jeudi, 26 mai 2022
Les bonnes et les mauvaises alliances militaires
Les bonnes et les mauvaises alliances militaires
Andreas Mölzer
Source: https://andreasmoelzer.wordpress.com/2022/05/26/von-guten-und-bosen-militar-bundnissen/
Les débats actuels sur l'élargissement du pacte de l'Atlantique Nord nous renvoient à l'histoire des diverses alliances militaires, du moins à celle du XXe siècle. Tout a commencé avec les deux pactes militaires qui se sont affrontés en Europe à la veille de la Première Guerre mondiale. Il y avait la double alliance entre la Prusse-Allemagne et la monarchie des Habsbourg, qui s'est ensuite élargie à la triple alliance avec le royaume d'Italie. Face à ces puissances centrales se trouvait l'Entente cordiale, composée de la République française et de la Russie tsariste, élargie par la suite au Royaume-Uni.
L'Allemagne, qui représentait alors une sorte de puissance quasi hégémonique en Europe, puisqu'elle était devenue la plus grande puissance économique et disposait également de la plus grande armée, se sentait encerclée par l'Entente. La France voulait prendre sa revanche sur 1870 et la Russie voulait stopper l'influence croissante de l'Allemagne en Europe de l'Est. L'Angleterre, quant à elle, craignait la puissance économique de l'Empire allemand et se sentait menacée dans sa domination maritime mondiale par le développement de la flotte allemande.
Ainsi, les deux alliances militaires qui se faisaient face avaient en fait une vocation défensive et étaient principalement destinées à lutter contre une trop forte montée en puissance des puissances adverses. Pourtant, la Triple Alliance et l'Entente allaient finalement devenir des alliances offensives avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale. L'historien australien Christopher Clark décrit cela de manière impressionnante dans son ouvrage de référence "Les somnambules".
La leçon à tirer de la structure des alliances avant la Première Guerre mondiale est tout simplement que les alliances militaires qui s'opposent conduisent avec un certain automatisme à la guerre réelle, même si les représentants des deux parties ne le souhaitent pas explicitement.
Dans l'entre-deux-guerres, on a essayé de créer une sorte d'organisation internationale des États par le biais de la Société des Nations, afin d'éviter l'émergence d'alliances militaires antagonistes. Mais le simple fait que les États-Unis n'aient pas adhéré à la Société des Nations a montré que celle-ci était vouée à l'échec. L'Allemagne vaincue s'étant sentie violée et bâillonnée par le diktat de paix de Versailles, il était évident que Berlin s'opposerait au nouvel ordre d'après-guerre à la première occasion. Et ce, sans doute, même sans une prise de pouvoir par les nationaux-socialistes. La révision du traité de Versailles, souhaitée par Hitler dans les années 30 et réellement mise en œuvre, a finalement entraîné la dissolution de la communauté d'États prévue par le biais de la Société des Nations. Celle-ci fut alors remplacée par deux blocs militaires antagonistes. Il y avait d'une part l'Allemagne, alliée à l'Italie fasciste, et l'alliance des anciens alliés de la Première Guerre mondiale, en particulier la Grande-Bretagne et la France. Le fait qu'Hitler ait réussi à conclure une alliance de courte durée avec Staline a perturbé le retour à la constellation d'avant la Première Guerre mondiale pendant à peine deux ans. Avec l'invasion de l'Union soviétique par l'armée allemande, cette structure d'alliance antagoniste s'est soudainement renouvelée. Et comme lors de la Première Guerre mondiale, les États-Unis sont entrés en guerre contre l'Allemagne avec un certain retard. Ainsi, les puissances de l'Axe, renforcées cette fois par le Japon, ont mené une guerre mondiale contre les Alliés, qu'elles devaient presque inévitablement perdre.
Comme les vainqueurs écrivent l'histoire, il est clair aujourd'hui encore que la responsabilité de la Première Guerre mondiale incombait aux puissances centrales, en particulier à l'Allemagne prussienne et à la monarchie des Habsbourg, et que la Seconde Guerre mondiale était de toute façon une guerre d'agression criminelle de l'Allemagne nazie contre le reste du monde. Ainsi, alors qu'avant la Première Guerre mondiale, il existait encore une sorte d'équivalence morale entre les alliances militaires, il était tout à fait clair lors de la Seconde Guerre mondiale qu'il s'agissait du bien contre le mal. Lorsque la guerre froide a éclaté après la Seconde Guerre mondiale entre les anciennes puissances victorieuses, les États-Unis et l'Union soviétique, il était clair dès le début qu'il s'agissait là aussi du bien contre le mal.
L'Union soviétique et le Pacte de Varsovie ont pris fin à la fin des années 80 et les États-Unis, avec le Pacte de l'Atlantique Nord qu'ils dirigeaient, sont restés la seule puissance militaire mondiale. Prétendre que les États-Unis et l'OTAN n'ont pas mené de guerre depuis lors serait tout simplement une négation des faits historiques. L'une ou l'autre guerre a sans nul doute été menée sous mandat de l'ONU, mais bien d'autres l'ont été sans mandat. Les États-Unis, seule superpuissance restante, ont toujours cru pouvoir imposer leurs intérêts. Bien entendu, il n'y a jamais eu de sanctions de la communauté internationale contre les États-Unis, comme c'est le cas aujourd'hui contre la Russie. Si l'OTAN s'élargit aujourd'hui avec l'adhésion de la Suède et de la Finlande, c'est dans la continuité de ce qui avait déjà commencé après la fin de la Guerre froide et l'effondrement du Pacte de Varsovie. Malgré les promesses contraires faites à Gorbatchev, l'OTAN s'est étendue à un certain nombre de pays qui faisaient partie du Pacte de Varsovie. Comme le Reich allemand avant la Première Guerre mondiale, la Fédération de Russie, dirigée par Vladimir Poutine, a dû se sentir encerclée. Il ne fait toutefois aucun doute que cela est loin de légitimer une guerre d'agression telle que celle que Poutine mène aujourd'hui en Ukraine.
D'un point de vue géopolitique et mondial, la Russie est sans aucun doute la grande perdante de la guerre et des développements actuels. Un autre perdant est l'Europe, qui n'a d'importance qu'en tant que payeur, par exemple pour la reconstruction de l'Ukraine, et qui reste sous la coupe politique de Washington : un équilibre avec la Russie, judicieux du point de vue de la politique de puissance et de la géopolitique, a été rendu impossible pour des générations. Et les États-Unis, ou plutôt le complexe politico-militaire américain et les forces qui le dirigent en coulisses, ont réussi à faire en sorte que les États-Unis restent la seule puissance mondiale pertinente. En revanche, les membres européens de l'OTAN peuvent simplement se féliciter d'être membres de la bonne alliance militaire, posée commesupérieure sur le plan moral, humanitaire et démocratique.
En ce qui concerne l'Autriche, toujours neutre, la pression médiatique et politique en faveur d'un débat sur la neutralité devrait augmenter dans un avenir proche. Il semble que l'objectif de certaines forces en arrière-plan soit de faire tomber les derniers bastions qui refusent l'adhésion à l'OTAN. La position développée au début du gouvernement Schüssel/Riess-Passer, selon laquelle on pourrait devenir membre de l'OTAN s'il existait une OTAN européanisée, est donc totalement caduque. Une européanisation de l'OTAN ne se dessine plus depuis longtemps, bien au contraire. Et c'est ainsi que l'Autriche, jusqu'ici neutre, court le risque de faire partie du pacte de l'Atlantique Nord avec tous les autres États européens. Ce pacte est absolument dominé par la seule superpuissance restante, à savoir les États-Unis. Ainsi, l'alliance militaire occidentale et tous les membres de l'alliance, en particulier les États européens, sont livrés en premier lieu aux intérêts politiques et militaires des États-Unis. Mais on fait ainsi partie d'une bonne alliance militaire, d'une alliance militaire démocratique de haut niveau moral. Quel bonheur !
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mercredi, 25 mai 2022
La Suède dans l'OTAN
La Suède dans l'OTAN
Leonid Savin
Source: https://katehon.com/en/article/sweden-nato?fbclid=IwAR1nV_IoY07nu5fnBmG2D_1kO38wvQTwKUsXqsLkFWhnq4hrOPLm8BXx1Uo
Stockholm a aidé et aide encore l'OTAN à mener des agressions militaires dans d'autres pays de toutes les manières possibles.
Contrairement à la Finlande, la Suède n'a pas de frontière commune avec la Russie, de sorte que l'entrée de ce pays dans l'Alliance de l'Atlantique Nord peut ne pas être perçue comme trop problématique. D'un autre côté, tout renforcement de l'OTAN est un défi, puisque ce bloc est lui-même une menace pour la Russie et le Belarus (et pas seulement).
La neutralité de la Suède est discutable. Pour s'en rendre compte, il suffit de regarder les statistiques officielles de l'OTAN.
Leur coopération a débuté lorsque la Suède a rejoint le programme dit de "Partenariat pour la paix" en 1994 et le Conseil de partenariat euro-atlantique (un forum multilatéral de dialogue réunissant tous les alliés et pays partenaires de la région euro-atlantique) en 1997.
La Suède est l'un des six pays (appelés "Partenaires aux possibilités accrues" dans le cadre de l'initiative d'interopérabilité du Partenariat) qui apportent des contributions particulièrement importantes aux opérations de l'OTAN et aux autres objectifs de l'Alliance. Ainsi, le pays a élargi les possibilités de dialogue et de coopération avec ses alliés.
Il existe désormais un dialogue politique et des consultations régulières entre l'OTAN et la Suède, un échange d'informations sur la guerre hybride, une coordination de la formation et des exercices, et une sensibilisation générale à la situation pour éliminer les menaces communes et élaborer des actions conjointes, si nécessaire.
La Suède a contribué pour la première fois à une opération dirigée par l'OTAN en 1995, lorsqu'elle a envoyé un bataillon à la force de maintien de la paix dirigée par l'OTAN en Bosnie-Herzégovine. En outre, elle a soutenu la force de maintien de la paix de l'OTAN au Kosovo depuis 1999.
Le personnel suédois a travaillé aux côtés des forces de l'OTAN dans le cadre de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan de 2003 jusqu'à la fin de la mission de la FIAS en 2014. La Suède a également soutenu une mission de soutien résolue (RSM) de suivi pour continuer à former, aider et conseiller les forces de sécurité et les institutions afghanes jusqu'à son achèvement en septembre 2021. La Suède a contribué à hauteur de plus de 13 millions de dollars au fonds fiduciaire de l'armée nationale afghane.
En avril 2011, la Suède a contribué à l'opération United Protector (OUP), une opération militaire de l'OTAN en Libye, conformément aux résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU. La Suède participe également à la mission de l'OTAN en Irak.
En outre, la Suède a signé un protocole d'accord de soutien au pays hôte qui, sous réserve d'une décision nationale, lui permet de fournir un soutien logistique aux troupes alliées situées sur son territoire ou y transitant, lors d'exercices ou en cas de crise. [i]
La Suède soutient également un certain nombre de projets du fonds d'affectation spéciale de l'OTAN dans d'autres pays partenaires, axés sur des domaines tels que la formation et l'évaluation des unités militaires, la réadaptation médicale des militaires blessés, la neutralisation des explosifs et la lutte contre les engins explosifs improvisés, la formation avancée du personnel du secteur de la sécurité.
La Suède participe au processus de planification et d'analyse, qui aide le pays à développer son potentiel militaire et à améliorer l'interopérabilité des forces armées suédoises avec les alliés et les autres partenaires.
La Suède participe au concept de capacités opérationnelles de l'OTAN, qui utilise un programme d'évaluation et de retour d'information pour développer et former les unités des forces terrestres, maritimes, aériennes ou d'opérations spéciales des partenaires qui s'efforcent de respecter les normes de l'OTAN.
La Suède participe à de nombreux exercices, et a également participé aux exercices de la coalition cybernétique de l'OTAN.
La Suède a coopéré avec un certain nombre d'autres pays à la création d'une force multinationale de réaction rapide pour les opérations de maintien de la paix, dirigée par l'Union européenne (UE).
Depuis 2014, dans le cadre de l'initiative d'interopérabilité du Partenariat, la Suède participe à la plateforme d'interopérabilité, qui unit les alliés à certains partenaires participant aux opérations de l'OTAN.
La Suède participe à deux initiatives stratégiques dans le domaine du transport aérien : le programme de capacités de transport aérien stratégique (SAC) et la solution intérimaire de transport aérien stratégique (SALIS).
L'OTAN apprécie beaucoup le rôle de la Suède dans la formation des forces armées des autres pays partenaires de l'OTAN. Le Centre international des forces armées suédoises (SWEDINT) organise des exercices et des formations axés sur l'aide humanitaire, les services de sauvetage, les opérations de maintien de la paix, l'état de préparation des civils et le contrôle démocratique des forces armées. Le Nordic Center for Gender in Military Operations est également situé à SWEDINT.
La Suède entretient des liens étroits avec les autres pays nordiques et participe à la Coopération nordique en matière de défense (NORDEFCO), une initiative de défense régionale qui encourage la coopération entre les forces armées nordiques.
En d'autres termes, la coopération entre la Suède et l'OTAN est très active depuis longtemps. Et Stockholm a aidé l'OTAN par tous les moyens possibles à mener des agressions militaires dans d'autres pays.
Il convient de noter qu'un large débat sur la possibilité que la Suède rejoigne l'OTAN a commencé fin décembre 2012, lorsque le chef de la défense suédoise, le général Sverker Göranson, a déclaré dans une interview largement diffusée que si la Suède était attaquée, elle ne pourrait se défendre que pendant une semaine avant que l'aide étrangère ne soit nécessaire.
Le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a ensuite ajouté que, bien que la Suède soit le partenaire le plus actif et le plus compétent de l'OTAN, elle ne peut pas compter sur une assistance en cas d'attaque, car la garantie de sécurité prévue à l'article 5 de l'Alliance ne s'applique qu'aux membres de l'OTAN, une organisation à laquelle la Suède refuse d'adhérer.
Mais la ministre suédoise de la Défense, Karin Enström, a déclaré dans une interview ultérieure que la Suède peut compter sur l'assistance de l'UE, puisque le traité de Lisbonne prévoit une clause de solidarité, l'article 42.7, qui oblige les États membres de l'UE à fournir une assistance aux autres membres de l'UE en cas d'événements catastrophiques ou d'attaques. [ii]
Naturellement, en 2014, après la situation en Crimée, les États-Unis ont commencé à inciter activement la Suède à rejoindre l'OTAN. [iii] Entre autres, les déclarations sur une possible "agression de Moscou" ont été activement reproduites. Les experts américains estiment que "dans le conflit entre l'OTAN et la Russie, par exemple, lors de l'invasion russe des États baltes, la Suède sera profondément impliquée. Comme la Finlande fait office de tampon contre la Russie, une attaque depuis la terre est extrêmement improbable.
Au lieu de cela, la Suède sera confrontée à trois tâches défensives : la protection contre les attaques aériennes et les missiles russes, la protection de son vaste territoire contre la pénétration russe, et la protection de l'île de Gotland et d'autres infrastructures clés afin que les forces armées de l'OTAN puissent les utiliser pour protéger l'entrée des troupes dans les États baltes et en d'autres endroits". Pour ce faire, il est nécessaire de pré-déployer des avions et des systèmes de défense aérienne pour couvrir Gotland et un certain nombre de positions en Suède. Cela coûtera 3,2 milliards aux États-Unis, et l'OTAN devra ajouter 6,4 milliards supplémentaires. [iv]
Le nombre de partisans de l'adhésion du pays à l'OTAN en Suède n'a cessé d'augmenter d'année en année. S'il y a 10 ans, en 2012, les sondages montraient que seuls 18 % d'entre eux pensaient qu'ils devaient devenir membres de l'alliance, et 44 % étaient contre, alors en 2015, 38 % étaient en faveur, et 31 % contre.
Les propagandistes externes et leurs agents comme Carl Bildt ne sont pas les seuls à avoir travaillé sur l'image de l'OTAN. De nombreux spécialistes suédois des questions internationales ont contribué au discours pro-OTAN. Selon eux, le changement d'identité évoqué dans l'introduction est devenu possible en faisant appel aux discours dominants de l'"idéalisme" et de l'"internationalisme actif".
Autrefois partie intégrante de l'identité nationale suédoise, le thème de la "neutralité" a été remplacé par la justification de l'existence et de l'expansion de l'OTAN dans la période de l'après-guerre froide. Le sens de la "solidarité" a également changé et a commencé à impliquer que les États qui se soucient de la paix ne devraient pas agir comme des "passagers clandestins", mais devraient être prêts à agir en solidarité avec d'autres États européens et démocratiques contre les tyrans et les terroristes. [v]
Déjà en 2015, la coopération active entre l'OTAN, la Suède et la Finlande était considérée à Stockholm comme une sorte de nouvelle norme nécessaire à la sécurité dans les pays baltes. [vi] Bien qu'avant cela, dans la pratique, la Suède utilisait effectivement la coopération bilatérale informelle avec les États-Unis et d'autres États européens pour assurer sa sécurité.
Par conséquent, le mythe de la politique de "neutralité armée" du pays pendant la guerre froide n'est pas devenu un obstacle majeur pour obtenir le soutien de l'opinion publique à l'adhésion à l'OTAN.
Comme dans la Finlande voisine, des rumeurs de panique et des sentiments russophobes se sont répandus en Suède ces derniers temps. Gunilla Herolf, de l'Institut suédois des relations internationales, a déclaré à The National que "les Russes ne respecteront pas le territoire de la Suède. Ils feront en sorte que le premier jour, nous ne puissions pas utiliser de cartes de crédit ou avoir de l'électricité. C'est ce à quoi les gens s'attendent et se préparent." [vii]
Selon elle, les Suédois achètent des réservoirs d'eau spéciaux, des radios portatives, des réchauds de camping et de la nourriture supplémentaire en cas de conflit. Le gouvernement suédois prévoit également de réapprovisionner le grand réservoir de pétrole de Vattenfall et d'utiliser une centrale électrique construite pendant la guerre froide.
Herolf pense également que l'île de Gotland, qui a été militarisée à nouveau il y a quelques années, servira de base de soutien pour "dissuader les Russes". Ou, peut-être, pour les provocations et les attaques ?
Récemment, en décembre 2021, la Suède a participé à des cyber-manœuvres sous les auspices de l'OTAN. [Et en mars-avril de cette année, les exercices militaires VIKING 22 ont eu lieu sur le territoire de la Suède, où des représentants de l'Ukraine étaient également présents. En février 2021, le ministère suédois de la Défense a créé le Centre de recherche sur les opérations spéciales, dont la direction comprend des représentants du siège de l'OTAN et de l'US Air Force[ix].
Quant au complexe militaro-industriel, l'industrie de la défense suédoise dispose "d'importantes technologies avancées et d'une capacité de combat", ayant des alliances industrielles solides avec le Royaume-Uni, les États-Unis et l'Allemagne. Cela lui a permis de développer conjointement avec le Royaume-Uni des systèmes tels que le missile antichar NLAW, qui a été utilisé en Ukraine contre les troupes russes.
Les produits du complexe militaro-industriel suédois sont également l'avion militaire polyvalent Gripen, les systèmes de guerre électronique avancés, la surveillance aérienne, les radars intelligents d'artillerie et de contre-batterie, et tout cela sera utile aux futurs alliés de l'OTAN, vraisemblablement contre la Russie. Par conséquent, les mesures de réponse devraient représenter quelque chose de plus que les notes de protestation standard et/ou la fermeture des magasins IKEA.
Notes:
[I] https://www.nato.int/cps/en/natohq/topics_52535.htm
[ii] https://blogs.lse.ac.uk/europpblog/2013/05/20/sweden-nato-eu-alternative-us-defence-policy/
[iii] https://www.foreignaffairs.com/articles/finland/2014-04-30/nordic-nato
[iv] https://www.geopolitika.ru/article/vo-chto-mozhet-oboytis-rasshirenie-nato
[v] https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0010836720966376
[vi] https://www.ui.se/butiken/uis-publikationer/ui-brief/2015/a-new-normal-for-nato-and-baltic-sea-security/
[vii] https://www.thenationalnews.com/world/europe/2022/05/11/sweden-stockpiles-against-possible-russia-attack-over-nato-application/
[viii] https://www.fhs.se/en/swedish-defence-university/news/2020-04-24-sweden-participates-in-worlds-largest-live-fire-cyber-exercise.html
[ix] https://www.fhs.se/en/swedish-defence-university/about-sedu/organisation/specialised-centres/the-centre-of-special-operations-research-csor.html
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L'Europe a bel et bien perdu!
L'Europe a bel et bien perdu!
Par Mario Porrini
Source: https://www.centroitalicum.com/ha-perso-leuropa/
La guerre doit durer aussi longtemps que possible afin de saigner à blanc la Russie et de la faire échouer. À ce stade, la domination américaine sur l'Europe deviendra encore plus pesante, certifiée par l'identification désormais complète de l'UE avec l'OTAN.
Deux mois après le début de la guerre en Ukraine, Washington peut être satisfait de la tournure des événements. Le scénario actuel a été esquissé point par point dans un rapport préparé en mars 2019 par la Rand Corporation, le puissant et influent think tank américain, financé par le Pentagone, la CIA, diverses organisations non gouvernementales ainsi que par des "philanthropes" qui, accessoirement, ont également des intérêts dans le secteur militaro-industriel américain. Dans l'étude, publiée sous le titre "Overextending and Unbalancing Russia" et remise à l'administration américaine, diverses actions sont suggérées pour forcer une puissance ennemie ayant des liens trop étroits avec les nations européennes, comme la Russie, à une intervention militaire au cœur du Vieux Continent qui provoquerait la dissolution de ces liens, renforçant encore la dépendance de l'UE vis-à-vis des États-Unis et minant son économie au point de la faire imploser, comme à l'époque de l'URSS.
À cette fin, il a été instamment demandé d'accroître la pression des forces de l'OTAN le long des frontières de la Russie afin de pousser Poutine à l'action ; de forcer l'Europe à rompre toute relation politique et économique avec Moscou ; de saper l'image de la Russie à l'étranger en l'isolant complètement. Une recommandation particulière concernait l'octroi d'une aide militaire à l'Ukraine, qui devrait être soigneusement calibrée de manière à prolonger la guerre le plus longtemps possible afin de saigner la Russie à blanc, mais sans s'immiscer dans un conflit plus large.
Toutes les suggestions de Rand ont été ponctuellement reprises par la Maison Blanche et le Pentagone. Depuis lors, la pression de l'OTAN sur Moscou n'a cessé d'augmenter et a culminé avec trois exercices militaires massifs envisageant des scénarios de guerre en Ukraine, menés en succession rapide. La première en juin 2021 (Sea Breeze), la deuxième en juillet 2021 (Three Swords), la dernière en septembre 2021 (Rapid Trident). Pendant ce temps, le nombre d'instructeurs militaires des pays de l'Alliance atlantique envoyés en Ukraine pour former les forces armées de Kiev a augmenté de façon exponentielle.
La gigantesque base de Yavoriv, située en territoire ukrainien à environ 25 kilomètres de la frontière polonaise, a accueilli des troupes américaines, britanniques, canadiennes, polonaises et lettones. Cette attitude progressive de défiance et les déclarations provocatrices de Zelenskyj, qui insistait sur l'entrée immédiate de l'Ukraine dans l'OTAN, ont convaincu Poutine d'empêcher cette entrée tout en tombant dans le piège savamment préparé. Le plus probable est que Moscou, surestimant l'efficacité de ses troupes, espérait atteindre rapidement ses objectifs stratégiques et que le président russe, avec trop d'optimisme, pensait prendre un risque (mal) calculé...!
A ce stade, les jeux étaient faits. Avec le début des hostilités, la puissante machine de propagande de guerre s'est mise en marche, visant à criminaliser Poutine, montré du doigt comme l'agresseur et le seul coupable, et à sublimer un personnage qui, bien qu'étant le principal responsable de la tragédie dans laquelle il a plongé son pays, a été élevé au rôle de héros national: Volodymyr Zelenskyj. L'exposition médiatique et le narratif positif tissé autour de sa personne ont été impressionnants ; les liens avec les différents parlements des nations européennes et les émissions quotidiennes en direct du front ont monopolisé l'attention de tous les médias, tandis que son activité sur les médias sociaux est très suivie. S'afficher avec une barbe mal taillée et une tenue militaire, afin de s'accréditer comme un président qui mène son peuple en armes, sont le fruit d'indéniables compétences en communication, même s'ils devraient nous expliquer comment il est possible que dans une nation qu'ils nous disent avoir été presque totalement détruite par des bombardements, l'internet, outil indispensable à ces connexions, fonctionne encore. Quoi qu'il en soit, la stratégie de chantage moral de Zelensky à l'encontre des pays européens a pleinement réussi. Presque toutes les chancelleries, sous l'emprise émotionnelle de l'opinion publique et confortées par son soutien, se sont empressées d'exécuter les ordres de Washington, se rangeant du côté de l'Ukraine et acceptant de renforcer encore les sanctions contre la Russie, même au prix d'en subir elles-mêmes les conséquences les plus graves. L'interruption de toute forme de relation, tant politique qu'économique, entre l'Europe et la Russie était, comme nous l'avons vu, précisément l'un des objectifs visés par les États-Unis, et pour l'instant, il a été pleinement atteint.
L'autre objectif était d'affaiblir l'économie russe. À cette fin, les États-Unis et les pays satellites européens sont occupés à fournir des armements aux forces armées ukrainiennes. La guerre doit durer le plus longtemps possible afin de saigner la Russie à blanc et de provoquer sa faillite sans courir le risque d'une escalade nucléaire. Il importe peu que le coût en termes de vies humaines soit subi par le peuple ukrainien ; au contraire, ces victimes contribuent à créer un climat de peur dans l'âme des citoyens européens qui se sentent protégés par l'OTAN et ceux qui n'en font pas partie s'empressent de chercher refuge sous son parapluie, comme cela est arrivé à des pays traditionnellement neutres comme la Suède et la Finlande, convaincus de pouvoir rejoindre l'Alliance atlantique en très peu de temps. À ce stade, la domination américaine sur l'Europe devient encore plus complète, confirmée, de surcroît, par l'identification désormais complète de l'Union européenne à l'OTAN, une organisation qui, depuis quelque temps, assume de plus en plus le rôle d'un bras armé aux ordres des États-Unis.
Cependant, ce qui est présenté dans les médias comme un isolement complet de la Russie au niveau mondial est en réalité une mystification totale. Dans le monde, seules 37 nations ont décidé d'adopter des sanctions contre Moscou ; il n'y a pas d'Etats d'Afrique, d'Amérique du Sud, il n'y a ni la Chine ni l'Inde, il n'y a pas 90% du monde islamique, pas d'Etats d'Asie du Sud-Est. En Europe même, les positions sont différentes et ne vont pas dans un sens particulier: la Hongrie, la Bulgarie et la Turquie continuent à entretenir des relations commerciales avec Moscou, tandis que l'Allemagne et la France temporisent sur l'interruption des livraisons de gaz. Avec les pays baltes et la Pologne, ennemis traditionnels des Russes, et la Grande-Bretagne, désormais reléguée au rang de fidèle écuyer des États-Unis, seule l'Italie se range inconditionnellement du côté des États-Unis. Dans les prochains jours, Draghi s'envolera pour Washington afin de réitérer l'engagement de l'Italie à renoncer progressivement au gaz de Poutine. Son objectif, soutenu avec conviction par le PD - un parti "socialiste" désormais ouvertement pro-américain - est de devenir l'interlocuteur privilégié de Biden en Europe, face à la prudence de Scholz et aux hésitations de Macron.
En septembre, le mandat de secrétaire général de l'OTAN expirera et l'on murmure que Draghi vise ce poste prestigieux auquel on n'accède que si l'on se montre obséquieux face aux souhaits de Washington, et quelle meilleure preuve de loyauté que d'apporter en dot la soumission totale de l'Italie ? Notre Premier ministre a donné sa pleine volonté de fournir des chars et des armes offensives à l'Ukraine sans qu'il n'y ait eu aucun débat au Parlement et sans connaître la liste des types d'aide militaire déjà envoyée à Kiev car elle est secrète et ne peut être consultée que par les membres du Copasir.
Les sanctions imposées de manière inattendue à la Russie par les dirigeants européens causent de très graves problèmes. L'augmentation des coûts de l'énergie et des matières premières, la fermeture d'un marché aussi riche que celui de la Russie et le blocage des marchandises des citoyens de ce pays à l'étranger ont causé d'énormes dommages à de nombreuses entreprises européennes qui risquent désormais la faillite. Les protestations des syndicats et des industriels allemands ; l'opposition des travailleurs de Renault en France ; la décision des usines de chaussures de Marche de continuer à exporter vers la Russie, sont autant de signes que quelque chose bouge. Malgré la gigantesque et puissante machine médiatique qui fonctionne à plein régime, les sondages révèlent que l'écrasante majorité de la population européenne n'approuve pas l'envoi d'armes à l'Ukraine car elle s'inquiète, à juste titre, d'une éventuelle escalade du conflit, dont le théâtre serait toujours l'Europe. Les industriels, les syndicalistes, les travailleurs et les entrepreneurs du Vieux Continent se montrent plus réalistes et lucides que les politiciens en réclamant avec force la fin de cette guerre par procuration, décidée Outre-Atlantique, qui nous pénalise lourdement et ne profite qu'à une seule puissance : les Etats-Unis d'Amérique. Les pouvoirs en place font l'expérience directe que l'Europe a perdu dans ce conflit qui a éclaté au cœur de notre continent !
