècle eurasiatique, et au milieu du tsunami myope de la diabolisation des nouvelles Routes de la soie, il est toujours facile d’oublier que la mise en œuvre d’une myriade de projets chinois n’a même pas encore commencé.

C’est en 2021 que tous ces corridors et axes de développement continental devraient s’accélérer à travers l’Asie du Sud-Est, l’océan Indien, l’Asie centrale, l’Asie du Sud-Ouest, la Russie et l’Europe, parallèlement à la Route maritime de la soie, qui prépare un véritable collier de perles eurasiennes, de Dalian [en Chine, NdT] jusqu’au Pirée en passant par Trieste, Venise, Gênes, Hambourg et Rotterdam.

Pour la première fois depuis deux millénaires, la Chine est en mesure de combiner le dynamisme de l’expansion politique et économique à la fois sur le plan continental et maritime, ce que l’État n’avait pas connu depuis le court périple expéditionnaire mené par l’amiral Zheng He dans l’océan Indien, au début du XVe siècle. L’Eurasie, dans un passé récent, vivait sous le joug colonial occidental et soviétique. Aujourd’hui, elle passe à la multipolarité – dans une série de permutations complexes et évolutives emmenées par la Russie, la Chine, l’Iran, la Turquie, l’Inde, le Pakistan et le Kazakhstan.

Aucun des acteurs ne se fait d’illusions sur les obsessions du « leader du système » : empêcher l’Eurasie de s’unir sous une seule puissance – ou une coalition telle que le partenariat stratégique Russie-Chine ; veiller à ce que l’Europe reste sous l’hégémonie des États-Unis ; empêcher l’Asie du Sud-Ouest – le « Grand Moyen-Orient », si vous préférez – d’être liée aux puissances eurasiennes ; et empêcher par tous les moyens la Russie-Chine d’avoir un accès facile aux voies maritimes et aux corridors commerciaux.

Le message de l’Iran

Pendant ce temps, un soupçon s’installe : le plan de l’Iran, en écho à la guerre du Donbass de 2014, pourrait consister à aspirer les néocons américains dans un chaudron à la russe, [4] au cas où leur obsession du changement de régime deviendrait encore plus hystérique.

Il existe une possibilité sérieuse pour que, sous pression maximale, Téhéran abandonne définitivement le JCPOA ainsi que le TNP (Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires), invitant ainsi ouvertement une attaque américaine.

En l’état actuel des choses, Téhéran a envoyé deux messages très clairs. La précision de l’attaque de missiles sur la base américaine d’Ayn Al-Asad en Irak, en réponse à l’assassinat ciblé du général de division Qassem Soleimani, signifie qu’aucune base du vaste réseau militaire américain n’est désormais invulnérable.

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Et le brouillard des dénis de non-déni qui entoure la destruction du Battlefield Airborne Communications Node de la CIA (BACN) – essentiellement un nid à espions volant – à Ghazni, en Afghanistan, est également porteur d’un message.

La star de la CIA Mike d’Andrea, connu sous les noms « Ayatollah Mike », le « Croque-mort », le « Prince noir », ou tout ce qui précède à la fois, peut ou non avoir fait partie des victimes. Indépendamment du fait qu’aucune source du gouvernement américain ne confirmera ou ne niera jamais que l’Ayatollah Mike soit mort ou vivant, ou même qu’il existe, le message reste le même : vos soldats et vos espions sont également vulnérables.

Depuis Pearl Harbor, aucune nation n’avait osé prendre de haut le leader du système de façon aussi flagrante que l’a fait l’Iran en Irak. Vlahos a mentionné une chose que j’ai pu constater par moi-même en 2003, à savoir que « les jeunes soldats américains qualifiaient les Irakiens ‘d’Indiens’, comme si la Mésopotamie était le Far West ». La Mésopotamie est l’un des principaux berceaux de la civilisation telle que nous la connaissons. Eh bien, en fin de compte, les 2 000 milliards de dollars dépensés pour bombarder l’Irak en vue d’y apporter la démocratie n’ont pas joué en faveur de la vision civilisationnelle du « leader du système ».

Les sirènes et la dolce vita

Ajoutons maintenant de l’esthétique à notre politique « civilisationnelle ». Chaque fois que je visite Venise – qui est en elle-même un reflet vivant de la fragilité des empires et du déclin de l’Occident – je choisis certaines étapes des Cantos, le chef-d’œuvre d’Ezra Pound.

En décembre dernier, après de nombreuses années, je suis retourné à l’église Santa Maria dei Miracoli, également connue sous le nom de « La boîte à bijoux », qui joue un rôle de premier plan dans les Cantos. En arrivant, j’ai dit à la signora gardienne que j’étais venu pour voir « Les sirènes ». Avec un sourire complice, elle a éclairé mon chemin le long de la nef jusqu’à l’escalier central. Et elles étaient là, sculptées sur des piliers des deux côtés d’un balcon : « des colonnes de cristal, des acanthes, des sirènes sur les chapiteaux », comme on peut le lire dans le Canto 20.

monumento_funebre_al_doge_andrea_vendramin_02.jpgCes sirènes ont été sculptées par Tullio et Antonio Lombardo, fils de Pietro Lombardo, maîtres vénitiens de la fin du XVe et du début du XVIe siècle – « et Tullio Romano a sculpté les sirènes, comme le dit l’ancienne gardienne : de sorte que depuis lors, personne n’a pu en sculpter d’autres pour la boîte à bijoux, Santa Maria dei Miracoli », comme on peut le lire dans le Canto 76.

Pound s’est trompé sur les noms des créateurs des sirènes, mais là n’est pas la question. La question est la façon dont Pound voyait les sirènes comme l’incarnation d’une culture forte – « la perception de tout un âge, d’une accumulation de savoirs et d’une séquence de causes, est entrée dans un assemblage de détails dont il serait impossible de parler en termes de portée », comme l’écrit Pound dans Guide to Kulchur.

Autant que ses chefs-d’œuvre chéris de Giovanni Bellini et Piero della Francesca, Pound a bien compris que ces sirènes étaient l’antithèse de l’usura – « l’art » de prêter de l’argent à des taux d’intérêt exorbitants, qui non seulement prive une culture du meilleur de l’art, comme le décrit Pound, mais qui est aussi l’un des piliers de la financiarisation et de la marchandisation totales de la vie elle-même, un processus que Pound avait brillamment prévu lorsqu’il a écrit dans Hugh Selwyn Mauberley que, « toutes les choses sont en perpétuel changement, a dit le Sage Héraclite ; mais une vulgarité bon marché régnera tout au long de nos jours.” [5]

aff_dolce_vita-1.jpgLa dolce vita aura 60 ans en 2020. Tout comme les sirènes de Pound, le tour de force aujourd’hui légendaire de Fellini à Rome est comme un palimpseste en celluloïd noir et blanc d’une époque révolue, la naissance des Swingin’ Sixties. Marcello (Marcello Mastroianni) et Maddalena (Anouk Aimée), impossiblement cool et chic, apparaissent comme la dernière femme et le dernier homme avant le déluge de « vulgarité bon marché ». À la fin, Fellini nous montre Marcello désespéré par la laideur et, oui, la vulgarité qui s’immiscent dans son magnifique mini-univers – l’esquisse de la culture trash fabriquée et vendue par le ‘leader du système’ qui allait rapidement nous engloutir tous.

Pound était un non-conformiste américain humain, trop humain, au génie classique débridé. Le ‘leader du système’ l’a mal interprété, l’a traité en traître, l’a mis en cage à Pise et l’a envoyé dans un hôpital psychiatrique aux États-Unis. Je me demande encore s’il a pu voir et apprécier La dolce vita dans les années 1960, avant de mourir à Venise en 1972. Après tout, il y avait un petit cinéma à quelques pas de la maison de la rue Querini, où il vivait avec Olga Rudge.

« Marcello ! » Nous sommes encore hantés par le chant de sirène d’Anita Ekberg, debout dans la Fontana di Trevi. Aujourd’hui, toujours otages de la vision civilisationnelle du ‘leader du système’ en déliquescence, nous réussissons à peine à jeter, comme l’a mémorablement écrit TS Eliot, « un demi-regard en arrière, par-dessus notre épaule, vers la terreur primitive ».

Traduction et introduction Entelekheia

Note de la traduction:

[1] Sur la « Destinée manifeste », doctrine fondatrice des USA, voir l’article : Aux origines de l’exceptionnalisme des USA : la « Destinée manifeste »

[2] « les valeurs du judéo-christianisme » : en fait, les valeurs protestantes. Voir à ce sujet Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1904-1905), en libre téléchargement ici. 

[3] L’entreprise commerciale historique des « Routes de la soie » (IIe siècle av.J.C. – XIVe siècle après J.C.) s’appelait encore récemment la Route de la soie, au singulier. Mais sa réouverture par Xi Jinping a fait émerger un problème : le public la voyait comme une route unique, de Chine jusqu’au cœur de l’Europe, et non comme ce qu’elle était en réalité, un réseau dense de routes, de relais, de carrefours et de pistes caravanières étendues à partir de Chine sur toute l’Asie centrale, l’Europe centrale et le Moyen-Orient. De sorte que le pluriel a été adopté pour mieux la définir.

[4] Le chaudron à la russe est une tactique militaire qui consiste à prendre l’adversaire en tenaille, puis à l’encercler. Elle a été notamment illustrée par la bataille de Debaltsevo, dans le Donbass ukrainien en 2015, où les armées des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk avaient piégé des centaines de soldats de l’armée de Porochenko dans un chaudron de ce type.

[5] Selon le pré-socratique Héraclite (fin du VIe siècle av. J.-C.), rien n’était immuable, toutes choses étant soumises à des changements continuels. Pour Pound donc, dans le monde à venir qu’il prévoyait au début du XXe siècle, seule la vulgarité bon marché allait être immuable.

jeudi, 21 février 2019

The Empire: Now or Never

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The Empire: Now or Never
 
by  

Many people I talk to seem to think American foreign policy has something to do with democracy, human rights, national security, or maybe terrorism or freedom, or niceness, or something. It is a curious belief, Washington being interested in all of them. Other people are simply puzzled, seeing no pattern in America’s international behavior. Really, the explanation is simple.

