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dimanche, 11 décembre 2016

Céline: un si mauvais exemple?

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Céline: un si mauvais exemple?

par Pierre Lalanne

Ex: http://celinelfombre.blogspot.com

Ah! Céline, bien sûr! Mais, Céline! Il pue un peu, non? Il sent le soufre pour ne pas dire autrement. Il dérange. Damné… Qui a dit : s’il y avait une seule personne en enfer, ce serait lui? Céline, un spectre qui se tient dans un coin du miroir et, chaque matin, nous rappelle notre petitesse et notre extrême fragilité; nous rappelle, avec un grand rire, que tout est vanité.

Un mort qui ne veut pas mourir, c’est embêtant, surtout un écrivain qui se plait à nous montrer si finement notre altruisme, avec un talent si mal utilisé, perdu à tout jamais. Alors, depuis, on s’échine à l’enfouir profondément au fond de tombeau, cercueil de plomb au couvercle scellé et vissé de mensonges. Jusqu’à présent, les résultats sont douteux, beaucoup d’énergie et de temps perdu, il en ressort plus aérien, même la terre n'est pas assez lourde pour le retenir, pas suffisamment acide pour le réduire en poussière.

Céline n’en est pas à un paradoxe près, marqué du signe de la bête hideuse, son spectre s’obstine et conserve pourtant la fluidité de son style. Il s’infiltre partout et gêne par la seule évocation de son souvenir. Présence indésirable, influence néfaste à éloigner à tout prix du commun, surtout des jeunes, qui pourraient bien tomber sur ses livres, sans aucune mise en garde. D’ailleurs, c’est bien ce qui arriva en ce jour d’automne 1932, personne ne s’attendait à cela et pas un pour prévenir du danger, des conséquences. Les dégâts qu’il provoqua alors, nous en ressentons encore aujourd’hui les secousses.

Hélas, il est, depuis, incontournable d’où la nécessité de l’aborder avec une quantité impressionnante de mises en gade, que le danger croît avec l’usage. Tellement, qu’ils réussissent à nous convaincre que nous allons manipuler un produit excessivement dangereux et hautement toxique et cela risque d’amplifier notre jugement, affiner notre esprit critique et anéantir nos valeurs séculaires en moins de temps qu’il en faut pour lire trois lignes. Faut bien avouer qu’ils n’ont pas entièrement tort et, l’effet, est assez instantané.

Il n’y a qu’à constater les faussetés et les avertissements aux étudiants, lorsqu’un texte de Céline est à l’étude dans un cours de littérature (voir les Années Céline qui en font annuellement la nomenclature)… Nazi! Collabo! Haineux! Défaitiste! Pacifiste! Tout y passe. Cela montre bien que dès le départ, il est impératif de fixer l’image de Céline à l’intérieur d’un concept idéologique parfaitement au point qui bloquera toutes nouvelles perspectives originales d’interprétation du phénomène célinien, unique en soi. Céline est bel et bien un phénomène qui va bien au-delà de ce à quoi l'on voudrait le réduire.

Le mouvement réductionniste est général et bien implanté, même ceux, qui osent avouer leur admiration, les spécialistes, sont conscients d’avancer en terrain miné, de marcher sur des œufs lorsqu’ils prennent la parole. Ils sont conscients que chaque mot sera interprété, analysé et un jugement moral confirmé : tampon des officiels, approbation des censeurs, mais gaffe, on vous tient à l’œil. Il est fascinant de remarquer que la majorité de ses défenseurs, de ses admirateurs sont tenus par cette autocensure absolument rodée et admise, celle d’analyser, en s’excusant, et y mettant les bémols habituels, une autocritique justifiant les valeurs à la mode. Cet état d’esprit, qu’on le veuille ou non, pose des limites à la nature de l’œuvre, à son interprétation et à sa compréhension.

Le chercheur, l’admirateur, qu’importe son état, craint par-dessus tout d’être taxé des mêmes péchés que l’écrivain et aussitôt mis demeure de se rétracter au risque de tout perdre, jugement, réputation, emploi, notoriété et sans parler qu’on finira par s’interroger sur sa santé mentale. Les bonnes vieilles méthodes soviétiques ne sont pas perdues pour tout le monde… d’une pathologie l’autre.

Cinquante ans après la mort de Céline, il demeure malsain d’admettre, naïvement, une passion exagérée envers un personnage si encombrant. Malheureusement, cette attitude, compréhensible en soi devant la puissance de «l’opinion», ne peut que conforter ses détracteurs. Au nom de leurs certitudes qui s’insèrent parfaitement dans l’idéologie dominante et du type d’humanisme bêlant qu’ils défendent, les inquisiteurs des temps modernes seront encore plus nombreux à hurler au crime de lèse-majesté.

Louis Ferdinand Céline 2014 - auteur inconnu.jpg

Entendons-nous bien, chacun de ces prêtres de la rectitude est tout à fait conscient que cette idéologie n’est en fait qu’un leurre posé sur une réalité sociale et économique bien pire que celle qu’ils affirment vouloir défendre.

Le plus grand danger qui guette Céline, ne vient pas de ses écrits en tant quel tel, ils ne sont qu’un prétexte à des haines bien plus pernicieuses, mais de leur appropriation par des experts qui, tout en démontrant son génie littéraire, portent des jugements moraux sur une partie de ses œuvres et qui, fondamentalement, n’ont rien à voir avec la nature de leurs recherches.

En fait, le plus grand danger qui guette Céline, c’est de l’arracher à ses lecteurs et d’en limiter la lecture afin qu’il ne devienne qu’un simple objet d’études entre gens sérieux et non plus, tout d’abord, un écrivain du «peuple», qui sait comment l’atteindre, avec des éclats de rire à répétition et un plaisir sans cesse renouvelé. Céline n’a jamais écrit pour les intellectuels, il est probablement le seul écrivain «reconnu» qui n’appartient pas à une élite littéraire ou une école.

Céline est seul et appartient à ceux qui sont seuls et ne se reconnaissent pas dans un monde entièrement déshumaniser et qui subit lourdement le poids de l’injustice et du mensonge. À ceux-là, qui voient en Céline une bouffée d’air pur, sont accusés bêtement d’êtres de vils réactionnaires, uniquement parce que pas dupes du tout sur la nature et la longueur des couleuvres à avaler.