17:25 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique internationale, europe, affaires européennes, russie, sanctions, sanctions antirusses | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Kissinger: "La Russie ne doit pas être vaincue". Mais ne mordez pas à l'hameçon, pour lui, l'ennemi, c'est toujours l'Europe!
Kissinger: "La Russie ne doit pas être vaincue". Mais ne mordez pas à l'hameçon, pour lui, l'ennemi, c'est toujours l'Europe!
Eugenio Palazzini
SOURCE : https://www.ilprimatonazionale.it/esteri/kissinger-russia-non-va-sconfitta-non-abboccate-nemico-e-sempre-europa-234472/
Pour l'ancienne figure de proue de la politique étrangère américaine, la Maison Blanche fait tout de travers, car elle devrait éviter de pousser l'Occident dans un choc frontal avec la Russie. Henry Kissinger ne change pas sa vision historique et pointe désormais du doigt ceux qui tentent d'infliger une défaite à Moscou sur le terrain. Selon lui, un compromis est nécessaire et l'Ukraine doit "entamer les négociations avant que ne surviennent des émeutes et des tensions qui ne seront pas faciles à surmonter" en cédant un certain territoire en échange de la paix. C'est ce qu'a déclaré le très cher ami de 98 ans de Napolitano lors du Forum économique mondial.
Kissinger : "Une erreur fatale d'isoler la Russie"
Kissinger a souligné que "idéalement, le point de basculement devrait être un retour au statu quo ante", celui d'avant l'invasion russe. Poursuivre la guerre au-delà de ce point ne serait plus une question de liberté pour l'Ukraine, mais une nouvelle guerre contre la Russie elle-même", a-t-il souligné. Le diplomate américain a également déclaré que la Russie fait partie de l'Europe et que ce serait une "erreur fatale" d'oublier sa position de force sur le Vieux Continent. "J'espère que les Ukrainiens sauront tempérer l'héroïsme dont ils ont fait preuve par la sagesse", a souligné Kissinger. En soi, en passant sous silence le rôle principal de Moscou pour un instant, les mots de l'ancien secrétaire d'État américain pourraient certainement plaire à ceux qui souhaitent rouvrir la table des négociations.
Kissinger contre Brzezinski. La gaffe américaine
Il y aurait cependant une erreur fondamentale, un champignon hallucinogène que mâcherait l'analyste distrait : croire que Henry Kissinger est le visage angélique des États-Unis, un porteur généreux de bons conseils pour l'Europe, en tant que tel préférable à l'unilatéralisme radical de son rival du vingtième siècle Zbigniew Brzezinski. Évitez les gaffes, s'il vous plaît. Pour les deux grands stratèges américains, accaparer l'Europe, la rendre non pertinente et donc contrôlable, a toujours été l'inévitable objectif. C'est sur la manière de maintenir la vassalité que les deux "âmes sages" de l'Amérique continuent de s'affronter.
Pour Kissinger, une entente russo-américaine est nécessaire, il l'a réclamée immédiatement après l'effondrement de l'URSS, l'a revigorée à l'époque d'Eltsine et l'a renouvelée sans trop de distinctions avec Poutine. Pour les élèves de Brzezinski, décédé il y a cinq ans, la domination américaine sur le "grand échiquier" doit être maintenue en s'opposant frontalement à la Russie, renforçant dans un système asymétrique la collaboration avec les autres acteurs qui avancent dans le sillage de Washington.
Méthodologies différentes, même objectif. La politique étrangère américaine, en ce sens, n'a jamais vraiment donné naissance à une troisième ligne "européiste", à l'exception de quelques aperçus fugaces parus dans Foreign Policy. Et nous ne faisons certainement pas référence à celles de son cofondateur Samuel Huntington, qui a trébuché de façon célèbre dans une lecture simpliste - autant que manichéenne - de la dynamique mondiale.
Eugenio Palazzini
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mardi, 24 mai 2022
La Turquie et l'ordre multipolaire
La Turquie et l'ordre multipolaire
par Pierluigi Fagan
Source : Pierluigi Fagan & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/turchia-e-ordine-multipolare
Je m'inspire d'un article sur la Turquie paru dans Ria Novosti (Russie), pour montrer la complexité des jeux multipolaires. La Turquie est l'idéaltype d'un lieu géo-historique multipolaire. Pendant plus de six siècles, un empire musulman sunnite, avec un passé plus récent en tant que société réformiste laïque. Asiatique mais toujours méditerranéenne, la Turquie est née de peuples non indigènes qui ont migré il y a des siècles de l'Asie centrale, où leur ethnie et leur langue sont originaires, la zone violette de la carte (ci-dessous, entre la Caspienne et l'Aral, les peuples Orghuz).
Il va sans dire qu'il existe un penchant naturel pour les peuples de langue turque (les quatre "stans" d'Asie centrale, cercle jaune), bien que ceux-ci soient également courtisés par les États-Unis, sont les alliés (économiques et militaires) pas toujours convaincus de la Russie, qui demeurent en étroite relation économique avec la Chine. En utilisant ces trois zones horaires du cadran général, nous allons procéder dans le sens des aiguilles d'une montre pour voir les autres lignes de relation entretenues par la Turquie contemporaine.
Avec la Chine, la concurrence porte précisément sur la zone de l'Asie centrale et surtout sur les Ouïghours, avec lesquels, soit dit en passant, les ancêtres des Orghuz ont eu un conflit historique au 8e siècle. Les djihadistes ouïghours (chinois) ont été un élément important utilisé par la Turquie dans le récent conflit en Syrie. D'autre part, Ankara regarde avec satisfaction le projet chinois BRI, qui devra compter avec la zone turque pour son développement. L'analyse même des relations avec la Chine montre une dynamique typique des relations multipolaires, à savoir le découplage des intérêts militaires et économiques. On peut être en concurrence sur l'un et collaborer sur l'autre, et investir davantage sur l'un au détriment de l'autre peut servir à équilibrer les relations avec différents partenaires. Le réseau systémique élastique qui en résulte est précisément ce qui caractérise un "ordre multipolaire", un concept que beaucoup ont du mal à comprendre.
Il semble que les Turcs aient désormais une présence militaire dans l'Afghanistan post-conflit, dont ils gèrent actuellement l'aéroport. La Turquie développe fortement son industrie militaire dont elle utilisera les produits pour la géopolitique de sa région, en concurrence avec les Russes, les Chinois et les Américains ou les Européens. Sur l'Iran nous ne rapportons rien de spécial, les relations sont discrètes bien que les deux pays soient des ennemis historiques et naturels.
La courbe bleue signale l'allié organique le plus proche d'Ankara, le Qatar. Mais depuis l'époque des grandes frictions entre le Qatar et les monarchies du Golfe, nous sommes passés à une recomposition des intérêts. Ainsi, après l'affaire du journaliste saoudien taillé en morceaux à Ankara (l'affaire Khashoggi), qui avait rendu les relations avec les Saoudiens très aigres, ceux-ci ont maintenant rouvert des relations diplomatiques selon leurs intérêts (Ligne verte, sur la carte).
La Turquie a un ennemi naturel à sa porte, à savoir les factions kurdes de Syrie (YPG), liées au Parti communiste kurde (PKK) de Turquie, qu'Ankara considère comme des terroristes. C'est la raison, avec d'autres questions d'approvisionnement militaire et de relations avec la Grèce, l'ennemi des ennemis pour Erdogan, pour laquelle les négociations USA-Suède/FIN-TURK donnent le feu vert à l'entrée des Scandinaves dans l'OTAN. Ce problème est moins simple que présenté habituellemen et typique des contradictions entre politique intérieure et extérieure dans les systèmes multipolaires. Pour les Suédois et les Finlandais, il s'agit d'abjurer leur amitié idéale et valorisante avec les formations politiques de la démocratie radicale (le tournant d'Öçalan vers la pensée démo-anarcho-écologiste et féministe de M. Bookchin), pas du tout simple en termes d'échelles de valeurs pour les deux pays historiquement en tête du classement occidental des "démocraties complètes". Le reste, c'est-à-dire les fournitures d'armes et de technologies demandées par Ankara, s'arrangera, mais ce point, en termes de politique intérieure, sera douloureux pour les deux Etats scandinaves.
La nouvelle géopolitique d'Ankara a également conduit à une récente recomposition des relations avec Israël, où Erdogan s'était distingué en étant pratiquement le dernier musulman à soutenir le Hamas (plus de forme que de fond, mais cela compte dans le monde arabe). Cela s'explique également par le cercle jaune ci-dessus. C'est là que se trouve le plus grand trésor, encore caché dans les entrailles de la terre, le gaz naturel. Mais il y a aussi un enchevêtrement multipolaire. La région est dominée par l'Égypte, qui, dans les partitions que constituent les différentes formes de sunnisme politique, est aux antipodes d'Ankara (même si le rapprochement avec les monarchies arabes alliées du Caire pourrait apaiser les esprits) et les deux sont dans des camps opposés en Libye. Il y a ensuite Israël, le Liban et la Syrie, précisément la partie nord-ouest où se trouve une présence militaire russe stratégique. Mais surtout Chypre, ou plutôt le différend historique entre les zones grecque et turque, et bien sûr la Grèce en tant que propriétaire de facto de la mer Égée, autant un ennemi extérieur que les Kurdes sont un ennemi intérieur.
En Libye, Ankara est avec nous et au moins formellement aussi les Américains contre les Russes-Emiratis-Français. L'ancrage turc en Libye est peut-être la présence militaire étrangère la plus importante d'Ankara et fait partie d'une stratégie méditerranéenne très complexe, mais considérée comme stratégique au plus haut degré également parce qu'elle a une base géo-historique solide.
Passons pour l'instant sur la ligne blanche des relations avec les États-Unis, sur laquelle nous reviendrons en conclusion. L'article russe fait allusion à quelque chose de nouveau qui devra être vérifié et suivi. Les Américains auraient promis à Ankara d'entrer dans l'EMS-EPA, qui est un traité de collaboration entre les États-Unis, Israël, la Grèce et Chypre (Grèce) pour forer dans la mer Égée et faire un nouveau gazoduc (East Med) utile à l'opération de désengagement de l'Europe vis-à-vis des approvisionnements russes. Le sujet de beaucoup d'impolitesse mutuelle entre Ankara et Athènes ces dernières années et d'une longue perspective en tout cas. La Grèce, à son tour, s'allie localement avec la France et l'Italie. Un bel enchevêtrement, du pain pour la haute diplomatie, fournir des armes un peu ici et un peu là, ce qui n'est pas du tout facile. Comme dans le cas des sacrifices demandés aux Scandinaves pour lever le blocus turc, convaincre les Grecs sera une tâche ardue, mais là encore, le poids d'Athènes est nul sur le plan international et géopolitique, ils avaleront l'accord à n'importe quel prix, si Washington le veut. Ce n'est pas le cas de la population grecque. La haine des Grecs pour les Turcs est inextinguible, elle est au cœur de l'identité nationale la plus viscérale.
La Turquie a pénétré profondément dans les Balkans musulmans, le Kosovo et l'Albanie en premier lieu. Ankara fait du chantage à l'UE et à l'Allemagne in primis, avec laquelle elle partage une importante communauté étrangère, sur le problème des migrants que les perturbations alimentaires et climatiques récentes et futures vont accroître, augmentant ainsi le pouvoir de chantage d'Erdogan. En outre, alors que l'Ukraine dépose sa demande d'adhésion à l'UE en une demi-heure, Ankara a déposé sa demande d'adhésion à l'UE en 1987, une UE avec laquelle elle partage une présence dans l'OTAN. Et pendant que nous sommes sur le sujet, notez la fourniture de drones turcs mortels à Kiev, comme un acte d'équilibre contre les Russes, pour maintenir l'équilibre à trois dans la mer Noire.
Nous en arrivons ainsi aux relations complexes avec les Russes. Ankara veut maintenir des relations bivalentes sur le plan militaire, mais cordiales sur le plan économique (elle n'a pas participé aux sanctions et a tenté d'organiser des sommets de la paix), un cas typique d'équilibrage avancé. Pour débusquer les "ambiguïtés" d'Erdogan (les mentalités dichotomiques qualifient d'"ambiguïté" tout ce qui n'est pas tout simplement noir ou tout simplement blanc) ou peut-être simplement pour suivre les intérêts des alliés "stan", Moscou a invité Ankara à rejoindre leur union militaire (OTSC), même si elle sait que c'est peu probable puisque les Turcs font partie de l'OTAN. Attention au Caucase. Ankara est avec l'Azerbaïdjan dans l'affaire du Nagorno-Karabakh, contre l'Arménie, la Russie à l'opposé. Je signale la sortie récente de Kadyrov (Tchétchène-Russe) engagé et à bien des égards crucial dans le conflit en Ukraine, un musulman, qui se dresse précisément contre les "ambiguïtés" d'Erdogan, la Tchétchénie est au beau milieu du Caucase et il y a des Tchétchènes qui sont peut-être parrainés par les Turcs du côté ukrainien, chose que n'apprécie pas Kadyrov dont le poids politique en Russie augmente.
Nous pouvons donc conclure en revenant sur les relations avec les États-Unis. En avril dernier, les États-Unis et la Turquie auraient mis en place un nouveau "mécanisme stratégique" conjoint, dirigé par Victoria Nuland (!), dont la première réunion a eu lieu à Washington entre Blinken et Cavasoglu il y a quelques jours. Tous les jeux énumérés ici composent un parallélogramme très complexe dans lequel les États-Unis tentent de s'insérer aux côtés d'Ankara, en donnant et en demandant. Après tout, Erdogan a fait de l'équilibre multipolaire la figure structurelle de sa stratégie géopolitique.
Nous avions besoin du cas turc à la fois pour actualiser le tableau des relations complexes avec le sommet turc et pour montrer à quel point elles sont complexes. On peut compter au moins 25 États de la vaste région "péri-ottomane" impliqués dans les relations avec Ankara, dont, en plus, trois puissances (USA-Russie-Chine), pour six macro-zones -Asie-Arabie-Afrique-Europe-Amérique-Méditerranée-, avec de multiples interrelations militaires, économiques, culturelles-religieuses, énergétiques, migratoires, géopolitiques, compétitives et coopératives.
Ce thème (la géopolitique d'aujourd'hui et de demain) sera désormais comme cela. Vous comprendrez donc comment le fait de s'enfermer dans l'angoisse du jugement, de surcroît litigieux, avant même d'avoir compris 10% du sujet, de cette affaire ou d'autres, expose la plupart au ridicule. Ceux qui minimisent ensuite la complexité vont également au-delà du ridicule, ce qui devrait être souligné et qui était alors le but implicite du poste laborieux.
[Le post mentionne le balayage des sujets mais ne suit pas entièrement le contenu de l'article de Ria Novosti que je joins tout de même par souci d'exactitude: https://ria.ru/20220522/ssha-1789945361.html ].
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L'Amérique se battra jusqu'au dernier Européen
L'Amérique se battra jusqu'au dernier Européen
par Maurizio Bianconi
Source: https://www.destra.it/home/lamerica-combattera-fino-allultimo-europeo/
Mon frère, cadre supérieur sa vie durant, expert du monde d'en haut, m'a envoyé un SMS au début de la guerre : "L'Amérique est prête à combattre la Russie jusqu'au dernier ukrainien". Ces mêmes jours, le président Biden a lancé des épithètes contre Poutine, suicidaire sur le chemin de la paix. Je me suis souvenu d'une citation de Ken Follet: "un imbécile est un imbécile, mais un imbécile à la Maison Blanche est la chose la plus dangereuse au monde".
Ensuite, les choses sont allées sur une pente descendante jusqu'à la fourniture d'armes au pays attaqué avec des crédits faramineux. Il a été dit que les armes seraient utilisées pour aider l'Ukraine à résister. Puis la cible a changé : il a été dit que les armes et l'aide seraient utilisées "pour vaincre la Russie" et que la guerre durerait "très longtemps".
La Russie a annoncé des "armes secrètes" et a renforcé l'effort de guerre, de sorte que, dans un crescendo apparemment insensé, on s'attendait à l'annonce de la "guerre totale" par Poutine. Entre-temps, la demande, jamais formulée au cours des 70 années précédentes, de la Suède et de la Finlande d'adhérer à l'OTAN est apparue. Ce que Brzezinski a dit - selon l'histoire - à l'époque de la tentative d'intégration de la Russie à l'Europe "La Russie doit être repoussée en Asie" m'est revenu en tête.
Aujourd'hui, les choses semblent plus claires et des comportements que l'on croyait dénués de sens peuvent être déclinés à bon escient. Le mondialisme planétaire prôné par la post-démocratie financière envisageait un monde dominé par le marché. Les marchés en haut, les États en bas", comme le dit Tremonti. Le marché devait être dirigé par la finance occidentale.
Dans cette optique, la Chine a été admise au club du marché mondial (W. T. O.) en 2001 et la Russie en 2012. L'objectif était d'amener 2 milliards et plus de consommateurs sur le marché libre pour qu'ils soient également utilisés comme main-d'œuvre bon marché. En outre, des flots de ressources auraient été introduits sur le marché financier, qui seraient autrement à peine utilisables par la spéculation internationale.
Un geste imprudent, et l'Occident financier et mondialiste a eu le sort des cornemuses de montagne. Il a été joué et rejoué. L'Est produit à bas prix mais pour lui-même et envahit les marchés. Ses fonds souverains ont fait le plein et sont venus acheter une grande partie de la dette publique américaine. La Russie est stratégique en matière d'approvisionnement en énergie. Il s'est avéré que le mondialisme spéculatif devenait une arme aux mains de l'Est pour gagner la confrontation économique avec les pharaons de Wall Street. La phrase attribuée à Brzezinski s'est avérée prophétique.
Peu importe que cette guerre ait été causée, même en petite partie, par la pression américaine sur les nerfs à vif de la Russie. Ce qui est important, c'est que cette guerre est la prophase (le "prétexte" selon l'enseignement de l'historien Polybe) pour ramener le mondialisme à des dimensions plus autarciques. Une marche à reculons et un avenir qui sent le passé: l'Ouest par ici, l'Est par là.
Avec quelques précisions : l'Est compte autant de milliards d'habitants que l'Ouest et le jeu économique est désormais grand ouvert, avec une seule : les pauvres (de l'Est) seront plus riches, les riches (de l'Ouest) seront plus pauvres. L'Est possède des armes nucléaires chez tous ses protagonistes (Russie, Chine, Pakistan, Inde); l'Ouest n'en possède pas.
Le continent européen perd toute chance de constituer un bloc autonome et devient avant tout une ressource de guerre au service de l'atlantisme : l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, un avant-poste de l'empire par-delà la mer. Dans ce contexte, la fuite des Américains d'Afghanistan est plus compréhensible mais tout aussi inexcusable.
Une fuite déshonorante, un précédent à rappeler pour les hommes euroricains (Macron, Johnson) et nationaux (Draghi, Mattarella, E. Letta, M. Maggioni pour tous). La première Amérique présuppose un besoin similaire de fuir l'Europe. À ce stade, je reformule le SMS de mon frère : "L'Amérique est prête à combattre la Russie jusqu'au dernier Européen".
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lundi, 23 mai 2022
Confrontation dans l'Arctique
Confrontation dans l'Arctique
par le comité de rédaction de Katehon
Source: https://www.ideeazione.com/confronto-nellartico/
L'opération militaire spéciale en Ukraine a entraîné l'imposition de nombreuses sanctions par l'Occident. L'Arctique a également souffert de ces événements. Les activités du Conseil de l'Arctique ont été suspendues et de nombreux projets sont désormais en danger.
Conseil de l'Arctique
Le Conseil de l'Arctique existe depuis 1996. Elle comprend huit États : Danemark, Islande, Canada, Norvège, Russie, Etats-Unis, Finlande et Suède. Le pays qui préside le conseil change tous les deux ans. Les États prennent cette position à tour de rôle. En 2021, la présidence du Conseil de l'Arctique est passé à la Russie.
Les questions prioritaires de l'organisation sont les suivantes : assurer un développement socio-économique durable de l'Arctique, mettre en œuvre des programmes d'étude et de protection de l'environnement, préserver la biodiversité de la région et adapter la vie en fonction du changement climatique.
L'opération militaire spéciale en Ukraine a entraîné des changements dans les activités du Conseil de l'Arctique.
En mars 2022, sept États membres de l'organisation ont annoncé leur décision de suspendre les travaux du conseil. Des mesures similaires ont été prises suite aux actions de la Fédération de Russie sur le territoire de l'Ukraine.
Les initiateurs du "bloc" de coopération ont noté que le Conseil de l'Arctique a toujours suivi les principes de "souveraineté et d'intégrité territoriale". La Russie, selon eux, ne remplit pas ces conditions. Compte tenu de la violation de ces dispositions, les représentants des États arctiques ont refusé d'assister aux réunions du conseil en Russie.
Le ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie a condamné cette décision. Le général Nikolai Korchunov, ambassadeur du ministère russe des Affaires étrangères et haut responsable du Conseil de l'Arctique russe, a déclaré que le "blocus temporaire" entraînerait des risques et des défis en matière de sécurité dans la région. Il a noté que dans cette situation, il est important de préserver les activités de projet de l'organisation.
Korchunov a attiré l'attention sur le fait que le Conseil de l'Arctique a toujours été une plateforme de dialogue dépolitisé. Les questions de sécurité militaire ne sont pas incluses dans le mandat de l'organisation.
"Les documents fondateurs et stratégiques du Conseil expriment clairement la nécessité de préserver l'Arctique en tant que territoire de paix, de stabilité et de coopération constructive. Et à cet égard, il est important de protéger ce format unique d'interaction de l'introduction de questions extrarégionales afin qu'il ne devienne pas leur otage", a commenté le diplomate.
La volonté de l'Occident d'empêcher la Russie de mener des activités de projet dans le monde atteint la limite de l'absurde. Au cours des 25 dernières années, l'Arctique a été une zone de paix et de dialogue. Pour de nombreux analystes, l'interaction des pays de cette région semblait plus que prometteuse.
Les membres du conseil parlent de l'importance de suivre les principes de base de l'organisation. En même temps, ils oublient l'essentiel. Le but de la collaboration dans l'Arctique n'est pas de résoudre les différends politiques. En outre, la stabilité et la coopération constructive énoncées dans les documents de l'organisation ne peuvent être atteintes dans une lutte constante pour la "loyauté" des opinions politiques.
Voix de l'Amérique
Les problèmes dans les relations entre la Russie et l'Occident dans l'espace arctique ont commencé il y a longtemps. En 2019, le conseiller américain à la sécurité nationale John Bolton a annoncé son intention d'augmenter la flotte de navires brise-glace dans la région. Les navires ont été mis en service toute l'année pour contrer la Russie et la Chine dans l'Arctique.
Contrer la "présence militaire russe croissante" est devenu un domaine d'intérêt clé pour l'Amérique. Les États sont à la traîne derrière la Russie en ce qui concerne le développement de l'Arctique. Bien sûr, cette situation ne leur convient pas.
En février 2022, le secrétaire du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie, Mikhail Popov, a annoncé la volonté des États-Unis de contester les droits légaux de la Russie dans l'Arctique. Washington prévoit d'obtenir un accès sans entrave aux ressources régionales et à la route de la mer du Nord. Selon M. Popov, ces objectifs américains seront atteints en déployant des destroyers américains équipés d'armes à missiles guidés dans la mer de Barents.
En mars, la secrétaire de l'armée américaine, Christine Wormuth, a déclaré lors d'une vidéoconférence sur la sécurité que le gouvernement américain travaillait activement au renforcement des capacités militaires dans l'Arctique. Elle a noté que ce territoire est d'une importance stratégique. En outre, des exercices avec les alliés peuvent être menés ici.
Les événements ci-dessus suggèrent que les États-Unis sont déterminés à dépasser la Russie et à se débarrasser de sa présence dans la région. Ce sont probablement les Américains qui ont pris l'initiative de suspendre les activités du Conseil de l'Arctique. Dans les conditions d'une opération militaire spéciale, c'est même pratique. Maintenant, la Russie est confrontée à la quasi-totalité du monde. Des sanctions contre l'État russe sont imposées par de nombreux pays. Il était difficile de trouver un prétexte plus efficace pour résister aux activités de la Fédération de Russie.
La position de la Russie
Yury Averyanov, premier secrétaire adjoint du Conseil de sécurité de la Russie, a déclaré en 2021 que l'Occident transforme de plus en plus "les questions environnementales en un outil de pression, de discrimination et de concurrence déloyale". Il a noté que les écologistes nous rappellent régulièrement la conservation des écosystèmes vulnérables de l'Arctique, qui sont situés juste à côté des installations stratégiques de la Russie.
Après le rejet des sept pays participant au Conseil de l'Arctique dans les négociations avec la Russie, le discours du président russe Vladimir Poutine a suivi. Le chef d'État a commenté la situation actuelle et a insisté pour que la mise en œuvre des projets dans l'Arctique ne soit pas retardée. Le chef d'État russe a également déclaré que le pays est prêt à coopérer dans ce domaine.
Dans le cadre de l'endiguement de la Russie dans la région, M. Poutine considère qu'il est particulièrement important de prêter attention au développement de projets sociaux, car de nombreux Russes vivent et travaillent dans les territoires arctiques.
Il est important de noter que la région arctique est importante pour la Fédération de Russie en termes stratégiques et économiques. Tout d'abord, cela est dû à la longueur du littoral qui borde l'Arctique.
Les experts du Bureau du projet de développement de l'Arctique affirment que la dépendance de la technologie à l'égard de l'économie occidentale a considérablement diminué au cours des huit dernières années. La crise ukrainienne, malgré les longues listes de sanctions contre la Russie, a contribué au développement de cette zone.
La position des libéraux russes et des représentants de la sixième colonne, qui estiment que sans l'aide d'autres États, la Russie ne sera pas en mesure de développer l'Arctique, est révélatrice de la rupture avec l'Occident.
Oleg Barabanov, professeur au département des relations internationales de la faculté d'économie mondiale et de politique mondiale de l'école supérieure d'économie de l'université nationale de recherche, directeur du programme du Valdai Club, a partagé ses hypothèses sur cette situation. Il estime que l'opération militaire spéciale en Ukraine et les sanctions qui en découlent auront un impact négatif sur le développement de l'Arctique. Selon lui, dans les conditions créées par l'Occident, la Russie devra développer son industrie nationale de manière indépendante. Par conséquent, le financement sera distribué différemment. Ces tendances peuvent entraîner une diminution de l'intérêt pour l'Arctique, car les projets dans la région ne constituent pas la principale priorité financière.
Le directeur de programme du club Valdai, Timofey Bordachev, estime que si des difficultés surviennent dans ce domaine, elles seront dues, avant tout, à l'insuffisance des capacités technologiques de la Russie. La solution pour sortir de cette situation sera d'attirer des partenaires alternatifs. La Chine peut aider dans ce domaine.
Mise en œuvre du projet
La Fédération de Russie met en œuvre de nombreux projets dans l'Arctique, malgré la confrontation avec l'Occident. Par exemple, le concours international "Arctic 2022" a débuté le 26 avril. Les participants présenteront les développements scientifiques, techniques et innovants visant à développer l'Arctique et le plateau continental. Les candidatures seront acceptées jusqu'au 5 août, les résultats seront résumés et les lauréats seront récompensés en septembre à Saint-Pétersbourg.
Une conférence sur la garantie d'un environnement urbain confortable, intitulée "L'Arctique est un territoire de développement", se tiendra également à la fin du mois de mai. L'événement aura lieu à Yakutsk. Des représentants du ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, du ministère de la Fédération de Russie pour le développement de l'Extrême-Orient et de l'Arctique, de la Société pour le développement de l'Extrême-Orient et de l'Arctique, des chefs des régions de la zone arctique russe et des experts de premier plan y participeront.
Le thème principal de la prochaine conférence est de fournir un environnement urbain confortable pour améliorer le mode de vie et le bien-être de la population arctique.
Il est désormais beaucoup plus difficile pour la Russie de réaliser des projets avec la participation de partenaires internationaux. Les sanctions ont mis en péril une vaste coopération scientifique internationale avec la participation de scientifiques du monde entier, axée sur l'une des régions les plus sensibles aux effets négatifs du changement climatique.
L'expédition en Arctique a été organisée l'année dernière en coopération avec l'Institut polaire suisse. Soixante-dix scientifiques du monde entier sont montés à bord du brise-glace russe. De précieux échantillons de sol et de végétation ont été collectés pendant les travaux.
Dans le cadre de l'opération militaire en Ukraine, il y a eu un problème de livraison de matériel à l'étranger. À la fin de l'expédition, tous les échantillons collectés se trouvaient en Russie. Aujourd'hui, les scientifiques étrangers s'inquiètent de ne pas pouvoir interpréter les résultats de l'étude, qui sont cruciaux pour comprendre les conséquences du dégel rapide du permafrost arctique.
Selon Reuters, en raison de la situation actuelle en Ukraine, de nombreux projets impliquant des institutions scientifiques russes et occidentales ont été affectés et un certain nombre d'expéditions de recherche ont été reportées.