The reason of course is empire, the desire for which is an ancient and innate part of mankind’s cerebral package. Parthian, Roman, Aztec, Hapsburg, British. It never stops.

When the Soviet Empire collapsed, America appeared poised to establish the first truly world empire. The developed countries were American vassals in effect if not in name, many of them occupied by American troops: Among others, Europe, Canada, Japan, South Korea, Latin America, Saudi Arabia, and Australia. The US had by far the dominant economy and the biggest military, controlled the IMF, NATO, the dollar, SWIFT, and enjoyed technological superiority.. Russia was in chaos, China a distant smudge on the horizon.

Powerful groups in Washington, such as PNAC, began angling towed aggrandizement, but the real lunge came with the attack on Iraq. Current foreign policy openly focuses on dominating the planet. The astonishing thing is that some people don’t notice.

The world runs on oil. Controlling the supply conveys almost absolute power over those countries that do not have their own. (For example, the Japanese would soon be eating each other if their oil were cut off.) Saudi Arabia is an American protectorate,and, having seen what happened to Iraq, knows that it can be conquered in short order if it gets out of line. The U. S. Navy could easily block tanker traffic from Hormuz to any or all countries.

A major purpose of the destruction of Iraq was to get control of its oil and put American forces on the border of Iran, another oil power. The current attempt to starve the Iranians aims at installing a American puppet government. The ongoing coup in Venezuela seeks control of another vast oil reserve. It will also serve to intimidate the rest of Latin America by showing what can happen to any country that defies Washington. Why are American troops in Nigeria? Guess what Nigeria has.

Note that Iraq and Iran, in addition to their oil, are geostrategically vital to a world empire. Further, the immensely powerful Jewish presence in the US supports the Mid-East wars for its own purposes. So, of course, does the arms industry. All God’s chillun love the Empire.

For the Greater Empire to prevail, Russia and China, the latter a surprise contender, must be neutralized. Thus the campaign to crush Russia by economic sanctions. At the same time Washington pushes NATO, its sepoy militia, ever eastward, wants to station US forces in Poland, plans a Space Command whose only purpose is to intimidate or bankrupt Russia, drops out of the INF Treaty for the same reasons, and seeks to prevent commercial relations between Russia and the European vassals (e.g., Nordstream II).

China of course is the key obstacle to expanding the Empire. Ergo the trade war. America has to stop China’s economic and technological progress, and stop it now, as it will not get another chance.

The present moment is an Imperial crunch point. America cannot compete with China commercially or, increasingly, in technology. Washington knows it. Beijing’s advantages are too great: A huge and growing domestic market, a far larger population of very bright people, a for-profit economy that allows heavy investment both internally and abroad, a stable government that can plan well into the future.

America? It’s power is more fragile than it may seem. The United States once dominated economically by making better products at better prices, ran a large trade surplus, and barely had competitors. Today it has deindustrialized, runs a trade deficit with almost everybody, carries an astronomical and uncontrolled national debt, and makes few things that the world can’t get elsewhere, often at lower cost.

Increasingly America’s commercial power is as a consumer, not a producer. Washington tells other countries, “If you don’t do as we say, we won’t buy your stuff.” The indispensable country is an indispensable market. With few and diminishing (though important) exceptions, if it stopped selling things to China, China would barely notice, but if it stopped buying, the Chinese economy would wither. Tariffs, note, are just a way of not buying China’s stuff.

Since the profligate American market is vital to other countries, they often do as ordered. But Asian markets grow. So do Asian industries.

As America’s competitiveness declines, Washington resorts to strong-arm tactics. It has no choice. A prime example is the 5G internet, a Very Big Deal, in which Huawei holds the lead. Unable to provide a better product at a better price, Washington forbids the vassals to deal with Huawei–on pain of not buying their stuff. In what appears to be desperation, the Exceptional Nation has actually made a servile Canada arrest the daughter of Huawei’s founder.

The tide runs against the Empire. A couple of decades ago, the idea that China could compete technologically with America would have seemed preposterous. Today China advances at startling speed. It is neck and neck with the US in supercomputers, launches moonlanders, leads in 5G internet, does leading work in genetics, designs world-class chipsets (e.g., the Kirin 980 and 920) and smartphones. Another decade or two of this and America will be at the trailing edge.

The American decline is largely self-inflicted. The US chooses its government by popularity contests among provincial lawyers rather than by competence. American education deteriorates under assault by social-justice faddists. Washington spends on the military instead of infrastructure and the economy. It is politically chaotic, its policies changing with every new administration.

The first rule of empire is, “Don’t let your enemies unite.” Instead, Washington has pushed Russia, China, and Iran into a coalition against the Empire. It might have been brighter to have integrated Iran tightly into the Euro-American econosphere, but Israel would not have let America do this. The same approach would have worked with Russia, racially closer to Europe than China and acutely aware of having vast empty Siberia bordering an overpopulated China. By imposing sanctions of adversaries and allies alike, Washington promotes dedollarization and recognition that America is not an ally but a master.

It is now or never. If America’s great but declining power does not subjugate the rest of the world quickly, the rising powers of Asia will swamp it. Even India grows. Either sanctions subdue the world, or Washington starts a world war. Or America becomes just another country.

To paraphrase a great political thinker, “It’s the Empire, Stupid.”

(Republished from Fred on Everything by permission of author or representative)

vendredi, 01 février 2019

Le président autrichien accuse les USA de traiter l’UE comme des colonies

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Le président autrichien accuse les USA de traiter l’UE comme des colonies

par Charles Sannat

La grosse colère autrichienne est liée à la double affaire Nord Stream 2, qui est un gazoduc censé alimenter l’Europe en gaz russe, et les sanctions avec l’Iran qui empêchent les pays européens de commercer avec Téhéran.

Pour le président autrichien, les USA traitent l’UE « comme des colonies ». Cela semble pour lui une découverte alors que nous, nous le savions depuis bien longtemps.
 
L’Union européenne, au lieu de tenter de se créer et de rêver sa puissance en éradiquant ses propres peuples et ses propres nations, ferait mieux de se penser par rapport aux grands acteurs que sont la Russie, la Chine et les États-Unis.
 
C’est en construisant une unité de nos différences et de nos identités aussi précieuses les unes que les autres pour affronter un monde extérieur fort peu sympathique que nous construirons une grande Europe fédérale utile et aimée.
 
Charles SANNAT
 
Le président fédéral autrichien Alexander Van der Bellen s’en est pris aux États-Unis pour leur attitude envers les pays membres de l’UE, rapporte Die Standard. Selon le média, c’est les différends sur le Nord Stream 2 et l’accord nucléaire avec l’Iran qui ont suscité une telle réaction du chef d’État.
 
Washington traite les pays membres de l’UE « comme des colonies », estime le président fédéral autrichien Alexander Van der Bellen cité par le quotidien Die Standard.
 
Selon le média, ces déclarations sont liées à la pression exercée par les États-Unis sur l’UE au sujet de la construction du gazoduc Nord Stream 2 et de l’accord sur le programme nucléaire iranien.

Il a fait remarquer que l’UE, qui est la troisième économie mondiale, doit être plus « sûre d’elle » sur la scène internationale.
 
Le projet Nord Stream 2 est réalisé par la société russe Gazprom, en coopération avec les entreprises européennes Engie, OMV, Shell, Uniper et Wintershall. Le gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne via la mer Baltique devrait être mis en service d’ici fin 2019. Les États-Unis s’opposent énergiquement à ce projet.
 
La Russie a déclaré plusieurs fois qu’il s’agissait d’un gazoduc absolument commercial et compétitif. Par ailleurs, Vladimir Poutine a souligné que l’élaboration du Nord Stream 2 ne signifiait pas pour autant l’arrêt du transit de gaz russe via l’Ukraine.
 
Source Agence russe Sputnik.com ici

dimanche, 13 mai 2018

Manuel Ochsenreiter »Russland, USA, Europa. Souveränität und Hegemonie«

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Manuel Ochsenreiter »Russland, USA, Europa. Souveränität und Hegemonie«

 
Manuel Ochsenreiter spricht über die geopolitischen Zusammenhängen in Bezug auf Syrien aber auch beispielsweise die Ukraine und die USA und wie diese in deutsche und europäische Politik hineinreichen. Besonders brisant war dies vor den in der Nacht zuvor durchgeführten, völkerrechtswidrigen aber folgenlos bleibenden Luftschlägen der USA und deren Verbündeten gegen Syrien und dessen Machthaber Assad.
 
Weiterführende Informationen:
staatspolitik.de
sezession.de
antaios.de
 

lundi, 09 mai 2016

Somnolent Europe, Russia, and China

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Somnolent Europe, Russia, and China

Can the world wake up?

By

PaulCraigRoberts.org

On September 19, 2000, going on 16 years ago, Ambrose Evans-Pritchard of the London Telegraph reported:

“Declassified American government documents show that the US intelligence community ran a campaign in the Fifties and Sixties to build momentum for a united Europe. It funded and directed the European federalist movement.

“The documents confirm suspicions voiced at the time that America was working aggressively behind the scenes to push Britain into a European state. One memorandum, dated July 26, 1950, gives instructions for a campaign to promote a fully fledged European parliament. It is signed by Gen. William J. Donovan, head of the American wartime Office of Strategic Services, the precursor of the CIA.”

The documents show that the European Union was a creature of the CIA.

As I have previously written, Washington believes that it is easier to control one government,the EU, than to control many separate European governments. As Washington has a long-term investment in orchestrating the European Union, Washington is totally opposed to any country exiting the arrangement. That is why President Obama recently went to London to tell his lap dog, the British Prime Minister, that there could be no British exit.

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Like other European nations, the British people were never allowed to vote on whether they were in favor of their country ceasing to exist and them becoming Europeans. British history would become the history of a bygone people like the Romans and Babylonians.