C’est ainsi, l’on voudrait bien, d’une manière ou d’une autre, régler définitivement le «cas Céline»; c’est-à-dire, de le classer, au mieux en tant qu’écrivain de la nostalgie et au pire comme le pire des antisémites, le figer définitivement dans des articles de dictionnaires et d’encyclopédies afin de bien insister sur la l’ambigüité et la dangerosité du personnage.

En effet, pour les générations qui se succèdent, il est important d’établir hors de toute contestation que le XXe siècle fut celui de la folie meurtrière où la hiérarchisation des massacres est plus importante que ces véritables causes; que Céline a bien marqué la littérature de son temps, mais, reste isolé parce que son temps marque un arrêt brusque dans l’avancé de la civilisation humaine. Céline représente le symbole de ce siècle de barbarie, comme si tout le mal contenu en l’homme passait nécessairement par sa plume.

Pourtant, un problème demeure pour ceux qui cherchent à l’enfermer dans une idéologie, c’est que Céline se situe bien au-dessus de toutes les idéologies de son siècle et bien peu se risquent à approfondir cette question pourtant fondamentale. On s’acharne à vouloir le définir avec des préjugés propres à nos propres valeurs et prénotions élaborées en fonctions d’évènements qui répondent essentiellement aux conditions politiques de l’après-guerre; fallait bien éduquer l’opinion et dénicher des boucs émissaires responsables de tout ce gâchis.

Un personnage tel que Céline ne s’explique pas seulement en fonction de la «banalité» des évènements politiques de son temps. Céline surplombe son époque et la transcendent et c’est ce qui est impossible à admettre, car, il s’agit de remettre en question l’ensemble des schèmes de références à son égard et une certaine relecture «objective» de l’histoire en relativisant l’ensemble des évènements et, surtout, ne pas les isoler de leur contexte.

Toujours, lorsque l’on évoque Céline, le premier concept à retenir devrait être l’importance absolue de l’imaginaire sur la réalité; la réalité étant seulement un support à cet imaginaire qu’il amplifie jusqu’à la faire exploser; ce qui peut donner des résultats, avouons-le, assez fascinants.

Pour Céline, la réalité est vulgaire et l’imaginaire raffiné, ce n’est pas autre chose qu’il tente d’expliquer dans ses «Entretiens avec le professeur Y» ou par les différentes entrevues qu’il accorde dans ses dernières années de vie. Dans «bagatelles pour un massacre», ce n’est pas pour rien qu’il oppose farouchement l’imaginaire et la beauté des ballets, à la vulgarité du matérialisme de la société dans lequel il vit, symboliquement représenté par le «l’esprit juif».

Fondamentalement, Céline n’est pas plus violent envers les juifs que les communistes ne le sont avec les bourgeois… Souvenons-nous : «l’humanité ne connaîtra le bonheur que lorsque le dernier curé aura été pendu avec les tripes du dernier capitaliste» Violence pour violence… appel au meurtre pour appel au meurtre tout cela, dans le fond, se vaut, mais inutile de revenir là-dessus, le jugement est définitif et pour des lustres.

Pour Céline, c’est la lutte de l’imaginaire contre la réalité des choses qui compte, le reste demeure conjoncturel et c’est pour cela qu’il échappe à toute tentative de banalisation et l’acharnement des uns et des autres à vouloir comprendre. La seule évocation de son nom, n’a pas fini de déchainer les passions, les affrontent qui s’emportent d’un extrême à l’autre, haine ou engouement ou raison contre l’instinct.

«La vraie haine, elle vient du fond, elle vient de la jeunesse, perdue au boulot sans défense. Alors celle-là qu’on en crève. Y en aura encore si profond qu’il en restera tout de même partout. Il en jutera assez sur la terre pour qu’elle empoisonne, qu’il pousse plus dessus que des vacheries, entre des morts, entre des hommes.» «Mort à Crédit» dans «Céline en verve» de Pierre Horay 1972. p.101

Alors, un si mauvais exemple, notre Ferdinand Bardamu, ballotté dune tempête à l’autre jusqu’à épuisement, jusqu’à la mort? Peut-être bien, peut-être pas. C’est selon! Après tout, les bons exemples courent les rues, nous n’avons qu’à nous édifier à voir s’épuiser nos élites dans un sens et dans un autre pour s’en convaincre.

Pierre Lalanne

ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC MAURIZIO BETTINI Auteur d'Eloge du polythéisme

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ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC MAURIZIO BETTINI

Auteur d'Eloge du polythéisme

Ex: http://www.laviedesclassiques.fr 

Entretien avec Maurizio Bettini, à l'occasion de l'Éloge du polythéisme: ce que peuvent nous apprendre les religions antiques qui vient de paraître en français (Les Belles Lettres, 2016). 

LVDC. — Comment vous présenter ? historien ? latiniste ? philologue ? anthropologue ou classiciste ?

Eh bien, se définir soi-même est toujours difficile ! Pour ce qui concerne ma position universitaire, je suis professeur de philologie classique (à l’université de Sienne) et je donne aussi des cours d’anthropologie du monde classique. Je me sens un classiciste, latiniste plus qu’helléniste, qui pratique la philologie et la linguistique mais qui s’est tourné de plus en plus vers l’anthropologie.

bettiniPoly.jpgLVDC. — Êtes-vous par ailleurs un homme engagé ?

Engagé ? Un mot qu’il serait peut-être difficile d’expliquer à mes étudiants d’aujourd’hui… Mais qui a eu du sens dans ma formation humaine et intellectuelle. Oui, je dirais que dans mon travail il y a une dimension « civique » que je considère comme importante. Par ailleurs, elle l’est devenue de plus en plus depuis les années 2000, en raison de la collaboration avec des collègues modernistes (Marcello Flores in primis) sur des thèmes comme les droits de l’homme, la réconciliation, l’identité. Les derniers ouvrages de Marcel Detienne m’ont aussi invité à suivre cette perspective. Il s’agit d’utiliser l’Antiquité classique, et l’expérience de mes études en particulier, pour mettre en lumière des aspects « civiques » de notre culture qui faisaient et font partie du débat contemporain. Un de mes derniers ouvrages, pas encore traduit en français, s’appelle « Contre les racines » et est dédié à l’un des mythes les plus puissants et les plus controversés du monde contemporain : les prétendues « racines culturelles » qui nous identifieraient indépendamment de notre choix ou de notre volonté. Il s’agit d’un mythe que l’Antiquité a bien connu.