Alors, qu'est-ce qui est le plus important : la résolution des différends politiques ou le succès des activités conjointes dans l'Arctique ? Apparemment, pour l'Occident, la réponse est évidente. Seule la recherche dans le domaine de la fonte des glaciers et de l'amélioration de l'écosystème de la zone arctique est importante pour l'ensemble de la communauté mondiale. Obtenir des résultats positifs dans les plus brefs délais n'est possible qu'en écartant les différences et en unissant les forces.
L'opération militaire spéciale en Ukraine a donné à l'Occident une raison de rejeter la coopération avec la Russie dans l'Arctique. Bien que la Fédération de Russie continue d'investir dans le développement de la région, le régime de sanctions a menacé certains grands projets.
Il est évident que l'Occident continuera à essayer de "neutraliser" la Russie dans l'Arctique et d'y accroître son pouvoir. Toutefois, cela demandera beaucoup plus d'efforts que le "gel" du Conseil de l'Arctique et du régime de sanctions.
23 mai 2022
19:45 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique internationale, géopolitique, arctique, océan glacial arctique, russie, europe, affaires européennes | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le nouveau rideau de fer de l'Occident
Le nouveau rideau de fer de l'Occident
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2022/05/20/lannen-uusi-rautaesirippu/
La nouvelle guerre froide en Europe a commencé lorsque Vladimir Poutine est devenu président de la Russie après Boris Eltsine. Certains affirment que la "guerre hybride" de l'Occident contre la Russie dure depuis l'époque des tsars. Elle se poursuivra jusqu'à ce que la Russie soit détruite ou jusqu'à ce qu'elle vainque ses adversaires.
Dans les temps modernes, l'Occident a intensifié sa guerre anti-russe en organisant un coup d'État en Ukraine en 2014 qui a monté les Ukrainiens les uns contre les autres. La stratégie géopolitique de Zbigniew Brzezinski pour déstabiliser et immobiliser la Russie s'est poursuivie avec succès.
Les Etats-Unis ont enregistré une autre victoire dans leur lutte, lorsque les derniers neutres d'Europe, la Finlande et la Suède, ont été encouragés à demander leur adhésion à la machine de guerre transatlantique de Washington, l'OTAN, en invoquant des "conditions de sécurité modifiées".
Comme le souligne Patrick Lawrence, cette alliance renforce encore le mur que Washington, avec l'aide de ses alliés européens, a érigé pour séparer la Russie de l'Europe. Un nouveau rideau de fer s'est levé, cette fois-ci par l'Occident seul, divisant à nouveau ce coin du monde en "un Est et un Ouest".
Les États-Unis sont toujours la première superpuissance mondiale déstabilisatrice et maintenant, grâce à la guerre de l'information menée par les médias 24 heures sur 24, la culture russe est devenue une culture paria, que sous prétexte des événements d'Ukraine, on tente d'éradiquer.
De nombreux exemples de la censure de la culture russe pourraient être cités, visant les athlètes, les artistes, les écrivains et autres citoyens russes, mais citons, comme exemple le plus récent, le fait que la ville de Turku en Finlande a jugé bon de retirer la statue de Lénine du centre ville.
Il est ironique qu'à la suite de l'opération militaire russe, la statue de l'homme qui a donné à l'Ukraine et à la Finlande leur indépendance ait été retirée de l'espace public en Finlande. L'histoire qui nous unit à la Russie est maintenant balayée d'un revers de main, tout comme les statues ont été renversées aux États-Unis au nom de l'idéologie Woke. Est-ce cela que signifie cette "compatibilité avec l'OTAN" dont on parle tant ?
Tout porte les empreintes des stratèges de Washington, car c'est l'État profond américain qui reconstruit l'infrastructure euro-atlantique qui définira la nouvelle guerre froide. L'entrée des Finlandais et des Suédois dans l'OTAN est la dernière étape de la tentative d'isoler la Russie. La mer Baltique doit également être transformée en une "mer de l'OTAN" (dont les ressources naturelles des profondeurs doivent être accaparées par l'élite qui dirige l'Occident...).
Malgré les efforts et les facéties de Washington, il se pourrait bien que l'Occident, qui représente la "communauté internationale" dans son propre imaginaire, s'isole de la majorité des peuples du monde qui n'ont pas rejoint les masses haineuses et russophobes qui arborent des drapeaux ukrainiens sur leurs profils de médias sociaux.
Même l'annonce de la demande d'adhésion de la Finlande à l'OTAN et l'appel sans détour du président Sauli Niinistö à Poutine de "se regarder dans le miroir" n'ont pas, à la déception des zélateurs atlantistes, fait réagir le Kremlin. La Russie a adopté une attitude professionnelle, mais cela n'a fait qu'encourager la presse finlandaise à continuer de ricaner sur le fait que Poutine "n'ose rien faire".
Il y aura certainement une sorte de représailles si et quand la Finlande deviendra un membre officiel de l'OTAN. La Russie a déjà expulsé les diplomates finlandais et les robinets de gaz sont fermés. Il ne fait aucun doute que Moscou verra d'abord quel genre de mouvements militaro-techniques les États-Unis feront sous la bannière de l'OTAN dans l'espace territorial finlandais.
Après que le président américain Ronald Reagan ait demandé au dernier dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev, à Berlin en 1987, de "démolir le mur" qui symbolisait la séparation entre l'Est et l'Ouest, le programme "Build Back Better" créé sous la présidence de Joe Biden a pris une nouvelle signification en matière de politique étrangère ces derniers mois, à mesure que le rideau de fer occidental est tombé.
Comme dans les moments les plus froids de la confrontation entre les blocs de l'Ouest et de l'Est, ainsi dans la crise ukrainienne, la conscience des Européens et des Américains a été ratatinée par une éducation médiatique appropriée, de sorte que tout est devenu binaire, manichéen, dualiste. L'objectivité est absente et c'est maintenant la vision du monde en noir et blanc de la Finlande occidentalisée qui est servie au public dans la presse.
La Russie est catégoriquement "mauvaise" dans cette bulle de politique étrangère et de sécurité occidentale, tandis que l'Occident, avec ses guerres par procuration et ses sanctions contre la Russie, est "bon" dans toute sa grotesque exhibition. Les Européens sont prêts à perdre les derniers rêves de souveraineté qui leur restent et à commettre un suicide économique à la poursuite des intérêts de Washington.
La Finlande d'autrefois semble être en train de mourir. En raison de leur complexe d'infériorité, de nombreux Finlandais, y compris l'élite politique, sont prêts à tout pour avoir le sentiment d'"appartenir à l'Occident". La nation unique qui s'est dressée entre l'Est et l'Ouest est en train de reculer, alors que le processus d'américanisation met la touche finale à son adhésion à l'alliance militaire.
L'adhésion à l'Union européenne était déjà une erreur fatale et une perte d'indépendance, mais sur l'échiquier de l'Occident, étant devenue un pion à sacrifier à la politique des grandes puissances, la Finlande officielle abandonne son ancienne position, sûre et respectée, et ce de manière tout à fait inutile.
L'Union européenne s'est également rendue un mauvais service en participant aux plans sinistres de l'administration Biden. Bruxelles peut oublier le rôle potentiel du continent en tant que centre de pouvoir indépendant. Les rêves d'importance politique mondiale des eurocrates peuvent être enterrés à cause de la politique étrangère des États-Unis.
Pour Sauli Niinistö et ses partenaires, le plus important est de promouvoir la cause de l'élite qui dirige l'Occident. La dernière visite à Washington (photo) a été un autre spectacle embarrassant, avec ce vendu souriant comme un laquais à côté du président Biden et de la Première ministre suédoise Andersson. Peut-être que cette théâtralité des Coalitionnistes sera suivie d'une sévère gueule de bois et d'une dépression ?
Heureusement, une grande différence entre la première et la deuxième guerre froide est que maintenant le reste du monde a son mot à dire. Comme l'a dit la Chine, si je me souviens bien, dans le monde actuel d'interdépendance, aucun pays ne peut être simplement isolé par une décision unilatérale des États-Unis.
L'Occident cherche désespérément à déstabiliser et à diviser le monde en camps car sa suprématie est de plus en plus menacée. Elle est prête à lever un nouveau rideau de fer et à construire des murs pour tenter de répéter l'histoire. Bien sûr, cela ne réussira pas très longtemps, mais il ne fait aucun doute que l'hégémon aura le temps de créer davantage de chaos et de destruction avant d'être évincé.
19:15 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, affaires européennes, états-unis, otan, atlantisme, occident, occidentalisme, finlande, suède, ukraine, russie, mer baltique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Mythes et réalités de l'économie verte
Mythes et réalités de l'économie verte
Leonid Savin
Source: https://katehon.com/en/article/myths-and-realities-green-...
Pourquoi les sources d'énergie "écologiques" ne sont pas écologiques, et autres aspects de la décarbonisation
L'UE et les États-Unis, ainsi que de nombreux autres pays, promeuvent depuis longtemps le thème de l'énergie écologique, qui est générée par des systèmes modernes allant des générateurs éoliens et solaires aux turbines sous-marines qui exploitent les marées. Cette approche se fonde sur l'Accord de Paris, selon lequel il est nécessaire de réduire les émissions de dioxyde de carbone. Et récemment, l'énergie verte a été stimulée par la dépendance aux vecteurs énergétiques russes - pétrole et gaz.
Le 14 juillet 2021, la Commission européenne a lancé son prochain paquet, qui comprend un large éventail de propositions législatives visant à obtenir une réduction nette des émissions de gaz à effet de serre dans l'UE d'au moins 55 % par rapport aux niveaux de 1990 d'ici 2030.
La révision de la directive sur les énergies renouvelables fait partie de cet ensemble de propositions interdépendantes. Il est prévu que l'ensemble du paquet soit adopté et entre en vigueur d'ici 2023, ce qui ne laisse que sept ans pour sa mise en œuvre.
Récemment, le Conseil européen s'est également engagé à abandonner la dépendance de l'UE vis-à-vis des importations de gaz, de pétrole et de charbon russes dès que possible, et maintenant la Commission européenne a été chargée d'élaborer un plan de mise en œuvre détaillé d'ici la fin mai 2022. La tâche est double : prendre des mesures immédiates pour l'hiver prochain et pour les 2 ou 3 prochaines années (économies d'énergie, diversification des approvisionnements en gaz, etc.) et prendre des mesures structurelles en révisant la stratégie pour la période allant jusqu'à 2030, en accordant une attention particulière à la réduction de la consommation d'énergie et à l'investissement dans des alternatives à faible émission de carbone, y compris les sources d'énergie renouvelables.
Mais selon une étude réalisée par l'Institut français des relations internationales, il existe des écarts importants entre la théorie de l'énergie verte et les praticiens. Il y a un risque de conflit entre les impératifs environnementaux et climatiques (i), et il faut le résoudre correctement par la cohérence des politiques, car sinon, il continuera à s'éterniser et à entraîner des désaccords.
Pour mettre en œuvre la directive, il est nécessaire de simplifier les processus administratifs excessivement complexes et de surmonter la lenteur de la délivrance des permis pour la mise en service des systèmes qui génèrent de l'énergie verte. D'autres moyens sont l'unification des lieux de travail et des délais, ainsi que l'augmentation du nombre de personnes dans les institutions publiques concernées. La prévision des besoins de raccordement aux réseaux d'énergie renouvelable contribuera également à accélérer le développement du réseau.
Augmenter l'ampleur des sources d'énergie renouvelables à au moins 40 % sans actualiser et numériser l'ensemble du système coûtera très cher aux citoyens. Une approche unifiée du système doit également être inscrite dans les plans de développement du système aux niveaux européen et national, et cette approche unifiée du système doit être appliquée à l'ensemble du paquet.
En outre, les décideurs et les régulateurs doivent être conscients des coûts des retards et des avantages de la rapidité dans un sens plus large, non seulement lorsqu'il s'agit de construire des infrastructures et de nouveaux réseaux, mais aussi lorsqu'il s'agit d'utiliser plus efficacement les réseaux existants. Il faut une approche assortie d'un ensemble d'outils qui tienne compte de l'interaction des technologies d'assistance, y compris le stockage, tant centralisé que décentralisé.
En effet, il existe dans l'UE un certain nombre d'obstacles bureaucratiques à l'introduction rapide de l'énergie verte. Par exemple, l'obtention de permis pour la construction d'éoliennes terrestres en Italie prend en moyenne cinq ans, et non six mois, comme l'exige la loi. Ces retards ont réduit le taux de déploiement à environ 200 MW par an.
Et c'est loin des niveaux requis pour atteindre l'objectif de l'Italie de 70 GW de capacité d'énergie renouvelable d'ici 2030. L'impact sur les investissements est assez évident : le récent appel d'offres de l'Italie pour les sources d'énergie renouvelables a échoué, avec pour résultat que seuls 975 MW ont été alloués à des projets à l'échelle des services publics sur un total de 3300 MW proposés.
Mais aux États-Unis, les objectifs de production d'électricité sans carbone d'ici 2035 sont également menacés en raison de problèmes liés à l'octroi de permis, alors que les projets d'énergie éolienne doivent passer une longue liste d'inspections et de permis. Au niveau fédéral, il s'agit d'inspections ou d'approbations en vertu d'un certain nombre de lois. Les agences fédérales prennent en moyenne 4,5 ans pour rédiger les rapports d'impact environnemental conformément à la loi sur la politique environnementale nationale. Et ce n'est que la première contradiction, qui repose sur des procédures bureaucratiques.
Hydrogène vert et éco-hybrides
Le rapport du Conseil mondial de l'énergie éolienne définit le rôle de l'hydrogène écologique et des applications Power-to-X pour une décarbonisation profonde des secteurs industriels et pour assurer le stockage à long terme. Il convient de noter que selon un scénario, d'ici 2050, un quart de la production mondiale d'électricité sera orienté vers la production d'hydrogène écologique, ce qui nécessitera environ 10 000 GW d'énergie éolienne et solaire.
Au cours de l'année écoulée, l'intérêt mondial pour l'hydrogène a encore augmenté, et de plus en plus de pays ont annoncé des feuilles de route ou des stratégies nationales dans le domaine de l'hydrogène. En 2021, plus de 30 pays ont commencé à élaborer ou à publier une stratégie en matière d'hydrogène.
À titre d'exemple, la Chine a publié une feuille de route sur l'hydrogène pour le secteur des transports en 2016 et a désigné l'énergie de l'hydrogène comme l'une des plus importantes industries futures dans son plan quinquennal actuel (2021-2025), avec le développement de l'information quantique et de l'industrie aérospatiale. [ii]
L'Inde a lancé sa mission nationale sur l'hydrogène en 2021, visant à étendre la production nationale d'hydrogène respectueux de l'environnement et les mandats potentiels pour les raffineries et les entreprises d'engrais pour introduire de l'hydrogène et de l'ammoniac respectueux de l'environnement dans les processus industriels.
L'UE a inclus "l'hydrogène vert" dans son accord vert européen, qui a été annoncé en 2020, notant que les réseaux d'hydrogène sont essentiels pour une "économie propre et circulaire". [iii]
L'énergie éolienne coopère actuellement directement avec un certain nombre de secteurs industriels afin d'assurer la décarbonisation en utilisant de l'hydrogène écologique comme carburant. Par exemple, Vattenfall a collaboré avec le fabricant d'acier suédois SSAB et la société minière LKAB sur une usine pilote pour la production d'éponge de fer utilisant de l'hydrogène vert. [iv]
Cette interaction conduit à l'émergence de projets hybrides. En général, toutes les énergies vertes gravitent vers les hybrides. Par exemple, les panneaux solaires sont combinés à des aérogénérateurs (car l'absence de lumière solaire ou de vent séparément entraînera inévitablement des temps d'arrêt des équipements, ce qui affectera l'approvisionnement en énergie). Mais l'énergie traditionnelle est aussi en partie liée aux démarches environnementales. Et c'est là la deuxième contradiction.
Connexion de l'éco-énergie avec les métaux de terres rares
L'ancien secrétaire d'État adjoint américain aux affaires mondiales, Aaron Ringel, note qu'à mesure que les technologies d'énergie renouvelable, notamment les véhicules électriques, les panneaux solaires et les batteries lithium-ion, occupent le devant de la scène, la demande de métaux des terres rares augmente. Mais les États-Unis dépendent presque entièrement des importations de terres rares.
Jusque dans les années 1980, les États-Unis étaient en fait les leaders mondiaux de l'extraction des éléments de terres rares. Mais un virage à courte vue vers les importations a conduit à l'assèchement de la capacité d'extraction nationale de l'Amérique. Le résultat est le contrôle actuel de Pékin sur l'approvisionnement de ces ressources importantes.
La Chine fournit plus de 85 % des réserves mondiales d'éléments de terres rares et abrite environ deux tiers de l'offre mondiale de métaux et minéraux rares tels que l'antimoine et la barytine. [v]
En 2021, un communiqué de presse de l'Office of Fossil Energy du ministère américain de l'énergie indiquait que les États-Unis importent actuellement 80 % de leurs éléments de terres rares directement de Chine, le reste provenant indirectement de Chine par le biais d'autres pays. Les États-Unis sont totalement dépendants des importations de 14 des 35 minéraux les plus importants. Plus récemment, il a été rapporté que des entreprises chinoises sont déjà activement engagées dans l'exploitation minière de l'Afghanistan. La Chine nie toute intention d'utiliser l'exportation d'éléments de terres rares comme une arme - à moins que des intérêts de sécurité nationale ne soient en jeu. [vi]
Le Congrès et l'administration ont récemment pris un certain nombre de mesures pour remédier à cette vulnérabilité. Par exemple, le ministère de l'Énergie explore de nouvelles méthodes de traitement des éléments de terres rares. Et le Congrès cherche à développer la fabrication nationale de haute technologie avec un paquet législatif basé sur la loi sur la concurrence en Amérique.
Il est intéressant de noter que, malgré l'accent mis sur un environnement sûr, l'Amérique continue de dépendre de l'exploitation minière chinoise, décidément peu écologique. Des lacs et des décharges toxiques apparaissent en Chine en même temps que l'exploitation rapide et rentable des gisements de terres rares.
Cette approche est doublement préjudiciable aux intérêts des entreprises qui adhèrent à des mesures strictes de protection de l'environnement dans le monde. Par exemple, la société The Metals Company (TMC), cotée à la bourse du NASDAQ, a démontré la possibilité d'exploiter en profondeur d'importants minéraux. La société a exploré le plus grand gisement connu de métaux adaptés à la fabrication de batteries sur la planète - la zone de Clarion Clipperton dans l'océan Pacifique. Elle réussit maintenant à traiter les métaux clés des batteries, y compris le nickel et le cuivre, à partir des nodules des grands fonds marins, de telle sorte que peu de déchets sont générés pendant le traitement.
Cependant, l'extraction des minéraux et des terres rares n'est que la première étape. Pour obtenir un avantage concurrentiel, il est nécessaire de couvrir l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, y compris le recyclage et l'élimination.
Bien qu'aux États-Unis, certains pensent qu'ils peuvent rétablir leur leadership dans la production de haute technologie - et le faire tout en protégeant l'environnement. Pour ce faire, le président Biden est censé utiliser la loi sur la production de défense afin de lancer l'extraction nationale sécurisée des minéraux les plus importants et des métaux des terres rares. [vii]
Quoi qu'il en soit, l'extraction actuelle des métaux des terres rares pour leur utilisation dans l'énergie verte consiste à créer des mines et des carrières, ce qui ne s'inscrit clairement pas dans les approches environnementales. C'est la troisième contradiction. Et la quatrième est le problème du recyclage des mêmes éoliennes ou panneaux solaires. Il n'existe pas encore de technologie verte pour cela.
Les contradictions dans l'UE
Mais même avec l'intensification de la construction de nouveaux parcs éoliens et parcs solaires, d'autres contradictions apparaissent. C'est l'une des questions les plus gênantes de notre époque, car la réponse inclut nécessairement des références aux prix du cuivre, de l'acier, du polysilicium et de presque tous les métaux et produits minéraux. En outre, la construction de ces installations prend du temps, plus de temps que, par exemple, le passage au GNL (si vous disposez de terminaux d'importation) ou au charbon.
Et dans le plan récemment publié pour réduire la consommation de gaz russe - ainsi que de pétrole et de charbon - la Commission européenne a fait un gros pari non pas sur l'énergie éolienne et solaire, mais sur davantage de gaz et de charbon.
Il s'agit de la même Europe qui prévoyait de fermer toutes ses centrales électriques au charbon d'ici 2030 afin d'atteindre les objectifs de réduction des émissions de l'Accord de Paris. Cette même Europe mise également sur le remplacement du gaz naturel par du fioul pour remplacer 10 milliards de mètres cubes supplémentaires de gaz russe.
Au total, la Commission européenne semble prévoir de remplacer plus de la moitié de sa consommation de gaz russe par d'autres combustibles fossiles. À titre de comparaison, la part de l'énergie éolienne et solaire dans le remplacement du gaz russe devrait être d'environ 22,5 milliards de mètres cubes, tandis que 10 milliards de mètres cubes proviendront de l'énergie éolienne et 12,5 milliards de mètres cubes de l'énergie solaire. Mais c'est peu pour une région qui aspire à devenir la plus verte de la planète dans les plus brefs délais.
Ainsi, il semble que la réalité de l'approvisionnement et de la consommation d'énergie se réaffirme, alors que l'UE se retrouve dans une crise du gaz. Si son plan implique une consommation beaucoup plus importante de combustibles fossiles, alors ces derniers devraient être plus faciles - et plus rapides - à extraire et peut-être moins chers que l'éolien et le solaire. Sinon, pourquoi les choisir au lieu de sources d'énergie renouvelables ? [viii] C'est la cinquième contradiction complexe.
Des projets prometteurs
Avec le développement des énergies alternatives, la question de leur redistribution se pose naturellement. On suppose que les câbles électriques sous-marins pourraient être utilisés plus souvent à mesure que les gouvernements orientent leurs stratégies énergétiques vers les sources d'énergie renouvelables. Lorsque les pays développeront leur énergie éolienne et solaire, il y aura davantage d'incitations à la construction de câbles sous-marins qui pourront faciliter la distribution de l'électricité entre les régions.
Il est déjà prévu de poser le premier de nombreux nouveaux câbles majeurs entre le Royaume-Uni et l'Allemagne, pour un coût estimé à 1,95 milliard de dollars. Le projet NeuConnect permettra de transmettre 1,4 GW d'électricité vers et depuis les deux pays via des câbles sous-marins couvrant une distance de plus de 450 miles. Le projet a été appelé "l'autoroute invisible de l'énergie" qui permet la distribution d'électricité entre le Royaume-Uni et l'Allemagne. [ix]
Des contrats clés d'un montant total de plus de 1,5 milliard de livres sterling (1,95 milliard de dollars) ont été attribués pour un important projet d'interconnexion qui reliera l'Allemagne et le Royaume-Uni, alors que les pays du monde entier tentent de renforcer leur approvisionnement en énergie dans le contexte de la crise actuelle en Ukraine.
Le projet NeuConnect est centré sur des câbles sous-marins qui permettront la transmission de 1,4 gigawatts d'électricité dans les deux sens entre le Royaume-Uni et l'Allemagne - les deux plus grandes économies d'Europe. La longueur de l'interconnexion est de 725 kilomètres, soit un peu plus de 450 miles.
Le câble ira de l'île de Grain dans le Kent en Angleterre à la région allemande de Wilhelmshaven, en traversant les eaux britanniques, néerlandaises et allemandes. Après sa construction, il pourra fournir de l'électricité à 1,5 million de foyers.
Les contrats approuvés comprennent des travaux de pose de câbles et de stations de conversion, Siemens et Prysmian ayant tous deux remporté des contrats pour travailler sur le projet. Siemens fournira un système de transmission à courant continu haute tension (CCHT), tandis que le fabricant de câbles italien, Prysmian Group, dirigera la conception, la fabrication, l'installation, les essais et la mise en service de l'interconnexion NeuConnect.
La construction devrait commencer cette année, ce qui permettra au Royaume-Uni de "puiser dans la vaste infrastructure énergétique de l'Allemagne, y compris ses importantes sources d'énergie renouvelable." En outre, "la nouvelle liaison avec le Royaume-Uni contribuera à éliminer les goulets d'étranglement actuels où les éoliennes sont souvent arrêtées en raison de l'excès d'énergie renouvelable produite."
Le consortium NeuConnect, dirigé par Meridiam, Kansai Electric Power et Allianz Capital Partners, discute de ce développement depuis un certain temps, mais les sanctions contre la Russie ont obligé les gouvernements européens à chercher des sources d'énergie alternatives beaucoup plus rapidement. En plus de trouver des sources alternatives d'approvisionnement en pétrole et en gaz, plusieurs gouvernements élaborent des stratégies pour accélérer leurs projets d'énergie renouvelable et discutent même de l'augmentation de la capacité nucléaire pour la première fois depuis de nombreuses années.
Cependant, ce n'est pas le premier câble sous-marin approuvé en Europe, puisque les travaux ont commencé l'année dernière sur un câble sous-marin géant qui devrait relier le Royaume-Uni à la Norvège. Le North Sea Link (NSL), long de 450 miles et d'une valeur de 1,86 milliard de dollars, est une coentreprise entre British National Grid et Norwegian Statnett.
Les deux pays veulent partager les ressources hydroélectriques de la Norvège et les ressources en énergie éolienne du Royaume-Uni, ce qui permettra à chacun d'entre eux d'optimiser sa production pour répondre à la demande. Le National Grid explique : "Lorsque la demande au Royaume-Uni est élevée et que la production éolienne est faible, l'hydroélectricité peut être importée de Norvège."
Le Royaume-Uni et la Norvège sont tous deux des acteurs majeurs. Mais la Norvège affirme que 98 % de son électricité est produite à partir de sources d'énergie renouvelables, principalement l'hydroélectricité. Pendant ce temps, au Royaume-Uni, le Premier ministre Boris Johnson a annoncé l'objectif de fournir 100 % de l'électricité du pays à partir de sources renouvelables d'ici 2035.
Et les projets de pose de câbles sous-marins se développent non seulement en Europe, mais s'étendent également à différents continents. L'année dernière, la Grèce et l'Égypte ont annoncé qu'elles négociaient un potentiel connecteur sous-marin de 2 GW traversant la mer Méditerranée pour connecter les systèmes électriques des pays. [x]
Il s'agira du premier projet de ce type reliant l'Europe à l'Afrique, ce qui démontre un énorme potentiel d'expansion des liens interrégionaux. La Grèce envisage également de créer un interconnecteur euro-asiatique qui irait d'Israël au continent grec en passant par Chypre.
Une fois achevé, le câble sera long de 1 500 km et transmettra de 1 à 2 GW d'électricité entre les régions, reliant les réseaux électriques d'Israël, de Chypre et de la Grèce. Alors que les premières projections laissaient entendre que le câble serait terminé en 2022, de nouvelles estimations suggèrent qu'il sera achevé en 2024 et qu'il coûtera près de 823 millions de dollars. Le financement proviendra en partie de l'UE et contribuera à mettre fin à l'isolement énergétique de Chypre. [xi]
Mais là encore, la question des risques politiques et technologiques se pose lors de la pose de tels câbles et interconnexions.
La géopolitique de l'électricité
Tout ceci indique que l'importance géopolitique de l'électricité a traditionnellement été sous-estimée, mais avec la transition mondiale vers une énergie plus respectueuse de l'environnement et l'expansion de l'utilisation des sources d'énergie renouvelables ("transition énergétique"), les réseaux électriques deviennent de plus en plus importants et prennent de l'ampleur.
Pékin, en particulier, promeut le système mondial d'approvisionnement en électricité par le biais de son initiative "One Belt, One Road". L'Institut allemand pour les affaires internationales et la sécurité note qu'aujourd'hui, l'impact de l'unification des réseaux électriques sur les relations internationales et la géopolitique mérite d'être étudié de près [xii].
L'étude indique que la zone continentale Europe-Asie (c'est-à-dire l'Eurasie) fait preuve d'une dynamique particulière. De nouvelles configurations de l'infrastructure électrique - sous la forme d'interconnecteurs (c'est-à-dire de lignes de transmission transfrontalières reliant les réseaux) et de réseaux électriques intégrés - reconstruisent l'espace, redéfinissant la relation entre le centre et la périphérie.
Outre les anciens centres d'attraction - la Russie et l'UE - de nouveaux centres émergent. Ceux-ci comprennent non seulement la Chine, mais aussi la Turquie, l'Iran et l'Inde. Leurs réseaux ne sont pas encore aussi étroitement interconnectés qu'en Europe et dans certaines parties de l'ancienne Union soviétique, mais ils prévoient néanmoins de les connecter. Par conséquent, des régions autrefois considérées comme périphériques, telles que la Méditerranée orientale, les régions de la mer Noire et de la mer Caspienne, ainsi que l'Asie centrale, deviennent rapidement des objets de concurrence.
L'électricité est connectée au réseau. L'électricité se déplace presque à la vitesse de la lumière et relie des points éloignés et couvre de vastes espaces dans un réseau interconnecté. Les réseaux électriques ("infrastructures") façonnent les régions sur le long terme, créant leur propre topographie qui reflète l'organisation de la vie économique et sociale au sein d'une zone géographique. Le système d'alimentation électrique est la base de toute économie, et les réseaux électriques représentent l'infrastructure la plus importante.