The oppressive nature of unaccountable EU laws and regulations and the EU requirement to accept massive numbers of third world immigrants have created a popular demand for a British vote on whether to remain a sovereign country or to dissolve and submit to Brussels and its dictatorial edicts. The vote is scheduled for June 23.

Washington’s position is that the British people must not be permitted to decide against the EU because such a decision is not in Washington’s interest.

The prime minister’s job is to scare the British people with alleged dire consequences of “going it alone.” The claim is that “little England” cannot stand alone. The British people are being told that isolation will spell their end, and their country will become a backwater bypassed by progress. Everything great will happen elsewhere, and they will be left out.

If the fear campaign does not succeed and the British vote to exit the EU, the open question is whether Washington will permit the British government to accept the democratic outcome.

Alternatively, the British government will deceive the British people, as it routinely does, and declare that Britain has negotiated concessions from Brussels that dispose of the problems that concern the British people.

Washington’s position shows that Washington is a firm believer that only Washington’s interests are important. If other people’s wish to retain national sovereignty, they are simply being selfish. Moreover, they are out of compliance with Washington, which means they can be declared a “threat to American national security.” The British people are not to be permitted to make decisions that do not comply with Washington’s interest. My prediction is that the British people will either be deceived or overridden.

It is Washington’s self-centeredness, the self-absorption, the extraordinary hubris, and arrogance, that explains the orchestrated “Russian threat.” Russia has not presented herself to the West as a military threat. Yet, Washington is confronting Russia with a US/NATO naval buildup in the Black Sea, a naval, troop, and tank buildup in the Baltics and Poland, missile bases on Russia’s borders, and plans to incorporate the former Russian provinces of Georgia and Ukraine in US defense pacts against Russia.

When Washington, its generals, and European vassals declare Russia to be a threat, they mean that Russia has an independent foreign policy and acts in her own interest rather than in Washington’s interest. Russia is a threat because Russia demonstrated the capability of blocking Washington’s intended invasion of Syria and bombing of Iran. Russia blunted one purpose of Washington’s coup in the Ukraine by peacefully and democratically reuniting with Crimea, the site of Russia’s the Black Sea naval base and a Russian province for several centuries.

Perhaps you have wondered how it was possible for small countries such as Iraq, Libya, Syria, Yemen, and Venezuela to be threats to the US superpower. On its face Washington’s claim is absurd. Do US presidents, Pentagon officials, national security advisors, and chairmen of the Joint Chiefs of Staff really regard countries of so little capability as military threats to the United States and NATO countries?

No, they do not. The countries were declared threats, because they have, or had prior to their destruction, independent foreign and economic policies. Their policy independence means that they do not or did not accept US hegemony. They were attacked in order to bring them under US hegemony.

In Washington’s view, any country with an independent policy is outside Washington’s umbrella and, therefore, is a threat.

Venezuela became, in the words of US President Obama, an “unusual and extraordinary threat to the national security and foreign policy of the United States,” necessitating a “national emergency” to contain the “Venezuelan threat” when the Venezuelan government put the interests of the Venezuelan people above those of American corporations.

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Russia became a threat when the Russian government demonstrated the ability to block Washington’s intended military attacks on Syria and Iran and when Washington’s coup in the Ukraine failed to deliver to Washington the Russian Black Sea naval base.

Clearly Venezuela cannot possibly pose a military threat to the US, so Venezuela cannot possibly pose an “unusual and extraordinary threat to the national security of the US.” Venezuela is a “threat” because the Venezuelan government does not comply with Washington’s orders.

It is absolutely certain that Russia has made no threats whatsoever against the Baltics, Poland, Romania, Europe, or the United States. It is absolutely certain that Russia has not invaded the Ukraine. How do we know? If Russia had invaded Ukraine, the Ukraine would no longer be there. It would again be a Russian province where until about 20 years ago Ukraine resided for centuries, for longer than the US has existed. Indeed, the Ukraine belongs in Russia more than Hawaii and the deracinated and conquered southern states belong in the US.

Yet, these fantastic lies from the highest ranks of the US government, from NATO, from Washington’s British lackeys, from the bought-and-paid-for Western media, and from the bought-and-paid-for EU are repeated endlessly as if they are God’s revealed truth.

Syria still exists because it is under Russian protection. That is the only reason Syria still exists, and it is also another reason that Washington wants Russia out of the way.

Do Russia and China realize their extreme danger? I don’t think even Iran realizes its ongoing danger despite its close call.

If Russia and China realize their danger, would the Russian government permit one-fifth of its media to be foreign owned? Does Russia understand that “foreign-owned” means CIA owned? If not, why not? If so, why does the Russian government permit its own destabilization at the hands of Washington’s intelligence service acting through foreign owned media?

China is even more careless. There are 7,000 US-funded NGOs (non-governmental organizations) operating in China. Only last month did the Chinese government finally move, very belatedly, to put some restrictions on these foreign agents who are working to destabilize China. The members of these treasonous organizations have not been arrested. They have merely been put under police watch, an almost useless restriction as Washington can provide endless money with which to bribe the Chinese police.

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Why do Russia and China think that their police are less susceptible to bribes than Mexico’s or American police? Despite the multi-decade “war on drugs,” the drug flow from Mexico to the US is unimpeded. Indeed, the police forces of both countries have a huge interest in the “war on drugs” as the war brings them riches in the form of bribes. Indeed, as the crucified reporter for the San Jose Mercury newspaper proved many years ago, the CIA itself is in the drug-running business.

In the United, States truth-tellers are persecuted and imprisoned, or they are dismissed as “conspiracy theorists,” “anti-Semites,” and “domestic extremists.” The entire Western World consists of a dystopia far worse than the one described by George Orwell in his famous book, 1984.

That Russia and China permit Washington to operate in their media, in their universities, in their financial systems, and in “do-good” NGOs that infiltrate every aspect of their societies demonstrates that both governments have no interest in their survival as independent states. They are too scared of being called “authoritarian” by the Western presstitute media to protect their own independence.

My prediction is that Russia and China will soon be confronted with an unwelcome decision:accept American hegemony or go to war.

vendredi, 23 octobre 2015

Géopolitique. Le Web. Interprétation technique. Interprétation géopolitique

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Géopolitique. Le Web. Interprétation technique. Interprétation géopolitique

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La domination américaine sur le monde était déjà forte après la seconde guerre mondiale à la suite de l'explosion industrielle ayant permis le succès de la guerre contre l'Allemagne. Elle s'était renforcée dès la mise en place de l'Union européenne, expressément voulue par l'Amérique pour servir de débouchés aux produits économiques et financiers de ses activités.
 
Mais elle se heurtait, notamment en Europe, à la survivance de ce que l'on avait défini en France comme l'esprit du Conseil National de la Résistance: reconnaissance du rôle des syndicats ouvriers, affirmation de droits sociaux et de droits dans le travail, se concrétisant sous le terme d'Etat-providence, renforcement du rôle de l'Etat dans la vie économique et sociale, prenant notamment la forme des nationalisations et du développement de services publics industriels et commerciaux.

Cette tradition que l'on peut qualifier de social-démocrate, s'était généralisé en Europe, y compris en Grande Bretagne sous le Labour, pourtant obligé de tenir compte dès la fin de la guerre du régime dit« special relationship » faisant du Royaume Uni une dépendance de l'Amérique. La social démocratie s'opposait, bien imparfaitement, aux exigences du capitalisme libéral. Celui-ci exige de soumettre toutes les activités économiques et social aux intérêts des actionnaires des entreprises privées. Ces entreprises, dans le domaine industriel et financier, avaient après la guerre pris la forme de quasi-monopoles américains cherchant à dominer l'ensemble du monde. Or le communisme en Russie, la social démocratie en Europe, faisaient obstacle, bien que de plus en plus faiblement, à cette entreprise de domination.

L'Amérique se devait d'inventer une révolution technologique dont elle se donnerait entièrement la maîtrise, et qu'elle pourrait imposer, au prétexte de nouveaux services rendus, à l'ensemble du monde. Mais les services rendus par cette révolution se devaient d'être marginaux en ce qui concernait le reste du monde. Ils devaient au contraire être entièrement mis au service des objectifs de domination américains. Cela aurait pu être le cas concernant la révolution du nucléaire. Mais très vite d'autres Etats, notamment la France de Charles de Gaulle, avaient décidé de réagir et de se doter de la bombe atomique.

La Silicon Valley

Ce fut donc dès les années 1970 la révolution informatique, suivie de celle des réseaux numériques et de l'Internet, le tout symbolisé par le terme de Silicon Valley. L'ensemble était conçu pour donner à la domination américaine de nouveaux domaines où s'imposer, cette fois-ci de façon inéluctable. Les autres Etats, en Europe notamment et même en Russie non communiste à ses débuts, ne furent pas assez avertis technologiquement ni indépendants politiquement pour favoriser chez eux le développement de Silicon Valley non américaines susceptibles de contrebalancer le poids des maîtres américains de la révolution numérique.

Cette révolution pris deux formes, toutes les deux dominées aujourd'hui encore et pratiquement sans contreparties par l'Amérique. La première fut l'informatique, celle des grands, petits et mini-ordinateurs. Elle est suffisamment connue, il est inutile d'y revenir ici. Ce que l'on connait moins pourtant sont les multiples formes que prend aujourd'hui l'informatique dans la vie sociale et celle des individus. Un rapport du Gartner Groupe en analyse les principales tendances pour 2017.

Il s'agit d'un véritable filet enserrant toutes les activités humaines, de la naissance au cimetière. Personne ne gouverne d'une façon centralisée la mise en place des éléments de ce filet. Néanmoins la source en est majoritairement dans la Silicon Valley, pour reprendre le terme utilisé ci-dessus. Il s'agit donc d'un élément majeur d'une domination américaine polymorphe et universelle. Actuellement, seule la Chine et marginalement la Russie entreprennent de s'en affranchir.