LVDC. — Que vous apporte la culture classique dans votre quotidien ?

Un point d’observation privilégié, un regard distancié. Dans une époque souvent aveuglée par le provincialisme du temps, comme l’appelait T. S. Eliot ‒ c’est-à-dire une époque qui ne sait plus voir au-delà et au dehors du présent ‒, la culture classique me permet d’observer la contemporanéité d’un regard plus libre et plus original.

LVDC. — Plus généralement que nous apprennent les Anciens ?

Qu’il n’y a pas seulement une manière de mener sa vie – la « nôtre », la « mienne »… ‒ mais qu’il y en a dix, cent, mille, qui sont toutes différentes et qui toutes nous offrent des modèles intéressants. Les Anciens ont élaboré une culture aussi riche que complexe, non seulement au niveau de leurs grandes créations philosophiques ou littéraires, mais aussi dans leur expérience quotidienne, disons « mineure », qui cependant mérite d’être connue.

LVDC. — Étudier l’Antiquité est-ce regarder en arrière, comme Orphée ?

Oui, d’une certaine manière. Parce que les Anciens sont une partie de nous, de notre culture, qui s’est bâtie pour une bonne part sur les bases qu’ils ont jetées dans le passé, à savoir leur langue (le latin vit encore dans l’italien comme dans le français, ainsi que dans les autres langues romanes, et en particulier dans le langage intellectuel), mais aussi les modèles de pensée qui nous ont été transmis par la lecture ininterrompue, à travers les siècles, de leurs textes, entre autres choses. Mais de l’autre côté il y a toujours l’altérité qui caractérise divers aspects de l’expérience humaine propre aux Anciens (leurs « mille façons de vivre » qui sont différentes des nôtres), qui ont le pouvoir de détourner notre regard du passé, de ce qui est derrière, pour le projeter en avant – ce qu’Orphée n’a pas voulu ni pu faire !

LVDC. – Quelle est votre attitude par rapport au passé ? au présent ? au futur ?

S’il faut croire Augustin, se situer dans le temps serait une tâche impossible. « Ces deux temps, disait-il, le passé et le futur, comment sont-ils, puisque le passé n’est plus et que le futur n’est pas encore ? Et le présent, pour être temps, doit s’en aller en passé. »

Mais Augustin était peut-être trop pessimiste, d’ailleurs il s’intéressait plutôt à l’éternité qu’au temps des hommes. Donc je dirais que le passé m’intéresse pour les raisons que j’ai déjà essayé d’expliquer : sortir du provincialisme du temps ; le présent c’est moi, donc il faut le vivre au mieux, pourvu qu’on puisse se soustraire à son « provincialisme » ; quant au futur, j’ai déjà cité Augustin, mais il faudrait citer aussi le Cicéron de Sur la divination :

« Pour César, écrivait-il, s’il avait lu dans l’avenir que, dans ce Sénat peuplé principalement d’hommes choisis par lui-même[…], il serait […] frappé à mort par les plus nobles citoyens […] puis que son corps resterait gisant sans qu’aucun de ses amis ni seulement de ses esclaves voulût s’en approcher, dans quelle torture morale n’eût-il pas vécu ? Certes l’ignorance du mal futur vaut mieux que sa connaissance. » Voilà encore une leçon qui nous vient des Anciens : avoir le courage de connaître mais aussi la patience d’ignorer.

LVDC. — Comment avez-vous rencontré la culture classique ?

Mon grand-père était latiniste lui aussi, professeur à l’université de Rome. Quand il est mort, très âgé, ma famille a hérité d’une bonne partie de sa bibliothèque. À ce moment, j’étais étudiant au liceo classico, et la beauté, la richesse de ses livres me ravissaient. Feuilleter les éditions des Belles Lettres (voilà ! on y est), explorer des travaux de linguistique historique, de philologie… Le destin avait déjà tissé sa trame, je l’ignorais encore. L’année suivante, je suis allé à l’université, à Pise, à la faculté des lettres. En vérité, au début, je ne voulais pas devenir classiciste, je voulais plutôt devenir italianisant, travailler sur Dante, Pétrarque, Arioste, mais, comme l’enseigne la tragédie grecque, l’homme ne peut pas résister à sa moira, à sa « part assignée », à son destin…

bettiniclass.jpegLVDC. — Racontez votre parcours intellectuel. Quels en sont les moments marquants ? les rencontres (de chair ou de papier) déterminantes ?