L'interaction de trois facteurs - le réseau électrique, l'espace et le pouvoir géopolitique - mérite une attention particulière. Les réseaux d'infrastructure créent des sphères d'influence techno-politiques et techno-économiques. Puisque les espaces énergétiques s'étendent au-delà des frontières des États et des juridictions légales, ils assurent la propagation du pouvoir géopolitique. La vulnérabilité des États à la projection de force et à l'influence extérieure dépend également de la fiabilité et de la stabilité des réseaux électriques.
Et la Communauté européenne et l'Union européenne n'ont jamais été identiques au concept plus général d'"Europe électrifiée". L'extension et la synchronisation du réseau y dépendent encore principalement des conditions économiques et géographiques. Malgré le cadre politique et juridique général, l'intégration technique et commerciale au sein de l'UE s'est déroulée de manière très inégale et avec un certain retard.
Avec la création du marché intérieur, l'UE a également recherché l'intégration et l'harmonisation aux niveaux politique, technique et économique. Mais les nœuds physiques correspondants et les centres de contrôle du pouvoir technique, opérationnel, économique et politique ne se chevauchent ni dans leur localisation ni dans leur structure organisationnelle.
En utilisant l'exemple des métaux de terres rares, on constate que la politique de Pékin montre la perméabilité des espaces et des sphères d'influence, ainsi que le degré auquel le pouvoir politique peut être projeté par le biais de "liens de connexion". La projection du pouvoir, réalisée par l'expansion des lignes électriques et le développement des réseaux, conduit à la réorganisation des grands espaces économiques. Et ils sont certainement caractérisés par des ambitions géopolitiques. Dans un cadre réglementaire aussi volatile, le décalage entre les niveaux d'interconnexion et les approches réglementaires soulève un certain nombre de questions géopolitiques.
Les connexions et réseaux électriques peuvent servir les intérêts géopolitiques de trois manières principales. Les acteurs politiques peuvent les utiliser pour établir une dépendance asymétrique ; ils peuvent les utiliser pour établir une domination du marché, une domination réglementaire et une domination technique et économique ; et, enfin, ils peuvent les utiliser pour atteindre des objectifs mercantiles.
Dans de telles situations, un exemple classique est l'ouvrage de Carl Schmitt de 1939 Völkerrechtliche Großraumordnung (L'ordre des grands espaces en droit international), à savoir qu'il existe un lien au niveau du développement technique et organisationnel entre les grands territoires, les relations économiques et les réseaux énergétiques et électriques.
Cela vaut également pour la mesure de l'énergie verte. Malgré les objectifs déclarés, l'Occident ne dispose pas de suffisamment d'atouts et de ressources pour mettre en œuvre ce projet global sans la participation d'acteurs énergétiques majeurs tels que la Russie, l'Iran et la Chine, où chacun a ses propres atouts. Le même gaz naturel et l'énergie nucléaire peuvent également être considérés comme faisant partie de l'économie verte, la question est de savoir à partir de quelle position considérer ces industries.
_____
Notes:
[I] https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/nies_eu_plan_renewables_2022.pdf
[ii] https://cset.georgetown.edu/wp-content/uploads/t0284_14th_Five_Year_Plan_EN.pdf
[iii] https://www.fch.europa.eu/news/european-green-deal-hydrogen-priority-area-clean-and-circular-economy
[iv] https://group.vattenfall.com/uk/what-we-do/roadmap-to-fossil-freedom/industry-decarbonisation/hybrit
[v] https://www.scmp.com/news/china/diplomacy/article/3130990/chinas-dominance-rare-earths-supply-growing-concern-west
[vi] https://www.fpri.org/article/2022/03/rare-earths-scarce-metals-and-the-struggle-for-supply-chain-security/
[vii] https://www.realclearenergy.org/articles/2022/04/05/end_us_dependence_on_mining_in_china_825505.html
[viii] https://oilprice.com/Energy/Energy-General/Why-Renewables-Cant-Solve-Europes-Energy-Crisis.html
[ix] https://www.cnbc.com/2022/04/12/huge-undersea-cables-to-give-uk-germany-first-ever-energy-link.html
[x] https://balkangreenenergynews.com/several-undersea-power-cables-about-to-connect-europe-with-africa/
[xi] https://oilprice.com/Energy/Energy-General/Invisible-Energy-Highways-Could-Usher-In-A-New-Era-Of-Shared-Power.html
[xii] https://www.swp-berlin.org/en/publication/geopolitics-of-...
18:54 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Ecologie, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : leonidsavin, énergie, énergie verte, transition énergétique, europe, affaires européennes, écologie, économie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
La Russie souhaite que le transit par voies d'eau entre la mer Caspienne et la mer d'Azov reste ouvert toute l'année
La Russie souhaite que le transit par voies d'eau entre la mer Caspienne et la mer d'Azov reste ouvert toute l'année
Par Paul Goble
Source : http://moderntokyotimes.com/russia-seeks-to-keep-water-transit-between-caspian-and-azov-seas-open-year-round/
Publication : Eurasia Daily Monitor
La Fondation Jamestown
À l'heure actuelle, Moscou ne peut déplacer des navires, y compris les navires de la Flottille Caspienne, entre la mer Caspienne et la mer d'Azov que pendant environ huit mois de l'année en raison des faibles niveaux d'eau dans le canal Volga-Don. Cependant, en raison du désir du Kremlin de réintégrer et de dominer les anciennes républiques soviétiques au sud de la Russie, y compris l'Ukraine, et de pouvoir utiliser les navires de sa Flottille Caspienne non seulement contre l'Ukraine mais aussi en mer Noire et en Méditerranée, Moscou a maintenant annoncé des plans pour un effort majeur d'élargissement et d'approfondissement du canal. Ces améliorations permettraient aux navires de transiter par le canal Volga-Don 365 jours par an. Les responsables affirment que le projet de 10 milliards de dollars sera achevé en 2030. Et certains d'entre eux suggèrent que les entreprises chinoises joueront un rôle majeur dans cet effort, étant donné que les entreprises russes ne peuvent actuellement pas obtenir de soutien occidental et ne disposent pas de la capacité nationale pour mener à bien une entreprise aussi gigantesque.
Deux gestes importants, bien que largement négligés, ont été faits dans cette direction depuis que le président Vladimir Poutine a lancé l'opération à grande échelle de la Russie en Ukraine le 24 février. D'une part, les responsables russes ont annoncé il y a plusieurs semaines qu'ils poursuivraient les plans annoncés précédemment d'élargir et d'approfondir le canal Volga-Don pour permettre l'utilisation de la voie navigable toute l'année (Rossiyskaya Gazeta, 16 avril 2021 ; Casp-geo.ru, 21 avril 2021 et 6 mai 2022). Cela représente un retard par rapport aux plans antérieurs qui prévoyaient de terminer les travaux d'ici 2028. Pourtant, le fait que Moscou persévère, même dans un contexte de guerre et de renforcement des sanctions occidentales, souligne l'importance du trafic fluvial pour la Russie sur le plan économique, géopolitique et militaire (Casp-geo.ru, 27 septembre 2021). En outre, l'initiative semble marquer la fin de toute possibilité pour la Russie de construire un nouveau canal, encore plus coûteux, à travers le Caucase du Nord, comme beaucoup le réclamaient depuis longtemps dans cette région (voir EDM, 25 juin 2007 et 1er octobre 2010).
D'autre part, des représentants du groupe chinois CCCC Dredging Group sont venus en Russie à l'approche de cette décision pour discuter avec les gestionnaires d'Astrakhan du canal Volga-Don de la possibilité pour les entreprises chinoises de prendre part aux opérations de dragage pour élargir et approfondir cette voie navigable (Rosmorport.ru, 11 mars). Les responsables russes auraient été réceptifs. Et maintenant qu'il a été décidé de s'attaquer aux limitations du canal - une décision probablement motivée par des considérations de sécurité autant qu'économiques - il semble que la Chine deviendra un acteur majeur dans cet effort. Une telle coopération permettra à la Russie d'utiliser le canal non seulement pour promouvoir un rôle pour elle-même dans le commerce est-ouest de la Chine, mais aussi à des fins militaires et de sécurité. Dans ce dernier cas, même si le projet ne sera pas achevé avant un minimum de huit ans, toute amélioration du canal aidera en fin de compte la Russie à poursuivre sa rude campagne de pression contre l'Ukraine (voir EDM, 31 mai 2018, 27 novembre 2018, 13 avril 2021).
Les tâches auxquelles les entreprises russes et maintenant chinoises sont confrontées pour remettre en état le canal Volga-Don vieux de 70 ans sont énormes. Une grande partie de ses 101 kilomètres de long se remplit de limon, ce qui réduit continuellement la taille et le nombre de navires qui peuvent l'emprunter ; le canal est classé comme ayant une profondeur de 3,5 mètres tout au long de son parcours, mais à de nombreux endroits, la profondeur est bien inférieure à cela. Si quelque 6000 navires et péniches ont transité par lui l'année dernière, la plupart étaient de petite taille, et leur passage était ralenti par le grand nombre d'écluses qu'ils devaient franchir. Ces limitations de taille et de temps ont été particulièrement problématiques lorsque Moscou a voulu déplacer sa flottille caspienne pour faire pression sur l'Ukraine. Beaucoup des plus grands navires de cette flotte sont tout simplement trop grands pour effectuer le passage, ce qui les a laissés embouteillés dans la mer Caspienne (voir EDM, 26 mars 2019). En outre, le fait que le canal soit fermé au moins trois mois par an à cause de la glace signifie que la Russie devra construire ou acheter un grand nombre de nouveaux brise-glace pour qu'il reste ouvert. À son tour, cela limite sa capacité à déployer de tels navires dans la région arctique et l'Extrême-Orient russe, où les brise-glace sont encore plus nécessaires.
Maintenant que la Chine s'est impliquée, éliminant les obstacles posés par le manque d'investissements occidentaux, la reconstruction du canal Volga-Don devrait se poursuivre, bien que très probablement à un rythme plus lent que celui annoncé par Moscou. Néanmoins, si cet effort réussit, même en partie, la voie navigable intérieure sera en mesure d'acheminer le trafic de conteneurs à un coût bien inférieur à celui des chemins de fer de la région. Cela porterait atteinte aux projets ferroviaires soutenus par l'Occident et la Chine dans la région (voir EDM, 19, 20, 2022) et rappellerait que même en ce siècle, le trafic fluvial joue un rôle géo-économique et géopolitique important (voir Jamestown.org, 25 septembre 2020). En outre, non seulement il stimulera le trafic économique dans le sud, mais il permettra à la Russie d'atteindre deux objectifs. Premièrement, elle ouvrira une voie pour que la flottille de la Caspienne quitte cette mer et complète la marine russe, durement éprouvée, dans la mer d'Azov et la mer Noire. Et deuxièmement, il permettra l'intégration du trafic fluvial et des canaux dans le sud de la Russie dans les plans plus larges, souvent rejetés, de Moscou visant à utiliser ses fleuves et ses canaux au nord et à l'ouest pour projeter l'influence russe (voir EDM, 18 février 2020 et 13 mai 2020).
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dimanche, 22 mai 2022
L'Europe et/ou l'Occident - L'Europe contre l'Occident
L'Europe et/ou l'Occident - L'Europe contre l'Occident
Par Franco Cardini
Source: https://domus-europa.eu/2022/03/03/europa-e-o-occidente-europa-versus-occidente-di-franco-cardini/
La crise russo-ukrainienne, que nous vivons actuellement, a eu parmi ses effets les plus délétères sur le plan conceptuel - outre le caractère tragique des destructions et des victimes - celui de pousser de nombreux Européens vers des choix opposés et polarisants: pour certains, l'Atlantique semble s'être réduit à un filet d'eau, tandis que la ligne séparant la Fédération de Russie des pays anciennement membres de l'URSS ou liés au Pacte de Varsovie, mais qui ont rejoint l'UE et donc automatiquement l'alliance de l'OTAN, s'est transformée en un mur infranchissable, immense et très haut. Certains Européens, qui se revendiquent "atlantistes", semblent même avoir mis de côté des auto-qualifications telles que celles de "souverainistes" ou de "patriotes" (termes impropres de toute façon, étant donné leur asservissement à l'OTAN, qui les subordonne à la volonté du haut commandement américain et à celle de Washington) et se qualifient fièrement et résolument d'"Occidentaux".
A cette idéologie, que l'on pourrait définir très grossièrement comme "atlantiste" et "occidentaliste", s'oppose une autre, très minoritaire mais plus solidement structurée d'un point de vue géo-historique et géo-anthropologique, qui se définit sciemment depuis quelque temps comme "eurasiste" et qui vise à la valorisation culturelle et politique - mais pas, ou pas encore, institutionnelle - de l'unité du macro-continent compris entre la péninsule ibérique et les îles britanniques à l'ouest et la Chine à l'est.
De notre point de vue de pro-européens, qui réclamons depuis longtemps une redéfinition politique et institutionnelle unitaire décisive de notre "Grande Patrie" commune - pour laquelle un modèle institutionnel confédératif serait peut-être préférable, étant donné les nombreuses différences nationales et régionales qui existent dans notre pays et leur nécessaire défense - nous considérons que la position eurasiste est plausible et compatible avec la nôtre, même si nous considérons que sa configuration concrète est un objectif encore lointain, tandis que nous rejetons fermement, ou plutôt considérons qu'elle est hostile à toute option "atlantiste-occidentaliste". Ceci est principalement dû à une raison politique: la lourde hégémonie américaine sur ce front avec une soumission presque totale de la liberté et des intérêts du continent européen à la volonté et aux intérêts des USA. Il est en effet clair à présent, malgré le ton arrogant et triomphaliste de nombreux médias qui fonctionnent selon le "pays légal" et selon les partis discrédités qui se partagent les sièges de notre parlement, que les sanctions "anti-russes" voulues par les Américains se traduisent par des mesures et des situations qui mettent la Russie, mais surtout l'Europe, à genoux en termes de production, d'économie et de finances.
En réalité, le fait est que, de manière générale, dans les années 1960, De Gaulle et, dans les années 1980, Gorbatchev avaient de très bonnes raisons d'affirmer que l'Europe et la Russie vivent (habitent) dans une "maison commune", alors qu'on ne peut pas en dire autant des relations entre les États-Unis, le Canada et l'Australie d'une part (l'Occident proprement dit) et au moins l'Europe continentale d'autre part: avec peut-être une certaine possibilité d'exception pour les îles britanniques, auxquelles il serait peut-être raisonnable de laisser la liberté de choix pour des raisons socio-historiques et linguistico-culturelles.
En d'autres termes, malgré l'enthousiasme nonchalant avec lequel certains dirigeants politiques italiens se sont qualifiés d'"Occidentaux", les deux concepts et les deux zones historico-culturelles, l'occidentale et l'européenne, ne sont pas les mêmes, restent distantes l'une de l'autre et différentes entre elles. En particulier, alors que l'Occident moderne se qualifie désormais pour un choix de société de plus en plus libéral sur le plan économique et un choix culturel inspiré par la "pensée unique" homologuée de manière conformiste (et on ne comprend pas comment des Européens qui se disent conservateurs peuvent être d'accord avec des choix tels que l'avortement et l'euthanasie, qui, au moins sur le plan éthique, sont loin de leur horizon, tout comme le phénomène de la répartition injuste et inégale des richesses, leur concentration entre quelques mains et la disparition consécutive des classes moyennes). Au contraire, les traditions européennes sont orientées vers une politique plus décisive de collaboration et de solidarité interclasse, que l'Occident hyper-libéral indigné rejette.
En bref, l'Occident n'est plus la pars Occidentis de l'empire romain ou de la "chrétienté occidentale", mais un espace dominé par l'arbitraire pratiquement illimité des grands lobbies multinationaux et en nette régression en termes de justice sociale et de progrès: et les Européens qui se sentent occidentalistes doivent fermement reconsidérer leurs positions.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, lorsque Oswald Spengler a écrit et publié son ouvrage Der Untergang des Abendlandes, il n'y avait encore aucun doute (ou du moins le doute n'était pas encore profondément ancré ou répandu) que - sur la voie de ce qui avait été une définition célèbre de Hegel, "l'Occident comme le grand soir du jour de l'Esprit" - entre les dimensions occidentale et européenne, il existait un sentiment et une conscience d'identité absolue.
Longtemps identifié tout court à l'Europe, l'Occident est aussi autre chose. Emanuele Severino (photo) a soutenu que son âme profonde est techne : un mot ambigu, difficile à esquiver. En ce sens, il a semblé à beaucoup que le monde auquel l'Occident peut s'identifier est la Modernité: le monde du faire, du construire, du dominer, de l'avoir.
Le héros fondateur de l'Occident moderne - un grand historien, David S. Landes (photo), l'a bien compris - est Prométhée. Dans un splendide tableau de Gustave Moreau, conservé dans son musée parisien, le héros qui se sacrifie pour l'humanité a les traits inimitables du Christ: et son supplice, enchaîné sur un pic caucasien, rappelle la crucifixion avec une force passionnante. C'est l'héroïsme humain déifié, le Christ immanentisé dans l'humanité (l'immanentisation, qui est bien différente de l'Incarnation), la représentation parfaite du mythe romantique et progressiste de l'Occident qui brise toutes les contraintes et tous les obstacles, qui désobéit aux dieux et se fait dieu de lui-même, qui prétend ne faire que le Bien pour le simple fait, tautologique, qu'il considère toujours ce qu'il fait comme bon : comme le vieil optimisme historiciste, selon lequel tout ce qui est arrivé est bon parce que c'est arrivé et est arrivé parce que c'est bon.
Se croyant le créateur du meilleur des mondes possibles et le découvreur-inventeur de la formule constitutive d'un tout inséparable de liberté, de vérité, de justice, de raison, de tolérance et de poursuite du bonheur, l'Occident moderne ne veut pratiquement pas tolérer l'"Autre que lui", de quelque manière que ce soit ; il ne peut accepter aucune forme de civilisation différente de la sienne mais d'égale dignité, croire qu'il est possible que des alternatives existent (et encore moins qu'elles soient fausses). Les apologistes de l'Occident, en confondant le relativisme éthique avec le relativisme anthropologique, montrent qu'ils ignorent la grande leçon de Levi-Strauss, selon laquelle chaque civilisation doit être jugée dans son ensemble et il n'y a rien de plus impraticable que d'isoler ses composantes individuelles pour les examiner à la lumière de principes qui ne sont pas les siens.
Il s'ensuit que l'Occident moderne est atteint de l'infection totalitaire exprimée par sa "pensée unique" qui le conduit à concevoir un modèle unique de développement pour toute l'humanité. Elle est, en outre, victime d'une schizophrénie irrémissible entre la tolérance et les droits de l'homme, valeurs qu'elle considère comme fondamentales pour son identité, qu'elle révère en paroles et qu'elle prétend défendre, et le noyau dur et profond de sa réalité fondée sur l'avoir et le faire au lieu de l'être: la volonté de puissance.
La néo-idéologie de "l'exportation de la démocratie" proposée il y a des années par le groupe néo-conservateur qui a inspiré au moins une partie de la politique du président George W. Bush Jr, le groupe Wolfowitz, Perle et Kagan - certains de ses épigones réapparaissent aujourd'hui avec Biden - repose sur le vertige de cette persuasion d'excellence et de supériorité, sur la conviction d'une "destinée manifeste" capable et habilitée à étendre au monde entier cette "arrière-cour" qui, dans la thèse isolationniste de Monroe formulée en 1823, s'étendait à l'ensemble du continent américain. Que cette volonté illimitée de puissance, cette recherche inusable du bien-être, de la sécurité du bonheur, finisse par rendre ceux qui tombent dans ce tourbillon éternellement insécurisés, malheureux et insatisfaits, est une autre affaire: mais c'est précisément de là que découle le risque de la "guerre sans fin" dans laquelle les chantres du nouvel Occident risquent de nous entraîner.
Mais, au niveau des définitions, nous sommes dans le champ d'un malentendu infini. Aujourd'hui, l'Occident semble être une véritable "chose", un terme clair indiquant un sujet précis : cette "civilisation occidentale" qui, selon un livre de Samuel P. Huntington écrit il y a quelques années et faisant l'objet d'un succès alors injustifié et non accidentel, courrait le risque d'être assaillie par d'autres civilisations, compactes et bien délimitées comme la sienne mais qui lui sont hostiles. Dommage que ce ne soit, au contraire, qu'une nomination nue. "L'Occident" n'est pas une chose, une réalité géo-historique ou géo-culturelle: c'est un mot équivoque, qui a subi une série de glissements sémantiques au fil du temps et dont le sens actuel est aussi récent qu'équivoque et perversement différent de la façon dont de nombreux Européens le comprennent, convaincus que cet Occident et l'Europe sont presque synonymes.
Ce qui, rappelons-le, est également vrai d'un point de vue étymologique. Giovanni Semerano a montré que le mot "Europe" provient d'une racine akkadienne qui est ensuite passée au grec "erebos", indiquant l'endroit de l'horizon où le soleil se couche, alors que le mot "Asie", au contraire, dérive d'un autre terme akkadien indiquant le lever du soleil. Si nous pouvions nous limiter à de simples valeurs étymologiques, l'identité entre l'Europe et l'Occident (et entre l'Asie et l'Orient) serait parfaite. Mais ce n'est malheureusement pas un luxe que l'on peut se permettre lorsqu'on veut éviter de tomber dans des pièges grossiers.
Au-delà de l'opposition ancienne entre l'Asie et l'Europe, célébrée dans un passage immortel des Perses d'Eschyle, l'attraction et la fusion des valeurs "orientales" (asiatiques) et "occidentales" (helléniques puis romaines) passent par la grande synthèse hellénistique, initiée par Alexandre le Grand et perfectionnée par César - héritier de la grande pensée mûrie dans le "cercle des Scipions" - et la christianisation de l'empire. Les termes "Orient" et "Occident" étaient certes utilisés dans le monde de l'Antiquité tardive et du Moyen Âge : mais dans la perspective de la relation entre la pars Orientis et la pars Occidentis de l'empire romain qui émergeait de la partition imposée par la volonté de Théodose à la fin du IVe siècle. Au début du XIIe siècle, un chroniqueur de la première croisade, Foulcher de Chartres, célébrant le fait que des "Francs" et des "Italiques", après la conquête de la Terre Sainte, s'étaient installés en Palestine, affirmait que des "Occidentaux", ils étaient devenus des "Orientaux". Mais cela ne va même pas au-delà de la distinction théodosienne de l'origine.
Malgré ce que l'on croit aujourd'hui, l'utilisation actuelle de l'identification de "notre nous" à la "civilisation occidentale" est récente. Même au début du 20e siècle, on parlait encore d'"Europe", bien qu'il soit peut-être possible de discerner l'"invention de l'Occident" dans cette projection de l'Europe au-delà de ses frontières qui a eu lieu à partir de la fin du 15e siècle et a coïncidé avec le début de l'ère des grandes découvertes et des conquêtes géographiques. L'émergence de l'orientalisme en tant que courant esthético-littéraire, certes, envisageait une sorte de distinction Est-Ouest ; mais ce dernier terme restait synonyme d'Europe. Oswald Spengler, en parlant d'un "crépuscule de l'Occident", pensait surtout à l'Europe. Même les historiens qui ont utilisé avec assurance les termes "Occident" et "civilisation occidentale", comme Christopher Dawson et Elijahu Ashtor, ne sont pas allés au-delà d'une distinction qui implique la diversité mais n'apparaît pas comme une opposition. On pourrait cependant, entre le 16ème et le 20ème siècle, suivre l'itinéraire d'une connexion constante entre l'idée de développement, de domination technologique, de rationalité-raison, de progrès, à l'Ouest compris comme l'Europe, en contraste croissant avec un 'Est' (ou plusieurs 'Est') lieu(x) de tradition, de calme, de rêve, de magie, de fabuleux-irrationnel. La civilisation européenne ressentie par Hegel comme "le grand soir" de la journée de la civilisation humaine est peut-être le point culminant de la maturation de cette conception.
Le changement important qui concerne nos jours, cependant, a ses racines dans la publicité américaine. Comme le démontre Romolo Gobbi dans son ouvrage L'Amérique contre l'Europe, c'est au XIXe siècle que les écrivains et les hommes politiques américains ont considéré leur continent et les États-Unis comme cet Occident de la liberté auquel s'oppose un "Orient" auquel les Européens ne s'attendent pas: cet Orient, c'est l'Europe précisément (et d'ailleurs elle se trouve, sans exception et objectivement, à l'est de l'Amérique); cette Europe-Orient est décrite comme une terre de l'autoritarisme, de la tradition et des infinies contraintes théologiques et juridiques qui brident la liberté.
Il est symptomatique qu'au moment même où Spengler écrivait en Europe son livre sur le "crépuscule", une chaire de culture occidentale était fondée à l'université Columbia de New York, dont la conception montre clairement que l'Occident - le lieu du progrès et de la liberté - est le lieu de tous les malheurs. dont les États étaient le cœur - n'était nullement contrée par l'Orient de Rudyard Kipling et son péremptoire "Oh, East is East, and West is West, and never the twain shall meet", mais par l'Europe, lieu de l'autoritarisme et du culte stérile et poussiéreux du passé.
Cette identité américaine de l'Ouest et de la liberté est revenue, après Yalta, pour étayer la nouvelle dichotomie du pouvoir sur l'écoumène, désormais distinguée entre un "monde libre" et un "monde socialiste": deux mondes qui se rencontraient précisément et qui bordaient le rideau de fer qui coupait l'Europe en deux ; et qui ont convergé pour faire disparaître le concept même d'Europe, selon le dessein convergent du président Roosevelt et du maréchal Staline, sous les yeux sensiblement impuissants mais somme toute pas du tout mécontents de Winston Churchill, qui - pour le dire en termes schmittiens - de la défaite finale du Béhémoth territorial attendait sinon le triomphe, du moins une survie plus ou moins longue du Léviathan impérial britannique, seigneur d'un système complexe de terres et de mers.
Mais, après le Finis Europae, la fin du temps de l'équilibre entre les deux superpuissances (guerre froide oui, mais aussi partition et, à bien des égards, complicité) avait également semblé conduire à une nouvelle situation, définie précisément par Samuel P. Huntington : l'Occident comme culture unitaire et compacte, mais caractérisée par le leadership de la volonté politique et des valeurs élaborées par les États-Unis, auxquelles la "vieille Europe" était appelée à bien des égards à se conformer et à laquelle on reprochait de ne pas le faire suffisamment. Le temps de cette proposition, lié à l'ère de l'unilatéralisme américain explicite, semble désormais irréversiblement révolu. Aujourd'hui, face à un nouvel "Occident" qui propose d'accepter la subalternité et la marginalisation, l'Europe - en accord d'ailleurs avec la réalité géographique du globe - peut peut-être répondre en retraçant sa vocation de civilisation née et élevée en contact étroit avec la Méditerranée, l'Asie et l'Afrique, et en revendiquant à la lumière de cela un rôle charnière avec l'"Orient". Être occidental et être européen ne sont plus synonymes.
Les événements des vingt premières années du XXIe siècle, qui se sont tragiquement ouverts sur le scénario apocalyptique du 9/11, ont néanmoins eu le mérite de nous inciter tous à repenser en profondeur des catégories qui auraient pu sembler claires et consolidées, et qu'au contraire, tant les événements que la corrosion d'une critique stimulée et accélérée par leur rythme pressant ont fini par fragmenter, voire pulvériser. Dans un beau livre paru il y a quelques années, L'Europe et le mythe de l'Occident. La construction d'une histoire, Georges Corm (photo) a retracé d'une main ferme et élégante les étapes d'un processus tortueux par lequel la notion géographique d'"Occident" est devenue l'axiome organisateur d'une vision du monde. Nous sortons lentement mais laborieusement de la toile des malentendus, de la mer des stéréotypes, du marais des mystifications.
Il est donc sérieusement nécessaire de partir d'un point fixe, qui devra rester l'axe d'une conscience ayant enfin acquis une base claire et ferme : "la catégorie de l'Occident est une invention idéologique". Il n'y a pas non plus de scrupules politiquement corrects à utiliser des auteurs que la pruderie de professeurs également préparés et intelligents, mais disons pas exactement audacieux, les incite parfois à reléguer timidement à quelques notes de bas de page ou même à ne pas citer : de Serge Latouche Augusto Del Noce à Emanuele Severino à Massimo Fini à Guillaume Faye.
On peut légitimement conclure que la civilisation "occidentale" est celle qui s'est formée dans l'espace de l'Occident à l'époque moderne et à partir de la "modernité", elle-même une notion comprise comme l'émancipation de la subjectivité des contraintes immobilisantes de la tradition, de la transcendance et du sacré, auto-présentée comme l'émancipation d'un mode de vie qui autorise le libre usage de la raison, sans avoir à la soumettre à un pouvoir extérieur, et la libre planification de l'avenir, sans l'obligation de tenir compte du passé. La modernité comme primauté de l'individualisme et de la dimension économico-financière, par rapport à laquelle la dimension proprement politique est reléguée au second plan tandis que disparaît la glorieuse dimension aristotélicienne et thomiste du bien public.