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La seconde domination américaine s'exerce dorénavant dans le champ des réseaux numériques, que l'on appelle pour simplifier le web. Nous l'avons également analysée ici depuis ses origines. Elle est désormais bien connue, notamment sous la forme de l'emprise qu'exerce dans la vie quotidienne le poids des grandes plateformes du web, dites GAFA, le terme désignant : Google, Apple, Facebook, Amazon. Mais des dizaines d'autres gravitent dans l'orbite de celles-ci.

Aux origines, ces firmes vivaient de la revente aux régies publicitaires des données personnelles qu'elles prélevaient sur leurs clients. Mais elles ont considérablement diversifié leurs activités, notamment dans les domaine de l'intelligence artificielle visant à devenir autonome. Comme personne ne l'ignore désormais, elles sont intimement liées aux agences de renseignement et de défense de l'Etat américain. Cela ne décourage pas leurs milliards d'utilisateurs qui continuent à leur convier leurs intérêts.

Deux ouvrages récents à lire

Cependant, si les activités de ces plate-formes sont à peu près connues du grand public, celui-ci ignore pratiquement les secrets de leurs techniques, recherches et activités nouvelles. Cette ignorance est partagée par les services publics et gouvernements censés dans certains cas exercer une tutelle sur elles afin de protéger certaines activités publiques et privées de leur pouvoir de plus en plus envahissant. Le domaine il est vrai est très technique, sous une apparente facilité d'accès.

En France, deux ouvrages récents ont tenté d'en déchiffre les arcanes. Il s'agit de « La Gouvernance par les nombres » (Fayard, 2015) d'Alain Supiot et de « A quoi rêvent les algorithmes » (Seuil 2015) de Dominique Cardon. Tous deux sont d'excellents connaisseurs des aspects nouveaux du web mondial et des nouvelles formes de contrôle s'y exerçant, notamment provenant des Etats-Unis, dont l'on a beaucoup parlé à l'occasion de la découverte de l'existence des Big Data.

Le premier est un gros ouvrage de près de 500 pages, le second ne dépasse pas la centaine de pages. Nous ne pouvons que recommander à nos lecteurs de les lire. Cependant, il faut savoir qu'ils sont tous les deux difficiles à comprendre pour un non professionnel. Les auteurs considèrent comme acquises des connaissances qui ne le sont pas, et ne prennent pas le temps de les expliquer. Ils font référence par ailleurs, et c'est tout leur mérite de scientifiques, à un nombre considérable d'auteurs que le lecteur ne pourra évidemment pas consulter. Si nous devions cependant conseiller la lecture d'un seul de ces deux livres, ce serait celle de « A quoi rêvent les algorithmes ».

Les deux auteurs n'évitent pas de situer leurs analyses dans une perspective géopolitique, marquée notamment par ce que nous nommons ici la domination américaine sur le monde. Néanmoins, ils restent très mesurés dans leurs criques et analyses. En explorant les sources américaines dites alternatives, il est possible de trouver des analyses beaucoup plus virulentes. Elles n'ont pratiquement pas d'équivalent en France.

Critique politique

Grâce à Rue89, relayée par le site Les Crises, on peut trouver ces jours-ci un exemple très parlant de telles analyses critiques, souvent virulentes, mais frappant juste. Il s'agit de celle de Evgeny Morozov chercheur et écrivain américain d'origine biélorusse, spécialiste des implications politiques et sociales du progrès technologique et du numérique .

Nous pouvons en retenir ici deux passages:

La Silicon Valley va au-delà de tout ce qu'on avait connu auparavant en termes d'impérialisme économique. La Silicon Valley dépasse largement ce qu'on considérait auparavant comme les paragons du néolibéralisme américain – McDonald's par exemple – car elle affecte tous les secteurs de notre vie.
C'est pourquoi il faut imaginer un projet politique qui rénove en fond notre conception de la politique et de l'économie, un projet qui intègre la question des infrastructures en garantissant leur indépendance par rapport aux Etats-Unis.
Mais si je suis pessimiste quant à l'avenir de l'Europe, c'est moins à cause de son impensée technologique que de l'absence flagrante d'esprit de rébellion qui l'anime aujourd'hui.

Ainsi que
.....
Il faut considérer la Silicon Valley comme un projet politique, et l'affronter en tant que tel. Malheureusement il n'existe pas d'alternative à Google qui puisse être fabriquée par Linux (lechampion des logiciels libres). La domination de Google ne provient pas seulement de sa part logicielle, mais aussi d'une infrastructure qui recueille et stocke les données, de capteurs et d'autres machines très matérielles. Une alternative ne peut pas seulement être logicielle, elle doit aussi être hardware.

Donc, à l'exception peut-être de la Chine, aucun Etat ne peut construire cette alternative à Google, ça ne peut être qu'un ensemble de pays.
Mais c'est un défi gigantesque parce qu'il comporte deux aspects :

- un aspect impérialiste : Facebook, Google, Apple, IBM sont très liés aux intérêts extérieurs des Etats-Unis. En son cœur même, la politique économique américaine dépend aujourd'hui de ces entreprises. Un réflexe d'ordre souverainiste se heurterait frontalement à ces intérêts et serait donc voué à l'échec car il n'existe aucun gouvernement aujourd'hui qui soit prêt à affronter les Etats-Unis ;

- un aspect philosophico-politique  : on a pris l'habitude de parler de « post-capitalisme » en parlant de l'idéologie de la Silicon Valley, mais on devrait parler de « post-sociale-démocratie ».

Car quand on regarde comment fonctionne Uber – sans embaucher, en n'assumant aucune des fonctions de protection minimale du travailleur –, quand on regarde les processus d'individualisation des assurances de santé – où revient à la charge de l'assuré de contrôler ses paramètres de santé –, on s'aperçoit à quel point le marché est seul juge.

L'Etat non seulement l'accepte, mais se contente de réguler. Est complètement oubliée la solidarité, qui est au fondement de la sociale-démocratie. Qui sait encore que dans le prix que nous payons un taxi, une part – minime certes – sert à subventionner le transport des malvoyants ? Vous imaginez imposer ça à Uber....

vendredi, 08 février 2013

Das maßlose Imperium im Westen

Das maßlose Imperium im Westen

freri0993.jpgIm September vergangenen Jahres sprach sich der frühere südafrikanische Erzbischof Desmond Tutu dafür aus, George W. Bush und Tony Blair  wegen Kriegsverbrechen vor den Internationalen Strafgerichtshof in Den Haag zu laden. Sie hätten die Voraussetzungen für nicht endenwollende  Gewalt geschaffen und uns alle, so der Friedensnobelpreisträgerr, an den Rand des Abgrunds geführt. Desmond Tutu vergaß dabei aber einen Preisträger-Kollegen zu erwähnen, der diesen Weg fortsetzt, fortsetzen muß: Barack Obama.                                                                                                                                                          Der militärisch-industrielle Komplex, zu dem inzwischen auch der CIA gerechnet wird, läßt einem mit Millionen Dollars in das Amt gewählten Präsidenten kaum eine andere Möglichkeit. Obama ist aber auch jener, der inzwischen persönlich den Drohnen-Einsatz befehligt, dem bereits unzählige unschuldige Zivilisten zum Opfer gefallen sind. Schwerer wiegen vorerst allerdings die vielen von ihm mitzuverantwortenden Opfer des Feldzuges gegen Tripolis, die zwischen 30.000 und 100.000 betragen sollen, und dazu kommen jetzt auch noch Zehntausende in Syrien.

Derzeit planen die US-Militärs die Installation einer Drohnen-Basis in Mali, an der Grenze zum Niger, die eine von vielen geheimen Stützpunkten sein soll, die  in Ostafrika, der arabischen Halbinsel, in Äthiopien, Djibouti und auf den Seychellen bereits in Betrieb oder vorgesehen sind. Derweil Franzosen und bald auch wieder andere europäische NATO-Söldner in Augenhöhe mit den Islamisten die Dreckarbeit am Boden machen dürfen. Menschen- und Völkerrechte werden in solchen Situationen, auch im Mali, generell ignoriert, daher ist selbst Österreich gerne dabei.                                                                                                                                                     Im Namen der Demokratie und des Kampfes gegen den  „Terrorismus“ ignorieren die USA und ihre Verbündeten die Souveränität unabhängiger Staaten. Von Bagdad bis Tunesien wurden zu eigensinnig gewordene  Staatsoberhäupter mit Hilfe von einheimischen wie auch  eingeschleusten Islamisten weggeputscht und hat so den Weg islamistischen Regimen geebnet.                                                                                                                             

Syrien soll als nächstes folgen, Algerien könnte, sofern man Mali als Vorspiel dazu betrachtet, das übernächste Ziel sein, ehe der  Iran an die Reihe kommt. Das bisher von der US-Außenpolitik angerichtete Chaos soll neben der Erreichung eigener ökonomischer und strategischer Ziele vor allem Israel eine längere Atempause verschaffen. Aber zu welchem Preis?

Den vielfachen Begehren und Machtansprüchen des US-Imperiums dient auch weiterhin die NATO, hinter der Washington sein Engagement zur Zeit  – aus politisch-taktischen Gründen – kleiner erscheinen lassen möchte als es tatsächlich ist. Gleichzeitig soll es den Europäern das Gefühl geben, gleichwertige Partner zu sein. Jedes neue NATO-Mitglied ist überdies herzlich willkommen, da dieses Milliarden-Beträge für neues Ausrüstungsmaterial, das natürlich großteils aus den USA kommt, aufbringen muß, um NATO-Standard zu erlangen. Der Druck auf ein solches Land ist daher enorm.

Früher oder später wird daher auch Österreich voll in das den US-Interessen dienende Verteidigungsbündnis integriert sein, sollte sich an der Politik in Österreich nichts Grundlegendes ändern. Sollte hingegen der eine oder andere wichtige EU-Staat nicht mehr wie erwünscht mitmachen wollen, würde man in Europa verstärkte islamistische Terroraktivitäten skrupellos in die Wege leiten, um den Kampf gegen den Terror, und damit auch die Existenzberechtigung der NATO, zu rechtfertigen und ihre Unterstützung für sinnvoll erscheinen lassen.