M’a marqué avant tout la rencontre avec mon professeur de latin, Marino Barchiesi, un classiciste exceptionnel, très ouvert. J’ai écrit ma thèse avec lui, sur Plaute. Pour être accepté par Barchiesi, il fallait bien connaître le latin, la grammaire historique, la métrique, etc., mais aussi la critique littéraire la plus récente, le théâtre de Shakespeare, et ainsi de suite. C’était un conférencier extraordinaire et un professeur magnifique, très clair et fascinant en même temps. Depuis, j’ai eu la chance de suivre des séminaires d’Émile Benveniste, à Pise. Il était venu invité par le professeur de linguistique de l’université, Tristano Bolelli, un homme plutôt difficile mais qui avait d’excellents contacts internationaux. Je suis resté littéralement ébloui par Benveniste. Je connaissais très peu le français, mais j’ai eu l’impression de tout comprendre ! La clarté, l’originalité de ces séminaires – dont le sujet depuis quelques années était devenu un fragment du Vocabulaire des institutions indo-européennes – m’avait même donné le courage de poser une question à Benveniste ! Moi, un jeune étudiant classiciste italien qui posait une question au maître… Quelques mois plus tard, Benveniste est tombé malade, j’ai eu la grande chance de le rencontrer avant que sa vie change dramatiquement. Je pense que cette expérience a marqué mon développement intellectuel. En écoutant Benveniste, j’ai découvert que la linguistique, l’analyse de textes et l’anthropologie pouvaient travailler ensemble, de nouveaux horizons intellectuels s’ouvraient devant moi. J’étais jeune, il était admirable. Après la mort de Barchiesi, qui nous a laissés trop tôt, j’ai poursuivi mes études de philologie et de linguistique latines en suivant le modèle des philologues plus âgés que moi comme Scevola Mariotti, Sebastiano Timpanaro – qui était aussi un grand intellectuel –, Alfonso Traina, Cesare Questa pour la métrique de Plaute (un sujet assez « abstrait » mais qui, en tant que tel, me passionnait) ; après, tous ces maîtres sont devenus pour moi des amis très chers. Entre-temps, l’anthropologie devenait de plus en plus importante pour moi, surtout après la lecture (vraiment passionnée) des Structures élémentaires de la parenté de Claude Lévi-Strauss, ce qui m’emmenait à écrire quelques contributions sur la parenté à Rome. Les ouvrages de Lévi-Strauss ont été fondamentaux dans ma formation non classiciste, pour ainsi dire. À partir des années 1980, je suis entré en relation avec « les Français », Jean-Pierre Vernant, Marcel Detienne, les plus jeunes Françoise Frontisi et François Lissarrague, qui sont aussi devenus des amis et qui m’ont beaucoup appris. Ensuite ç’a été l’Amérique, Berkeley en particulier, où j’ai enseigné et où j’enseigne encore : en Californie j’ai eu la chance de découvrir des approches de l’Antiquité qui auparavant m’étaient inconnues. Les parcours intellectuels sont toujours compliqués, sinueux, même ceux des antiquisants ! 

LVDC. — Vos livres traduits en français traitent surtout de mythologie (sauf le dernier) : pourquoi d’abord la mythologie ?

La mythologie m’a toujours passionné parce que dans les mythes classiques on trouve les deux aspects ou, mieux, les deux composantes de l’Antiquité, que je considère comme fondamentales : d’un coté sa permanence, parce que les mythes ont été repris, racontés de nouveau, modifiés, cités, etc. une infinité de fois jusqu’à présent – donc ils sont avec nous, ils sont nous ; de l’autre son altérité, que les mythes ont aussi le pouvoir de révéler : des mœurs oubliées, parfois bizarres à nos yeux, des inventions narratives extraordinaires, ou des solutions existentielles inattendues.

LVDC. — Votre dernier ouvrage a « fait débat » : pourquoi ?

L’Italie est un pays très catholique, même s’il l’est moins que par le passé. Le seul fait de comparer la religion « païenne » avec les monothéismes, de mettre sur le même plan une religion révélée (la vraie, la seule, la bonne) avec un ensemble d’institutions et de croyances considéré dans le meilleur des cas comme un objet de curiosité « mythologique » ou d’intérêt érudit, et, surtout, de soutenir que les monothéismes contemporains pourraient tout à fait apprendre quelque chose des religions « païennes », ça a fait débat, naturellement.

LVDC. — S’il fallait en retenir une phrase ou une idée, ce serait laquelle ?

Mettre en lumière les potentialités (réprimées) du polythéisme, donner voix aux réponses que son mode spécifique d’organisation du rapport avec le divin pourrait fournir à certains problèmes auxquels les religions monothéistes – comme nous les connaissons dans le monde occidental ou à travers lui – peinent à trouver une solution ou qu’elles ont souvent générés elles-mêmes : en particulier, le conflit religieux et, avec lui, le large spectre de l’hostilité, de la désapprobation, de l’indifférence qui entoure encore, aux yeux des « uns », les divinités honorées par les « autres ».

Les livres de Maurizio Bettini en français

aux éditions Belin

aux éditions Les Belles Lettres

 

samedi, 10 décembre 2016

Etats-Unis. Junte militaire contre junte militaire?

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Etats-Unis. Junte militaire contre junte militaire?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu 

Dans un article précédent « Washington. Establishment contre establishment ? » nous faisions la constatation que, à l'occasion des présidentielles américaines, deux ordres établis (establishment) s'étaient manifestés, l'un en faveur d'Hillary Clinton, l'autre en faveur de Donald Trump

Voir http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=2355...=

L'establishment soutenant Hillary Clinton a été clairement le lobby diplomatico- militaro-industriel espérant que celle-ci reprendrait, non seulement la guerre en Syrie, mais une guerre potentielle avec la Russie. Il faut rappeler que la perspective de cette guerre avait justifié depuis plus d'un demi-siècle la poursuite de dépenses militaires essentielles à la vie du lobby.

Une autre partie de l'establishment, comportant elle aussi des lobbies financiers et militaires, n'hésiterait pas pour protéger ses privilèges actuels et redresser le statut de l'Amérique, à engager des réformes sociales et entreprendre des investissements productifs sur le continent américain lui-même et non dans les pays émergents. Parallèlement, et plus important encore, serait engagé un rapprochement avec la Russie visant à conjuguer au lieu de les opposer, les atouts des deux ensembles continentaux.

Aujourd'hui l'opposition entre les deux lobbies se poursuivrait, mais elle paraît prendre la forme d'un conflit ouvert entre les chefs militaires américains se révélant de plus en plus en contradiction entre eux concernant la politique du futur gouvernement. Les premiers, qui ont renoncé à promouvoir Hillary Clinton, n'en cherchent pas moins à faire de plus en plus de difficultés au futur président Trump. Selon les observateurs réalistes ces difficultés pourraient provoquer des réactions politiques violentes justifiant que les généraux impliqués profondément dans le premier lobby politico-militaro-industriel en prennent prétexte pour imposer aux Etats-Unis une quasi-dictature politico-américaine, autrement dit la mise en place d'un « junte » pour reprendre le terme employé en Amérique du Sud.

Mais les généraux ayant soutenu la candidature de Trump n'ont pas renoncé à leurs ambitions politico-stratégiques. Il n'est pas exclu qu'ils espèrent des difficultés croissantes suscitées actuellement contre Trump une excellente raison de prise de pouvoir, présentée comme devant le défendre, autrement dit d'établir une junte s'opposant à la première, et sur laquelle ils auraient évidemment le contrôle.