Il est d'autant plus urgent de s'en rendre compte à une époque comme la nôtre où les attaques continues contre la vérité, la justice et même le bon sens sont déchaînées par une partie de la politique et des médias précisément "occidentalistes" (pensez par exemple à la culture de l'annulation) dans le but de justifier les agressions, les occupations et les répressions en prétendant traiter comme des objets historiques concrets et réels ceux qui sont au contraire le résultat d'une manipulation idéologique: comme le concept de "civilisation occidentale". Cette conscience doit être tenue fermement comme un vade-mecum précieux dans notre combat pour le désenchantement et, par conséquent, la libération de la mystification et des mensonges.
Franco Cardini
11:41 Publié dans Affaires européennes, Définitions, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europe, occident, franco cardini, définition, affaires européennes | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Les tensions du vingtième siècle derrière le conflit Russie-Ukraine
Les tensions du vingtième siècle derrière le conflit Russie-Ukraine
Le rôle des États-Unis, le choc entre l'Ours et la Baleine tandis que l'Europe reste une "belle endormie"
par Giuseppe Del Ninno
Source: https://www.barbadillo.it/104453-le-tensioni-novecentesche-dietro-il-conflitto-russia-ucraina/
Le différend dans la mer d'Azov
La guerre en Ukraine a fait remonter à la surface des mouvements souterrains ataviques, mais elle a aussi confirmé des tendances récentes; de plus, elle a fait exploser des contradictions qui couvaient déjà dans nos sociétés, par exemple en remaniant les distinctions entre la droite et la gauche, au point que les lecteurs de "Avvenire" et de "La Verità" se sont retrouvés sur des positions opposées à l'envoi d'armes en Ukraine, et donc dans le camp opposé à celui occupé par les lecteurs de "Il Giornale", "Corriere" et "Repubblica". Parmi les motions ataviques, il faut surtout compter l'opposition dynamique entre Terre et Mer, déjà théorisée par Carl Schmitt, qui l'a identifiée dans le conflit entre Rome et Carthage, sa première manifestation dans l'histoire ; or, les événements guerriers qui se déroulent à deux heures de vol de chez nous en représentent une variante typique.
Ce n'est qu'avec l'avènement de l'arme nucléaire et l'extension à la planète entière du scénario sur lequel s'affrontent les nouveaux sujets en lutte pour le Pouvoir que s'est imposée la notion de "guerre par procuration", où les véritables protagonistes - l'un, les Etats-Unis, la baleine symbolique dans la métaphore de Carl Schmitt, l'autre le binôme russo-chinois, souvent dépeint comme un ours - choisissent des représentants théâtraux et tragiques de leurs intérêts respectifs, pour déclencher des conflits qui les impliquent le moins possible.
C'est un scénario que nous avons vu mis en scène depuis la guerre de Corée, avec les États-Unis directement engagés contre cette puissance régionale, mais en réalité contre la République populaire de Chine, comme ce fut également le cas au Vietnam. Dans la suite de l'histoire de ce vingtième siècle que l'on croyait "court", mais qui a étiré ses excroissances malignes jusqu'au vingt-et-unième, la superpuissance américaine a toujours été présente, soit à la première personne, soit comme leader de coalitions, sous le signe de cette "alliance atlantique" qui, par son nom même, souligne son appartenance à la catégorie "mer" : avant l'Ukraine, nous en avons eu un avant-goût en Syrie.
Dès lors, l'opposition réactivée entre cet ours et cette baleine, qui une fois de plus - après Belgrade et le Kosovo, autres exemples récents - a choisi l'Europe comme lieu de cette conflictualité représentative, atavique et tragique, ne doit pas surprendre. À nos yeux, ce sont donc moins les causes occasionnelles du conflit - que l'on veut de manière simpliste faire remonter et réduire à l'invasion russe de l'Ukraine - qui comptent que ces funestes tendances souterraines que nous avons mentionnées. Avec un minimum de prévoyance et de mémoire historique, le conflit, avec son cortège sanglant de mort et de dévastation, aurait pu être évité.
Quant au rôle évanescent de l'Europe, dans son pâle avatar qu'est l"Union européenne", nous sommes toujours dans le déjà vu: le chimérique "empire de 400 millions d'hommes" rêvé par des légions de politiciens et de penseurs d'orientations les plus diverses, de De Gaulle à Schumann en passant par Jean Thiriart, a ressemblé dès son origine à l'empire byzantin en déclin, destiné à être avalé par la jeune puissance islamique, dans ses diverses configurations impériales. Il n'est pas nécessaire d'en dire trop sur son asservissement à l'OTAN, le bras militaire de l'Hégémonie atlantique: même dans notre propre pays en lambeaux, après l'unanimité initiale pour défendre le pays envahi, des réserves et des distinctions sont émises, presque de tous les côtés de l'échiquier politique, et des questions sont posées sur les intérêts réels des acteurs en jeu. En effet, les Etats-Unis ne cachent pas leur intention fondamentale, qui ne consiste pas tant en un changement de régime qu'en l'usure de la puissance russe jusqu'à son déclassement économique, militaire et politique, jeu, qui plus est, qui se jouerait sur un théâtre éloigné de leur territoire; tandis qu'en Europe - notamment dans certaines de ses composantes comme l'Allemagne et l'Italie, qui dépendent de l'ours russe sur le plan de l'énergie - l'idée d'un éventuel élargissement et prolongement du conflit ne répond à aucune stratégie géopolitique cohérente et rationnelle.
Et à propos de l'Italie, il est à peine utile de noter l'inversion accessoire du rapport Gouvernement-Parlement, ce dernier étant appelé uniquement et de plus en plus rarement à ratifier les choix de l'Exécutif. Ce n'est que lorsqu'il s'est agi d'éviter la dissolution des Chambres - et le résultat défavorable probable d'élections anticipées pour les détenteurs du pouvoir depuis des décennies - que la nature de notre pays en tant que république parlementaire a été invoquée, avec l'assentiment "alimentaire" de nombreux députés et sénateurs, craignant de perdre prématurément leurs salaires et indemnités.
Il y a ensuite un aspect de cette guerre qui, s'il ne s'agissait pas d'un événement tragique, prêterait à sourire, à savoir la connotation "légaliste" de chaque initiative: la Russie de Poutine - et non le peuple russe, s'empresse-t-on de préciser - doit être punie pour avoir violé le droit international avec son "opération spéciale". D'ailleurs, l'une des conséquences de ce conflit se répercute sur l'utilisation des mots: ce n'est pas la guerre, mais précisément une "opération spéciale", et ce n'est pas la reddition du bataillon Azov, mais l'évacuation; ou bien on utilise des périphrases, pour ne pas définir comme "co-belligérants" ou "alliés" ceux qui fournissent des armes à l'une des parties en conflit. Mais quand la politique du pouvoir a-t-elle jamais adhéré aux règles du droit international? La diplomatie du XIXe siècle appelait déjà les traités "chiffon de papier"...
La guerre entre la Russie et l'Ukraine
Et maintenant, il suffirait de rappeler qu'aucune des guerres après 45 n'a été déclarée selon ces règles; sans parler de l'action de l'"intelligence" adverse et de l'organisation des différents "coups d'État": ces arguments suffiraient à démasquer "avec quelles larmes et avec quel sang" s'écrivent chaque politique impériale, chaque relation conflictuelle entre États. Ne parlons pas de la prétention de qualifier de "génocide" les massacres inévitables de tout conflit et d'invoquer les tribunaux internationaux pour frapper les perdants (mais on se garde bien d'appeler la République populaire de Chine à la barre, ne serait-ce que pour établir une responsabilité, dont les contours commencent à se dessiner, à l'égard de cette pandémie dans laquelle nous nous débattons encore). Malheureusement, nous avons vu des génocides au sens strict du terme, et ils n'avaient rien à voir avec ce qui se passe entre Lviv et Kharkiv, entre Kiev et Odessa : il suffit de penser au massacre des Amérindiens, à la persécution des Arméniens et, surtout, à l'Holocauste, pour comprendre ce que signifie le mot "génocide".
Parmi les dégénérescences de la culture "occidentale", en bref, il y a l'intention louable d'encadrer le conflit récurrent entre Léviathan et Béhémoth dans les catégories du droit, pour tenter de l'exorciser; mais le Mythe et la Technologie, qui donnent corps et âme à la Politique, ne se laissent pas gouverner par l'Économie et l'Éthique (en fait, en ce qui concerne ces dernières, les vainqueurs se posent toujours en gardiens et protecteurs de la Morale Unique). Et bien sûr, le corollaire du Droit - ou son incontournable contrepartie - est la Démocratie, que l'Hégémonie atlantique voudrait imposer au Globe entier, avec le fracs de ses bombes et l succession des coups d'Etat qu'elle organise ; une catégorie de la Pensée grecque transplantée outre-mer et exquisément européenne, qui s'est affinée au cours des millénaires et qu'elle voudrait maintenant imposer à des portions de la planète comme un corps étranger à ces cultures disparates. Dans le conflit russo-ukrainien, il y a aussi le recouvrement hypocrite des intérêts géopolitiques par des arguments de principe vertueux. Malheureusement, si notre Europe est la Belle au bois dormant du conte de fées, il n'y a pas de prince charmant à l'horizon prêt à la réveiller avec son baiser salvateur.
Giuseppe Del Ninno
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samedi, 21 mai 2022
Contre-sens irlandais
Contre-sens irlandais
par Georges FELTIN-TRACOL
Le jeudi 5 mai 2022, en même temps que les élections locales en Angleterre, en Écosse et au Pays de Galles, les électeurs renouvelaient les 90 sièges de l’Assemblée d’Irlande du Nord. Cette institution constitue un rouage essentiel dans la pacification des esprits après trente ans de conflit (1968 - 1998). Au cours de ces trois décennies d’agitations et d’oppression de la communauté catholique, l’Ulster devint un terrain fertile d’application des stratégies militaires de maintien de l’ordre.
Les troubles cessèrent avec les « Accords du Vendredi Saint » signés le 10 avril 1998 à l’initiative du Premier ministre britannique, le travailliste Anthony Blair. Aidé de son homologue de la République d’Irlande, il força les protestants loyalistes et les républicains catholiques à se partager le pouvoir. L’Assemblée d’Irlande du Nord investit, approuve les actes et contrôle un gouvernement territorial bicéphale. Représentant chacun leur communauté confessionnelle, le Premier ministre et le vice-Premier ministre disposent des mêmes prérogatives. Depuis un quart de siècle, un protestant détient la première fonction et un catholique la seconde. En 2006, l’Accord de Saint-Andrews provoqua une séisme politique : les ennemis jurés du DUP (Parti unioniste démocratique) et du Sinn Féin (« Nous mêmes ») décidèrent de coopérer. Cette parité confessionnelle procède d’abord des accords de 1998, puis ensuite du mode de scrutin qui combine la proportionnelle et le scrutin majoritaire uninominal à un tour. Le « système de Hare » impose le scrutin à vote unique transférable. Les électeurs classent selon leur préférence tous les candidats. Ceux qui recueillent le moins de suffrages sont écartés et leurs votes sont attribués aux autres candidats. Certes, bien plus long, le dépouillement est fastidieux. Il donne cependant une chambre assez représentative.
Il est probable que le prochain Premier ministre d’Irlande du Nord soit une catholique, à savoir la vice-présidente du Sinn Féin Michelle O’Neill. Une grande première ! En effet, avec 29 %, soit un point de plus, le Sinn Féin obtient 27 sièges. Le DUP n’en remporte que 25, ne fait que 21,4 % et perd 6,7 points. Une partie non négligeable de son électorat a privilégié la TUV (Voix unioniste traditionnelle) qui passe en cinq ans de 20 523 votes à 65 788, soit 7,6 % et un gain de cinq points. La TUV n’a toutefois qu’un seul élu. Les formations modérées, parrains des accords du Vendredi Saint conclus sous l’égide de l’Union pseudo-européenne, reculent encore. Avec neuf sièges, le Parti unioniste d’Ulster obtient 11,1 % et perd près de deux points. Le Parti social-démocrate et travailliste maintient ses 8 sièges malgré une régression de 2,9 points (9 %). Mouvement populiste d’extrême gauche, « Le peuple avant le profit », réunit 1,15 % et garde son unique siège. En revanche, l’Alliance qui rejette le critère structurant conflictuel entre catholiques et protestants réalise 13,5 %, soit 4,5 points de plus et remporte 17 sièges. Ce succès traduit la lassitude des nouvelles générations qui n’adhèrent plus aux clivages religieux. Il s’explique aussi par l’apparition d’Irlandais d’origine immigrée souvent musulmans. Ces deux données sont à prendre en considération pour les décennies à venir.
Il ne faut pas se réjouir de cette élection. Longtemps vitrine politique de l’IRA (Armée républicaine irlandaise), le Sinn Féin agit tant au Nord qu’au Sud de l’île. Vainqueur en Ulster, il compte déjà quatre sénateurs et 37 députés dans la République d’Irlande dont il incarne l’opposition officielle à la coalition ministérielle centriste. Né en 1970, à l’occasion de dissensions au sein des groupes paramilitaires républicains, l’actuel Sinn Féin n’est pas l’héritier direct de son homonyme du début du XXe siècle.
Très tôt, ce mouvement s’inscrit dans la gauche radicale. Son seul député européen siège aux côtés des élus grecs de Syriza, espagnols de Podemos et de La France Insoumise dans le groupe de la Gauche unitaire européenne – Gauche nordique verte. Le Sinn Féin a dénoncé les régimes militaires d’Amérique du Sud, critiqué l’apartheid en Afrique du Sud et soutenu la cause palestinienne. Lors de la crise des sans-papiers en 2015 – 2016, ses militants établissaient un parallèle spécieux avec l’exode déclenché par la Grande Famine de 1845 – 1851.
La présidente eurosceptique du Sinn Féin, Mary Lou McDonald, ne cache pas par ailleurs son progressisme foncier. Elle promeut l’inclusivité, le multiculturalisme, le sociétalisme et le gendérisme sans oublier l’avortement, le féminisme et l’homoconjugalité. Le supposé nationalisme du Sinn Féin relève du nationalisme civique contractualiste, négateur des appartenances identitaires charnelles effectives… Il faut par conséquent le considérer comme l’avant-garde du « national-cosmopolitisme ». De leur côté, par leur proximité historique et symbolique avec la franc-maçonnerie et le biblisme politique vétéro-testamentaire, sous la bannière de Dieu, du Royaume Uni et de la Couronne, les unionistes défendent les Afrikaners et l’État d’Israël. Ils s’enferment dans un passéisme muséal. Leur conservatisme moral et sociétal n’a pas empêché la légalisation du « mariage » homosexuel en Ulster. Force est de constater que ces deux camps rivaux nuisent au destin civilisationnel de l’Europe impériale.
Sauf coup de théâtre, l’Irlande et l’Ulster ne se réunifieront pas dans les prochaines années. Grâce au Brexit, la Verte Erin forme déjà au quotidien un seul ensemble douanier puisque la frontière « euro-britannique » passe en mer d’Irlande. Cette réalité enrage les unionistes favorables à l’établissement d’une véritable frontière entre les deux territoires irlandais au risque possible de relancer les troubles au Nord. Cette question sera le principal sujet de discussion entre le Sinn Féin et le DUP. Pas sûr que les négociations aboutissent. Un blocage institutionnel se profile donc à l’horizon...
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 33, mise en ligne le 17 mai 2022 sur Radio Méridien Zéro.
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vendredi, 20 mai 2022
La "Patrie sans mer": entretien avec Marco Valle
La "Patrie sans mer": entretien avec Marco Valle
Propos recueillis par Gianluca Kamal
Source: https://domus-europa.eu/2022/05/19/la-patria-senza-mare-intervista-a-marco-valle-a-cura-di-gianluca-kamal/
Il a traversé de nombreuses mers. Les mers tumultueuses de la lutte politique (à la tête du Fronte della Gioventù de Milan dans les années 80) ; les mers plus douces mais tout aussi vivantes de la recherche et des études historiques menées au fil des ans avec passion et perspicacité ; les mers inconstantes du journalisme et des institutions (il fut porte-parole du ministre de la Défense). Mais surtout, l'esprit typiquement triestin d'un chercheur agité et d'un voyageur curieux, peut-être les seules qualités suffisantes pour faire d'une vie un véritable vécu. La mer comme horizon, comme motif de curiosité, comme motif d'investigation. Voici donc "Patria senza mare", un ouvrage novateur dans lequel Marco Valle, l'auteur et "l'homme mystérieux" décrit jusqu'ici, raconte avec précision et dans un style brillant les succès et les difficultés de l'Italie maritime, indiquant dans la redécouverte de la mer, et de la Méditerranée en particulier, le signe d'un nouveau (et très ancien) destin tout italien.
Entretien
Après Braudel, le temps semble enfin venu de se réoccuper de la mer, et de la Méditerranée en particulier. Si l'œuvre fondamentale de l'historien français a marqué un "tournant" dans la manière de concevoir et de périodiser l'histoire, votre volume (à paraître les 25/26 mai 2022) rompt un long silence incompréhensible de la part des éditeurs italiens à l'égard des écrivains et des choses de la mer. Pourtant, les auteurs et les volumes de valeur n'avaient certainement pas manqué avant vous.....
"La maritimité est (ou, plutôt, devrait être) une priorité de notre récit national. Qu'on le veuille ou non, en Méditerranée, comme le rappelait Braudel, "l'Italie a toujours trouvé le signe de sa propre destinée puisqu'elle en constitue l'axe médian et qu'il lui est donc naturel de rêver et d'avoir la possibilité de dominer cette mer dans toute son extension" et c'est précisément dans le "continent liquide" que résident les principaux éléments politiques, économiques et militaires sur lesquels repose tout le système des nations. Malheureusement, malgré trois mers et 7551 kilomètres de côtes, les Italiens ne sont pas ce "peuple de navigateurs" invoqué par Benito Mussolini dans son célèbre discours du 2 octobre 1935. Ou, du moins, ils l'ont été par le passé, mais toujours de manière intermittente, discontinue et locale. L'eau salée peut amuser (en été...) mais elle n'intéresse pas, elle n'excite pas. Parfois, elle fait peur. La réfractarité paradoxale de la classe politique actuelle et d'une grande partie de la classe entrepreneuriale vis-à-vis de la mer reflète l'esprit terrien et terrestre de la majorité de nos compatriotes. Paradigmatique est l'attitude du monde des sciences humaines qui, aujourd'hui encore, fuit, sous-estime ou même ignore la dimension maritime. Relançant une provocation d'Egidio Ivetic, la recherche historique, à part les brillantes exceptions que j'ai largement utilisées dans ce travail, continue: "Regarder la Méditerranée passivement sans inclure les différentes parties de la Méditerranée dans le récit historique de l'Italie dans une clé comparative. Dans les Annali tematici (Annales thématiques) de la Storia d'Italia d'Einaudi, une série de 27 gros volumes, on trouve tout sauf un volume consacré à la mer. En bref, il y a des études et des universitaires, mais il y a un manque de systématicité historiographique, un manque de visions et d'interprétations". En bref, il persiste un manque d'intérêt marqué et constant de la part de l'industrie éditoriale italienne envers toute suggestion de la mer et envers les écrivains sur les choses de la mer. En raison d'un provincialisme embarrassant, tout semble se terminer dans le "Bréviaire méditerranéen" du peut-être surestimé Predag Matevejevic, de Croatie, ou dans les œuvres de David Abulafia ou John Julius Norwich, tous deux d'Angleterre. Les Italiens ne sont pas ou peu considérés.
Certaines lectures biaisées nous parlent de la Méditerranée comme d'un grand champ de bataille au cours des siècles entre différentes cultures et civilisations. Mais l'histoire semble plutôt nous parler de "rencontres/chocs" (F. Cardini) qui ont fait de cette mer un immense carrefour de riches contaminations. Parlez-nous de ce passage historique particulier.
Les catégories étroites du "choc des civilisations", sans parler des récits vétérano-occidentaux, ne m'ont jamais convaincu. De plus, la Méditerranée, comme nous l'enseigne Franco Cardini, n'est pas simplement un espace étroit entre deux océans et trois continents, mais reste, dans une succession de contaminations et de contrastes, de commerces et de guerres, une forge de civilisations, cette "méditerranéité" polyphonique que nous trouvons encore aujourd'hui sur tous les rivages de la mer intérieure. La relation historique entre Venise et l'Empire ottoman est emblématique à cet égard: économiquement liés, le dogato et La Porta, ils sont devenus, pour citer une fois de plus Braudel, deux "ennemis complémentaires", un couple malheureux mais indissoluble. C'était une relation insaisissable, discontinue mais finalement profitable, bien loin du récit rhétorique de nombreux spectateurs européens, d'Etienne de la Boètie à Montesquieu, qui voyaient dans la République l'incarnation de Judith, la liberté, et dans l'Empire turc celle d'Holopherne, la tyrannie. Malgré les guerres et les pertes territoriales douloureuses au Levant, les relations commerciales vénitiennes avec le système ottoman sont toujours restées avantageuses, à tel point qu'en 1574, l'exécutif du doge accorde aux marchands musulmans l'ouverture de leur propre bureau dans la ville, le Fondaco dei Turchi.
A l'ère de la grande transformation, ou Chaoslandia comme vous l'appelez dans le livre, quelles devraient être les lignes directrices à travers lesquelles faire avancer la réflexion sur le présent et le futur de l'Italie et de l'Europe au niveau géopolitique ?
"La Méditerranée, débarrassée de la rhétorique pro-européenne - cette "tension lotharingienne" que Camillo Benso di Cavour reprochait à ses collègues du gouvernement très provincial - reste pour l'Italie une opportunité, une perspective forte et, peut-être, la seule viable ; si nous voulons rester une "puissance moyenne à vocation mondiale", ce n'est que sur la mer et par la mer que nous pourrons défendre notre vocation mercantile et relancer une projection d'influence géopolitique autonome. Pour citer Lucio Caracciolo: "Il ne s'agit pas de fuir la Méditerranée, mais d'en assumer la cogestion avec les principaux partenaires européens, nord-africains et levantins, en tant qu'avant-garde géographique et en partant de nos intérêts".
Au moment où le monde s'oriente vers un modèle d'économie "verte" et "bleue", l'Italie, qui a supprimé le ministère de la marine marchande en 1993, semble totalement mal préparée et arriérée pour faire face aux énormes défis qui viennent également de la mer. D'où peuvent venir les lueurs d'espoir d'un renouveau national dans ce sens ?
"Malgré les criticités structurelles et l'absence d'un ministère de la mer, quelque chose commence à bouger. Je pense à l'Université de Gênes, l'une des meilleures universités au monde sur les questions maritimes ; en 2019, elle a créé un "Centre de la mer" spécial qui rassemble les compétences de plus de 400 enseignants et chercheurs, avec cinq cursus de trois ans (design de produits et nautique, économie d'entreprise maritime, logistique du transport, ingénierie nautique et navale, sciences et technologies maritimes) et huit masters (biologie et écologie marines, design naval, nautique et de yachts, économie, océanographie, logistique, environnement). Il s'agit d'un laboratoire de très haut niveau dans lequel on peut étudier et expérimenter la mer sous ses différentes facettes : environnementale, productive, récréative et sociale. Le centre universitaire a son pendant naturel dans le splendide Galata Museo del Mare, le plus grand musée maritime de la Méditerranée.
En outre, l'année dernière, dans le cadre du fonds de relance, un "projet intégré des ports italiens" a été prévu avec 1,22 milliard d'euros destinés à la durabilité environnementale, principalement pour l'électrification des quais avec le système de "repassage à froid". Un premier pas vers les nombreux "ports verts" espérés, grâce à l'engagement de l'Autorité du système portuaire de Trieste, dirigée par son dynamique président Zeno D'Agostino. Depuis 2020, l'escale julienne est le chef de file d'un projet environnemental européen, Susport Sustainable Ports. Un plan stratégique impliquant toutes les autorités portuaires de l'Adriatique. En plus de Trieste, Venise, Ravenne, Ancône, Bari, Porto Nogaro et les ports croates de Rijeka, Zadar, Split, Ploce et Dubrovnik y participent. L'objectif est d'améliorer les performances environnementales et l'efficacité énergétique, en transformant les ports de simples lieux de déchargement et de chargement de marchandises en hubs énergétiques, des structures capables de produire de l'énergie propre.
Un autre signal important pour un possible renversement de tendance et l'annonce (nous l'espérons) d'une vision maritime innovante provient des efforts de la revue "Limes" qui, à partir de 2006, a consacré de nombreux numéros au sujet et a organisé en 2020 et 2021 - au plus fort de l'urgence pandémique - "Le giornate del mare" (journées de la mer), une série de rencontres de haut niveau au cours desquelles des professeurs, des opérateurs, des chefs des Forces armées et des politiciens (quelques-uns) ont abordé le problème de la récupération de la dimension maritime "naturelle" de l'Italie avec des clés interprétatives originales.
Le sentimentalisme hypocrite et l'idéologisme aveugle ont conduit à considérer la mer Méditerranée presque exclusivement, en raison des naufrages tragiques de migrants, comme une "mer de larmes". Comment cette vision s'est-elle concrétisée ?
"La Méditerranée doit aujourd'hui être considérée comme l'Océan du Milieu, comme la connexion entre l'Océan Indo-Pacifique (l'espace du contraste sino-américain) et l'Océan Atlantique, l'océan canonique de la projection américaine vers l'Europe, avec en son centre le détroit de Sicile, une réalité stratégique à laquelle nous ne semblons pas nous intéresser particulièrement. Et pourtant, c'est ici que se joue la partie décisive de notre présent et de notre avenir, face à une "pression désintégrative" immédiate à notre frontière, déterminée par l'écart démographique toujours plus grand entre l'Italie et les pays africains, un écart destiné à s'accroître et à conditionner ainsi les relations dans toute la zone. Nous devons donc prendre conscience du défi géopolitique et de la centralité de la Méditerranée. Et il faut sortir du généralisme des politiques-politiciens, des polémiques inutiles, du moralisme facile déguisé en solidarité ou des logiques d'urgence à souffle court, très court".
La montagne est verticale, avec son sommet pointant vers le ciel, elle semble presque essayer de toucher Dieu. La mer... Vous nous dites l'image de la mer.
"Je suis le fils, le petit-fils et l'arrière-petit-fils de marins d'Istrie-Vénétie. Enfant, mon terrain de jeu était le Vieux Port de Trieste où j'attendais ou saluais les bateaux de mon père. Ce n'est pas un hasard si je me suis retrouvé dans les pages de Giovanni Comisso, dans ses descriptions de l'Adriatique, de la mer d'Istrie et de la Dalmatie. Dans ses livres, les voix des protagonistes, capitaines, maîtres d'équipage et matelots, sont entrecoupées et entremêlées - comme les stases du chœur d'Eschyle - avec les soupirs, les pensées et les cris des épouses et des petites amies qui attendent, parfois pendant des mois, de voir les navires de retour réapparaître à l'horizon. Mais le véritable protagoniste est toujours la mer. Avec ses couleurs, ses reflets, son obscurité inextricable, le reflet de la lune, les vents, les tempêtes et le calme des amarres."
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jeudi, 19 mai 2022
La politique américaine de confiscation
La politique américaine de confiscation
Ivan Timofeev
Docteur en sciences politiques et directeur de programme au RIAC
Source: https://geopol.pt/2022/05/16/a-politica-de-confiscacao-dos-estados-unidos/
Les expériences de confiscation accentuent l'escalade dans un conflit
Le 28 avril, le président américain Joe Biden a appelé le Congrès à adopter une nouvelle législation sur la confiscation des actifs russes. Les propositions présidentielles ont été préalablement élaborées au niveau des principales agences responsables des sanctions: le Trésor (sanctions financières), le Département d'État (responsable des sanctions en matière de visas et des aspects politiques des mesures restrictives), le Département du commerce (contrôle des exportations) et le Département de la justice (qui poursuit les contrevenants aux régimes de sanctions).
Les propositions de Biden sont les suivantes :
Premièrement, créer un mécanisme efficace pour la confiscation des biens situés aux États-Unis et appartenant à des "oligarques" sanctionnés ou à des personnes impliquées dans des activités illégales. Auparavant, ces avoirs étaient seulement gelés, c'est-à-dire que leur accès était interdit, mais formellement, ils restaient en possession de leurs propriétaires. Elle peut être contestée devant un tribunal fédéral américain. Toutefois, l'expérience montre que les précédentes tentatives des entreprises russes pour obtenir la levée des sanctions n'ont pas été très fructueuses. Il propose également de faire de la réception de fonds provenant directement de transactions corrompues avec le gouvernement russe une infraction pénale. Le concept de ces transactions et leurs paramètres restent encore à décrypter.
Deuxièmement, l'administration Biden fait pression en faveur d'un mécanisme qui permettrait le transfert des actifs saisis auprès des "kleptocrates" pour dédommager l'Ukraine des dommages causés par l'action militaire.
Troisièmement, la confiscation d'actifs qui est mise en oeuvre pour aider à contourner les sanctions américaines, ainsi que l'inclusion de toute tentative d'échapper aux sanctions dans la loi sur la corruption et les organisations influencées par le racket (RICO). L'administration estime également nécessaire d'étendre à 10 ans le délai de prescription pour les infractions en matière de blanchiment d'argent.