All das sollte aber nicht überraschen. Die Geschichte der US-Außenpolitik seit 1945 ist eine der vielen Verbrechen und Kriege im Namen von Freiheit und Demokratie. Vom chinesischen Bürgerkrieg bis in die heutige Zeit wird weltweit mehr oder weniger brutal interveniert, werden Regime gestürzt oder installiert und  kleine Länder, wie etwa Grenada 1983, überfallen. Von Vietnam bis in den Irak beging man in direkter Weise Kriegs- ja eigentlich Menschheitsverbrechen, in Libyen und jetzt in Syrien ist man Urheber und indirekter Beteiligter derselben.

Ging es einst vordergründig gegen den Kommunismus, der von den eigenen Geldleuten 1918 in den Sattel gehoben und danach großzügig unterstützt wurde, so geht es jetzt gegen „Terroristen“, die man bei Bedarf, wie in Syrien, durch Verbündete bewaffnen läßt, aber bei anderer Gelegenheit, wie in Mali, bekämpft. Der eine Diktator, Assad, ist im Wege, der andere, Abdullah, wird an die Brust genommen. Und das Regime Netanjahu, das sich einen Dreck um Menschen- und Völkerrechte oder UNO-Beschlüsse schert, ist wie selbstverständlich „die einzige Demokratie im Nahen Osten“.  Realpolitik nennt sich das.

Wer das verstehen will, darf nicht nur die tradierte US-Wildwestmentalität oder den massiven Einfluß der Israel-Lobby beachten, sondern sollte auch in Betracht ziehen, wie alternde Imperien im Laufe der Geschichte immer wieder  ähnlich reagiert haben, anscheinend reagieren mußten. Doch sollte die über andere, meist unterworfene  Nationen herrschende Supermacht schon  wissen, daß ein Imperium, das über seinen naturgegebenen Raum zu weit hinaus geht, früher oder später dafür die Rechnung präsentiert bekommt.                                                                                                                     

Es gibt kein Recht auf dauerhafte Hegemonie, und auch keine Garantie, umso mehr als die Kraft der jetzt führenden USA im Abnehmen begriffen ist. Da nun aber die militärische Präsenz in aller Welt aufrecht erhalten werden soll, bedroht diese den wirtschaftlichen und sozialen Konsens im Lande unmittelbar. Vor allem aber die politischen und ökonomischen Interessen der Wohlhabenden, womit der Zerfall von Innen heraus eine reale Möglichkeit werden könnte. .

Die Rache ist mein, soll der Herr der Juden gesagt haben. Das gilt eben auch im Hinblick auf das Verhalten eines von machthungrigen, bigotten Bankrotteuren geleiteten Imperiums, dessen außenpolitische Doktrin eine einzige Auflehnung gegen die anderswo bestehenden Ordnungen und deren sittliche Fundamente, am Ende aber gegen sich selbst gerichtet ist.

mardi, 02 février 2010

Nato-Ue: le nuove strategie degli Usa

Nato-Ue: le nuove strategie degli Usa

La Clinton e la Albright sostengono che l’Europa e l’Alleanza Atlantica devono rafforzare la collaborazione

Andrea Perrone

clintonsarkozy.jpgLa Nato chiede all’Unione europea una più stretta collaborazione militare nell’ambito di una nuova visione strategica per il XXI secolo.
A promuovere l’operazione sono stati l’attuale segretario di Stato americano, Hillary Rodham Clinton (nella foto con Sarkozy), e la sua omologa - ormai ex - Madeleine Albright, che ora guida il gruppo di saggi dell’Alleanza Atlantica. La Clinton, giunta venerdì a Parigi, ha incontrato il capo dell’Eliseo Nicolas Sarkozy, il suo consigliere alla sicurezza nazionale, Jean-David Levitte e il ministro degli Esteri Bernard Kouchner, a un anno dal rientro del Paese nel Consiglio militare integrato della Nato, per discutere come verrà presieduto dalla Francia, a partire dal prossimo 1 febbraio, il Consiglio di sicurezza dell’Onu. Per l’occasione il segretario Usa ha pronunciato un discorso all’École Militaire di Parigi sul concetto di sicurezza europea considerato un pilastro per la politica estera degli Stati Uniti. Il segretario Usa ha così riconfermato “l’impegno di Washington a lavorare con gli alleati della Nato e con la Russia per rafforzare la sicurezza dinanzi alle nuove minacce emerse nel 21mo secolo, dal terrorismo ai cyberattacchi fino alle catastrofi naturali”. Nel corso del suo intervento poi la Clinton ha cercato di indorare la pillola affermando che gli Usa sono “impegnati a esplorare i modi in cui la Nato e la Russia possono migliorare la loro partnership, dandoci migliori assicurazioni l’un l’altro sulle nostre rispettive azioni ed intenzioni”. A un certo punto però ha toccato le note dolenti dei rapporti Washington-Mosca, ovvero l’allargamento della Nato e i progetti per lo scudo antimissile. E ha attaccato la politica estera russa affermando che gli Usa si oppongono “a qualsiasi sfera di influenza in Europa” facendo riferimento alla guerra russo-georgiana dell’agosto 2008. A suo dire invece “la Nato e l’Ue hanno aumentato la sicurezza, la stabilità e la prosperità nel continente” e che questo ha accresciuto la sicurezza della Russia. Infine, la Clinton ha superato ogni limite affermando che il dispiegamento di uno scudo antimissile renderà l’Europa un posto più sicuro e questa sicurezza potrebbe estendersi alla Russia, se Mosca deciderà di cooperare con Washington. Un’ipotesi poco probabile visto che lo scudo verrà dislocato soltanto per alzare la tensione e contenere la Russia.
La Albright (72 anni) ha incontrato invece a Bruxelles gli europarlamentari e in quel contesto è stata più esplicita sottolineando la necessità “di massimizzare la collaborazione con l’Ue e fare maggior uso della consultazione politica”.
L’ex segretario di Stato Usa si è occupato di politica estera negli anni 1997-2001, quando la Nato ha lanciato la sua prima azione militare nella ex Jugoslavia, mantenendo stretti rapporti con gli albanesi più estremisti. La Albright è stata nominata lo scorso anno a presiedere un comitato di 12 esperti incaricato di consigliare il segretario generale della Nato, Anders Fogh Ramussen, su una versione aggiornata di “concetto strategico” per l’alleanza militare con la pubblicazione anche di un documento.
La strategia dell’ex segretario ha posto l’accento sulle nuove minacce alla sicurezza che vanno dagli attacchi cibernetici al terrorismo fino ai problemi riguardanti la sicurezza energetica, con un accento particolare al modo in cui l’Alleanza Atlantica dovrebbe saper rispondere. Per la Albright la soluzione ai problemi non dovrebbe essere l’autocompiacimento che, a suo dire, costituisce una grave minaccia, ma la fedeltà al principio fondatore della Nato - la difesa militare dei suoi membri da un attacco armato (art. 5) - dovrebbe rimanere il fulcro dell’organizzazione. Ora che gli Stati membri sono diventati 28 la necessità sarà quella di tener conto delle nuove minacce e in virtù dell’espansione dell’Ue, della riduzione dei bilanci è - secondo la Albright - necessario evitare di dividere o duplicare le attività della Nato e dell’Unione europea. A questo punto il responsabile del team di esperti ha lanciato i suoi strali contro la Russia affermando che è solo un partner della Nato e non ha lezioni da dare. Dal canto suo il servizio stampa dell’Assemblea di Strasburgo ha riportato testualmente le parole dell’ex segretario che ha dichiarato: “La Russia è un partner tra i tanti, e non sarà a lei a insegnare a una vecchia scimmia a fare le smorfie”.
Proseguendo nel suo intervento l’ex segretario americano ha ricordato che il team di esperti da lei guidato sta proseguendo il suo lavoro per elaborare un documento sulla strategia della Nato per il XXI secolo, che sarà pronto prima del vertice di Lisbona del novembre prossimo, quando dovrà essere adottato da tutti i membri dell’Alleanza Atlantica.


30 Gennaio 2010 12:00:00 - http://www.rinascita.eu/index.php?action=news&id=554

La main invisible des Etats-Unis

Bernhard TOMASCHITZ :

La main invisible des Etats-Unis

 

Sur les instruments indirects de la puissance politique américaine : « USAID », « Freedom House » et « National Endowment for Democracy »

 

usaid_seal_blue.jpgPour répandre la « démocratie libérale » dans le monde et, simultanément, pour étayer leur position hégémonique, les Etats-Unis ne se contentent pas de faire des guerres mais se servent aussi d’un bon nombre d’organisations et d’institutions. Parmi celles-ci, il y en a une, l’ « United States Agency for International Development », ou, en abrégé « USAID », qui occupe une place particulièrement importante. Les activités de cette agence indépendante, dont le siège se trouve dans l’immeuble Ronald Reagan à Washington, ne se limitent pas aux seules régions habituelles, qui ont besoin d’une aide au développement, comme, par exemple, pour construire des routes ou des hôpitaux. Elle soutient aussi, comme elle le signale elle-même, « les objectifs de la politique extérieure américaine en apportant une aide aux partenaires locaux des Etats-Unis, afin de pouvoir rétablir dans les pays cibles ravagés par la guerre la paix et la démocratie ». Son objectif principal semble être de favoriser des « changements politiques » dans des pays récalcitrants, qui refusent de suivre l’exemple de « la Cité lumineuse sur la colline », c’est-à-dire les Etats-Unis, comme ils aiment à se décrire eux-mêmes. Car, comme l’affirme tout de go la ministre américaine des affaires étrangères Hillary Clinton, avec un sentiment de supériorité bien yankee, « le monde a besoin d’une direction ».