On peut penser que Donald Trump joue leur jeu, vu l'importance des responsabilités qu'il vient de confier à des militaires de premier rang, jusqu'ici écartés du pouvoir par Obama et donc retraités. Il s'agit du Gen. John Kelly, ancien chef de US Southern Command, nommé Secrétaire (ministre ) du Department of Homeland Security. Précédemment il avait nommé le Lieut. Gen. Mike Flynn à l'Agence Nationale de Défense et le Gen. James Mattis, surnommé “Mad Dog” au Département de la Défense. D'autres nominations de généraux sont attendus dans les prochains jours à des postes essentiels, peut-être même au Secrétariat d'Etat, pour succéder à John Kerry. On parle notamment du Gen

David Petraeus ou de l'Adm. James Stavridis chef actuel de l'Otan. On mentionne également l'actuel chef de la CIA, l'amiral Michael Rogers, comme  Director of National Intelligence.

Ce qui reste de forces démocratiques aux Etats-Unis, ayant accepté malgré leurs réticences de soutenir Donald Trump, considéré comme un moindre mal, devraient-elles s'en inquiéter? La réponse optimiste est que Trump est si averti et habile qu'il utilisera ces généraux comme artisans de la mise en place de son programme.

Mais il existe une réponse pessimiste. Ce seraient les généraux composant les soutiens actuels à Trump qui lui imposeraient pratiquement de les mettre au pouvoir – autrement à instituer une deuxième junte s'opposant à la première. Junte contre junte, cela s'est vu quelquefois – jusqu'à ce qu'elles s'entendent finalement pour éliminer toute démocratie.

Why Did Japan Choose a Suicidal War in 1941?

 

Seven decades after Japan’s surprise attack on Pearl Harbor some truth is finally beginning to emerge from the miasma of propaganda that still clouds our vision of World War II.

It seems clear by now that President Franklin Roosevelt’s White House knew from deciphered  codes that Japan was planning an attack on America’s key naval base in Hawaii. Shamefully, the senior US Navy and Army commanders at Pearl Harbor were not informed of the impending attack. The US Navy’s three aircraft carriers were coincidentally moved far from harm’s way before the attack, leaving only obsolescent World War I battleships in port as sitting ducks.

Roosevelt was eager to get the United States into war against Germany at all costs. But Americans wanted no part of Europe’s war, recalling how British propaganda had deceived America into World War I. The single largest ethnic group in America was of German origin.  In the 1880’s, my native New York City was the third most populous German city on earth after Berlin and Hamburg.

Roosevelt, whose sympathies lay far to the left in spite of his patrician background, understood that only a surprise attack would provoke Americans into war.

At the time, the US supplied 80% of Japan’s oil, 100% of its aviation fuel, and much of its metal. Roosevelt demanded Japan vacate China that it had invaded, or face an embargo of these vital strategic materials on which Japan’s industry depended. Japan’s fascist military government refused, as Washington knew it would. A US embargo ensued.

jappilot.jpgJapan had a one-year strategic reserve of oil.  Its stark choice was either run out of oil, fuel, and scrap steel over 12 months or go to war while it still had these resources. The only other potential source of oil for Japan was the distant Dutch East Indies, today Indonesia.

In 1991, then US President George H.W. Bush claimed that the US had a right to go to war with Iraq to assure its supply of oil.

Japan’s leading naval strategist, Adm. Isoroku Yamamoto, gloomily predicted before Pearl Harbor that Japan was going to war for oil and would be defeated because of it. He was absolutely correct.  America was ten times more powerful than Japan and had a huge industrial capacity.

It was a suicidal war for Japan in all aspects.  Japan’s powerful army, deployed to occupy China and perhaps fight the Soviet Union,  cared nothing for the Pacific.  By contrast, the  Imperial Japanese Navy had no interest in China.  Its goal was the conquest of the oil-rich Dutch East Indies, British-ruled Malaya,  French-ruled Indo-China and the US-ruled Philippines and Pacific territories.  Making matters worse,  Japan’s navy and army ran separate wars, without any coordination, unified industrial policy or common strategy – in short, two different wars for a nation that was not even up to one conflict at a time.

Japan claimed it was waging a crusade to ‘liberate’ Asia from the Western imperial rule. But few Asians bought this argument due to the brutality and arrogance of their Japanese occupiers.

Looking back, it was indeed an old-fashioned imperial war: the Japanese Empire versus the American, British, French and Dutch empires.  The last empire, the Soviet Union, did not get involved until its smashing victory against Japan’s Kwantung Army in 1945, one of WWII’s greatest campaigns but now totally forgotten.

Why did the Japanese,  an intelligent, clever people, think they could defeat the US and its allies? My view after long studying this question is that Japan’s militarists, boxed into a corner by Roosevelt’s crushing embargo, had to choose between a humiliating surrender to the US and giving up China, or a suicidal war.

Japan’s samurai culture that infused its armed forces saw surrender as the ultimate shame. Death in battle was preferable to surrender and the only honorable course for warriors.

Japanese militarized society had a belief in the ‘nobility of failure’ that was unknown to other peoples.

For Japan’s warriors, the highest glory and honor lay in choosing to fight a battle against greatly superior forces in which defeat and death were clearly inevitable. This was the ultimate expression of the knightly code of ‘bushido’ that guided Japan’s warrior caste.

By June 1944, Japan’s imports of strategic material and food were cut off by US submarines. Half its cities were burning. The population was starving.  Meanwhile, the US was assembling its atomic bombs.

In a final act of folly, right after Pearl Harbor Adolf Hitler declared war on the United States, presenting Roosevelt, whose government had numerous high-ranking Soviet agents, the war he had so long wanted.

Qui était Jean Thiriart ?...

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Qui était Jean Thiriart ?...

Les éditions Pardès publient cette semaine, dans leur collection Qui suis-je, un Thiriart signé par Yannick Sauveur. Docteur en sciences de l'information et de la communication, ni ancien membre du mouvement Jeune Europe ni hagiographe de Thiriart, Yannick Sauveur nous livre un portrait attendu d'une figure essentielle du nationalisme européen de l'après-guerre.