Quatrièmement, il est proposé d'approfondir l'interaction avec les alliés et partenaires étrangers. Dans l'UE, en particulier, des biens d'une valeur de plus de 30 milliards de dollars ont déjà été saisis.
Au Congrès, de telles propositions apparaissent depuis longtemps sous la forme d'une série de projets de loi. En mars-avril 2022, deux projets de loi de ce type ont été introduits au Sénat (S. 3936 et S.3838) et cinq à la Chambre des représentants (H. R.7457, H. R. 7187, H. R.7083, H. R.6930 et H. R.7086). La plupart de ces projets de loi sont co-parrainés par des républicains et des démocrates, ce qui signifie qu'ils sont très susceptibles de créer un consensus entre les partis. Il est très probable que la version finale du projet de loi soit beaucoup plus détaillée que les projets de loi déjà introduits et qu'elle tienne compte des propositions de l'administration Biden.
Le nouveau mécanisme juridique donnera aux États-Unis à la fois des avantages et des inconvénients. Parmi les premiers, on peut attribuer l'émergence d'instruments plus efficaces pour la défaite finale du grand capital russe, tant aux États-Unis qu'à l'étranger. Les autorités américaines disposeront de plus de pouvoirs en matière de sanctions secondaires et de mesures d'exécution pour empêcher le contournement des régimes de sanctions. Il est possible que de telles mesures soient également appliquées aux partenaires russes de pays tiers. En outre, ces saisies permettront d'apporter une aide militaire et financière à l'Ukraine en utilisant l'argent russe. Washington envoie déjà des milliards de dollars à Kiev, et la portée de cette aide est susceptible d'être considérablement élargie. Si l'Union européenne suit l'exemple des États-Unis (et il ne fait aucun doute qu'elle le fera), l'Ukraine pourrait à l'avenir s'attendre à recevoir des dizaines, voire des centaines de milliards de dollars d'aide provenant de fonds russes. Une telle mesure serait bien accueillie par les contribuables américains et européens. Avec toute leur sympathie pour l'Ukraine, ils préfèrent l'aider aux dépens des actifs russes, plutôt que des leurs.
Si les avantages de ces mesures porteront leurs fruits dans un avenir très proche, les inconvénients se feront sentir plus tard. Tout d'abord, la Russie elle-même entreprendrait de confisquer les actifs appartenant à l'Occident sur son territoire. Il est évident que Moscou prendra ces mesures avec grande prudence - il est toujours dans l'intérêt de la Russie de préserver les vestiges des investissements et des liens établis. Cependant, des mesures sélectives et ciblées sont tout à fait possibles. En réponse au transfert des biens russes à Kiev, Moscou peut confisquer certains biens dans les territoires occupés de l'Ukraine, et le territoire lui-même peut être considéré comme un bien confisqué. Il peut être transféré, par exemple, vers la juridiction des républiques populaires de Donetsk. En d'autres termes, les expériences de confiscation accentuent l'escalade dans tout conflit.
Un autre inconvénient pour les États-Unis est la perte significative d'influence sur certains segments de l'élite russe. Les biens et les actifs étaient des "points d'ancrage" pour un nombre considérable d'hommes d'affaires russes. Ils considèrent les États-Unis et d'autres pays occidentaux comme des "havres de paix" et des lieux où règne l'État de droit. Maintenant, la Russie est devenue leur seul refuge. Cet écart peut devenir un avantage pour les autorités russes, qui auront plus d'occasions de consolider l'élite autochtone. La suspicion des agences gouvernementales et des institutions financières à l'égard des Russes en général (y compris les petites et moyennes entreprises et les particuliers) réduit également la motivation pour l'émigration d'une plus grande partie des citoyens russes.
Enfin, la marche victorieuse des autorités américaines, européennes et autres sur les biens russes fragmente les craintes légitimes des investisseurs d'autres pays. Un mauvais signe pour eux est que les motifs criminels de la saisie des biens et les concepts de corruption, de kleptocratie et autres ne sont "soudainement" devenus pertinents qu'après le début du conflit en Ukraine. La question se pose : s'il existait un dossier criminel sur les Russes sous sanctions, alors pourquoi n'a-t-il pas été publié en masse plus tôt ? La réponse est simple. La plupart des Russes qui sont tombés sous le coup des sanctions n'avaient apparemment tout simplement pas de tel dossier. Ou bien cela n'était pas suffisant pour les soupçons et les accusations d'infractions pénales (blanchiment d'argent, etc.). Se soumettre aux sanctions est une conséquence de la politique. Cela signifie que la confiscation d'actifs est motivée par des raisons politiques et n'est pas associée à la violation de la loi.
Par conséquent, les investisseurs d'autres pays peuvent avoir des soupçons explicites ou implicites qu'ils pourraient être les prochains sur la liste.
Les États-Unis entretiennent des relations conflictuelles avec la Chine, l'Arabie saoudite, la Turquie et une foule d'autres pays. Des dizaines de projets de loi sur les sanctions sont introduits au Congrès américain à leur sujet. Il est clair que des événements extraordinaires doivent se produire avant que les Américains puissent commencer à imposer des sanctions sur le modèle russe et contre les pays désignés. Une confiscation massive de leurs biens est peu probable, du moins pour l'instant. Mais la confiance est une catégorie psychologique subtile. Les investisseurs ne comprennent pas toujours les subtilités de la politique. Cela signifie qu'ils peuvent avoir un désir naturel de diversifier leurs actifs. Pour les banques et les fonds d'investissement américains, il est peu probable que ce soit une bonne nouvelle.
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mercredi, 18 mai 2022
La russophilie et la russophobie comme facteurs géopolitiques en Europe de l'Est
La russophilie et la russophobie comme facteurs géopolitiques en Europe de l'Est
par le comité de rédaction de Katehon
Source: https://www.ideeazione.com/russofilia-e-russofobia-come-fattori-geopolitici-nelleuropa-orientale/
Le rôle clé dans la position des pays est joué par la présence ou l'absence d'élites souveraines au pouvoir.
L'opération militaire spéciale (SVO, abréviation russe) menée par la Russie en Ukraine dure depuis trois mois et est loin d'être terminée. Cette longue campagne n'aurait pas été possible sans l'assistance militaire sans précédent de l'OTAN au régime ukrainien. Les pays d'Europe de l'Est limitrophes de l'Ukraine jouent un rôle clé à cet égard. D'une part, c'est par le territoire de ces États que passent les livraisons d'équipements militaires. Ils fournissent également de vieilles armes soviétiques, avec lesquelles l'armée ukrainienne a l'habitude de travailler. D'autre part, ce sont ces pays qui accueillent la plus grande part des réfugiés ukrainiens. Ils supportent les principaux coûts et risques d'une confrontation avec la Russie.
Dans cette optique, le facteur idéologique acquiert une importance particulière. La russophobie ancrée dans la psychologie nationale ou, au contraire, une attitude traditionnellement amicale ou neutre envers la Russie peuvent être des facteurs influençant la stabilité dans un pays donné. À cet égard, les pays d'Europe de l'Est ne sont pas homogènes.
Slovaquie
En avril, les autorités slovaques ont livré à l'Ukraine leur système unique de défense aérienne S-300. La livraison du complexe a eu lieu en secret. L'opposition s'est fortement opposée à ce geste. Elle a accusé les autorités slovaques d'entraîner le pays dans le conflit et de réduire ainsi la capacité de défense du pays. Les États-Unis ont promis d'envoyer des systèmes de défense aérienne Patriot à la Slovaquie. Toutefois, ils seront contrôlés par du personnel militaire non slovaque, ce qui prive la Slovaquie du contrôle de son espace aérien, dé-souverainisant de la sorte ce petit pays.
L'ancien premier ministre slovaque et leader du parti Smer-SD, Robert Fico (photo), affirme que "le transfert des S-300 pour la défense aérienne à l'Ukraine est un acte de guerre aux conséquences imprévisibles pour la Slovaquie".
Malgré les protestations, le Premier ministre slovaque Eduard Heger est allé plus loin et, le 12 avril, a proposé de fournir des avions MiG-29 slovaques à l'Ukraine. L'armée de l'air slovaque possède une douzaine de ces appareils. Auparavant, même la Pologne n'osait pas prendre une telle mesure, craignant les attaques russes sur son territoire. Dans le même temps, malgré la propagande anti-russe, un tiers des Slovaques soutiennent l'opération militaire spéciale russe en Ukraine.
Le 4 mai, la Slovaquie a également annoncé qu'elle était prête à réparer les équipements militaires ukrainiens endommagés. Ainsi, la république, où les sentiments pro-russes, a-t-on noté, étaient les plus prononcés parmi tous les pays d'Europe centrale avant l'opération militaire spéciale, est la plus intensément impliquée dans les hostilités parmi tous les pays du flanc oriental de l'OTAN. La raison en est que ce pays est le moins "sujet" de sa propre histoire. En 2018, la Slovaquie a connu sa "révolution colorée", les manifestations "anti-corruption" fomentées par l'Occident ont conduit à la démission de Robert Fico, puis à la perte de la majorité parlementaire par le parti Smer-SD. Le gouvernement slovaque peut être contraint de faire ce que même la Pologne n'ose ouvertement pas faire. Cette politique s'accompagne de répressions : ils tentent de priver Robert Fico de son mandat de député et l'arrêtent pour avoir divulgué des informations sur les violations fiscales de ses adversaires (les informations auraient été obtenues illégalement). Auparavant, un autre leader de l'opposition, le chef du parti populiste de droite Notre Slovaquie, Marian Kotleba, a été privé de son mandat parlementaire sur la base d'accusations forgées de toutes pièces.
Pologne
Le 30 mars, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a déclaré que la Pologne "établissait des normes d'un certain type" sur ce que l'on appelait auparavant la russophobie. Varsovie se sent comme un nouveau centre de l'Europe qui, sur la vague du sentiment anti-russe, tente de démontrer son leadership. D'une part, cela s'applique à la France et à l'Allemagne. D'autre part, la Hongrie. Le vice-premier ministre du gouvernement polonais et véritable leader du parti au pouvoir Droit et Justice, Jaroslaw Kaczynski, a déclaré que la Pologne "ne peut plus coopérer" avec la Hongrie tant que celle-ci ne change pas de cap.
Nous parlons de la coopération entre la Hongrie et la Russie. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban tente de bloquer toute tentative d'imposer des sanctions européennes sur le gaz et le pétrole russes, car elles "tueraient la Hongrie". La Hongrie est également le seul pays européen à réclamer une enquête objective et indépendante sur la tragédie de Bucha. D'autres ont déjà accusé la Russie de tout.
"Lorsque le Premier ministre Orban dit qu'il ne peut pas voir ce qui s'est exactement passé à Bucha, on devrait lui conseiller de consulter un ophtalmologue", a poursuivi le chef du parti Droit et Justice au pouvoir.
Malgré la tentative de la Pologne de jouer les premiers violons dans le concert russophobe des puissances occidentales, cela n'a pas amélioré ses relations avec Bruxelles. Les dirigeants conservateurs de la Pologne sont depuis longtemps en conflit prolongé avec les dirigeants de l'UE. Pour cette raison, l'UE a suspendu l'allocation de fonds à la Pologne.
Le 4 mai, le président polonais Andrzej Duda (photo) a déclaré dans une interview au Wall Street Journal que pour lui "la présence de troupes américaines dans notre région" est une garantie contre "l'expansion de la politique impériale russe". Il a souligné qu'il serait "très heureux si ces troupes restaient ici de façon permanente".
Hongrie
La décision de Viktor Orban de payer le gaz russe en roubles pourrait entraîner l'isolement de la Hongrie, a menacé le ministre allemand de l'économie Robert Habeck.
Selon lui, les actions du Premier ministre hongrois contredisent la décision du G7 de payer l'énergie russe dans les devises stipulées dans les contrats: dollars et euros. Ainsi, l'UE commence déjà à mettre en œuvre sa politique d'isolement, qui a été clairement évoquée en prévision de la victoire électorale d'Orban.
La position de la Hongrie a été critiquée par d'autres pays de l'OTAN et de l'UE pendant les mois de l'opération militaire spéciale. Les dirigeants ukrainiens ont accusé Budapest de planifier la saisie de territoires ukrainiens (sans noter l'existence de tels plans en Pologne). En conséquence, le Premier ministre hongrois Viktor Orban s'est retrouvé sur le site Myrotvoretz dans la liste des ennemis de l'Ukraine.
Dans l'UE, la Hongrie s'oppose fermement aux plans visant à imposer un embargo pétrolier à la Russie, même avec une prolongation pour la Hongrie et la Slovaquie jusqu'à la fin de 2023. Parmi les pays d'Europe centrale et orientale, la Hongrie adhère à la position la plus indépendante, ce qui complique la construction d'un front commun anti-russe.
Roumanie
En Roumanie, le pompage de la société par la propagande anti-russe a conduit à une attaque terroriste contre l'ambassade de Russie le 6 avril, lorsqu'un citoyen local faisant l'objet d'une enquête pour pédophilie s'est déclaré ukrainien et a foncé sur les grilles de l'ambassade de Russie à Bucarest, après quoi il s'est immolé avec sa voiture.
La Roumanie, en cas d'escalade du conflit en Transnistrie, pourrait prendre le contrôle de la République de Moldavie, selon des sources médiatiques russes. Le sud de la Bessarabie - une partie de la région ukrainienne d'Odessa, séparée du principal territoire ukrainien par une barrière naturelle - l'estuaire du Dnestr - revêt également une importance stratégique pour la Roumanie.
La Roumanie, comme la Pologne, joue un rôle clé dans l'approvisionnement de l'Ukraine en carburant et en armes occidentales. La présence des troupes américaines dans le pays augmente. Dans le même temps, la Roumanie intensifie sa coopération avec l'Ukraine pour envoyer des marchandises via la Moldavie. Par conséquent, la Roumanie devient d'une importance capitale dans la fourniture d'armes au sud de l'Ukraine et à la région d'Odessa et dans l'exportation de produits ukrainiens.
Bulgarie
En Bulgarie, des manifestations ont eu lieu tout au long du mois d'avril contre les livraisons d'armes à l'Ukraine. Les manifestations étaient organisées par le parti parlementaire "Vazrazhdane" ("Renaissance"). Le président Rumen Radev (photo) s'est opposé à la fourniture d'une assistance militaire à l'Ukraine. La décision de Gazprom de suspendre les ventes de gaz à la Bulgarie a heurté les positions des russophiles bulgares. Cependant, cette situation a été causée par le refus du gouvernement du pays lui-même d'acheter du gaz en roubles.
Le 4 mai, le parlement bulgare (à l'exception des députés de Renaissance) a voté en faveur de la fourniture d'une assistance humanitaire et militaro-technique à l'Ukraine. Kiev souhaiterait réparer ses équipements militaires en Bulgarie et exporter des céréales via le port de Varna (les ports roumains sont déjà pleinement utilisés par l'Ukraine). Le président Radev a critiqué la décision du parlement, déclarant qu'"il y a un danger d'entraîner la Bulgarie dans ce conflit". Selon le chef de l'État, "le conflit ne sera pas court, il s'intensifiera et nécessitera des solutions raisonnables, et le terme même d'"assistance militaro-technique" est plutôt vague et risqué".
Il convient de noter qu'en Bulgarie, le niveau de soutien à la Russie au cours des derniers mois (février à mai) a chuté de 32% à 25%. En même temps, il faut tenir compte du fait que dans le contexte de la propagande hystérique anti-russe et de la réticence de nombreux Bulgares à parler aux sociologues de leur véritable état d'esprit, par peur de la répression et de l'ostracisme, dans le contexte du discours anti-russe dominant dans les médias, 25% est un chiffre substantiel. Dans cette situation, au moins un quart de la population déclare ouvertement son désaccord avec le récit anti-russe.
Grèce
En Grèce, tout comme en Bulgarie, des manifestations contre la fourniture d'armes à l'Ukraine ont eu lieu début avril. Cependant, aujourd'hui, les principaux arguments des manifestants sont la critique de l'augmentation des prix de l'énergie associée à l'adhésion de la Grèce aux sanctions anti-russes.
En général, les facteurs de russophilie ou de russophobie ne jouent pas un rôle particulier en Grèce. Les principales forces anti-guerre du pays sont la gauche. La détérioration de la vie des gens ordinaires est un facteur clé pour contrer l'implication dans le conflit. En général, dans les pays de l'OTAN d'Europe de l'Est, le facteur russophilie et russophobie joue un rôle en Slovaquie et en Bulgarie, où les forces pro-russes étaient auparavant au moins un peu évidentes. C'est dans ces pays que se pose aujourd'hui la question de la stabilité politique et d'éventuelles élections anticipées en raison de problèmes politiques internes, mais un facteur externe agit comme un catalyseur : le conflit en Ukraine et la perspective d'être entraîné dans une guerre avec la Russie.
Dans les États baltes, en Pologne et en Roumanie, la situation est plus stable. Toutefois, d'une manière générale, la pression de Washington, Londres et Bruxelles est si forte que l'opposition des forces pro-russes en Bulgarie et en Slovaquie risque d'être brisée. Le rôle clé dans la position des pays, comme le montre l'exemple de la Hongrie, est joué par la présence ou l'absence d'élites souveraines au pouvoir. Dans le premier cas, même l'expérience historique relativement négative des relations avec la Russie ne fait pas obstacle à une évaluation sobre de la situation. Au contraire, dans les pays totalement dépendants de l'Occident et dotés d'élites faibles, aucune expérience historique positive ne joue un rôle particulier ; de plus, il est possible en peu de temps de "raviver" la conscience de la majorité de la société par une exposition médiatique intense.
16 mai 2022
18:57 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : russie, europe, pologne, slovaquie, hongrie, roumanie, bulgarie, grèce, peco, europe centrale, europe orientale, ukraine, affaires européennes, politique internationale, russophilie, russophobie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
L'ingérence américaine et la haine historique de la Russie
L'ingérence américaine et la haine historique de la Russie
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2022/05/05/amerikkalaismietteita-ja-historiallista-venaja-vihaa/
Le réalisateur Oliver Stone se demande sur Facebook "si les États-Unis préparent le terrain pour une explosion nucléaire de faible puissance quelque part dans le Donbass qui tuerait des milliers d'Ukrainiens".
Une opération sous faux drapeau aussi choquante est possible, car les médias occidentaux, attelés à la guerre de l'information, ont déjà entraîné de nombreuses personnes à n'imaginer que le pire de la Russie. Le bouc émissaire a déjà été choisi à l'avance, Poutine, que l'on a traité de fou, sans tenir compte de qui pourrait réellement mener une attaque aussi tragique.
"Il faudrait probablement quelques jours pour découvrir la vérité, mais la vérité n'a pas d'importance", dit Stone. Les perceptions sont, le cinéaste le sait, et admet que les États-Unis "mènent une guerre des images avec une grande habileté et une force éprouvée", saturant les chaînes CNN et Fox et les pays satellites de Washington en Europe et en Asie d'une manière que même Stone n'a jamais vue auparavant.
Une frappe nucléaire choquante nous rapprocherait un peu plus du désir des États-Unis de renverser le régime russe actuel et de le remplacer par un régime fantoche pro-occidental dirigé par un "nouvel Eltsine". Plus important encore, cela isolerait également la Chine de la Russie.
Comme je l'ai déjà affirmé, la Chine est la prochaine cible de l'Occident si la Russie tombe. C'est le scénario de rêve des fauteurs de guerre néo-conservateurs américains, conçu pour créer ce qu'ils considèrent comme une version améliorée et actualisée de "l'ordre international fondé sur des règles".
La superpuissance anti-russe en cours nous dit tout ce que nous devons savoir sur les objectifs et les ambitions hégémoniques des néoconservateurs. Les "kaganistes" (du nom du belliciste Robert Kagan) agissant au nom de Biden ont clairement fait savoir qu'ils mènent une guerre contre la Russie, avec la crise ukrainienne comme mandataire, dans le but d'épuiser la Russie et d'éliminer Poutine.
Un événement sous faux drapeau n'est pas le seul moyen de déclencher une guerre majeure. L'expansion de l'OTAN en Finlande et en Suède en est une autre, a observé Paul Craig Roberts. Il affirme que "Washington ne se contente pas de faire pression sur les gouvernements pour qu'ils demandent l'adhésion à l'OTAN, mais qu'il soudoie également des fonctionnaires suédois et finlandais pour qu'ils le fassent."
Considérons un instant cet élargissement de l'OTAN. L'une des raisons de l'intervention de la Russie en Ukraine est le refus obstiné de Washington et de l'OTAN de prendre au sérieux les préoccupations de la Russie en matière de sécurité. L'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN constitue une ligne rouge pour la Russie, alors pourquoi l'a-t-on favorisée? Alors que l'intervention occidentale en Ukraine menace de faire dérailler le conflit, pourquoi verser de l'huile sur le feu en faisant entrer la Finlande et la Suède dans l'OTAN?
Pour l'instant, la Scandinavie et la Baltique sont dénucléarisées. L'adhésion de la Finlande à l'alliance militaire amènerait "plus d'OTAN" à la frontière russe et le Kremlin a déclaré qu'une telle évolution était inacceptable. "En accumulant les provocations, Washington et l'OTAN intensifient un conflit qui est délibérément créé", critique M. Roberts.
L'auteur américain estime qu'il est "irresponsable pour la Finlande et la Suède de déstabiliser davantage la situation en rejoignant l'OTAN". Même l'ancien président russe, Dmitri Medvedev, de l'aile libérale du régime, a clairement indiqué que "l'adhésion à l'OTAN signifierait la fin des États baltes dénucléarisés".
Le renforcement de la présence de l'OTAN aux frontières de la Russie crée un déséquilibre que la Russie devra corriger d'une manière ou d'une autre. "Comment est-il possible que les gouvernements finlandais et suédois croient que l'adhésion à l'OTAN renforcera la sécurité alors que le résultat est que des armes nucléaires sont dirigées contre eux?" demande Roberts avec étonnement.
La Finlande et la Suède ne risquent pas d'être attaquées par la Russie si elles restent en dehors de l'OTAN. Personne de sensé ne verrait dans l'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN autre chose qu'une démarche imprudente qui accroîtra l'instabilité sécuritaire dans la région.
La Finlande, comme la Suisse, a bénéficié de sa neutralité passée, mais il semble maintenant que les longues années du président Sauli Niinistö à promouvoir les intérêts occidentaux commencent à porter des fruits et des fruits radioactifs. La Finlande officielle semble prête à devenir la ligne de front de l'OTAN-Occident contre la Russie.
Mais revenons aux néo-conservateurs américains qui se déchaînent maintenant dans l'administration Biden. Au cœur des fantasmes de suprématie des néo-conservateurs américains semble se trouver une idéologie extrémiste expansionniste.
L'empire mondial américain s'étend vers la Russie et la Chine, car l'élite dirigeante de l'Occident ne tolère aucun rival et veut dominer seule la planète entière et ses ressources. Pour atteindre cet objectif, le cartel des banques centrales et ses sbires, les "kaganistes" de l'administration Biden, sont prêts à détruire l'Europe en même temps.
Selon une conversation ayant fait l'objet d'une fuite anonyme du département d'État américain, la vétérane de la déstabilisation de l'Ukraine, la sous-secrétaire d'État aux affaires politiques Victoria Nuland, déteste les Russes plus que les Européens.
Il n'y a rien de nouveau en soi. Les Juifs influents d'origine est-européenne vivant en Amérique, qui, dans les années 1960, sont passés de la gauche trotskiste anti-stalinienne aux deux camps, le démocrate et le républicain, ont un profond ressentiment historique à l'égard des Russes et des Européens.
Il est donc plutôt désagréable de voir les mêmes Européens que ces néocons méprisent soutenir avec enthousiasme une guerre hybride contre la Russie qui, en cas de succès, détruirait également l'Europe.
Même la Finlande, qui est territorialement plus grande que ne l'est son poids réel, est impliquée dans ce projet délirant des anciens trotskistes, et le sorcier occidental toujours prêt Petteri Orpo du Parti de la coalition a déjà laissé entendre que "la Finlande, en tant que membre de l'alliance de défense de l'OTAN, ne devrait pas refuser catégoriquement d'accueillir des armes nucléaires sur son territoire".
Malgré ce que les médias du pouvoir local essaient de nous dire, la Russie a très longtemps fait confiance à la raison, à la négociation et à la bonne volonté dans sa politique, même si le Kremlin n'a reçu aucune réponse à sa diplomatie de la part de l'Occident.
Même l'opération militaire limitée en Ukraine n'a pas réussi à convaincre l'Occident d'abandonner sa politique de provocation. "Il semble que Washington poursuivra ses provocations jusqu'à ce que la limite fatale soit franchie", estime également M. Roberts.
18:36 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, finlande, suède, mer baltique, états-unis, bellicisme, bellicisme américain, néoconservateurs, kaganistes, politique internationale, europe, affaires européennes | | del.icio.us | | Digg | Facebook
La Finlande, la Suède et le jeu à somme nulle de l'Occident
La Finlande, la Suède et le jeu à somme nulle de l'Occident
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2022/05/16/suomi-ruotsi-ja-lannen-nollasummapeli/
"Il y a une ironie triste et plutôt pathétique dans l'adhésion attendue de la Finlande et de la Suède à l'OTAN", écrit l'auteur, journaliste et politologue britannique Anatol Lieven.
Pendant la guerre froide, l'Union soviétique était une superpuissance militaire qui occupait une grande partie de l'Europe centrale. Avec les troupes russes stationnées au cœur de l'Allemagne, le communisme soviétique semblait, pour un temps du moins, être une menace et une contre-force pour la démocratie capitaliste occidentale.
Malgré cette époque politiquement difficile, "la Finlande et la Suède sont néanmoins restées officiellement neutres au cours de ces décennies", rappelle Lieven.
Dans le cas de la Finlande, la neutralité était une condition du traité avec Moscou qui a mis fin à la guerre entre les deux pays. La Suède, en revanche, a joué ses cartes pour être "sous le parapluie de la sécurité américaine sans avoir à apporter la moindre contribution ou à prendre le moindre risque pour elle".
Les avantages psychologiques pour l'Ouest étaient également importants. Lieven affirme que "la Suède bénéficiait de la protection des États-Unis et était en même temps libre d'afficher sa prétendue supériorité morale sur l'Amérique impérialiste et raciste lorsque l'occasion se présentait".
Après la fin de la guerre froide, la Russie a reculé de mille kilomètres vers l'est, tandis que l'OTAN et l'Union européenne n'ont fait qu'étendre leur territoire. Au cours de ces années, la Russie ne s'est pas révélée être une menace concrète pour ses voisins du nord.
Pendant et après la guerre froide, Moscou n'a jamais menacé Helsinki. L'Union soviétique a respecté les termes de son traité avec la Finlande. Elle a même décidé de se retirer de la base militaire de Porkkala, qui, selon le traité, aurait pu y rester pendant encore quarante ans.
Il n'y avait aucune raison de penser que la Russie allait changer cette politique et attaquer la Finlande. Dans le cas de l'Ukraine, la situation était complètement différente et les raisons de l'opération de Moscou sont évidentes si l'on est capable d'examiner l'histoire récente de la région et le rôle de l'Occident dans une perspective de realpolitik.
Comme le souligne également Lieven, "depuis le début de l'expansion de l'OTAN dans les années 1990, tant les responsables russes qu'un certain nombre d'experts occidentaux - dont trois anciens ambassadeurs américains à Moscou et l'actuel directeur de la CIA - ont averti que l'entrée de l'Ukraine dans une alliance anti-russe conduirait probablement à la guerre".
Pourquoi les membres européens de l'OTAN sont-ils si désireux d'une nouvelle confrontation avec la Russie ? Selon Lieven, l'une des raisons est que la situation actuelle donne aux pays de l'euro une excuse pour éviter d'envoyer des troupes en dehors de l'Europe (comme en Afrique de l'Ouest), où l'implication dans des conflits locaux "créerait de réelles menaces pour la sécurité intérieure de l'Europe et de la Scandinavie sous la forme d'extrémisme islamiste et d'immigration massive".
La Finlande a immédiatement rejoint les rangs des fournisseurs d'armes dans la nouvelle phase du conflit ukrainien. L'info-guerre dans les médias grand public s'est également intensifiée, et pas un jour ne s'est écoulé sans que Poutine et la Russie ne fassent les gros titres sous un jour extrêmement négatif. La Finlande officielle a choisi sa voie sans consulter le public et les journaux du soir annoncent à grand renfort de publicité "comment la Finlande entre fièrement dans l'OTAN dès sa porte d'entrée". La décision de la Finlande suscite également la suspicion dans le monde entier.
"En rejoignant l'OTAN, la Finlande jette à la poubelle la mince chance qu'elle avait de pouvoir encore agir comme médiateur entre la Russie et l'Occident, non seulement pour mettre fin à la guerre en Ukraine, mais aussi pour promouvoir une réconciliation plus large à un moment donné dans le futur. Au lieu de cela, la Finlande achève la dernière partie d'une nouvelle frontière de la guerre froide qui existera probablement même après l'administration russe actuelle", conclut Lieven.
L'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN peut également être considérée comme "un moment symbolique où les pays d'Europe dans leur ensemble ont abandonné le rêve d'assumer la responsabilité de leur propre continent et se sont soumis à une dépendance totale vis-à-vis de Washington".