 

Les choses ont le mérite d’être claires : le renforcement constant de la position hégémonique est le leitmotiv permanent de la politique étrangère des Etats-Unis, indépendamment du fait que le président en place est un démocrate ou un républicain. Il n’y a de différences que dans la manière de faire valoir les intérêts américains : si les républicains, comme sous la présidence de George W. Bush, recourent à des moyens généralement militaires (la guerre contre l’Irak l’a prouvé de manière emblématique), les démocrates cherchent à agir de manière plus douce sur l’échiquier international, en camouflant plus habilement leurs intentions.

 

Quand il s’agit de maintenir et d’étendre le rôle hégémonique de l’Amérique dans le monde, alors les Etats-Unis n’hésitent pas à débourser des sommes d’argent considérables. En cette année 2009, le budget de l’USAID s’élève à quelque 54 milliards de dollars. L’organisation consacre dans ce contexte des sommes énormes, des dizaines voire des centaines de millions de dollars, à des Etats qui ne sont pas, à proprement parler, des pays en voie de développement. Ainsi, le Kosovo recevra en cette année 2010 une centaine de millions de dollars pour garantir son indépendance, qu’il a proclamée unilatéralement voici deux ans contre la Serbie. Car, c’est, paraît-il, un « défi urgent », de mettre sur pied, dans cette province sécessionniste de la Serbie méridionale, des structures administratives en état de fonctionner, cas c’est une condition essentielle « pour intégrer le Kosovo dans les structures ouest-européennes et transatlantiques ». De même, devront aussi être tôt ou tard intégrés dans les « structures transatlantiques », c’est-à-dire dans l’OTAN, des pays comme la Bosnie-Herzégovine et même la Serbie, l’alliée traditionnelle de la Russie dans les Balkans, contre laquelle le pacte militaire animé par Washington avait déclenché une guerre en 1999.

 

L’USAID soutient également des organisations américaines non étatiques dont les objectifs sont tournés vers l’extérieur et qui se donnent pour but de répandre la « démocratie libérale ». Parmi celles-ci, nous avons avant tout la « National Endowment for Democracy » (NED), fondée en 1983 par le Président Ronald Reagan. La NED a reçu récemment 100 millions de dollars. Cette « fondation pour la démocratie » se présente elle-même comme « animée par la croyance que la paix est un objectif humain qui peut se réaliser par le développement d’institutions, de procédés et de valeurs démocratiques » mais, en réalité, elle est un volet civil et pratique du service secret américain actif en dehors des Etats-Unis, la CIA. En effet, la NED a été fondée quand les services ont appris que beaucoup de groupes d’opposition en dehors des Etats-Unis d’Amérique, que la CIA avait soutenu activement, étaient tombés en discrédit lorsqu’on avait appris le rôle des services américains dans leur émergence et développement. Il y a quelques années à peine, un ancien directeur de la NED, Allen Weinstein, reconnaissait sans circonlocutions inutiles : « Beaucoup d’actions que nous menons actuellement, la CIA les faisait en secret il y a vingt-cinq ans ». 

 

Les activités actuelles de la NED sont tout à la fois remarquables et surprenantes : dans les années 80 du 20ème siècle, le gros des activités de l’organisation était dirigé vers l’Amérique centrale, où le mouvement sandiniste, étiqueté « marxiste », recrutait des adeptes bien au-delà du Nicaragua ; depuis la fin de la guerre froide, le gros des activités s’est déplacé vers l’Europe orientale, avec, pour mission, d’inclure dans la sphère d’influence américaine les Etats qui s’étaient débarrassé du joug communiste soviétique. Ainsi, la NED a été partie prenante quand il s’est agi de lancer une campagne internationale contre le premier ministre slovaque Vladimir Meciar, considéré comme « nationaliste ». Ensuite, la NED a participé aux troubles qui ont agité la Serbie, la Géorgie et l’Ukraine. Le 7 décembre 2004, à la veille de la « révolution orange » à Kiev, Ron Paul, député républicain à la Chambre des représentants, déclare devant la commission des relations internationales de cette même chambre : « Il est établi qu’une forte somme en dollars, payés par la contribuable américain, s’en est allée en Ukraine, pour soutenir l’un des candidats (ndlr : l’actuel président ukrainien Victor Iouchtchenko). Posons-nous dès lors la question : que ressentirions-nous si la gouvernement chinois essayait de soutenir l’un des candidats à la présidence aux Etats-Unis ? Un tel financement étranger serait considéré à juste titre comme illégal. Or c’est justement ce que nous faisons à l’étranger. Mais ce que nous ne savons pas, c’est le montant exact de la somme, prélevée sur nos deniers publics, qui s’en est allée pour influencer le résultat final du scrutin en Ukraine ».

 

democrassy.jpgL’Ukraine cependant demeure la cible principale des activités de la NED sur le continent européen. L’USAID, organisation américaine destinée à l’aide au développement, maintient son point de vue : il faut créer une Ukraine démocratique, prospère et sûre qui « pourra alors être entièrement intégrée dans la communauté euro-atlantique ». L’hégémonie américaine en Europe s’étendrait alors jusqu’aux frontières de la Russie. Ensuite, il faut aussi retourner la « Serbie récalcitrante » et faire de Belgrade une capitale sagement soumise aux volontés américaines. Pour atteindre cet objectif, le « National Democratic Institute » (NDI) a obtenu le soutien de l’USAID afin de soutenir les « partis politiques favorables aux réformes », comme on peut le lire sur internet, de façon à « augmenter leurs chances lors d’élections ». par « favorables aux réformes », on entend toutes les forces politiques prêtes à soumettre tous les intérêts nationaux légitimes de la Serbie aux ukases de Washington et de l’eurocratie bruxelloise. Dans ce cadre, ces forces politiques, pour bénéficier de la générosité américaine doivent reconnaître notamment l’indépendance du Kosovo. Dans cette province sécessionniste, Washington entretient depuis 1999 une base militaire gigantesque de 386 hectares, le « Camp Bondsteel », destiné à devenir l’un des principaux points d’appui des forces américaines dans le Sud-Est de l’Europe. 

 

Le NDI est une organisation proche du parti démocrate, qui « entend procurer aux dirigeants civils et politiques une aide au développement des valeurs, pratiques et institutions démocratiques ». La présidente de cette organisation n’est personne d’autre que Madeleine Albright, qui était ministre des affaires étrangères aux Etats-Unis lorsque l’OTAN menait la guerre contre la Serbie.

 

Depuis des années déjà, le point focal sur lequel se concentrent les multiples organisations propagandistes et lobbies américains, c’est la Russie. Alors qu’au moment de l’effondrement de l’Union Soviétique, il s’agissait principalement de former une nouvelle « élite » pro-occidentale, aujourd’hui, il s’agit plutôt de lutter contre des « tendances autoritaires ». Car la situation s’est modifiée depuis les « temps bénis » de la présidence de Boris Eltsine ; Moscou a retrouvé confiance en elle-même et s’est redonné une politique étrangère active. Les Russes entendent récupérer leur sphère d’influence perdue en Europe orientale et en Asie centrale et ne plus abandonner ces régions sans résister. Ce dynamisme contrecarre bien entendu les projets de Washington de vouloir dominer sans partage la masse continentale eurasiatique.

 

Conséquence de cette nouvelle confrontation Est/Ouest : dans les publications de tous ces organismes américains, qui font semblant de vouloir répandre la paix et la démocratie dans le monde, on trouve à foison des tirades très hostiles à l’endroit de la Russie, comme nous le montre, par exemple, un rapport de la « Freedom House ». Cet organisme, financé aux deux tiers par l’Etat américain, a été fondé en 1941 et, parmi ses membres fondateurs, nous trouvons notamment Eleanor Roosevelt, épouse du Président Franklin Delano Roosevelt, franc-maçon de haut grade. En mars 2003, la « Freedom House », qui coopère également avec la fondation « Open Society » du milliardaire George Soros, a soutenu l’attaque américaine contre l’Irak. Dans une déclaration de la « Freedom House », on peut lire : « Du fond du cœur nous espérons que cet effort de guerre, où sont engagé les forces armées américaines, connaîtra un bon aboutissement et que la tyrannie de Saddam Hussein tombera avec un minimum de pertes en vies humaines ».

 

Dans un rapport de la « Freedom House » daté de juin 2009 et intitulé significativement « Russie – capitalisme sélectif et cleptocratie », la Russie est dépeinte comme un croquemitaine qui oppresse ses citoyens et constitue un danger croissant pour la paix dans le monde. Ce rapport critique le fait « que le Kremlin s’immisce partout dans les anciennes républiques de l’ex-URSS, dans leurs affaires intérieures et financières, dans leurs approvisionnements énergétiques et dans leurs communications stratégiques ». Le rapport ne mentionne pas, bien entendu, que les Etats-Unis font exactement la même chose ! La NED, en effet, soutient toute une série d’ONG russes, dont beaucoup, comme par hasard, s’activent dans la région septentrionale du Caucase, talon d’Achille de l’actuelle Fédération de Russie. Ainsi, au début de l’année, le « Caucasus Institute Foundation » (CIF) a reçu des subsides pour un total de 49.000 dollars ; quant au « Comité tchétchène de sauvegarde nationale », il a reçu 75.000 dollars ; la « Société pour l’amitié russo-tchétchène », elle, a dû se contenter de 25.000 dollars. Les services russes de sécurité reprochent à ces organisations soutenues par les Etats-Unis d’exciter encore davantage les esprits dans une région comme le Caucase du Nord, où la situation est déjà explosive ; l’objectif, ici, est d’obliger la Russie à mobiliser toutes ses ressources dans la pacification de son flanc sud.