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Jean Thiriart (1922-1992): «J'ai déjà pesté et tonné il y a 30 ans contre les petits nationalismes , le français, l'anglais, l'allemand. J'étais loin d'imaginer la déchéance dans laquelle nous allions tomber à la fin de notre siècle: la déchéance de l'esprit politique avec les micro-nationalismes.» (1992.)

Naître à Bruxelles dans un pays où l'on se sentira toujours à l'étroit, cela scelle un destin européen. Au-delà d'un itinéraire qui l'amènera du socialisme au communisme spartiate via le national-socialisme et le soutien à l'OAS, une permanence habite Jean Thiriart : celle de l'unification européenne, qui sera son obsession tout au long de sa vie publique. Avec Jeune Europe, mouvement transnational qu'il crée en 1963, puis Un Empire de 400 millions d hommes : l'Europe, écrit en 1964, enfin avec la revue mensuelle La Nation européenne (1966-1969), Thiriart offre une vision géopolitique des grands espaces en opposition avec les nationalismes étroits. La Société d'optométrie d'Europe, qu'il fonde en 1967 et qu'il présidera jusqu'en 1981, préfigure, dans son domaine professionnel, l'Europe unitaire et communautaire qu'il appelait de ses vœux. Loin de l'activisme militant, il réapparut au début des années 80 en tant que théoricien avec une hauteur de vues qui dénote la clairvoyance de celui qui a toujours su se placer dans la longue durée et en dehors des contingences politiciennes. Son voyage à Moscou, en 1992, où il rencontre des personnalités de tous bords, précède de peu sa mort, que nul n'attendait si tôt. Ce « Qui suis-je?» Thiriart a pour ambition de sortir de l'oubli un homme injustement méconnu, dont un des mérites fut de dépasser les clivages droite/gauche. Révolutionnaire inclassable, « jacobin de la très Grande Europe », son esprit visionnaire, puisant son inspiration chez Machiavel et Pareto, demeure d une grande actualité dans un monde en pleine mutation.

vendredi, 09 décembre 2016

Marcos Ghio - Pensamiento Fuerte o pensamiento Débil: Julius Evola o Gianni Vattimo

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Marcos Ghio - Pensamiento Fuerte o pensamiento Débil: Julius Evola o Gianni Vattimo

Conferencia organizada por el CENTRO EVOLIANO DE AMÉRICA, brindada el 22.11.16 en la ciudad de Buenos Aires Argentina. Expone el Lic. Marcos Ghio. Título: "Pensamiento Fuerte o Pensamiento Débil: Julius Evola o Gianni Vattimo.

jeudi, 08 décembre 2016

Géopolitique du Salafisme: L’épée et l’idée en fusion

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Géopolitique du Salafisme: L’épée et l’idée en fusion

Ex: http://www.perspectivesmed.ma 
Une littérature foisonnante fait grand cas du salafisme pour expliquer les dérives djihadistes qui marquent de leur sceau l’actualité internationale. Mais quid de cette mouvance rigoriste maternée par le wahhabisme né dans les terres arides du Hedjaz ? C’est en remontant les aiguilles de l’Histoire que le phénomène salafiste pourrait être finement appréhendé. Histoire d’apporter l’éclairage nécessaire sur les ressorts géopolitiques sur lesquels s’articule une pensée guerrière. 
Le salafisme est apparu dans la moitié du 18ème siècle dans l’oasis d’Al-Dariya, situé à 60 kilomètres de Riyad, capitale du Royaume d’Arabie Saoudite. Il est né du pacte conclu entre Mohammed Ben Ibn Abdel Wahhab, théologien, disciple d’Ibn Taymiyya, homme religieux kurde du 13ème siècle, prônant la diffusion de la pensée Hanbalite, qui interdit toute forme d’innovation, et toute interprétation rationnelle (Al-Ijtihad) des textes sacrés et Mohamed Ibn Saoud Al-Mouqrin, émir de la tribu des Banous Hanifa en 1744. Cette fusion entre le sabre et la doctrine va trouver des soutiens extérieurs, notamment celui des Anglais et plus tard des Français. Les intérêts des deux puissances européennes dans la pénétration de la Région sont multiples : le déclin de l’Empire Ottaman, baptisé  » l’homme malade », l’amélioration de leurs réseau commercial et l’endiguement des Russes qui visaient l’accès aux Mers chaudes.
Pendant ce temps, les Al–Saoud avaient commencé la conquête de la totalité du Nedjd, partie Nord Est de la péninsule Arabique. Leur l’offensive militaire était rapide mais à cause de leurs querelles intestines, ils furent défaits à deux reprises par le gouverneur Ottoman Mohamed Ali Pacha (gouverneur de l’Egypte sous l’Empire Ottoman). Les Turcs et leurs Alliés locaux ne parvenaient ni à éradiquer les racines de ce renouveau Salafisme rigoriste et violent ni ce nationalisme fédératif des tribus arabes (voir les mécanismes de la Assabiya chez Ibn Khaldoun). Dans cet environnement instable et complexe, le général Napoléon Bonaparte profita de sa courte expédition en Egypte (1789/1802) et tissa des contacts précieux avec les Saoudiens pendant leur guerre tribale avec les autres tribus. L’objectif de l’initiative française dans le contexte de l’époque était d’établir une alliance militaire avec la tribu bédouine des Al-Saoud anti-Ottomane et aussi les gouverneurs des Al-Rachid à Nadjd et Haïl et Les Hachémites du Hedjaz (région de l’Ouest de l’Arabie), qui abrite les lieux sacrés de l’islam (la Mecque et Médine).