Cette dépendance sera couverte par des "pleurnicheries et des grognements européens impuissants" lorsqu'"un nouveau président à la Trump" prendra la tête de la Maison Blanche et rejettera la moindre courtoisie et consultation de ses "partenaires transatlantiques".
Depuis la fin de la guerre froide, la politique des États-Unis et de l'OTAN envers la Russie est un sinistre jeu à somme nulle. Washington a pris l'initiative et les pays européens ont suivi. La Finlande rejoint maintenant cet "entourage boiteux et titubant". Lieven ne croit pas que "les bonnes relations de la Finlande avec la Russie" seront rétablies, quel que soit le régime au pouvoir à Moscou.
D'autre part, l'expulsion complète de la Russie des structures européennes - qui est depuis longtemps un objectif ouvert des États-Unis et de l'OTAN - pourrait, à long terme, rendre la Russie complètement dépendante de la Chine sur le plan stratégique et amener la superpuissance asiatique jusqu'aux frontières orientales de l'Europe.
Un tel résultat serait "une récompense ironique mais méritée pour la stupidité stratégique de l'Europe", déclare Lieven.
Aperçu de la Realpolitik
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2022/05/13/reaalipoliittinen-tilannekatsaus/
Comme tout le monde le sait déjà, le gouvernement finlandais a décidé de demander l'adhésion à l'OTAN. Le théâtre politique a culminé hier, jour de la Finlande, avec l'annonce par le Président et le Premier ministre de leurs positions prévisibles.
Le passage à l'OTAN est prévu depuis longtemps, pas vraiment en raison d'un quelconque "changement de la situation sécuritaire", mais en raison d'une tentative désespérée des États-Unis de conserver au moins une partie de leur ancienne domination.
Toutefois, le dernier revirement n'est pas aussi spectaculaire que certains l'imaginent. Je ne crois pas non plus que la Russie prendra des contre-mesures très fortes, comme une frappe militaire ou quelque chose de similaire. Bien sûr, tant les fanatiques de l'OTAN que les amis de la Russie s'attendent à une certaine réaction.
Quoi qu'il en soit, le Kremlin est conscient que les politiciens finlandais sont depuis longtemps préparés par des organisations occidentales. En tant que pays, nous faisons déjà partie, non seulement de la malheureuse Union européenne, mais aussi de la sphère d'influence plus large, dirigée par les États-Unis. Cela continuera tant que le groupe d'intérêt anglo-américain existera.
Les professionnels et amateurs de la politique de sécurité occidentalisée de la Finlande n'ont pas de chance avec ce dernier pari. Certains d'entre eux souhaitent que la Finlande rejoigne l'OTAN depuis des décennies. J'ai moi-même une opinion négative de l'alliance militaire, mais ces dernières années, j'ai commencé à me laisser aller à un certain nihilisme politique de temps en temps.
Quelle est l'importance de ces mouvements de politique étrangère et de sécurité, après tout ? Les années de la pandémie ont révélé que, malgré leurs différends, les représentants de la classe possédante (les "mondialistes" des grands cercles capitalistes) et les acteurs clés des différents États semblent avoir une compréhension mutuelle de l'orientation de l'ordre mondial.
La restructuration économique, politique et sociale à grande échelle des sociétés se poursuit et, que le monde devienne "bipolaire" ou "multipolaire", les mêmes mesures technocratiques sont prises dans le monde entier, en Occident comme en Russie, en Chine et ailleurs.
Oui, tout cela semble plutôt déprimant. Il ne fait aucun doute que la classe capitaliste mondiale observe ce spectacle en constante évolution depuis ses bureaux et ses manoirs, en riant. La spirale du profit du complexe militaro-industriel (ainsi que de l'industrie pharmaceutique) se poursuit, sans grande résistance collective. L'Eurovision et le hockey sur glace sont au programme, et l'été est sur le point de commencer.
Une fois le brouillard de la guerre levé, les nouvelles identités numériques seront prêtes à être utilisées, et les vaccinations pour le fameux virus deviendront un rituel annuel. Nous sommes déjà en train de passer d'États-nations largement délabrés à la bruyante "gouvernance mondiale" dont rêvent depuis des décennies certains "philanthropes", investisseurs, membres de la royauté, banquiers centraux et technocrates.
Reste à savoir si ce nouvel ordre mondial se présentera sous la forme de "superpuissances" ou de "blocs" - un triomphe à la Pyrrhus de la démocratie des neiges et du libéralisme anglo-américain, un rêve socialiste en caractères chinois, ou simplement une technocratie mondiale érigée par une classe de milliardaires.
13:17 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : neutralité, suède, finlande, mer baltique, europe, affaires européennes, politique internationale, otan, atlantisme | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Neutralité en échange d'un parapluie de l'OTAN
Neutralité en échange d'un parapluie de l'OTAN
Yana Zubchuk
Source: https://www.geopolitika.ru/article/neytralitet-v-obmen-na-zontik-nato
L'opération militaire spéciale en Ukraine a entraîné un effet de peur en Europe. Les anciens neutres - Finlande, Suède, Autriche et Suisse - évaluent la pertinence de leur politique traditionnelle de non-alignement.
Le fait que la Finlande et la Suède parlent d'adhérer à l'OTAN, en particulier, a littéralement détruit des années de tradition et de conviction qu'elles favorisaient en assurant au mieux la paix en Europe et en ne rejoignant pas ouvertement l'alliance occidentale. Les deux pays, s'ils étaient unis, pourraient apporter une puissance de feu considérable pour défendre l'Europe du Nord contre toute invasion - la Finlande avec son infanterie légendaire et la Suède avec son importante marine en mer Baltique.
Avec les membres fondateurs de l'OTAN, la Norvège et le Danemark, et les partenaires relativement récents que sont la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie (2004), ces pays forment, selon les analystes occidentaux, un pilier solide et fiable de l'Europe du Nord. Il n'est pas surprenant que les trois États baltes fassent activement pression pour l'annexion à l'OTAN la plus rapide possible de leurs deux voisins scandinaves, car la peur de la Russie parmi les trois États ne fait que croître de manière exponentielle année après année.
Qualifier l'Autriche et la Suisse de neutres était, du moins depuis la fin de la guerre froide, quelque peu trompeur. Les deux pays sont de solides démocraties occidentales, comme leurs voisins, et comptent sur la protection de l'OTAN ainsi que sur leurs propres forces armées pour leur politique de sécurité.
Les forces armées suisses sont certes plus fortes que celles de l'Autriche, qui a supprimé le militarisme, comme l'Allemagne, après les expériences désastreuses des deux guerres mondiales. Cependant, l'exemple de l'Ukraine a conduit à la prise de conscience, ou même au coup de pouce, pour croire que les deux républiques alpines avaient des lacunes dans leur force militaire et que si elles espéraient être protégées par l'OTAN, elles devaient jouer du côté occidental des barricades plutôt que d'attendre leur heure dans la politique de neutralité. L'Occident attend désormais de ces républiques qu'elles contribuent davantage à la sécurité européenne.
L'Autriche, bien sûr, est un État membre de l'UE et devrait participer pleinement aux futurs arrangements en matière de politique de sécurité. Cependant, dans cette situation, beaucoup ont été surpris par la position de la Suisse, traditionnellement neutre, et son acceptation totale des sanctions de l'UE contre la Fédération de Russie. Le véritable test de la conformité suisse sera le fait que tous les flux de combustibles fossiles de la Russie vers l'Europe feront l'objet de sanctions, étant donné que la majeure partie des négociants concernés résident en Suisse.
C'est ce qu'a déclaré récemment Stefan Holenstein, président de l'une des plus grandes associations de soldats de Suisse, à propos de la relation de la Suisse avec l'OTAN. Cela peut sembler frivole, mais M. Holenstein était sérieux : son avis, motivé par l'Opération de la Russie en Ukraine, était que la Suisse devait coopérer plus étroitement avec le bloc de l'OTAN, sans pour autant en faire partie.
Il s'agit d'une proposition innovante pour un pays situé au cœur de l'Europe, qui n'est pas membre de l'OTAN ou de l'Union européenne, qui n'a rejoint les Nations unies qu'en 2002 et qui, à part l'envoi de quelques officiers, n'a jamais participé à des exercices militaires complets impliquant les pays de l'OTAN environnants, estimant que la politique stricte de neutralité militaire inscrite dans la constitution suisse l'interdit. En raison de l'opération militaire spéciale en Ukraine, M. Holenstein souhaite que la Suisse fasse enfin partie de la structure sécuritaire et militaire européenne et qu'elle en assume une certaine responsabilité.
Soudain, les politiciens et les médias suisses s'enflamment sur la question de la neutralité. La semaine dernière, Damien Cottier, membre libéral du Parlement suisse, a déclaré que les Suisses ont trop longtemps pensé que le fait d'être entouré de pays de l'OTAN signifie automatiquement qu'ils seront eux aussi protégés. Ceci, a-t-il écrit dans Le Temps, est "une dangereuse chimère". Notre pays ne peut pas être un passager clandestin lorsqu'il s'agit de la sécurité européenne".
Le monde a déjà vu la Finlande et la Suède - deux pays de l'UE qui, comme la Suisse, ont une longue tradition de neutralité militaire - commencer à envisager sérieusement de demander leur adhésion à l'OTAN, et pourraient en vérité l'accepter d'un jour à l'autre. Un changement notable s'opère également au Danemark, un allié de l'OTAN dont le gouvernement espère désormais inverser la politique actuelle du pays qui consiste à rejeter les projets de défense de l'Union européenne dès le référendum de juin prochain.
Ces pays scandinaves sont soudainement arrivés à la conclusion que "deux polices d'assurance-vie valent mieux qu'une", a déclaré un expert en sécurité sous couvert d'anonymat. La Suisse est géographiquement plus éloignée de la Russie que les pays nordiques. Mais elle aussi ressent le besoin de s'engager plus fermement dans un système occidental de garanties mutuelles de sécurité.
Il s'agit d'un autre exemple de la façon dont l'équilibre stratégique du pouvoir en Europe est en train de changer. La neutralité militaire héritée de l'Europe du 20ème siècle semble devenir rapidement une chose du passé. Bien que lorsque des guerres ont été menées, par exemple en Afghanistan, ces pays ont été les premiers à crier leur neutralité, alors qu'est-ce qui a changé ?
L'adhésion à l'OTAN reste profondément impopulaire parmi les Suisses ; seuls 33 % d'entre eux approuvent l'adhésion de l'État au bloc militaro-politique. Mais le soutien de l'opinion publique en faveur d'une coopération plus étroite avec l'Alliance atlantique a augmenté ces dernières semaines, et certains Suisses veulent se rapprocher de l'OTAN autant que la constitution de leur pays le permet. "La guerre en Ukraine est une onde de choc pour nous", a déclaré Jean-Marc Rickli, responsable des risques mondiaux et émergents au Centre de politique de sécurité de Genève, qui a rédigé sa thèse de doctorat sur les États européens neutres après la guerre froide.
La Suisse n'est pas disposée à aller aussi loin que la Suède et la Finlande, non seulement parce que la neutralité est inscrite dans la constitution suisse, mais aussi parce que la neutralité est un élément important de la perception que la Suisse a d'elle-même, qui ne lui permet pas de conclure une quelconque alliance militaire, mais bien sûr avec une clause de protection mutuelle "au cas où".
Dans des pays comme la France et l'Allemagne, la langue, la religion et une histoire commune ont façonné l'identité nationale. Mais la Suisse compte quatre langues nationales, plusieurs religions et une structure de gouvernance très décentralisée (Ses cantons ont des jours fériés, des forces de l'ordre, des politiques de santé et d'éducation publique différents). Là-bas, l'identité nationale est façonnée par le fédéralisme, la neutralité et la démocratie directe. "En d'autres termes," dit Rickli, "l'identité suisse est une identité politique. Rejoindre une organisation internationale détruirait cela."
Le plus grand parti du pays, l'Union démocratique du centre (UDC), parti nationaliste qualifié d'extrême droite, a déjà fait connaître sa position selon laquelle toute flexibilité sur le principe de neutralité mettrait en danger la souveraineté nationale. Pour l'UDC, la Suisse a franchi cette ligne lorsqu'elle a décidé de se joindre aux autres pays occidentaux dans les sanctions contre la Russie.
Cependant, plusieurs politiciens de centre-gauche et de centre-droit ont défendu les sanctions, arguant que puisque la Russie avait violé le droit international, en partie énoncé à Genève, la Suisse devait condamner la Russie. Certains ont également déclaré que la Suisse pourrait et devrait faire beaucoup plus avec l'OTAN qu'elle ne le fait actuellement.
La Suisse a rejoint le programme de Partenariat pour la paix de l'OTAN pour les non-membres en 1996, après la fin de la guerre froide. Le pays a fourni des formations et même plusieurs hélicoptères pour les missions internationales de maintien de la paix. Elle échange également des données sur la circulation aérienne avec les alliés de l'OTAN afin de prévenir les attaques terroristes depuis les airs et participe au Centre de cyberdéfense de l'OTAN en Estonie. Mais c'est à peu près tout. "Jusqu'à présent, l'interopérabilité à ce niveau tactique était la limite de ce que la Suisse pouvait faire", a déclaré Rickli. "Mais rendre possible l'interopérabilité d'unités entières avec les troupes de l'OTAN n'a jamais été à l'ordre du jour. Maintenant, on en discute soudainement."
Cette discussion a été lancée par le leader libéral de centre-droit Thierry Burckart dans un article publié dans le Neue Zürcher Zeitung le 7 avril. Selon M. Burckart, l'invasion de l'Ukraine par la Russie prouve que la politique de sécurité de la Suisse est "dans une impasse". Après tout, la Russie a classé tout l'Occident comme un ennemi ; la Suisse a été la cible de cyberattaques russes, tout comme des pays européens non neutres ; et les missiles russes pourraient facilement toucher la Suisse.
Le budget de la défense de la Suisse, qui représente actuellement un peu moins de 1 % du PIB du pays, sera augmenté, comme ailleurs en Europe. Berne vient également de commander des avions de combat F-35 de fabrication américaine. M. Burckart souhaite lier davantage d'achats à des équipements de l'OTAN afin que la Suisse puisse plus facilement effectuer des exercices militaires avec les alliés de l'OTAN et même venir en aide aux pays voisins. C'est cette incompatibilité opérationnelle que Burckart veut éliminer. Dans la région alpine, comme l'a déclaré un diplomate au magazine Foreign Policy, "vous ne pouvez pas créer un vide".
À la mi-avril, un sondage complet a montré qu'une majorité de Suisses soutient le plan de rapprochement de Burckart avec l'OTAN, y compris les exercices militaires conjoints : 56 % des Suisses souhaitent collaborer plus étroitement avec l'OTAN sous diverses formes, comme l'ont fait la Suède et la Finlande.
"Les relations entre la Suisse et l'OTAN ont oscillé entre convergence et divergence au cours des dernières décennies", a déclaré Henrik Larsen, chercheur principal au Centre d'études de sécurité de l'École polytechnique fédérale de Zurich. Dans un document de recherche, il a écrit que dans un monde sûr et pacifique - surtout dans les années 1990 - les deux avaient tendance à converger. Toutefois, lorsque le monde devient de plus en plus complexe, la Suisse et l'OTAN ont moins de raisons de coopérer, comme lorsque l'OTAN s'est recentrée sur la défense collective après la réunification de la Crimée avec la Russie en 2014.
Aujourd'hui, avec l'OTAN qui renforce sa défense territoriale sur son flanc oriental, la Suisse n'a pas grand-chose à offrir, et la divergence en matière de défense et de sécurité ne fait donc que s'accroître.
Dans le passé, lorsque les Suisses pensaient à leur sécurité, ils avaient à l'esprit la sécurité de leur petit pays. Aujourd'hui, ils la voient de plus en plus dans un contexte européen plus large. Jusqu'à présent, on n'en parle que dans les cercles politiques, diplomatiques et militaires. La question de savoir si la Suisse commencera effectivement à coopérer avec l'OTAN sur le plan opérationnel sera probablement tranchée par un référendum. Si elle est approuvée, le processus pourrait prendre deux ans. Néanmoins, le fait que cette discussion ait lieu est déjà révolutionnaire selon les normes suisses.
Andorre a également oublié sa position de neutralité. Andorre a déjà réussi à imposer des sanctions économiques à des individus et des entreprises de Russie et de Biélorussie. Ces sanctions sont conformes aux mesures de l'Union européenne.
Comme l'a expliqué le ministre des Finances d'Andorre, Eric Jauver, les restrictions viseront à empêcher l'afflux massif de capitaux russes et biélorusses dans le but de contourner l'interdiction de l'UE "de ne pas utiliser Andorre comme plate-forme financière pour le mouvement de leurs actifs ou investissements".
Ainsi, le statut de "neutralité" des pays est depuis longtemps remis en question ; ils maintiennent la neutralité quand cela les arrange, et pourtant ils continuent à coopérer avec l'OTAN, même s'il s'agit d'un bloc militaire. La question se pose alors de savoir comment il est possible d'adhérer à la politique de neutralité et, en même temps, de s'engager de plus en plus dans la coopération avec l'Alliance de l'Atlantique Nord. Il convient de se rappeler que l'on doit examiner les actions et la situation non seulement de jure, mais aussi de facto, et l'on peut alors considérer que tous les pays ne sont pas aussi neutres qu'ils le disent habituellement.
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Des partis, de la corruption et de l'hypermoralisme
Des partis, de la corruption et de l'hypermoralisme
Andreas Mölzer
Source: https://andreasmoelzer.wordpress.com/2022/05/12/von-parteien-korruption-und-hypermoral/
La démocratie, telle qu'elle s'est développée dans le monde occidental, est essentiellement organisée comme un État de partis. Les partis politiques représentent pour ainsi dire l'ensemble des couches sociales et des attitudes idéologiques de la communauté concernée. Le mot "parti" vient en effet du latin "pars", qui signifie partie.
S'il existait à l'origine trois grands camps dans le paysage politique autrichien - le camp chrétien-conservateur, le camp social-démocrate-austro-marxiste et le camp national-libéral -, les partis correspondants représentaient donc plus ou moins l'ensemble du spectre idéologique et sociologique du pays. Bien entendu, ce spectre a largement changé au cours de l'évolution historique des 100 dernières années. Néanmoins, les partis politiques qui existent actuellement dans le pays ont tous pour mission implicite de représenter une partie de la société. Et lors de chaque scrutin, on vérifie toujours si les partis se voient reconnaître ce droit de représentation.
Concrètement, cela signifie pour le paysage politique autrichien que la question se pose toujours de savoir si le Parti populaire, par exemple, défend des valeurs conservatrices et représente réellement les intérêts de sa clientèle et de l'économie. De même, on peut se demander si la social-démocratie défend réellement et efficacement les droits des travailleurs. Et bien sûr, il faut aussi vérifier si les libéraux représentent toujours les intérêts nationaux et libéraux, c'est-à-dire les intérêts de leur électorat. Il est clair que le caractère de ces intérêts est différent à notre époque de ce qu'il était sous la Première République ou dans les décennies d'après-guerre.
Ainsi, à l'origine, sous l'impulsion de son fondateur Lueger, le parti chrétien-conservateur représentait principalement les intérêts des petits commerçants, puis ceux de la grande bourgeoisie et de l'industrie. Aujourd'hui, le Parti populaire se considère comme le représentant de toutes les couches de la population par le biais de ses fédérations. A cet égard, il n'est plus vraiment crédible. La social-démocratie a également fait son temps en ce qui concerne sa clientèle d'origine. La classe ouvrière en tant que telle n'existe plus qu'à l'état résiduel. La social-démocratie est aujourd'hui devenue une représentation de la petite bourgeoisie, mais aussi des pseudo-intellectuels de gauche.
Quant aux libéraux, la politique nationale n'est évidemment plus aujourd'hui la recherche d'un rattachement politique à l'Allemagne, mais tout simplement la défense de la préservation et du développement de la culture spécifiquement autrichienne et de la langue maternelle allemande. Et si la politique libérale était à l'origine la lutte pour la constitution et l'État de droit, il ne fait aucun doute qu'elle consiste aujourd'hui à s'opposer à l'érosion des droits civils fondamentaux, comme nous l'avons vu par exemple lors de la pandémie du coronavirus.
Si les partis politiques ne sont plus en mesure de résister à ce contrôle de l'accomplissement de leur mission, ils risquent de devenir des partis banals. Ils ne représentent plus une partie de la société, ils ont la prétention de défendre tout et rien. Ils perdent donc inévitablement la confiance de leur électorat potentiel et finissent tôt ou tard par sombrer dans l'insignifiance politique. Ainsi, bien que les partis politiques représentent théoriquement l'idéologie de leur électorat, ils ne sont en aucun cas des associations idéalistes dans leur essence même.
Conformément à la "loi d'airain de l'oligarchie", telle que nous la connaissons depuis Robert Michels, les partis politiques se livrent plutôt à une lutte permanente pour le pouvoir et les positions, c'est-à-dire pour les mandats. Et cela implique un haut degré d'opportunisme et la volonté de mener des intrigues impitoyables. Les partis politiques, ou plutôt les rouages de ces partis, ne font donc pas ressortir ce qu'il y a de bon, de noble et de beau dans l'homme, mais favorisent plutôt, dans de nombreux cas, la médiocrité, voire l'infamie.
L'adage bien connu "ennemi, ennemi mortel, ami de parti" est tout à fait pertinent. On peut le vérifier dans tous les partis du pays, aussi bien dans la social-démocratie que dans le parti populaire et les libéraux. La lutte pour l'influence, pour les fonctions et les mandats dans les partis et donc dans l'appareil d'État, et donc en même temps la lutte pour les mangeoires, se déroule principalement dans les partis politiques, et pas seulement dans ce pays.
De plus, les partis politiques, sans exception, ont tous tendance à être corrompus lorsqu'ils sont au pouvoir depuis trop longtemps. Comme le dit si bien le proverbe, le pouvoir corrompt et le pouvoir total corrompt totalement ! Aujourd'hui, dans les démocraties occidentales, il existe suffisamment de mécanismes de contrôle pour empêcher les abus de pouvoir. Néanmoins, il est facile pour les partis politiques qui restent trop longtemps aux commandes du pouvoir de contourner ces mécanismes de contrôle. Le Parti populaire autrichien, qui a été au gouvernement fédéral pendant plus de trois décennies sans interruption, en est certainement un exemple, avec de nombreuses affaires de corruption à son actif.
Cependant, la corruption en Autriche n'est pas seulement une spécialité du Parti Populaire, non, les sociaux-démocrates ont également à leur actif une multitude de cas de corruption au cours de l'histoire de la Seconde République. Cela est dû en grande partie au système de la proportionnalité. Grâce à ce système, les partis politiques au pouvoir dans la Deuxième République, à savoir le Parti populaire et la Social-démocratie, ont réussi à placer des membres de leur parti à tous les postes de direction de l'administration, de l'économie, de la culture et même du sport, tant au sein de l'État qu'en dehors de l'État.
Pour être juste, il faut dire que même les libéraux, pour la plupart dans l'opposition, n'étaient pas à l'abri de la tentation de la corruption lorsqu'ils occupaient des fonctions gouvernementales, comme le prouvent les procédures judiciaires engagées contre des membres de la "Buberl-Partie" de Jörg Haider, par exemple contre l'ancien ministre des Finances Karl-Heinz Grasser ou Walter Maischberger.
Dans le cadre de la lutte contre la corruption, qui est sans aucun doute nécessaire, une sorte d'hypermoralisme s'est développée au cours des dernières décennies, qui criminalise d'une part les comportements qui font penser le moins du monde à la corruption, mais qui d'autre part n'affecte guère les processus de fraude et de corruption de grande ampleur. Ainsi, le simple fait d'être invité à un déjeuner est considéré comme une tentative de corruption, alors qu'il est difficile de lutter contre les ententes sur les prix ou les cartels cachés, par exemple dans le secteur du bâtiment. Si les partis politiques avaient autrefois l'habitude de fournir des emplois et des logements à leurs clients, cela est aujourd'hui considéré comme de la corruption absolue.
En résumé, les partis politiques font tout simplement partie de la démocratie et sont sans aucun doute irremplaçables. Il est tout simplement impossible de répondre à la question de savoir ce que l'on pourrait mettre à leur place, quelles alternatives pourraient exister. Mais il faut aussi dire que l'État de partis est très vulnérable à la corruption. Pour lutter contre ce phénomène, il est sans aucun doute nécessaire d'imposer la transparence et d'optimiser les mécanismes de contrôle. Et pour cela, il faut à nouveau éviter le développement de cette hypermorale, de cette certaine morale factice qui, avec une hypocrisie sans précédent, prétend lutter contre la corruption, mais qui ne sert finalement qu'à la dissimuler.
Le fait est justement que l'homme est un être entaché de défauts et de faiblesses, et qu'il est trop facilement tenté par la corruption. Et toute œuvre humaine est elle-même entachée de faiblesses et de défauts. Il appartient au droit pénal et à notre structure constitutionnelle d'en tenir compte.
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mardi, 17 mai 2022
L'UE veut s'endetter pour l'Ukraine
L'UE veut s'endetter pour l'Ukraine
Bernhard Tomaschitz
Source: https://zurzeit.at/index.php/eu-will-schulden-fuer-die-ukraine-aufnehmen/
Pour se maintenir à flot économiquement, l'Ukraine a besoin d'environ 15 milliards d'euros au cours des trois prochains mois, soit cinq milliards d'euros par mois. Cette somme doit par exemple permettre de payer les retraites, d'assurer l'approvisionnement des personnes déplacées à l'intérieur du pays ou de régler d'autres coûts liés à la guerre. Les Etats-Unis se sont engagés à couvrir un tiers des besoins financiers de l'Ukraine au cours des trois prochains mois, et les deux tiers restants seront pris en charge par l'Union européenne, selon un rapport du magazine "Politico".
Comme l'écrit "Politico" en citant des diplomates, la Commission européenne prévoit de trouver l'argent pour Kiev sous la forme d'une dette commune de l'UE. Les États membres devraient ensuite garantir les dettes contractées par la Commission européenne. "Cela ressemble au programme SURE, qui a été utilisé pendant la pandémie pour collecter des fonds pour les chômeurs de courte durée, ont déclaré les diplomates", rapporte "Politico". A l'époque, la Commission avait demandé des garanties à hauteur de 25 milliards d'euros pour lever 100 milliards d'euros.
Le projet de la Commission européenne ne fait pas l'unanimité. En effet, certains pays, dont l'Allemagne, l'Autriche et la Grèce, ont demandé à la Commission de fournir des options de financement alternatives avant la présentation de son plan le 18 mai. Quoi qu'il en soit, la présidence française a l'intention de soumettre le dossier à la discussion fin mai afin que les chefs d'Etat et de gouvernement puissent en débattre.
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dimanche, 15 mai 2022
Le triomphe du nationalisme nord-irlandais balkanise le Royaume-Uni alors que Johnson subit une raclée électorale
Le triomphe du nationalisme nord-irlandais balkanise le Royaume-Uni alors que Johnson subit une raclée électorale
Par Alfredo Jalife Rahme
Source: https://noticiasholisticas.com.ar/triunfo-del-nacionalismo-norirlandes-balcaniza-la-gran-bretana-global-mientras-johnson-sufre-paliza-en-elecciones-por-alfredo-jalife-rahme/
Paradoxes de la démondialisation : les dirigeants de la Grande-Bretagne (GB) et des Etats-Unis subissent une profonde répudiation sur le plan intérieur, alors qu'ils encouragent la guerre en Ukraine contre la Russie, au risque de déclencher un échange de tirs nucléaires entre les deux blocs.
La "première guerre mondiale hybride" (https://bit.ly/3KVXzZS) est en train de se dérouler - comme en conviennent l'économiste Sergei Glaziyev, proche du Kremlin, et le géopoliticien brésilien Pepe Escobar - car en Ukraine, plusieurs guerres sont menées en une seule et, surtout, les États-Unis mènent ouvertement une "guerre par procuration" contre la Russie et la Chine, puisqu'en affaiblissant Moscou, la profondeur stratégique de Pékin est diminuée.
La "guerre de propagande" qui proclame le "triomphe (sic)" du président ukrainien Zelenski, comédien de profession, sur la Russie - qui n'existe que dans les hallucinations morbides de Twitter et de Televisa avec son partenaire américain Univision - a déjà des effets délétères sur la politique intérieure britannique: effondrement de la livre sterling, défaite électorale cuisante du premier ministre conservateur Boris Johnson, hausse des taux d'intérêt, inflation, crises énergétique et alimentaire, etc.
Scénario similaire pour son allié de guerre Joe Biden - qui affiche aujourd'hui un taux de rejet de 57 %, selon le sondage de Rasmusen (https://bit.ly/3P9JgUN) - dont le front intérieur s'effondre à six mois des élections cruciales de mi-mandat qui laissent présager un tsunami trumpiste dû à l'inflation, à la crise incoercible de l'immigration, à la criminalité et à une gestion épouvantable de la santé.
Le premier ministre Johnson a subi une raclée lors des élections locales du 5 mai: "il a perdu près de 500 sièges et le contrôle de 11 conseils", les travaillistes ayant récupéré 139 sièges, selon la BBC (https://bbc.in/3PdWcJe).