 

La nouvelle politique étrangère de la Russie du tandem Medvedev/Poutine et la renaissance de la conscience géopolitique russe qui l’accompagne dérangent Washington mais il a plus dérangeant encore : la Russie, en dressant des barrières administratives contre les ONG financées et soutenues par l’étranger, impose de ce fait un verrou solide aux immixtions américaines. L’américanosphère riposte dès lors sur le front de la propagande : depuis des années, les écrits de la « Freedom House » dénoncent le soi-disant ressac en Russie des libertés démocratiques et prêchent pour que celle-ci soit dorénavant rangée dans la catégorie des « Etats voyous ». Très récemment, à la mi-janvier 2010, on peut lire dans un des rapports de la « Freedom House » : « Des Etats autoritaires comme l’Iran, la Russie, le Venezuela et le Vietnam ont renforcé récemment leur arsenal répressif ». En 2008, la « Freedom House » avait comparé l’état de la démocratie en Russie avec celui de la Libye et de la Corée du Nord ».

 

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°3/2010 ; trad.. franç. : Robert Steuckers).

samedi, 09 mai 2009

Estados Unidos refuerza su imperio militar mundial

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Estados Unidos refuerza su imperio militar mundial

 

Ernesto Carmona - Argenpress - http://3via.eu/

 

 

Mientras los medios ocultan noticias sobre gasto bélico, producción de armas, nuevos inventos para matar y el fortalecimiento del aparato militar de EEUU y de los países ricos aliados del imperio, el Instituto Estocolmo de Investigación de la Paz (SIPRI, su sigla en inglés) informó que el gasto militar del mundo creció en 45% durante los últimos 10 años, con EEUU acumulando casi la mitad del crecimiento del poderío bélico global. A dos décadas de la extinción del “peligro comunista”, en un mundo en crisis financiera y económica, con el planeta en peligro y un tercio de la población mundial amenazada por el hambre, la pregunta es ¿qué gran guerra planean las potencias occidentales?.

Entre cientos de noticias militares ocultadas a la ciudadanía mundial, la transnacional DynCorp construirá una base de EEUU en Cite Soleil, Haití, EEUU libra una guerra secreta en Sudán mientras la Corte Penal enjuicia al presidente en ejercicio de ese país. También hay un informe sobre el peligro para la paz mundial que significa que Obama mantenga al republicano Gates al frente del Pentágono por su tenebroso curriculum vitae.

Aumenta el gasto militar a través del planeta

El SIPRI reportó que el gasto militar del mundo entre 1998 y 2007 corresponde al 2,5% del producto bruto mundial (GDP, en inglés) y a 202 dólares por cada habitante del planeta. El gasto militar creció 6% en 2007 respecto a 2006, situándose en 1.339 millones dólares. Pero EEUU es el campeón en esta carrera, pues gastó 547 mil millones, el 45% del total del mundo.

Gran Bretaña, China, Francia, y Japón son los más grandes gastadores de dinero en militares y armas pero apenas llegan al 4% o 5% cada uno, muy detrás de las astronómicas cifras de EEUU. El crecimiento regional más grande en militares y armas se dio en la Europa Oriental ex comunista que aumentó sus gastos en 162% entre 1998 y 2007. EEUU y Europa occidental cuentan con 73 de las 100 más grandes empresas de armas del mundo, cuyas ventas en 2006 ascendieron a 292,3 mil millones dólares.1

DynCorp construirá una base militar de EEUU en Cite Soleil, Haití

EEUU planea expropiar y demoler los hogares de centenares de haitianos súper pobres que habitan el gigantesco tugurio de Cite Soleil, en Puerto Príncipe, para hacer sitio a una base militar. DynCorp, una desprestigiada contratista del gobierno de Washington, que opera como brazo cuasi oficial del Pentágono y la CIA, tiene el encargo de ampliar la base que alberga a los soldados de la misión de la ONU “para estabilizar Haití” (MINUSTAH) en el campo de batalla montado por la invasión militar extranjera que comenzó después que fuerzas especiales de EEUU secuestraran y expulsaran al exilio al presidente Jean-Bertrand Aristide el 29 de febrero de 2004.

Los moradores de Cite Soleil han sido victimados en repetidas masacres efectuadas por la MINUSTAH, que desde su aparición discrimina a los ciudadanos más pobres. Según el alcalde de Cite Soleil, Charles José, y un capataz de DynCorp en el sitio, el financiamiento para la expansión será proporcionado por el Departamento de Estado a través de la controvertida Agencia de EEUU para el Desarrollo (USAID, en inglés), en un uso muy poco ortodoxo de los fondos de “ayuda”. Los estrategas de Washington se proponen apoderarse de las primeras propiedades inmobiliarias en que se asienta Cite Soleil. El cuadrante tiene un puerto, está cerca del aeropuerto, colinda con la principal carretera al norte y está anillado por las fábricas y el viejo complejo de la Haitian American Sugar Company.2

La guerra secreta de EEUU en Sudán

La Corte Penal Internacional anunció acusaciones amenazadoras contra Omar al-Bashir, el presidente árabe de Sudán, en la primera vez que ese tribunal incrimina a un jefe de estado en ejercicio. Después del anuncio, que el sistema informativo occidental difundió como noticia por todas partes y en cada hogar estadounidense, al término del mismo día el presidente al-Bashir ordenó la expulsión de diez organizaciones no gubernamentales internacionales (ONGs) que operaban en Darfur.

Pero los grandes medios en lengua inglesa no han divulgado en ninguna parte que EEUU acaba de intensificar su ya antigua guerra por el control de Sudán y de sus recursos naturales (petróleo, cobre, oro, uranio y tierras fértiles para plantaciones de caña de azúcar y goma arábiga, esenciales para la Coca Cola, Pepsi y los helados Ben & Jerry).

Esta guerra ha estado llevándose a cabo también a través de numerosas ONGs supuestamente humanitarias instaladas en Darfur, mediante compañías militares privadas, operaciones de “mantenimiento de paz” y operaciones militares encubiertas (eufemismo para asesinatos secretos) apoyadas por EEUU y sus aliados más cercanos.

La lucha por el control de Sudán se manifiesta en los puntos más álgidos de la guerra por Darfur.

Hay Fuerzas Especiales de EEUU asentadas en tierras de frontera de los estados de Uganda, El Chad, Etiopía y Kenia, y las dos grandes preguntas son: 1] ¿Cuántas de las matanzas “denunciadas” por las ONGs están siendo cometidas por las poderosas fuerzas de EEUU para inculpar después a al-Bashir y al gobierno de Sudán?; y 2] ¿Quién financia, arma y entrena a los rebeldes insurrectos contrarios a al-Bashir?

Pareciera que la acusación a Sudán desnuda a la Corte Penal Internacional como una herramienta más de la política exterior hegemónica de EEUU.

Peligros de mantener a Gates como jefe del Pentágono

El Secretario de Defensa Robert Gates, quien desempeñó el mismo cargo en los últimos años de Bush, no sólo tiene una larga historia de operaciones secretas con la CIA, sino que también es responsable de la más evidente politización de la inteligencia estadounidense.

Como vice director de la CIA, debajo de William Casey, Gates pellizcó a la inteligencia para que exagerara la amenaza militar de la Unión Soviética y justificar mejor los enormes aumentos del presupuesto del departamento de Defensa, o Pentágono, durante la era de la guerra fría de Reagan, mientras simultáneamente se derrumbaba la Unión Soviética.

Gates infló el fantasma del comunismo en América Central, apoyando a los escuadrones de la muerte de la derecha de El Salvador y financiando a “los contra” de Nicaragua en toda esa región. El estallido del escándalo Irán-Contra consiguió que Gates fuera rechazado como director de la CIA después de la muerte de William Casey. (Irán-Contra fue un cambalache ilegal de drogas y armas en beneficio de “los contra”, pero sin “involucrar” oficialmente a EEUU y teniendo a Irán como proveedor bélico)

Según fuentes de inteligencia extranjera, Gates participó en la “Sorpresa de Octubre” para retrasar la liberación de 52 rehenes en Teherán hasta que asumiera Reagan, en 1981. Gates también concentró la ayuda a Saddam Hussein durante la guerra Irán-Iraq, suministrando a Hussein armas químicas, armamento y equipamiento. Gates asumió el control de la secretaría de Defensa una vez que salió Rumsfeld, en diciembre de 2006, y extendió puntualmente la guerra en Iraq con una oleada de 30.000 tropas nuevas. Gates se opuso al plan de Obama de fijar un calendario de 16 meses para el retiro de Iraq.4

*) Resúmenes de historias periodísticas ocultadas por la gran prensa de EEUU y el mundo, elegidas entre cientos de noticias estudiadas por el Proyecto Censurado de la Universidad Sonoma State de California para la selección final de 25 historias relevantes a publicarse en el anuario Censored 2009/2010.

Fuentes:
1) Investigador: Nick Sieben; Consejero de la facultad: Julia Andrzejewski, St. Cloud State University; Evaluador: Carla Magnuson
–"Global Military Spending Soars 45 Percent in 10 Years." Agence France Presse, 9 June 2008 http://www.commondreams.org/archive/2008/06/09/9503
–Instituto Estocolmo de Investigación de la Paz, SIPRI.
http://www.sipri.org/contents/milap/milex/mex_trends.html
2) Investigado por Leora Johnson y Rob Hunter.
– “UN Military Base Expanding: What is Washington up to in Cité Soleil?” Kim Ives,
Haiti Liberté, 9/04/2008
http://www.haitianalysis.com/2008/9/3/un-military-base-expanding-what-is-washington-up-to-in-cit-soleil
3) Estudiante investigador: Curtis Harrison / Evaluador académico: Keith Gouveia
–“Africom’s Covert War in Sudan” Keith Harmon Snow, Dissidentvoice.org, 3/6/2009 http://www.dissidentvoice.org/2009/03/africoms-covert-war-in-sudan
–“Aren't There War Criminals in The US? Legitimacy of Global Court Questioned Over Sudan” Thalif Deen, Inter Press Service, March 9, 2009 http://www.commondreams.org/headline/2009/03/09-10
4) Estudiante investigador: Chris McManus y evaluado académico: Diana Grant
–“The Danger of Keeping Robert Gates” Robert Parry Consortiumnews.com 11/13/2008 http://www.consortiumnews.com/2008/111208.html

 

samedi, 13 décembre 2008

Envers du rêve américain

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Envers du rêve américain

Article paru dans le numéro 30 ( épuisé) de Rébellion (http://rebellion.hautetfort.com/

 

Rébellion n’a jamais fait la confusion, dans son opposition à l’hégémonie mondiale de l’impérialisme américain, entre le peuple américain et son gouvernement. Beaucoup d’américains savent que lorsque leurs politiciens et leurs médias évoquent l’intérêt « national » des Etats-Unis,  il s’agit de l’intérêt de ceux qui dominent, contrôlent, possèdent et  influencent l’économie américaine et que la plupart des conflits provoqués, depuis deux siècles,  par les dirigeants des Etats-Unis le furent pour asseoir et sauvegarder la position  dominante du système capitaliste, le discours officiel légitimant cette politique d’agression au nom de la défense de la liberté et de la démocratie n’étant que du vent.