Cette convoitise régionale a donné naissance à la fameuse théorie militaire ottomane dite de la « pomme « , contre la théorie française dite de « la tenaille » inventée par Bonaparte. De l’autre côte, les Anglais qui avaient installé des comptoirs dans les pays du Golfe, soutenaient les Al-Saoud chassés à deux reprises de leur fiefs par les Ottomans. Après leur défaite, les Saoudiens vont trouver refuge au Koweït d’où ils menèrent leurs raids éclairs contre les Turcs et leurs alliés. L’émir Abdelaziz ben Abderrahmane Al-Saoud, héritier du trône de la dynastie, décida en 1906, grâce à l’appui des Anglais de reconstruire la royauté de ses ancêtres, en chassant ses ennemis historiques, les tribus des Al-Rachid et les Chérifs Hachémites de la Mecque et de Médine, au moment ou toutes les puissances Occidentales étaient occupées par la Première guerre mondiale. Ce relâchement international concernant le Moyen Orient, a permis la fondation du Royaume des Al-Saoud de l’entre deux guerres, avec comme constitution le Coran et la Sunna. Projet conçu par le théologien Mohammed Ibn Abdel Wahhab (le Wahhabisme est un terme inadéquat). Le lien scellé en 1744 entre les deux familles va prendre la forme d’un État organisé et structuré, grâce à l’appui des occidentaux présents dans la Région. En effet, en 1912, le Roi Abdelaziz organisa les bédouins en Ikhwans (fratries ou frères), le pouvoir politique et religieux est ainsi partagé entre les Al-Saoud et les Al- Sheikh descendants du prêcheur Ibn Abdelwahab selon un équilibre particulier : les premiers accaparent le pouvoir politique, militaire et économique, alors que les seconds sont devenus responsables du pourvoir cultuel, social et judicaire.

Le Salafisme est réapparu sous une forme nouvelle (islam politique) au début du 20ème siècle. Cependant, cet État n’avait aucune stratégie de conquête globale, ni d’un prosélytisme au delà de son environnement immédiat. Le roi Abdelaziz Al Saoud rêvait toujours de l’eau comme le souligne un Hadith cité dans le Sahih Al Boukhari rapportant que le Prophète Mohammed disait « Oh peuple de Nedjd, vous dormez sur l’or », terme signifiant « or noir », en référence au pétrole!La rencontre du fondateur de l’Arabie Saoudite moderne avec les Occidentaux, particulièrement les Américains, a transformé cette entité en puissance régionale, couronnée par la signature d’un traité de solidarité et de défense avec le président Américain Roosevelt en 1944, (traité Quincy). Cette entente va renverser la donne géopolitique du Moyen Orient, accentuant le retrait progressif des Anglais et des Français de la région.

À cet égard, les Etats-Unis se sont engagés à protéger la Monarchie des Al-Saoud, la contre partie étant la préservation des intérêts géostratégiques et surtout énergétiques de cette grande puissance pendant soixante ans. Cette nouvelle alliance a conforté les croyances de l’homme fort de l’Arabie, en déclarant à ses sympathisants: « Allah est là Haut et les Américains sont en bas » pour contourner la gêne occasionnée par ce traité signé avec les mécréants. C’est grâce à deux ingénieurs américains que le pétrole va être découvert en 1932, ce qui a profondément attristé le Roi Saoudien qui s’attendait à la découverte de l’eau! En effet, la découverte des plus grandes réserves d’énergies fossiles mondiales dans la Péninsule Arabique bouleversa la configuration géopolitique du Moyen-Orient. La dynastie saoudienne et ce depuis sa création, était toujours impliquée dans tous les conflits du Moyen-Orient ; accords franco -britanniques de Sykes-Picot en 1916, création de l’Etat d’Israël en 1948, naissance de la Ligue Arabe en 1945, la guerre du Yémen en 1962, la guerre d’Afghanistan en 1979, le conflit Irako-Iranien, l’occupation du Koweït en 1993 et, enfin, l’invasion Américaine de l’Irak en 2003, et dont les conséquences sont toujours d’actualité.

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A partir de 1979, les Saoudiens se sont retrouvés en face d’un autre ennemi régional, l’Iran Shiite qui menaçait les fondements idéologiques du wahhabisme. Paradoxalement, le pétrole ne va pas servir cette monarchie naissante pendant les premières décennies, elle va plutôt s’appuyer sur les recettes du pèlerinage et du commerce Inter-régional, à tel point que le roi Abdelaziz a voulu créer une sorte de Vatican pour les lieux Saints musulmans, mais personne n’avait accepté son offre qui à mon sens était visionnaire, courageuse et révolutionnaire.

En 1952, le régime de Nasser avait déclaré la guerre à l’association des Frères Musulmans créée en 1928. De ce fait, les militaires égyptiens étaient considérés à Riyad comme un danger potentiel pour la survie et la stabilité de l’État Saoudien. De son coté, le colonel Gamal Abdel Nasser ne cachait pas son alliance avec l’URSS et sa haine contre ce qu’il appelait « les valets de l’impérialisme dans le monde arabe ».
Cette situation de rivalité interarabe, poussera les salafistes saoudiens à former une alliance stratégique avec la confrérie des Frères musulmans. Ces derniers vont fournir aux Saoudiens des élites et des bras nécessaires pour contrecarrer la menace nassérienne. Dans ce cadre là, les wahhabites créèrent un axe islamique puissant et international appelé Ligue du Monde islamique. Cette opposition des deux alliés salafistes contre le panarabisme a abouti à la division du Monde arabe entre deux camps rivaux : les progressistes et les modérés.