Au-delà de la débâcle de Johnson, le triomphe du parti nationaliste nord-irlandais Sinn Fein - le bras politique de l'Armée républicaine irlandaise (IRA) - en faveur de son indépendance du Royaume-Uni (RU) - qui est la somme de l'Irlande du Nord et de la "GB globale". La Grande-Bretagne qui, à son tour, est l'ensemble formé par l'Angleterre/l'Écosse/le Pays de Galles -, a perdu la majorité des sièges favorables à l'Union au Parlement de l'Ulster pour la première fois en 101 ans.
Le "libéral unioniste", qui opère sur Twitter sous le nom de @SrIberist, commente : "Victoire historique pour le Sinn Fein en Irlande du Nord. La réunification de l'Irlande est une question de temps. Elle sera suivie de l'indépendance de l'Écosse et de son adhésion en tant que 28e État à l'UE. Il est intéressant de penser à ce que sera l'avenir du Royaume-Uni pour l'Angleterre et le Pays de Galles" (https://bit.ly/39cX6p3).
Il est très paradoxal que la matrice autrefois financiarisée de la mondialisation néolibérale reste éviscérée en son sein: tant par la victoire du nationalisme du Sinn Fein en Ulster, partie du Royaume-Uni/"Global GB", qu'aux États-Unis par le Trumpisme.
L'Ukraine est-elle la dernière guerre de la mondialisation ? D'où feront-ils fonctionner la machinerie financière de la mondialisation sans leurs opérateurs centraux qui sont désormais au bord de la balkanisation ?
Le premier ministre écossais pro-indépendance Nicola Sturgeon (https://bit.ly/3wkt6zb) a félicité le Sinn Fein pour "un résultat véritablement historique", alors que les sécessions de l'Irlande du Nord et de l'Écosse se nourrissent mutuellement de leur volonté d'indépendance vis-à-vis du Royaume-Uni/de la "GB globale".
Plutôt que la sécession attendue, plus tôt que tard, de l'Irlande du Nord pour rejoindre ses frères dans une Irlande désormais indépendante, réunie, et à majorité catholique, la véritable nouvelle est le triomphe souverainiste/nationaliste au sein même du modèle "Global GB" qui est devenu le mantra du ministère britannique des Affaires étrangères après son Brexit (https://bit.ly/3KYs0ytx),
Le monde s'est écroulé autour du "héros de l'Ukraine" Johnson, qui doit encore payer pour le péché politique capital de son Partygate - les bacchanales du premier ministre britannique dans des bureaux publics, en pleine réclusion forcée https://bbc.in/3M4eE5f) - alors que les plaques tectoniques de la monarchie néolibérale de la "GB globale" se sont fracturées avec les balkanisations non improbables, entraînée par les électeurs de l'Écosse et de l'Irlande du Nord.
Moralité : le nationalisme souverain est l'antidote à la mondialisation néolibérale (https://bit.ly/38krIVp).
Pour suivre le Prof. Alfredo Jalife Rahme:
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Podcast : 3uqpT1y
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Les intérêts cachés de la guerre de l'Occident contre la Russie
Les intérêts cachés de la guerre de l'Occident contre la Russie
par Luciano Lago
Source: https://www.ideeazione.com/gli-interessi-celati-della-guerra-delloccidente-alla-russia/
La guerre prolongée entre la Russie et l'Ukraine, avec l'implication indirecte (pour le moment) de l'OTAN, aurait dû faire apparaître clairement quels sont les intérêts cachés derrière ce conflit sanglant.
Les États-Unis et leur bulldog britannique, les deux sangsues au cœur de l'OTAN, sont ses centres de commandement, de contrôle et de coordination financière, ceux qui sont les plus intéressés à épuiser la Russie et l'Europe dans un conflit prolongé dont Washington et Londres peuvent tirer profit afin de maintenir un contrôle hégémonique sur le vieux continent en empêchant la soudure d'un axe eurasien entre la Russie et l'Europe.
Prolonger la guerre sert les intérêts de ceux qui l'ont instiguée et promue : les élites du pouvoir anglo-saxon.
Parmi les autres objectifs des Anglo-Saxons, à ne pas négliger, figure celui de la perturbation des lignes d'approvisionnement mondiales qui, dans les plans des centres de commandement, devrait isoler la Russie et également créer des difficultés pour la Chine, dont la puissance industrielle, technologique et militaire est de plus en plus considérée comme la menace existentielle pour les Etats-Unis.
Régler ses comptes avec la Russie et ensuite tourner son attention vers la Chine, telle est la stratégie pas si secrète de Washington qu'ils ont bien comprise à Pékin.
La stratégie américaine, mise en œuvre depuis de nombreuses années, est la même que celle théorisée par les stratèges de la Maison Blanche, qui envisageait d'encercler la Russie avec une ceinture d'États hostiles à travers laquelle il s'agirait de déstabiliser et d'attaquer le cœur de la Russie. Cette stratégie prévoyait, dans un premier temps, la mise en scène de révolutions colorées, telles que celles déclenchées en Géorgie, dans les Balkans et en Ukraine, puis un changement de régime dans les pays les plus fragiles, où il existe des tensions et des fractures potentielles dues à la présence de minorités russes, pour ensuite déboucher sur de véritables guerres civiles et la déstabilisation de ces pays. L'Ukraine a été la plus grosse "morsure" et un cas d'école où une telle stratégie a été mise en œuvre et a partiellement réussi.
Seule l'intervention opportune de Poutine en 2014 pour rendre la Crimée à la Fédération de Russie par référendum populaire a empêché le plein succès du coup d'État de Maidan. La déstabilisation s'est ensuite poursuivie avec l'intervention massive des Occidentaux pour soutenir l'armée de Kiev dans ses activités contre les séparatistes russophiles du Donbass.
Cependant, le plan de nettoyage ethnique et d'ukraïnisation de ces territoires a finalement été stoppé par l'intervention militaire de la Russie qui a débuté en février de cette année.
L'instrument principal de l'hégémonie militaire américaine, l'OTAN, travaille maintenant à plein régime pour soutenir l'Ukraine dans sa tentative de ralentir et d'arrêter l'offensive russe et, à cette fin, a déployé non seulement une cargaison massive d'armes létales mais aussi la présence de plusieurs milliers d'instructeurs militaires, de conseillers et de mercenaires de l'OTAN dont la tâche est d'appuyer les forces ukrainiennes et de prolonger le conflit autant que possible. Hillary Clinton elle-même l'avait explicitement déclaré quelques semaines avant l'intervention russe : "nous devons créer un nouvel Afghanistan, comme celui qui a mis l'URSS en crise en 1980", cette fois au milieu de l'Europe. Un objectif confirmé par les déclarations ultérieures du président Biden et de son secrétaire à la défense Austin.
Il devient donc clair qu'il ne s'agit pas d'un conflit entre la Russie et l'Ukraine mais entre la Russie et l'OTAN où cette dernière est de plus en plus impliquée.
Un défi que Washington a lancé pour sa suprématie en Europe dès qu'il a utilisé l'Ukraine comme plateforme contre la Russie depuis 2014 et depuis les précédentes tentatives de révolutions colorées menées par la CIA.
Cependant, quelqu'un à Washington a fait un mauvais calcul et l'offensive russe menace de mettre à mal les plans de Washington sur l'Ukraine, avec la perspective d'un conflit qui ouvre la boîte de Pandore de ce qui représente la stratégie destructrice des Anglo-Saxons en Europe. Une sirène d'alarme pour les peuples d'Europe asservis aux intérêts impériaux de Washington qui cherche à empêcher à tout prix un axe eurasien entre l'Allemagne et la Russie, l'Europe devant elle-même subir les pires conséquences de ce conflit.
L'aveuglement des gouvernements européens et leur mauvaise foi dans la poursuite d'intérêts extérieurs contraires et opposés à ceux des peuples européens sont rendus évidents et retentissants par ce conflit.
En Russie aussi, les effets de ce conflit commencent à se faire sentir en interne, mais d'une manière inattendue par rapport aux attentes de l'Occident.
Comme cela s'est produit plus d'une fois dans l'histoire de la Russie, la guerre a mis en évidence la nécessité d'un changement radical et immédiat. dans la société russe.
La décision de passer à l'offensive en Ukraine le 24 février, selon divers analystes russes, a déclenché une véritable avalanche de demandes de changement, certaines instances en suscitant d'autres, l'une entraînant l'autre. Ce qui a commencé comme une révolution d'en haut, comme une opération spéciale, mènera inévitablement à ce à quoi mène toute révolution : l'implication des larges masses dans la vie du pays.
En substance, il s'agit d'une purification de l'âme du peuple russe qui est lavée des incrustations idéologiques issues des influences occidentales, celles du libéralisme et du consumérisme exacerbé.
La survie de la Russie et le développement du pays eurasien face aux sanctions et à la confrontation militaire nécessitent une combinaison de volonté étatique et d'un environnement économique décentralisé actif, d'autant plus que les sanctions ont porté un coup sévère aux anciens capitaines d'entreprise, les cinquièmes colonnes pro-occidentales que l'on appelle les oligarques.
La Russie n'est pas encore habituée à son nouveau rôle : celui d'un foyer de changement dans le système d'ordre mondial. On peut dire qu'il y a encore de la méfiance pour ce nouveau rôle. Cependant, pour le monde russe ce n'est pas la première fois dans l'histoire à soulever une révolte globale, cela s'était déjà produit en 1917 mais dans une direction différente. On peut dire que le passé révolutionnaire avec tous ses attributs est ancré dans la mémoire génétique du peuple russe. Cependant, le contenu de la révolution actuelle n'a évidemment rien en commun avec l'idéologie communiste.
Avant tout, c'est une révolution de libération du peuple. En Ukraine, les troupes russes libèrent leurs frères slaves de l'oppression d'une idéologie nationaliste qui leur est étrangère. À l'intérieur de la Russie, la tâche consiste à se libérer de la dépendance extérieure dans l'économie, de l'influence des agents pro-occidentaux, professionnels et volontaires.
De plus, dans l'actualité de l'action du groupe dirigeant russe, il y a aujourd'hui la défense du pays contre ces idées contre nature qui sont au cœur du dernier totalitarisme occidental, un retour aux valeurs qui assurent le développement de la société et non l'effondrement du tissu social : l'amour de la patrie, la famille traditionnelle, les enfants, le travail, la liberté de pensée. Et dans ce sens, on peut parler d'une révolution conservatrice.
Si les forces de cette révolution l'emportent, ce sera un énorme signal qui aura également son effet en Europe et sera le véritable moteur du changement.
12 mai 2022
11:27 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, affaires européennes, europe, russie, otan, occident, politique internationale | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 14 mai 2022
L'Europe peut-elle exister sans la Russie ?
L'Europe peut-elle exister sans la Russie?
par Michel Pinton
Source: https://www.ideeazione.com/puo-leuropa-esistere-senza-la-russia/
La question qui constitue le titre de cet article a été posée aux participants d'un séminaire que j'ai eu l'honneur d'organiser il y a trente ans. C'était en 1994. La Russie luttait pour émerger des ruines de l'empire soviétique. Sa longue captivité l'avait épuisé. Enfin libre, elle n'avait qu'une seule aspiration : retrouver sa force et être à nouveau elle-même. J'entends par là non seulement retrouver la prospérité matérielle que les bolcheviks avaient dilapidée, mais aussi reconstruire ses relations sociales détruites, son ordre politique effondré, sa culture déformée et son identité perdue.
À l'époque, j'étais membre du Parlement européen. Il me semblait essentiel de comprendre ce qu'était la nouvelle Russie, quelle voie elle empruntait et comment l'Europe occidentale pouvait travailler avec elle. J'ai eu l'idée de conduire une délégation de députés à Moscou pour discuter de ces questions avec nos homologues de la Douma fédérale. J'en ai parlé à Philippe Seguin, alors président de l'Assemblée nationale française, et il a immédiatement accepté mon projet. Les parlementaires russes ont répondu à notre demande en nous invitant à venir immédiatement. D'un commun accord, nous avons décidé d'élargir nos délégations respectives à des experts dans les domaines de l'économie, de la défense, de la culture et de la religion, afin que leurs réflexions éclairent nos discussions.
Seguin et moi n'étions pas seulement poussés par la curiosité envers cette nation alors indécise. Nous nous considérions comme les héritiers d'une école de pensée française selon laquelle l'Europe est une, de l'Atlantique à l'Oural, non seulement sur le plan géographique, mais aussi en termes de culture et d'histoire. Nous étions également convaincus que ni la paix, ni le développement économique, ni l'avancement des idées ne pouvaient être établis sur notre continent si ses nations se déchiraient les unes les autres, voire s'ignoraient. Nous avons voulu poursuivre la politique d'entente et de coopération initiée par Charles de Gaulle de 1958 à 1968 et brièvement reprise en 1989 par François Mitterrand dans sa proposition de "grande confédération européenne".
L'OTAN : un obstacle à nos projets
Nous savions qu'il y avait un obstacle à notre projet : il s'appelait OTAN. De Gaulle, le premier, n'avait cessé de dénoncer ce "système par lequel Washington tient la défense et par conséquent la politique et même le territoire de ses alliés européens". Il affirmait qu'il n'y aurait jamais de "véritable Europe européenne" tant que ses nations occidentales ne se seraient pas libérées de la "lourde tutelle" exercée par le Nouveau Monde sur l'Ancien. Il avait donné l'exemple en "libérant la France de l'intégration sous commandement américain". Les autres gouvernements n'ont pas osé le suivre. Mais la chute de l'empire soviétique en 1990, et la dissolution du Pacte de Varsovie, semblaient justifier la politique gaulliste: il était évident pour nous que l'OTAN, ayant perdu sa raison d'être, devait disparaître. Il n'y avait plus aucun obstacle à une entente étroite entre tous les peuples d'Europe. Seguin, en homme d'État visionnaire, pourrait envisager "une organisation spécifique de la sécurité en Europe" sous la forme "d'un Conseil européen de sécurité dans lequel quatre ou cinq des grandes puissances, dont la Russie et la France, auraient un droit de veto".
C'est avec ces idées que je me suis rendu à Moscou. Seguin a été retenu à Paris par une contrainte inattendue de la session parlementaire française. Notre séminaire a duré trois jours. L'élite russe est venue avec autant d'enthousiasme que les représentants de l'Europe occidentale. De nos échanges, j'ai tiré une leçon principale : nos interlocuteurs sont obsédés par deux questions fondamentales pour l'avenir de leur nation: qui est russe? Comment assurer la sécurité de la Russie?
La première question découle des frontières arbitraires que Staline avait imposées au peuple russe au sein de l'ancienne Union soviétique. La seconde était la réapparition des souvenirs tragiques des invasions passées. Certains pensaient que les réponses se trouvaient dans le commerce avec l'Europe occidentale, dont les nations avaient appris à négocier leurs limites et à travailler ensemble fraternellement pour le bien de tous. Et puis il y en avait d'autres qui, rejetant l'idée d'une vocation européenne de la Russie, considéraient qu'elle avait son propre destin, qu'ils appelaient "eurasien". Naturellement, c'est le premier groupe que nous avons encouragé. C'est à ce groupe que nous avons apporté nos propositions. Il était dominant à l'époque.
En relisant le compte rendu de ce séminaire trente ans plus tard, mon cœur se serre en redécouvrant l'avertissement que nous avait donné un éminent universitaire, alors membre du Conseil présidentiel : "Si l'Occident ne montre aucune volonté de comprendre la Russie, si Moscou n'acquiert pas ce à quoi elle aspire - un système de sécurité européen efficace - si l'Europe ne sort pas de son isolement, alors la Russie deviendra inévitablement une puissance révisionniste". Elle ne se contentera pas du statu quo et cherchera activement à déstabiliser le continent".
En 2022, c'est exactement ce qu'elle fait. Pourquoi notre génération d'Européens a-t-elle échoué si lamentablement dans l'œuvre d'unification qui semblait à portée de main en 1994 ?
Nous avons tendance à rejeter la faute sur un seul homme : Poutine, "un dictateur brutal et froid, un menteur invétéré, nostalgique d'un empire disparu", que nous devons combattre, voire éliminer, afin que la démocratie, le précieux trésor de l'Occident, puisse également prévaloir à l'Est et y établir la paix. C'est à cette tâche, sous l'égide de l'OTAN, que nous appelle le président américain Joe Biden. Son explication a l'avantage d'être simple, mais elle est trop intéressée pour être acceptée sans examen. Ceux qui ne sont pas dominés par les émotions de l'actualité n'ont aucune difficulté à comprendre que le problème de l'Europe est beaucoup plus complexe et profond.
L'histoire de notre continent au cours des trente dernières années peut se résumer à un éloignement progressif de l'Est de l'Ouest. Dans l'ancien empire soviétique, la principale préoccupation était, et est toujours, de reconstruire des nations qui renoueront avec leur passé et vivront en toute sécurité pour être à nouveau elles-mêmes. Pour la Russie, cela signifie réunir tous les peuples qui revendiquent la patrie, établir des relations stables et de confiance avec les nations sœurs du Belarus, de l'Ukraine et du Kazakhstan, et construire un système de sécurité européen qui la protège des dangers extérieurs.
L'obsession européenne
Les dirigeants d'Europe occidentale ont eu une préoccupation très différente. Depuis la chute du mur de Berlin, ils ont consacré leur attention, leur énergie et leur confiance à ce qu'ils ont appelé "l'Union européenne". Le traité de Maastricht, la construction de la monnaie unique, la "constitution" de Lisbonne - voilà ce sur quoi ils ont travaillé presque à plein temps. Alors qu'à l'Est, ils s'efforçaient de rattraper le temps perdu dans l'histoire nationale, à l'Ouest, les élites se sont laissées emporter par une mystique irrésistible, celle du dépassement des nations et de l'organisation rationnelle de l'espace commun. Le problème de la sécurité ne se pose plus à l'Ouest, puisque tous les différends entre les États membres doivent être réglés par des instances supranationales. La paix dans l'"Union" semblait être définitivement établie. En bref, l'Occident pensait avoir dépassé l'idée de nation et construit un système stable de fin heureuse de l'histoire. La Russie était confrontée à des questions brûlantes sur l'idée de nation et avait un sentiment croissant de rendez-vous déchirants avec l'histoire. Dans ces conditions, l'Est et l'Ouest n'avaient pas grand-chose à échanger, à l'exception du pétrole et des machines-outils, dont le niveau est trop bas pour atténuer leurs futures divergences.
En conséquence, l'OTAN est devenue une pomme de discorde encore plus grave qu'à l'époque des deux blocs. En Europe occidentale, l'organisation militaire dirigée par Washington est considérée comme une garantie bénigne contre les éventuels retournements de l'histoire. Elle permet à ses peuples membres de profiter des "dividendes de la paix" du monde extérieur sans s'en préoccuper, tout comme l'Union le fait pour sa paix intérieure. En Russie, l'OTAN apparaît comme une menace mortelle. C'est l'instrument d'une puissance qui a montré à de nombreuses reprises depuis la chute du mur de Berlin sa volonté d'hégémonie mondiale et de domination sur l'Europe. L'inclusion de la Pologne, des trois États baltes et de la Roumanie, tous si proches de la Russie, dans les territoires couverts par la suprématie américaine a été applaudie en Occident. À Moscou, elle a suscité l'inquiétude et la colère.
L'échec de la France
Et la France ? Pourquoi n'a-t-elle pas essayé d'empêcher la division progressive de notre continent ? Parce que sa classe dirigeante a toujours choisi d'accorder la priorité absolue à la mystique de l'"Union européenne". En conséquence logique, elle s'est laissée entraîner dans son complément naturel, l'OTAN. Jacques Chirac a participé, à contrecœur bien sûr, mais explicitement, à l'expédition décidée par Washington contre la Serbie. Sarkozy a pris le parti de rapprocher notre pays du système dominé par les Américains. Hollande et Macron nous ont liés toujours plus étroitement à l'organisation dont la tête est de l'autre côté de l'Atlantique. En nous liant toujours plus étroitement à l'OTAN, nos présidents ont perdu une grande partie du crédit international dont jouissait la France lorsqu'elle était libre de faire ce qu'elle voulait.
Un sursaut de conscience les a parfois amenés à rejeter la tutelle américaine et à reprendre la mission que de Gaulle avait commencée. Chirac a refusé de participer à l'agression de Bush contre l'Irak, Sarkozy s'est entendu à lui seul avec Moscou sur les termes d'un armistice en Géorgie, Hollande a négocié les accords de Minsk pour mettre fin aux combats en Ukraine, ils ont tous accompli des actes dignes de notre vocation européenne. Ils ont même réussi à engager l'Allemagne. Mais hélas, leurs efforts ont été improvisés, partiels et de courte durée.
C'est à cause de cette série de divergences que l'Europe a été une fois de plus coupée en deux. La malheureuse Ukraine, située sur la ligne de fracture du continent, est la première à en payer le prix en sang, larmes et destruction. La Russie le revendique au nom de l'histoire. L'Union européenne s'indigne au nom des valeurs démocratiques qui, selon elle, mettent fin à l'histoire. L'Amérique profite de ce différend insoluble pour avancer discrètement ses pions et rendre l'issue de la guerre encore plus compliquée.
Voilà où se trouve l'Europe un tiers de siècle après sa réunification : un abîme de malentendus la divise ; une guerre cruelle la déchire ; un nouveau rideau de fer, imposé cette fois par l'Occident, commence à séparer son espace ; la course aux armements a repris ; et, plus encore que la chute vertigineuse des échanges économiques, c'est la fin des échanges culturels qui menace chacune de ses deux faces. Le grand Européen Jean-Paul II avait coutume de dire que notre continent ne pouvait respirer qu'avec ses deux poumons. Aujourd'hui, en Occident comme en Orient, nous sommes condamnés à ne respirer qu'avec un seul. C'est un mauvais présage pour les deux moitiés. Mais les vrais Européens doivent refuser de se décourager. Même s'ils sont peu entendus aujourd'hui, ce sont eux et eux seuls qui peuvent ramener la paix sur notre continent et lui rendre sa prospérité et sa grandeur.
10 mai 2022
11:28 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géopolitique, europe, russie, affaires européennes, politique internationale, otan, atlantisme | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Une rose des vents hégémonique et décadente
Une rose des vents hégémonique et décadente
par Georges Feltin-Tracol
Parmi les nombreuses hétérotélies qui découlent de l’« opération militaire spéciale » russe en Ukraine, destinée entre autres à empêcher l’ancrage de ce pays dans l’orbite euro-atlantique, la plus flagrante serait le renoncement par la Suède et la Finlande de leur neutralité historique afin de rejoindre au plus tôt l’Alliance Atlantique et son bras armé, l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord).
Signé le 4 avril 1949, le traité de Washington réunit douze États des deux rives septentrionales de l’Atlantique dont le Portugal de Salazar et l’Islande qui présente la particularité de ne pas disposer d’armée. Ce pacte fonde l’Alliance Atlantique en opposition frontale à l’Union Soviétique et au bloc de l’Est. La guerre de Corée en 1950 l’incite à se doter d’une composante militaire : l’OTAN.
La fin de la Guerre froide qui s’étend du 9 novembre 1989 (chute du mur de Berlin) au 25 décembre 1991 (éclatement imprévu de l’URSS) aurait pu – et aurait dû – provoquer la dissolution de l’OTAN. Son pendant soviétisé, le Pacte de Varsovie, a bien disparu dès 1991. Or la structure atlantiste va survivre à ce grand tournant de l’histoire. Elle va contribuer à l’hégémonie des États-Unis d’Amérique en Europe et à renforcer la domination occidentale matérialiste – eudémoniste sur les cinq continents. Aujourd’hui, l’organisation occidentaliste comprend trente membres dont les plus récents datent de 2009 (Albanie et Croatie), de 2017 (Monténégro) et de 2020 (Macédoine du Nord). L’arrivée prochaine de la Suède et de la Finlande sonnera le glas de toute « Europe – puissance » indépendante. À l’exception de l’Irlande, de Malte, de Chypre, de l’Autriche, de la Suède et de la Finlande, tous les États de la soi-disant Union européenne sont plus ou moins intégrés dans l’OTAN. La neutralité affichée d’États européens tels que la Suisse n’a jamais empêché une intense coopération discrète. Dans la perspective d’une invasion soviétique, l’état-major otanien avait très tôt mis en place des unités clandestines de guérilla connues sous le nom de code de Stay Behind et, en Italie, de Gladio. L’Autriche, la Suède et même la Suisse ont bénéficié de ce soutien implicite. Aucun État européen n’est de nos jours étranger à l’atlantisme institutionnel.
Dans la décennie 1990, certains milieux républicains conservateurs, souvent marginaux, tablent sur un ralliement rapide de la Russie à la sphère occidentale. L’arrivée de l’ancien ennemi aurait bouleversé la donne géopolitique et diplomatique pour tout le début du XXIe siècle, car, une fois dans l’OTAN, la Russie aurait incité les anciennes républiques soviétiques, y compris l’Ukraine et la Géorgie, à l’y rejoindre. L’extension de l’alliance militaire atlantique de Vancouver à Vladivostok via Moscou aurait toutefois été vue par l’Iran et la Chine comme une menace frontalière existentielle. Incapables de dépasser leurs préjugés russophobes, les cénacles néo-conservateurs, démocrates et républicains, rejetèrent cette éventualité et ratèrent leur rendez-vous avec le kairos. Au contraire, l’agression russe contre l’Ukraine concrétise leur lubie géostratégique. Dans les années 2000, l’OTAN participa à l’invasion et à l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak.
Aucune autre entente multinationale ne présente un tel écho planétaire qui correspond aux visées d’un Occident-monde totalitaire. L’OTAN a ainsi noué d’intenses contacts avec divers pays non-européens dans une série de contrats appelés « Plans d’action individuel de partenariat » (Serbie, Ukraine, Géorgie, Arménie, Kazakhstan), « Partenariat pour la paix » (Irlande, Suisse, Autriche), « Dialogue méditerranéen » (Israël, Jordanie, Égypte, Maghreb dont l’Algérie) », « Initiative de coopération d’Istanbul » (Koweït, Émirats arabes unis, Qatar) et « Partenariat global » (Colombie, Irak, Pakistan, Mongolie, Corée du Sud, Japon, Nouvelle-Zélande). Quant à l’Australie, considérée comme un « allié majeur », elle posa en 2014 sa candidature à l’Alliance Atlantique.
Le bloc euro-atlantique constitue un grand espace qu’ordonnent et dominent les États-Unis d’Amérique. C’est un Commonwealth ultra-libéral de ploutocraties d’apparence démocratique qui sert aussi de vaste marché au complexe militaro-industriel étatsunien. Sans vouloir empiéter sur les analyses judicieuses de l’émission de Radio Méridien Zéro versée dans les questions militaires, « Ça se défend », le Rafale français, l’Eurofighter Typhoon anglo-germano-hispano-italien et le JAS 39 Gripen suédois ne peuvent pas rivaliser avec le F-35 étatsunien à la réputation (au choix) de fer à repasser volant ou de corbillard aérien. Les industries d’armement européens, en particulier françaises et suédoises, connaîtront dans les prochaines années le sort peu enviable d’Alstom racheté par General Electric grâce à une prise d’otage légale outre-Atlantique (l’affaire Frédéric Pierucci, par exemple).
À côté de son action patiente de pillage systématique du savoir-faire européen, l’OTAN, l’Alliance Atlantique et leur complice, l’Union dite européenne, attisent le nouveau chaos mondial. L’OTAN n’a jamais défendu l’Occident boréen. Elle représente plutôt l’avant-garde de la révolution sociétaliste cosmopolite. Ses instances dirigeantes souscrivent à toutes les pathologies de la modernité tardive liquide. Le 19 mars 2021, le siège bruxellois de l’OTAN tenait une conférence interne consacrée à la dimension LGBTQ+ sur le lieu de travail. La rose des vents se trouvait pour l’occasion associée au fameux drapeau arc-en-ciel… Le communiqué de presse officiel de l’entité atlantiste affirmait qu’elle « est attachée à la diversité. Toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion, la nationalité, le handicap ou l’âge y est strictement interdite. Elle a également fait œuvre de pionnière en étant la toute première organisation au monde à reconnaître le mariage entre personnes du même sexe, offrant à ces couples les mêmes avantages qu’aux conjoints hétérosexuels, à une époque où le mariage homosexuel n’était reconnu que dans un seul pays, les Pays-Bas ». Jamais l’OTAN n’est intervenue dans la crise des migrants en 2015. Elle ne s’est jamais déployée pour protéger et stabiliser le flanc Sud de la Méditerranée. L’idéologie multiculturaliste, la pensée « woke » et l’« inclusivisme » sont devenus avec l’ultra-libéralisme sécuritaire les mamelles conceptuelles de l’atlantisme 2.0.
On ne peut que constater toute la nocivité de cette organisation qu’Emmanuel Macron estimait avec erreur le 7 novembre 2019 en « mort cérébrale ». La mort cérébrale, c’est en fait ce qui attend les peuples albo-européens s’ils ne décident pas de se lever contre cette folle emprise mortifère civilisationnelle.
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 32, mise en ligne, le 10 mai 2022, sur Radio Méridien Zéro.
10:42 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : otan, atlantisme, occidentalisme, europe, affaires européennes, politique internationale | | del.icio.us | | Digg | Facebook