 

Société du capitalisme triomphant, l’histoire des Etats-Unis offre l’exemple le plus parfait de la réalité de la lutte de classes : un combat entre les puissances de l’argent et les classes populaires. L’accaparement par une minorité oligarchique des richesses d’une nation pour son seul profit. On connaît l’histoire du génocide indien et de l’esclavage, mais on parle peu de la longue lutte des petits paysans expropriés par les riches compagnies et des ouvriers exploités. Rares sont ceux, qui en Europe, connaissent la longue lutte des syndicalistes révolutionnaires américains ou des populistes agrariens pour arracher aux financiers des conditions de vie et de travail décentes. Et comment ses mouvements furent réprimés – souvent dans le sang- par le gouvernement américain. L’American Way of life que l’on a vendu à la terre entière n’est qu’un mirage qui ne résiste pas à l’éclairage de l’histoire.

 

 

 

Il est vain d’entreprendre la caractérisation précise d’une société en quelques lignes, et a  fortiori celle de la société américaine. A la démesure des échelles du continent nord-américain vient s’ajouter la diversité d’un peuplement issu de vagues d’immigration successives. Quelques traits essentiels sont communs à l’ensemble de l’Amérique en raison de l’uniformisation culturelle, intellectuelle et émotionnelle dont sont responsables les médias.

 Le plus frappant en arrivant aux Etats-Unis, et en particulier à Los Angeles, est l’impression de déjà vu qui vient à l’esprit : sensation à la fois irréelle de se déplacer dans un décor de cinéma mais aussi tellement banale car le moindre signe fait déjà partie intégrante de l’univers dans lequel nous baignons. La ville américaine, à l’exception de quelques grandes métropoles comme New York, Washington ou San Francisco, imbrication de pavillons individuels semblables, de centres commerciaux et autres stations-service, est la parfaite illustration de cette monotonie et de cette banalité. La société américaine est à son image : terriblement ennuyeuse. Si l’Américain moyen est en général souriant et sympathique, il est en revanche privé de toute originalité et spontanéité. Chez lui, tout est planifié jusqu’au plus infime détail. Ce conformisme, inscrit dans la mentalité puritaine américaine, auquel s’ajoute le contrôle permanent des faits et gestes des individus – watching neighborhoods, dénonciation des infractions aux autorités, contrôle strict des ventes de tabac et d’alcool avec vérification d’identité obligatoire (Selling alcohol (tobacco) to any person under 21 (18) is a federal crime), interdiction de fumer dans les lieux publics s’accompagnant d’une ostracisation des fumeurs… - donnent l’impression de vivre dans une société oppressive. Les aéroports, avec leur litanie de messages coercitifs Smoking is prohibited, Unattended vehicles will be towed away at owner’s expense,…, et la multiplication des procédures de contrôle des passagers, procédures qui se sont considérablement renforcées ces dernières années suite au 11 septembre 2001,  en sont l’expression paroxystique. Il y a finalement peu de liberté au pays de la liberté, hormis celle d’entreprendre (et de posséder des armes). Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les Américains, dans leur grande majorité, sont favorables à cette surveillance. Pour eux, ces dispositifs de contrôle sont synonymes de sécurité et sont le prix à payer pour une grande liberté au sein d’espaces sécurisés.

 

  La société américaine est en effet dans l’ensemble craintive car l’Amérique ne fait plus figure de sanctuaire suite aux attentats du 11 septembre, que nombre d’Américains considèrent comme la plus grande catastrophe de l’histoire de l’humanité (sic), qu’elle est le pays du déchaînement de la violence, dont les carnages dans les universités et plus généralement le nombre de morts par arme à feu sont les aspects les plus visibles, et de l’insécurité sociale - licenciements sans préavis, absence de couverture sociale et médicale, coût des soins prohibitif… « Si les Américains ont gardé un sens aigu de l’intérêt individuel, ils ne semblent pas avoir préservé le sens qui pourrait être donné collectivement à leurs entreprises (1)». D’où l’individualisme exacerbé qui se manifeste à tous les échelons de la société, renforcé par la distinction entre élus et non élus issue de la doctrine puritaine de la prédestination, sentiments conduisant à considérer que les plus démunis (36 millions d’américains, soit 10,5 % de la population, vivaient sous le seuil de pauvreté en 2006 (2)) sont responsables de la situation dans laquelle ils se trouvent.

 

L’autre conséquence est la solitude dans laquelle vivent de nombreux Américains. Comme le décrit très bien Jean Baudrillard, « c’est la scène au monde la plus triste, plus triste que la misère, plus triste que l’homme qui mendie est l’homme qui mange seul en public (3)». Il est ici monnaie courante de voir la majorité des tables des fast-foods occupées par des personnes seules. Envers du rêve américain.

Autre valeur capitale pour comprendre la société américaine est la notion de destinée manifeste des Etats-Unis, c’est-à-dire que la nation américaine ait pour mission divine de répandre la démocratie et la civilisation, initialement vers l’Ouest et désormais à la Terre entière. Elle se traduit, au niveau de la société américaine, par une absence de recul face à l’histoire et une certitude d’être toujours dans son bon droit. Ce qui exclut tout remords et même le moindre questionnement historique. Symptomatique est cette réflexion d’Ann Coulter, célèbre polémiste outre-Atlantique, au sujet des islamistes: « Autrefois, les Japonais nous détestaient, eux aussi. Quelques bombes nucléaires bien ajustées, et maintenant ils sont doux comme des agneaux (4) ». Cet exemple, bien qu’extrême, ne doit pas apparaître comme un cas isolé. En effet, dans un sondage réalisé en juillet 2005 par l’institut Gallup, 57% des Américains interrogés approuvaient l’usage de la bombe atomique contre le Japon (5). Pour un Américain, l’histoire des Etats-Unis est irréprochable. D’où l’amnésie au sujet du génocide indien, même au Smithsonian National Museum of the American Indian (6). Alors que les ennemis de l’Amérique sont considérés « comme des incarnations du mal (7)». C’est pour cela que les critiques concernant la politique du président Bush sont le plus souvent mal interprétées par les Européens : elles ne visent pas à remettre en cause « la guerre juste menée par les Américains contre le terrorisme, God bless America » mais à sanctionner l’échec militaire de cette administration et le ternissement de l’image de l’Amérique dans le monde. Les opposants au terrorisme d’Etat américain (improprement qualifié de guerre) s’insurgent contre la mort des GI’s américains (Bring our boys home), mais se désintéressent complètement du sort de la population irakienne (y a-t-il eu des protestations contre l’odieux chantage pétrole contre nourriture imposé à l’Irak durant 10 ans et ayant causé la mort d’un million d’Irakiens dont la moitié d’enfants, ou beaucoup de manifestations pour dénoncer les victimes civiles des bombardements US ?), voire critiquent « l’incapacité » des forces de police irakienne à maintenir l’ordre et à assurer la sécurité des troupes américaines présentes en Irak (sic). Leur seconde principale critique est liée à la perception de l’Amérique à l’étranger, « une Amérique narcissique, agitée et agressive [qui] a remplacé, en quelques mois, celle de la nation blessée, sympathique et indispensable à notre équilibre (8) ». Pas de remise en cause d’une guerre perçue comme légitime, mais critique d’un loser qui, au contraire de son père lors de la première guerre d’Irak, n’a pu fédérer une large coalition internationale fournissant aide militaire et financière pour le plus grand profit des Etats-Unis.

 

  Il est certain, comme le rappelle très justement Alain de Benoist, que « dans le domaine des idées, [aux] Etats-Unis, malgré le « politiquement correct », règne une liberté d’expression que nous ne connaissons pas (ou plus), [et qu’] on y est également frappé de la qualité des débats d’idées (9)». Malheureusement ces idées ne sont que peu connues hors des cercles universitaires « car la multiplication des chaînes de télévision […] contribue paradoxalement à homogénéiser l’offre (10)» et non à diffuser des idées non conformes à l’idéologie dominante.

 

Frédéric

 

Notes :

(1) Jean Baudrillard, Amérique, p. 215, Ed. Grasset.

(2) http://www.census.gov/hhes/www/poverty/histpov/hstpov2.ht...

(3) Jean Baudrillard, Amérique, p.35, Ed. Grasset.

(4) Citation d'Ann Coulter rapportée par Silvia Grilli pour le magazine Panorama, traduite et publiée dans le numéro 628 de Courrier International du 14 novembre 2002.

(5) http://www.pollingreport.com/news.htm#Hiroshima

(6) http://www.truthdig.com/arts_culture/item/20071005_the_gr...

(7) Romolo Gobbi, Un grand peuple élu : Messianisme et anti-européanisme aux États-Unis des origines à nos jours, p.18, Ed. Parangon/Vs.

(8) Emmanuel Todd, Après l’Empire : Essai sur la décomposition du système américain, p.17, Folio Actuel.

(9) Robert de Herte, L’Amérique qu’on aime, Editorial du numéro 116 d’Eléments, avril 2005.

(10) Pascal Riutort, Le résistible quatrième pouvoir, in l’Exception américaine, Collectif sous la direction de Pascal Gauchon, p. 125, Ed. PUF.