Dans le même sillage, l’utilisation de l’arme du pétrole dans cette bataille, va nourrir la doctrine extrémiste des salafistes toutes tendances confondues, qui débouchera par la suite sur un projet d’islam politique à travers le Monde. Cette idéologie politique s’est appuyée sur trois piliers stratégiques : La Ligue du Monde Islamique (construction de mosquées et de centres culturels dans les cinq continents), l’Organisation de la Conférence Islamique OACI et l’OPAEP. Pendant cet épisode crucial dans l’histoire arabe, on remarque que les Frères musulmans avaient joué un rôle déterminant dans le recrutement, la formation, la conversion et l’embrigadement de milliers de jeunes dans le monde. Plusieurs d’entre eux étaient envoyés dans différents théâtres de crise. Cette évolution historique souligne que le mouvement Salafiste n’était pas actif uniquement dans le Moyen-Orient. D’autres mouvements de même nature apparaissent au Maghreb et au Sahel. Tous se sont inspirés de la pensée du théologien kurde Ibn
Taimiyya.
L’association des Oulémas en Algérie en 1924, la révolution du Rif en 1915, le mouvement Salafiste des oulémas de l’université de Fès 1944. En Libye et au Sahel, la Zaouiya Sennoussiya fut le fer de lance de la résistance anticoloniale. La séparation entre les Frères musulmans et les Wahhabites, va s’officialiser en 2011. Les Wahabbites avaient accusé la Confrérie Frèriste d’ avoir élaboré un projet secret visant à déstabiliser les monarchies du Golfe avec la complicité des Américains.Cet événement coïncida avec le Printemps arabe qui a consolidé les groupes Takfiristes et Djihadistes les plus radicaux dont la doctrine jette l’anathème sur les deux frères ennemis salafistes et sur toute la planète .À ce sujet, les Wahhabites ont soupçonné l’Occident de miser sur les fréristes. Selon eux, ils sont les seuls dont les membres sont éduqués et partiellement occidentalisés pouvant créer une hiérarchie forte au sein du monde Sunnite.
À cet égard, les Frères musulmans disposent d’une véritable structure riche et secrète, capable d’accepter une normalisation avec l’État Hébreu au Moyen-Orient. Ils pourraient aussi installer une forme de démocratie à l’occidentale dans les pays arabes (Tunisie).En conclusion et dans une vision prospective, on pense que le duel actuel entre les deux protagonistes renforce Daech et ses semblables. Les ultras -radicaux ont situé leur combat contre tous au niveau du verbe et de l’image, plus haut que la stratégie habituelle conçue par les salafistes eux-mêmes. Dans ce même ordre d’idée, on remarque que tous les acteurs de l’islam politique privilégient la négation réciproque plutôt que le compromis. Les Frères musulmans marquent beaucoup de points en leur faveur car leur discours pénètre facilement les esprits des jeunes scolarisés et disposent d’une capacité d’adaptation considérable d’un réseau large et d’une communication très dynamique.

mercredi, 07 décembre 2016

"Geopolitics of East Asia" by Robert Steuckers

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Euro Rus 15th Round Table "Geopolitics of East Asia" by Robert Steuckers

mardi, 06 décembre 2016

Particratie in de politiek Chris Aalberts en Arnout Maat

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Particratie in de politiek

Chris Aalberts en Arnout Maat

Doneer Café Weltschmerz, we hebben uw steun hard nodig! NL23 TRIO 0390 4379 13 (Disclaimer: Wij betalen over uw gift in Nederland belasting)

Hebben de politieke partijen te veel macht?

maat-parti.jpgDe Particratie (Aspekt 2016) is een werk van de aanstormende intellectueel Arnout Maat. Vanuit zijn achtergrond in geschiedenis, politicologie en politieke communicatie presenteert hij een relaas over het huidige politieke bestel. De essentie is dat politieke partijen al een eeuw lang een véél grotere rol spelen in de representatieve democratie dan ooit door onze grondwet is bedoeld. “De particratie van binnenuit omvormen to een democratie, zoals D66 ooit poogde te doen, is onmogelijk: alsof men een rijdende auto probeert te repareren”, zo vat Maat zijn relaas op de achterflap samen.

Volgens Arnout Maat is dat het geval en daarom schreef hij een boek over de macht van partijen. Volgens Maat moet die Particratie afgebroken worden voordat het te laat is. Maat maakt het onderscheid tussen het stemmen op een partij en anderzijds datgene wat de partij met die macht van de stem doet. De partij verwerft zich op die manier een macht die zij naar eigen inzicht gebruikt, zonder zich te bekommeren over de achterliggende wensen van de burger. Een corrigerend mechanisme bestaat in ons stelsel niet. Als een politicus succes wil hebben moet zij de partijdiscipline volgen en niet die van de gewone burgers......Kiest de politicus voor de wens van de burger dan wordt zijn carrière.

Conférence de Youssef Hindi: La laïcité, séparation des pouvoirs ou usurpation divine?

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La laïcité, séparation des pouvoirs ou usurpation divine?

Conférence de Youssef Hindi à Lyon

L’équipe d’E&R Lyon accueillera Youssef Hindi le vendredi 16 décembre 2016 à 20h à Lyon pour une conférence intitulée « La laïcité, séparation des pouvoirs ou usurpation divine ? ».

Réservations : confhindilyon@gmail.com

Entrée : 7 euros.

Merci de mentionner le nombre de places demandées, l’identité de tous les participants (noms et prénoms, pas de pseudo) ainsi qu’un numéro de téléphone portable.

Le lieu de conférence sera indiqué par courriel et SMS quelques heures avant l’horaire indiqué.

lundi, 05 décembre 2016

Iranian Renaissance with Jason Reza Jorjani

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Iranian Renaissance with Jason Reza Jorjani

Jason Reza Jorjani is a philosopher and faculty member at the New Jersey Institute of Technology. He is author of Prometheus and Atlas.

Here he discusses the influence of pre-Islamic, Zoroastrian culture on the society within Iran following the Arab conquest. He notes that Islamic Sufism borrowed heavily from an esoteric strain of Zoroastrianism known as Mazdakism. He also maintains that the Arabic preservation of ancient Greek texts was largely done through the auspices of Persian scholars. These texts eventually were instrumental in the vast flowering of European culture known as the Renaissance. Today, within Iran, there exists a movement known as the Iranian Renaissance. Millions of young Iranians are wearing Zoroastrian symbols and are endeavoring to learn about the ancient, Persian past. Much of the inspiration for this movement comes from a text known as the Shahnameh or Persian Book of Kings.

New Thinking Allowed host, Jeffrey Mishlove, PhD, is author of The Roots of Consciousness, Psi Development Systems, and The PK Man. Between 1986 and 2002 he hosted and co-produced the original Thinking Allowed public television series.

Carlo Galli - Il nomos della terra di Carl Schmitt

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Carlo Galli - Il nomos della terra di Carl Schmitt

Vincent Coussedière - Conférence sur le populisme

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Vincent Coussedière - Conférence sur le populisme

Conférence du Club Gutenberg Strasbourg, le 22 novembre 2016.

Vincent Coussedière, auteur de "Eloge du populisme"